Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 Suite de l’examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (n° 3699) (M. Hervé Berville, rapporteur)                            2

 

 

 

 


Mercredi  
10 février 2021

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 036

session ordinaire de 2020-2021

Présidence
de M. Jean-Louis Bourlanges,
Président

 


  1 

La séance est ouverte à 21 h 05.

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

Suite de l’examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (n° 3699) (M. Hervé Berville, rapporteur)

 

Article 2 (suite) : Rapport annuel du Gouvernement relatif à la politique de développement solidaire

La commission examine, en discussion commune, les amendements AE500 de M. Sylvain Waserman, AE514 de M. Hubert Julien-Laferrière, AE562 de Mme Aina Kuric et AE163 de Mme Bérengère Poletti.

M. Sylvain Waserman. L’amendement AE500 est le résultat de réunions de travail avec l’organisation non gouvernementale One, que j’ai rencontrée à nombreuses reprises tout au long de mon mandat, et dont les jeunes ambassadeurs sont particulièrement engagés. Il rejoint les préoccupations exprimées par beaucoup d’entre vous s’agissant du suivi des enveloppes budgétaires, dont il faut pouvoir vérifier qu’elles sont bien réparties en fonction des priorités sectorielles ou thématiques qui ont été définies.

Mais il faut aussi pouvoir s’assurer que l’allocation budgétaire évolue de manière à se rapprocher de l’axe stratégique choisi pour l’aide publique. Ainsi, l’association One souligne qu’actuellement, moins de 20 % des ressources sont allouées aux dix-neuf pays prioritaires. Il est donc important de disposer, dans ce rapport, d’une analyse exhaustive de ces crédits et de leur évolution.

M. Hubert Julien-Laferrière. Les points listés pour figurer dans le rapport annuel du Gouvernement relèvent plutôt de l’aide multilatérale, notamment de la transparence qui doit l’accompagner. Or il serait également important qu’y soit analysée notre aide bilatérale : quels sont les choix de la France en la matière ? Quelles sont les parts respectives des prêts et des dons ? Quelle proportion va aux secteurs prioritaires définis par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) en 2018 ? Quelle part est attribuée aux pays prioritaires ?

Ce rapport est une bonne idée pour une bonne information du Parlement, mais je ne vois pas pourquoi on en exclurait l’aide binationale. Tel est le sens de l’amendement AE514.

Mme Aina Kuric. Comme mes collègues, je salue l’idée de ce rapport tout en souhaitant y trouver la répartition des financements entre secteurs et pays prioritaires de la politique de développement française, l’équilibre entre les prêts et les dons, en incluant les canaux européens et bilatéraux. C’est ce que tend à préciser l’amendement AE562.

M. Michel Herbillon. Par l’amendement AE163, nous demandons que le rapport gouvernemental fasse état des aides budgétaires ainsi que des effacements de dette parmi les choix opérés par la France dans l’allocation de ses contributions aux fonds multilatéraux, de sorte que les choix du Gouvernement soient parfaitement transparents et lisibles.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis favorable à ces amendements, avec une préférence pour la rédaction de l’AE500, présenté par M. Waserman.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État chargé de l’Europe et des affaires étrangères. Dans une logique de transparence, nous souhaitons progresser dans l’information délivrée. Nous nous y attelons déjà dans le document de politique transversale (DPT), mais pouvons également l’inclure dans ce rapport, qui sera transmis le 15 juin, et non le 15 septembre. Avis favorable.

M. Michel Herbillon. Sauf à ce que je le lise mal, l’amendement de M. Waserman ne couvre pas le nôtre. S’il est adopté, les informations dont nous souhaiterions disposer ne figureront pas dans le rapport. Pourtant, elles sont importantes. Ainsi, ce matin, le ministre a évoqué l’effacement de la dette soudanaise, une information capitale pour la représentation nationale.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’est la règle de la discussion commune…

M. Bruno Fuchs. Si je peux me permettre une proposition, l’amendement de Mme Poletti reprend, de façon dégradée, des dispositions prévues par l’amendement précédemment examiné de Jacques Maire – contre lequel, paradoxalement, vous avez voté, monsieur Herbillon – et dont il va proposer une nouvelle rédaction pour la séance publique. Peut-être pourrions-nous trouver une rédaction commune ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous remercie pour cette proposition. Qu’en pense M. Maire ?

M. Jacques Maire. M. Fuchs a raison.

M. Michel Herbillon. Je suis extrêmement sensible à l’attention particulière que mon collègue Bruno Fuchs porte sur mes votes ! Je suis le seul de mon groupe…

Je veux bien me rallier à cette rédaction à venir, mais permettez-moi d’émettre un doute. Cette coproduction législative que M. Lemoyne appelle de ses vœux, comme il l’appelait dans une vie passée, est invoquée sur bien des dispositifs. J’ai du mal à croire qu’il en sortirait, miraculeusement et dans des délais extrêmement brefs, des rédactions qui recueilleront l’assentiment de notre assemblée. Je veux bien en accepter l’augure, mais j’ai quand même quelques inquiétudes : je ne voudrais pas que cela devienne une sorte de commodité pour refuser l’examen de nos amendements comme il convient de le faire en commission.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le rapporteur est jeune, brillant et vaillant. Il mènera cette tâche avec résolution !

La commission adopte l’amendement AE500.

En conséquence, les amendements AE514, AE562 et AE163 tombent.

La commission examine l’amendement AE456 de M. Dominique Potier.

M. Alain David. Il tend à obtenir, dans le rapport, des informations claires sur la répartition entre prêts et dons, tant pour l’aide multilatérale que bilatérale, avec une ventilation par secteurs et par pays prioritaires. Ces informations permettraient de se faire une idée plus exacte de la répartition de l’aide publique au développement (APD) et de mesurer l’adéquation de notre aide avec les priorités.

M. Hervé Berville, rapporteur. L’amendement est satisfait par celui de M. Waserman, que nous venons d’adopter. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Le texte initial du Gouvernement, complété par l’amendement qui vient d’être adopté, satisfait votre demande.

Mme Laurence Dumont. Je peux comprendre que vous soyez contre l’amendement, mais vous ne pouvez pas dire qu’il est satisfait par celui de M. Waserman. C’est faux ! Nous demandons à disposer de la répartition entre prêts et dons, d’une répartition en valeur absolue et en volume, etc. Tout cela n’y figure absolument pas, je tenais à le préciser pour la clarté des débats.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE150 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Je ne pense pas que celui-ci soit satisfait par l’amendement AE500…

Si l’article 2 nous ouvre la formidable opportunité de demander au Gouvernement un rapport annuel sur l’aide publique au développement, les quatre thèmes qu’il est proposé d’y traiter sont insuffisants. Ils méritent d’être largement enrichis pour que ce rapport soit utile à tous : société civile, organisations non gouvernementales (ONG), parlementaires, associations, collectivités locales, etc.

Nous souhaitons donc que le rapport fasse également état du respect par la France des résolutions de l’Organisation des Nations unies (ONU). En sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité, notre pays se doit d’être au premier rang des nations respectueuses du droit international.

Il devrait également nous fournir des éléments sur la présence de la France dans les grandes négociations internationales sur le droit humanitaire, comme l’interdiction des armes nucléaires ou la limitation des armes explosives en zones peuplées. Un point devrait aider à comprendre la position française en toute circonstance, et permettre au Parlement de remobiliser l’exécutif en cas d’engagement jugé trop faible.

Les parlementaires doivent également pouvoir trouver dans ce rapport des indications sur la cohérence de notre diplomatie économique avec l’aide publique au développement, afin de débattre de ce sujet central pour la France et les pays en développement.

Enfin, dans le prolongement du point précédent, nous souhaiterions une synthèse sur la compatibilité entre les accords de libre-échange et l’aide publique au développement.

Grâce à ces développements, le rapport sera plus précis et permettra au Gouvernement et au Parlement de travailler ensemble à l’amélioration de la position de la France dans le monde.

M. Hervé Berville, rapporteur. Demander au Gouvernement de connaître toutes les positions de la France au Conseil de sécurité des Nations unies et d’en débattre au Parlement est une idée intéressante, mais assez éloignée de notre sujet. Les résolutions des Nations unies, dans leur grande majorité, ne concernent pas l’aide publique au développement.

S’agissant de la diplomatie économique, votre demande est satisfaite à l’alinéa 3 de l’article qui vise la cohérence entre les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et ceux des autres politiques publiques. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE166 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Il s’agit d’un amendement de repli, car je souhaite discuter de chacune de mes propositions.

S’agissant de la première, relative au respect par la France des résolutions de l’ONU, j’entends les explications du rapporteur, mais il est fondamental que la politique internationale de la France soit cohérente avec son aide publique au développement. Il n’est pas possible de valoriser le droit international humanitaire tout en s’opposant à son application au Sahara occidental occupé. Il n’est pas non plus envisageable de laisser Israël bafouer le droit international, jour après jour, sans proposer de sanctions. Il est tout aussi anormal que, depuis cinquante ans, la France ne respecte pas l’objectif de dépenser 0,7 % de son revenu national brut en aide publique au développement.

Dédier une partie du rapport au respect des engagements français sur la scène internationale serait bienvenu pour enrichir notre connaissance des positions françaises. Le rapporteur semble d’accord et il est important de rappeler au Gouvernement ses obligations. C’est aussi le rôle du Parlement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE167 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Dans la continuité, il s’agit d’enrichir le rapport du Gouvernement pour favoriser une meilleure transparence sur l’aide publique au développement et fournir au Parlement des éléments de contrôle et d’amélioration de l’action de l’exécutif au regard des engagements de la France et de sa présence dans les grandes négociations internationales.

Il serait intéressant de connaître les intentions de l’exécutif s’agissant des négociations de limitation des armes explosives en zones peuplées, dites processus EWIPA, mais aussi sur le traité d’interdiction des armes nucléaires, ou encore les négociations sur la dérogation temporaire à l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette dérogation donne lieu à un véritable scandale : officiellement, la France tente de faire en sorte que les pays les plus pauvres disposent de vaccins contre la covid-19, alors qu’à l’OMC, l’Union européenne, qui représente aussi la France, s’oppose formellement à cette dérogation temporaire qui permettrait pourtant de créer des vaccins génériques en très grand nombre, et donc moins coûteux.

De telles informations dans le rapport permettraient de demander des comptes au Gouvernement et de chercher comment sortir de l’impasse. C’est aussi le rôle des parlementaires.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE176 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Il s’agit de consacrer une partie du rapport à l’évaluation de la cohérence entre les aides à l’export, plus précisément les assurances crédit et prospection de Bpifrance, et les objectifs de développement durable (ODD) promus dans le projet de loi.

Régulièrement, des médias relèvent que des entreprises françaises vont exploiter des gisements de charbon, de gaz ou de pétrole en étant aidées par les contribuables français, au travers des assurances de Bpifrance. D’un côté, nous aidons des entreprises à polluer, et, de l’autre côté, nous dépensons de l’argent pour limiter les dégâts parmi les populations ou dans les pays touchés par ces industries. Cela est tout à fait préjudiciable à la cohérence de notre politique de développement. Je renvoie au projet gazier de Total au Mozambique que j’ai évoqué dans la discussion générale : plusieurs entreprises françaises qui travaillent au lancement de ces explorations gazières ont été assistées par Bpifrance.

Voilà pourquoi le rapport devrait fournir les éléments permettant de contrôler que les mesures de soutien à l’export ne vont pas à l’encontre de nos engagements écologiques et sociaux dans les pays en développement. C’est le rôle du Parlement de s’en assurer.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

M. Jacques Maire. M. Lecoq pose des questions intéressantes, même si elles n’ont pas leur place dans ce projet de loi. L’aide publique au développement et les actions de soutien à l’export sont des sujets diamétralement opposés, du fait de leur mise en œuvre par des opérateurs différents. Ainsi, Business France n’est pas un outil de financement, mais de prospection commerciale. En revanche, la commission devrait s’intéresser à la prise en compte des enjeux de durabilité dans les financements de Bpifrance. Cela pourrait faire l’objet d’une audition intéressante.

La commission examine l’amendement AE178 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Je n’ai pas parlé de Business France, seulement de Bpifrance, mais je suis preneur de votre proposition, monsieur Maire. Vous êtes la majorité, c’est vous qui avez la puissance de feu pour déterminer l’ordre du jour de notre commission – je n’ai pas encore obtenu celles que je demande depuis trois ans et demi, je ne vais pas en demander d’autres.

S’il est un type d’accord totalement incompatible avec une mondialisation plus juste humainement et écologiquement, ce sont bien les accords de libre-échange. Il y a quelques jours, nous avons appris que la France jouait avec le MERCOSUR sur deux tableaux : le rejet ferme – nous l’avons tous entendu – et une tentative de négociations secrète. Rien n’est plus inquiétant.

Droits de douane supprimés, tribunaux d’arbitrage privés qui n’hésitent pas à attaquer des États qui auraient osé limiter leurs bénéfices ou risquer leurs investissements, produits échangés à travers la planète pour le seul bonheur des multinationales et au détriment du commerce local et respectueux de la Terre, ces accords de libre-échange sont parfaitement à l’opposé des objectifs de développement durable et des principes mis en œuvre dans les pays bénéficiaires de l’aide au développement. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé des amendements sur l’éthique ou sur le commerce équitable.

Ces accords bafouent systématiquement les droits humains, sociaux, économiques, environnementaux ; ils mettent les peuples en concurrence les uns avec les autres et menacent les petites entreprises des secteurs économiques les plus fragiles. C’est souvent le cas dans les pays que nous aidons.

Vestiges d’un monde révolu, dans lequel boire du lait de vache néozélandaise moins cher que du lait de vache française ne choquait pas, ces accords de libre-échange doivent être intégrés dans le rapport, afin que l’exécutif nous explique quels outils mettre en place pour les limiter. Les députés communistes sont, évidemment, pour leur suppression et pour une mondialisation plus juste au profit des peuples, et non des multinationales. En attendant, il importe de demander des comptes au Gouvernement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce débat passionnant sur le modèle économique, du libre-échange ou du communisme, le plus apte à faire sortir un pays de la pauvreté. En attendant, avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. L’article 2, tel qu’il est proposé par le Gouvernement, prévoit déjà que le rapport se penche sur la cohérence entre « les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et ceux des autres politiques publiques ». Ces dernières sont énumérées et la politique commerciale en fait partie. L’amendement me semble donc satisfait.

Il y a un lien avéré entre commerce et développement et il y en a aussi un à établir entre commerce et ODD. Avec mon homologue néerlandaise de l’époque, Mme Sigrid Kaag, nous avons proposé des contributions pour faire en sorte que le respect de l’accord de Paris devienne une clause essentielle des accords commerciaux. Il y aura, dans les prochains jours, une contribution de l’Union européenne sur la révision de la stratégie de politique commerciale. Sur cette question, la France est à l’initiative pour que les politiques commerciales convergent toujours plus vers les ODD.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous invite à ne pas entamer un débat sur un problème économique fondamental qui se pose depuis Colbert et Montesquieu. Nous ne le réglerons pas ce soir.

M. Jacques Maire. Même si nous ne sommes pas forcément d’accord sur les réponses à y apporter, Jean-Paul Lecoq a le mérite de poser les questions. Je pense que ce débat trouvera à se poser lorsque nous examinerons l’alinéa 29 du cadre de partenariat global (CPG), qui précise qu’« une cohérence est recherchée entre les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et ceux des politiques publiques nationales, en vue de la réalisation par la France des ODD et de l’Accord de Paris ». Le CPG comporte même une partie relative à la coopération dans le domaine du commerce.

M. Jean-Paul Lecoq. Au cours de la dernière campagne électorale, chaque fois que mon adversaire n’avait pas d’argument, il disait : « communisme ». Si le rapporteur doit faire de même dans cette discussion, je préfère entendre les arguments de Jacques Maire ! À aucun moment je n’ai promu une société communiste. Je ne voudrais pas qu’on tombe dans l’anticommunisme primaire à chaque fois qu’on ne sait pas quoi répondre à nos propositions, alors que nous essayons de prendre toute notre part à ce travail de coconstruction.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE16 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Dans le cadre de leurs travaux de contrôle et d’évaluation, il paraît indispensable que les commissions parlementaires puissent procéder à une revue annuelle des travaux de la commission indépendante d’évaluation de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales. Les mêmes commissions doivent, en outre, pouvoir exercer un droit de tirage en sollicitant de la commission indépendante les évaluations utiles à leur mandat.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis favorable à ce que le Parlement exerce un contrôle sur l’activité de cette commission, mais je vous propose de revenir sur cette question lorsque nous examinerons l’article 9, qui lui est spécifiquement consacré. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AE164 de Mme Bérengère Poletti.

M. Michel Herbillon. Il s’agit, une fois encore, d’améliorer la lisibilité et la transparence de l’aide au développement en demandant qu’un point soit fait sur le pourcentage de l’aide publique au développement alloué aux pays les moins avancés, notamment pour les politiques d’égalité entre les femmes et les hommes, d’éducation et de santé, ainsi que de l’équilibre entre le multilatéral et le bilatéral.

M. Hervé Berville, rapporteur. Cet amendement vise des objectifs très variés et il est en partie satisfait par des amendements que nous avons déjà adoptés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE291 de M. M’jid El Guerrab.

Mme Aina Kuric. Nous proposons de mettre en lumière la montée en puissance de l’aide publique au développement, afin que nos concitoyens et ceux de nos partenaires qui en bénéficient comprennent concrètement en quoi consiste l’action de la France. Il s’agit de promouvoir et de faire connaître notre action, grâce à une meilleure stratégie de communication.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous avions abordé ce sujet, cher à Bérengère Poletti, à l’occasion d’un déplacement à Madagascar, dans le cadre d’une mission de contrôle associant des députés et des sénateurs. Nous étions tous soucieux d’intégrer cet aspect dans la loi. Je suis donc très favorable à cet amendement, qui est le fruit d’une coproduction avec le Sénat.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis favorable. Cette question se pose pour l’APD française, mais aussi pour l’APD européenne. L’« équipe Europe » est le premier bailleur dans plusieurs espaces géographiques, notamment sur le continent africain, mais elle est parfois moins visible que d’autres bailleurs, qui s’engagent beaucoup moins mais qui sont très forts en communication. Il est donc tout à fait crucial de se pencher sur cette question.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE350 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. L’écrasante majorité de l’aide au développement passe par l’Union européenne, mais aussi par la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) ou les banques africaine, asiatique et interaméricaine de développement. Il conviendrait que le rapport gouvernemental éclaire la position promue par la France dans ces instances. Sur la question de l’effacement des dettes, par exemple, la Banque mondiale a, pour des raisons juridiques, une position qui n’est pas la même que la nôtre. Il faut que le Parlement en soit informé, pour appréhender jusqu’où aller dans ce type de politique sans que l’une et l’autre position entrent en opposition.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement AE415 de Mme Valérie Thomas est retiré.

La commission examine l’amendement AE618 de Mme Sira Sylla.

Mme Sira Sylla. Nous proposons que le rapport remis par le Gouvernement présente la liste des pays prioritaires pour l’aide publique au développement et les critères sur lesquels elle a été constituée. Il s’agit de dépenses publiques et les députés de la République française doivent pouvoir en rendre compte aux Français – surtout avec la crise économique et sociale qui risque de succéder à la crise sanitaire.

Avec l’Afrique, nous sommes dans une logique partenariale : nos destins sont inextricablement liés, et nous formons une communauté de destin. Les députés qui travaillent sur l’Afrique savent combien il faut faire œuvre pédagogique, expliquer que nous faisons certes pour l’Afrique, mais surtout avec elle, et que ce projet de loi, nous le faisons aussi pour la France et l’Europe. Sur le terrain, on me dit que j’agis pour l’Afrique, que je trahis la France et que je ne suis pas une députée de la République française – moi qui suis née en Normandie ! Voilà pourquoi il est important que nous ayons, chaque année, un débat sur l’aide publique au développement. La dernière loi sur le sujet remonte à 2014 ; nous ne pouvons pas nous contenter d’une loi tous les cinq ans. Il faut que les Français comprennent que l’aide publique au développement ne sert pas qu’à l’Afrique. Nous ne sommes pas dans une logique paternaliste et il ne s’agit pas de faire la charité. Nous le faisons aussi pour nous-mêmes.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je sais votre implication sur la question de l’aide au développement et sur les diasporas. Quand on connaît la compétence et l’expertise de celles-ci, et l’ampleur des flux financiers qu’elles mobilisent, on comprend qu’il s’agit d’un enjeu majeur. C’est d’ailleurs l’un des premiers sujets sur lesquels on est interrogé lorsqu’on va dans ces pays.

Je suis favorable à votre amendement qui fait le lien avec des discussions précédentes.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis.

Mme Valérie Thomas. Cet amendement est extrêmement intéressant en ce qu’il offre un outil d’appropriation de l’aide publique au développement. Un débat chaque année sera un gage de transparence et nous permettra de mieux expliquer aux Français les enjeux de cette politique.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE619 de Mme Sira Sylla.

Mme Sira Sylla. Nous proposons que le rapport remis par le Gouvernement rende compte des progrès réalisés, en matière de gouvernance et de lutte contre la corruption, par les pays qui bénéficient de l’aide publique au développement. Sur place, les populations civiles savent que la France participe au développement de leur pays, mais elles connaissent aussi les dérives et nous demandent souvent où va l’argent. C’est la même chose pour les Français. Face à la crise économique et sociale qui nous attend, il faut, plus que jamais, faire la transparence sur l’utilisation de l’argent public qui, contrairement aux fonds des diasporas, n’est pas une source pérenne. Nous devons rendre des comptes à nos concitoyens, leur expliquer que l’argent va aller au plus près du terrain et financer des projets relevant de la santé, de l’éducation, du numérique, de l’environnement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable. Le rapport comprendra déjà des éléments relatifs à la gouvernance et à l’État de droit. Par ailleurs, je suis mal à l’aise avec l’idée que le Parlement français débatte des progrès réalisés par des pays en développement en matière de gouvernance.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Avis défavorable également. La dimension de la gouvernance est bel et bien présente dans le CPG, et le rapport en rendra compte. Nous ne mettons pas la poussière sous le tapis : cela fait déjà partie des sujets qui seront abordés.

M. Frédéric Petit. L’amélioration de la comptabilité croisée, y compris dans les pays d’origine, proposée par l’amendement de Jacques Maire, permettrait aussi, de facto, de lutter contre la corruption. On peut atteindre les mêmes objectifs si l’on prête attention aux chiffres et si on les croise.

M. Pierre-Henri Dumont. Je ne vois pas en quoi il serait grossier, de la part des parlementaires français, d’évoquer les modes de fonctionnement des pays que nous aidons au travers de notre aide publique au développement, surtout s’il s’agit de lutter contre la corruption. Nous parlons d’argent public : c’est l’argent des Français, le fruit de leur travail, du travail de nos entreprises. Je ne vois pas où est la grossièreté à évoquer ces questions, que ce soit en séance publique ou en commission. Notre rôle est aussi de contrôler la manière dont est utilisé l’argent public.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement AE307 de Mme Bérengère Poletti est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AE544 de Mme Frédérique Dumas.

M. Hervé Berville, rapporteur. On ne peut pas enjoindre au Parlement de débattre d’un sujet donné. Cela relève du règlement de l’Assemblée nationale. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE351 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme Laurence Dumont. Je ne suis pas convaincue du caractère simplement rédactionnel de cet amendement. Le rapporteur propose tout de même de supprimer la mention d’un débat « en séance publique ». Dès lors, où se déroulerait-il : en commission ? Aurait-il seulement même lieu puisqu’il n’est déjà qu’une possibilité ? Gardons, au moins, la mention de la séance publique !

M. Hervé Berville, rapporteur. L’argument est du même esprit que précédemment : la loi ne peut pas contraindre le Parlement à faire quelque chose.

M. Dominique Potier. Monsieur le président, vous qui goûtez les choses de l’esprit, ne trouvez-vous pas surprenant que la loi donne une faculté au Parlement ? Il est aussi étrange de lui donner une faculté que de le contraindre.

M. Michel Herbillon. Il faut que ce débat ait lieu en séance publique et j’ajoute qu’il faut remplacer le mot « peut » par « doit ».

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il est vrai qu’en supprimant les termes « en séance publique », vous présentez davantage qu’un amendement rédactionnel, monsieur le rapporteur : c’est un amendement de fond.

M. Hervé Berville, rapporteur. En tant que parlementaire, et en tant que rapporteur, j’estimais que ce projet de loi n’avait pas vocation à contraindre le Parlement et à lui imposer la tenue d’un débat. Mais si le législateur estime, dans sa grande sagesse, que le Gouvernement peut obliger le Parlement à débattre, je suis prêt à me ranger à sa décision.

L’amendement AE351 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AE10 de M. Bertrand Pancher, AE290 de M. M’jid El Guerrab et AE561 de Mme Aina Kuric, ainsi que les amendements AE214 de Mme Bérengère Poletti, AE515 de M. Hubert Julien-Laferrière et AE281 de M. Jean-Paul Lecoq.

Mme Aina Kuric. Nous souhaitons conférer un caractère contraignant à la tenue de ce débat ; c’est pourquoi nos amendements identiques tendent à remplacer le mot « peut » par « doit ». Ce débat doit avoir lieu en séance publique.

M. Michel Herbillon. L’amendement AE214 a été signé par tous les députés du groupe Les Républicains siégeant dans cette commission.

Tout d’abord, je ne comprends pas pourquoi, dans cet alinéa, l’Assemblée nationale et le Sénat sont mis au même niveau que le Conseil national du développement et de la solidarité internationale ou que la Commission nationale pour la coopération décentralisée.

Ensuite, c’est nous qui votons la loi. Je ne vois pas en quoi le fait de préciser qu’il doit y avoir un débat public introduit une contrainte. Quant aux pudeurs de violette qu’affecterait, sous la Ve République, l’exécutif vis-à-vis des contraintes qu’il imposerait au Parlement, comme disait ma grand-mère, il vaut mieux entendre cela que d’être sourd ! Parmi la longue liste des contraintes que l’on pourrait citer, je rappelle que nous sommes l’une des rares assemblées parlementaires au monde qui n’a pas le droit de fixer son ordre du jour. Il y a des pudeurs de gazelle qui m’étonnent de la part du Gouvernement.

Il me paraît utile d’écrire dans la loi que le Gouvernement doit présenter un rapport qui fera l’objet d’un débat public à l’Assemblée nationale. Nous aurons toujours la faculté de ne pas siéger ou de ne pas débattre si cette obligation nous paraît trop lourde.

M. Hubert Julien-Laferrière. L’amendement AE515 tend à remplacer le terme « peut » par « doit », et à préciser les conditions dans lesquelles soit s’organiser le débat au Parlement sur l’aide publique au développement.

M. Jean-Paul Lecoq. En effet, il faut remplacer « peut » par « doit » car il faut que le Gouvernement se sente contraint. Surtout, cette proposition émane des députés ! Vous dites que le Gouvernement ne peut pas imposer quoi que ce soit au Parlement mais, en l’espèce, ce sont les parlementaires qui voudraient s’imposer à eux-mêmes ce débat et, par là même, contraindre l’exécutif à leur remettre, en temps et en heure, un rapport qui contienne tous les éléments nécessaires au débat. Nous souhaitons qu’un tel débat se tienne régulièrement. Je crois bien, du reste, qu’il ne serait pas le seul à s’imposer à l’Assemblée nationale. Une procédure équivalente n’est-elle pas prévue pour les sujets européens ? Je me pose la question. En tout cas, cet amendement permettrait enfin à notre commission de réaliser un vieux rêve : celui de placer le sujet de l’aide publique au développement au même niveau que les grands enjeux internationaux.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je comprends bien que certains d’entre nous aient envie d’aller plus loin en contraignant le Parlement, mais la Constitution ne nous permet pas toujours de faire ce que l’on veut. En particulier, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, le Gouvernement ne saurait imposer la tenue d’un débat à l’Assemblée nationale et encore moins au Sénat. Il appartient à chaque chambre d’organiser ses travaux. Nous n’allons pas décider, ici, pour le Sénat, sans même l’avoir consulté ! Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je ne donnerai pas la position du Gouvernement, car le Parlement est le mieux placé pour choisir son mode d’organisation. Je dirai simplement à M. Lecoq que, loin de nous sentir contraints, nous serons heureux de venir, si le Parlement nous y invite. Les débats en séance publique dédiés aux sujets internationaux n’encombrent pas l’ordre du jour et nous ne verrons aucun inconvénient à y participer. D’ailleurs, en 2017, j’avais convenu avec Marielle de Sarnez qu’avant chaque réunion des ministres du commerce de l’Union européenne, je présenterais à la commission des affaires étrangères les positions de la France et le calendrier prévu. J’ai moi-même plaidé pour vous rendre des comptes régulièrement. Il ne fait aucun doute que le Gouvernement pourra débattre de ces sujets avec vous.

M. Bruno Fuchs. L’expression « peut avoir lieu » est assez vaine et relève de la déclaration d’intention, car tous les débats peuvent avoir lieu à l’Assemblée nationale ou au Sénat : il suffit de les organiser. Ces amendements visent à clarifier la situation en imposant la tenue d’un débat ; de ce point de vue, nous ne pouvons qu’y être favorables. En revanche, la nature des enjeux et le rythme auquel les projets sont menés plaident en faveur d’un débat tous les deux ans plutôt que chaque année.

M. Michel Herbillon. Jusqu’à preuve du contraire, ce sont les parlementaires qui fabriquent la loi. Je ne vois donc pas pourquoi le souhait d’organiser un débat une fois par an ou une fois tous les deux ans poserait problème. Le ministre nous indique qu’il laisse le Parlement libre de voter dans un sens ou un autre mais qu’il sera, en tout état de cause, heureux de venir en débattre avec nous. Je ne comprends donc pas la position de notre rapporteur. En quoi le fait de prévoir dans la loi l’organisation d’un débat sur l’aide publique au développement serait-il contraire à la Constitution ?

La commission adopte les amendements identiques AE10, AE290 et AE561.

En conséquence, les amendements AE214, AE515 et AE281 tombent.

La commission examine l’amendement AE577 de M. Jacques Maire. 

M. Jacques Maire. D’aucuns pensent qu’il serait excessif d’organiser un débat chaque année. Il faut savoir qu’au sein de certains Parlements dont les actions en faveur de l’aide publique au développement sont comparables aux nôtres, il existe des commissions, voire des sous-commissions, dédiées à la coopération au développement, qui se réunissent au moins une fois par mois. La Constitution de certains grands États bailleurs prévoit même un vote au Parlement pour les projets qui dépassent un certain seuil. Ceux qui pensent faire preuve d’audace en demandant un rapport chaque année ne sont vraiment pas des révolutionnaires !

Je crains, par ailleurs, que la simple présentation d’un rapport du Gouvernement au Parlement ne s’apparente à une sorte d’exposé commenté, face à des parlementaires qui découvrent le texte au moment même où le ministre le présente. Si l’on veut associer les parlementaires à cette politique pour qu’ils se l’approprient, la défendent et la vendent, il est indispensable que les commissions concernées rendent un rapport susceptible de nourrir et d’éclairer le débat en hémicycle. C’est l’objet de cet amendement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous ne pouvons pas faire n’importe quoi sous peine de subir la censure du Conseil constitutionnel. L’exemple de la résolution européenne cité par Jean-Paul Lecoq est prévu par la Constitution, ce qui prouve bien qu’aucune contrainte ne peut être imposée au Parlement en dehors du cadre prévu par la loi fondamentale.

Je suis également défavorable à l’amendement de Jacques Maire, car il va encore plus loin en proposant d’inscrire dans la loi l’obligation pour certaines commissions de rédiger un rapport annuel et d’organiser un débat, ce qui limiterait encore davantage leur liberté de s’organiser comme elles l’entendent. Du reste, le Conseil constitutionnel a régulièrement censuré ce type de disposition qui ne relève pas de la compétence des parlementaires.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je plaide coupable, car j’aurais dû déclarer cet amendement irrecevable. Autant il est normal que nous demandions au Gouvernement de remettre un rapport à l’Assemblée nationale, autant il serait étrange que la loi impose à une commission permanente une charge de travail supplémentaire. Nous outrepasserions sérieusement nos prérogatives. Je comprends bien les intentions de M. Maire mais la mesure qu’il propose pourrait être contraire à la Constitution et surtout, nous poser un problème de conscience : nous appartient-il de créer une obligation à la charge d’une commission permanente, fût-elle la nôtre ?

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

La commission examine, en discussion commune, les amendements AE305 de Mme Bérengère Poletti, AE455 de M. Dominique Potier, AE11 de M. Bertrand Pancher et AE594 de Mme Mireille Clapot.

M. Dominique Potier. L’amendement AE455 traduit une proposition des ONG. Il est mentionné, dans le cadre de partenariat global, que la France s’engage, avec ses partenaires internationaux, à ce que les investissements privés soient compatibles avec les objectifs de développement durable ainsi qu’au respect du devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre vis-à-vis de leurs filiales et sous-traitants.

Pour ma part, il n’y a pas forcément de symétrie. On ne peut pas obliger un organisme public de la même manière qu’une multinationale mais, pour autant, il est important que le devoir de vigilance infuse dans les organismes publics et privés qui exercent une influence à l’étranger. Ils ont déjà la responsabilité de signaler toute atteinte aux droits humains, tout crime ou délit d’écocide. En gros, nous voulons transformer une obligation morale en obligation légale. Ils deviendraient une sorte de sentinelle, garante publique du respect du devoir de vigilance pour les entreprises privées, véritable petite révolution logistique.

M. Bertrand Pancher. Par l’amendement AE11, nous proposons également que le devoir de vigilance s’impose à tous les acteurs, publics ou privés, qui œuvrent dans le domaine de l’aide au développement. Il est impensable que l’État, ses administrations et ses opérateurs ne respectent pas la loi de 2017 sur le devoir de vigilance, comme vous l’avez d’ailleurs souligné, monsieur Lemoyne, lors de la session extraordinaire du Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI) du 18 février 2020. Nous vous proposons, par conséquent, de dédier un article à l’obligation de vigilance des acteurs publics français.

Mme Mireille Clapot. Nous regrettons que le principe du devoir de vigilance ne figure que dans le cadre de partenariat global, aussi proposons-nous d’insérer, par l’amendement AE594, un nouvel article dans le projet de loi pour que, dans le cadre de la mise en œuvre des actions de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, un acteur public signale à la justice toute atteinte grave envers les droits humains et les libertés fondamentales ou toute mise en danger de la santé et de la sécurité des personnes ou de l’environnement, dont il pourrait être témoin.

M. Hervé Berville, rapporteur. Ces amendements reprennent en effet une proposition des ONG, en particulier de CCFD-Terre solidaire. Le sujet est important et nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre. Je salue d’ailleurs l’important travail que Dominique Potier a réalisé, notamment au niveau européen. Je rendrai un avis défavorable, non pas que je sois opposé au devoir de vigilance, mais parce que celui-ci figure déjà dans le cadre de partenariat global et a donné lieu à de nombreuses discussions. L’enjeu, à présent, est de faire appliquer la loi. Je crois que vous y tenez autant que moi, si l’on en croit les nombreuses demandes de rapport sur le suivi de la loi.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Le devoir de vigilance est clairement inscrit dans le cadre de partenariat global, tout comme la notion de responsabilité sociétale. Il est bien évidemment indispensable que les acteurs publics s’assurent du respect de ce devoir mais, à mon avis, ce sujet relève davantage de la mise en œuvre de cette mesure que du domaine législatif. L’intention est clairement exprimée dans le cadre de partenariat global et l’on n’image pas les acteurs publics se dégager d’une telle obligation. Avis défavorable.

Mme Mireille Clapot. Compte tenu des explications, je retire mon amendement mais la rédaction de l’alinéa 141 du cadre de partenariat global devrait être plus précise.

M. Dominique Potier. Le sujet est énorme. Cette réforme est une petite révolution. Six pays européens nous suivent. La commission juridique du Parlement européen a validé un projet d’initiative sur le devoir de vigilance, qui s’inspire de la loi française. C’est une première étape dans la construction d’une directive européenne, sous la présidence française ou portugaise. Dès lors, il semble impossible d’y consacrer si peu de lignes dans le cadre de partenariat global alors que nous devrions porter avec fierté cette innovation nationale au niveau européen. Par ailleurs, il est impensable que l’appareil de développement, au sens d’appareil public-privé tel que le déploie la France à l’étranger, ne remplisse pas un rôle de vigie en transmettant des informations qui permettent aux juges de faire leur travail. Ce serait une manière de prévenir les atteintes aux droits de l’homme ou à l’environnement. Nos amendements n’étaient peut-être pas pertinents mais il faudrait trouver la bonne articulation. Je vous propose qu’avec Mireille Clapot et Jean-Paul Lecoq, nous essayions de trouver une rédaction adaptée, au-delà du cadre de partenariat global.

Enfin, il est extraordinaire que nous n’ayons pas été fichus, depuis 2017, d’évaluer la loi relative au devoir de vigilance, alors qu’elle est au cœur d’un débat intellectuel et politique majeur ! Il ne se passe pas une semaine sans que des universitaires, des syndicalistes, des patrons du monde entier ne me demandent des informations, mais le Parlement n’a pas été capable d’affecter pendant trois mois deux administrateurs à ce travail d’évaluation. Encore hier, j’ai participé à une mission d’information où l’on a abordé le sujet de l’esclavage moderne. On tâtonne, à partir de sentiments, d’informations glanées ici ou là. Le Gouvernement, pas plus que le Parlement, n’a fait le nécessaire.

Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour porter ce message.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis sensible à cette question de l’évaluation, qui est très importante, en particulier pour cette loi relative au devoir de vigilance, dans un contexte où la violence générée par une mondialisation sauvage est de plus en plus dénoncée. Le Parlement et le Gouvernement s’honoreraient à se saisir du sujet. Je suis d’accord pour approfondir la réflexion d’ici à la séance.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je partage les préoccupations de Mme Clapot et de M. Potier.

L’amendement AE594 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements AE305, AE455 et AE11.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AE334 de Mme Anne Genetet.

TITRE II
DISPOSITIONS NORMATIVES INTÉRESSANT LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE ET DE LUTTE CONTRE
LES INÉGALITÉS MONDIALES

Article 3 (article unique de la loi n° 2015‑411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques ; articles L. 2311‑1‑1, L. 2573‑38, L. 3311‑2, L. 3661‑2, L. 4310‑1, L. 4425‑2, L. 5217‑10‑2, L. 71‑110‑2 et L. 72‑100‑2 du code général des collectivités territoriales) : Prise en compte des Objectifs de développement durable inscrits dans le l’Agenda 2030 adopté par les Nations Unies

La commission examine l’amendement AE661 de Mme Marion Lenne. 

Mme Marion Lenne. La pandémie qui frappe le monde et la fermeture des frontières qui en découle mettent en exergue la nécessité pour tous les pays d’accéder à la souveraineté alimentaire. Bien que les objectifs de développement durable soient traités dans le cadre de partenariat global, en particulier l’objectif de développement durable 2, Faim zéro, la sécurité alimentaire est un préalable nécessaire à la souveraineté alimentaire. Toutes deux sont complémentaires : la sécurité alimentaire concerne la quantité d’aliments disponibles alors que la souveraineté alimentaire intègre conditions sociales et environnementales de la production d’aliments. C’est bien de cela qu’il est question puisqu’à travers la souveraineté alimentaire, nous voulons installer une agriculture familiale, modernisée et durable, accompagnée d’un renforcement de la production et d’une évolution des systèmes agraires. Cette définition est largement acceptée dans la communauté internationale. Pourquoi, dès lors, se contenter de moins alors que l’on peut faire mieux et plus grâce à cet indicateur de richesse qu’est la souveraineté alimentaire ?

Par ailleurs, Mme Sandrine Le Feur présentera un sous-amendement pour donner une définition législative à la souveraineté alimentaire. Le rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation de l’ONU a ainsi précisé que la souveraineté alimentaire devait inclure le respect des choix de chaque communauté afin de se distancier de la stricte conception libérale et productiviste de l’agriculture, conduisant à la fragilisation de certaines économies agricoles et de fait, de certaines populations. Chaque État doit pouvoir se saisir, collectivement et politiquement, du destin agricole de son propre peuple.

M. Hervé Berville, rapporteur. On sait Mme Lenne très soucieuse de ces sujets. Cependant, il ne semble pas pertinent de consacrer la notion de souveraineté alimentaire dans la loi du 13 avril 2015. Tout d’abord, Mme Lenne vise les pays en développement alors que cette loi concerne la France. Ensuite, le terme de souveraineté alimentaire n’a pas de valeur juridique et ne saurait être placé au même niveau que le Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté par les États membres de l’ONU, ou les objectifs de développement durable. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. L’ODD2 a trait à la sécurité alimentaire, et non à la souveraineté alimentaire. Cependant, je veux vous rassurer, madame Lenne : votre préoccupation peut être intégrée dans les travaux à venir, car la liste des indicateurs, introduite par les mots « tels que », n’est pas limitative. Quoi qu’il en soit, dès lors que nous faisons référence aux ODD dans leur ensemble, l’alimentation sera prise en compte. C’est pourquoi je vous invite à retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE261 de Mme Marion Lenne, qui fait l’objet du sous-amendement AE687 de Mme Sandrine Le Feur.

Mme Martine Leguille-Balloy. Contrairement à ce qu’a indiqué M. le rapporteur, il existe une forme de définition du concept de souveraineté alimentaire, qui a été donnée par le rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation de l’ONU dans son rapport final du 24 janvier 2014, intitulé « Le droit à l’alimentation, facteur de changement ». Cette définition, que nous proposons de retenir dans le texte, est la suivante : « Comprise comme l’exigence du fonctionnement démocratique des systèmes alimentaires, impliquant la possibilité, pour les communautés, de choisir de quel système alimentaire elles souhaitent dépendre et comment remodeler ces systèmes, la souveraineté alimentaire est une condition de la pleine réalisation du droit à l’alimentation. »

M. Hervé Berville, rapporteur. Je sais l’attachement de Sandrine Le Feur à la question du développement des filières agricoles mais, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment, je suis défavorable à l’inscription du concept de souveraineté alimentaire dans cet alinéa.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis. Les notions de sécurité et de souveraineté alimentaire sont bien précisées dans l’axe 3 du CPG. Au-delà des intentions, soyons attentifs aux réalisations. Ainsi, nous avons récemment signé, avec le CGIAR, le groupe consultatif pour la recherche agricole internationale, un partenariat renforcé afin de l’aider à réaliser ses études en lui allouant 4 millions par an. Ce n’est pas parce que nous demandons le retrait de l’amendement qu’il n’y a pas d’ambition française en la matière.

Mme Marion Lenne. Il est d’autant plus incompréhensible de ne pas inscrire la notion de souveraineté alimentaire dans le texte que la France est le pays qui agit le plus en ce sens actuellement.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

Elle examine les amendements identiques AE287 de Mme Aina Kuric, AE591 de M. Bruno Fuchs et AE664 de Mme Valérie Thomas.

Mme Aina Kuric. Nous proposons de préciser les indicateurs pris en compte dans le cadre de référence des politiques publiques menées par l’État et les collectivités territoriales, à savoir les 232 indicateurs de suivi mondiaux des objectifs de développement durable établis en 2017 par la Commission statistique des Nations unies. Il s’agit de se montrer particulièrement exigeant pour s’assurer que ces objectifs seront respectés aux niveaux national et international.

M. Bruno Fuchs. J’ajoute, car c’est un fait notable, que les trois groupes de la majorité ont déposé le même amendement.

Mme Valérie Thomas. Je me félicite également que les trois groupes de la majorité aient déposé le même amendement et incite les autres groupes à le voter.

M. Hervé Berville, rapporteur. Ces amendements complètent utilement le texte. De fait, la Commission statistique des Nations unies est véritablement la référence en matière de suivi des progrès réalisés en matière de respect des ODD. Avis favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. J’ai été également convaincu par l’argumentaire des auteurs des amendements.

La commission adopte les amendements.

Elle examine les amendements AE620 et AE657 de Mme Sira Sylla.

Mme Sira Sylla. La prise en compte des objectifs de développement durable doit se faire en lien avec la délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales (DAECT) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le réseau des conseillers diplomatiques des préfectures de région, afin d’assurer la cohérence des politiques publiques ainsi que des objectifs visés au niveau local, national et international, et de permettre aux collectivités territoriales de trouver des synergies géographiques et thématiques dans leurs actions en faveur du développement. L’excellent rapport de Vincent Ledoux, « Ouvrir nos territoires à la priorité africaine de la France », démontre l’importance du lien entre maillage territorial et national, dont témoignent les actions menées dans la région Hauts-de-France.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis d’accord avec vous sur le fond, mais la mesure proposée n’est pas de nature législative. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis. La DAECT est en première ligne pour animer la prise en compte des ODD par les collectivités locales. Tous les élus locaux, nous le savons, ne sont pas forcément au fait de cette ambition, en particulier en milieu rural, où les moyens en ressources humaines sont plus limités. Il faut donc réaliser un important travail, notamment pédagogique, si nous voulons que les ODD innervent réellement l’action des collectivités locales. La DAECT apporte, bien entendu, sa pierre à l’édifice, et j’en profite pour saluer l’action de ses agents ainsi que de l’ambassadrice Moro.

Mme Sira Sylla. J’entends vos arguments, mais je crois que cet amendement faciliterait précisément l’appropriation des ODD sur le terrain.

M. Jean François Mbaye. Je comprends la démarche de Mme Sylla et je salue l’action des collectivités territoriales en matière de coopération décentralisée. Néanmoins, je m’interroge sur la pertinence de la mesure proposée, car il ne faudrait pas imposer aux collectivités une charge de travail supplémentaire à laquelle elles ne sont pas préparées.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Madame Sylla, votre amendement AE657 est quasiment identique à l’AE620. Peut-être pourriez-vous retirer l’un des deux ?

Les amendements AE620 et AE657 sont retirés.

La commission adopte l’article 3 modifié.

Article 4 (article L. 1115-3 [rétabli] du code général des collectivités territoriales) : Possibilité pour les autorités organisatrices de la mobilité de financer des actions de coopération

La commission examine l’amendement AE106 de Mme Olga Givernet.

Mme Olga Givernet. L’article 4 tend à offrir aux collectivités territoriales qui sont autorités organisatrices de la mobilité la possibilité de financer, sur les budgets des services de mobilité, des actions de coopération dans ce domaine avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements.

Par cet amendement, nous proposons d’ajouter les pôles métropolitains à la liste des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) éligibles. En effet, si la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 fixe la liste des collectivités et groupements assumant le rôle d’autorité organisatrice des mobilités sur leur ressort territorial, sa rédaction fait l’objet de certaines interprétations restrictives qui tendent à exclure les pôles métropolitains du champ des autorités organisatrices de la mobilité. Or ceux-ci figurent parmi les outils de coopération territoriale les plus puissants, notamment en matière de mobilité. À titre d’exemple, le pôle métropolitain du Genevois français permet de coordonner les actions d’un bassin économique de plus de 405 000 habitants. Ne pas inclure les pôles métropolitains risque ainsi de priver notre coopération décentralisée avec les pays en voie de développement des savoir-faire et expertises capitalisés au service d’un bien public mondial : la mobilité durable.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous souhaitons favoriser la multiplication des acteurs de la coopération. Votre amendement est très intéressant à cet égard, compte tenu de la modification substantielle du périmètre et de la taille des EPCI. Néanmoins, il me paraît nécessaire d’y retravailler avec le Gouvernement d’ici à la séance publique car, pour l’instant, les pôles métropolitains n’ont pas la compétence transport. Je vous demande donc de bien vouloir retirer l’amendement ; sinon, avis défavorable.

Mme Olga Givernet. J’ai moi-même souligné le vide juridique concernant la compétence transport des pôles métropolitains. J’accepte donc de retirer l’amendement pour y retravailler.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE352 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à prendre en compte le remplacement du « versement de transport » par le « versement mobilité » opéré par la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

M. Jean-Paul Lecoq. J’appelle votre attention sur les autorités organisatrices de mobilité, de plus en plus nombreuses, qui ont instauré la gratuité des transports en commun. Ne percevant plus de recettes de billetterie, elles se trouvent dans l’impossibilité de financer l’aide publique au développement dans ce domaine. Je suis donc disponible, monsieur le rapporteur, pour réfléchir avec vous à la rédaction d’un amendement qui permettrait de remédier à ce problème.

M. Hervé Berville, rapporteur. C’est très juste, monsieur Lecoq. J’accepte volontiers votre invitation à réfléchir à cette question, avec le Gouvernement également.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE557 de Mme Aina Kuric.

Mme Aina Kuric. Il s’agit de favoriser la coordination entre l’État et les collectivités en ajoutant aux missions de la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD) celle qui consiste à encourager la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies.

M. Hervé Berville, rapporteur. Sur le fond, je suis d’accord avec vous. Toutefois, nous n’avons pas eu l’occasion de rencontrer les représentants de la CNCD au cours de nos auditions. Je vous propose donc de bien vouloir retirer votre amendement afin que nous puissions les consulter d’ici à la séance publique.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je compte sur M. Herbillon pour faire le décompte des engagements que nous avons pris… Il va de soi que la mise en œuvre des ODD doit faire partie des attributions de la CNCD, mais il me paraît préférable de consulter notamment son président, M. André Viola, pour aboutir à une rédaction satisfaisante d’ici à la séance publique. Par ailleurs, je m’interroge sur la présence d’un gage dans l’amendement, car je ne crois pas que celui-ci produirait une dépense supplémentaire. Demande de retrait, donc.

Mme Aina Kuric. Je ne mets pas votre parole en doute, mais les sujets sur lesquels nous devons retravailler d’ici à la séance publique s’accumulent et je voudrais être certaine que nous aurons le temps d’aboutir.

M. Hervé Berville, rapporteur. Sur le précédent texte consacré à l’aide au développement, 40 amendements avaient été déposés ; cette fois, nous devons en examiner 600. J’estime qu’une partie d’entre eux, qui concernent une multitude d’acteurs, méritent d’être retravaillés. Je pourrais me contenter de dire « favorable » ou « défavorable », mais je ne crois pas que ce soit l’esprit de notre discussion.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Monsieur le rapporteur, chacun, ici, est surtout soucieux de votre santé, qui va être mise à rude épreuve ces prochains jours tant le nombre d’engagements que vous avez pris devant vos collègues est élevé – M. Herbillon a même évoqué un miracle, que nous ne pouvons exclure, compte tenu de votre talent. Quoi qu’il en soit, vous assumez vos engagements, et nous vous félicitons pour votre courage.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Madame Kuric, je propose que, dès demain, mon cabinet organise un rendez-vous téléphonique avec vous et M. Viola ; vous vous accordez sur une rédaction, et emballez, c’est pesé ! Mais il est de bonne politique d’associer les acteurs concernés à la définition des missions que la loi leur assigne – c’est la moindre des choses.

Mme Aina Kuric. J’avais présenté mes propositions bien en amont de l’examen du texte. Néanmoins, j’accepte de retirer mon amendement et d’y retravailler d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE559 de Mme Aina Kuric.

Mme Aina Kuric. Il s’agit de mentionner le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies dans le code général des collectivités territoriales, afin d’indiquer explicitement dans quel cadre doivent s’inscrire les actions de coopération décentralisée.

M. Hervé Berville, rapporteur. Votre amendement me paraît très bon, car il permet d’avancer sur ce sujet. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE74 de M. Vincent Ledoux.

M. Vincent Ledoux. Sira Sylla a eu la gentillesse de citer les Hauts-de-France, où sont nés le 1 % logement et nombre de coopérations décentralisées dans les années 1980. Je vous propose, dans le même esprit, d’autoriser les bailleurs sociaux français à financer, sur la base du volontariat, des actions de coopération avec leurs homologues des pays en voie de développement, en utilisant au maximum 1 % de leur propre budget d’investissement – cela ne concerne pas les budgets de fonctionnement. Il s’agit de travailler avec les bailleurs sociaux, et non de puiser dans l’argent des collectivités publiques. Les partenariats devront être conformes à un cadrage défini par décret.

L’idée est de créer des axes de coopération entre territoires et entre professionnels du logement social, pour échanger des bonnes pratiques. Nous sommes, par exemple, confrontés dans le Nord à un problème de retrait-gonflement des argiles, qui fissure les maisons et provoque d’importants dommages. Il se trouve que les Sénégalais savent construire sur de l’argile en période de sécheresse – c’est le cas de l’aéroport de Dakar – et peuvent nous faire bénéficier de leurs bonnes pratiques. De même, nos partenaires africains ont de fortes attentes en matière de gestion locative, domaine dans lequel la France a un véritable savoir-faire ; ses bailleurs sociaux sont prêts à coopérer. Cet axe de coopération est tout à fait bénéfique, surtout en cette époque de défi climatique. Mon amendement s’inscrit parfaitement dans la logique de ce projet de loi, qui promeut une démarche de réciprocité au service des sociétés civiles.

M. Hervé Berville, rapporteur. Les enjeux du logement, de la ville durable et de la dignité de l’habitat sont d’autant plus essentiels que la métropolisation dans les pays émergents s’accélère. Votre amendement est très intéressant ; nous aurions même dû y penser plus tôt ! L’intérêt de cette approche repose sur le retour d’expérience : il existe dans certains pays des bonnes pratiques en matière de construction, de développement durable et d’adaptation au changement climatique dont nous pourrions largement nous inspirer. J’émets un avis favorable, car cet amendement répond aux objectifs de l’agenda 2030, tout en s’inscrivant dans une logique de réciprocité.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je vois tout à fait l’intérêt de l’amendement. J’ai ainsi en tête l’action du Réseau Habitat et Francophonie, qui met en relation des bailleurs du Nord et du Sud, et l’excellent travail de son président, Jacques Hojlo. Toutefois, le ministère chargé du logement signale que ce type d’actions n’est pas prévu dans l’objet des bailleurs HLM stricto sensu. Cela m’amène à tempérer mon ardeur spontanée et à émettre un avis de sagesse.

M. Jean-Paul Lecoq. Je trouve cet amendement intéressant, mais la source n’est pas bonne. L’argent des bailleurs sociaux provient des loyers ; or ce ne sont pas les plus riches qui habitent dans les logements sociaux ! C’est donc une partie des loyers des plus pauvres que l’on consacrerait à l’aide au développement, alors que ces personnes, qui sont souvent à découvert, supportent d’énormes frais bancaires. Je propose donc que le Gouvernement sous-amende pour préciser que la recette consistera en un pourcentage des frais bancaires facturés aux personnes vivant dans des logements sociaux.

M. Jean François Mbaye. Je suis réservé sur cet amendement, car les bailleurs sociaux peuvent être des entités privées. La sagesse voudrait que le ministère nous apporte d’abord un éclairage complet sur cette question, notamment sur les bailleurs sociaux mentionnés dans cet amendement. Il faut peut-être le retravailler en vue de la séance, car il me paraît risqué de l’adopter en l’état.

M. M’jid El Guerrab. Nous n’arrêtons pas de proposer de réécrire les amendements avant la séance – bon courage, monsieur le rapporteur ! Cela prouve que vous êtes ouvert au dialogue et prêt à travailler, ce qui n’est pas le cas de tous les rapporteurs ni de tous les ministres. Je remercie également M. le secrétaire d’État et son administration, qui ne vont pas chômer ce week-end !

Je trouve cet amendement très original. Plutôt que de prendre aux bailleurs sociaux, donc aux classes moyennes ou défavorisées, nous pourrions puiser dans les ressources des anciens OPCA – organismes paritaires collecteurs agréés –, devenus opérateurs de compétences (OPCO), qui possèdent des milliards et mènent déjà des actions internationales en dehors de tout cadre légal. Il faudrait profiter de ce projet de loi pour les accompagner.

M. Vincent Ledoux. Le dispositif que je propose est ad hoc et volontaire : nous n’irons pas extorquer de l’argent aux bailleurs sociaux à la pointe de notre baïonnette ! De plus, il s’agit de prélever non pas dans les loyers, mais dans le budget d’investissement. Il est, en outre, possible de travailler à des actions civiques avec les locataires. L’action internationale ne concerne pas que les institutions ou les collectivités : les citoyens aussi peuvent flécher une part de la ressource, comme cela se pratique déjà en Seine-et-Marne.

Je souhaite apporter une disposition de référence aux acteurs qui veulent s’en saisir. Si M. Mbaye n’arrive pas à emporter l’adhésion de son groupe, l’amendement risque de ne pas passer, ce qui serait dommage. Je suis donc prêt à le retravailler, éventuellement avec la ministre du logement, afin de lever les obstacles et de permettre la réalisation de ce beau projet.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE556 de Mme Aina Kuric.

Mme Aina Kuric. L’objectif est de créer un comité au développement durable auprès de la Commission nationale de la coopération décentralisée, sur le modèle du comité économique existant. Il s’agit d’offrir aux collectivités, notamment aux communes, les outils nécessaires pour respecter les objectifs de développement durable.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable ; cela relève du décret et non de la loi. De plus, il faudrait l’évoquer avec la CNCD.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Nous avons entamé un travail avec la CNCD et la députée sur ce sujet. Demande de retrait en vue de conclure en séance.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

La commission est saisie de l’amendement AE75 de M. Vincent Ledoux.

M. Vincent Ledoux. Je souhaite apporter toutes les garanties de pilotage national de la coopération décentralisée, dans toutes ses composantes. Au regard des objectifs du projet de loi, il est proposé que la Commission nationale de coopération décentralisée élargisse ses travaux à l’ensemble des acteurs territoriaux partenaires des collectivités. Les principales associations faîtières internationales, qui représentent nos collectivités en matière de coopération décentralisée, concluraient une convention pluriannuelle avec l’État, ce qui leur apporterait plus de visibilité et permettrait d’évaluer leurs actions au regard des objectifs de notre politique. Comme pour les opérateurs de l’action extérieure de l’État, je propose que les commissions des affaires étrangères émettent un avis sur chaque projet de convention.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis plutôt favorable à cet amendement, mais, par courtoisie envers la CNCD, je souhaiterais que vous le retiriez pour le retravailler en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE505 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Il convient de simplifier, pour la favoriser, l’aide au développement. Dans ce domaine, la coopération décentralisée prend des formes diverses et ne comporte pas toujours des flux financiers. En pratique, la coopération dans le cadre du réseau mondial UNESCO des villes apprenantes ou du réseau international des villes Michelin repose sur l’envoi d’experts d’une collectivité vers une autre ; les conventions ainsi conclues ne comportent pas de flux financiers. La réalité de la coopération et de l’aide au développement n’est pas que financière : elle est aussi humaine. Cet amendement vise à modifier l’article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales pour simplifier la convention et fluidifier ce type de partenariat.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il peut toujours être utile aux partenaires et aux citoyens qu’une action de développement, même sans engagement financier, soit inscrite dans une convention. Il ne m’a pas semblé, au cours des auditions, que ces conventions souffraient d’un formalisme excessif. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Selon l’article L. 1115-1 du CGCT, « ces conventions précisent l’objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers ». Si le coût est nul, il ne me semble pas anormal de le préciser : c’est important, notamment dans une optique de traçabilité des actions des collectivités locales en matière de coopération décentralisée. Cette disposition du CGCT ne me paraît donc pas superfétatoire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Bruno Fuchs. Dans la réalité, cela se passe autrement : les collectivités auxquelles la procédure apparaît trop compliquée se passent de convention et échappent ainsi à toute possibilité d’évaluation. L’idée est de simplifier le code pour que chacun puisse s’y conformer, sans procédure additionnelle. Cela permettrait d’assurer une traçabilité et une évaluation de l’ensemble des coopérations.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le Gouvernement ne ressent pas l’objectif de simplification avec la même fougue que M. Fuchs !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Une collectivité, pour agir de la sorte, doit de toute façon délibérer. Or convertir une délibération en convention n’est pas formellement lourd. Je n’aimerais pas que l’on raye d’un trait de plume une disposition assurant de la visibilité.

La commission rejette l’amendement.

Article 5 : Conseil national du développement et de la solidarité internationale

La commission adopte l’amendement rédactionnel AE353 du rapporteur.

Elle examine l’amendement AE454 de M. Alain David.

M. Alain David. Il s’agit de passer de deux à quatre le nombre de députés et de sénateurs présents au sein du Conseil national du développement et de la solidarité internationale, afin de permettre à des parlementaires de différents groupes de l’opposition de prendre part aux travaux et d’assurer ainsi une représentation démocratique reflétant les équilibres entre groupes politiques.

M. Hervé Berville, rapporteur. La composition de cette instance, créée en 2014, a fait l’objet d’un travail l’année dernière, avec différentes organisations et ONG. Des décrets ont été publiés en décembre, étant entendu qu’il aurait mieux valu qu’ils le soient après le vote de la loi modifiant sa composition. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même avis. Nous aurons l’occasion de renforcer la représentation parlementaire dans les amendements à venir.

M. Alain David. Je ne comprends pas. Cela veut dire que l’opposition est exclue de ces organismes : c’est anormal. Vous devriez prendre plus au sérieux cette demande.

M. Hervé Berville, rapporteur. Nous ne sommes pas à l’origine de la création du CNDSI et de ses modalités de composition : cela a été fait en 2014. De plus, une représentation pluraliste peut être assurée avec deux parlementaires, l’un de la majorité, l’autre de l’opposition. Cela existe dans d’autres institutions.

Mme Laurence Dumont. La présence de deux représentants ne garantit pas qu’il y en aura un de gauche et l’autre de droite. Ainsi, deux représentants de l’Assemblée nationale siègent à la CNIL : un député LaREM et un député Les Républicains. L’Assemblée nationale comptant actuellement beaucoup de groupes d’opposition, la gauche peut être totalement exclue de cette autorité administrative.

M. Michel Herbillon. Nos collègues LaREM sont « en même temps » de gauche et de droite : c’est une subtilité qui a dû vous échapper !

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE213 de Mme Bérengère Poletti.

M. Michel Herbillon. Je suis un peu étonné du vote qui vient d’avoir lieu. Voici donc une occasion pour la majorité de se rattraper. Il s’agit de veiller à la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination.

Nous avions évoqué avec le ministre Jean-Yves Le Drian la disparition de l’opposition parlementaire du conseil d’administration de l’Agence française de développement (AFD) – je vous remercie, monsieur le président, pour la prise de position qui avait été la vôtre. Les commissaires du groupe Les Républicains de la commission des affaires étrangères souhaitent par cet amendement rappeler une évidence : le nécessaire respect de la représentation des différentes composantes des assemblées, opposition comme majorité. L’aide au développement doit faire le plus possible l’objet d’un consensus national.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je suis très favorable à ce que l’Assemblée soit représentée dans sa diversité dans différentes instances. J’ai donc déposé un amendement AE354 qui vous donnera satisfaction. Je vous demande de retirer celui de Mme Poletti, car, même si j’y suis favorable sur le fond, il ne serait pas cohérent d’adopter les deux. Du reste, je ne pense pas que l’on puisse écrire les termes « majorité » et « opposition » dans la loi. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Le Gouvernement se ralliera à l’amendement AE354 du rapporteur. Si l’amendement AE213 n’est pas retiré, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Les notions de majorité et d’opposition conviennent parfaitement à l’Assemblée mais sont inopérantes au Sénat. Il y aurait donc un petit problème.

M. M’jid El Guerrab. Prenons l’exemple du groupe UDI, les Constructifs puis Agir ensemble : il a été successivement dans l’opposition et dans la majorité. Quant au groupe Libertés et territoires, que nous avons créé il y a deux ans, notamment avec Bertrand Pancher, il était d’abord dans la majorité et il se trouve maintenant dans l’opposition. Un groupe peut s’inscrire dans la majorité ou dans l’opposition en début de législature puis évoluer : techniquement, comment cela se passera-t-il ? La majorité et l’opposition sont des concepts fluctuants, selon les budgets ou les sessions. Je pense que l’amendement du rapporteur est beaucoup plus opérant.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il existe aussi des groupes minoritaires…

M. Bruno Fuchs. L’intention de ces différents amendements est tout à fait louable, mais la formulation de celui du rapporteur correspond mieux à la réalité. Néanmoins, je reviens sur la question du nombre : il sera assez compliqué d’assurer une représentation pluraliste avec deux députés et deux sénateurs.

M. Pierre-Henri Dumont. Je comprends la difficulté qui peut se poser au Sénat, mais la réalité est parfaitement claire à l’Assemblée : les groupes déclarent leur appartenance à la majorité ou à l’opposition.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Ils peuvent aussi être simplement minoritaires…

M. Pierre-Henri Dumont. La rédaction de l’amendement du rapporteur pose une difficulté à mes yeux : il est moins clair de parler de représentation « pluraliste » que de représentation de la majorité et de l’opposition. S’il n’y a, par ailleurs, que deux sièges et qu’une majorité très nette, sous un quinquennat ou un autre, est composée de plusieurs groupes, on n’aura pas la garantie que la majorité et l’opposition sont parfaitement représentées. Par conséquent, même si sa rédaction peut poser une difficulté au Sénat, l’amendement présenté par notre excellent collègue Michel Herbillon me paraît préférable.

M. Michel Herbillon. Je maintiens l’amendement. Je ne mets pas en cause les intentions du rapporteur mais, comme le disait le général de Gaulle, il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités. La réalité, en la matière, a fait l’objet d’une opposition unanime, je crois, au sein de la commission des affaires étrangères. C’est la carte de vœux du directeur général de l’AFD qui a appris à Mme Poletti qu’elle était évacuée du conseil d’administration de cette agence. Certaines méthodes sont inqualifiables.

Par ailleurs, même si je ne suis pas familier des règles en vigueur au Sénat, il me semble qu’il y existe aussi une majorité et une opposition.

On nous dit qu’on est tout à fait d’accord avec nous mais qu’on a autre chose à proposer. Or, comme Pierre-Henri Dumont l’a dit très clairement, assurer une composition pluraliste ne signifie pas que l’opposition et la majorité seront représentées. Il peut y avoir un pluralisme au sein de la majorité comme de l’opposition.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous avez tout à fait raison : quand on veut faire représenter neuf groupes parlementaires par deux personnes, cela entraîne des frustrations. L’exercice est à peu près aussi difficile que celui consistant à faire entrer trois litres d’eau dans une bouteille d’un litre.

Mme Laurence Dumont. Il y a des groupes se situant dans la majorité et d’autres dans l’opposition, mais les groupes minoritaires peuvent n’appartenir ni à l’une ni à l’autre. Le meilleur amendement était donc celui qui proposait que quatre députés siègent dans cette instance. Cela permettrait de représenter plus facilement notre assemblée dans sa pluralité.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous n’allons pas revenir sur des votes antérieurs. Avancer est déjà difficile : s’il faut en plus reculer…

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AE354 du rapporteur.

M. Hervé Berville, rapporteur. J’ai déjà présenté cet amendement. J’ajoute que le code électoral impose de préciser les conditions de désignation des membres. Cette compétence sera exercée par la commission permanente chargée des affaires étrangères.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AE612 de Mme Sira Sylla.

Mme Sira Sylla. Il s’agit de permettre la représentation des diasporas au sein du Conseil national du développement et de la solidarité internationale. Outre deux députés et deux sénateurs, il comprendrait deux personnalités françaises ou étrangères représentant les diasporas africaines – je souhaite rectifier l’amendement en supprimant la référence au Forum des organisations de solidarité internationale issues des migrations (FORIM) : il est prévu que la composition du CNDSI soit précisée par décret.

Il est important d’impliquer davantage les diasporas dans le pilotage et l’évaluation de notre politique. Elles sont au cœur du partenariat refondé avec l’Afrique, elles sont une richesse, un pont entre la France et ce continent, et le premier acteur du développement. Le ministre a indiqué ce matin qu’il était tout à fait d’accord avec une meilleure représentation des diasporas dans les différents collèges mentionnés dans le projet de loi – il a également parlé du CICID.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je sais l’attention que vous portez aux diasporas. Cependant, ce que vous proposez ne relève pas du domaine de la loi : avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Le secrétaire d’État que je suis souscrit naturellement aux propos tenus ce matin par le ministre. Je confirme que nous avons bien intégré cette dimension dans le travail relatif à la recomposition du CNDSI, qui comprend déjà, me semble-t-il, une personne représentant les diasporas. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir : le souhait d’une meilleure intégration des diasporas dans ces instances est pleinement pris en compte. Il n’est pas nécessaire de prévoir une telle disposition au niveau législatif.

La commission rejette l’amendement AE612 rectifié.

Elle examine l’amendement AE613 de Mme Sira Sylla.

Mme Sira Sylla. Je propose d’associer un représentant des collectivités d’outre-mer : nos amis ultramarins jouent aussi un rôle important en matière de développement.

M. Hervé Berville, rapporteur. Dans le même esprit que précédemment, avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Ce sont les associations faîtières – Cités Unies France (CUF), l’Association des maires de France (AMF) ou encore l’Association internationale des maires francophones (AIMF) – qui procèdent aux désignations. Je ne vois que des avantages à leur signaler l’intérêt qui s’attache à ce qu’elles se concertent pour désigner un représentant des collectivités d’outre-mer, mais ce n’est pas du niveau législatif.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je signale aussi que votre amendement n’inclut pas la Nouvelle-Calédonie, qui n’est pas une collectivité d’outre-mer – elle est sui generis.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE284 de M. M’Jid El Guerrab.

M. M’jid El Guerrab. Il s’agit d’offrir à la représentation nationale une vision complète des nombreux dispositifs de financement de l’aide publique au développement, ce qui permettra d’envisager des synergies dans ce secteur, devenu de plus en plus concurrentiel. Les pays membres du comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE ont consacré 149 milliards de dollars à cette politique en 2018, pour l’essentiel sous forme de dons, mais il existe beaucoup d’autres manières d’agir.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je comprends votre intention mais cet amendement n’a pas sa place au sein de cet article, relatif au CNDSI. Par ailleurs, vous demandez dans la loi la remise d’un rapport parlementaire, alors qu’il suffirait de se tourner vers le président de notre commission. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même position.

M. Hervé Berville, rapporteur. Ce serait néanmoins un très bon sujet.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je suis tout à fait favorable à tous les rapports…

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AE184 de M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Nous faisons souvent référence au comité interministériel de la coopération internationale et du développement, qui prend des décisions en matière d’aide au développement. La commission des affaires étrangères est habituellement appelée à ratifier les décisions prises par l’exécutif en ce qui concerne les affaires internationales – pour les traités, par exemple. En revanche, les orientations retenues par le CICID ne sont ratifiées par personne. L’amendement AE184 tend à ce que le Parlement en soit désormais chargé. Il nous semble que cela pourra donner plus de force au travail interministériel qui est mené.

M. Hervé Berville, rapporteur. Je crois que nous avons organisé un débat lors de la dernière réunion du CICID, à l’initiative de Jacques Maire. C’est donc possible et j’invite à recommencer. Par ailleurs, l’amendement n’a pas sa place à cet endroit du texte. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Ce texte prévoit de nouveaux rendez-vous et de nouveaux outils, en plus des traditionnels débats budgétaires, qui sont l’occasion d’examiner en détail les projets de loi de finances initiale et ensuite leur exécution. Les possibilités de débattre des orientations de la politique de développement seront donc renforcées.

Il existe des comités interministériels dans de nombreux domaines et cet amendement créerait un précédent. L’exécutif est dans son rôle lorsqu’il coordonne le travail des ministres et le Parlement est dans le sien lorsqu’il légifère, contrôle et évalue. Il serait un peu étrange que le Gouvernement ait à rendre des comptes chaque fois qu’il se coordonne au moyen d’une réunion interministérielle. Il ne s’agit pas d’empêcher les débats, mais je pense qu’il n’y a pas lieu d’en créer qui soient spécifiques aux réunions du CICID.

M. Jacques Maire. Cette proposition inspirante pourrait être reprise dans un autre amendement en vue de la séance. Il y a peu de réunions du CICID – une tous les trois ou quatre ans. On pourrait faire état des évolutions de la position du Gouvernement dans le rapport annuel qui est prévu.

M. Jean-Paul Lecoq. Je vous propose d’adopter l’amendement, et nous pourrons en rediscuter en séance. Il n’est pas dit qu’il y aura une autre réunion du CICID avant la fin du quinquennat : c’est toujours un grand événement. Je sais qu’il existe beaucoup de comités interministériels, mais il serait bien de venir parler des décisions du CICID, auxquelles nous ferons ensuite référence en permanence. Ce ne serait pas très coûteux et cela permettrait d’adresser un message politique. On parle souvent des orientations « de la France ». Or la France, ce n’est pas que l’exécutif. En matière internationale, notamment de développement, cela peut être aussi le législatif.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 5 modifié.

Article 6 (articles 1 et 2 de la loi n° 2005-159 du 23 février 2005 relative au contrat de volontariat de solidarité internationale) : Volontariats dits « réciproques »

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AE355 et AE357 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement AE229 de M. Vincent Ledoux.

M. Hervé Berville, rapporteur. Il faut reconnaître le rôle majeur de France Volontaires, d’autant que nous souhaitons augmenter le nombre de volontaires et renforcer le pilotage politique. Toutefois, cela ne relève pas de la loi. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je reconnais l’action conduite par France Volontaires, sous la présidence de M. Godfrain. Néanmoins, tout un travail est en cours sur la réforme des statuts. À ce stade, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AE332 de Mme Anne Genetet.

Mme Mireille Clapot. Les termes de « volontariat » et de « bénévolat » sont souvent galvaudés, déformés. Nous proposons d’assimiler leur utilisation trompeuse à un dol.

M. Hervé Berville, rapporteur. Favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. C’est l’aboutissement d’un travail conduit depuis de longs mois par Anne Genetet. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’article 6 modifié.

Après l’article 6

L’amendement AE325 de Mme Anne Genetet est tombé du fait de l’adoption de l’amendement AE332.

La commission examine l’amendement AE327 de Mme Anne Genetet.

Mme Mireille Clapot. Cet amendement tend à ce que les organisations proposant des actions de volontariat soient soumises aux mêmes règles de vigilance que celles prévues pour les organisations travaillant en France. Il faudra notamment demander un extrait du casier judiciaire.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AE507 de M. Bruno Fuchs et AE660 de Mme Anne Genetet.

M. Bruno Fuchs. Nous souhaitons renforcer les mobilités à l’international mais aussi vers notre pays. Les intentions ne suffisent pas : il faut se doter d’un établissement qui pense et déploie la mobilité. Celle-ci concerne aussi les talents et les expertises. En ce qui concerne les étudiants, il existe déjà Campus France, qui fonctionne bien. Il n’en est pas de même pour la mobilité non étudiante. De très nombreux programmes de volontariat ont vu le jour mais ils manquent de visibilité : il n’y a pas de catalogue des offres et le problème du volontourisme, soulevé par la proposition de loi d’Anne Genetet, se pose aussi. Nous proposons donc, par l’amendement AE507, de confier à France Volontaires un nouveau rôle.

Mme Mireille Clapot. France Volontaires, en tant que plateforme des acteurs des volontariats internationaux d’échange et de solidarité, contribue au développement et à la promotion d’un volontariat international de qualité. L’amendement AE660 tend à le faire reconnaître par la loi.

M. Hervé Berville, rapporteur. Avis défavorable à ces deux amendements.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Même position, pour les raisons avancées tout à l’heure au sujet de l’amendement de M. Ledoux.

La commission rejette successivement les amendements.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Mes chers collègues, nous avons examiné 184 amendements ; il en reste 412. Au rythme actuel, il nous faudra encore près de vingt heures – nous progressons. Nous essaierons demain d’imprimer à nos travaux un rythme encore plus soutenu.

 

La séance est levée à zéro heures cinq.

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