Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (n° 3699)                            2

 

 

 


Mardi  
2 février 2021

Séance de 17 h 30

Compte rendu n° 031

session ordinaire de 2020-2021

Présidence
de M. Jean-Louis Bourlanges,
Président

 


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La séance est ouverte à 17 h 30.

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (n° 3699)

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle l’audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. J’aurais préféré que ce soit Marielle de Sarnez qui vous accueille, mais permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part de ma grande satisfaction de vous voir parmi nous et de savoir qu’à l’avenir, vous continuerez d’honorer la commission de votre présence régulière car vos analyses, vos observations et vos propositions en matière de politique étrangère sont précieuses, notamment compte tenu de l’ampleur des mutations mondiales.

Ce soir, nous nous concentrerons sur le projet de loi dont notre collègue Hervé Berville est rapporteur. Peut-être me permettrais-je simplement de revenir sur deux événements : en Russie, l’extraordinaire courage personnel de M. Navalny et, en Birmanie, le coup d’État terriblement impressionnant, en écho à la question posée par M. David, président du groupe d’amitié France-Birmanie, lors des questions au Gouvernement. Nous serions heureux que vous nous en disiez quelques mots, même si vous avez publié un communiqué et répondu lors des questions au Gouvernement. Vous le savez, la commission partage vos préoccupations et elle est extrêmement sensible à la question birmane, à l’évolution de la démocratie comme au sort des Rohingyas, notamment à la situation tragique de ceux qui ont émigré au Bangladesh. Une délégation de la commission s’est d’ailleurs rendue sur place.

Nous n’ouvrirons pas le débat mais, d’ici à quelques semaines, vous reviendrez parmi nous et nous examinerons ensemble tous les dossiers de politique étrangère.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. La situation en Birmanie est très grave. J’ai répondu à Alain David cet après-midi, afin d’exprimer la position de la France : nous condamnons vigoureusement le coup d’État, ainsi que le fait que le président Win Myint et Mme Aung San Suu Kyi soient en prison. C’est inacceptable après ces élections qui étaient l’aboutissement d’une longue démarche démocratique.

J’ai eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises Mme Aung San Suu Kyi à Bruxelles et en Birmanie. C’est une femme arc-boutée sur les principes démocratiques, dans un pays où le dispositif constitutionnel et le partage des postes et des responsabilités entre l’armée et les civils sont très complexes – j’avais eu l’occasion de le constater en plein milieu d’une crise avec les Rohingyas. Sa posture était parfois difficile à comprendre, mais elle avait la volonté d’instaurer un processus démocratique dans un pays où le poids politique de l’armée est extrêmement fort. Dès 2018, cela avait d’ailleurs amené l’Union européenne à prendre des sanctions et à rompre toute relation avec les militaires.

La situation est inédite et doit entraîner notre mobilisation car, je l’ai déjà dit à Alain David, après avoir moi-même effectué plusieurs déplacements en Birmanie, seul le processus démocratique permettra de régler la crise des Rohingyas, et non l’inverse. Ce coup d’État risque d’induire un effet boomerang contre les Rohingyas.

Nous avons sollicité le Conseil de sécurité, avec le soutien des pays membres de l’Union européenne, afin qu’il prenne fermement position à l’égard de la junte – je ne sais pas s’il a statué. Si cette dernière ne renonce pas, nous serons amenés à prendre des mesures nouvelles, et pas uniquement des sanctions. Cela fera l’objet de discussions lors de la réunion des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne, qui doit se tenir le 22 février.

Évidemment, je vous tiendrai informés des évolutions.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous avions constaté avec satisfaction la grande convergence des réactions de l’État français, par votre intermédiaire, et de l’Union européenne, monsieur Borrell ayant publié un communiqué qui recueille notre approbation.

Nous allons revenir au projet de loi « Berville », monsieur le rapporteur ! Ce projet de loi est très attendu par notre commission. À l’initiative de Marielle de Sarnez, dès la fin de l’année 2018, nous nous sommes organisés pour suivre l’élaboration de ce texte et préparer son examen. Un groupe de travail, au sein duquel tous les groupes politiques étaient représentés, a mené de nombreuses auditions en 2019 et 2020.

Nous nous sommes également – c’est une innovation intéressante – rapprochés de nos homologues du Sénat pour dégager des positions communes. Marielle de Sarnez et Christian Cambon vous ont écrit le 13 février 2019 pour vous présenter les propositions communes aux deux commissions parlementaires.

Je vous remercie d’avoir réuni à deux reprises autour de vous les parlementaires de la majorité, comme de l’opposition, de l’Assemblée nationale, comme du Sénat, pour discuter des axes stratégiques du projet de loi et répondre aux préoccupations des parlementaires. Cette consultation, en amont du dépôt du projet de loi, est également innovante et ne peut qu’être appréciée par les membres de la commission.

Notre première demande visait à clarifier la stratégie française d’aide au développement. Le rapporteur y reviendra, mais le projet de loi décline avec précision les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités dans le monde. Il reste que ces objectifs et ces priorités sont formulés non dans le projet de loi au sens strict du terme, mais dans son annexe relative au cadre du partenariat global, qui s’apparente plus à un cahier des charges qu’à des dispositions législatives à proprement parler, c’est-à-dire normatives et contraignantes.

Nous vous donnons toutefois acte que cette stratégie a le mérite d’être clairement formalisée et de bénéficier de la sanction du législateur. Elle repose sur deux arbitrages légitimes et qui correspondent aux préoccupations de la commission parlementaire susmentionnée : un arbitrage sectoriel et un arbitrage géographique. L’arbitrage sectoriel, c’est l’affirmation d’une priorité claire en faveur des pays les plus pauvres et de ceux – ce sont souvent les mêmes – qui sont en crise. Priorité ne signifiant pas monopole, cela n’exclut pas la poursuite d’une politique de partenariat au développement avec les pays à revenus intermédiaires.

Géographiquement, la stratégie de la France continue de privilégier l’Afrique. C’est un choix logique car c’est là que se situent les besoins les plus criants, mais également là que se sont développés les partenariats les plus éprouvés. Une relative concentration géographique est garante d’efficacité et rien ne serait pire qu’une politique de saupoudrage, compte tenu de la modestie relative de nos moyens.

Le second mérite du projet de loi est de présenter clairement et précisément la trajectoire amenant la France à consacrer 0,55 % de son revenu national brut à l’aide publique au développement (APD), dans la perspective d’atteindre ensuite 0,7 %. Mais à quand ces 0,7 % ? Il vous est sans doute difficile de répondre à la question, mais cette trajectoire doit être traduite dans les lois de finances successives – notre commission y veillera tout particulièrement. Des engagements ont été pris au cours des débats sur le projet de loi de finances, mais – vous sentez bien que c’est une frustration pour la commission – la force contraignante des engagements financiers est annuelle. Nous craignons donc que les engagements pluriannuels soient insuffisamment consolidés.

Notre commission a souhaité que les financements bilatéraux et multilatéraux soient mieux articulés et fassent l’objet d’évaluations précises. Elle a également estimé nécessaire de renforcer le pilotage politique de l’aide au développement. Nous savons que vous partagez cette préoccupation. La France semble être le seul pays à confier la définition de ses interventions d’aide au développement à un établissement public industriel et commercial (EPIC) que ni ses tutelles ministérielles, distantes, ni les instances de gouvernance multiples n’ont protégé jusqu’à présent d’un risque de dérive – d’une bienveillante et nécessaire autonomie vers une autodétermination parfois abusive.

C’est le mérite de ce projet de loi que de s’attacher à combattre ces dérives. Le pilotage politique de cet EPIC doit être renforcé – si ce n’est restauré – au plan national. Notre rapporteur fera des propositions et la commission est très attachée au renforcement du conseil d’administration de l’Agence française de développement (AFD), au sein duquel les parlementaires doivent prendre toute leur place, dans le respect de la diversité des sensibilités politiques.

Ne doit-on pas s’interroger sur la multitude des instances de pilotage de la politique de développement ? L’annexe du projet de loi décrit leurs fonctions respectives. Le projet de loi en ajoute une – le conseil national du développement et de la solidarité internationale. Sur le terrain, nous sommes très désireux que le rôle des ambassadeurs soit conforté dans la coordination des aides. Dans le passé, c’est paradoxalement au niveau des postes que s’incarnait le mieux l’exigence de cohérence qui faisait parfois défaut au niveau national.

Notre commission souhaite également que les partenariats avec les entreprises privées et les collectivités territoriales soient consolidés, et les acteurs de la société civile mieux associés. En outre, il est indispensable de mieux sensibiliser et associer les citoyens aux actions d’aide au développement.

Enfin, une véritable culture du résultat doit être mise en place, par le contrôle et l’évaluation. Avec le rapporteur, nous nous interrogeons sur les choix effectués pour que cette instance ait à la fois la compétence et l’autorité nécessaires pour formuler les analyses critiques qui s’imposent et des propositions qui ne soient pas négligées par ceux auxquels elles s’adressent. C’est dans cet esprit que nous auditionnerons demain après-midi le premier président de la Cour des comptes.

Je retranscris ici, monsieur le ministre, le message de ma prédécesseure et des instances qu’elle avait réunies, dont le rapporteur est le porte-parole compétent. Nous sommes heureux de pouvoir débattre de ce projet de loi cardinal, car nous sommes plus habitués à voter des accords et des traités.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre.  Cette audition a un sens tout particulier car c’est la première fois que nous nous retrouvons depuis la disparition de Marielle de Sarnez. Je vous redis mon émotion, même si j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer, de lui rendre hommage et de répondre à M. Herbillon lors des questions au Gouvernement.

D’ailleurs, à cette occasion, j’avais souligné qu’il aurait pu être opportun de consacrer l’un de nos prochains rendez-vous au rapport d’information sur les dimensions internationales et européennes de la crise pandémique qu’elle a rédigé, quasiment jusqu’à la fin. Ce serait une manière de lui rendre hommage ; je serai disponible pour cet exercice.

C’est également une réunion très particulière car je ne vois plus Claude Goasguen, que je connaissais depuis longtemps, et c’est vous, cher Jean-Louis Bourlanges, qui reprenez le flambeau. Je tiens à vous féliciter. Je suis sûr que nous tisserons une relation de confiance. Nous nous connaissons depuis très longtemps et cela contribuera à la bonne qualité de nos relations ! C’est toujours un plaisir de venir dans cette commission.

Enfin, cette réunion est particulière car c’est un aboutissement. Nous pouvons enfin examiner le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales que j’ai présenté en conseil des ministres le 16 décembre dernier. Vous l’attendiez de longue date, moi aussi ! Il sera examiné en séance publique les 17 et 19 février prochains, puis au Sénat, et j’espère qu’il sera adopté par le Parlement d’ici à la fin de la session, en juillet prochain.

Je salue tout d’abord le soutien sans faille que vous nous avez apporté chaque année lors de l’examen de la mission « Aide publique au développement » dans le cadre des débats relatifs au projet de loi de finances.

Je tiens également à souligner la grande qualité de vos travaux : le rapport réalisé par Hervé Berville ; la mission d’information portée par Bérengère Poletti et Rodrigue Kokouendo ; le travail en commun réalisé depuis deux ans avec Christian Cambon et le Sénat afin de faire la synthèse de vos propositions. Ce texte est donc le fruit d’un dialogue déjà très charpenté.

C’est aussi le début d’un processus. Si vous le souhaitez, je pourrai participer mercredi matin à l’examen des amendements par votre commission – j’ai demandé à pouvoir m’absenter du conseil des ministres.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La commission en est fort honorée !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C’est important. Je souhaitais également vous proposer – étant donné que de nombreux sujets internationaux sont au cœur de l’actualité – de consacrer deux heures au cours de cette même journée pour les évoquer, notamment ceux concernant la Russie et la Birmanie.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Votre proposition est précieuse et nous allons la saisir. Votre présence serait fort utile lors de l’examen des amendements. Nous allons commencer la discussion générale, puis passerons assez vite – si M. Berville en est d’accord – aux amendements, avant de conclure, quand le moment sera venu, sur les grands sujets que nous avons évoqués – la Russie, la Birmanie, mais aussi les changements au sein de l’administration américaine, les accords commerciaux avec la Chine signés fin décembre, etc.

M. Michel Herbillon. Sauf si j’ai mal compris, il me semble que le ministre nous propose d’être présent au moment où nous examinerons les amendements – ce qui va nous prendre du temps. Bien entendu, les autres sujets dont nous souhaitons discuter avec le ministre sont très nombreux, mais je crois que la proposition du ministre était plus circonscrite.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ma proposition est double.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous avez raison, monsieur Herbillon, le travail sur le projet de loi doit précéder les débats. C’est ce que j’avais précisé.

Mme Bérengère Poletti. Je soumets une proposition aux collègues de la commission : il arrive parfois qu’on considère que la discussion générale a lieu lors de l’audition du ministre, puisque chacun y intervient. Ainsi, lorsque nous nous retrouverons pour l’examen des amendements, nous pourrons les discuter tout de suite. Cela permettrait d’« optimiser » la présence du ministre.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’était mon idée, mais sans doute ne suis-je pas très clair. Je vous propose que le bureau de la commission examine ces sujets liés à la procédure et je rends la parole au ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. L’année 2020 a vu les dérèglements du monde s’imposer brutalement dans notre vie collective. Avec le virus de la covid-19, nos concitoyens expérimentent un monde où la fragilisation des écosystèmes et les atteintes portées à la biodiversité mettent la santé humaine en danger, un monde d’interdépendance et de défis globaux et un monde où le chacun pour soi est une impasse pour tous.

Dans un tel monde, en de telles circonstances, jouer la carte du repli serait non seulement illusoire, mais irresponsable et dangereux. Il est de notre intérêt de miser sur le multilatéralisme, sur la force de notre projet européen et sur la solidarité internationale.

C’est dans cet esprit que, depuis le premier jour, notre diplomatie s’est mobilisée pour faire face aux urgences de la crise pandémique. C’est également dans cet esprit que nous nous battons dans le cadre de l’initiative Access to covid-19 tools accelerator (ACT-A) afin que les vaccins et les traitements contre la covid-19 deviennent de nouveaux biens publics mondiaux et que nos partenaires du Sud puissent, eux aussi, y avoir accès. En effet, aucun pays ne viendra véritablement à bout du virus tant qu’ensemble, nous n’en serons pas venus à bout, partout.

Le prochain conseil d’administration d’ACT-A, mardi 9 février, sera très important puisqu’il devrait permettre l’adoption de la charte que nous avons portée sur le vaccin comme bien public mondial. Cette charte a plus particulièrement pour objet de donner une impulsion politique forte en faveur d’un accès équitable et universel aux produits de santé permettant de lutter contre la covid-19. Il s’agit d’encourager toutes les parties prenantes à financer la recherche, à partager la connaissance et les données, à effectuer des transferts de technologie, à produire à un prix juste ou encore à soutenir les systèmes de santé sans lesquels il n’est pas possible de rendre ces produits de santé concrètement accessibles. C’est notre réponse de court terme à la crise.

En outre, avec nos partenaires du monde entier, et plus particulièrement ceux de l’Alliance pour le multilatéralisme que nous avons lancée avec nos amis allemands il y a maintenant un an et demi, nous avons aussi commencé à poser les bases d’une réforme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour tirer toutes les leçons de ce qui s’est produit au cours des derniers mois et nous doter de capacités d’alerte renforcées afin de gagner en réactivité en cas de nouvelle menace pandémique, avec le futur conseil d’experts de haut niveau et l’approche « Une seule santé » dont la création a été actée en novembre dernier au Forum de Paris pour la paix.

Il s’agit de nous doter du « GIEC » de la santé mondiale dont nous avons besoin pour suivre en temps réel les interactions entre les grands équilibres environnementaux, la santé animale et la santé humaine. Avec nos partenaires européens, nous travaillons à construire une Europe de la santé plus souveraine et mieux à même de protéger les Européens. Cela passe notamment par le renforcement du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, qui doit devenir une véritable agence de gestion des crises en surveillant mieux les évolutions épidémiologiques au sein de l’espace européen, en alertant de façon plus précoce et en apportant des recommandations et des réponses sanitaires.

Il s’agit aussi de renforcer l’Agence européenne des médicaments (EMA) qui, outre ses fonctions actuelles, se verrait confier la tâche de surveiller le risque de pénurie de médicaments et de dispositifs médicaux critiques, et de coordonner les études d’efficacité des vaccins, ainsi que les essais cliniques. Enfin, il s’agit de créer, sur le modèle de la Biomedical advanced research and development authority (BARDA) américaine, une autorité pour gérer les urgences sanitaires et nouer des partenariats public-privé avec l’industrie pharmaceutique et les organismes de recherche. Il est essentiel de renforcer l’autonomie stratégique de l’Union européenne en matière de produits de santé, alors que nous dépendons actuellement à 80 % de la Chine et de l’Inde pour nous fournir en matières premières indispensables à la conception des médicaments.

J’évoque ce dernier sujet en avant-première car il est intrinsèquement lié à la situation pandémique que nous vivons. Il sera abordé lors d’un conseil européen spécial des chefs d’État et de Gouvernement à la fin de février. Ce sont les premiers éléments de notre réponse à moyen terme, et le cap que nous essaierons de suivre dans les mois qui viennent.

Enfin, qu’est-ce que la crise du coronavirus a révélé du monde dans lequel nous vivons et de quelle manière ces soubresauts risquent-ils de nous affecter ? La réponse, de long terme, à cette question, c’est le nouvel élan que nous allons impulser à notre politique de développement et de solidarité internationale, au cœur du présent projet de loi.

Depuis le début du quinquennat, l’aide publique au développement française a dépassé les 10 milliards d’euros par an. Notre pays est revenu dans le jeu, après quelques années d’éclipse, et il le fallait pour ne pas laisser les coudées franches aux nouveaux acteurs qui s’engagent sur le terrain du développement avec des méthodes et des intentions différentes. Il est essentiel que nous soyons au rendez-vous afin de proposer une autre voie à nos partenaires.

La relance de notre politique de développement, M. le président Bourlanges l’a rappelé, c’est d’abord un changement de braquet : conformément à l’engagement pris par le Président de la République dès le début de son mandat, nous allons porter notre aide publique au développement à 0,55 % de notre richesse nationale en 2022 – contre 0,37 % par le passé et 0,44 % actuellement. Ce texte est un projet de loi de programmation, et non uniquement d’orientation comme la loi de 7 juillet 2014 relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Il fixera la trajectoire budgétaire qui nous permettra d’y parvenir.

Contrairement à certains de nos voisins, nous avons décidé de maintenir notre engagement malgré la crise actuelle, parce que cette dernière nous a confortés dans l’idée qu’il est tout à fait crucial de le maintenir. Notre aide publique au développement continuera d’augmenter en volume : + 18 % entre 2019 et 2020 ; + 33 % entre 2020 et 2021. En 2021, pour la première fois en dix ans, elle pourrait dépasser celle du Royaume-Uni et nous placer au quatrième rang mondial des bailleurs d’aide publique au développement.

Mais il ne s’agit pas seulement de faire plus. Grâce à ces moyens renforcés, nous entendons aussi faire mieux. Le projet de loi inaugure un changement radical de méthode, dans le sillage des efforts de rénovation engagés depuis le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de février 2018. Ce comité est d’ailleurs maintenu dans ses fonctions car il constitue le nœud de la procédure d’échanges et de la préparation des décisions. Dans ce sillage donc, nous voulons mettre en place un nouveau paradigme, avec des priorités clairement définies.

Vous avez évoqué les priorités géographiques ; vous avez raison, nous allons concentrer notre aide publique au développement en dons vers les pays les plus vulnérables, en particulier les dix-neuf pays prioritaires appartenant à la catégorie des pays les moins avancés, essentiellement situés en Afrique subsaharienne, sauf Haïti. Ces pays seront destinataires de la moitié de l’aide aux projets mise en œuvre par mon ministère via le Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI). Cette année, le FSPI est doté de 70 millions d’euros. En outre, les deux tiers de l’aide aux projets mis en œuvre par l’AFD représenteront 816 millions d’euros en crédits de paiement en 2021.

Vous l’avez également rappelé, le projet de loi vise à mieux définir nos priorités thématiques. Partout où nous investissons, que ce soit dans les pays en développement ou dans les pays émergents, nous voulons que ce soit dans l’avenir de nos biens communs. Ainsi, le renforcement des systèmes de santé primaires dans les pays les plus fragiles est le premier maillon de la sécurité sanitaire mondiale. La formation des personnels de santé est, avec les traitements et les vaccins, l’un des piliers de l’initiative ACT-A. Afin de répondre à la crise de la covid-19, nous avons déjà mis en place via l’AFD une initiative Santé en commun de 1,2 milliard d’euros, dont 150 millions d’euros de dons qui ont permis d’améliorer la prise en charge des malades au Sénégal, en Guinée, au Burkina Faso et en République centrafricaine (RCA), avec le soutien de l’organisation non gouvernementale (ONG) The alliance for international medical action (ALIMA). Cela nous a également permis de renforcer les laboratoires de référence de l’Institut Pasteur au Cameroun, en RCA, à Madagascar, en Guinée et au Sénégal.

La préservation du climat et de la biodiversité est une autre de nos priorités. Non seulement les financements de l’AFD sont 100 % compatibles avec l’accord de Paris, mais le Gouvernement s’est également engagé lors du CICID de 2018 à ce que la moitié des financements de l’AFD contribue, en plus de leur finalité première, à l’atteinte des objectifs de l’accord. En conséquence, tous les engagements sont compatibles et les financements à co‑bénéfices climat sont privilégiés. Ainsi, lorsque nous aidons à la construction d’un tramway dans une ville, nous faisons d’une pierre deux coups : nous facilitons la vie de ses habitants, les échanges et le développement, tout en réduisant les émissions de CO2. Sur deux euros de financement AFD, un euro sert directement le combat contre les dérèglements climatiques.

Il s’agit ainsi de tirer vers le haut le système européen et le système multilatéral de développement, l’urgence environnementale étant une priorité absolue pour la France, cinq ans après l’accord de Paris et au seuil d’une année déterminante. En effet, le Congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) va avoir lieu à Marseille, la COP26 à Glasgow à la fin de l’année, la COP15 sur la biodiversité à Kunming en Chine. En outre, cette année également, le One Planet summit consacré à la biodiversité nous a permis de relancer le projet de grande muraille verte, projet né d’une initiative africaine dans les années 80 pour verdir le Sahel, puis abandonné pour toutes sortes de raisons, notamment de sécurité. Nous souhaitons le relancer en partenariat avec les responsables de ces pays, avec l’Union africaine et l’ensemble du système onusien en charge du développement.

En troisième lieu, investir dans l’avenir et nos biens communs, c’est également investir dans l’éducation, qui contribue à faire reculer toutes les formes d’obscurantisme et qui corrige une partie des inégalités de destin. Nous sommes le troisième bailleur mondial en faveur de l’éducation – plus d’un milliard d’euros en 2019 – et avons multiplié par dix notre contribution au partenariat mondial pour l’éducation.

Les résultats sont là, qu’il s’agisse de l’éducation de base, de la scolarisation des filles, de la formation des enseignants ou des dépenses consacrées par les États à l’éducation. En 2019, le Partenariat mondial pour l’éducation a soutenu la scolarisation de 22 millions d’enfants. Cela est d’autant plus essentiel que la pandémie a entraîné un phénomène massif de déscolarisation au niveau mondial. En 2021 se tiendra également la conférence de reconstitution des ressources du Partenariat, un élément essentiel de cette démarche.

Quatrième priorité thématique : la promotion de l’égalité de genre, en commençant par l’égalité des filles et des garçons à l’école. Nous aborderons aussi ces enjeux lors du Forum génération égalité, qui se tiendra en mars. L’initiative commune de la France et du Mexique se tiendra vingt-cinq ans après l’adoption du programme d’action de Pékin.

Notre nouveau paradigme, ce sont aussi des partenariats refondés. Il s’agit non plus seulement de faire pour nos partenaires du Sud, mais de faire avec eux, et ce, pour une raison simple : face aux défis que nous avons en partage, nous avons des responsabilités et des intérêts communs. Cette évolution est essentielle. Chacun en est conscient, notre relation avec nos partenaires du Sud n’est pas une forme de soutien généreux, qui leur permettrait de régler des problèmes qui ne concernent qu’eux. En réalité, en les aidant, nous nous aidons nous-mêmes car bien des réponses aux grandes questions du XXIe siècle se trouvent dans ce partenariat. La solidarité internationale est un cercle vertueux, non une abstraction.

Pour prendre un exemple très concret, la France et l’Europe ne sauraient faire face au défi de l’immigration irrégulière et des tragédies humaines qu’elle occasionne qu’en aidant la jeunesse du Sud à retrouver des perspectives d’avenir, qui ne passent ni par le déchirement du départ, ni par les périls des routes de la nécessité. Là encore, nous avons des responsabilités et des intérêts communs.

Ce renforcement de la dimension partenariale se jouera également en France. Les acteurs de la société civile française se verront reconnaître un droit d’initiative, qui leur permettra de proposer eux-mêmes des projets – c’était une demande forte. Les fonds de soutien de l’État aux organisations de la société civile et aux collectivités territoriales seront doublés d’ici à 2022. Nous approchons ainsi de la moyenne du Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Nous voulons également mieux associer à nos efforts les diasporas africaines en France. Le Président de la République l’a dit à plusieurs reprises, y compris dans une réunion spécifique, qu’il avait organisée avec le président Nana Akufo-Addo à Paris, en juillet 2019. Les diasporas africaines ont un rôle crucial à jouer dans cette nouvelle relation, que nous voulons inventer avec l’Afrique. Elles seront au cœur du prochain Sommet Afrique France, qui se tiendra cette année à Montpellier.

Vous l’avez évoqué, monsieur le président, ce nouveau paradigme est enfin un renforcement du pilotage de la politique de développement par l’État, avec une chaîne de commandement et de responsabilités clarifiée, du plus haut niveau de l’État au plus près du terrain, en particulier grâce à une implication renforcée de nos ambassades. J’ai pu constater à de nombreuses reprises dans mes déplacements combien cela était indispensable.

Le projet de loi prévoit donc des conseils locaux de développement, présidés sur le terrain par l’ambassadrice ou l’ambassadeur. Ils veilleront à la cohérence des efforts déployés par l’ensemble des acteurs du développement présents dans un pays donné, dans le cadre d’une stratégie déclinant nos grandes priorités politiques en fonction des réalités locales et en tenant compte sur place de la programmation européenne et de l’action des autres bailleurs internationaux. Sur le terrain, c’est une révolution. Je veillerai, si le texte est adopté, à ce que cette disposition soit bien appliquée. Je souhaite que vous y contribuiez aussi, car il peut y avoir des résistances.

Par ailleurs, compte tenu de l’importance des efforts consentis, et de ces enjeux considérables, il faut mieux mesurer l’incidence des projets que nous accompagnons. C’est pourquoi, dans un souci de transparence et de redevabilité, le projet de loi prévoit la création d’une commission indépendante d’évaluation, comme cela existe déjà au Royaume-Uni ou en Allemagne. Cette disposition est notamment issue des propositions formulées par M. Berville dans son rapport et des travaux menés par Mme Poletti et M. Kokouendo. Il vous reviendra de vous prononcer sur les modalités de cette commission. Je reste ouvert aux propositions, sans position a priori. Il faut toutefois garantir une efficacité et une vraie indépendance à l’outil qui sera créé. Je souhaite aussi que les recommandations que pourrait faire la commission soient formulées directement auprès du Parlement, lieu de l’arbitrage final, et qu’il soit le lieu de la redevabilité. Le Sénat veut avancer sur cette question ; vous aussi, sans doute. Je suis prêt à entendre vos propositions. Le texte, que nous avons en quelque sorte co-construit depuis le début, peut encore être modifié et amélioré. Je ne suis pas arc-bouté sur l’ensemble du dispositif. Les responsabilités du Gouvernement n’y sont pas diluées.

Enfin, le projet de loi comporte un volet relatif à l’attractivité, qui permettra de renforcer la capacité de la France à attirer les organisations et les fondations internationales, dont beaucoup occupent un rôle central dans l’agenda mondial du développement et de la promotion des biens publics mondiaux. En effet, la France joue un rôle majeur en faveur du multilatéralisme. Nous avons contribué à la création de nombreux organismes internationaux tels que Unitaid ou le Fonds mondial. Or ces structures ne s’installent pas en France. Pourquoi privilégient-elles Genève ? La raison principale, souvent essentielle, est que nos procédures d’octroi des privilèges et immunité aux personnels de ces organisations sont trop longues. C’est pourquoi je vous ai proposé d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance, pour avoir une réponse immédiate, avant que vous n’entériniez la décision finale de la ratification d’un accord de siège, lorsque la procédure sera achevée. Cela permet d’éviter que ces organisations ou fondations ne s’installent ailleurs qu’en France, où elles auraient toute leur place.

Avec ce texte, la France sera à la pointe du renforcement du multilatéralisme et de la défense des biens communs de l’humanité. Depuis trois ans, nous agissons pour que l’Europe engage davantage ses valeurs humanistes et ses réflexes de coopération sur la scène internationale. Nous devons y contribuer, pour nous assurer de renforcer cette volonté. La crise pandémique est venue confirmer le bien-fondé de ces choix. Nouveau braquet, nouvelle orientation, nouvel élan, nouvelle relance, tels sont les éléments essentiels de ce texte sur lequel je suis disposé à travailler encore avec vous, pour l’améliorer ou le clarifier, si nécessaire.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous remercie, monsieur le ministre. Vos propos ont montré que ce travail d’élaboration a vraiment associé notre commission, notamment M. Berville, Mme Poletti et M. Kokouendo. Nous espérons que le résultat sera à la hauteur de cette collaboration.

 Je vous remercie également d’avoir placé votre propos liminaire sous l’angle de la lutte contre la pandémie et d’avoir précisé que les évolutions tragiques que nous connaissons, loin d’affaiblir l’engagement international de la France en matière de développement, vous confirmaient dans vos orientations antérieures.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je me réjouis de cette audition, qui permet enfin de discuter du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Nous y travaillons depuis plus de deux ans et demi. Vous l’avez dit, monsieur le président, ce texte de loi n’a peut-être jamais été si pertinent, mais il n’a peut-être jamais été aussi périlleux de le proposer maintenant. Dire que l’on augmentera les financements, notamment pour permettre aux pays les plus pauvres d’avoir accès à des vaccins, n’est pas très populaire. Après avoir travaillé de manière transpartisane sur ces bancs, nous pouvons être satisfaits que le projet de loi arrive sur la table et que notre commission défende ces mesures, dans le contexte d’un regain de protectionnisme vaccinal et de populisme.

Je remercie le ministre, qui se bat depuis deux ans, en interministériel, malgré les vicissitudes de la vie politique, pour que le texte soit déposé en conseil des ministres. C’est l’aboutissement d’un engagement du Président de la République, de refonder la politique de développement solidaire, pour qu’elle soit plus efficace, afin d’agir contre la pauvreté, les inégalités et le changement climatique, et d’atteindre 0,55 % du revenu national brut (RNB) d’ici à 2022. L’objectif sera vraisemblablement atteint, voire dépassé.

Cela nous invite à nous interroger sur la pertinence de ces indicateurs. Vous le savez, je n’en suis pas un grand partisan. Si nous avions tenu la logique du 0,55 %, la France aurait été dans son droit de diminuer le volume de l’aide. Au contraire, nous l’augmentons. Nous devons donc profiter de ce texte pour interroger la manière dont on quantifie l’aide publique au développement et la pertinence de cette mesure qui date des années 1960, où la vision était sensiblement différente de celle d’aujourd’hui.

Vous l’avez dit, l’aide publique au développement est un pilier de la politique étrangère. Elle doit être pleinement alignée sur l’Agenda 2030, comme sur l’Accord de Paris. Elle est au croisement des cinq « P » des Nations unies – paix, planète, prospérité, population et partenariats. Pour relever les défis globaux et trouver des solutions communes, on ne peut pas se passer d’une politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.

Je vous remercie aussi non seulement d’avoir défendu ce sujet, mais d’y avoir mis votre marque, conformément à votre engagement de 2017, avec des dispositions sur le bilatéral, l’augmentation dans les ambassades, l’augmentation des dons, la concentration sur les pays les plus vulnérables ou le réinvestissement dans les secteurs sociaux, de la santé et de l’éducation. En audition, des partenaires tels que l’ONG Action santé mondiale ou Coordination Sud l’ont dit : sans être satisfaits de tout, ils constatent qu’après une décennie perdue de sous-investissement, depuis 2017, la France réinvestit dans les champs de la santé et de l’éducation.

Cela me permet de remercier également de nombreux collègues avec lesquels nous avons travaillé et qui, comme moi, sont satisfaits de voir que la lumière est au bout du tunnel. Nous nous étions engagés pour une stratégie de long terme, claire et lisible – nous ferons le travail parlementaire nécessaire pour qu’elle le soit encore davantage, et que nous soyons collectivement satisfaits de ce qu’elle contient –, sur une trajectoire pluriannuelle, avec de vrais crédits budgétaires – le projet de loi le permet –, et, ce qui tient beaucoup à nos amis sénateurs, sur la préservation d’Expertise France, malgré l’intégration dans le groupe AFD. Nous devrons y veiller, et peut-être renforcer les garanties pour faire en sorte que l’expertise française puisse être mobilisée par les administrations, au-delà de la relation hiérarchique de filiale qu’Expertise France entretient avec l’AFD.

Enfin, nous considérons comme essentiel de favoriser l’engagement des jeunes et de reconnaître celui de la société civile, des collectivités et des acteurs de la diaspora. Le projet de loi inclut cet aspect. L’ancien ministre Jacques Godfrain m’avait dit qu’il serait satisfait lorsque le volontariat de réciprocité figurerait dans le texte : il y est enfin. Cela fait plus de quinze ans que certains acteurs l’attendaient ! Cela permet d’envoyer un signal à nos partenaires, notamment africains. Il s’agit de dire que cette relation de partenariat ne va pas que dans un sens, que nous avons beaucoup de choses à apprendre de personnes qui vivent dans les pays du Sud, que l’on doit sortir de cette relation sinon néocoloniale, du moins teintée parfois d’un sentiment de supériorité. La disposition sur le volontariat de réciprocité donne à voir que la mobilité circulaire et le partenariat peuvent se faire dans les deux sens. On le voit notamment avec la question de la santé : nous avons beaucoup à apprendre de l’innovation dans ces pays.

Nous voulons tous faire en sorte que ce texte de loi soit le moment de démocratiser la politique de développement, d’en faire l’affaire de tous, de la détechnocratiser et de faire que tous nos concitoyens puissent s’engager à avoir les moyens d’agir dans les pays partenaires, sur les questions relatives au climat, à l’éducation ou à la santé.

Le projet de loi est riche, chacun peut y trouver un élément qui le touche. Ses trois titres et neuf articles montrent bien, comme le ministre l’a dit, que le local et le global sont liés. Le texte traite des objectifs de la politique de développement solidaire, du contrôle du Parlement, de l’inclusion des objectifs de développement durable (ODD), du 1 % transports, qui concerne les autorités de transport, du Conseil national du développement et de solidarité internationale, de la diaspora, du volontariat, du statut de l’AFD, de l’intégration d’Expertise France, de la création de la commission indépendante d’évaluation et de l’accueil des organisations internationales.

Il modifiera tous les pans de cette politique, pour répondre à un triple objectif : lutter pour éradiquer la pauvreté ; combattre les inégalités mondiales ; préserver les biens publics mondiaux et lutter contre les changements climatiques.

S’agissant du pilotage et de la stratégie, une ligne de commandement a été créée, du Conseil présidentiel pour le développement (CPD) au conseil local de développement (CLD). Pouvez-vous préciser quelles garanties juridiques permettent à l’ambassadeur d’être chef de file, sur le terrain ? Il ne faudrait pas que son rôle ne soit que la conséquence de relations interpersonnelles. Le dispositif doit permettre à l’ambassadeur d’être le chef de l’équipe France, d’assurer la cohérence des politiques publiques nécessaire pour être le plus efficace possible et répondre à l’objectif politique. L’ambassadeur rend en effet compte devant le Président de la République.

Pour ce qui concerne le financement et le budget, le texte trace une vraie trajectoire budgétaire. Quel est votre regard sur l’indicateur de 0,7 % du RNB ? Est-il dépassé ? Pouvez-vous préciser si les 100 millions d’euros d’augmentation correspondent au financement d’engagements pris précédemment ou s’ils serviront à financer de nouveaux projets ?

Troisième sujet : la coopération, l’engagement à remettre de l’humain dans cette politique. Quelles dispositions garantissent l’autonomie stratégique d’Expertise France dans son intégration ? Comment pouvez-vous garantir qu’elle ne sera pas le cheval de Troie de l’Agence française de développement pour aller vers d’autres secteurs, qui ne sont pas ceux de l’APD, ou d’autres territoires que ceux définis par le cadre.

Quant aux partenariats, on veut donner plus de place au secteur privé, à la société civile, aux collectivités. Où en sont les discussions sur l’évolution, sur un an, de 1,2 % des dépenses de fonctionnement des collectivités et le fait de ne pas comptabiliser les dépenses relatives à l’aide publique au développement dans leur budget, pour ne pas les pénaliser ?

Enfin, s’agissant de l’innovation et du soutien aux petits projets, pouvez-vous revenir sur le lancement du Fonds d’innovation pour le développement ? En quoi symbolise-t-il ou non les ambitions nouvelles de faire mieux et plus envers nos partenaires, pour éradiquer la pauvreté, lutter contre les inégalités et préserver les biens publics mondiaux ?

M. Jean-François Mbaye. Je vous remercie pour votre présence, monsieur le ministre. Permettez-moi de saluer la mémoire de Marielle de Sarnez, qui s’était beaucoup investie dans ce projet de loi et aurait souhaité présider nos débats. Elle n’avait ménagé aucun effort pour que ce texte puisse parvenir devant notre commission et au Parlement. C’est une bonne chose que nous débattions, malgré les circonstances actuelles.

C’est un texte d’une importance majeure. Il n’est jamais inutile de rappeler la place cruciale qu’occupe la solidarité internationale au sein de notre politique étrangère.

C’est aussi un texte technique, avec une programmation budgétaire qui traduit la volonté du Président de la République d’augmenter notre APD d’ici à 2022, et d’optimiser sa gouvernance.

C’est aussi un texte éminemment stratégique et politique, avec un cadre partenarial global fourni, qui permet d’identifier les grandes orientations, transversales, géographiques et sectorielles, que suivra l’APD. Parmi les priorités sectorielles identifiées par le cadre de partenariat global (CPG), annexé au projet de loi, figurent en bonne place la lutte contre les maladies et le renforcement des systèmes de santé. Ces impératifs, incontournables en temps normal, le sont davantage devenus avec la pandémie de covid-19.

Ma première question portera sur la traduction concrète de cette priorité sectorielle de premier ordre. Jusqu’à présent, 10 % du montant de l’APD étaient alloués à la santé. Cette loi de programmation permettrait de consacrer l’objectif ambitieux et nécessaire de 15 %, dans le prolongement des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé. Qu’en pensez-vous ?

Le CPG a également souligné le rôle déterminant qu’a joué la France dans le cadre d’ACT-A, seule initiative globale pour financer la réponse à l’épidémie. À la suite de l’annonce du Président de la République de la financer à hauteur de 510 millions, seuls 160 millions auraient été décaissés. Pouvez-vous indiquer de quelle manière la France entend échelonner les décaissements, afin de satisfaire ses engagements ? Compte-t-elle renforcer sa contribution eu égard aux besoins en présence, s’agissant notamment du volet traitements d’ACT-A.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le ministre, je suis heureuse de vous entendre dire que nous pourrons approfondir ces sujets lors de l’examen des articles.

Vous souhaitez réussir l’appropriation des politiques de développement solidaire par les élus et par nos concitoyens, nous aussi. Pour cela, il faut placer la transparence, le contrôle et l’évaluation au cœur de nos discussions. Je vous remercie de l’avoir fait. Je vous remercie également de cette ouverture que vous proposez pour améliorer le texte et faire en sorte que nous puissions nous retrouver sur ces questions. Je m’en réjouis.

Le projet de loi a pour objet une programmation budgétaire pour la période de 2020 à 2025. Nous sommes en 2021. Nous ne déciderons en fait que pour l’année 2022 : nous saurons ce que l’on fera pour l’APD huit mois plus tôt que d’habitude. Viendront ensuite 2023, 2024 et 2025. Or pour le moment, le texte ne prévoit pas de recueillir l’avis du Parlement sur cette nouvelle programmation. Du moins, cela n’est pas dit clairement, alors que ce point est capital.

L’augmentation des montants, parfois très forte – sur une année, on dépasse 0,55 % – révèle certaines subtilités budgétaires, telles que l’effacement de la dette pour le Soudan, de plus de 4 milliards. Il s’agit non seulement de sommes dues, mais également de pénalités ou de sanctions financières qui viennent gonfler le montant, donc pourcentage d’aide publique au développement. Cela ne retire pas les efforts faits par ailleurs, mais il est essentiel d’être clairvoyants et de savoir où nous en sommes.

Les critères fixés par l’OCDE pour comptabiliser l’aide publique au développement n’ont rien d’obligatoire. Prenons les frais d’écolage, par exemple : la France intègre les frais élevés, payés pour des Chinois, dans son montant d’aide publique au développement. Ils sont comptabilisés comme de l’aide à l’éducation. Ces subtilités mériteraient d’être discutées. La France aurait pu choisir de sortir ces éléments de sa comptabilisation.

Pourriez-vous détailler ce que vous entendez faire avec la gouvernance d’Expertise France ? Quid d’un directeur, ou d’une directrice, d’un président ou d’une présidente ? Quelle serait l’articulation entre les deux et les missions que vous souhaitez leur confier ?

Par ailleurs, quels moyens financeront la commission d’évaluation et de contrôle ? S’il s’agit d’une commission indépendante, il faudra payer des salaires, des frais de fonctionnement, de déplacement. Pour la gouvernance, on ne sait pas bien où l’on va. Vous avez dit que la discussion était ouverte, que l’on pourrait l’alimenter, mais il y a tout de même là un problème budgétaire.

Enfin, la Cour des comptes ne semble pas être le meilleur levier car elle exerce un contrôle budgétaire, alors que ce sont les politiques d’aide publique au développement que nous souhaitons faire évoluer.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous aborderons ces questions essentielles avec M. Moscovici.

M. Sylvain Waserman. Au nom du groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés, je m’associe aux propos de Jean-François Mbaye concernant Marielle de Sarnez.

Notre groupe soutient fortement le projet de loi. Au début de la législature, j’ai rencontré de nombreuses ONG pour évoquer le sujet. Les représentants de l’ONG ONE, en particulier, mentionnaient trois points.

D’abord, leur espoir d’atteindre 0,55 %, après trois ans entre 0,37 % et 0,38 %, de 2014 à 2016. C’était un saut considérable, sur lequel ils disaient être très vigilants. Je leur avais répondu que, parlementaires de la majorité ou de l’opposition, nous le serions tous, car nous devions contrôler que l’engagement du candidat Macron se transforme en une réalité. Tous, nous devons nous réjouir que cet engagement soit tenu, et que l’on arrive au 0,55 % en fin de mandat. Tenir cet engagement est non une question politique de droite, de gauche, du centre, mais un vrai défi remporté par nous tous et par l’exécutif.

Deuxième point soulevé : l’absence de clarification dans les priorités. Le projet de loi y répond pleinement. Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) nous a cependant saisis d’un regret, que la logique des droits de l’enfant n’apparaisse pas nettement. Cela est dommage car les actions à ce titre sont nombreuses et l’on connaît sur le terrain l’engagement de notre pays sur ces thématiques.

En 2017, les associations, y compris les plus pointues dans le suivi de l’aide au développement, ne savaient pas à quoi les 0,37 % servaient. À l’époque, les ministres n’étaient pas capables de dire, euro par euro et ligne par ligne, à quoi le montant de l’APD correspondait. En trois ans, nous avons fait des progrès notables, que je salue.

J’ai assisté mi-janvier à la restitution de l’évaluation du Fonds d’urgence humanitaire, qui associait les ONG. La démarche était remarquable en termes de méthode. Envisagez-vous d’associer ces organisations à l’évaluation de l’efficacité et de l’efficience des politiques publiques ?

M. Alain David. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos éclaircissements, qui permettent d’entrer dans le cœur du projet de loi que porte notre collègue Hervé Berville.

Jusqu’à récemment, les représentants suppléants de l’Assemblée nationale participaient au conseil d’administration de l’AFD. Dominique Pottier et Bérengère Poletti assuraient une présence constructive et vigilante, en plus de celle des titulaires, Hervé Berville et Amélia Lakrafi. Une modification législative récente et inopportune les empêche désormais de suivre les travaux de l’Agence. Nous envisageons d’y remédier à l’occasion de l’examen du projet de loi. Vous y opposerez-vous ?

M. M’jid El Guerrab. La pandémie de covid-19 est une crise sans précédent, qui n’épargne ni les pays du Nord ni ceux du Sud, et entraîne un accroissement des défis globaux. Ces crises appellent une solution multilatérale et coordonnée, empreinte de dialogue et de coopération. Ce projet de loi tant attendu en est une réponse. Or notre aide publique au développement poursuit de nombreux objectifs, parfois mal hiérarchisés, parfois contradictoires. Le manque de concentration sur les pays les plus fragiles et l’importance des financements pour les pays émergents brouillent bien souvent le message, et ne sont compris ni des parlementaires locaux, ni de nous-mêmes, ni des concitoyens locaux, ni de nos concitoyens. Elle est même parfois peu visible auprès de nos partenaires bénéficiaires.

Le projet de loi a l’ambition d’y remédier. Il est nécessaire de disposer d’instruments permettant une action rapide, efficace, dans des contextes de crise où les enjeux de sécurité et de développement sont fortement interconnectés, à l’image de l’agence Expertise France, qui a su développer une telle capacité d’action, en particulier au Sahel.

Or il y a un angle mort que nous devons renforcer, celui de la culture et de la francophonie, en un mot, le soft power, et l’envie de France. Comment faire pour que nous soyons plus fiers de notre aide publique au développement ? Comment sortir de cette forme de gêne, de pudeur de gazelle post-coloniale, là où d’autres pays n’hésitent pas à sortir l’artillerie lourde en matière de communication, insinuant même que la France est aux abonnés absents ?

Enfin, qu’en est-il de la place de la francophonie dans notre stratégie d’aide publique au développement, alors que de nombreuses questions se posent quant à la tenue du prochain Sommet mondial de la francophonie à Djerba, en Tunisie ?

M. Meyer Habib. Tous mes vœux vous accompagnent dans vos nouvelles fonctions, cher président.

Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir évoqué la mémoire de Marielle de Sarnez et de Claude Goasguen. Nous sommes doublement orphelins, et j’ai une pensée émue pour ces deux géants qui nous ont quittés et nous manquent tellement.

Vous l’avez évoqué, avec 10 milliards par an, nous sommes devenus numéro 4 mondial. Ce niveau d’aide au développement fait honneur à notre pays. Augmenter en permanence les budgets est très positif mais certaines questions peuvent se poser quant à l’utilisation de ces moyens.

Ainsi, je ne comprends pas pourquoi l’État français continue d’augmenter les crédits de l’AFD, sans imposer des règles plus strictes et des missions plus claires. En particulier, l’article 9 du projet de loi semble flou : il institue une commission d’évaluation de la politique de développement sans préciser avec qui et comment.

La question de la transparence est très chère au groupe UDI et Indépendants. Or des subventions ont été accordées à des organismes qui peuvent poser question. Ces dernières années, des organisations ont été soutenues, qui ont fait la promotion du boycott d’Israël, interdit par la loi française. C'est le cas de l’Association France Palestine Solidarité, dont les membres sont régulièrement condamnés par les juridictions françaises. De même, le centre culturel Al Bustan a été subventionné, alors qu’il entretient des liens très étroits avec le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), responsable notamment de l’attentat de la rue Copernic. Je pourrai aussi évoquer l’ONG Development Center.

Il faut aider les Palestiniens, il faut même augmenter l’aide qui leur est destinée, et tout faire pour qu’ils soient vaccinés encore plus rapidement, que de l’aide médicale leur soit apportée, avec un contrôle très rigoureux. En avril 2018, le Président de la République avait organisé la conférence de lutte contre le financement du terrorisme « no money for terror » : à l’heure où notre pays est touché dans sa chair, on ne peut pas accepter de se fourvoyer avec des programmes et des organisations un peu troubles.

Puisqu’il est question de terrorisme, je veux faire part de mon émotion et de ma tristesse devant la mort brutale d’Esther Horgen en Cisjordanie. Cette Française de 52 ans, née en région parisienne – nous avons fréquenté la même école –, a été massacrée. Je voulais lui rendre ouvertement hommage,

Enfin, monsieur le ministre, vous l’avez évoqué dans votre propos liminaire, et Antony Blinken a été très clair sur le sujet : il est indispensable que nous traitions les questions relatives à la nucléarisation iranienne.

M. Jean-Michel Clément. Je me suis aperçu que les précédents Présidents de la République ont tous promis d’atteindre l’objectif de 0,7 % – ce fut le cas en 1981, 1992, 2000, 2002, 2005, 2008, 2012, 2014 et 2015. Faire une promesse, c’est une chose, la tenir, c’est en une autre… Le Président Macron a été plus modeste : il s’est engagé à atteindre un taux de 0,55 % en 2022, contre 0,44 % cette année.

Premier bémol, l’augmentation de l’aide française au développement, rapportée au PIB, doit beaucoup au fait que ce dernier a chuté en 2020 et 2021, à cause du covid. Le dénominateur est donc plus petit.

Autre bémol, 20 % de l’aide consistent en des prêts, selon les documents budgétaires. L’ONG ONE, qui a été citée, parle même de 50 %.

Je rappelle aussi qu’une partie des crédits ne quitte pas la France : elle est consacrée aux frais de scolarité d’étudiants étrangers et aux bourses qui leur sont versés, ainsi qu’à l’aide destinée aux réfugiés présents sur le territoire français. Nous l’avions fait remarquer lors de l’examen en commission du projet de loi de finances pour 2021.

Par ailleurs, si notre aide passe de 12 à 17 milliards d’euros en un an, c’est parce que le Gouvernement anticipe, comme le Fonds monétaire international (FMI), une explosion du surendettement dans les pays pauvres : il a prévu d’annuler 4 milliards d’euros de dette l’an prochain, ce qui est intégré dans le calcul de l’aide au développement. Certes, personne ne se plaindra que la dette de certains pays soit allégée, bien au contraire, mais il faut reconnaître que les populations n’en bénéficieront pas directement.

Si la France accroît plutôt son aide aux pays pauvres, au lieu de la diminuer alors qu’elle traverse une crise importante – un mouvement inverse avait eu lieu après 2008 –, c’est que la crise qui s’annonce n’a rien à voir avec celle de 2008, notamment pour les pays africains. Alors qu’ils n’avaient pas connu de récession à cette époque, ils vont en subir une. Des risques de déstabilisation pèsent, de ce fait, sur le continent africain. Sur le plan sanitaire, ne pas aider les pays en difficulté où circule le virus prolongerait la pandémie.

Au-delà des chiffres, on doit regarder les faits et les conséquences. Malgré la bonne volonté affichée, nous sommes en retrait par rapport aux besoins des pays en difficulté. Voilà les remarques d’ensemble que je voulais formuler – je n’ai pas de question particulière à poser.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je crois que tout le monde conviendra que nous n’aurons jamais tous les moyens qui permettraient de répondre à tous les besoins.

Mme Clémentine Autain. Je voudrais évoquer, pour commencer, le retard avec lequel ce texte arrive : il aurait dû être soumis à notre assemblée en 2018 ou 2019. C’est une marque de non-respect à l’égard de la représentation nationale et de l’aide publique au développement, qui mérite mieux qu’un projet de loi aussi tardif.

Certains passages sont presque d’un autre temps : ils sont bien antérieurs à la pandémie que nous sommes en train de traverser – le texte n’en porte pas la trace. Or, selon la Banque mondiale, entre 88 et 115 millions de personnes supplémentaires se trouvent désormais en situation d’extrême pauvreté – elles ont moins de 1,90 dollar par jour pour vivre ; elles pourraient être 150 millions en 2022. Cette question n’est pas prise en considération alors qu’elle est tout à fait centrale.

Je tiens néanmoins à citer un progrès qui me tient à cœur : la suppression de la conditionnalité des aides aux politiques migratoires. Je trouve qu’il est bon d’y renoncer – c’est d’ailleurs salué par les ONG.

Autre progrès – très relatif –, la part de l’APD doit être portée à 0,55 % du PIB dans un premier temps puis, mais ce n’est très sécurisé dans le texte qui nous est présenté, à 0,7 %. Malgré l’engagement pris par Emmanuel Macron, on a du mal à être dans les clous, budget après budget, et nous aimerions que la trajectoire soit sécurisée plus durablement, au-delà du mandat du Président de la République. Vous connaissez notre position : le groupe La France insoumise est pour qu’on atteigne 0,7 % du PIB tout de suite, durant cette législature. C’est un point de désaccord entre nous.

Le projet de loi souffre, en outre, de problèmes structurels.

Le premier est que le cœur des objectifs de l’APD se trouve dans le préambule ou en annexe, et non dans le texte en tant que tel, c’est-à-dire, demain, dans le marbre de la loi.

Il y a aussi la question du pilotage. Nous débattons très souvent, dans cette commission, de la place de l’AFD et du fait que la tutelle du ministère des affaires étrangères est très relative. C’est plutôt l’Élysée qui s’occupe de l’AFD, et surtout l’autonomie de cette dernière pose un problème. À cela s’ajoutent toutes les critiques dont l’AFD a pu faire l’objet, mais je n’y reviens pas.

Plus fondamentalement encore, on ne sort pas des politiques néolibérales qui sont menées depuis que vous êtes là et, au-delà, depuis des décennies. Il existe une incohérence : on ne peut pas afficher les objectifs figurant dans le texte et mener des politiques néolibérales qui vont dans le sens contraire. L’accord avec le Mercosur est un exemple typique de contradiction totale entre les objectifs concernant l’aide publique au développement et la réalité de la politique de la France : elle est capable de nouer un accord de cette nature, qui est une catastrophe environnementale et un drame pour les politiques indigènes. Il faudrait éviter ce type de contradictions mais le projet de loi n’en donne aucune garantie.

M. Jean-Paul Lecoq. Le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales aurait pu être intéressant et plus que bienvenu en 2018 ou, à la rigueur, en 2019. En 2021, les députés communistes peinent à lui trouver un intérêt extraordinaire… C’est une charte de principes non contraignants : tout l’intérêt, Clémentine Autain vient de le dire, réside dans le préambule et dans l’annexe. Il y aura tout un travail à faire pour donner à ce texte – je ne sais pas s’il faut parler d’un projet de loi de Jean-Yves Le Drian ou d’une proposition de loi d’Hervé Berville – la force que vous souhaitez. J’y reviendrai lorsque nous examinerons les articles en commission et en séance.

Afin de mettre le texte à l’épreuve des réalités, je me concentrerai sur l’aide publique au développement là où notre pays est présent par l’intermédiaire de ses entreprises privées – même s’il n’y a pas grand-chose dans le projet de loi à ce sujet.

Total s’est implanté au Mozambique, par exemple, pour exploiter de gigantesques réserves de gaz situées au large des côtes du nord du pays, dans une zone où sévit une rébellion islamique soutenue par Daesh et attisée par le ressentiment que suscitent les multinationales au sein de populations démunies, notamment en raison d’expropriations violentes et du chantier catastrophique auquel je fais référence.

Pour redresser la barre au Mozambique et pour éviter que ce genre de scénarios se reproduise, il faudrait faire en sorte que les multinationales françaises suivent les prescriptions inscrites dans le projet de loi. L’image de la France pourrait ainsi être respectée – et respectable – partout où nous sommes présents, au travers d’opérateurs publics, d’ONG ou d’entreprises privées. La diplomatie française est-elle en contact avec Total afin qu’il y ait une redistribution des richesses en faveur des habitants qui ont été expropriés ou qui n’ont plus le droit de pêcher alors que c’était leur seule source de revenu ? La France travaille-t-elle avec le gouvernement mozambicain pour reconstruire des services publics locaux – des écoles, des hôpitaux et des routes – dans la région concernée ? La France va-t-elle surveiller la situation ? Il existe un devoir de vigilance que vous connaissez bien, monsieur le ministre. La France va-t-elle demander des comptes sur les agissements des sous-traitants, au premier rang desquels figurent de nombreuses compagnies de sécurité privées ? Il faudrait que ces entreprises forment des salariés mozambicains – souvenez-vous du proverbe : plutôt que de distribuer du poisson, apprenez – aussi – aux gens à pêcher, pour qu’ils puissent être autonomes – et qu’elles paient des impôts à la hauteur des enjeux. Je rappelle aussi qu’il y a des accusations d’exactions de la part de soldats mozambicains qui sembleraient être payés, indirectement, par les multinationales. La France peut-elle prendre une position ?

L’implantation d’une base arrière de Total à Mayotte m’inquiète aussi. Vous connaissez ma position s’agissant de ce territoire et du respect du droit international.

En tant que président du groupe d’amitié avec le Mozambique, je souhaite également savoir si la France va envoyer de l’aide humanitaire pour aider les populations touchées par le passage – il y a une semaine – du cyclone Éloïse, qui a fait plus de 250 000 déplacés.

Le projet de loi devrait être modifié sur plusieurs points si on veut qu’il ait une réelle utilité. On doit faire en sorte que tous les relais, privés ou publics, de la présence française soient soumis aux mêmes exigences en matière d’exemplarité, qu’ils contribuent au développement solidaire et qu’ils luttent contre les inégalités mondiales. La France doit respecter et faire respecter les droits humains – ceux des femmes, des enfants et sur le plan environnemental – partout où elle est présente. On doit aussi faire en sorte que la France respecte absolument toutes les résolutions des Nations unies, en particulier celle qui demande de consacrer 0,7 % du PIB à l’APD. Une de mes premières interventions, il y a trois ans, consistait à expliquer que le pourcentage pouvait augmenter parce que le PIB diminuait. On m’avait dit à l’époque que cela ne risquait pas d’arriver, mais vous voyez bien que si ! Pourtant, je n’avais pas prévu la crise actuelle.

Mon groupe sera attentif. Je vous proposerai, en son nom, une multitude d’amendements. L’un d’entre eux, je le dis tout de suite, tendra à intégrer le CPG dans les articles du projet de loi. Cela permettra de répondre à de nombreuses attentes formulées par les ONG lors des auditions – je le dis en regardant le rapporteur. Le fondement de la loi doit être dans la loi elle-même.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Les représentants des groupes ont pu s’exprimer, et je vais donner la parole au ministre pour leur répondre. Nos réunions se terminent en principe à dix-neuf heures trente. Comme nous avons consacré quelques minutes, au début, à une importante question d’actualité, je pense que nous pourrons aller jusqu’à dix-neuf heures quarante-cinq. Néanmoins, je ne pourrai sans doute pas donner la parole à l’ensemble des inscrits. Nous reprendrons mercredi prochain le débat là où nous le laisserons tout à l’heure. Comme le disait Victor Hugo, « chacun en [aura] sa part et tous l’[auront] tout entier ».

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Certaines questions ou observations se recoupent. J’y répondrai donc en même temps.

En ce qui concerne le pilotage, qu’est-ce qui obligera l’ambassadeur à réunir autour de lui le conseil local de développement, rassemblant l’ensemble des partenaires ? C’est la loi : c’est prévu dans le cadre du CPG. Les ambassadeurs respectent généralement la loi…

Aux termes du deuxième alinéa de l’article 1er, « est approuvé le rapport annexé à la présente loi qui établit le cadre de partenariat global ». Cela fera donc partie de la loi. J’ai une certaine ancienneté au Parlement : il en a toujours été ainsi. Ce n’est pas normatif, mais on appliquera le texte…

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Cela veut-il dire que cela sera amendable ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Oui.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il faudra préciser la question des dispositions ayant une valeur légale sans être toutefois contraignantes. Nous pourrons certainement le faire lorsque nous examinerons les articles du projet de loi.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cela existe aussi dans le cadre des lois de programmation militaire, qui comptent un faible nombre d’articles : des documents annexes leur sont intégrés – dès lors qu’un article du texte dit qu’ils sont approuvés.

L’objectif de 0,7 % a fait l’objet de plusieurs interventions. Il faudrait reconnaître que le texte dit toute la vérité à ce sujet : on est actuellement à 0,52 %. Je ne me cache pas derrière la dette du Soudan – avec elle, on serait à 0,69 % et donc presque à 0,7 %. Nous voulons être clairs à propos de nos orientations et de nos engagements. Nous atteindrons 0,55 % l’année prochaine en renforçant l’action du ministère des affaires étrangères : les crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » passeront de 3,9 à 4,8 milliards d’euros.

On voit bien qu’il y a une question mais je ne pense pas que nous la réglerons seuls. L’objectif de 0,7 % date d’une résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1970 : cette norme a été conçue pour donner une impulsion et permettre de réaliser des comparaisons. Je rappelle que seuls cinq pays ont actuellement atteint la cible : le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni. Les règles applicables sont celles établies par l’OCDE. Tout le monde doit utiliser les mêmes, sinon il n’y a plus de comparaison possible – je réponds un peu, de cette manière, à Mme Poletti. À ma connaissance, les autres pays prennent aussi en compte les frais d’écolage.

L’aide publique au développement est aussi un instrument d’influence. La compétition se fait également par ce biais. Vous fréquentez beaucoup le Mozambique, monsieur Lecoq, mais moi aussi… Il existe une véritable compétition, dans ces pays, entre les types de développement. Nous nous inscrivons dans cette logique, sans la moindre ambiguïté.

M. Berville m’a demandé s’il fallait maintenir l’objectif de 0,7 %, parce qu’on peut jouer avec les chiffres – ce que je ne veux pas faire. Vous savez que les Britanniques ont fait un choix différent du nôtre. Nous avons décidé de maintenir notre effort pour atteindre le niveau sur lequel nous nous sommes engagés. Nous pensons que c’est aussi dans notre intérêt, pour toute une série de raisons que j’ai déjà évoquées.

Je ne peux pas m’engager pour la période 2023-2025 sauf si vous demandez, par amendement, que je reste en place jusque-là (Sourires). Une réévaluation annuelle est prévue mais je suis très ouvert à une disposition qui serait semblable à celle prévue par les lois de programmation militaire, si vous estimez que c’est préférable. On pourrait retenir la date de 2022, par exemple. Il faut continuer à travailler ensemble, je l’ai dit, pour coconstruire ce texte le mieux possible.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous avons entendu ce message.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Les 100 millions d’euros d’augmentation de la taxe sur les transactions financières (TTF) seront affectés au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme – j’ai demandé à mes collaborateurs un petit mémorandum sur les fonds existants : je m’y perds moi-même…

Expertise France gardera un président, un conseil d’administration et un directeur général, et on pourra passer directement des commandes. L’intérêt de l’intégration de cette agence dans le dispositif est de pouvoir proposer en même temps son appui technique, lorsque des projets ne sont pas assez élaborés, et des financements de l’AFD.

Le critère de hausse maximale de 1,2 % des dépenses de fonctionnement est tombé – le Premier ministre me l’a confirmé. Les contrats de Cahors ne s’appliquent plus dans la période actuelle. Si vous le voulez, néanmoins, je ne verrais pas d’inconvénient à une sécurisation.

Le Fonds d’innovation pour le développement, placé sous la présidence de l’économiste Esther Duflo, sera doté de 15 millions d’euros par an. Ce fonds vise à soutenir toutes les innovations technologiques, sociales, financières ou environnementales ayant un fort impact sur le terrain dans les secteurs thématiques prioritaires que j’ai indiqués. Un suivi sera réalisé. Nous voulons absolument développer une capacité d’expérimentation. Je pourrais citer des exemples très significatifs que j’ai vus lors de mes déplacements : il existe de véritables pépinières d’innovation qui permettent de sortir des habitudes ou des pratiques classiques, en particulier en ce qui concerne les relations avec les ONG locales. Je précise, sur ce point, qu’il y aura des acteurs locaux dans les comités présidés par les ambassadeurs, aux côtés de l’AFD, des services des ambassades et des ONG nationales ou européennes. Cela permettra d’assurer une cohérence.

La Cour des comptes n’était pas favorable, jusque-là, à faire partie du dispositif, madame Poletti, mais son Premier président nous a fait savoir qu’il était tout à fait désireux de travailler sur cette question – il pourra vous en parler demain lorsque vous l’auditionnerez. Je n’ai pas de position en la matière, mais je partage les exigences que vous avez évoquées, comme les sénateurs. Il faut trouver le bon outil en ce qui concerne l’indépendance, la redevabilité et les vérifications. Le coût du dispositif sera marginal par rapport à l’ensemble. On peut envisager, par exemple, que la présidence de la commission d’évaluation soit assurée par le Premier président de la Cour des comptes. Il faudrait adapter la composition de la commission d’évaluation en conséquence et faire en sorte, bien sûr, qu’elle comporte de vrais experts. Je suis très ouvert. Essayons d’avancer ensemble, assez vite – avant le 17 février.

Il pourrait y avoir de nouveaux effacements de dette. J’ai publié tous les chiffres, et nous ferons de même à l’avenir. Le G20 a décidé un moratoire sur la dette et un échelonnement des paiements pour une quarantaine de pays. Nous sommes partie prenante, et nous irons peut-être, dans certains cas, jusqu’à une extinction de dette. Ce sera bien identifié afin d’éviter d’atteindre l’objectif de 0,7 % par effraction. Je tiens à être très clair, car il n’y a pas d’arrière-pensées. Il est vrai qu’on peut se demander, dans ce contexte, si le critère de 0,7 % est toujours valable. Ce débat peut être ouvert au sein de l’OCDE ou en France mais je m’en tiens, pour l’instant, aux orientations qui existent.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. On pourrait peut-être résumer en disant que les effacements de dette ne compteront pas dans le calcul mais que le critère de 0,7 % n’a plus grand sens.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cela ne compte pas s’agissant de l’objectif de 0,55 % sur lequel je m’engage : sinon, on serait déjà à 0,69 % compte tenu de l’effacement de la dette soudanaise.

Il pourrait y avoir demain, en particulier lors de la sortie de crise et pour des pays africains, une volonté du G20 d’effacer des dettes ou d’appliquer un moratoire. Cela entrera dans le cadre de la comptabilisation prévue par l’OCDE pour tout le monde. Tant que nous n’avons pas trouvé autre chose, restons-en là. Néanmoins, il faut faire preuve de transparence – j’y tiens.

La part de la santé est supérieure à 10 %, monsieur Mbaye. Des engagements internationaux très significatifs ont été pris dans le cadre d’ACT-A. La charte dont j’ai parlé tout à l’heure sera normalement validée dans quelques jours. Nous avons pris cette initiative pour faire en sorte qu’il y ait une véritable mobilisation en ce qui concerne les systèmes de santé, les diagnostics, les traitements et les vaccins.

S’agissant de Gavi, l’outil de distribution des vaccins, nous avons porté notre contribution à 500 millions d’euros. En ce qui concerne le COVAX, qui est la facilité financière permettant d’acheter des vaccins, nous avons mobilisé 100 millions. Je pense avoir répondu à votre question, monsieur Mbaye.

M. Jean-François Mbaye. Cela ne correspond pas à ce que j’attendais, notamment en ce qui concerne la trajectoire, mais nous pourrons en rediscuter.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je reprends. Il faut distinguer, au sein du dispositif concernant les vaccins, le distributeur et le financeur. Ce dernier, s’agissant de la covid-19, est le COVAX, pour lequel nous mobilisons 100 millions d’euros. Pour ce qui est du distributeur, Gavi, nous apportons 500 millions, sur un total de 2 milliards, de mémoire. ACT‑A a quatre silos, je le répète : les vaccins, les traitements, les diagnostics et les systèmes de santé.

M. Jean-François Mbaye. Quels montants ont été décaissés à ce stade ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je n’ai pas le chiffre mais nous allons vérifier.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous propose de nous faire parvenir une note que je diffuserai auprès de l’ensemble des membres de la commission.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nous le ferons pour mercredi prochain.

S’agissant des droits de l’enfant, on peut regarder comment cette question pourrait s’insérer dans le texte : il est déjà beaucoup question de l’éducation.

En ce qui concerne l’évaluation en continu, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) joue déjà un peu ce rôle mais je suis également ouvert sur ce point.

Je le suis, de même, aux propositions de M. David. J’ai évoqué la question avec le Président mais cette décision ne m’appartient pas.

La francophonie ne relève pas directement du développement. Néanmoins, le projet de loi précise que la politique de développement « œuvre également à la promotion de la diversité culturelle et de la francophonie ». Celle-ci a un budget, un mode de fonctionnement et des partenaires qui sont spécifiques.

J’ajoute que l’effort réalisé dans le cadre du partenariat mondial pour l’éducation est tourné en priorité vers les 19 pays dont j’ai parlé. Ils appartiennent en grande partie à l’Afrique francophone – mais il y a aussi Haïti. On contribue donc à la francophonie en développant l’enseignement dans ces pays.

C’est aussi une question qui se pose dans le cadre de la politique d’influence que peut constituer la politique de développement, comme vous l’avez souligné.

Je ne reviens pas sur l’intervention de Jean-Michel Clément : il a formulé des observations plutôt que des questions, et il est parti.

Je me suis entretenu la semaine dernière avec M. Blinken, monsieur Habib, et nous allons nous reparler cette semaine.

S’agissant des ONG concernées par des aides ou des partenariats de projets utilisant des outils français, nous sommes très clairs : il faut un criblage des bénéficiaires pour éviter le blanchiment d’argent ou des détournements à des fins terroristes, sauf en ce qui concerne l’aide humanitaire. Cette aide urgente pour des populations dans le désarroi ou en détresse n’est pas soumise au criblage : nous n’avons pas le temps – ni la volonté – de le réaliser. Ce sont les normes internationales, de l’OCDE, auxquelles tout le monde doit se plier.

Nous avons des points d’accord et des divergences, madame Autain, ce n’est pas nouveau. Je suis d’accord avec vous quant à la nécessité d’un pilotage des outils dont nous disposons, pour éviter qu’ils se comportent d’une manière autonome. Je crois que le texte permettra de l’éviter en ce qui concerne l’AFD : il fera en sorte qu’il y ait une véritable direction pour l’ensemble des acteurs. L’article 7 est très clair : « L’Agence française de développement est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle de l’État et contribuant à l’action extérieure de la France au sens de l’article 1er de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État ».

Vous avez également évoqué la cohérence de notre action – je ne vais pas revenir sur le Mercosur. Mais l’alinéa 3 de l’article 2 insiste sur la cohérence entre les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et ceux des autres politiques publiques susceptibles d’avoir un impact sur l’atteinte des objectifs de développement durable dans les pays partenaires, en particulier les politiques sociale, commerciale, fiscale, migratoire, de sécurité et de défense, de recherche et d’innovation, et d’appui aux investissements à l’étranger.

Monsieur Lecoq, nous ne sommes pas d’accord sur le Mozambique, j’en suis désolé. Peut-être ai-je de mauvaises informations – je vais les vérifier. Je suis allé plusieurs fois à Maputo, j’ai vu le président Filipe Nyusini, qui a signé un partenariat avec Total, bien qu’il soit membre du parti révolutionnaire Frelimo – cela peut donc arriver ! Il est soucieux de la sécurité de la zone. Nous pouvons engager le débat sur le Mozambique, mais peut-être pas aujourd’hui.

M. M’Jid El Guerrab. Monsieur le ministre, quid de la communication de l’AFD et nos pudeurs de gazelle ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je serai très heureux que, lors de nos débats en séance publique, le sujet de la communication, de l’identification et de la lisibilité de l’action de la France soit porté par des parlementaires car je partage votre avis. Je suis parfois stupéfait de nos pudeurs et, en même temps, de l’absence de pudeur d’autres qui, pour de petites choses, font beaucoup de bruit quand nous faisons de grandes choses, mais avec moins de bruit… C’est cela aussi la politique d’influence.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Monsieur le ministre, vous allez nous obliger à citer de vieilles maximes de la bourgeoisie lyonnaise : le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit !

Nous n’allons pas commencer le débat avec les députés s’exprimant à titre individuel. Nous y reviendrons le 10 février à neuf heures trente en votre présence, mais je ne prendrai pas de nouveaux inscrits. Interviendront donc pour deux minutes chacun M. Jacques Maire, Mme Amélia Lakrafi, M. Michel Herbillon, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Marion Lenne, Mme Anne Genetet, Mme Liliana Tanguy, M. Pierre Cabaré, M. Éric Girardin, Mme Nicole Le Peih, Mme Aina Kuric, Mme Olga Givernet et Mme Sira Sylla et M. Rodrigue Kokouendo.

Je vous remercie, monsieur le ministre, pour ces échanges très intéressants et l’affirmation de votre volonté de cheminer ensemble pour perfectionner ce projet de loi, coproduit par les assemblées et vous-même.

Nous serons heureux de vous accueillir à l’occasion de l’examen des articles, et donc des amendements. Notre objectif est de coller à une réalité qui a profondément changé. C’est aussi de bâtir une gouvernance au sein de laquelle les engagements pris par l’exécutif seront tenus. Nos collègues sont très soucieux de disposer d’une terre solide sur laquelle bâtir.

Marielle de Sarnez aurait été heureuse de voir que les discussions qu’elle avait tant contribué à préparer, en collaboration avec le Sénat, se déroulent de manière constructive. J’avais le devoir de le rappeler, ce qui explique ma longue introduction.

Enfin, je remercie M. Berville. Je sais qu’il ne vous lâchera pas, monsieur le ministre !

La séance est levée à dix-neuf heures quarante.

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