Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  Suite de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360) (M. Laurent Saint‑Martin, rapporteur général)               2

–  Présences en réunion...........................19

 


Mercredi
7 octobre 2020

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 7

session ordinaire de 2020-2021

 

 

Présidence de

 

M. Éric Woerth,

Président

 

 

 


  1 

La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360) (M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général).

 

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, nous reprenons l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2021. Il nous reste 98 amendements à examiner, dont beaucoup sont identiques. Chacun aura à cœur de les défendre, j’imagine, mais aussi de ne pas retarder nos travaux.

B. – Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Article 24 : Mesures relatives à l’ajustement des ressources affectées à des organismes chargés de missions de service public

La commission examine l’amendement I-CF878 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Nous demandons la suppression de l’article 24 qui organiserait une coupe franche, de 300 millions d’euros, selon l’exposé des motifs, dans les ressources de nombreux organismes chargés de missions de service public, notamment les chambres de commerce et d’industrie, qui seraient affectées à hauteur de 100 millions d’euros, mais aussi et surtout le Fonds national d’aide au logement – ce sujet, si l’on considère la politique que vous menez depuis le début du quinquennat, n’est décidément pas une priorité pour vous.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable. Je ne souhaite pas la suppression de cet article nécessaire à l’ajustement des ressources affectées.

La commission rejette l’amendement I-CF878.

Elle est saisie de l’amendement I-CF1250 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Nous avons déjà déposé cet amendement à plusieurs reprises. Le reversement au budget général des ressources affectées, en catimini, au-delà des plafonds, n’a aucune raison d’être. L’évolution est assez phénoménale : alors que l’écrêtement au profit du budget général était de 126 millions d’euros en 2012, il est quasiment passé à un milliard d’euros en 2019. Cette augmentation déguisée de la fiscalité n’est pas acceptable. On peut fixer des plafonds, mais les taux devraient varier chaque année pour éviter les excédents et donc les reversements ; or cela n’a jamais été construit ainsi. C’est une drôle de manière de lever des impôts…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce qu’il faudrait, au fond, c’est en finir avec l’affectation des taxes : cela permettrait de répondre à votre amendement et à toutes les problématiques qui reviennent chaque année lors des discussions budgétaires. Je sais que cela n’arrivera probablement pas, mais je maintiens qu’il serait bon de rebudgétiser des taxes dont l’affectation ne nous fait pas gagner grand-chose et dont le plafond fait sans cesse l’objet de chamailleries. Mais pour cela, il faudrait de la confiance, du côté des administrations, de la direction du budget, et des citoyens, sur l’utilisation de leurs impôts.

C’est un grand débat que nous n’aurons pas ce soir. En attendant, les plafonds garantissent un certain niveau de ressources à la fois pour l’État et pour les affectataires. Maintenons donc ce dispositif qui avait été instauré lors de la loi de finances pour 2012.

Mme Véronique Louwagie. Nous soutenons cet amendement. J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur général, mais on ne peut pas, à l’occasion de chaque projet de loi de finances, diminuer les plafonds des taxes affectées à des opérateurs qui jouent un véritable rôle dans nos territoires, qui exercent des missions de service public répondant à des attentes. Il faut être clair : voulez-vous tuer petit à petit ces entités, en ne leur permettant pas de remplir leurs objectifs ?

M. Charles de Courson. Si on a un peu de cohérence intellectuelle, on doit distinguer les plafonds dits mordants et ceux qui ne le sont pas. Dans le premier cas, on ne met un plafond que pour se faire plaisir : il faudrait réduire les taux des taxes affectées, dans la limite du plafond, et instaurer un impôt direct dont le produit ira directement dans les caisses de l’État. Au moins, ce serait clair. Mais demander à nos concitoyens de payer des factures d’eau dans lesquelles il y a désormais 25 ou 30 % d’impôt et reverser ensuite une partie au budget de l’État, sur le plan de la lisibilité pour le citoyen contribuable, c’est proprement épouvantable. On pourrait même parler d’un détournement d’impôt, puisque la recette ne va pas là où elle devrait être affectée.

M. le président Éric Woerth. C’est ni plus ni moins un impôt caché. Si c’était stable, on pourrait à la limite ne pas se poser de questions, mais ce n’est pas du tout le cas : les montants augmentent très fortement. Je ne veux pas allonger le débat, mais je l’évoquerai à nouveau en séance.

La commission rejette l’amendement I-CF1250.

Elle examine l’amendement I-CF544 de M. Jean-Marc Zulesi.

M. Jean-Marc Zulesi. Le présent amendement vise à pérenniser l’affectation exceptionnelle, décidée lors de la loi de finances pour 2020, d’une partie des recettes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) – je précise que j’en suis un administrateur. Sans cette mesure, l’AFITF verrait son budget pour 2021 diminuer par rapport à cette année alors que les besoins en matière d’investissement et de réhabilitation des réseaux d’infrastructures sont plus pressants que jamais.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La trajectoire prévue par la loi d’orientation des mobilités (LOM) est respectée : le plafond sera augmenté de 84 millions d’euros en 2021. Il avait déjà été relevé de 198 millions en 2018, de 229 millions en 2019 et de 263 millions en 2020. Votre amendement n’est donc pas nécessaire. Je vous suggère de le retirer.

L’amendement I-CF544 est retiré.

La commission examine en discussion commune les amendements identiques I-CF180 de M. Fabrice Brun, I-CF203 de Mme Émilie Bonnivard et I-CF277 de Mme Marie-Christine Dalloz, les amendements identiques I-CF181 de M. Fabrice Brun et I-CF204 de Mme Émilie Bonnivard, ainsi que les amendements identiques I-CF749 de M. Bertrand Pancher et I-CF806 de Mme Patricia Lemoine.

M. Fabrice Brun. Certaines choses ne marchent pas dans notre pays, mais il y a aussi des politiques qui fonctionnent, comme celle de l’eau – nous pouvons en être fiers car elle est d’origine parlementaire : ce sont nos prédécesseurs qui, il y a cinquante ans, ont créé les agences de l’eau.

Depuis cinquante ans, l’eau paie l’eau et, depuis l’an dernier, l’eau paie l’eau et la biodiversité. C’est un principe général, mais il est désormais remis en cause. C’est pourquoi l’amendement I-CF180 tend à supprimer le plafond mordant en la matière.

Mme Émilie Bonnivard. Je voudrais revenir sur l’apport des agences de l’eau, notamment dans les territoires de montagne, où la charge des investissements est proportionnellement beaucoup plus importante que dans les territoires urbains : outre que la densité de population y est moindre, les réseaux sont vieillissants et extrêmement vastes. Nous avons besoin d’un accompagnement des agences de l’eau, en particulier pour faire face aux enjeux environnementaux de la réhabilitation des réseaux.

Je tiens à saluer ce qui a été fait dans ma région, notamment par Martial Saddier, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée, dans le cadre d’un plan de relance de l’agence de l’eau. Il n’en reste pas moins que les crédits disponibles sont limités et qu’il faut respecter des critères d’intervention. Leur capacité d’accompagnement s’amenuisant, bon nombre de communes et de syndicats des eaux se retrouvent dans l’impossibilité de réaliser leurs programmes d’investissements, qui sont très lourds.

Un renforcement de l’intervention des agences de l’eau devrait être prévu dans le cadre du plan de relance afin de permettre la réalisation de travaux massifs sur nos réseaux d’eau et nos systèmes d’épuration. D’où mon amendement I-CF203.

Mme Marie-Christine Dalloz. Plus le temps passe, plus les contribuables paient au titre du financement des agences de l’eau mais moins celles-ci récupèrent d’argent du fait des reversements au budget de l’État. Parallèlement, ces agences font partie des plus gros contributeurs à la politique de réduction des effectifs : l’État est en train de littéralement les assécher alors qu’il est lui-même incapable de s’imposer une réduction de ses effectifs. Par l’amendement I-CF277, nous proposons de supprimer le plafond mordant.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF181 est un peu de repli : à défaut de supprimer le plafond mordant – ce que nous souhaitons ardemment –, il faut à tout le moins limiter la morsure en faisant en sorte que les redevances payées par les usagers aillent au maximum à la politique de l’eau. C’est important, particulièrement dans la phase de la relance, pour soutenir les investissements destinés aux réseaux d’eau potable mais aussi aux politiques d’assainissement qui visent à améliorer la qualité, sur le plan écologique, des milieux aquatiques.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement I-CF204 tend à relever le plafond mordant afin que les agences de l’eau aient davantage de moyens pour accompagner les politiques publiques locales.

M. François Pupponi. L’amendement I-CF749 vise aussi à remonter le plafond mordant pour permettre aux agences de l’eau d’avoir des moyens.

Mme Patricia Lemoine. Les événements de la semaine dernière ont montré tout l’intérêt de travailler avec les agences de l’eau. Il faut leur donner, a minima, les moyens dont elles disposaient entre 2013 et 2018. C’est l’objet de l’amendement I-CF806.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

Je partage totalement ce que vous avez dit au sujet des agences de l’eau. Néanmoins, la part reversée à l’État au cours des dernières années, en raison du plafond mordant, ne représente même pas 1 % du total. Ce plafond est modifié chaque année : nous l’avons ainsi augmenté de 52 millions d’euros en 2020 et 41 millions d’euros de plus sont prévus s’agissant de 2021.

Je ne reviens pas sur la question du déplafonnement : vous savez que j’y suis opposé. Le plafond évolue en fonction des besoins – c’est ce qui fait l’essentiel de sa vertu.

M. Charles de Courson. Je ne comprends pas votre argument. Si le plafond est si peu mordant, supprimons-le !

Ce que j’ai entendu lors des assises de l’eau et de la préparation du 11e programme, c’est qu’il y a de moins en moins de ressources et qu’il a fallu supprimer toute une série d’actions.

Je vais vous donner un exemple : l’agence de mon bassin soutenait les syndicats hydrauliques pour leurs dépenses d’entretien, mais ce n’est plus le cas ; en revanche, l’aide à l’investissement a été maintenue, ce qui n’a pas beaucoup de sens une fois qu’une rivière a été correctement aménagée. Tout le monde a hurlé lors des assises.

Supprimons les plafonds, puisque vous êtes finalement d’accord…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Non, je ne suis pas d’accord.

M. Charles de Courson. Vous nous dites qu’on reverse seulement quelques dizaines de millions d’euros. En réalité, c’est bien davantage. On le remonte de 41 millions d’euros en 2021 !

M. Arnaud Viala. Les agences de l’eau sont notamment conduites à réduire les aides à l’entretien et à la modernisation des systèmes d’assainissement individuels, alors que c’est une politique indispensable dans les territoires ruraux – on ne peut pas installer des systèmes collectifs partout. On continue à ne pas traiter des quantités d’effluents parce que les particuliers contournent la loi, ou restent hors la loi, en l’absence d’aide pour se doter de dispositifs qui coûtent presque une dizaine de milliers d’euros par habitation.

Mme Christine Pires Beaune. Je soutiens ces amendements. Ce genre d’économies finit par coûter cher, car on renonce à des travaux urgents. J’ai en tête un exemple très récent d’une petite commune qui n’a pas obtenu de subvention de l’agence de l’eau pour réparer son réservoir. Cela n’arrivait jamais il y a quelques années. Des subventions sont désormais refusées parce que les agences sont frileuses ou parce que leurs moyens sont en baisse. Elles revoient leurs programmes à la baisse et choisissent de ne pas subventionner certaines actions.

M. le président Éric Woerth. Il y a aussi des systèmes de décision pas toujours très clairs.

Mme Cendra Motin. La Banque des territoires accorde des aqua-prêts pour accompagner les collectivités locales. L’État reste à leurs côtés en ce qui concerne les réseaux d’eau.

Je ne sais pas si mon agence de l’eau est meilleure que d’autres…

Mme Émilie Bonnivard. Oui, elle l’est.

Mme Cendra Motin. En tout état de cause, elle arrive à financer beaucoup de projets, notamment dans le domaine de l’agriculture – par exemple dans des programmes de développement de la culture du chanvre. Les agences de l’eau ont encore des moyens d’action et des programmes quand elles sont bien gérées.

La commission rejette successivement les amendements identiques I-CF180, I-CF203 et I-CF277, les amendements identiques I-CF181 et I-CF204, ainsi que les amendements identiques I-CF749 et I-CF806.

Elle examine en discussion commune les amendements I-CF759 de M. Jean-Paul Dufrègne et I-CF1424 de M. Benjamin Dirx.

M. Jean-Paul Dufrègne. Nous proposons, même si le rapporteur général a dit qu’il était opposé à cette idée, de déplafonner les trois taxes finançant l’Agence nationale du sport – la taxe sur les paris sportifs, celle sur les jeux de loterie et celle sur les droits de retransmission télévisuelle des événements sportifs. Au-delà de la question du sous-financement du sport que provoquent ces plafonnements en temps normal – le sport a été privé en 2019 de 241 millions d’euros sur les 397 millions d’euros dégagés par ces trois taxes –, la situation des associations sportives, actuellement sans ressources, et les incertitudes sur le produit de ces trois taxes, qui devrait se réduire, doivent nous conduire à sécuriser le financement de l’Agence.

L’amendement I-CF1424 est retiré.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, l’amendement I-CF759 est rejeté.

La commission est saisie des amendements identiques I-CF40 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF46 de M. Fabrice Brun, I-CF136 de M. Dino Cinieri, I-CF201 de Mme Sylvia Pinel, I-CF278 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF342 de Mme Véronique Louwagie, I‑CF472 de M. Charles de Courson, I-CF489 de Mme Monica Michel, I-CF490 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, ICF501 de Mme Séverine Gipson, I-CF624 de M. Olivier Becht, I‑CF874 de M. Jean-Hugues Ratenon, I-CF1079 de Mme Stella Dupont, I-CF1268 de M. Jean-Paul Dufrègne, I-CF1342 de M. Patrick Mignola, I-CF1375 de Mme Valérie Rabault et I‑CF1443 de M. Arnaud Viala.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement I-CF40 tend à supprimer l’alinéa 11, qui est totalement paradoxal au regard de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Le Gouvernement a mis en place un plan de relance de 100 milliards d’euros pour accompagner notre économie et nos entreprises, mais le plafond des ressources affectées aux chambres de commerce et d’industrie (CCI) sera réduit, en parallèle, de 100 millions d’euros. Cela signifie que 1 800 de leurs collaborateurs devront être licenciés en 2021-2022 et que les mesures votées pour accompagner les entreprises, notamment celles concernant la Banque publique d’investissement (BPI), ne seront pas mises en œuvre, ou qu’elles le seront mal. Les entreprises souffriront d’un déficit d’accompagnement alors que la crise n’est absolument pas finie – les difficultés vont continuer à s’accumuler. Nous avons besoin de renforcer les CCI et non de diminuer leurs moyens.

M. Fabrice Brun. La question est assez simple. Les CCI ont-elles, à vos yeux, un rôle à jouer dans la relance de l’économie française, dans l’accompagnement des entreprises, en particulier les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), face à la crise économique inédite que nous traversons ? Si vous répondez par la négative, on peut comprendre votre décision, politique, de réduire de 100 millions d’euros les ressources affectées aux CCI : vous irez au bout d’une logique, à l’œuvre depuis plusieurs projets de loi de finances, qui consiste à sacrifier le réseau consulaire. Mais si vous répondez par l’affirmative, il faut annuler la baisse prévue. C’est l’objet de l’amendement I-CF46.

Permettez-moi de citer l’exemple de la CCI de l’Ardèche. Ses ressources fiscales auront baissé en 2022, si l’on va jusqu’au bout de la trajectoire définie par Bercy, de 68 % depuis le début du quinquennat. Je ne le souhaite pas. Dans beaucoup de territoires, 80 ou 90 % des entreprises sont des travailleurs indépendants ou des TPE. Le réseau consulaire est leur premier outil d’accompagnement, leur premier conseil au quotidien. C’est vrai s’agissant des CCI, pour les commerçants et les travailleurs indépendants, des chambres d’agriculture, mais aussi des chambres de métiers et de l’artisanat.

M. Dino Cinieri. L’alinéa 11 prévoit une nouvelle réduction, de 100 millions d’euros, des ressources affectées aux CCI. L’amendement I-CF136 tend à supprimer cette disposition afin de leur laisser les moyens de conduire leur action auprès des entreprises de nos territoires. Je rappelle que le plafond des ressources des CCI a déjà été amputé de 350 millions d’euros au cours des trois premières années de ce quinquennat, ce qui représente une baisse de 38 % par rapport à 2017.

Les CCI ont démontré l’utilité d’un réseau de proximité, dans tous les territoires, sachant associer expertise humaine et performance digitale. Je propose de stabiliser les ressources affectées aux CCI en 2021 afin de maintenir un accompagnement public de proximité pour les TPE et les PME – elles en ont plus que jamais besoin. Et la présidente de la délégation de Saint-Étienne, Mme Irène Breuil, ne me démentira pas.

M. François Pupponi. L’amendement I-CF201 a le même objet. Ce n’est pas forcément le meilleur moment pour poursuivre la baisse des ressources des CCI – on pouvait déjà ne pas être d’accord avant la crise, mais alors maintenant…

Mme Marie-Christine Dalloz. Je vais vous faire une confidence : à chaque fois que le projet de loi de finances est publié, la première chose que je regarde, au-delà des grands équilibres, notamment l’évolution de la dette et du déficit, c’est la ponction qui sera encore opérée sur le réseau des CCI. Je n’arriverai jamais à comprendre pourquoi vous vous acharnez sur elles depuis trois ans. Leur réseau ne le comprend pas non plus.

Votre « en même temps » ne fonctionne pas. Vous faites adopter la loi PACTE, dans laquelle vous mettez tout sur les entreprises, et en même temps vous détruisez, dans les territoires, l’outil qui fonctionne bien pour les accompagner. C’est incompréhensible. C’est la raison pour laquelle je défends mon amendement I-CF278.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement I-CF342 a le même objet. Pour faire face à la crise sanitaire, qui s’est transformée en crise économique, les entreprises ont besoin d’un soutien relativement important. Jusqu’à maintenant, elles ont été quasiment sous perfusion : elles ont bénéficié d’un report des charges sociales, du Fonds de solidarité et de prêts garantis par l’État (PGE), mais tout cela va prendre fin. Je m’inquiète beaucoup de ce qui se passera pour ceux qui étaient autrefois assujettis au régime social des indépendants (RSI), lorsque l’URSSAF viendra frapper à leur porte et qu’il leur faudra payer, sur plusieurs mois, les charges reportées.

Les CCI ont tout un rôle à jouer. Elles ont mis en place des procédures et des actions pour répondre aux demandes. Or vous diminuez leurs ressources. Ce n’est pas possible : vous ne pouvez pas faire cela au monde économique alors que les entreprises traversent une crise aussi grave.

M. Charles de Courson. L’attitude du Gouvernement et du Président de la République à l’égard des chambres de commerce procède d’une philosophie hégélienne : il faut détruire les corps intermédiaires, qu’il s’agisse des chambres consulaires, des syndicats ou des collectivités territoriales. Or que s’est-il passé ? Lorsque la crise des gilets jaunes s’est déclenchée, vous avez été bien contents d’aller trouver les collectivités territoriales, les corps intermédiaires. Et face à la crise sanitaire, qui est-on allée chercher pour s’occuper des entreprises ? Les chambres consulaires. La politique que vous menez est totalement folle.

On nous a expliqué qu’il fallait que les CCI se financent au moyen de prestations de services. Elles l’ont fait, en partie, mais elles disent qu’elles ne peuvent pas faire plus. Du coup, elles licencient à tour de bras. Savez-vous combien l’État a récupéré ? En 2019, 200 millions d’euros ; en 2020, 150 millions d’euros, alors que les CCI ont perçu 349 millions d’euros. L’État capte donc 30 % de l’impôt prélevé sur les entreprises pour financer les chambres de commerce !

Je suis un homme de parole, monsieur le rapporteur général. Le Gouvernement, quant à lui, n’a pas cessé de mentir aux chambres. Il leur a promis d’arrêter la baisse, mais il a continué à chaque fois. Pourquoi cet acharnement de Bruno Le Maire ? Comment voulez-vous gérer les choses avec un gouvernement qui ne tient jamais sa parole ? Votre comportement est inacceptable, et cela vous explosera à la figure, comme cela vous est déjà arrivé à deux reprises. D’où mon amendement I-CF472.

Mme Monica Michel. Les chambres de commerce jouent un rôle important dans nos territoires, notamment auprès des TPE et PME. C’est la raison pour laquelle nous proposons, par l’amendement I-CF489, de suspendre l’augmentation du prélèvement sur les ressources des CCI en supprimant l’alinéa 11 de l’article 24.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Je me fais à mon tour le porte-voix des chambres de commerce et d’industrie, qui ont joué un rôle crucial durant la crise sanitaire. Elles ont été, et demeurent du reste, un relais de l’État, notamment en informant les entreprises des aides dont elles pouvaient bénéficier. Ainsi, les cinq CCI de l’Eure ont renseigné 15 000 dirigeants normands sur les démarches relatives au chômage partiel et aux prêts garantis par l’État. Elles ont joué le même rôle dans le cadre du plan de relance. En Normandie, par exemple, elles ont créé un baromètre hebdomadaire regroupant 250 entreprises qui a permis d’établir un panel d’information utile à l’élaboration de ce plan, qu’elles ont ensuite présenté à l’ensemble des entrepreneurs de l’Eure.

J’ajoute qu’une baisse de 100 millions d’euros se traduirait, pour les CCI de mon département, par une diminution de leurs recettes de 2 millions d’euros. Or, une telle baisse n’est pas soutenable : il leur est impossible d’économiser une telle somme en quelques mois, sachant que 70 % de leur budget sont consacrés à la masse salariale. C’est pourquoi l’amendement I-CF490 vise à supprimer l’alinéa 11.

Mme Séverine Gipson. L’amendement I-CF501 vise à stabiliser, en 2021, les ressources affectées aux CCI, afin de maintenir l’accompagnement de proximité, peu coûteux et nécessaire qu’elles assurent, notamment dans les zones rurales, auprès des TPE et PME, de permettre leur pleine mobilisation en faveur de la réussite du plan France relance et de mener à leur terme la modernisation et la transformation prévues dans la loi PACTE.

Mme Lise Magnier. L’amendement I-CF624 tend à maintenir les ressources des CCI. Je m’en tiendrai là, car beaucoup de choses ont déjà été dites et nous aurons certainement un débat sérieux sur cette question en séance publique.

Mme Sabine Rubin. L’amendement I-CF874 est défendu.

Mme Stella Dupont. En 2018, nous avons voté une réforme exigeante du réseau des chambres de commerce et d’industrie, en créant un véritable outil de pilotage. Les CCI ont respecté le nouveau cadre législatif ainsi défini et se sont mises en ordre de marche. Pendant la crise sanitaire, elles ont été présentes, réactives, et ont accompli un travail exceptionnel en coopération avec les préfets, les régions et les collectivités.

La trajectoire que nous avons votée il y a deux ans doit être remise en question car elle n’est pas tenable, compte tenu du contexte actuel, si particulier, et des besoins que nous constatons dans nos territoires. Du reste, les entreprises elles-mêmes – qui, ne l’oublions pas, financent les CCI : celles-ci ne sont pas une charge pour l’État – affirment vouloir continuer à payer les taxes affectées au financement des chambres de commerce. N’oublions pas, en outre, que ce sont les grandes entreprises qui, par le montant des taxes dont elles s’acquittent, financent les services dont bénéficient les plus petites. Il ne paraît donc pas pertinent, dans le contexte du moment, de privilégier le système de la facturation. (Plusieurs députés du groupe LR applaudissent.) C’est pourquoi l’amendement I-CF1079 vise à supprimer l’alinéa 11.

M. Jean-Paul Dufrègne. Monsieur le rapporteur général, ça suffit ! Ah, elle est belle, votre politique des territoires. À quoi bon faire de grandes déclarations et annoncer qu’on veut être le Premier ministre des territoires si l’on continue de mener la même politique ? C’est honteux. Charles de Courson a raison de parler d’acharnement. Nous avons besoin des chambres de commerce pour accompagner les entreprises et leurs projets. Il ne s’agit pas de la politique des grandes métropoles, du Grand Paris et compagnie : je vous parle des besogneux qui vont chercher les emplois. Arrêtez de leur faire les poches et maintenez leurs ressources, qui ont déjà été beaucoup ponctionnées ! Voilà l’objet de l’amendement I-CF1268.

M. Jean-Paul Mattei. Ce n’est pas le moment de priver les chambres de commerce de ressources. Elles ont su jouer un rôle important durant la crise sanitaire et elles ont eu la sagesse de se restructurer pour évoluer. En outre, je le rappelle, l’Inspection générale des finances souligne, dans son rapport, qu’en deçà de 520 millions d’euros de ressources annuelles consolidées, elles auront du mal à assumer leurs missions. Pour ces différentes raisons, nous proposons, par l’amendement I-CF1342, de supprimer l’alinéa 11.

Mme Christine Pires Beaune. Charles de Courson a rappelé les engagements du Gouvernement. De fait, le 14 novembre 2017, devant la commission des affaires économiques du Sénat, le ministre de l’économie avait affirmé, à propos des chambres de commerce et d’industrie : « Nous prenons l’engagement de garantir la stabilité de leurs ressources en 2019-2022 », après la ponction effectuée en 2018. Or, il a annoncé, en 2019, une nouvelle diminution, qui se poursuit depuis. En multipliant ainsi des promesses que l’on ne tient pas, on décrédibilise la parole politique, et c’est dramatique ! Qui plus est, le moment est le plus mal choisi, car ceux qui doutaient de l’utilité des CCI ont pu constater durant la crise combien elles se sont mobilisées en faveur des entreprises. L’amendement I-CF1375 vise donc à supprimer l’alinéa 11.

M. Arnaud Viala. Depuis trois ans, la ponction sur les ressources des CCI est massive ; elle s’élève désormais à 350 millions d’euros. Qui plus est, elle s’ajoute au démantèlement, opéré antérieurement, de la compétence économique des conseils généraux, puis départementaux, privés des outils qui leur permettaient d’accompagner les entreprises au plus près des territoires. Certes, les régions ont tenté de se substituer aux départements, mais elles n’y parviennent pas entièrement, faute d’être aussi proches du terrain, notamment des TPE et des PME.

Pendant la crise, et dans le cadre du plan de relance, ce sont les agents des CCI qui ont aidé les entrepreneurs, dont nous avons pu mesurer le désarroi face à la complexité des dispositifs, à comprendre les dossiers et à les remplir. Si les CCI n’avaient pas été là en tant qu’opérateurs de l’État pour accompagner le service public de l’emploi, les DIRECCTE (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) et les préfectures, elles-mêmes complètement démunies et désarmées, la plupart des entreprises n’auraient pas pu bénéficier de ces dispositifs. Il est temps d’arrêter cette saignée si nous ne voulons pas que le désert des territoires devienne également un véritable désert économique. C’est pourquoi nous proposons, par l’amendement I-CF1443, de supprimer l’alinéa 11.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. J’observe que 5 % des amendements déposés sur la première partie du projet de loi de finances ont trait aux chambres de commerce et d’industrie… Force est donc de constater que le sujet est important et qu’il préoccupe l’ensemble des groupes de notre assemblée.

Deux observations préalables. Tout d’abord, je ne reviendrai pas sur la chronologie des discours du Gouvernement. Non seulement cela ne m’intéresse guère, mais je ne suis pas comptable de ses promesses. À ce propos, Charles de Courson, ne me pointez pas du doigt lorsque vous vous en prenez au Gouvernement : il y va du respect du Parlement. Ensuite, il y a, me semble-t-il, une confusion entre les annonces effectuées avant la loi PACTE et celles qui sont intervenues après. Mais peu me chaut : l’important, c’est la réalité actuelle des CCI.

Efforçons-nous donc d’en dresser un constat clinique, en rappelant le contenu de la réforme proposée dans la loi PACTE. Cette réforme s’inscrivait dans une double logique, que CCI France – dont j’ai rencontré le président et les vice-présidents – ne renie absolument pas : elle consiste, d’une part, à réduire et à simplifier la taxe pour frais de chambre due par les entreprises et, d’autre part, à la remplacer par la facturation à ces mêmes entreprises des services que les chambres leur proposent. Dès lors, une trajectoire financière a été définie et assortie, c’est là que le bât blesse, de la fixation d’un plafond. Concentrons-nous sur ce désaccord.

La crise est une réalité ; je suis d’accord avec vous sur ce point. Et il est évident que les CCI sont utiles aux entreprises. Je suis, comme vous, un élu de terrain, je connais très bien les TPE et les PME et, durant la crise, j’étais quotidiennement à leurs côtés avec les responsables de la CCI du Val-de-Marne, avec qui je m’entends très bien. La question est celle de savoir, non pas si elles ont travaillé, mais si l’on met en difficulté le fonctionnement du réseau au cœur de la crise alors qu’on prend par ailleurs diverses mesures pour tenir compte du fait que celle-ci a pu empêcher certaines transformations.

Or, dans le PLFR 3, vous avez déjà adopté, contre mon avis, un relèvement de 100 millions d’euros du plafond de la taxe. Rappelons qu’en 2020, nous avons, en outre, supprimé le prélèvement dit de France télécom, qui pesait à hauteur de 30 millions d’euros sur les comptes de CCI France. Pour 2020, nous avons ainsi rehaussé les moyens de CCI France de 130 millions d’euros.

Laissez-moi vous dire les choses comme je les ressens. Premièrement, il ne faut pas abandonner l’esprit de la transformation du réseau des chambres de commerce et d’industrie, et je crois pouvoir dire que le président de CCI France est d’accord avec moi sur ce point.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. C’est clair !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cependant, nous ne pouvons pas être aveugles aux difficultés que CCI France peut rencontrer, en raison de la crise, pour se réorganiser et facturer ses services à des entreprises elles-mêmes en difficulté de trésorerie. En conséquence, peut-être faut-il ralentir ou décaler – appelez cela comme vous voulez – cette transformation. Toutefois, vos amendements visent, non pas à décaler la baisse du plafond, ce sur quoi je pourrais être d’accord, mais à le maintenir. Or, si l’on suit cette logique, on ne parviendra pas à la transformation telle qu’elle avait été négociée avec le réseau des CCI.

Ne pourrions-nous pas nous accorder sur une solution, un juste milieu, qui permettrait d’éviter de gravir une double marche en 2021 – deux fois 100 millions d’euros – en relevant le plafond de 100 millions d’euros tout en maintenant la trajectoire financière, quitte à ce qu’elle soit prolongée d’une annuité ? Autrement dit, ne pourrions-nous pas considérer 2020 comme une année blanche ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Non !

M. Fabrice Brun. Alors, nous aurons le même débat en 2021 !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Oui, car je tiens à la transformation du réseau des CCI. En tout état de cause, compte tenu de la baisse du rendement de la taxe, qui s’imposera à nous de toute manière, nous serons confrontés à un problème de recettes. Dès lors, soit nous allons au terme de la transformation, soit nous abandonnons ce projet, et nous revenons au système antérieur en renonçant aux 400 millions d’euros rendus aux entreprises. À ce propos, madame Dupont, ces dernières veulent continuer à payer les CCI, dites-vous. Cela tombe bien : elles le feront en s’acquittant des services qu’elles leur factureront.

Je vais vous le dire comme je le pense : nous ne pouvons pas continuer à avoir, chaque année, un débat sur le financement des chambres de commerce et d’industrie. Il y a un problème de méthode. De deux choses l’une : soit la majorité du Parlement estime que la transformation est utile mais qu’elle doit se faire à un rythme acceptable pour les CCI – c’est la position que je défends, même si je n’ai pas encore déposé d’amendement, en proposant que 2020 soit une année blanche ; soit nous abandonnons la réforme – ce n’est pas à moi de le décider –, et il faut peut-être se demander si l’État doit rester la tutelle des CCI. Après tout, les conseils régionaux exercent la compétence économique dans les territoires : pourquoi les chambres de commerce ne relèveraient-elles pas de la compétence régionale ?

Mon avis, vous l’aurez compris, est défavorable car les amendements remettent en cause la transformation du réseau des CCI. Mais je proposerais, si vous le souhaitez, une solution qui permette d’amortir la chute de 200 millions d’euros en 2021 en la limitant à 100 millions d’euros.

M. Alexandre Holroyd. Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, pour votre intervention, qui éclaire notre débat. Comme vous l’avez très bien résumé, deux éléments sont en jeu. Le premier, c’est la réforme initiale, c’est-à-dire l’évolution du fonctionnement du réseau. Cette évolution a fait l’objet d’un consensus lorsqu’elle a été décidée, consensus qui, me semble-t-il, perdure ; c’est pourquoi votre proposition de compromis me paraît être la solution. Le deuxième élément, c’est le rythme de la réforme. Sur ce point, il faut entendre l’inquiétude exprimée sur l’ensemble des bancs et s’engager, cette année, compte tenu de la crise, à faire un effort dans cette direction.

Aussi, je souhaite que, d’ici à la séance, la réflexion porte sur le rythme de la réforme et que nous étudions la possibilité de faire évoluer CCI France selon des modalités différentes de celles qui ont été initialement choisies.

M. Charles de Courson. Vos idées peuvent être intéressantes, monsieur le rapporteur général, mais votre amendement n’est pas prêt. Vous le déposerez sans doute en séance publique ; en attendant, prononçons-nous sur ceux qui sont en discussion. Je connais intimement les chambres de commerce depuis quarante ans, car j’ai été, au ministère des finances, chef du bureau de l’industrie, qui est leur autorité de tutelle. Lorsque le président de CCI France est venu me voir, il ne m’a pas dit la même chose qu’à vous ; il m’a indiqué que les chambres ne pouvaient plus continuer à facturer, pour la raison exposée tout à l’heure par Mme Dupont : ce système est défavorable aux petites et moyennes entreprises. Passons au vote, et nous aviserons en séance publique.

M. Jean-Paul Mattei. Nous pouvons très bien adopter ces amendements, compte tenu du contexte particulier – on parle tout de même d’un plan de relance de 100 milliards d’euros – et laisser aux CCI une chance de prouver, comme elles l’ont fait pendant la crise, qu’elles sont un soutien important pour les entreprises. Au demeurant, elles contribueront à la réussite du plan de relance, de sorte que ces 100 millions d’euros ne seront pas gâchés : nous bénéficierons en quelque sorte d’un retour sur investissement.

M. Philippe Chassaing. J’ai souvenir que lors de l’examen du PLFR 3, le ministre avait indiqué que le moment n’était pas opportun pour discuter du maintien ou non de la trajectoire financière, qu’il attendait les conclusions du rapport de CCI France pour apporter un certain nombre de réponses et qu’il était ouvert à une négociation lors de l’examen du prochain PLF. Nous y sommes. Pour ma part, je suis d’accord avec le rapporteur général : la question de la transition doit être clairement posée.

La commission adopte les amendements I-CF40, I-CF46, I-CF136, I-CF201, I-CF278, I-CF342, I‑CF472, I-CF489, I-CF490, I-CF501, I-CF624, I‑CF874, I-CF1079, I-CF1268, ICF1342, I-CF1375 et I‑CF1443 (amendement 2835).

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement ICF429 de M. Vincent Descoeur.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF931 de Mme Anne-Laure Cattelot.

Mme Anne-Laure Cattelot. Je vais défendre également l’amendement I-CF930. Ces deux amendements ont pour objet de déplafonner les taxes fiscales affectées, pour l’une, au Centre technique de l’industrie des papiers (CTP), qui concerne le papier recyclé et l’usage des coproduits du bois, et pour l’autre, au centre technique industriel dénommé Institut des corps gras (ITERG), qui concerne notamment les biocarburants. En effet, ces deux centres, absolument essentiels pour anticiper la transition écologique et industrielle des filières concernées, ont signé un contrat d’objectif et de performance.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Dès lors que le contrat d’objectif et de performance a été présenté, il convient de respecter l’engagement pris. Avis favorable à ces deux amendements.

La commission adopte l’amendement I-CF931 (amendement 2836).

Puis elle est saisie de l’amendement I-CF1251 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement a pour objet de laisser perdurer le fonds Barnier sous sa forme actuelle, donc de maintenir son financement par le produit d’une taxe affectée. En effet, je ne comprends pas pourquoi on veut budgétiser cet outil assez clair et dont le fonctionnement est satisfaisant.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le fait que le plafond du fonds Barnier est porté à 205 millions d’euros me paraît plus important que de savoir s’il continue d’être abondé par une taxe affectée ou s’il est rebudgétisé. Ce qui compte in fine, ce sont les moyens qui lui sont attribués. En l’espèce, ils sont portés de 137 millions à 205 millions d’euros. On parle trop de méthode budgétaire et pas assez des possibilités offertes par l’augmentation du fonds. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. En l’espèce, une transformation n’est pas nécessaire : le fonds est géré par la caisse centrale de réassurance, il fait l’objet de rapports d’évaluation réguliers, il est très bien identifié, son circuit de financement ne présente aucune complexité particulière et les indemnisations sont clairement définies.

Mme Anne-Laure Cattelot. On peut saluer l’augmentation de ce fonds, compte tenu, hélas, du développement des catastrophes naturelles. Du reste, ne faut-il pas considérer cette rebudgétisation comme une opportunité d’augmenter plus facilement les crédits du fonds si des aléas climatiques importants surviennent en 2021 plutôt que comme une menace de fongibilité à la baisse ?

Mme Sabine Rubin. Pour une fois, je suis d’accord avec vous, monsieur le président. Ce qui nous inquiète, dans l’intégration de ce fonds dans le programme 181, c’est qu’on se donne la possibilité d’en faire un autre usage. Quant à son augmentation, elle est dérisoire au regard des besoins.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La véritable crainte, madame Rubin, c’est de ne pas être en mesure de dégager suffisamment de ressources pour faire face à des situations exceptionnelles telles que celle qui a été provoquée par la tempête Xynthia, par exemple. La seule ressource de ce fonds est une taxe. Dès lors que celle-ci a atteint son rendement, vous pouvez toujours puiser dans la trésorerie mais, une fois qu’elle est épuisée, vous êtes coincée. L’intérêt de la budgétisation, c’est qu’elle donne accès à un robinet directement branché sur le budget général de l’État.

Ce que je trouve dommage – et je ne vous en fais pas le reproche –, c’est qu’une rebudgétisation suscite toujours la méfiance. Il ne devrait pas en être ainsi, car elle offre la possibilité de mobiliser, le cas échéant, davantage de moyens – et l’État a démontré qu’il était capable de le faire dans les situations d’urgence – et d’améliorer le pilotage, notamment en y associant les parlementaires. Nous avons tous à gagner à la rebudgétisation des comptes d’affectation spéciale !

M. le président Éric Woerth. La défiance est fondée sur l’expérience, sur l’histoire…

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Certes, mais on peut changer les choses.

La commission rejette l’amendement I-CF1251.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement I-CF445 de M. Bertrand Pancher, les amendements identiques I-CF440 de M. Bertrand Pancher et I‑CF1270 de M. Jean-Paul Lecoq, l’amendement I-CF441 de M. Bertrand Pancher et les amendements identiques I-CF442 de M. Bertrand Pancher, I-CF847 de Mme Jennifer de Temmerman et I-CF1357 de M. Hubert Julien-Laferrière.

M. François Pupponi. Les amendements I-CF445 et I-CF440 sont défendus, de même que les amendements I-CF441 et I-CF442.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’amendement I-CF1270 vise à allouer 1,048 milliard d’euros de recettes de la taxe sur les transactions financières (TTF) à l’aide publique au développement. Cette opération permettrait, moyennant le relèvement à 0,4 % du taux de la TTF, de libérer 520 millions d’euros supplémentaires pour le développement – mais vous avez paru totalement fermé lorsque nous avons évoqué le sujet, monsieur le rapporteur général.

Mme Jennifer de Temmerman. Du fait de la pandémie de Covid-19, l’extrême pauvreté risque de progresser dans le monde, pour la première fois depuis 1990. L’aide publique au développement est donc plus essentielle que jamais. Le Président de la République s’était engagé à la faire progresser pendant son quinquennat, mais la concrétisation de cette promesse a été renvoyée à la loi de programmation relative au développement, dont il semble de plus en plus évident que nous ne verrons pas l’ombre avant 2022.

Mon amendement I-CF847, un peu moins ambitieux que ceux qui viennent d’être défendus, tend lui aussi à relever le plafond de cette aide publique.

M. Hubert Julien-Laferrière. Dans le même esprit, mon amendement I-CF1357 vise à augmenter la part de TTF affectée au développement. Cette taxe a été créée pour financer l’aide publique au développement ; mais, comme la répartition entre la fraction allouée au budget général et celle qui va au Fonds de solidarité pour le développement (FSD) correspond à un plafond et non à un pourcentage, bien que les recettes aient doublé depuis 2016, passant de 1,1 milliard d’euros à plus de 2 milliards d’euros, la part affectée au développement, qui était de la moitié à l’époque, n’est plus que d’un quart aujourd’hui. Il faut donc modifier le plafond pour que 50 % au moins du produit de cette taxe aille à l’aide au développement. Je rappelle à mon tour que le Président de la République s’est engagé à consacrer à celle-ci 14 à 15 milliards d’euros en 2022. Ce qui est proposé est indolore pour les finances publiques, puisque la TTF a été créée à cette fin.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je ne sais pas où vous avez trouvé le chiffre de 2 milliards d’euros de recettes de TTF : selon Bercy, c’est 1,4 milliard !

M. Hubert Julien-Laferrière. 2 milliards, c’est ce qui est prévu pour 2020 !

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Non. Le reversement de la TTF à l’État représentait un milliard d’euros en 2019 : je ne vois pas comment le montant de son produit pourrait atteindre deux milliards en 2020. Vous fixez un plafond très au-dessus du niveau du rendement ; c’est inefficient. Si le rendement de la taxe est inférieur au plafond, vous aurez beau fixer le plafond que vous voulez, c’est le rendement qui est affecté, c’est donc lui qui compte.

En revanche, le FSD a pour intérêt, par rapport aux crédits budgétaires de l’aide publique au développement, de pouvoir être reporté sur plusieurs années afin de respecter des conventions bilatérales.

Il n’y a pas trente-six solutions : ou bien on accroît le rendement de la taxe, ce qui suppose d’augmenter la TTF ; ou bien on en passe par les crédits budgétaires de l’APD – qui sont revalorisés chaque année. Mais celle que vous proposez est stérile : vous relevez un plafond sous lequel le rendement n’augmente pas, et risque même de diminuer ; cela ne créera pas davantage de ressources pour le fonds.

Il faut assurément que l’engagement présidentiel de porter le montant de l’APD à 0,55 % du revenu national brut soit tenu d’ici à la fin du mandat. Mais cela passe surtout par des crédits budgétaires, autrement dit par des crédits APD – c’est le moyen le plus simple de piloter l’évolution –, beaucoup plus que par le FSD.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement l’amendement I-CF445, les amendements identiques I-CF440 et I‑CF1270, l’amendement I-CF441 et les amendements identiques ICF442, I-CF847 et I-CF1357.

Puis, suivant l’avis favorable du rapporteur général, elle adopte l’amendement I‑CF930 de Mme Anne-Laure Cattelot (amendement 2837).

Elle adopte enfin l’article 24 modifié.

 

Après l’article 24

La commission est saisie des amendements I-CF183 et I-CF184 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. L’amendement I-CF183 tend à accroître les ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France par l’intermédiaire de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE. Cela permettra de financer les nombreuses routes nationales relevant de la compétence de l’État dont il faut moderniser le tracé et renforcer la sécurité, comme la RN102 entre le Buis d’Aps et la montagne ardéchoise.

L’amendement I-CF184 vise à flécher les ressources de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, vers l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, qui doit avoir les moyens de piloter la politique énergétique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous voilà revenus au débat sur les exonérations de TICPE… Je reste opposé au nettoyage brutal des niches : le nettoyage en luimême est nécessaire, mais après évaluation et, surtout en temps de crise, concertation avec les filières.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF183 et I-CF184.

 

Article 25 : Intégration au budget de l’État du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM)

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF1213 de M. Éric Coquerel et I-CF1252 de M. Éric Woerth.

Puis elle adopte l’article 25 sans modification.

 

C. – Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

Article 26 : Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes et comptes spéciaux existants

La commission adopte l’article 26 sans modification.

 

Article 27 : Actualisation et reconduction du dispositif de garantie des ressources de l’audiovisuel public (compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ») et stabilisation du tarif de la contribution à l’audiovisuel public (CAP)

La commission est saisie de l’amendement de suppression I-CF864 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. L’article 27 confirme le démantèlement progressif du service public en demandant de nouveau – pour 70 millions d’euros – des économies pérennes à un audiovisuel public déjà très en souffrance.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Supprimer l’article 27, c’est préserver les recettes du compte d’affectation spéciale pour 2020, ce qui pourrait conduire à revaloriser d’un euro la contribution à l’audiovisuel public. Nous y sommes opposés. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF864.

Elle en vient ensuite à l’amendement I-CF450 de Mme Frédérique Dumas.

M. Charles de Courson. Le texte qui nous est soumis ne paraît pas adapté à la situation prévisible du service public de l’audiovisuel en 2021. Celui-ci devait initialement réaliser 80 millions d’euros d’économies, ramenés par le présent article à 70 millions – dont plus de la moitié correspond à des frais de diffusion – à la suite de la décision de suspendre pour un an la bascule de France 4 vers le tout numérique. Il ne s’agit donc que de prolonger un délai, sans aucune ambition éditoriale, alors que cette chaîne destinée aux enfants devrait être une priorité du service public : le canal hertzien est un impératif face aux fractures territoriales, technologiques et d’usage.

Par ailleurs, la crise sanitaire a très fortement affecté les recettes du groupe France Télévisions : on estime à un peu plus de 30 millions d’euros, soit 40 % du total, sa perte de recettes publicitaires entre mars et avril dernier. Le report des jeux Olympiques, cet été, devrait entraîner un manque à gagner supplémentaire de près de 10 millions d’euros. Ces manques à gagner ne sont absolument pas compensés, ce qui, au bout du compte, augmente encore le montant des économies demandées.

Nous proposons donc de rétablir les montants pour 2020 concernant la prise en charge par le budget général de l’État des remboursements d’avances correspondant au produit de la contribution à l’audiovisuel public, déduction faite des frais d’assiette et de recouvrement et du montant des intérêts sur les avances, et, d’autre part, de rétablir également le montant des dégrèvements de redevance audiovisuelle. Cela permettrait de dégager 70 millions d’euros pour combler à peu près les pertes résultant de la crise sanitaire – en ce qui concerne la reprise de la politique d’économies, nous verrons en 2022.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF450.

Puis elle adopte l’article 27 sans modification.

 

Article 28 : Suppression du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs » (CAS SNTCV)

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1135 de M. Éric Coquerel.

Puis elle adopte l’article 28 sans modification.

 

D. – Autres dispositions

Article 29 : Suppression des dernières dispositions de l’ancien mécanisme de recouvrement de la contribution au service public de l’électricité afférentes aux consommations effectuées jusqu’au 31 décembre 2015

La commission adopte l’article 29 sans modification.

 

Article 30 : Relations financières entre l’État et la sécurité sociale

La commission est saisie de l’amendement de suppression I-CF865 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Nous dénonçons la formalisation des transferts financiers entre l’État et la sécurité sociale, qui remet en cause l’autonomie de cette dernière et met ainsi en péril l’ensemble de notre modèle de protection sociale. Le Gouvernement a accentué cette tendance au cours des dernières années afin de compenser les exonérations de cotisations éminemment contestables qu’il a octroyées.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je prends votre amendement de suppression comme un amendement d’appel : sans cette compensation, le trou de la sécurité sociale serait encore plus profond. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF865.

Puis elle adopte l’article 30 sans modification.

 

Article 31 : Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne (PSR-UE)

La commission adopte l’article sans modification.

 

Après l’article 31

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement ICF1223 de M. Julien Aubert.

 

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES

À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

 

Article 32 : Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois

La commission adopte l’article 32 sans modification.

Puis elle adopte l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances modifiée.

 

 

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Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 7 octobre à 21 heures

 

Présents. - M. Saïd Ahamada, Mme Émilie Bonnivard, M. Fabrice Brun, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Philippe Chassaing, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Dominique David, Mme Jennifer De Temmerman, M. Benjamin Dirx, Mme Christelle Dubos, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. Bruno Duvergé, Mme Sophie Errante, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. Daniel Labaronne, Mme Patricia Lemoine, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, Mme Zivka Park, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth

 

Excusés. - M. Damien Abad, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Marc Le Fur, M. Patrick Mignola, M. Christophe Naegelen, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva

 

Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, Mme Séverine Gipson, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Monica Michel, M. Mickaël Nogal, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Arnaud Viala, M. Jean-Marc Zulesi