Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 Présentation, ouverte à la presse, par M. Alain David, de l’avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens de France Médias Monde                            2

         Informations relatives à la commission.................. 16

 

 

 


Mercredi  
3 février 2021

Séance de 9 h 30

Compte rendu n° 032

session ordinaire de 2020-2021

Présidence
de M. Jean-Louis Bourlanges,
Président

 


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La séance est ouverte à 9 h 30.

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

Présentation, ouverte à la presse, par M. Alain David, de l’avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens de France Médias Monde)

M. le président Jean-Louis Bourlanges. L’ordre du jour appelle la présentation, ouverte à la presse, de l’avis de la commission sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens (COM) de France Médias Monde (FMM).

Le Parlement a été saisi, le 18 décembre dernier, des projets des contrats d’objectifs et de moyens pour 2020-2022 des cinq sociétés publiques de l’audiovisuel. Les commissions permanentes disposaient d’un délai de six semaines pour donner un avis sur ces documents si elles le souhaitent. Nos collègues de la commission des affaires culturelles statuent aujourd’hui de façon globale sur les contrats d’objectifs et de moyens de FMM, France Télévisions, Radio France, Arte France et de l’INA.

La présentation de ces contrats est nouvelle puisqu’ils comportent désormais dans leur première partie des objectifs communs à ces sociétés, leur seconde partie décrivant les objectifs et le plan d’affaires spécifiques à chacune d’elle.

Le projet d’avis de notre commission prend la forme d’un rapport d’information de notre collègue Alain David. Chargé par notre commission de suivre les COM de FMM depuis le début de la législature et rapporteur pour avis des crédits de l’action audiovisuelle extérieure, il est l’homme de la situation.

Je retiens du projet de contrat transmis par le Gouvernement deux priorités indispensables à toute action internationale de la France. La première est la réaffirmation d’une volonté de présence globale, sans exclure le développement de stratégies différenciées selon les régions du monde, structurée autour de la promotion de la francophonie. La force diplomatique de la France tient beaucoup à ce réseau pour défendre ses valeurs, sa culture et son économie. La seconde est le développement de l’offre numérique pour que la voix de la France atteigne des publics nouveaux, par des canaux variés.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Monsieur le président, mes chers collègues, après avoir mené une série d’auditions, je vous présente le projet de COM 2020-2022 conclu entre l’État et FMM, société de programmes en charge de l’audiovisuel extérieur, sur lequel notre commission avait la possibilité de rendre un avis en vue de l’élaboration du document final. Malgré quelques réserves, mon avis sur ce document est positif.

Tout d’abord, il ne vous aura pas échappé que ce COM, qui nous a été soumis à la fin du mois de décembre 2020, porte sur une période entamée. En tant que parlementaires, nous avons déjà été confrontés à cette situation et regrettons de voir de nouveau la pertinence de la présentation des COM au Parlement limitée pour des raisons de calendrier. Je le déplore d’autant plus que ce contrat s’étend sur une période relativement courte de trois ans. Il s’agit, certes, du délai minimum imposé par la loi mais, en pratique, ce choix va limiter la visibilité du COM pour la direction et les personnels de FMM. Si la durée du contrat correspond à l’horizon politique prévisible pour le gouvernement actuel et respecte la trajectoire financière arrêtée à l’été 2018 pour l’audiovisuel public, elle laisse planer de nombreuses incertitudes sur l’avenir des sociétés, notamment en matière financière.

J’ajouterai que ce COM s’inscrit dans un nouveau cadre temporel, partagé par l’ensemble des cinq sociétés de l’audiovisuel public, à savoir France Télévisions, Radio France, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et Arte. Tous les projets de COM ont été soumis au même moment au Parlement et comprennent une partie commune, composée par la moitié des dix objectifs assignés à chacune des sociétés.

Les COM s’accompagnent d’une feuille de route commune de l’audiovisuel public, qui compte parmi ses priorités l’Europe et les actions extérieures. Pour la première fois, la dimension européenne et internationale de l’ensemble du secteur audiovisuel public est mise en avant. On peut se féliciter de cette évolution allant dans le sens des recommandations formulées par notre commission lors de ses travaux sur la réforme de l’audiovisuel public, il y a un peu plus d’un an. Toutefois, comme nous l’avions alors souligné, il faudra veiller à la cohérence entre les développements à l’international de ces sociétés.

Ce cadre commun à l’ensemble du secteur de l’audiovisuel public se traduit par un objectif de développement des synergies et partenariats entre les sociétés, ainsi que par une liste de projets de coopération prioritaires, figurant en annexe. Si certains d’entre eux correspondent à la poursuite ou au renforcement de coopérations en cours, comme la contribution au développement de la plateforme francophone TV5MONDEplus, il est aussi prévu que les sociétés de l’audiovisuel public concluent des pactes portant respectivement sur la mise en valeur de la culture et de la musique, sur la jeunesse et sur la visibilité des Outre-mer. À ce jour, ces sociétés disposent encore de très peu d’informations sur ces pactes.

Si des objectifs partagés ont été définis, les indicateurs de suivi de ceux-ci demeurent personnalisés lorsque c’est nécessaire, afin de répondre aux spécificités de chacune des sociétés. Ce cadre commun à l’audiovisuel public me semble ainsi plus respectueux des caractéristiques propres à l’audiovisuel extérieur que ne l’aurait été la création d’une holding de l’audiovisuel public – projet un temps souhaité par le Gouvernement mais suscitant de nombreuses réserves au sein de notre commission. En effet, s’il est pertinent de développer des synergies et coopérations entre les sociétés de l’audiovisuel public, la comparaison systématique entre leurs objectifs et performances présente des limites.

Je vais désormais revenir plus en détails sur les objectifs assignés à France Médias Monde. Ils reflètent pour l’essentiel les priorités fixées par le groupe à la fin de 2019, dans le cadre du projet stratégique « horizon 2022 ». Ils réaffirment les missions essentielles qui caractérisent notre audiovisuel extérieur et définissent son rôle crucial dans le rayonnement de la France à l’étranger. Je pense notamment à la transmission des valeurs démocratiques dans le monde et à la diffusion de la vision singulière de la France, sur des sujets aussi cruciaux que l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ou le respect des droits humains. Cet objectif est étroitement lié au renforcement de la lutte contre une désinformation qui fait rage et prend souvent un aspect géopolitique. Les médias de FMM sont devenus une référence pour contrer les fausses informations, grâce à des programmes comme « Info ou intox » ou « Les dessous de l’infox », ainsi qu’à la mobilisation constante des journalistes.

Parmi les objectifs du COM figure aussi la promotion de la francophonie dans un monde plurilingue. Cet objectif est étroitement lié à l’axe de maintien d’une présence mondiale couplé au développement d’une stratégie régionalisée. Sont ainsi réaffirmées les priorités constituées par l’Afrique subsaharienne, le Proche et Moyen-Orient et l’Europe ; mais aussi par l’Amérique latine où France 24 connaît un important développement depuis le lancement de sa déclinaison en espagnol. Le développement éditorial du groupe a également été marqué par l’inauguration récente d’une implantation locale de la radio RFI à Dakar ainsi que par le lancement, en décembre 2020, d’une offre enrichie en mandingue, peul, haoussa et swahili, dans le cadre du projet Afri’Kibaaru cofinancé par l’Agence française de développement (AFD).

S’il faut saluer la poursuite de cette stratégie de développement éditorial, on ne peut que regretter les récents replis effectués par le groupe faute de moyens suffisants, par exemple aux États-Unis et en Scandinavie.

À ces objectifs éditoriaux s’ajoutent des objectifs transversaux visant la transformation numérique et le développement de l’innovation numérique, ainsi que l’exemplarité attendue des entreprises de l’audiovisuel public en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, de diversité, d’inclusion des personnes handicapées et de durabilité. S’ils sont communs, ces objectifs illustrent bien l’importance du respect des spécificités de chacune des sociétés. Par exemple, la maîtrise de l’empreinte carbone des médias de FMM est un enjeu de premier plan. Mais elle est soumise à des contraintes plus fortes que celles des médias à vocation nationale, ses équipes devant davantage se déplacer à l’étranger pour fournir une information fiable et de qualité.

Enfin, ce COM comporte des objectifs de gestion et de rationalisation des moyens. Le dernier objectif porte sur l’optimisation de la gestion de l’entreprise et s’inspire des recommandations formulées par la Cour des comptes dans le cadre d’une mission effectuée entre novembre 2018 et janvier 2021, mais dont les conclusions détaillées n’ont pas encore été rendues publiques.

Le groupe FMM, comme l’ensemble du secteur de l’audiovisuel public, est appelé à la maîtrise de sa masse salariale. L’entreprise a ainsi élaboré un plan de départs volontaires qui devrait porter sur 30 personnes. Il est important de rappeler une nouvelle fois l’une des spécificités de ce groupe : ses médias produisent la majorité de leurs programmes en interne. Dès lors, tout objectif de réduction de la masse salariale, qui représente 55 % des charges du groupe, doit tenir compte de cette spécificité. D’autant que ce plan de départs volontaires et l’ensemble des objectifs dits de soutenabilité économique font suite à des coups de rabots budgétaires qui se sont déjà traduits par la mise en œuvre d’un plan d’économie. Je rappelle que la trajectoire financière arrêtée par le précédent COM a été revue à la baisse par le Gouvernement à mi-parcours, à l’été 2018. Cette révision s’est traduite par une baisse de 3,5 millions d’euros des ressources publiques allouées à FMM pour la période 2018-2022. Pour rappel, la dotation pour 2021 s’élève à 254,70 millions d’euros.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, c’est peu à côté du budget de nos voisins européens comme la Deutsche Welle dont la dotation, en croissance continue, s’élevait à 365,5 millions d’euros en 2020. Dans le même temps, des concurrents redoutables comme la chaîne russe RT ou les médias extérieurs chinois CGTN connaissent une très forte expansion.

La trajectoire fixée par ce nouveau COM, détaillée en annexe dans le plan d’affaires, reprend la trajectoire fixée à l’été 2018. Toutefois, le contrat mentionne la possibilité d’une remise en cause en raison de la crise sanitaire ou de tout autre nouvel élément qui pourrait être identifié dans le cadre du processus budgétaire pour 2021. J’ai interrogé les représentants du ministère de la culture sur ce point et il m’a été assuré qu’en cas de déviation significative de cette trajectoire, le COM ferait l’objet d’un avenant. Nous devrons donc rester vigilants.

Surtout, la question des moyens de FMM renvoie à celle plus générale du financement de l’audiovisuel public. Sur ce point, on peut regretter que le COM n’esquisse aucune piste, alors même que la taxe d’habitation, vecteur de la contribution à l’audiovisuel public – la fameuse redevance –, est en cours de suppression. Cela s’ajoute à l’inadéquation de ce prélèvement au regard de l’évolution des usages, en raison de la part croissante occupée par le numérique vis-à-vis du linéaire. Si la réflexion technique est engagée sur le sujet, il est indispensable que la dimension politique du financement de l’audiovisuel public ne soit pas délaissée. En effet, il est essentiel de conserver une ressource non seulement pérenne mais aussi et surtout affectée, afin de garantir l’indépendance de l’audiovisuel public – là où une budgétisation créerait un lien direct entre le Gouvernement et l’attribution de crédits à l’audiovisuel public. Pour FMM ce gage d’indépendance est crucial car il engage la crédibilité des médias du groupe à l’étranger, le risque d’y être perçu comme un média d’État pouvant susciter des instrumentalisations politiques.

Pour conclure, je rappellerai que la question des moyens alloués à FMM est d’autant plus importante que l’objectif de progression des ressources propres du groupe, figurant dans le COM, reste incertain. D’une part, le dynamisme des recettes publicitaires est limité par la conjoncture. D’autre part, les financements sur projets, notamment par l’AFD ou par la Commission européenne pour les projets franco-allemands comme InfosMigrants ou Enter!, sont attribués à ce stade pour des durées limitées et doivent être renouvelés régulièrement. Soutenu par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, FMM travaille actuellement à la pérennisation pour sept ans des financements européens, point sur lequel il faudra rester mobilisés.

Malgré quelques réserves, je vous invite donc à émettre un avis favorable sur ce projet de contrat d’objectifs et de moyens, qui a le mérite de mettre en avant le rôle clef joué par notre audiovisuel extérieur pour fournir une information fiable et de qualité tout en contribuant au rayonnement de nos valeurs à l’étranger, et ce malgré un cadre budgétaire contraint.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Merci, monsieur le rapporteur, pour cette présentation intéressante mais préoccupante sur le plan budgétaire. Votre vigilance a toujours été relayée par notre commission, qui examine avec attention toute baisse éventuelle des crédits du ministère des affaires étrangères. Confrontés au défi mondial d’une exigence d’audience renforcée, nous ressentons péniblement les restrictions budgétaires. Il était important que vous insistiez sur ce point.

M. Jean-François Mbaye. Je salue l’excellent travail réalisé par le rapporteur sur un document stratégique destiné à guider l’action de FMM au sein de l’audiovisuel public français.

Lors de l’examen de l’avis sur l’action audiovisuelle extérieure, nous avons déjà eu l’occasion de vous interroger sur certains axes évoqués dans ce COM, ce qui nous permet de revenir sur des points saillants de la stratégie destinée à assurer le bon fonctionnement et l’efficacité des instruments médiatiques dont dispose notre pays.

 

Comme le souligne l’objectif 6 du COM, FMM est investi de missions internationales « plus essentielles que jamais ». La formulation n’est pas conventionnelle mais reflète avec pertinence une réalité qu’il nous faut regarder en face. La désinformation et le complotisme étendent doucement mais sûrement leur influence dans maintes sociétés, y compris les plus développées. Se donner les moyens de fournir une information de qualité, dans le respect des principes déontologiques qui doivent guider toute initiative journalistique, c’est nous doter d’outils utiles pour combattre ces fléaux que certaines puissances étrangères se plaisent à instrumentaliser pour susciter le chaos chez leurs rivaux.

Au-delà de la capacité d’influence de notre pays, il convient de souligner que nos médias sont également capables de soutenir d’autres actions nationales, notamment en matière de solidarité et de développement. J’en veux pour exemple la lutte contre les pandémies. Mettre l’information à la disposition des populations qui en sont parfois privées permet de prévenir certains comportements, comme les discriminations à l’encontre des malades.

Quelle est la place accordée aux programmes éducatifs dans la stratégie de FMM, outre ceux diffusés à l’attention des plus jeunes ?

Nous partageons votre vigilance concernant l’optimisation de la gestion de l’entreprise. Le résultat de l’exercice financier pour 2020 est positif en raison du report de certains événements comme les Jeux olympiques, de la baisse durable d’activité et d’une gestion parfaitement maîtrisée. Mais la baisse des dotations publiques décidée en 2018 et intégrée dans la trajectoire financière pourrait amener FMM à des arbitrages qui, s’ils devaient se multiplier, seraient susceptibles de nuire à son ambition et à sa contribution à la diffusion mondiale d’une information juste et multilingue.

Le respect de la trajectoire financière devient de plus en plus difficile en raison des efforts demandés. L’entreprise s’est certes engagée à maintenir les équilibres financiers grâce à une démarche volontaire d’optimisation de ses procédures et de ses outils de gestion, mais nous partageons votre inquiétude.

M. Michel Herbillon. Monsieur le président, après une telle présentation par notre rapporteur, j’hésite entre parler ou me taire, mais avant tout je le remercie.

J’évoquerai d’abord le calendrier. D’une part, la durée de trois ans nous semble beaucoup trop courte. D’autre part, sauf à accepter que l’Assemblée nationale soit un théâtre d’ombres, nous pouvons regretter de devoir nous pencher en février 2021 sur un COM entré en vigueur en 2020 et s’achevant en 2022. Cet examen intervient donc au cours d’une exécution déjà entamée, alors que notre commission               aurait pu être saisie en amont de l’élaboration du COM afin de présenter des remarques pouvant contribuer à son amélioration.

Rappelons aussi que le projet de loi sur l’audiovisuel est devenu une Arlésienne puisque, sans cesse annoncé, il est sans cesse repoussé. Je défie quiconque, qu’il appartienne à la majorité ou à l’opposition, d’avancer une date pour son examen.

Certains des objectifs de ce COM nous conviennent. Il est bon d’avoir des synergies, des coopérations, une feuille de route commune à l’ensemble de l’audiovisuel public et d’affirmer sa dimension européenne et internationale.

Nous soutenons la priorité donnée par FMM à la promotion du rayonnement international de la France, des valeurs démocratiques et de la francophonie. Ces objectifs sont partagés au sein de notre commission, monsieur le président.

Il en est de même pour la  réaffirmation de la nécessité de lutter contre la désinformation – l’expertise de FMM et sa crédibilité étant précieuses en la matière –, pour l’offre éditoriale ambitieuse destinée à toucher tous les publics ainsi que pour l’accentuation de la transformation numérique du groupe.

En revanche, la distorsion de plus en plus grande entre l’ambition – que nous soutenons – et les moyens de plus en plus limités doit nous inciter à une vigilance extrême et à un suivi régulier. Dans un monde aussi concurrentiel, il est incroyable de fixer des ambitions mondiales de présence de la France au travers de l’audiovisuel extérieur tout en réduisant considérablement ses ressources, au point de faire entrer la trajectoire financière dans une zone de grande incertitude. Comment notre pays, membre du Conseil de sécurité de l’ONU, peut-il prétendre à une ambition mondiale en réduisant sa présence à l’étranger ? Comment en avoir une sans être présent aux États-Unis et en Scandinavie ? Comment, sauf à faire les déclarations incantatoires dont on a le secret, avoir une ambition française mondiale en ne regardant pas ce que font nos concurrents, non seulement Deutsche Welle, mais aussi RT et les médias chinois ?

Nous constatons des replis, faute de moyens. Les plans de départs volontaires, les restrictions budgétaires et la baisse de ressources publiques que vous avez cités nous inquiètent. Je souhaiterais donc que notre commission saisisse cette occasion pour envisager un suivi régulier, de telle manière que l’écart entre l’ambition mondiale assignée à FMM et les moyens qui lui sont affectés n’aboutisse pas à trop de déconvenues dans l’exécution de son contrat.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vos observations seront présentes à l’esprit de chacun.

M. Michel Fanget.  Nous avons souvent eu à débattre des objectifs à fixer pour notre audiovisuel extérieur. L’année dernière, nous examinions ici même le projet de loi devant aboutir à la création de la holding France Médias, dont FMM aurait été une filiale. Si cette évolution n’a pu être conduite à son terme, une part importante de son esprit a été respectée, notamment en matière d’organisation et de budget.

Bien des réformes ont été menées à terme au sein du groupe, dans un cadre budgétaire très contraint. Nos collègues de la commission des affaires culturelles qui reçoivent régulièrement Mme Saragosse, présidente-directrice générale de FMM, savent qu’il a fallu beaucoup d’ingéniosité à son personnel pour renforcer cette vitrine de la France à l’étranger.

La place de FMM dans l’univers francophone est essentielle. La proximité résultant des diffusions en langues étrangères en fait un groupe en expansion. En témoigne le nombre toujours croissant de contacts, donc de spectateurs, partout dans le monde. Des efforts doivent être faits pour compléter notre offre, notamment à destination du monde hispanophone.

 

Le manque global de moyens est dû autant au contexte budgétaire qu’à l’impossibilité de mener à son terme la création de la holding, dont l’un des objectifs était de créer des synergies entre les chaînes pour donner davantage de visibilité au groupe FMM. Néanmoins, ces synergies existent.

À mon sens, la principale incohérence réside dans le fait que malgré ses programmes d’une très grande qualité FMM ne soit pas connu dans notre propre pays et n’y soit que difficilement accessible. Le groupe MODEM a souvent réclamé l’intégration de FMM au sein du bouquet des chaînes accessibles par la TNT afin que le groupe ne soit pas qu’extérieur, et nous souhaiterions connaître l’avis du rapporteur sur ce point.

M. Christian Hutin.  Monsieur le président, merci d’avoir souligné la qualité du travail d’Alain David qui, depuis trois ans et demi, suit ces dossiers avec constance et objectivité. Nous voterons bien entendu pour la publication de ce rapport, principalement pour tenir compte de la qualité des journalistes de FMM et de la production réalisée par cette forme de service public extérieur.

Nous sommes cependant, bien plus que nous le croyons, au cœur de l’essentiel. Hier, nous évoquions ici-même l’aide publique au développement, à laquelle des budgets considérables vont être consacrés. Or nous parlons aujourd’hui de la voix de la France, celle de la démocratie et de la philosophie des Lumières, c’est-à-dire d’une possibilité d’émancipation pour nombre de peuples ; mais nous ne nous donnons pas les moyens de le faire. À la grande époque où les Français avaient le droit de voyager, pour trouver une chaîne française à l’hôtel on devait aller au bout de la liste, après CNN et la BBC historiquement bien installées. La chaîne russe RT est pour sa part très bien diffusée en France, touchant jusqu’à nos campagnes, tandis que les médias chinois de CGTN sont largement accessibles dans tous les hôtels.

Or ceux d’entre nous dont les missions à l’étranger ont été suivies par des journalistes de FMM savent combien ceux-ci sont remarquables. Avec peu de moyens, ils réalisent des reportages d’une grande qualité en diffusant ce que nous considérons en France comme l’émancipation.

Le plus grave, c’est que les organisations terroristes et extrémistes ont développé, notamment sur internet, leurs propres moyens de nuire à ce que nous aimons et à ce que la France doit défendre. L’aide au développement, c’est très bien et nous l’approuvons tous ; mais il serait très grave de ne pas être capables d’accompagner financièrement des journalistes et des chaînes de qualité pour développer nos idées et faire barrage aux extrémismes.

Nous souhaitons que le Gouvernement se penche davantage sur cet aspect financier, car il est temps de consacrer un peu d’argent à la liberté.

M’Jid El Guerrab. Monsieur le rapporteur, nous vous remercions pour ce projet d’avis sur le COM de FMM fixant pour la première fois dans ses priorités communes un volet européen et un autre sur les actions extérieures. Cette reconnaissance répond pour partie à une recommandation formulée par notre commission dans le cadre de la réforme de l’audiovisuel public lancée fin 2019, qui invitait à promouvoir l’internalisation de l’ensemble de l’audiovisuel public.

 

Ses acteurs assurent une diffusion de la culture francophone sur les cinq continents auprès de millions de téléspectateurs, d’auditeurs et d’internautes. La pandémie actuelle a illustré le rôle essentiel de l’audiovisuel public extérieur auprès de populations francophones éloignées, ne disposant pas toujours, dans les pays où elles résident, d’une source d’information fiable capable de lutter contre les fake news. On le constate notamment au Sahel où, à intervalles réguliers, se pose le problème de campagnes médiatiques orchestrées contre notre pays et attisant un sentiment francophobe.

La mission de service public audiovisuel extérieur a été renforcée pendant la crise sanitaire, avec un recentrage des journaux télévisés autour des questions de prévention et un tour des correspondants apportant une vision précise sur la progression générale de l’épidémie dans le monde. Nous devons donc renforcer l’audiovisuel public extérieur, car il s’agit d’un enjeu et d’un instrument diplomatique à part entière.

Le sujet de l’audiovisuel n’apparaît quasiment pas dans le rapport de Benjamin Stora sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie, remis récemment au Président de la République. Sur le modèle de la contribution de la chaîne Arte à l’amitié franco-allemande, ne pourrait-on pas imaginer un média franco-algérien qui constituerait la base d’une relation renouvelée et renforcée ? Ce projet est soutenu par d’éminentes personnalités, comme Rachid Arhab.

M. Jean-Paul Lecoq.  Les médias sont des outils de transmission de valeurs. J’entends certains collègues affirmer que la France serait l’idéal en matière de démocratie. Elle l’a été, mais des États font désormais bien mieux que nous en matière de valorisation du Parlement, d’écoute ou grâce à des expérimentations de démocratie directe plus intenses que des opérations ponctuelles de tirage au sort. Cette façon de considérer la démocratie n’étant pas ma tasse de thé, ce n’est donc pas ce que je souhaite voir diffusé à travers le monde.

Un groupe comme FMM devrait fournir des éléments permettant aux Français et aux étrangers de mesurer l’action internationale de la France. Il y a un travail à réaliser non seulement pour ramener l’information vers l’intérieur mais aussi pour transmettre l’information vers l’extérieur, mais il n’y a pas assez de moyens pour cela.

Les dockers havrais disent qu’ils ne sont jamais en concurrence entre eux, quel que soit leur port. Je partage cet avis et ne me sens donc pas en concurrence avec d’autres États, mais en concurrence dans la quête du bonheur pour tous. Les moyens mis à la disposition de FMM devraient y concourir, mais ce n’est pas le cas et on devrait faire mieux.

Pour prolonger la réflexion de mon collègue M’Jid El Guerrab, je dois mentionner que j’ai plaidé durant des années pour l’écriture de livres d’histoire communs aux écoles françaises et aux écoles algériennes. Comme lui, je pense que la paix s’écrit aussi ensemble. L’idée d’un média franco-algérien est intéressante et mérite d’être étudiée. En tant que parlementaires nous devrions soutenir un développement de FMM visant non seulement à valoriser ce que la France fait à l’étranger, même si elle a des progrès à faire en matière d’idées, mais aussi à montrer que les Français savent écouter ce que d’autres peuvent nous apprendre.

J’ai fait la même expérience que Christian Hutin à l’étranger : dans la liste, il faut descendre jusqu’à la chaîne 65 pour voir TV5MONDE, ce qui est désolant.

On le voit en France depuis le confinement, les médias ont un rôle à jouer dans l’apprentissage du français. De même peuvent-ils contribuer à valoriser la langue française à l’étranger. 

Tout en saluant le travail réalisé par le rapporteur, je ne peux approuver ce projet de contrat du fait de son orientation. En outre, comme l’a relevé notre collègue Michel Herbillon, son exécution est presque terminée. Intervenant à distance je ne peux participer au vote, mais je me serais abstenu.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Les représentants des groupes s’étant exprimés, je vais donner immédiatement à la parole à ceux qui l’ont demandée à titre individuel.

Mme Olga Givernet.  Le COM de FMM pour la période 2020-2022 fixe cinq axes stratégiques, dont le deuxième est intitulé : « Promouvoir la francophonie dans un monde plurilingue ». Il s’agit donc de valoriser les ressources et le savoir-faire du groupe pour assurer le rayonnement de la France et de ses valeurs dans le monde.

Cette mission prend toute son importance dans un contexte de tensions, notamment au Moyen-Orient et au Sahel. Ces derniers mois la France y a été victime de véritables campagnes de haine, que ce soit en réaction à l’opération Barkhane ou à l’affaire des caricatures de Mahomet. On se souvient que les tensions avec la Turquie sont allées jusqu’à des appels au boycott proférés par le président turc Erdogan. Dans ce contexte, le projet de COM réaffirme l’importance de FMM en tant que groupe de médias d’influence positive, en particulier dans ses objectifs 6 et 9.

Pour relever ce défi, le groupe affiche une priorité à la diffusion en continu dans les zones géographiques où sévissent une propagande anti-française forte et une désinformation pernicieuse. Pouvez-vous indiquer quelques exemples d’initiatives stratégiques qu’il a engagées pour atteindre cet objectif ? Les ressources et compétences mobilisées sont-elles adaptées, notamment dans le domaine du numérique ?

Mme Bérengère Poletti.  Comme le rapporteur, je regrette que notre commission soit régulièrement saisie des COM après que la moitié voire les trois quarts de leur parcours ont déjà été accomplis. Cette méthode me semble traduire un certain dédain envers le Parlement. Nous ne comptons pas beaucoup dans ces décisions. Certes, le parcours est long dans les services de l’État, qui doivent être consultés et apporter leur pierre à l’édifice ; mais notre propre rôle de parlementaires est limité à une case à cocher, parfois à la fin de l’exécution COM. Cela commence à bien faire et dans ces conditions, si j’avais pu voter au sein de notre commission, je me serais ralliée à l’abstention prônée par mon groupe.

Ma seconde remarque rejoint les observations faites hier au ministre de l’Europe et des affaires étrangères concernant la promotion de la politique française en matière de développement. Nous n’en sommes pas de bons ambassadeurs puisque, pour faire connaître les politiques financées par la France pour le développement du continent africain, on ne parle pas de la France mais de l’Agence française de développement. Si l’on souhaite améliorer la communication, il faut commencer par mettre en valeur soi-même ce que la France fait et non l’action d’agences.

 

M. Sébastien Nadot. Avec FMM, la France possède un instrument d’influence de premier plan. C’est un atout précieux que nous devons cultiver. Si la question des moyens et d’une diffusion plus large est entière, du point de vue qualitatif l’indépendance du traitement des sujets d’information doit être questionnée ; car c’est bien à cette condition que les médias composant le groupe jouiront d’une crédibilité internationale et contribueront au développement culturel et diplomatique de la France.

À ce sujet, je dois vous faire part de mes fortes interrogations. Vous le savez, je suis de près les situations politiques en Afrique de l’Ouest et je m’étonne d’observer dans leur traitement par les rédactions du groupe FMM une concordance trop fréquente avec les silences du Quai d’Orsay. Encore récemment, j’ai été frappé par l’inertie de France 24 à rendre compte des exactions du régime du président guinéen Alpha Condé, depuis sa troisième élection. Cela alimente les soupçons d’un média aux ordres du Quai d’Orsay et rend terriblement difficile le travail des journalistes guinéens dans leur pays. In fine ce type de soupçons alimente les sentiments anti-français en Afrique de l’Ouest et nuit à l’influence de la France dans la région. L’exigence d’indépendance journalistique devrait être beaucoup plus fortement prônée dans ce rapport certes très riche, mais qui met à jour de nombreuses défaillances de FMM.

Mme Liliana Tanguy. Remercions le rapporteur pour avoir souligné le rôle important joué par les médias du groupe FMM dans la lutte contre la désinformation, RFI et France 24 faisant partie des dix médias francophones les plus fiables. Leur rôle est d’autant plus souhaitable que la diffusion de fausses informations et la manipulation de l’information sont en augmentation constante.

Ce projet de COM fixe pour objectifs à FMM la poursuite de sa trajectoire et celle de la diffusion d’informations fiables et de qualité, alors que sa dotation budgétaire est en baisse. Selon l’évolution des effets de la crise sanitaire, la trajectoire financière pourrait être significativement affectée. Vous soulignez, monsieur le rapporteur, que des incertitudes demeurent sur l’après 2022. À terme, l’indépendance et la crédibilité du groupe pourraient être remises en question. La restructuration du financement ne risque-t-elle pas de porter atteinte au rôle moteur du groupe dans la lutte contre la désinformation ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je relève une grande convergence de préoccupations des membres de notre commission. Les objectifs, nous les partageons et nous les soutenons ; mais la question des moyens nous inquiète tous.

Nous avons tous également perçu un problème de calendrier. Le rapport de l’administration au temps est un vieux sujet et je vois dans l’arrivée tardive de ce COM la confirmation de mon sentiment de jeunesse sur la question : ce contrat arrive trop tard et il durera trop peu.

Mais concernant les moyens, notre commission a une responsabilité particulière. Comme pour ceux du ministère des affaires étrangères, nous voyons bien que la tendance spontanée des gouvernants et de l’administration est de sacrifier par facilité les dépenses consacrées à l’extérieur. En matière de médias, des gens font l’impossible avec des moyens de plus en plus limités, alors qu’ils sont devenus un instrument essentiel de la politique nationale. Je ne sais pas si nous sommes en concurrence les uns avec les autres, mais nous sommes certainement en concurrence pour la défense de valeurs qui nous sont chères et qui ne sont pas défendues par tous. Nous vivons une révolution copernicienne : la France n’existe que parce qu’elle sait établir un rapport intelligent et positif avec le reste du monde. Le combat des médias est essentiel.

Nous devons réfléchir à la proposition de M. Herbillon d’assurer un suivi budgétaire et d’exercer une pression légitime, amicale et constante sur le Gouvernement pour que cet enjeu ne soit pas sacrifié. C’est le devoir d’une commission chargée de défendre et promouvoir l’action internationale et cela relève d’un choix commun à l’ensemble des groupes qui y sont représentés. Il faut agir en ce sens avec fermeté, persévérance et ouverture d’esprit, afin que les médias extérieurs ne soient pas les parents pauvres de l’action médiatique française.

M. le rapporteur. Du fait de sa taille limitée, le groupe FMM peut en effet apparaître comme le parent pauvre du service audiovisuel public ; c’est pourtant « la voix de la France » à l’étranger. L’essentiel des problèmes provient de sa double tutelle. Les ministères de la culture et des affaires étrangère mesurent bien l’intérêt de la vitrine culturelle à l’étranger, de l’instrument de transmission de valeurs et de la contribution du groupe à notre diplomatie. Mais ils sont aussi tous deux confrontés à des impératifs d’économies, qui limitent leurs capacités respectives de contribution.

Le budget de la Deutsche Welle doit s’élever à près de 400 millions d’euros par an à horizon 2022 et celui de la BBC à 350 millions, contre 254 millions pour FMM, avec des modes de fonctionnement qui sont totalement différents. En Afrique, RT, les médias chinois et Al Jazeera disposent de moyens importants. Le groupe FMM ne deviendra efficace que lorsqu’on aura pris conscience de la nécessité d’injecter des fonds supplémentaires pour son fonctionnement.

Concernant le personnel, FMM est arrivé à l’os. Après les licenciements qui se sont succédé depuis quelques années, une nouvelle demande de réduction d’effectif de 30 personnes va rendre difficile sa présence dans certains pays et donc sa capacité à y mener à bien ses actions. Il faut enrayer rapidement ce processus afin de garantir la compétitivité et la présence de l’outil FMM dans le monde entier.

S’agissant de l’indépendance du groupe, pour démentir l’un de nos collègues je prendrai l’exemple de sa présence en Tunisie pendant la révolution. Al Jazeera voulait alors dominer l’information en Afrique du Nord mais, grâce à ses informations loyales et indépendantes, FMM a été adopté par les Tunisiens et reconnu comme le média le plus objectif. Il en est ainsi dans beaucoup de pays du monde.

FMM a des ambitions en Afrique, en particulier au Sahel. Dans beaucoup de pays, il est la « voix de la France », au sens où il transmet les valeurs de notre République et contribue à la formation de journalistes. Au-delà de l’information, le groupe véhicule un certain nombre de valeurs.

Mais ses moyens ne sont pas à la hauteur de ses ambitions. Monsieur le président, vous avez raison de nous inciter à la vigilance. Si le ministère des affaires étrangères a compris l’intérêt diplomatique de l’audiovisuel extérieur, faire percevoir au ministère de la culture l’intérêt du développement de cette action est notre plus grande tâche pour les mois à venir. Face à nos partenaires et concurrents, les moyens financiers du groupe ne sont pas adaptés à la poursuite du développement de son activité.

Il a ainsi un rôle à jouer au Sahel. La faim, les difficultés sociales et surtout l’ignorance conduisent des jeunes de la région à adhérer à des mouvements terroristes davantage par nécessité que par conviction. Le rôle de notre média extérieur est primordial en matière de communication, de formation et de transmission des valeurs ; c’est un apport essentiel dans le combat que nous menons pour la liberté et la lutte contre le terrorisme dans ces pays.

Il est regrettable que FMM ne figure pas sur le bouquet de la TNT, mais la raison en est uniquement financière. Des choix ont dû être faits. Les médias ne rendent pas toujours suffisamment compte de la situation à l’étranger. France 24, par exemple, réalise des reportages de grande qualité, mais là encore leur diffusion est une question de moyens.

La stratégie numérique est indispensable pour atteindre la population africaine, avec des projets de développement nécessitant des enveloppes financières importantes. Ce travail de longue haleine est indispensable : dans les vingt prochaines années, l’Afrique va connaître des bouleversements et des évolutions considérables, et il faut y maintenir une présence forte. La présence de la Chine y est énorme, s’appuyant sur la puissance de ses plateformes. L’expansion de la puissance chinoise dans le monde est vertigineuse et elle s’exerce au profit de ses entreprises nationales, avec des mécanismes de garantie publique très étendues. Si on ne le stoppe pas, ce mouvement sera prodigieux et aura vocation à dominer le monde. En Afrique, les Chinois s’inscrivent dans cette perspective.

Concernant l’éducation et la francophonie, des programmes pour la formation de la jeunesse sont lancés en coopération avec un certain nombre d’États africains, souvent en liaison avec d’autres intervenants, en particulier la Deutsche Welle. J’ai rencontré sa direction qui est tout à fait disposée à travailler en partenariat avec la France, y compris au Sahel.

En conclusion, j’appelle votre attention sur la nécessité de contribuer suffisamment aux besoins financiers de FMM. C’est essentiel à la fois pour garder une présence significative à l’étranger et pour que la voix de la France reste forte dans un certain nombre de pays où elle demeure un exemple.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je proposerai au bureau de notre commission une réflexion allant dans le sens de ce qui a été suggéré par MM. Herbillon et Hutin en vue de contribuer à la mobilisation. Je pourrais le cas échéant proposer la création d’une mission flash de comparaison entre des actions menées en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, d’une part, avec ce que font Al Jazeera ou des médias chinois, d’autre part. La représentation nationale et l’opinion publique doivent mesurer le juste niveau d’effort et de mobilisation nécessaires. Éclairer ce sujet et le relayer médiatiquement serait de nature à arrêter l’érosion permanente des budgets, qui semble être la contrepartie naturelle de l’accroissement des ambitions. Compte tenu de ses responsabilités au sein de la commission, le rapporteur est celui qui est le plus à même de mener ce travail.

Le groupe FMM est en effet adossé à deux ministères aux budgets limités, et quand on fait des économies sur des petits budgets non seulement on atteint l’os mais on le creuse, contrairement aux grands ministères qui peuvent mieux les supporter.

M. Michel Herbillon. Le groupe LR s’abstiendra, mais pas par défiance envers notre rapporteur. Je voudrais aussi rendre hommage à Marie-Christine Saragosse, grande spécialiste de l’audiovisuel extérieur que je connais de longue date, ainsi qu’à son équipe.

Je me suis permis de faire une proposition, car le problème est grave, au moment où le Président de la République a fait de la diplomatie d’influence une priorité de son mandat

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Ne reprenons pas le débat ! Ce que vous avez dit a été très bien entendu par chacun.

M. Michel Herbillon.  Je tiens seulement à rappeler que notre commission s’est impliquée sur le sujet de la diplomatie d’influence puisque, dès le début de la législature, la présidente Marielle de Sarnez m’avait confié, avec ma collègue Sira Sylla, une mission d’information sur la diplomatie culturelle et d’influence de la France – le sujet incluant, bien entendu, l’audiovisuel extérieur. Nous n’avons pas les moyens d’une ambition qui n’est pas mince. Si elle était réduite, nous pourrions avoir de petits moyens, mais nous avons une très grande ambition, parce que la voix de la France c’est la promotion des valeurs démocratiques, de la liberté et la diplomatie d’influence.

Je vous remercie d’avoir repris ma proposition, car on ne peut pas se contenter de constater une situation insatisfaisante. Je peux attester que nous pointons depuis longtemps les écarts entre l’ambition de l’audiovisuel extérieur, au sens noble du terme, les objectifs de plus en plus nombreux pour les décliner et les moyens en réduction. Le travail que vous proposez pourrait être un apport, mais nous connaissons déjà bien la situation. Indépendamment d’une mission flash, il faut, à l’instar de ce qui est fait par le Président de la République pour l’aide au développement et dont nous parlions hier avec le ministre, faire pression pour enrayer la réduction des moyens de l’audiovisuel extérieur. Sinon, on en restera à une suite d’incantations et de vœux pieux se traduisant in fine par une absence de résultat. Je souhaiterais mettre en place un mécanisme d’alerte vis-à-vis des deux ministères concernés, en particulier le ministère de la culture, pour mettre fin à cette situation.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’est dans cet esprit que j’ai esquissé une proposition dont le bureau discutera. C’est le moyen de rendre publique une situation critique qui appelle des solutions. Il nous appartiendra de déterminer l’intensité de notre réaction.

Mme Liliana Tanguy. Je reviens sur une mission de FMM plus essentielle que jamais, celle de « porter les valeurs démocratiques dans le monde ». Ma question, à laquelle le rapporteur n’a pas répondu, portait sur les moyens de lutter contre la menace de la désinformation, terreau de la radicalisation. C’est à mon sens l’une des raisons plaidant pour le maintien des crédits de ces médias.

M. Jean-François Mbaye.  J’ai déjà indiqué que le groupe LaREM partageait la vigilance exprimée par le rapporteur sur l’optimisation de la gestion de l’entreprise ; mais nous voulons réaffirmer que le renforcement des synergies et des mutualisations entre Monte Carlo Doualiya (MCD) et France 24 permettrait aussi d’absorber les suppressions de postes et de maintenir la richesse éditoriale de l’offre pluri média arabophone de FMM. Je rappellerai que notre collègue Florence Provendier, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, nous invitait à s’interroger sur la cohérence de la suppression de postes à MCD au vu des annonces en matière de stratégie de l’entreprise.

Notre groupe votera en faveur de la publication de ce rapport, en affirmant la nécessité de vigilance que vous avez mentionnée, monsieur le rapporteur, sur la gestion optimale de l’entreprise.

M. Christian Hutin.  Le groupe Socialistes et apparentés votera pour la publication du rapport, parce que la sagesse et l’expertise du rapporteur le méritent, parce que la qualité des programmes, des journalistes et des équipes de télévisions voués à s’adresser aux pays étrangers doit être soutenue et parce que le rapport indique clairement que les baisses de crédits ne peuvent pas continuer. La gravité de la situation est pleinement établie.

Je le dis au Gouvernement et aux membres de la commission appartenant à la majorité : nous sommes proches de la faute politique. Ici même, tout le monde se réjouissait hier de l’engagement du Président de la République en faveur de l’aide publique au développement. Mais la France, qui a un savoir-faire, n’a plus de faire-savoir. Faire, c’est bien ; savoir-faire, c’est très bien ; faire-savoir, on ne sait plus le faire !

Je dis clairement aux gouvernants actuels que la situation – dont ils ne sont pas les seuls responsables – confine à la faute politique internationale grave au regard du rang de notre pays.

M. le rapporteur. Madame Tanguy, empêcher la crédulité face à la désinformation est une question de formation et de transmission d’éléments d’éducation. Il faut une autre voix, une voix indépendante, la voix de notre média extérieur. Ce fut le cas en Tunisie et c’est le cas dans d’autres pays où il y a d’énormes difficultés pour les populations. La lutte contre la désinformation est un problème d’éducation et la transmission de valeurs par notre service audiovisuel extérieur est sur ce point essentielle.

La majorité doit prendre conscience de la nécessité d’interrompre le processus de réduction des budgets. Le président de la République avait certes annoncé sa volonté de voir tout le monde participer aux efforts, mais il est des secteurs où cela n’est plus possible. Les hommes et les femmes de FMM produisent les émissions du groupe, cette société n’achetant pas de programmes. En réduisant le personnel, on touche à la production. Malgré la très grande qualité de sa présidente et de son personnel, si le groupe était contraint d’acheter des émissions, ce serait la fin du système. Son audience serait réduite et, par conséquent, sa présence. Il ne faut plus réduire le budget mais, au contraire, l’augmenter pour le mettre au niveau de ses partenaires au moins européens, afin que le groupe puisse effectuer son travail et assurer la représentation de la France. Le fond du problème, c’est bien la place de la France dans le monde et c’est notre voix dans le monde. Si on la réduit, advienne que pourra ! Les autres prendront notre place.

M. Michel Herbillon.  Je dirai tranquillement et cordialement ma perplexité : nous sommes tous d’accord sur la gravité du constat sur le manque de moyens, mais beaucoup d’entre nous s’apprêtent à émettre un avis favorable à l’adoption de ce COM – notre groupe s’abstenant. Je ne suis pas certain que cette approbation soit la meilleure manière d’alerter.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je sens bien la prudence légitime des représentants de la majorité au sujet des crédits. D’une manière générale, il y a toujours des besoins légitimes et on manque toujours d’argent ; mais en l’occurrence, je souligne le cas des petits budgets. Dans le cas des budgets des affaires étrangères et de la culture, qui représentent peu dans les dépenses publiques, on parle de petits montants où faire des économies procure un avantage très limité mais retranche une valeur forte. Il faut se garder de faire porter l’effort partout de façon identique, au risque parfois de toucher au socle.

Il faut faire passer le message que des structures particulières sont fragiles et à la limite de la survie. Je souscris au cri d’alarme de M. Herbillon, parce qu’on ne peut affronter avec des bouts de ficelle les défis médiatiques des dix ou quinze prochaines années. Loin d’ajouter une pierre dépensière, nous sommes dans la dentelle, et réduire la dentelle ne rapporte aucun avantage budgétaire.

Il ne doit pas y avoir d’opposition entre les groupes sur ce dossier. Nous verrons la contribution que chacun peut apporter à ce combat légitime. Ceux qui vont émettre un avis favorable au COM marqueront leur accord avec ses objectifs, tout en souhaitant que davantage de moyens suivent. Le paradoxe relevé par M. Herbillon peut se réduire facilement, du moins en paroles.

La commission émet un avis favorable sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens 2020-2022 de France Médias Monde.

Elle autorise ensuite, à l’unanimité, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

 

La séance est levée à 11 heures 15.

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Informations relatives à la commission

La commission a désigné :

- M. Hugues Renson, rapporteur sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation mondiale de la santé relatif à l’octroi du statut diplomatique aux fonctionnaires de l’Organisation mondiale de la santé de grade P5 et supérieur du bureau de l’OMS (n° 3707) ;

- MM. Pierre Cabaré et Jean-Paul Lecoq, co-rapporteurs de la mission d’information sur l’espace.