Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger (n° 2545) (M. Jean-Michel Clément, rapporteur)                            2

 Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso (n° 2631) (M. Jean-Michel Clément, rapporteur)                            2

 Délibération, ouverte à la presse, sur le rapport d’information sur les dimensions européenne et internationale de la crise liée à la pandémie de covid-19 (Mme Marielle de Sarnez, rapporteure)                            10

 Communication, ouverte à la presse, des co-rapporteurs de la mission d’information sur le partenariat futur entre l’Union européenne et le Royaume-Uni (MM. Pierre-Henri Dumont et Alexandre Holroyd, co-rapporteurs)                            19

Mercredi  
16 décembre 2020

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 021

session ordinaire de 2020-2021

Présidence
de Mme Isabelle Rauch,
Vice-présidente

 


  1 

Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger (n° 2545)
(M. Jean-Michel Clément, rapporteur) et le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso (n° 2631) (M. Jean-Michel Clément, rapporteur)

Délibération, ouverte à la presse, sur le rapport d’information sur les dimensions européenne et internationale de la crise liée à la pandémie de covid-19
(Mme Marielle de Sarnez, rapporteure)

Communication, ouverte à la presse, des co-rapporteurs de la mission d’information sur le partenariat futur entre l’Union européenne et le Royaume-Uni (MM. Pierre-Henri Dumont et Alexandre Holroyd, co-rapporteurs)

La séance est ouverte à 9 heures 35.

Présidence de Mme Isabelle Rauch, vice-présidente.

I.– Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger (n° 2545) et le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso (n° 2631)

Mme Isabelle Rauch, présidente. Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle l’examen, ouvert à la presse, et le vote de deux projets de loi autorisant l’approbation des conventions d’entraide judiciaire en matière pénale et l’extradition avec le Niger et le Burkina Faso. Ces deux conventions feront l’objet d’une discussion commune.

Ces accords internationaux sont classiques. Notre commission a été saisie à plusieurs reprises d’accords de même nature. Nous avons ainsi approuvé, début 2020, les traités avec le Vietnam et, auparavant, les conventions avec Sainte-Lucie, le Cambodge, les Comores, les Émirats arabes unis ou le Costa Rica.

Je laisse la parole au rapporteur Jean-Michel Clément, pour nous présenter les deux conventions avec le Niger et le Burkina Faso.

M. Jean-Michel Clément, rapporteur. Je suis ravi d’être avec vous pour l’une des dernières réunions de l’année. Il me revient de vous présenter, ce matin, les conventions d’extradition et d’entraide judiciaire en matière pénale conclues avec le Burkina Faso, d’une part, et le Niger, d’autre part, dont il vous sera demandé d’autoriser l’approbation. Le Sénat, saisi en première lecture, a adopté les projets de loi autorisant cette approbation. Ces conventions ont été signées en 2018. Elles sont issues des réflexions d’un groupe de travail, piloté par le ministère français de la justice et consacré à l’entraide pénale avec les principaux États de la région. La France est déjà liée aux deux États concernés par des conventions signées en 1961 avec le Burkina Faso et en 1977 avec le Niger. Toutefois, des évolutions majeures sont intervenues depuis. La criminalité organisée s’est internationalisée et complexifiée. Des réseaux de trafics d’êtres humains, d’armes, de stupéfiants, d’or agissent dans la bande sahélo-saharienne et leurs ramifications s’étendent jusqu’en Europe.

Les pays de la région sont confrontés, par ailleurs, depuis plusieurs années, dans des proportions inconnues jusqu’alors, à une menace terroriste qui continue, hélas, à faire de nombreuses victimes. L’attaque meurtrière perpétrée par Boko Haram il y a quelques jours, au Niger, dans la région de Diffa, en témoigne, tout comme l’enlèvement très récent des jeunes lycéens.

La frontière entre criminalité organisée et terrorisme est très poreuse. Les autorités françaises peuvent avoir à connaître de ce type d’affaire, soit parce que des ressortissants français figurent parmi les victimes, comme ce fut le cas au Niger, il y a peu, soit parce qu’ils sont, au contraire, mis en cause, soit parce que les dossiers concernés sont susceptibles d’avoir des répercussions pour la sécurité de notre pays. Inversement, les autorités burkinabè et nigériennes ont besoin de la coopération des juridictions françaises dans un certain nombre de dossiers sensibles. Les anciens accords bilatéraux de 1961 et 1977 ne sont plus adaptés, sur bien des points, aux nouveaux défis posés par la criminalité organisée et le terrorisme. L’exécution des demandes françaises d’entraide et d’extradition se révèle particulièrement lente, prenant souvent un an, voire davantage, quand ces demandes ne tombent pas purement et simplement dans l’oubli, vidées de leur substance. Les quatre conventions concernées visent donc à rénover un cadre juridique devenu obsolète afin de favoriser une exécution plus rapide et efficace des demandes. Ces conventions organisent, de manière claire, les modalités de communication et de transmission des demandes d’entraide et d’extradition, notamment dans les cas les plus urgents. Elles posent expressément une obligation de célérité. Rappelons au passage, pour lever toute ambiguïté, que l’extradition n’a rien à voir avec le droit des étrangers. Cette procédure tend à remettre l’auteur d’un délit ou d’un crime à un autre État, pour qu’il y soit jugé et y exécute sa peine. Elle vise à éviter que l‘auteur d’une infraction d’une certaine gravité trouve refuge dans un autre État pour ne pas avoir à répondre de ses actes.

Les conventions en cause permettront de recourir aux techniques modernes d’enquête, telles que les auditions par vidéoconférence, les demandes d’informations en matière bancaire, les saisies et confiscations d’avoirs criminels, les interceptions de télécommunications, les livraisons surveillées et les opérations d’infiltration, autant de domaines qui n’étaient pas couverts par les précédents accords et qui représentent aujourd’hui des outils essentiels pour lutter contre la criminalité et le terrorisme.

Ces conventions prévoient, ce qui est essentiel, les garanties indispensables qui doivent entourer ce type de procédure. L’entraide peut ainsi être refusée si la demande se rapporte à des infractions politiques. Les témoins, experts ou personnes poursuivies, lorsqu’ils sont appelées à comparaître devant les autorités judiciaires du pays demandeur, bénéficient d’immunités précisément définies. De même, l’extradition ne saurait être accordée lorsque les infractions reprochées sont de nature militaire ou politique, ou s’il existe de sérieuses raisons de croire que l’extradition a été demandée afin de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d’opinion politique. Des clauses excluant l’extradition en cas de risque d’application de la peine de mort ont aussi été insérées à toutes fins utiles, alors même que la peine capitale a été supprimée du code pénal burkinabè et que le Niger est abolitionniste de fait depuis 1976. Par ailleurs, en vertu du principe de spécialité, une personne ne pourra être poursuivie pour un fait autre que celui ayant motivé son extradition.

Les quatre conventions comportent également des garanties pour la protection des données personnelles. L’ambassadeur de France au Niger, que j’ai auditionné, a souligné la grande qualité rédactionnelle et juridique des textes ainsi négociés. Ils ont fait l’objet d’une élaboration attentive, inspirée en grande partie des mécanismes de coopération de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe. Ils ont d’ailleurs servi de modèle à des conventions similaires signées avec le Mali en octobre 2019. M. l’ambassadeur de France au Niger, dans son poste précédent, était à la manœuvre pour négocier les conventions que nous examinons aujourd'hui. Il était donc parfaitement autorisé et habilité à répondre précisément à nos questions, ce qu’il a fait bien volontiers.

Les moyens budgétaires et techniques du Burkina Faso et du Niger ne leur permettront pas d’utiliser immédiatement l’ensemble des techniques modernes, d’audience ou d’enquête, citées précédemment. Il est cependant important de poser le cadre juridique, quitte à ce qu’il soit recouru à ces techniques plus tard. Il appartiendra ensuite à la France d’apporter son aide matérielle, financière et opérationnelle pour faciliter ce recours. Notre pays s’y emploie déjà, par l’intermédiaire de l’Agence française de développement ou des programmes de formation de magistrats africains. Cette aide de la France est un complément indispensable de notre soutien militaire. Il ne suffit pas, en effet, de remporter des victoires sur le terrain et d’appréhender un certain nombre de membre présumés de groupes armés si ces victoires ne trouvent pas un relais judiciaire et étatique. Ce dernier aspect a d’ailleurs été expressément conçu comme l’un des piliers de la Coalition pour le Sahel, établie dans le prolongement du Sommet de Pau, du 13 janvier 2020. Sur la base de ce soutien global et intégré, nous pourrons lutter efficacement contre la criminalité organisée et le terrorisme, avec nos partenaires nigériens et burkinabè, à qui nous unissent une culture juridique et administrative commune mais aussi des liens d’amitié historiques. L’approbation de ces conventions me semble particulièrement opportune et bienvenue. C’est pourquoi je vous invite à adopter ces projets de loi.

M. Jacques Maire. Je salue le travail du rapporteur, qui est un très grand connaisseur de cette zone géographique. Il nous permet d’avoir une vision d’ensemble des enjeux de la ratification de ces conventions. Face aux défis de la criminalité transfrontalière et du terrorisme, il était devenu nécessaire de réactualiser notre coopération judiciaire en matière pénale, en particulier ces vieilles conventions d’extradition qui nous lient au Niger et au Burkina Faso.

Malgré les succès remportés depuis le Sommet de Pau, la situation reste fragile au Niger. Nous avons tous en tête le drame atroce de l’attaque de Kouré, survenu cet été. Quant au Burkina Faso, la sécurité ne cesse de s’y dégrader depuis un an, dans le Sud et l’Est. Sans parler de l’enlèvement, très récent, des lycéens, au nord du Nige. Il n’est que temps de renforcer la coopération internationale.

Ces conventions complèteront l’action de la France dans la région et moderniseront les moyens déployés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. La plupart des demandes d’entraide, d’ailleurs, émanent de la France. Ces conventions permettront d’organiser des auditions par vidéoconférence, de recourir à des techniques spéciales d’enquête, de geler des avoirs, mais aussi d’extrader des personnes recherchées pour les soumettre à des poursuites pénales ou à l’exécution d’une peine privative de liberté.

Les deux conventions respectent les standards juridiques nationaux et internationaux. Si l’extradition est demandée pour des raisons tenant aux opinions politiques, à la religion, à la nationalité, ou si la personne est passible de la peine de mort, nous refuserons la demande.

Aujourd’hui, le volume de demandes d’extraditions est très faible mais l’une mérite d’être signalée : celle de François Compaoré, le frère de Blaise Compaoré, ancien président de la République du Burkina Faso. François Compaoré a été arrêté le 29 octobre 2017 à l’aéroport de Roissy, à la suite du mandat d’arrêt émis par le juge d’instruction qui s’occupait des assassinats du journaliste d’investigation Norbert Zongo et de ses trois compagnons de voyage. Le décret du Premier ministre est en cours de rédaction. Cette extradition est très attendue par la population burkinabè, dans le contexte politique qui s’ouvre avec la réélection du président Kaboré. L’un des grands défis de la relation bilatérale est, bien naturellement, l’aspect mémoriel.

Concernant les magistrats et leur formation, le financement des partenariats techniques, il est important d’adopter une approche globale, comme nous y invite Alliance Sahel. Parmi les six secteurs prioritaires, les actions de l’Alliance en matière de gouvernance et de sécurité intérieure visent à renforcer l’État de droit et à améliorer l’efficacité de la gestion. Le programme d’appui à la justice, la sécurité et la gestion des frontières au Niger (AJUSEN), doté de 80 millions d’euros, est en cours de déploiement afin de renforcer les postes frontières – indispensables pour contrôler les flux migratoires et lutter contre les trafics –, fournir des équipements logistiques et informatiques à l’Agence nationale de lutte contre la traite des personnes, et former les magistrats des pôles judiciaires antiterroristes, économiques et financiers.

Le rapporteur a évoqué le soutien de la France. J’aborderai un cas particulier, que j’ai bien connu : le lancement des équipes conjointes d’investigation. Elles témoignent de la relation de confiance entre ces deux pays. Des fonctionnaires de police judiciaire français ont revêtu l’uniforme nigérien et intégré des équipes nigériennes, sous commandement nigérien, pour renforcer la coopération internationale. Ce type de coopération est, d’ordinaire, très difficile à obtenir et à organiser entre deux États souverains. Le seul fait d’avoir réussi à l’instaurer témoigne de la qualité de ce partenariat.

Ces conventions répondent au besoin d’une coopération renforcée avec les pays du Sahel dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. À la suite des sénateurs et de nos homologues nigériens et burkinabè, le groupe La République en Marche votera en faveur de ces projets de loi.

M. Bruno Joncour. Je salue la qualité du rapport qui dresse un bilan complet de la situation sociale, politique et judiciaire du Burkina Faso et du Niger et retrace avec justesse la coopération entre ces États et la France. La relation qui unit notre pays au Burkina Faso et au Niger repose sur des liens d’amitié anciens et le partage d’une histoire commune riche. Elle se traduit aujourd’hui par une coopération efficiente dans divers secteurs, administratifs ou militaires, mais qui nécessite d’être développée sur le plan judiciaire.

Alors qu’au Burkina Faso, le contexte politique s’apaise, que le Niger gagne en stabilité démocratique et présente de plus en plus les garanties d’un État de droit, nous devons approfondir et étendre la coopération entre la France et ces pays en adoptant ces conventions d’entraide judiciaire en matière pénale et ces conventions d’extradition.

La menace terroriste, si elle concerne le monde entier, n’est plus la seule à dépasser les frontières. Depuis plusieurs années, la criminalité, qu’il s’agisse du trafic d’êtres humains, de stupéfiants, ou d’armes, tend à s’internationaliser. La France est fortement impliquée au travers de diverses initiatives aux côtés des principaux États de la bande sahélo-saharienne, dans la lutte contre le terrorisme. Ce contexte de criminalité organisée et d’accroissement du risque terroriste impose de moderniser et d’améliorer la coopération judiciaire en matière pénale mais aussi les canaux de coopération, notamment pour ce qui concerne l’extradition. C’est pourquoi le groupe du Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés votera en faveur de l’approbation de ces conventions, indispensables pour lutter contre les réseaux internationaux de criminalité et répondre au défi grandissant du terrorisme.

M. Alain David. Ces conventions constituent de nouveaux outils pour mieux lutter contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne. Ils nous offrent l’occasion de nous pencher sur la situation de deux pays aux liens anciens et étroits avec la France. Ainsi, nous avons pu apprécier la description de la situation post-électorale au Burkina Faso et celle de la situation pré-électorale au Niger.

Pourriez-vous décrire la dégradation de la situation sécuritaire au Burkina Faso et expliquer les pistes envisagées pour renforcer la coopération militaire avec le pays ? En effet, la province du Soum, dans le nord du pays, semble frappée par une recrudescence d’opérations d’hommes armés, sans que l’on puisse distinguer s’il s’agit de djihadistes ou de simples bandits – ce qui revient souvent au même, d’ailleurs. Ils s’attaquent aux orpailleurs, aux mineurs. Ils prêchent et vont même jusqu’à installer des tribunaux, prélever la zakât, sorte d’aumône mentionnée dans le Coran et transformée en taxe par les groupes terroristes. Ces mouvements divers prouvent que ces deux pays ont besoin de l’aide internationale. Celle de la France est, à n’en pas douter, la bienvenue.

Mme Frédérique Dumas. Merci, monsieur le rapporteur, pour votre rapport très complet. Les deux textes que nous examinons aujourd’hui doivent permettre de revisiter des conventions devenues obsolètes. Les conventions d’extradition sont essentielles mais elles doivent être examinées attentivement car elles sont lourdes de conséquences. Nous devons être vigilants quant au respect des droits fondamentaux dans les processus d’extradition. À ce titre, les articles 5 des deux conventions d’extradition disposent que l’extradition est refusée si l’infraction commise est punie par la peine capitale, sauf si la partie requérante donne des assurances jugées suffisantes par la partie requise que cette peine ne sera pas requise et que, si elle est prononcée, elle ne sera pas exécutée.

Si la peine de mort a été abolie au Burkina Faso, elle reste en vigueur au Niger même si aucune exécution n’a eu lieu depuis 1976. Cependant, en mars 2019, la cour d’assises de Zinder a condamné un homme à la peine de mort pour assassinat. Monsieur le rapporteur, quelle suite a-t-il été donné à cette sentence ?

Enfin, ces quatre conventions doivent permettre de lutter plus efficacement contre les réseaux internationaux de criminalité et le terrorisme. Si ces conventions doivent avoir ce rôle, la lutte contre le terrorisme dépend surtout de nos actions de développement, qui doivent être concrètes dans cette région du monde. Je suis revenue avant-hier d’un déplacement au Burkina Faso où la situation est très inquiétante. Plus d’un million de personnes ont été déplacées, des centaines d’écoles sont fermées, l’économie informelle est en pleine expansion, les zones de non-droit se propagent inexorablement. Tous nos interlocuteurs nous ont alertés. Seules certaines ONG continuent à intervenir physiquement dans des zones très rouges où seules les entreprises locales peuvent se maintenir. Je salue, à cet égard, le travail d’un Franco-Burkinabè, Patrice Chevalier, qui, depuis trente-cinq ans, alimente les villages en eau et en électricité, au Burkina, au Mali, au Niger, jusque dans les zones les plus difficiles.

Nous devons intensifier et accélérer nos efforts pour mettre au point, le plus vite possible, des outils d’intervention opérationnels pour les populations, sinon nous resterons impuissants face à des forces qui défendent un modèle contraire à nos aspirations et à celles des populations mais qui apportent opportunément des réponses à leurs besoins essentiels et vitaux. Ce sont, hélas, des forces criminelles, qui prolifèrent dans les zones de non-droit. Les problèmes structurels doivent être résolus sur le long terme et nous devons soutenir tous les efforts en faveur de la démocratie. Précipiter l’investiture de dirigeants élus au mépris de la Constitution de leur pays ou qui risquent de l’être à travers des processus électoraux entachés d’irrégularité, comme l’a fait notre ministre des affaires étrangères en Côte d’Ivoire ou au Niger est, à mon sens, une grave erreur dont nous déplorerons très bientôt les conséquences. Apporter une légitimité aux manquements avérés à l’État de droit par un soutien affiché crée un immense ressentiment. En contribuant à l’affaiblissement de la démocratie, conjugué au recul de la sécurité et l’absence de services publics efficients sur le territoire, nous accélérons la survenue de ce que nous passons notre temps à dénoncer et redouter : une immigration massive, la montée des actes terroristes ou criminels, l’aggravation des ressentiments, l’explosion de la cohésion sociale. Les conventions d’extradition, si elles sont nécessaires dès lors qu’elles respectent les droits fondamentaux, n’y pourront pas grand-chose.

M. Jean-Paul Lecoq. Je remercie le rapporteur pour la qualité de son travail. En octobre dernier, nous commémorions les trente-trois ans de l’assassinat du président du Burkina Faso, Thomas Sankara, et nous continuons d’espérer la tenue d’un procès en 2021, suite à l’ordonnance de renvoi devant la chambre de contrôle du tribunal militaire de Ouagadougou rendue par le juge d’instruction en charge du dossier. Des personnalités et des associations demandent à Paris de livrer plusieurs lots d’archives déclassifiées afin de faire toute la lumière sur l’affaire. Deux lots l’ont déjà été mais le troisième, en cours de négociation, n’a pas encore été transmis à la justice burkinabè. Il serait nécessaire, semble-t-il, d’accélérer l’entraide judiciaire, en toute transparence. J’avais d’ailleurs envoyé un courrier à Emmanuel Macron mais je n’ai toujours pas reçu de réponse.

S’agissant, par ailleurs, de l’extradition de François Compaoré, principal accusé dans l’affaire de l’assassinat du journaliste d’investigation Norbert Zongo, la France a autorisé l’extradition par un décret signé de l’ancien Premier ministre. La procédure est en cours. Le peuple burkinabè attend le verdict du Conseil d’État, saisi par les avocats de François Compaoré. Cette extradition est attendue depuis plus de trois ans ! Nous suivons avec attention l’avancée du dossier.

Monsieur le rapporteur, ces conventions faciliteront-elles cette action ou limiteront-elles ces échanges ? Il est fondamental de faciliter et de renforcer la collaboration entre nos deux pays. Il est indispensable, pour les relations entre nos deux États, mais aussi pour le peuple burkinabè, que ces deux procès symboliques se tiennent sereinement et que la justice burkinabè suive son cours.

M. Christian Hutin. Nous avons la chance d’avoir un rapporteur qui connaisse parfaitement son sujet. Il est agréable, pour la démocratie, de pouvoir débattre de sujets aussi complexes. L’histoire plane au-dessus de nous. Des accords similaires ont été passés avec le Sénégal, le Mali. Ils sont essentiels. Bien évidemment, les démocraties africaines soulèvent encore de nombreuses interrogations. Ainsi, le Niger votera pour élire son président de la République le 27 décembre mais le deuxième tour n’aura lieu qu’un mois après, ce qui est très étonnant. Ce serait inimaginable en France – quinze jours semblent déjà bien longs. Nous ne sommes qu’au début d’un cheminement vers la démocratie que la France, grâce à son histoire, doit soutenir.

Les accords sont parfaits mais notre groupe se pose encore des questions au sujet de la peine de mort. Le Niger observe un moratoire sur la peine de mort mais il peut y mettre fin du jour au lendemain. Depuis que nous avons heureusement décidé, grâce à Robert Badinter, de ne plus couper un homme un deux, nous devons rester attentifs à ces situations. Les relations que nous entretenons avec des pays frères sont essentielles pour lutter contre les trafics d’êtres humains, de stupéfiants ou le djihadisme. Hélas, il est devenu très compliqué, aujourd’hui, de faire fonctionner notre assemblée. Hier, certains de nos collègues ont travaillé jusqu’à cinq heures du matin pour examiner 800 amendements et adopter des mesures de soutien aux personnes en difficulté.

 Je remercie Jean-Michel Clément pour son rapport de grande qualité. Nous devons être attentifs, en particulier, à la question des droits de l’homme.

On pourrait accomplir un petit effort supplémentaire par le biais de l’Agence française de développement (AFD), car les institutions de ces deux États – comme de beaucoup d’autres – ne disposent pas de moyens financiers et technologiques suffisants. Rappelons que la France a une histoire commune avec ces pays ; nous partageons un droit dont l’esprit demeure marqué par l’héritage napoléonien.

M. Bruno Fuchs. Tout être humain devrait se voir reconnaître les mêmes droits, mais il ne nous appartient pas de plaquer, d’imposer nos principes, qui sont le fruit de notre histoire, de notre évolution culturelle. Nous sommes favorables à ce qu’on introduise dans les conventions une disposition garantissant que la peine de mort ne sera pas appliquée, mais laissons à ces pays le temps d’évoluer et de se rapprocher de nos valeurs. Le fait de conclure des conventions de cette nature les aidera certainement à aller dans le sens que l’on souhaite.

M. Jean-Michel Clément, rapporteur. Je vous remercie, chers collègues, pour vos propos à mon égard. Nous avons un regard commun sur l’Afrique, sur notre passé et l’action que nous conduisons aujourd’hui. Je remercie également nos interlocuteurs, qu’il s’agisse des ambassadeurs du Niger et du Burkina Faso en France, des ambassadeurs de France en poste dans ces pays, ou du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Nous connaissons tous l’histoire de ces pays, la fragilité de ces démocraties naissantes. On peut se réjouir du fait que les élections au Burkina Faso – marquées, je le rappelle, par la réélection du président Kaboré, avec 57 % des voix – se soient plutôt bien passées, malgré les problèmes récents d’insécurité. Il faut espérer que, le 27 décembre, les élections au Niger se dérouleront correctement. Le président Issoufou ne se représente pas, respectant en cela ses engagements. Il faut souhaiter que des problèmes de terrorisme ne viendront pas perturber le débat – on a vu ce qui s’est passé hier au Nigéria. Des actions terroristes pourraient ainsi survenir dans le sud du Niger, où Boko Haram est présent, ce qui ébranlerait cette fragile démocratie.

Je voudrais revenir sur les équipes d’investigation franco-nigériennes, évoquées par Jacques Maire. Sur le terrain, au-delà de la démarche judiciaire, les armées française et nigérienne se sont beaucoup rapprochées. Alors qu’il y a quelque temps, on considérait que la France s’immisçait dans la gestion du pays, son image s’est aujourd’hui nettement améliorée. Les victoires sont à présent collectives ; l’armée nigérienne s’approprie les succès sur le terrain, notamment ceux qui ont été remportés récemment dans la zone des trois frontières. L’armée nigérienne, qui a été durement touchée par les attentats, prend sa revanche au côté des Français. Bien que le Niger soit le pays le plus pauvre au monde, il accomplit de grands efforts pour renforcer la démocratie. Il est essentiel, dans cette perspective, que le pays fasse sienne ses victoires sur le terrorisme.

Je suis plus préoccupé par le Burkina Faso. Le pays des « hommes intègres » a longtemps été dirigé par un régime sévère mais vivait en paix. Si Blaise Compaoré exerçait un pouvoir tentaculaire, les conditions d’une certaine harmonie entre les confessions étaient réunies. La situation a commencé à se dégrader lorsqu’il a voulu accomplir le mandat de trop. S’il y avait eu une transition démocratique, on n’en serait pas là aujourd’hui. Son départ a déstabilisé la police et l’armée. Les gens ont voulu conserver les places qu’ils avaient acquises. L’édifice a été déstabilisé, laissant place au vide et au terrorisme, notamment dans le Nord. C’est peut-être le pays le plus en danger à l’heure actuelle. Il n’est pas beaucoup plus riche que le Niger et se trouve en grande difficulté.

On peut s’interroger sur l’opportunité de conclure des conventions d’extradition avec des pays ainsi déstabilisés. Je suis de ceux qui pensent que c’est en avançant sur des sujets comme celui-ci qu’on fera progresser la démocratie. La formation des universitaires a un rôle à jouer en la matière. Nos universités ont des échanges réguliers avec l’Afrique, par exemple en droit ; des professeurs français enseignent, par exemple, à Lomé, à Abidjan ou à Ouagadougou. Notre droit a sa place dans la manière d’appréhender les choses. On peut plus facilement concevoir et appliquer une convention avec des pays ayant une tradition juridique comparable à la nôtre. C’est un gage de réussite.

Les avocats de François Compaoré ont engagé un recours devant le Conseil d’État pour contester son extradition, qui aurait déjà eu lieu s’ils n’avaient pas intenté cette action. Voilà en effet trois ans que le recours a été formé, ce qui peut paraître un peu long. Je voudrais dire à Jean-Paul Lecoq que la convention ne gênera en rien la mise en œuvre de cette extradition. Celle-ci devrait être possible dès que le Conseil d’État aura rendu sa décision. Politiquement, ce serait un signe fort que le Burkina Faso puisse juger François Compaoré, car il s’agit d’une demande très ancienne, que j’ai souvent entendue quand je me suis rendu dans le pays.

Les archives du dossier Sankara ont déjà donné lieu à deux transmissions dans le cadre d’une commission rogatoire délivrée à la suite d’une demande d’entraide du Burkina Faso. Par définition, les conventions que nous examinons doivent faciliter la communication d’informations – en l’occurrence, la troisième transmission d’archives qui nous est demandée.

On constate une dégradation sécuritaire au Nord. Le terrorisme s’attaque aux symboles que sont l’éducation, les institutions, les maires, pour faire peur à la population. Arriverons-nous à faire avec l’armée burkinabé ce que nous avons accompli avec l’armée nigérienne ? C’est certainement là que réside une partie de la solution. L’autre volet est le développement, l’accompagnement des ONG sur place. Notre action en la matière doit être lisible pour les populations, qui pourraient se retourner contre ceux qui les violentent. C’est un combat de longue haleine, en partie psychologique.

La question de la peine de mort nous a effectivement préoccupés car, si le Burkina Faso est abolitionniste, le Niger n’en est pas tout à fait arrivé au même stade : depuis 1976, onze personnes y ont été condamnées à mort. L’article 12 de la Constitution nigérienne énonce le droit à la vie, tandis que l’article 243 du code pénal prévoit encore la peine capitale pour les crimes les plus graves. Le dispositif est quelque peu ambigu. Concrètement, les juridictions nigériennes – cela a été le cas, très récemment, de la cour d’assises de Zinder, comme l’a rappelé Frédérique Dumas – continuent de prononcer la peine capitale, même s’il s’agit d’affaires isolées. Dans les faits, ces peines ne sont pas exécutées et sont commuées en réclusion à perpétuité. Il n’en demeure pas moins que la menace plane et peut légitimement nous conduire à nous interroger. Cela nous obligera à être extrêmement vigilants. Si, demain, une situation singulière devait survenir, à l’image des affaires Compaoré ou Sankara, il faudrait certainement tenir compte de cette difficulté avant d’autoriser une éventuelle extradition. Si François Compaoré était un ressortissant nigérien, le Conseil d’État refuserait certainement d’autoriser l’extradition.

En mai 2017, le ministre de la justice nigérien a affirmé courageusement, lors de la soixantième session de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, que l’abolition de la peine de mort est « nécessaire et conforme aux constitutions modernes et doit être adoptée. » Cette position a été réaffirmée par l’adhésion au deuxième protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. Le 17 décembre 2018, le Niger a voté la résolution de l’ONU en faveur d’un moratoire sur l’application de la peine de mort, après s’être abstenu en 2016. Le pays est signataire des principales conventions internationales de protection des droits de l’homme, sans avoir pour autant abrogé l’article 243 de son code pénal. Les mécanismes existent pour nous permettre de prévenir ce type de risques. Cela étant, depuis 2009, aucune demande d’extradition n’a été faite, ni dans un sens, ni dans l’autre – ce qui ne signifie pas qu’il ne pourrait pas y en avoir à l’avenir.

Pour l’ensemble de ces raisons, je vous invite à approuver les conventions.

La commission examine le projet de loi n° 2545 autorisant l’approbation des conventions d’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition avec le Niger.

Elle adopte l’article 1er autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale.

Elle adopte l’article 2 autorisant l’approbation de la convention d’extradition.

Elle adopte ensuite le projet de loi n° 2545 à l’unanimité sans modification.

Puis la commission examine le projet de loi n° 2631 autorisant l’approbation des conventions d’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition avec le Burkina Faso.

Elle adopte l’article 1er autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale.

Elle adopte l’article 2 autorisant l’approbation de la convention d’extradition.

Elle adopte ensuite le projet de loi n° 2631 à l’unanimité sans modification.

 

II.– Délibération, ouverte à la presse, sur le rapport d’information sur les dimensions européenne et internationale de la crise liée à la pandémie de covid-19 (Mme Marielle de Sarnez, rapporteure)

Mme Isabelle Rauch, présidente. Notre ordre du jour appelle à présent à délibérer sur le rapport d’information présenté par notre présidente Marielle de Sarnez sur les dimensions européenne et internationale de la crise liée à la pandémie de la Covid-19, en vue de son autorisation de publication.

Ce rapport, qui a nécessité un travail très important, est l’aboutissement de plusieurs mois d’investissement. En notre nom à tous, je remercie notre présidente d’avoir dès le mois de mars pris l’initiative d’assurer un suivi régulier de la crise sanitaire, en organisant des dizaines d’auditions afin de recueillir l’analyse de nombreux interlocuteurs, en adressant de nombreux questionnaires aux organismes internationaux et aux institutions européennes, et en mettant en place trois groupes de travail thématiques sur l’action extérieure de la France. Les travaux de ces groupes, les très nombreuses auditions, et les réponses aux questionnaires, ont permis de nourrir ce rapport. La présidente Marielle de Sarnez a en outre invité les groupes politiques qui le souhaitent à déposer une contribution écrite à son rapport.

Notre présidente dont vous savez les problèmes de santé, regrette de ne pouvoir être présente parmi nous pour présenter son rapport. À ce titre, en mon nom et en votre nom chers collègues, je tiens à lui apporter tout notre soutien et je mesure notamment ce matin l’importance et parfois la difficulté de présider notre belle et exigeante commission. Notre présidente Marielle de Sarnez tient à remercier tous les membres de la commission pour leur implication et leur engagement dans ce qui a d’abord été un travail collectif. L’ensemble des personnalités et institutions sollicitées doivent aussi être remerciées pour la qualité de leurs contributions. Enfin, elle souhaite remercier l’ensemble du secrétariat de la commission des affaires étrangères.

Ce rapport part d’un constat : celui de la grande diversité des réponses apportées par les États à un phénomène global, qui a touché tous les continents. Mais pour lequel la très grande majorité des pays n’étaient pas préparés. Dès le départ, notre rapporteure, Marielle de Sarnez, a été convaincue de la nécessité, pour sortir mieux armés de cette crise, d’effectuer un retour d’expérience pour identifier nos forces et nos faiblesses. C’est ce qu’un État comme la Corée du Sud, qui s’est jusqu’à présent distinguée pour sa gestion de l’épidémie de la Covid-19, a su faire après la crise du MERS en 2015 : les autorités avaient rencontré de nombreuses difficultés face à cette crise, et elles ont su en tirer les leçons.

Ce retour d’expérience, présenté dans le rapport sous la forme d’un comparatif entre une dizaine de pays, dont la France, doit aussi nous permettre de favoriser les échanges de bonnes pratiques entre États. Face à cette crise inédite, aux dimensions planétaires, c’est une nécessité absolue que votre rapporteure a plusieurs fois rappelée lors de nos auditions.

S’il apparaît difficile et peu pertinent d’identifier une stratégie unique qui aurait pu fonctionner partout à l’identique, certaines constantes peuvent cependant être mises en avant, avec toute la prudence nécessaire. Ainsi la réactivité des autorités, leur capacité à maintenir un lien de confiance avec les populations, ou encore l’association, le plus tôt possible, de tous les acteurs susceptibles d’être mobilisés face à la crise, semblent avoir été des atouts de taille.

Tous les États touchés ont dû faire face aux conséquences d’une crise qui a rapidement dépassé le seul domaine sanitaire. La portée sociale, économique, psychologique aussi, de la pandémie, ne doit en rien être sous-estimée. Le présent rapport s’est ainsi efforcé de prendre la mesure de cette crise inédite, qui a été particulièrement brutale pour les populations et les groupes qui comptaient déjà parmi les plus vulnérables.

La pandémie a mis à l’épreuve la coopération européenne et internationale. Elle a posé à l’Union européenne la question de sa vocation. L’Union européenne, dont les États membres ont été touchés de façon rapprochée par la pandémie, a d’abord eu des difficultés à apporter une réponse coordonnée à cette crise et à organiser une solidarité entre les États. Une réponse européenne s’est progressivement mise en place, mais de nombreux défis restent devant nous. Parmi eux, la relance économique et la construction d’une véritable autonomie stratégique européenne, dont la crise a fait une priorité.

La pandémie a eu des conséquences sur les équilibres géopolitiques mondiaux. Elle a contribué à accélérer certaines tendances favorables à un renforcement du poids de l’Asie, comme elle a pu amplifier la rivalité sino-américaine. Dans ce contexte, l’Union européenne sera appelée à s’affirmer, afin de proposer une troisième voie sur la scène internationale.

La pandémie a souligné les limites du multilatéralisme tel que nous le connaissions depuis des années. Là aussi, les retours d’expérience seront nécessaires pour tirer toutes les leçons de cette crise et proposer de nouvelles formes de coopération. Ils ont déjà pour partie commencé : ainsi l’Organisation mondiale de la santé fait l’objet depuis le mois de juillet d’une évaluation indépendante, préalable indispensable à toute réforme. De façon générale, toutes les leçons devront être tirées pour donner une perspective nouvelle à la gouvernance sanitaire mondiale. C’est aussi le multilatéralisme dans son ensemble qui devra se réinventer. L’expérience de la crise nous invite à recherche de nouvelles méthodes, plus souples, associant acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux, autour de nouvelles priorités, telle la préservation des biens publics mondiaux. De façon plus générale, la crise nous impose la mise en œuvre de solidarités nouvelles.

En matière de coopération internationale, la France a fait preuve d’un engagement diplomatique qui doit être poursuivi. La France a ainsi joué un rôle moteur dans le lancement de l’initiative « ACT-A » qui vise notamment à accélérer le développement et l’accès à un vaccin contre la Covid-19.

Notre commission a suivi avec attention l’action du ministère de l’Europe et des affaires étrangères depuis le début de la crise, et a formulé de nombreuses propositions afin d’accompagner les adaptations et changements nécessaires au vu des conséquences de la crise sur notre action extérieure. Les conséquences de la pandémie étant encore pour partie devant nous, ce suivi a vocation à se poursuivre. Le travail initié par notre commission en mars trouvera de nombreux prolongements dans les mois à venir sur des sujets aussi variés que l’avenir de notre aide publique au développement ou la construction de l’autonomie stratégique de l’Europe.

Je remercie une nouvelle fois Marielle de Sarnez de ce rapport et lui adresse, en votre nom, nos vœux les plus chers.

À présent, je vais donner la parole à un représentant de chaque groupe politique puis à tous les députés qui souhaiteront s’exprimer sur ce rapport.

M. Jean François Mbaye. Madame la présidente, je me joins aux propos exprimés pour saluer notre présidente de commission Marielle de Sarnez. Que la chaleur de nos propos lui dise combien nous avons hâte de la retrouver parmi nous.

Chère Marielle, nous te remercions pour cet excellent rapport. Tu nous invites à faire preuve de vérité et d’optimisme. À la lecture de ce rapport, quelques mots me sont venus spontanément à l’esprit : « quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console. »  En effet, comme je le disais, il s’agit d’une invitation à la vérité et à l’optimisme.

Ce rapport dessine un état des lieux de la pandémie à l’échelle internationale qui montre avec clarté, que si la pandémie de la covid-19 est bien mondiale, il existe une diversité de réponses qu’il convient d’étudier.

Le rapport de la présidente établit avec force arguments que l’expérience dans la gestion de crise sanitaire a été l’un des éléments déterminants dans la réponse à la première vague partout dans le monde. Nous partageons cette analyse. La référence aux facteurs culturels dans la gestion de la crise est également un point dont nous saluons la présence et qui, jusqu’ici, avait été insuffisamment étudié par les parlementaires.

Madame la rapporteure, nous tenons à saluer votre analyse sur la société de confiance, à l’instar de l’exemple suédois que vous avez développé, et les stratégies non contraignantes à l’instar de celle mise en place par le Japon. Les réflexions que vous partagez interrogent notre modèle de réponse, en ce qu’il a pu constituer un défi pour la préservation de l’État de droit.

Face à la situation sanitaire exceptionnelle, les États européens, dont la France, ont adopté des mesures exceptionnelles. Quel que soit le nom donné par les États à ces « états d’urgence », ils impliquent de manière importante, et différente, une restriction de l’État de droit et des libertés individuelles.

Qu’il s’agisse de la liberté de circulation, des droits à la vie de famille, de la protection des données personnelles, les nombreuses restrictions mises en œuvre ont porté atteinte aux droits et libertés fondamentales, c’est un fait. Sur ce point, le groupe La République en Marche a souhaité apporter une contribution spécifique afin de poursuivre la réflexion que vous dessinez en la matière.

Dans votre rapport, vous soulignez le rôle du multilatéralisme. Nous avons également souhaité poursuivre les pistes que vous empruntez en proposant une réflexion portant sur la réforme de l’architecture du système de santé mondiale à l’aune de la pandémie. Vous le dites et nous partageons cette analyse, la France se doit d’être à l’avant-garde en la matière. Dans cette nouvelle configuration, l’Organisation mondiale de la santé est appelée à jouer un rôle capital, sous réserve qu’elle tire préalablement les enseignements de la crise sanitaire liée à la pandémie de la covid-19, et particulièrement des conséquences organisationnelles et politiques constatées ces derniers mois.

Votre rapport souligne l’engagement de la France auprès de ses ressortissants bloqués à l’étranger. Cette action fut inédite, remarquable et insuffisamment saluée. De fait, profitons de cette occasion pour saluer l’ensemble de notre réseau diplomatique.

Nous partageons enfin votre analyse sur l’importance de la mobilisation des pouvoirs publics et des acteurs concernés par le secteur de l’export, qui ont pris dès la fin du mois de mars des mesures fortes destinées à soutenir les entreprises exportatrices. Sur ce point également le groupe LaREM apportera une contribution à votre rapport.

Madame la présidente, au nom de l’ensemble de mes collègues du groupe La République en Marche, je tiens à vous remercier et vous féliciter pour ce rapport. Avec sa publication, notre commission met un point d’orgue aux travaux menés en cette année si particulière. Aussi est-ce avec joie que notre groupe approuvera sa publication.

M. Michel Fanget. Nous discutons aujourd’hui d’un rapport d’information présenté par notre présidente de commission Madame Marielle de Sarnez - que je salue bien sûr comme tous à cette occasion - et qui revient de manière très détaillée sur les premiers mois de la crise que nous traversons. Nous saluons l’ampleur du travail qui a été entrepris à l’initiative de la présidente, qui a mobilisé tous les membres de la commission des affaires étrangères ainsi que les membres de son secrétariat. Il dresse un panorama complet fidèle et factuel de l’évolution de la situation sanitaire, de ses répercussions économiques et sociales, et des réponses que les gouvernements ont apportées. Je tiens à saluer le ton de ce rapport, qui tout en étant le plus exhaustif possible, ne cache rien des difficultés, des manques, des erreurs que nous avons connus devant cette épidémie, pour en faire au contraire des éléments de réflexion et de résilience et en tirer des leçons pour l’avenir.

Ce rapport d’information embrasse tous les aspects la crise intérieure, européenne, mondiale, économique, et parfois même sociale, dressant un tableau comparatif des réponses apportées par les différents États. Nous apprenons notamment que la même réponse d’un pays à un autre ne produit pas toujours les mêmes effets selon la population, l’organisation de l’État ; tout ceci est riche d’enseignements. Pour notre part, nous considérons que l’un des enseignements majeurs de cette crise est à l’évidence le besoin de solidarité qui existe à bien des égards et qui doit se renforcer entre les États membres de l’Union Européenne.

La pandémie a démontré que nous étions interdépendants les uns des autres, et combien nos réponses devaient se coordonner. Mon collègue Sylvain Waserman pointe cet état de fait dans la contribution qu’il a rédigée et qui nous enjoint à développer des réponses européennes à la crise. Malgré les retards de la réponse européenne dont nous pouvons tous témoigner, nous devons souligner et nous satisfaire de son ampleur. Grâce à ce rapport, nous voyons désormais plus clairement l’enchaînement des événements depuis janvier 2020. Il nous revient d’en tirer des leçons pour l’avenir en nous appuyant sur nos forces et en travaillant nos faiblesses bien réelles.

Le groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés soutiendra bien évidemment la publication de ce rapport.

M. Alain David. Merci pour cette présentation d’un rapport de longue haleine, qui a mobilisé notre commission au cours des derniers mois par de très nombreuses et instructives auditions.

Merci madame la présidente de nous avoir emmenés sur les chemins de l’excellence. Je parle de votre rapport, madame la présidente, qui permet d’explorer la façon dont le virus de la covid-19 a touché les divers pays étudiés et la façon dont ces pays y ont répliqué. Ce travail nous montre la complexité de la tâche et nous permet d’en tirer un certain nombre d’enseignements. Je vous saurai gré, madame la présidente, d’avoir permis aux groupes politiques de pouvoir verser leurs contributions à votre rapport, et je me permettrai quelques mentions de la contribution du groupe des députés Socialistes et apparentés.

Nous voyons d’un bon œil un certain nombre de recommandations portées par le rapport au plan national et proposées par la mission d’information dédiée à la gestion de l’épidémie, mais nous pensons que le niveau européen a une responsabilité particulière dans la gestion de la crise sanitaire. Il est heureux que la commission ait prévu la préparation de plans d’urgence harmonisés. L’un des enseignements de la crise sanitaire est la nécessité de devenir moins naïf vis-à-vis de nos entreprises stratégiques. Le groupe Socialiste avait proposé le 7 avril dernier une proposition de loi visant à étendre le régime d’autorisation préalable, pour faire en sorte que tout rachat d’entreprise stratégique par des investisseurs étrangers soit validé par le ministre chargé de l’économie. Que pensez-vous, madame la présidente, de cette piste ?

Mme Isabelle Rauch, présidente. Je laisserai la présidente vous répondre par courrier car ce matin est un peu particulier, nous ne pouvons pas avoir de réponse immédiate.

Mme Aina Kuric. Je me joins évidement à mes collègues pour saluer le travail de notre présidente madame Marielle de Sarnez. La pandémie de la covid-19 marquera indéniablement le XXIe siècle, en accélérant les tensions déjà présentes un peu partout dans le monde. À la crise sanitaire, sont venues s’agréger des tensions économiques, sécuritaires et géopolitiques. Très vite, la commission des affaires étrangères a pris la mesure de l’exceptionnalité d’un contexte qui a vu se confiner les trois quarts de la population mondiale, en mettant en place un groupe de travail sur les réseaux diplomatiques, consulaires et culturels, un deuxième sur l’aide publique au développement et l’action humanitaire et un troisième sur l’action économique extérieure de notre pays. Elle a ainsi auditionné plus d’une centaine de diplomates français et internationaux, de chefs d’entreprises, de responsables d’organisations internationales ou non gouvernementales, d’intellectuels, de directeurs d’opérateurs publics ou encore d’associations représentant les Français vivant à l’étranger.

Au demeurant cette crise aura permis de mettre en lumière, la capacité d’adaptation des réseaux consulaire et diplomatique de notre pays, qui contrairement à d’autres pays n’a fermé aucun poste à l’étranger pendant le confinement et aura été sur tous les fronts, soit pour permettre le retour en France de plus de 370 000 de nos compatriotes bloqués du jour au lendemain à l’étranger, soit pour porter assistance aux communautés françaises expatriées.  Alors, que le budget du Quai d’Orsay était en baisse constante jusqu’à « être à l’os » selon les mots de son ministre, Jean-Yves Le Drian, ce dernier est enfin stabilisé pour l’exercice 2021. Toutefois, une réflexion sur la gestion des ressources humaines qui intégrerait une plus grande diversité des parcours et des compétences dans les processus de recrutement dans les ambassades et au Département permettrait de répondre au plus près aux enjeux nouveaux de notre diplomatie. Il importe pour cela de concrétiser les nombreuses recommandations préconisées dans le rapport, par un strict suivi, pour qu’elles ne restent pas lettres mortes.

En effet, les défis qui attendent le monde post-covid sont nombreux et encore insaisissables. La crise sanitaire se combine à l’amplification des effets des dérèglements climatiques (pénuries agricoles, réduction des importations, tensions alimentaires, etc.) ainsi qu’à des déstabilisations politiques aggravées par ces situations de « poly-crises ». Plusieurs États pourraient profiter de la situation d’instabilité mondiale et du repli des gouvernements occidentaux sur leur environnement proche, pour étendre leurs zones d’influence.

De fait, les enjeux susceptibles de voir leur importance grandir en post-crise sont essentiellement écologiques, amenant à repenser la production et l’utilisation des énergies, du secteur agro-alimentaire, du développement durable et de la mondialisation. Cela passera très probablement par des avancées scientifiques et surtout technologiques. En ce sens, l’Union européenne, qui pourrait connaître des difficultés durant cette crise, aurait un intérêt certain à donner une plus forte impulsion encore dans ces domaines de pointe qui puissent lui permettre alors de développer ses ambitions géopolitiques, stratégiques et son influence scientifique ou technologique. Ici, il est question de compétitivité internationale en matière de système de santé. Quel gouvernement sera à même d’investir les plus grosses sommes dans la gestion de la crise et quel pays aura démontré sa capacité d’adaptation face au virus ?

Par ailleurs, la diversité des situations sanitaires pourrait entraîner un phénomène de « stop and go » où pays et régions mondiales pourraient fermer à intervalles irrégulier leurs frontières. Le « passeport d’immunité » pourrait devenir prochainement la norme pour pouvoir voyager avec toutes les conséquences que cela aura sur l’industrie du tourisme et du voyage d’affaire. De fait, la capacité d’un pays à gérer la pandémie est un enjeu international. Chaque pays souhaite en effet non seulement sortir de cette crise le moins affaibli possible, mais également se positionner comme figure de proue de la lutte contre le virus par une « diplomatie du masque » ou une « diplomatie du vaccin ». La solution tant attendue viendra-t-elle des campagnes de vaccinations annoncées ?

172 pays ont signé et participent au « Mécanisme pour un accès mondial au vaccin » dont 80 pays parmi les plus riches qui envisagent de participer au financement de l’accès coordonnée par l’Alliance du vaccin (GAVI) et 92 à revenu faible ou intermédiaire qui remplissent les conditions pour bénéficier du système. Dans ce contexte, l’OMS fixe l’horizon d’une sortie de crise mondiale à la fin 2022, selon les scénarios les plus optimistes. C’est pour répondre à ces défis que notre Groupe a fait voter le 26 novembre dernier une proposition de résolution visant un accès universel, rapide et équitable du vaccin contre la Covid-19. C’est également tout le sens de notre proposition de résolution votée le même jour, relative à l’évolution de la Constitution afin de permettre l’intégration des Objectifs de Développement Durable dans le processus législatif.

Le Groupe Agir Ensemble remercie ainsi la Présidente de la commission des affaires étrangères pour la qualité de ce rapport d’information sur les dimensions européenne et internationale de la crise liée à la pandémie de covid-19, en approuve bien entendu la publication et formule le souhait qu’il puisse servir de base de travail concrète pour la diplomatie française dans toutes ses dimensions.

M. Jean-Paul Lecoq. Je pense que le travail qui a été fait par Marielle de Sarnez et toute son équipe est un travail de référence pour notre commission des affaires étrangères, sur sa capacité à produire de l’utile, et je crois qu’on en est là avec ce rapport. Bien des commissions et bien des institutions de notre pays devraient en être destinataires, de manière à avoir un regard global sur l’ensemble de cette question. Alors que beaucoup d’institutions de notre pays avaient le nez dans le guidon pour gérer la crise, ce rapport nous invite, lui, à prendre de la hauteur et à regarder toute l’Europe, toute la planète, et à mesurer les exemples d’une part qui ont valorisé les libertés et ceux, d’autre part, qui ont valorisé la priorité sanitaire au détriment des libertés.

Sur ces questions, la contribution que notre groupe a souhaité faire consiste d’abord à montrer que la question sanitaire va s’inviter dans notre avenir, à l’instar de la question climatique. L’évolution de nos sociétés va faire en sorte que des virus vont se balader de plus en plus. Si on invite de plus en plus les gens à la responsabilité plutôt que de les infantiliser, il va falloir intégrer dans nos processus éducatifs cette dimension sanitaire dès le plus jeune âge, de la même manière que l’on progresse sur la question écologique. L’éducation doit permettre d’être informé des risques : des risques environnementaux par exemple, et l’on voit bien qu’au Japon la société est informée et préparée aux risques de tremblement de terre, pour autant ce n’est pas pour cela que l’on ne va pas au Japon. Mais on est éduqué et informé pour limiter les conséquences. Je pense qu’il faut qu’on soit sur cette dimension-là.

Le multilatéralisme est bien malade. Si c’est ça l’avenir du multilatéralisme, il faut que chacun reste dans ses frontières et qu’on vive avec son voisin tant bien que mal. Les règles du jeu doivent être respectées par tous. Je ne sais pas si ça s’appelle réinventer, mais ça pose une vraie question. En matière d’éducation dans nos écoles, on ne parle pas beaucoup non plus du multilatéralisme, notre commission devrait inviter à ce que des choses comme celles-là figurent dans les programmes éducatifs.

Ce rapport a aussi la richesse de montrer le rôle du service public, et notamment celui du Quai d’Orsay. Grâce à ces services publics-là, la France est présente dans tous les pays du monde et peut accompagner nos concitoyens partout. On ne fait pas d’économies sur ces services-là ; à un moment donné, il faut arrêter. De même, on ne peut faire des économies en matière européenne. Pendant longtemps, les critères de Maastricht étaient financiers. S’il y a eu des difficultés à déclencher l’aide financière, c’est parce que ceux qui dirigeaient l’Europe étaient corsetés par ces critères ; il a fallu que la puissance politique y mette un terme. Il ne faudra pas que ces critères se réinvitent dans les discussions européennes lorsque l’on parlera de vaccin, et que derrière on en arrive encore à fermer des lits dans les hôpitaux. Il faut qu’on dise qu’on veut tirer les conséquences de cette affaire, avoir des brigades de sécurité civile dans toutes les villes et villages, réinventer la solidarité sanitaire, et là encore, il y a toute une dimension éducative. On pense que ce rapport va contribuer de manière efficace à la contribution de nouveaux espaces éducatifs.

Je voudrais saluer une nouvelle fois la pertinence de Marielle de Sarnez pour avoir considéré qu’il fallait laisser dans cette période un travail utile ; qu’elle en soit remerciée. C’est un travail remarquable. Mon groupe et moi-même lui souhaitons plein de bonnes choses pour l’avenir.

M. Christian Hutin. J’ai demandé à mon collaborateur de m’imprimer l’ensemble du rapport de Marielle, dans un élan pas très propice au développement durable. Ce rapport est remarquable. Je ne sais pas si sur cette législature il y aura un rapport aussi intelligent, aussi intègre. Nous avons quelques différences politiques, mais tout y est sur la covid, à l’heure d’aujourd'hui. J’admire la passion qu’elle a eue, l’enthousiasme qu’elle a eu, avec sa maladie, pour réussir à monter un rapport comme ça. J’avoue franchement que je l’ai lu du début à la fin ce week-end. Les 202 pages. Mais je ne suis pas le seul. Il y a encore des députés qui travaillent. Et c’est merveilleux, tout y est : international, culturel – les distanciations sociales qu’il peut y avoir dans les pays – cultuel, avec les possibilités de se rassembler dans des lieux religieux. Tout y est ; le nombre de lits qui existent en réanimation à Gaza est dans le rapport. Je n’ai rien contre la commission d’enquête, qui peut être à charge, mais ce rapport est honnête, il dit clairement, comme l’a dit Jean-Yves Le Drian dans nos auditions, que l’on n’était pas prêts, qu’il y avait des choses qui manquaient. Ce rapport est d’une honnêteté absolue. Les différences qu’il peut y avoir avec mes sensibilités politiques sont peut-être de l’ordre de l’Europe, avec l’européisme qui n’est pas le mien, car je ne crois pas à la souveraineté européenne.

M. Alain David. Moi, j’y crois.

M. Christian Hutin. Oui mais moi je suis chevènementiste. Le temps nous donnera raison, nous aurons raison dans les siècles qui viennent.

Par contre, Marielle de Sarnez, que j’ai avec beaucoup d’amitié eue au téléphone aujourd'hui, dans ces circonstances difficiles, qui vont lui amener la possibilité d’être la plus heureuse du monde dans les années qui viennent ; le boulot qu’elle a fait malgré les difficultés…, je la trouve merveilleuse, et je tiens à dire que ce rapport mériterait d’être débattu dans l’hémicycle, peut-être même amélioré quand elle reviendra pour qu’on refasse l’histoire de ce qui va se passer dans les 3 ou 6 mois qui viennent. Mais ce rapport est d’une qualité exceptionnelle, je ne sais même pas comment elle a réussi à faire ça.

Certes, au regard du multilatéralisme et de l’Europe, je ne suis pas d’accord mais on peut en discuter, et on aime en discuter. Bravo, et qu’elle passe les plus belles fêtes de Noël possible, en se soignant.

Mme Isabelle Rauch, présidente. Bravo à elle, je suis heureuse et honorée d’avoir présenté ce rapport aujourd’hui, et de la confiance qu’elle m’accorde en cet instant.

M. Frédéric Petit. Je suis comme vous tous : j’ai dévoré ce rapport. Je crois que chaque partie amène quelque chose, je suis impressionné par la qualité du travail que Marielle de Sarnez a fait, non seulement en termes de rédaction et de coordination, mais surtout en termes de stratégie d’écriture et de stratégie de travail. J’ai été impressionné de retrouver à certains endroits des choses qui nous avaient rassemblés au cœur de la pandémie, où on échangeait, où on avait six ou sept visioconférences par semaine, et tout d’un coup on trouve dans ce rapport l’intérêt d’avoir, par exemple, tenu une réunion sur la Tunisie qui est apparue importante sur un point de vue particulier. Cette mise en perspective est effectivement passionnante.

Je crois, pour reprendre ce que viennent de dire mes collègues plus à gauche, qu’il ne s’agit pas uniquement d’aller en hémicycle. Nous avons l’occasion de montrer, surtout dans cette période où nos concitoyens ont tendance à se taper dessus avant de discuter, ce que fait le Parlement. Il ne s’agit pas d’un rapport d’une députée, mais d’un travail d’une commission, qui a été permis par tout ce qui a été fait pendant trois ans. Si nous n’avions pas été dans cette ambiance, aussi due à notre présidente, je ne crois pas que nous aurions été capables de faire ce travail et de le présenter de cette manière aujourd'hui.

Ce document doit venir calmer les sites où on se dispute encore. C’est un document qui doit sortir du Parlement, dire à la société française que nous avons un Parlement capable d’apporter quelque chose au débat, dans la société. Au lieu de continuer à travailler sur ces cacophonies citoyennes, on peut montrer que quand on donne les moyens au Parlement et que les députés font leur travail, il y a des choses qui marchent et qui sont utiles à tout le monde. Il y a beaucoup de débats un peu stupides, qui auraient pu être calmés si on avait pris ce léger recul. Ce n’est pas quelque chose qui va nous mettre tous d’accord, c’est vrai qu’il y a des différences qui existent, mais elles sont maîtrisées. Elles sont exactement là où le débat citoyen du XXIe siècle a besoin de les mettre. On devrait non seulement réfléchir à aller dans l’hémicycle, mais aussi montrer que le travail fait au sein du Parlement n’est pas enfermé dans une bulle et qu’il permet d’exprimer de manière médiée les conflits normaux qui traversent la société française. Voilà le message que je voulais faire passer, je salue Marielle de Sarnez et vous salue tous.

M. Jean-Louis Bourlanges. Effectivement ça fait un peu « Modem sur Modem », sur un rapport initié par une présidente Modem, mais n’y voyez pas une démarche impérialiste de notre part, nous communions dans l’unité de cette commission.

J’ai quatre remarques. Premièrement, ce rapport, qui a été rédigé avec une autorité précise et ferme par quelqu’un qui était absente de nos travaux pour raisons de santé, est en vérité l’expression de tout ce qu’a été sa présidence de la commission des affaires étrangères. Ce rapport n’aurait pu être ni rédigé, ni accueilli dans les conditions où il l’a été s’il ne régnait pas au sein de notre commission une atmosphère de compréhension mutuelle, de coopération, qui n’exclut pas les oppositions politiques. Nous exprimons nos différents messages dans une volonté de convergence intellectuelle, de réflexion commune et de respect mutuel qui porte les travaux de la commission depuis que Marielle de Sarnez la préside, et baigne complètement ce rapport. Ce rapport, c’est le rapport de la présidente, de toute la commission, et du rapport entre la présidente et la commission.

Deuxièmement, je crois que ça nous guérit d’un grand défaut. Ce rapport nous prémunit contre un risque qu’on voit tous les jours, la tentation paranoïaque, ou de culpabilisation. On passe notre vie à faire des procès d’intention, à nous accuser les uns les autres de ce que nous n’avons pas fait ou de ce que nous aurions pu faire. Quand on lit ce rapport, on voit la part de la fatalité dont tous les pays ont été frappés. Tous ont eu des difficultés à réagir, avec des armes différentes, des degrés d’expérience différents, des cultures différentes et des appareils administratifs inégalement performants. Nous avons tous nos défauts, nos limites, nous avons tous subi cette affaire et nous réagissons du mieux que nous pouvons avec nos faibles armes. Cette relativisation est tout à fait nécessaire si nous voulons aborder les étapes suivantes dans un climat de concorde.

Troisièmement, ce rapport distingue nettement deux choses, et donne deux coups d’éclairage ; il éclaire les responsabilités de nos États, des uns et des autres. En France, on voit nos défauts, ils tiennent aux défauts de l’État. Je ne suis pas pour préconiser le libéralisme ou l’antilibéralisme, mais l’État est ankylosé, il a du mal à réagir. Les deux grands défauts de l’État sont sa lenteur de réaction et son cloisonnement, l’État a du mal à créer des coopérations entre les acteurs publics et privés et les différents pans de l’action publique. Tout cela nous a profondément handicapés. Il y a une pathologie française à laquelle nous devons faire face sans ressusciter la querelle du libéralisme. On a besoin d’un mieux d’État.

Enfin, Marielle de Sarnez éclaire très profondément la dimension internationale du problème. En réalité, elle montre bien les défaillances du système multilatéral. Là où je me distinguerais de mon collègue Hutin, je crois que c’est l’insuffisance du multilatéralisme, et non pas son excès, dont nous souffrons. Il disait que le temps lui donnerait raison, mais comme disait Keynes, à long terme, nous sommes tous morts.

M. Christian Hutin. Merci à Jean-Louis qui est remarquable. Je l’ai trouvé remarquable aussi dans tout ce qu’il a pu dire sur Valéry Giscard d’Estaing. Il a été fin dans tout ce qu’il a dit.

Madame la présidente Rauch, vous présidez très bien cette commission en l’absence de Marielle de Sarnez. Je pense que si tous les groupes sont d’accord, ce ne serait pas illégitime que ce ne soit pas une fois le groupe GDR, une fois le groupe Socialistes, mais que ce soit peut-être même le groupe majoritaire ou le groupe Modem, qui dise que vu la qualité de ce rapport, on doit avoir une discussion dans l’hémicycle dessus. C’est la demande que je fais. Et si Marielle est d’accord, et quand elle sortira de sa maladie je pense dans quelques mois, ce sera elle qui défendra ce rapport, avec l’évolution que nous connaîtrons dans les mois qui viennent.

Mme Isabelle Rauch, présidente. Monsieur le vice-président, j’ai bien entendu cette suggestion que vous pourrez faire au prochain bureau. En attendant, je vais donc mettre aux voix l’autorisation de publication du rapport d’information sur les dimensions européenne et internationale de la crise liée à la pandémie de covid-19. Je pense qu’il est de notre devoir de propager ce rapport de très grande qualité.

La commission autorise, à l’unanimité, le dépôt du rapport d’information sur les dimensions européenne et internationale de la crise liée à la pandémie de covid19 en vue de sa publication.

 

III.– Communication, ouverte à la presse, des co-rapporteurs de la mission d’information sur le partenariat futur entre l’Union européenne et le Royaume-Uni (MM. Pierre-Henri Dumont et Alexandre Holroyd, co-rapporteurs)

Les débats sur cette communication ont fait l’objet d’un enregistrement accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/YsdeRd

La séance est levée à 12 heures 05.

----------------