Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  Examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360), examen et vote sur les crédits des missions :

  Plan de relance et sur l’article 56, rattaché et Plan d’urgence face à la crise sanitaire (MM. Éric Woerth et Laurent Saint-Martin, rapporteurs spéciaux)              2

–  Informations relatives à la Commission...............22

 


Mardi
20 octobre 2020

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 11

session ordinaire de 2020-2021

 

 

Présidence de

 

Mme Marie-Christine Dalloz,

Secrétaire

 

 

 


  1 

La commission examine la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360).

La commission commence par l’examen des crédits de la mission Plan de relance (M. Éric Woerth et M. Laurent Saint-Martin, rapporteurs spéciaux).

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Nous commençons l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances. Avant d’en venir aux articles non rattachés, dont nous aborderons l’examen les mercredi 4 novembre, matin, après-midi, soir et jeudi 5 novembre, matin et après-midi, nous devons examiner l’ensemble des trente-quatre missions du budget général, des deux budgets annexes, des treize comptes d’affectation spéciale et comptes de concours financier, en vue des séances publiques qui se tiendront du lundi 26 octobre au lundi 9 novembre. Au seuil des dix réunions de la commission des finances, programmées jusqu’à vendredi 23 octobre après-midi, il est nécessaire de rappeler le contexte et les principes d’organisation de l’examen des crédits du projet de loi de finances pour 2021.

Les commissions pour avis se réuniront avant ou après notre commission, ce qui ne pose pas de problème dans la mesure où la procédure applicable aux projets de loi de finances est celle de l’examen en séance publique du texte du Gouvernement et non pas celui de la commission. Elles ont donc déjà commencé à auditionner des ministres. Notre commission réservera le meilleur accueil aux rapporteurs pour avis, en particulier lorsque les commissions pour avis se seront réunies avant la commission des finances, les amendements éventuellement adoptés par ces commissions sur les crédits ou sur les articles rattachés pouvant alors être présentés et défendus par les rapporteurs pour avis.

La discussion en commission des finances sera structurée autour des unités de vote de la discussion budgétaire, que sont les différentes missions du budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux.

Je donnerai la parole aux rapporteurs spéciaux pour un propos liminaire d’une durée maximale de cinq minutes. En cas de binôme de rapporteurs spéciaux, ils se partagent cette durée. Les rapporteurs pour avis pourront alors compléter ces interventions pour une durée de deux minutes. Nous en viendrons ensuite aux crédits des différentes missions avec l’examen d’éventuels amendements de crédit. Le rapporteur spécial donnera son avis puis les groupes pourront intervenir pour une explication de vote, précédant le vote.

Vous comprendrez qu’avec quarante-neuf votes et neuf groupes, chacun devra adapter la durée de son intervention en fonction du déroulement de nos réunions. Ce qui aura été dit durant la discussion des amendements permettra à l’orateur du groupe d’être plus concis dans son explication. Il nous restera alors à examiner d’éventuels articles rattachés ou amendements portant articles additionnels rattachés.

Par ailleurs, il peut arriver que des amendements que vous avez présentés comme des articles additionnels rattachés à une mission aient été jugés comme des dispositions devant trouver leur place parmi les articles non rattachés. Il ne faut pas, dès lors, vous étonner que ces amendements ne soient pas appelés ni examinés dans le cadre de l’examen des missions. Comme les années précédentes, leur examen interviendra lorsque nous en viendrons aux articles non rattachés, les 4 et 5 novembre.

Nous commençons cet après-midi avec les missions Plan de relance et Plan d’urgence face à la crise sanitaire ainsi que l’article 56 rattaché. Les rapporteurs de ces missions sont le rapporteur général et le président de la commission des finances.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial. Nous examinons l’instrument budgétaire du plan de relance. C’est un outil massif puisque, sur les 100 milliards de crédits annoncés pour le plan de relance, 36 milliards sont prévus en autorisations d’engagements pour la mission Plan de relance et 22 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2021, ce qui fait de cette nouvelle mission la cinquième mission la plus importante de ce budget. L’État prévoit de dépenser en une année 22 milliards d’euros de plus pour de nouvelles mesures afin d’atteindre deux objectifs : sortir de la crise et préparer la France de 2030.

Trois piliers structurent ce plan de relance : l’écologie, la compétitivité et la cohésion. Cet ensemble équilibré permettra de remettre sur les rails notre pays pour les dix prochaines années.

Pour que cet argent soit dépensé effectivement dans la perspective d’atteindre rapidement les objectifs que nous nous sommes fixés collectivement, il faudra que l’ensemble des acteurs ou des parties prenantes s’en saisisse : les particuliers, les entreprises, les associations, les parlementaires qui devront s’en faire les ambassadeurs au sein de leurs circonscriptions et devront s’assurer que chacun comprenne bien l’enjeu de ces mesures. Si je l’ai autant répété, en première partie, lors de l’examen de vos amendements, c’est pour que nous puissions en récolter les fruits lors de la deuxième partie.

S’agissant des amendements, nous nous répartirons les avis à donner. Je me félicite que nous ayons pris l’initiative, le président de la commission, qui appartient au premier groupe d’opposition, et moi-même, rapporteur général, de co-rapporter une mission exceptionnelle, dans un cadre exceptionnel. Vous savez que vous devez gager tout amendement qui viserait à augmenter les dépenses par une baisse de crédits pour un autre programme. Nous avons bien compris que nombre d’amendements seraient en réalité des appels lancés au Gouvernement pour qu’il investisse davantage dans certaines politiques que vous aurez jugées prioritaires. Vous vous doutez, parce que c’est le jeu, que nous rendrons, par conséquent, de nombreux avis défavorables.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. Le rapporteur spécial regarde la bouteille à moitié pleine et moi, la bouteille à moitié vide. Finalement, la bouteille est complète. Ayant décidé de voter pour cette mission, cela ne me pose pas de difficulté. Beaucoup de mesures vont dans le bon sens. Les plans de relance se multiplient en Europe, car chaque pays est soucieux de poser les jalons de la relance, même s’ils sont différents puisqu’ils s’adaptent à l’identité de chaque nation.

Nous devons nous poser deux questions pour juger de la pertinence des crédits. Tout d’abord, ces crédits exceptionnels permettront-ils de transformer la crise en une opportunité pour opérer une transition fondamentale, comme la transition écologique ou numérique ? Par ailleurs, ces crédits sont-ils de nature à accélérer notre croissance ? Je nourris quelques réserves, en l’espèce, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, l’ensemble est assez complexe – beaucoup de saupoudrages, des crédits illisibles. Entre les missions de relance, les autres missions, les lois de finance rectificatives votées au printemps dernier, la confusion règne. Ainsi, la mission Plan de relance ne prévoit pas moins de vingt-six mesures pour les jeunes alors que d’autres crédits ont été votés au printemps et que d’autres se retrouvent dans la mission Travail et emploi. Il en va de même pour MaPrimeRénov’.

Par ailleurs, plusieurs mesures n’ont aucun lien direct avec la relance de notre économie même si elles sont légitimes et répondent à de louables intentions. Je doute, par exemple, que les crédits affectés aux jardins partagés, à la plantation de haies ou à l’accueil des animaux abandonnés soient des outils fondamentaux pour accélérer la croissance potentielle de notre pays ou sa transition énergétique.

La consommation de certains crédits reste incertaine et le rapporteur a raison de rappeler que nous devrons décaisser rapidement. Les décaissements pour les programmes d’investissements d’avenir ont été faibles en dix ans alors qu’il est prévu, cette fois, de décaisser quasiment les deux tiers de l’enveloppe en deux ans. Enfin, certains crédits sont en deçà des besoins. Je pense notamment à ceux dédiés à la transformation des prêts aux entreprises en quasi-fonds propres, pratiquement inexistants.

Je veillerai attentivement à ce que les crédits répondent aux besoins de la relance.

La commission procède à l’examen des amendements relatifs à la mission Plan de relance.

Article 33 et État B

La commission est saisie de l’amendement II-CF499 de M. Boris Vallaud. 

Mme Christine Pires Beaune. Pour ce qui est de la rénovation thermique des logements, le plan de relance est en demi-teinte. Vous prévoyez 2 milliards d’euros pour les logements privés, par l’intermédiaire du dispositif MaPrimeRénov’ et 4 milliards d’euros pour les bâtiments publics, dont la moitié sera débloquée en 2021. Si le signal est donné pour les bâtiments publics, il reste insuffisant pour le privé. Par conséquent, nous vous proposons de lancer le dispositif de la prime pour le climat, qui a fait l’objet d’une proposition de loi portée par M. Boris Vallaud et M. Jean-Louis Bricout. Rappelons que 24 milliards d’euros sont nécessaires chaque année pour rénover 700 000 logements. Cet amendement vise à financer l’amorçage du dispositif de la prime pour le climat à hauteur de 3 milliards d’euros. Le rapporteur spécial l’aura bien compris, il n’est pas dans notre intention de réduire les moyens attribués au programme 363, sur lequel nous avons gagé notre proposition.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial. Le dispositif de la prime pour le climat est très intéressant mais il est assez proche de celui de MaPrimeRénov’, nouvelle version, qui s’est ouverte à de nouveaux bénéficiaires, en particulier les propriétaires bailleurs, ce qui devrait accélérer la rénovation thermique des logements privés.

Le troisième objectif du programme 362 Écologie est clair : améliorer la qualité énergétique du parc de logements. Ainsi, les crédits sont déployés dès 2021 pour faire de MaPrimeRénov’ l’outil majeur de la rénovation thermique des bâtiments et des logements individuels. Nous devrons veiller à ce que l’ensemble des citoyens puisse se saisir, demain, du dispositif de MaPrimeRénov’ nouvelle version, en vigueur depuis le 1er octobre, et qui a été largement simplifié pour en assurer une exécution rapide et efficace. Avis défavorable.

Mme Christine Pires Beaune. Les dispositifs, c’est vrai, sont très proches et j’ai d’ailleurs toujours reconnu que celui de MaPrimeRénov’ était bien plus efficace que l’ancien crédit d’impôt pour la transition énergétique, en ce qu’il propose une aide directe.

 

Cela étant, une différence fondamentale sépare MaPrimeRénov’ de la prime pour le climat puisque, pour cette dernière, aucun euro n’est à avancer. En effet, cette prime couvre l’intégralité du montant des travaux sous la forme d’une avance remboursable. Le propriétaire n’a aucun reste à charge, car le reste à charge peut freiner l’engagement de travaux pour les familles modestes même lorsque le montant en est faible.

La commission rejette l’amendement II-CF499.

Elle examine l’amendement II-CF705 de Mme Bénédicte Peyrol. 

Mme Bénédicte Peyrol. Cet amendement d’appel concerne la rénovation énergétique des bâtiments mais nous devons prendre conscience qu’au delà, il faudra relever le défi de la formation de nos artisans et les sensibiliser, dans toutes nos circonscriptions, à l’importance de la formation RGE – reconnu garant de l’environnement.

Plus particulièrement, cet amendement vise à développer le marché des matériaux biosourcés qui n’en est qu’à ses prémices. Nous voulons augmenter le recours à ces matériaux dans la commande publique en fixant un pourcentage aux collectivités territoriales.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial. Je vous invite à retirer cet amendement d’appel que nous pourrions revoir en séance, en présence du Gouvernement, sinon j’y serai défavorable. Rappelons qu’il existe, depuis 2015, un bonus de constructibilité pour les bâtiments exemplaires du point de vue énergétique et environnemental. Nous pourrions nous en inspirer.

L’amendement II-CF705 est retiré.

La commission étudie, en discussion commune, les amendements II-CF560 de M. Matthieu Orphelin et II-CF493 de Mme Chantal Jourdan. 

M. Matthieu Orphelin. Le plan de relance prévoit de consacrer 4,7 milliards d’euros au secteur ferroviaire, ce qui peut paraître une somme importante mais, alors que les crédits dédiés à la régénération des petites lignes s’élèveront à 0,6 milliard d’euros, pas moins de 4,1 milliards serviront, non pas à accélérer l’avancée des travaux, mais à recapitaliser la SNCF. À y regarder de plus près, ces sommes, apparemment importantes, ne permettront pourtant pas d’accélérer le rythme des investissements en faveur du secteur ferroviaire. Nous proposons, par conséquent, d’ajouter près de 3 milliards d’euros par an à ces crédits pour régénérer le réseau, fluidifier le trafic, augmenter la part modale du fret, ouvrir de nouvelles lignes nationales et intra-européennes, réduire l’empreinte carbone du train, favoriser la multimodalité et renforcer l’attractivité du train.

Mme Chantal Jourdan. L’amendement II-CF493 vise à soutenir les actions en faveur de l’amélioration de la qualité du réseau ferroviaire, à hauteur de 900 millions d’euros.

Les députés socialistes et apparentés avaient souligné, durant la discussion sur le projet de loi d’orientation des mobilités, le risque de délaissement des petites lignes, pourtant si importantes dans les territoires, notamment ruraux. Elles garantissent l’attractivité économique et touristique, la mobilité des populations à l’intérieur et entre les territoires. Elles doivent donc être préservées et améliorées.

 

Or, malgré les 173 millions d’euros de crédits de paiement inscrits dans le cadre de la mission Plan de relance, nous devons être plus ambitieux. En effet, selon le rapport relatif aux petites lignes ferroviaires remis au ministre des transports en février dernier, le besoin de financement global est évalué par SNCF Réseau à 7,6 milliards d’euros jusqu’en 2028, dont 6,4 milliards restant à engager à partir de 2020. Il s’agirait là de la concrétisation d’un effort de rattrapage pour gommer le retard d’investissement.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. Beaucoup d’argent a déjà été accordé à la SNCF mais, tous ceux qui utilisent ses lignes le savent bien, les besoins sont importants et il faudrait consentir encore d’énormes investissements.

Nous avons demandé au Gouvernement de détailler la destination des 4,1 milliards d’euros consacrés à la recapitalisation de la SNCF. Une partie, de l’ordre de 2,3 milliards, servira à couvrir les pertes liées à la crise sanitaire, une autre à moderniser le réseau. Le coût représenté par l’abandon du glyphosate pour désherber les voies et la recherche de solutions alternatives est compris dans les crédits de 1,5 milliard d’euros dédiés à la modernisation des réseaux. Le plan de relance ajoute, aux sommes déjà considérables allouées par l’État, 650 millions d’euros en autorisations d’engagement. Par conséquent, avis défavorable.

M. Charles de Courson. Je voudrais comprendre. On nous a remis un dossier détaillant l’ensemble des mesures. Sur les 4,75 milliards d’euros, 2,3 milliards permettront de soutenir le fonctionnement de SNCF Réseau. Ce n’est pas du tout un investissement et il n’est pas vraiment correct d’annoncer un plan de relance de 2,3 milliards d’euros quand il ne s’agit que de combler les déficits de la SNCF.

Enfin, je m’étonne que les petites lignes ferroviaires figurent dans la rubrique Écologie, car elles ne sont pas électrifiées, pour la plupart, et les trains sont essentiellement équipés de moteurs diesel. Selon un rapport de la Cour des comptes, le bilan écologique serait désastreux. À moins que vous n’ayez prévu des moteurs à hydrogène ou à gaz.

M. Matthieu Orphelin. Nous avons besoin de comprendre les intentions réelles du Gouvernement, en distinguant clairement la part des crédits destinés à l’investissement de ceux dédiés au fonctionnement. De même, nous devons visualiser la part des investissements supplémentaires par rapport aux prévisions initiales. Je maintiens mon amendement.

M. Marc Le Fur. La SNCF a nettement réduit le cadencement des TGV. Je doute que ce soit conforme au plan de relance.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. Je n’ai pas le détail de l’utilisation des 4,75 milliards d’euros. Nous l’avons demandé et nous vous tiendrons informés. Prenez les petites lignes, par exemple. Nous ne savons pas dans quelles conditions elles seront sauvegardées, ni pour combien de temps, ni dans quelle proportion. Tout un travail reste à faire, mais c’est vrai pour tous les crédits, ce qui est assez logique car les tous dossiers représentent des urgences. C’est aussi ce qui explique mon inquiétude pour le niveau de consommation des crédits car, pour que les crédits soient consommés rapidement, il faut que les dossiers soient prêts, ce qui est rarement le cas.

Il est bien prévu de débloquer 4,1 milliards d’euros pour recapitaliser la SNCF, mais ces crédits ne figurent pas dans la mission Plan de relance. Sur cette enveloppe, 1,5 milliard sera consacré à moderniser le réseau. Par ailleurs, 650 millions d’euros sont prévus dans la mission Plan de relance en autorisations d’engagement, et 173 millions en crédits de paiement pour 2021, pour le soutien au secteur ferroviaire. Tous ces crédits obéissent à une même logique : améliorer l’état du réseau – sauver les petites lignes, moderniser, abandonner le glyphosate etc.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial. Le défi, pour bien comprendre cette mission Plan de relance, c’est de faire entrer le dossier de presse dans le projet annuel de performance, ce qui n’est pas évident car les mesures peuvent être éparpillées. Les deux co-rapporteurs font tout leur possible pour retrouver vos petits dans cet ensemble. Prenons l’exemple des 4,75 milliards d’euros cités par M. de Courson : il s’agit en réalité de 650 millions en autorisations d’engagement consacrés à l’accélération des travaux sur les infrastructures de transports, sur l’action 07 du programme Écologie, et de 4,1 milliards de recapitalisation. En l’espèce, voici deux mesures qui ne se retrouvent pas ensemble dans le PAP.

M. Charles de Courson. Je ne sais pas comment articuler ces mesures. Prenons, dans le bleu, l’exemple des infrastructures de transport. L’action 07, dans le programme Écologie, est créditée de 3,6 milliards en autorisations d’engagement et 1,3 milliard d’euros en crédits de paiement. Comment ces mesures s’articulent-elles avec celles qui figurent dans le dossier de presse ?

Par ailleurs, je m'inquiète que, sur les 36,4 milliards d’euros que représente au total la mission Plan de relance, le montant total des investissements ne dépassera pas 4,7 milliards, ce qui signifie que l’essentiel des crédits financeront des dépenses de fonctionnement.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. Des crédits sont prévus pour les missions budgétaires traditionnelles, d’autres pour le Plan de relance et le tuilage est important. Certains crédits ont également été votés en LFR 2020 et nous y faisons référence puisqu’ils sont en cours de dépense.

S’agissant de la SNCF, 4,75 milliards d’euros sont bien prévus, répartis entre le compte Participation financières de l’État, pour 4,1 milliards d’euros, et une partie de l’action Infrastructures et mobilité verte du programme Écologie, consacrée au soutien au secteur ferroviaire, dans la mission Plan de relance, pour 650 millions d’euros en autorisations d’engagement. Sur ces 4,1 milliards d’euros – que normalement, on ne regarde pas dans cette mission –, il est prévu de flécher 2,3 milliards d’euros vers le capital de la SNCF afin de combler les pertes qu’elle a subies durant la crise sanitaire, et de consacrer 1,5 milliard à la modernisation du réseau. Les 650 millions d’euros de la mission Plan de relance vont financer la rénovation du réseau, en particulier les petites lignes. Finalement, plus de 2 milliards d’euros seront bien consacrés à la modernisation du réseau, répartis entre les crédits accordés aux missions traditionnelles et ceux de la mission Plan de relance. Nous demanderons des détails, projet par projet.

La commission rejette successivement les amendements II-CF560 et II-CF493.

Elle examine l’amendement II-CF561 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Il vise à augmenter le budget alloué au développement du vélo et des pistes cyclables. Ce débat, que nous avions déjà eu l’année dernière, bénéficie d’un nouvel éclairage grâce à l’étude Impact économique et potentiel de développement des usages du vélo en France en 2020, qui a été publiée il y a quelques mois par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et la direction générale des entreprises. Cette étude montre que, si l’on veut atteindre l’objectif que notre pays s’est fixé, à savoir atteindre une part modale de 9 % pour le vélo en 2024, il va falloir au moins doubler, voire tripler le rythme du déploiement des infrastructures pour les vélos. Cela représente pour les pouvoirs publics un effort financier de 4 à 5 milliards d’euros par an. Si l’on considère que l’État participe à hauteur d’environ 10 % au financement des investissements publics dans le vélo, on en arrive au montant proposé dans cet amendement, à savoir un abondement de 400 millions d’euros par an, qui s’ajouteraient aux 100 millions déjà prévus. Il s’agit de montants somme toute assez modestes en regard des bénéfices attendus ; une récente étude danoise confirme d’ailleurs l’intérêt du vélo pour la santé : à chaque fois qu’un citoyen parcourt un kilomètre à vélo au lieu de le faire en voiture, la société économise 1,07 euro.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. Un citoyen danois, peut-être, un citoyen français, c’est moins sûr…

Le vélo bénéficie déjà de beaucoup d’argent. Tous ces amendements visent en réalité à accroître des crédits déjà existants, non à proposer de nouvelles politiques. Celles visant au développement de la pratique du vélo, à travers notamment la construction de pistes cyclables, se renforcent – cela se vérifie dans toutes les collectivités locales. C’est une bonne chose. L’État investit dans cette affaire à peu près 50 millions d’euros par an ; il est décidé, dans le cadre du plan de relance, de passer à 100 millions d’euros en autorisations d’engagements sur deux ans : c’est une augmentation assez considérable ! Certes, comparativement à 100 milliards, ce n’est pas beaucoup, mais cela représente quand même beaucoup d’argent. En outre, il faut être sûr de savoir comment dépenser ces sommes, qui viennent abonder les projets des collectivités locales, tout cela étant territorialisé : ce n’est qu’un levier de financement.

Je pense donc que les crédits prévus pour le vélo sont largement suffisants. D’ailleurs, de manière générale, j’aurais tendance à considérer que la dette étant très élevée, les crédits importants et l’absence de financement criant, il ne faut pas abonder plus qu’il ne l’est le plan de relance.

M. Matthieu Orphelin. J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur spécial, mais je ne les partage pas, car un tel investissement nous permettrait de faire des économies sur les dépenses publiques du pays. Deux visions s’opposent : il y a ceux qui estiment qu’il convient de continuer au rythme actuel, en aidant éventuellement un peu plus les collectivités, et il y a ce que nous proposons, à savoir nous donner les moyens d’atteindre l’objectif de 9 % de part modale pour le vélo. Ce sont deux options politiques très différentes.

La commission rejette l’amendement II-CF561.

Elle examine l’amendement II-CF660 de Mme Bénédicte Peyrol.

Mme Bénédicte Peyrol. Si Charles de Courson essaie de recouper le plan de relance avec le dossier de presse, je tâche, pour ma part, de faire de même avec le budget vert. Le présent amendement vise ainsi à soulever la question des référentiels utilisés pour évaluer l’impact des dépenses sur les six objectifs environnementaux du budget vert, en particulier la dépense concernant la prime à la conversion des véhicules, qui est cotée comme favorable, voire très favorable sur l’axe « adaptation climat ». Or elle ne semble guère compatible avec le référentiel de la stratégie nationale bas-carbone, dans la mesure où l’on continue par ce moyen à financer des véhicules à moteur qui ne sont compatibles ni avec la directive européenne ni avec nos objectifs environnementaux.

Au delà de cet amendement, mon objectif est – au risque de vous paraître pénible – que s’engage au Parlement, en particulier à la commission des finances et à la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, un débat sur le référentiel du budget vert, car il en va de la crédibilité de cet outil.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial. Je vous félicite pour votre persévérance, madame Peyrol ! Le budget vert est un bel outil, qui résulte en partie de votre travail et vous avez raison de vouloir le rendre opérant et cohérent par rapport au reste, à commencer par le plan de relance.

Par cet amendement d’appel, vous souhaitez appeler notre attention sur le caractère quelque peu ambigu des dépenses de soutien à l’automobile. Il est vrai que certaines mesures peuvent paraître paradoxales, et peut-être serait-il bon que le Gouvernement précise les choses. On peut ainsi bénéficier d’une prime à la conversion pour l’acquisition d’un véhicule crit’air 1 qui sera par ailleurs soumis à un malus – même avec le nouveau seuil à 137 grammes d’émission de CO2 par kilomètre. Est-ce paradoxal ? Pas forcément, puisque la prime à la conversion vise à inciter nos concitoyens à changer de véhicule au profit d’un plus propre. En revanche, il ne s’agit pas pour autant de deux dépenses vertes, puisque l’une va entrer en contradiction avec l’autre, et c’est là qu’on aurait besoin d’y voir un peu plus clair concernant la méthodologie du budget vert.

Je demande, par conséquent, le retrait de cet amendement – qui n’a de toute façon pas été déposé pour être adopté –, tout en admettant qu’il soulève une question intéressante ; il faut que nous examinions si certaines dépenses fiscales n’entrent pas en contradiction avec les dépenses engagées en faveur de la transition écologique.

Mme Bénédicte Peyrol. Si les dépenses sont classées vertes, c’est que le référentiel utilisé par le Gouvernement examine le point de départ ; ce que je propose, c’est que l’on prenne en considération le point d’arrivée, à savoir que l’on s’en tienne strictement à la stratégie nationale bas-carbone et à l’accord de Paris sur le climat, et que l’on vérifie que l’outil va bien dans cette direction.

J’en profite pour adresser une requête au Gouvernement, à savoir qu’il y ait une déclinaison par action, comme dans le rapport de l’inspection générale des finances (IGF) et du conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), car en l’état, il est difficile d’aller dans le détail et de se faire un avis éclairé sur la méthodologie et les dépenses au regard des objectifs environnementaux

L’amendement II-CF660 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements II-CF570 de M. Matthieu Orphelin, II-CF898 de Mme Danielle Brulebois et II-CF380 et II-CF381 de M. Dominique Potier.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement II-CF570 tend à instaurer une prime à l’investissement pour permettre aux établissements de restauration collective de s’équiper en matériel, de former les personnels et de mener des campagnes de sensibilisation afin d’atteindre les objectifs de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (ÉGALIM). Le plan de relance fait un premier petit pas consistant à soutenir à hauteur de 50 millions d’euros sur deux ans 1 500 communes ; le présent amendement représenterait plutôt une grande avancée. Il découle de propositions émises par le réseau Action Climat, la Fondation Nicolas Hulot, le Secours catholique et le réseau Restau’co.

Mme Danielle Brulebois. Mon amendement II-CF898 est soutenu par Restau’co, le réseau de la restauration collective en gestion directe, dont l’objet est de valoriser les métiers et d’améliorer les pratiques, à travers la lutte contre le gaspillage alimentaire, la gestion des déchets et l’utilisation de produits durables, sains et locaux, conformément à la loi ÉGALIM. Cela suppose des investissements, par exemple dans des légumeries, des formations et, surtout, une structuration de la filière des produits locaux en vue d’approvisionner la restauration collective, ce qui de surcroît permettra de donner du travail et des débouchés à nos agriculteurs. Tout cela implique des moyens supplémentaires.

M. Dominique Potier. Je tiens à souligner que nous proposons, à travers ces amendements, des mesures de santé publique. Si l’on s’en remet à la bonne volonté et à la richesse des collectivités territoriales, on risque d’observer d’un lieu à l’autre des différences importantes en matière de restauration collective. L’aide apportée permettrait aux enfants les plus pauvres d’accéder à une nourriture de qualité au moins une fois par jour partout sur le territoire et contribuerait à une éducation qui rayonnerait dans l’ensemble de la société.

L’amendement II-CF381 est de repli.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements. Vous proposez, là encore, d’augmenter les crédits d’une action qui est déjà prévue par la mission Plan de relance, à savoir accélérer la transition agroécologique, notamment le développement d’une alimentation saine, sûre, durable, de qualité et locale dans les cantines scolaires des petites communes, action dotée en 2021 de 50 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 15 millions d’euros en crédits de paiement. On peut toujours discuter des montants alloués, mais, pour ma part, je considère qu’il s’agit là d’un premier pas important.

De manière plus générale, je crains qu’on ne perde un peu le sens de la mesure en multipliant ainsi les crédits. Saura-t-on seulement les dépenser en 2021 conformément aux politiques retenues ? Il est aussi de notre responsabilité de nous poser ce genre de questions.

En outre, hors plan de relance, la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, dont notre collègue Stella Dupont est la rapporteure spéciale, comprend aussi une aide financière pour les communes rurales défavorisées afin de les inciter à instaurer une tarification sociale dans les cantines, dans l’objectif de fixer le tarif du repas à un euro.

Mme Jennifer de Temmerman. Après avoir été enseignante, j’ai été gestionnaire d’établissement scolaire. Je peux vous dire qu’en pratique, on est assujetti à des règles d’hygiène extrêmement strictes, ce qui fait que lorsqu’on n’a pas de cuisine aux normes, on ne peut tout simplement pas développer des projets d’alimentation saine et locale. Pour vous donner un ordre de grandeur, la rénovation du restaurant de l’établissement scolaire dont j’étais la gestionnaire a coûté 8 millions d’euros : avec 15 millions d’euros, on est loin du compte ! Je trouve ces amendements assez peu gourmands, en définitive.

M. Matthieu Orphelin. Je note un certain progrès, car l’année dernière le rapporteur spécial et le Gouvernement nous avaient expliqué que cette idée d’une prime était complètement farfelue, qu’il n’y avait pas besoin de cela pour inciter les établissements scolaires et autres sites de restauration collective à s’engager dans ce type de démarche.

Pour ce qui nous concerne, les montants retenus dans le plan de relance ne nous semblent pas suffisants. Je retire néanmoins l’amendement et nous ferons en séance publique une proposition d’un montant un peu moins élevé.

Les amendements II-CF570 et II-CF898 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements II-CF380 et II-CF381.

Elle examine l’amendement II-CF390 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous abordons une série d’amendements d’appel visant à réorienter certains fonds afin d’engager un dialogue avec le Gouvernement sur l’orientation générale des plans. Je les présenterai très rapidement, puisqu’ils sont plutôt destinés à la séance publique.

Le II-CF390, premier de la série, concerne la création d’un fonds de transition à la main de Coop de France pour accélérer les transitions en même temps que le mouvement d’économie sociale suscité par les coopératives.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial. Demande de retrait, puisque le dialogue devra être engagé avec le Gouvernement en séance.

Je rappelle que l’accélération de la transition agroécologique bénéficie de 190 millions d’euros en autorisations d’engagement et 80 millions en crédits de paiement. Il y a encore un an, nous aurions été ébahis par de tels montants ! Vous demandez 300 millions d’euros, on peut toujours en discuter, mais il y a quand même des crédits à décaisser et, sur le terrain, le défi est grand.

M. Dominique Potier. En regard des 100 milliards d’euros du plan dans son ensemble, 1,5 milliard pour la transition agroécologique, vu les enjeux liés au changement climatique, à la souveraineté alimentaire et à l’industrie agroalimentaire, cela ne me semble pas si élevé que ça. Un abondement ne me paraîtrait pas choquant.

Ces mesures d’abondement prises dans le cadre du plan de relance, je les proposais en vain depuis trois ans. Vous permettrez donc que j’en expose l’esprit et la justification en séance publique.

La commission rejette l’amendement II-CF390.

Elle est saisie de l’amendement II-CF388 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il vise à faire de l’agriculture de groupe, comme les coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA), les groupes d’étude et de développement agricole (GEDA) et les groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE), le moteur de la transition agroécologique. Il s’agit d’une disposition qui avait été votée à l’unanimité lors de l’examen du projet de loi ÉGALIM, mais qui avait été censurée à l’occasion du contrôle de constitutionnalité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial. Avis défavorable.

Je précise à M. Potier, ainsi qu’à tous ceux qui pourraient se sentir concernés, qu’il n’est pas si baroque de trouver dans le plan de relance des mesures qui avaient été proposées par certains d’entre vous il y a plusieurs années. Dans la vie d’un pays, diverses séquences se succèdent, et une sortie de crise est une période d’investissements importants – d’autant qu’elle fait suite à une époque de rigueur, ou plutôt de sérieux, budgétaire. Utilisons-la pour mener à bien certains objectifs, tel celui que vous proposiez depuis tant d’années.

La commission rejette l’amendement II-CF388.

Elle examine les amendements II-CF439, II-CF422 et II-CF382 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. L’amendement II-CF439, inspiré par les états généraux de l’alimentation, prévoit des crédits d’équipement à hauteur de 120 millions d’euros. Il ne suffit pas de diversifier les cultures, il faut aussi les transporter, les trier et les stocker, ce qui suppose des équipements adaptés à l’échelle territoriale.

L’amendement II-CF422 tend à inciter les organisations de producteurs à développer notamment les mentions valorisantes « haute valeur environnementale » et « agriculture biologique ».

Quant à l’amendement II-CF382, il est un appel à créer des organisations et des associations de producteurs, conformément aux dispositions des lois Sapin 2 et ÉGALIM restées lettres mortes. Sans réorganisation des producteurs, il y aura toujours un déséquilibre dans la fabrication des prix. C’est pourquoi, avec Éric Andrieu et d’autres, de plus en plus nombreux, nous plaidons pour qu’à l’échelle des grands bassins, des organisations regroupent les producteurs, définissent un prix de base susceptible de leur assurer une rémunération digne et de protéger l’environnement, et maîtrisent les volumes – car sans maîtrise des volumes, il ne peut y avoir de négociation sur les prix.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial. Je rappelle que 54 millions d’euros sont consacrés en deux ans à la structuration des filières professionnelles.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements II-CF439, II-CF422 et II-CF382.

Elle examine l’amendement II-CF221 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. En comparaison des précédents, mon amendement est très modeste, puisqu’il vise à augmenter de seulement 50 millions d’euros les moyens de la stratégie nationale sur les protéines végétales du plan de relance, en vue de développer des filières de qualité dans l’agriculture biologique. Il s’agit de soutenir la recherche, le développement, le conseil et l’animation, la formation, les aides à l’investissement dans les filières de légumes secs de qualité bénéficiant d’une appellation d’origine protégée (AOP) ou d’une indication géographique protégée (IGP) – par exemple, la lentille verte du Puy –, et en particulier ceux cultivés en agriculture biologique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial. Avis défavorable : si j’étais taquin, madame Dalloz, je vous répondrais que votre amendement n’est pas assez cher…

Cette stratégie nationale sur les protéines végétales, dotée de 100 millions d’euros sur deux ans, constituera un beau cas d’école. Comment va-t-on s’y prendre pour la décliner rapidement dans les territoires, en liaison avec les acteurs de la filière ? Il y a beaucoup d’attente en la matière. On verra si l’État est capable de décaisser rapidement les crédits.

M. Charles de Courson. L’exemple est, en effet, intéressant. Le dossier de presse mentionne un plan en faveur de l’indépendance protéinique doté de 100 millions d’euros. Savez-vous quelles actions recouvre cette somme, messieurs les rapporteurs spéciaux ?

Mme Véronique Louwagie. Pour le coup, le bleu budgétaire mentionne bien, à la page 36, une dotation de 100 millions d’euros pour le plan protéines et détaille quelques-unes des mesures prévues. Néanmoins, il est vrai que l’on peut s’interroger sur la manière dont elles vont être déclinées dans les territoires et se demander si les acteurs parviendront à s’approprier ce foisonnement d’actions, d’autant que certaines ne représentent pas, en fin de compte, un montant très élevé par tête. Les crédits, c’est une chose, les faire parvenir à leurs destinataires, c’en est une autre !

M. Hervé Pellois. Pour ce que j’en sais, 50 millions d’euros iraient à la filière, 20 millions d’euros aux agroéquipements spécifiques, 5 d’euros millions à l’obtention de variétés particulières et une autre somme à un plan de promotion des protéines végétales. Il y a au moins ces quatre actions.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial. Les 100 millions d’euros annoncés pour la stratégie nationale sur les protéines végétales dans le dossier de presse se retrouvent bien à la page 36 du projet annuel de performance, avec le plan protéines doté de 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 38 millions d’euros en crédits de paiement pour 2021. Des discussions sont en cours avec l’interprofession ; pour distribuer les montants en fonction de chacune des priorités détaillées dans le projet annuel de performance, on procédera par appels à projets.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. Le PIA 4 prévoit, lui aussi, des financements pour les protéines végétales ; nous en avons demandé le détail, mais ne l’avons pas obtenu pour l’instant.

La commission rejette l’amendement II-CF221.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement II-CF707 de Mme Bénédicte Peyrol et les amendements identiques II-CF223 de Mme Marie-Christine Dalloz et II-CF387 de M. Dominique Potier.

Mme Bénédicte Peyrol. Des inquiétudes s’expriment à propos de la mise en œuvre du plan de relance dans son volet agricole. Quid des acteurs de terrain ? Mon amendement II-CF707 tend à transférer une partie de l’enveloppe consacrée à l’accélération de la transition agroécologique aux acteurs locaux que sont les organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR).

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. L’amendement II-CF223 a le même objet, mais il ne porte que sur 4 millions d’euros, contre 10 millions pour le précédent.

M. Dominique Potier. Tout comme pour l’amendement II-CF385 à suivre, l’enjeu est de donner du contenu au plan protéines, pour une meilleure efficacité ; selon nous, cela passe, d’une part, par sa territorialisation, d’autre part, par son verdissement. Il serait bon que nous en discutions en séance.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial. Avis défavorable. Il importe que l’interprofession soit dans la boucle pour décider qui bénéficiera de ce plan d’un montant de 100 millions d’euros et sous quelle forme cela se fera. Les ONVAR, qui disposent déjà d’un accompagnement financier, ne sont pas oubliés ; s’ils doivent être partie prenante dans le plan, il faut laisser à l’interprofession le soin de décider comment seront déclinés les crédits.

La commission rejette successivement l’amendement II-CF707 et les amendements identiques II-CF223 et II-CF387.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur spécial, elle rejette l’amendement II-CF385 de M. Dominique Potier.

Elle est saisie de l’amendement II-CF495 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Chantal Jourdan. Il s’agit de doubler le budget consacré à la préservation et la reconquête des haies pour le porter à 100 millions d’euros. Dans le cadre du débat sur l’usage des pesticides, que nous souhaitons abolir, nous avons souligné à plusieurs reprises qu’il était nécessaire de replanter des haies, donc de réintroduire des arbres, pour préserver la biodiversité et réussir la transition écologique. Agroforesterie et replantation des haies faisant partie des méthodes d’agroécologie, il nous semble nécessaire de mobiliser les crédits nécessaires pour concrétiser la volonté qui a été affichée.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. Je l’ai déjà dit, doubler des crédits qui existent déjà, c’est à la limite du plan de relance. Chacun connaît le rôle que peuvent jouer les haies dans la protection des sols, mais 50 millions d’euros n’inverseront pas la tendance en matière de transition écologique ni n’apporteront beaucoup de croissance potentielle.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF495.

La commission est saisie de l’amendement II-CF384 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. L’amendement est une invitation pour le ministère de l’agriculture à réinvestir la question des mentions valorisantes agriculture biologique (AB) et haute valeur environnementale (HVE), niveau 3 de la certification environnementale. Créées entre les années 70 et 90, ces mentions ont méprisé les aspects carbone et commerce équitable.

Une négociation sur la norme française HVE, que nous avons requalifiée dans la loi ÉGALIM, et sur le label AB France – le plus connu du consommateur –, nous offrirait un levier très intéressant pour que ces mentions valorisantes ne couvrent pas des pratiques absurdes telles des serres chauffées ou le transport d’effluents sur des milliers de kilomètres, afin d’obtenir un taux protéique sur du blé dans le bassin parisien.

Rendre à ces mentions valorisantes leur raison d’être en signalant un bilan écologique véritablement favorable suppose un travail intellectuel de recherche, de négociation. Nous l’avons chiffré, de même que sa promotion. Nous ferions ainsi de la France un des leaders d’une vraie agroécologie, qui intègre les dimensions sociale et carbone qui manquent terriblement à ces mentions aujourd’hui.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. Le fonds Avenir bio est déjà doté de 8 millions d’euros, et le plan de relance ajoute 10 millions d’euros sur deux ans. Par principe, on ne peut être opposé à l’idée d’améliorer les politiques par des crédits supplémentaires, mais on ne peut pas limiter le bio à ce fonds. D’autres éléments permettent d’améliorer ces politiques, tels que les 61 millions d’euros de crédits d’impôt en faveur de l’agriculture biologique ou les 630 millions d’euros de fonds européens pour l’aide à la conversion, dont 200 millions d’euros sur la période 2018-2022.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF384.

La commission examine, en discussion commune, les amendements II-CF457 et II-CF406 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Je souhaite appeler l’attention du ministre en séance sur l’urgence d’une réforme foncière, d’une loi de régulation qui permette le renouvellement des générations et le développement d’un véritable esprit d’entreprise. Aujourd’hui, la course à l’agrandissement démesuré conduit à l’appauvrissement de nos territoires, des filières, et à un appauvrissement écologique, économique et social.

Toute la profession, des organisations non gouvernementales (ONG), des députés d’au moins cinq formations politiques s’accordent aujourd’hui sur l’urgence de stopper ces dérives. Cela suppose un renforcement, non seulement des normes législatives à adopter – je l’espère, en 2020 ou 2021 –, mais aussi du contrôle des structures au sein des directions départementales.

Tel est le sens des crédits que nous sollicitons. Il n’y aura pas de contrôle des structures sans une nouvelle ingénierie territoriale mise à son service. C’est un des meilleurs investissements que nous puissions faire aujourd’hui pour assurer la prospérité de l’agriculture.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. Ce ne sont pas des crédits ponctuels que vous demandez, monsieur Potier, puisqu’ils visent des personnels, en tout cas des moyens humains. Je n’y suis pas favorable. Je comprends aussi qu’il s’agit d’amendements d’appel, comme plusieurs de ceux que vous avez déposés.

La commission rejette successivement les amendements II-CF457 et II-CF406.

Elle examine l’amendement II-CF389 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il vise à appeler l’attention sur la qualité des programmes Écophyto, que le plan de relance renforce. Ces programmes – c’était le sens du rapport que nous avions rendu en 2014 et qui est resté lettre morte – supposent une démultiplication des fermes DEPHY – démonstration, expérimentation et production de références sur les systèmes économes en phytosanitaires. Ces exploitations peuvent être connectées à une dizaine d’autres fermes et constituer ainsi un réseau de développement crucial pour éviter les guerres pichrocolines, comme celles que nous connaissons sur le glyphosate ou, récemment, sur les néonicotinoïdes.

Le plan DEPHY et la mise en œuvre des certificats phytosanitaires, inspirés des certificats d’économies d’énergie, nous paraissent deux voies à explorer. Les crédits mobilisés permettront d’y contribuer.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. Il me semble que cet amendement avait déjà été adopté l’année dernière en commission des finances et refusé en séance par le Gouvernement et la majorité. Vous l’avez également déposé cette année sur les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, où il a davantage sa place.

En outre, le plan de relance consacre déjà 54 millions d’euros à la structuration des filières, et l’agriculture n’est pas oubliée avec des crédits sur la quasi-totalité des sujets possibles. Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Il faut satisfaire tous les besoins de contrôle pour éviter des agrandissements démesurés et l’appauvrissement économique qu’ils entraînent. Il ne s’agit pas d’une évolution au long cours mais d’une urgence. La démesure est en train de s’emparer de nos campagnes. Le député Jean-Paul Dufrègne et tant d’autres observent de façon très critique ce phénomène, qu’il convient de stopper au plus vite.

L’amendement II-CF389 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement II-CF448 de M. Dominique Potier.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial. Avec cet amendement, vous proposez la création d’un livret vert. En fait, un tel livret existe déjà, c’est le livret de développement durable et solidaire (LDDS). Or il affiche 118 milliards d’euros d’encours alors que 3 milliards d’euros de prêts Croissance ont été accordés ces dernières années. C’est un problème. Il faudra bien que l’on discute de la doctrine d’emploi de ces livrets réglementés, LDDS comme livret A. J’en appelle aux membres du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, à commencer par sa présidente qui siège avec nous.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF448.

La commission est saisie de l’amendement II-CF386 de M. Dominique Potier.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. Avis défavorable. Depuis que l’État, prenant exemple sur l’Allemagne, a beaucoup incité à leur création, de nombreux projets de méthaniseurs ont vu le jour un peu partout. Lorsque des exploitations se renouvellent, les jeunes agriculteurs ont souvent un projet de méthanisation, parfois à plusieurs, et cela partout sur le territoire. C’est une bonne chose.

L’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) et l’ADEME se chargent déjà des contrôles, en tout cas d’établir des référentiels de bonne pratique en matière de méthanisation. Puisqu’il accorde des moyens financiers pérennes de contrôle, l’amendement n’a pas sa place dans la mission Plan de relance, mais il pourrait être défendu dans le cadre d’une autre mission.

M. Dominique Potier. Avec Claudia Rouaux et quelques autres députés, nous tirons la sonnette d’alarme : les contrôles sont totalement inefficients. Les tarifs sont en train d’être définis. La dérive actuelle de l’industrialisation a des effets collatéraux dramatiques pour l’élevage et la qualité des sols. Il faut revenir à une politique de contrôle, à la définition d’une doctrine. Si le plan de relance devait financer une nouvelle campagne d’équipement en méthaniseurs, celle-ci devrait être orientée vers de bons équipements, écologiques et économiques, qui préservent le tissu social du milieu rural et ne le détruisent pas.

La commission rejette l’amendement II-CF386.

 

La commission examine l’amendement II-CF497 de M. Dominique Potier.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. Je donnerai un avis favorable à cet amendement parce que le plan Forêt est essentiel. La mission Plan de relance prévoit quelque 178 millions d’euros de crédits – 500 000 euros ne changeront pas grand-chose. Il s’agit davantage d’un amendement d’appel.

La forêt française est en train d’évoluer de manière considérable. Si l’on veut conserver ses qualités, notamment d’absorption et de stockage du carbone, il faut planter autrement et tenir compte non seulement de la qualité des sols mais aussi du défi climatique.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas tant la somme, faible par rapport aux 178 millions d’euros d’autorisations d’engagement, que le fond qui m’étonne. Un diagnostic peut-il relever du plan de relance ? Je ne suis pas certain qu’un diagnostic sanitaire ait besoin de ces crédits supplémentaires, alors que 178 millions sont prévus.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial. C’est le seul amendement sur lequel mon avis diffère de celui de M. Woerth. Comme Charles de Courson, je considère que 178 millions d’euros sur deux ans représentent déjà une somme considérable.

Nous partageons tous l’objectif du reboisement mais le déploiement des crédits est déjà un enjeu capital – je le répète, ce sera le cas pour de nombreuses missions. Pour ce qui me concerne, je donnerai donc un avis défavorable, afin de rester cohérent quant au périmètre de nos actions.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. Le montant est certes faible, mais je trouve intéressant de placer des étiquettes sur le plan de relance pour montrer symboliquement l’intérêt que le Parlement porte à certaines questions – cela pourrait également être le cas pour d’autres sujets. Ce ne sont pas des crédits d’étude, mais bien une augmentation des crédits. Les 178 millions d’euros recouvrent à la fois des études et des actions, de reboisement notamment. Nous avons besoin d’études dans ce domaine où les questions sont nombreuses – les scientifiques sont loin d’y avoir entièrement répondu.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Dans le Haut-Jura, je suis effectivement bien placée pour connaître ces expérimentations.

La commission rejette l’amendement II-CF497.

La commission examine l’amendement II-CF424 de M. Dominique Potier.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. Avis défavorable. Cet amendement, qui vise à augmenter de 100 000 euros les crédits consacrés à politique de gestion de l’eau, n’a pas vraiment sa place dans la mission Plan de relance, vous le savez.

M. Dominique Potier. C’est l’occasion d’ouvrir le débat sur les retenues collinaires, qui doivent absolument être précédées d’une étude sur le cycle de l’eau à l’échelle des territoires, si l’on veut éviter les tensions que l’on rencontre sur de nombreux sujets en agriculture. Une culture de l’eau manque terriblement aujourd’hui chez les parties prenantes. Sans elle, nous irons de crise en crise.

La commission rejette l’amendement II-CF424.

La commission examine l’amendement II-CF460 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Le présent amendement, que je défends avec force, est doté symboliquement de 100 000 euros. Il vise à appeler l’attention sur le fait que les projets alimentaires territoriaux doivent absolument comprendre un volet social.

J’ai l’honneur que ma circonscription ait été choisie par ATD Quart Monde pour expérimenter la fabrique de normes et de filières d’approvisionnement partant des publics les plus défavorisés, qui souffrent le plus de la précarité alimentaire.

C’est donc effectivement un amendement d’appel, qui permettra d’ouvrir le dialogue sur les crédits très importants mobilisés par le ministre, ce que je saluerai. J’appellerai toutefois son attention sur la nature des politiques que nous mènerons. Il s’agit non d’alimenter uniquement les classes favorisées des centres-villes mais de permettre à chacun, quelle que soit sa condition, de gagner en santé grâce à l’alimentation. L’expérimentation d’ATD Quart Monde pourrait nous éclairer à cet égard.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. Par construction, j’ai des doutes sur tous ces projets alimentaires territoriaux. Je redoute toujours la technocratie, la complexité, que l’on essaie d’intégrer à ces dispositifs. L’objectif n’est évidemment pas en cause, mais on oublie, dans ce domaine, le rôle éminent des collectivités locales, qui devraient avoir la main sur ces projets. Il est étrange d’introduire une conditionnalité – l’instauration d’une logique alimentaire territoriale – car les objectifs du plan me semblent clairs.

Je suis donc défavorable à l’amendement.

La commission rejette l’amendement II-CF460.

La commission examine l’amendement II-CF520 de M. Jean-Louis Bricout.

Mme Christine Pires Beaune. Sur le modèle des aides personnalisées au logement (APL), qui existent pour aider les locataires à payer leur loyer, il s’agit de créer une APL pour les petits commerçants qui souffrent de la crise. Même si certains propriétaires les ont déjà aidés en octroyant deux ou trois mois de gratuité, la crise s’éternisant, cette aide leur permettrait de régler leur loyer.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. C’est une discussion que vous devrez avoir avec le ministre. Il y a un vrai sujet sur les baux commerciaux. La réponse du Gouvernement, même si je suis moins bien placé que Laurent Saint-Martin pour la donner, c’est le fonds de solidarité, avec les 1 500 euros par mois passés à 10 000 euros dans certains cas ; c’est aussi la demande du ministre aux grandes foncières de limiter l’appel au paiement des loyers pour les biens qui leur appartiennent. Toutefois, pour une grande partie, les biens appartiennent non pas à ces grandes foncières mais à des propriétaires qui ont besoin de cet argent, souvent pour compléter leur retraite.

Je comprends la logique de l’amendement, sans la partager entièrement. Le ministre devra préciser ce qu’il souhaite faire s’agissant de ces loyers, qui deviennent un sujet majeur pour de nombreux commerçants. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Nous avons débattu de ce sujet en première partie du PLF puisque des amendements issus de tous les bancs tendaient à proposer des crédits d’impôt ou des mécanismes fiscaux avantageux pour les propriétaires, à condition qu’ils s’engagent à renoncer à une partie des loyers. Juste après les annonces du Président de la République, au milieu de l’examen du PLF, il y a eu une ouverture du Gouvernement, indiquant qu’il faudrait trouver une solution pour venir en aide aux exploitants.

 

La question a été soulevée dès le mois de mars, pour signaler que les 1 500 euros du fonds de solidarité ne suffiraient pas – tout juste ont-ils atténué la situation au départ, car les entreprises avaient un peu de trésorerie. En octobre, la question devient urgente : la situation se dégrade et il faut parvenir à apporter une réponse, celle-ci ou une autre. Il faut que le débat se tienne, et nous devons proposer une solution aux exploitants sur la question des loyers. Il est grand temps !

M. Charles de Courson. C’est un vrai problème. Une APL pour les petits commerçants ne tient pas puisqu’elle est fonction du revenu. Comment faire si celui-ci est nul ou négatif ? S’il est positif, l’aide n’est pas nécessaire. Ce serait l’inverse de l’APL : plus le commerçant est déficitaire, plus il serait pris en charge. Cela me paraît poser un énorme problème.

Une autre difficulté tient au fait que nombre de propriétaires ont créé des sociétés civiles immobilières (SCI), qui louent à l’exploitant individuel ou sous une forme sociétaire.

Nous sommes devant une situation très complexe. On nous a dit que les grandes foncières feraient un effort. Certaines ont peut-être reporté un ou deux mois de loyer, mais la plupart n’ont pas fait cet effort.

Le problème ne pourra pas être traité par une APL, dont on voit mal comment on fixerait le barème.

Mme Christine Pires Beaune. L’APL n’est pas destinée aux propriétaires mais aux locataires. Aujourd’hui, dans les secteurs prioritaires, certains commerçants peuvent obtenir jusqu’à 10 000 euros ; d’autres sont limités à 1 500 euros. Mais les commerçants qui restent ouverts et ne sont pas propriétaires de leur local voient leur chiffre d’affaires diminuer : un coiffeur perd 30 % à 40 % de sa clientèle.

Les collectivités ont fait un effort sur certaines charges. Quant aux petits propriétaires – je ne parle pas des grandes foncières –, ils ont autorisé des gratuités de deux ou trois mois, mais ne pourront pas faire plus. L’idée est que les commerces ne ferment pas. L’objectif est de les maintenir en vie, pour qu’ils puissent retrouver un rythme de croisière lorsque nous serons sortis de la crise. En attendant, il faut passer ce mauvais pas. L’APL n’est peut-être pas la solution. Ce qui est certain, en tout cas, c’est que des petits commerçants auront besoin d’une aide supérieure à ce qui existe aujourd’hui.

M. Jean-Paul Mattei. Le projet de relance inclut la création de foncières territoriales, qui permettraient de racheter des locaux pour les louer à des prix accessibles. Ce serait une mesure de plus long terme et cela n’existe pas vraiment actuellement, ou très peu. Mieux vaut se concentrer sur les foncières que d’appliquer une mesure assez périphérique, me semble-t-il.

M. Éric Woerth, rapporteur spécial. Cela ne suffira pas mais, vous avez raison, le plan de relance comporte la création d’une foncière qui permettrait la rénovation de locaux commerciaux et leur mise à bail, par le biais de la Banque des territoires. Toutefois, c’est beaucoup de temps et d’interventions. Les commerçants dont nous parlons ont déjà des dettes de loyer, car, souvent, les propriétaires ont, non pas annulé, mais reporté les paiements, surtout si ce sont de petits propriétaires qui en ont besoin pour vivre.

L’aide de 10 000 euros du fonds de solidarité peut fonctionner pour de petits commerces, car elle permet de régler le loyer et quelques charges. Il faut cependant vérifier qui y a droit, ce qui n’est pas toujours clair.

Ce débat est fondamental : c’est un débat d’urgence, non de relance. Il faut le poser.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial. Tous ces sujets seront évidemment rouverts lors de l’examen du quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020 (PLFR4), qui présentera les crédits correspondant aux engagements annoncés, notamment celui de porter l’aide du fonds de solidarité à 10 000 euros.

Aujourd’hui, il reste environ 2 milliards d’euros sur le fonds de solidarité et 9 milliards d’euros sur le dispositif d’activité partielle. Il est malheureusement fort probable que nous ayons besoin de rouvrir des crédits en PLFR 4 sur ce sujet. Ce sera l’occasion d’en rediscuter.

Cela étant, je rejoins ce qui a été dit. Le nerf de la guerre pour les petits commerces, les discothèques, les salles de sport, c’est le loyer, qui reste la charge principale, celle qui, parfois, ne peut pas être reportée car les propriétaires bailleurs ont aussi besoin de cette ressource pour vivre. Cet effet de chaîne, de privé à privé, est très compliqué à résoudre. C’est là où l’aide du fonds de solidarité, passée à 10 000 euros, peut apporter un soutien très concret, du moins je l’espère.

La commission rejette l’amendement II-CF520.

Elle examine l’amendement II-CF662 de Mme Bénédicte Peyrol.

Mme Bénédicte Peyrol. Il a pour objet le budget de l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui fait partie de l’action 05 du programme Cohésion de la mission Plan de relance : 92 millions d’euros sont cotés « 100 % vert » sur tous les axes mais aucun détail ne figure dans le PAP quant aux appels à projet concernés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial. L’information est en effet manquante à ce stade. Les responsables de programme ne nous l’ont pas délivrée lors des auditions. C’est un des sujets que nous devrons explorer dans les prochaines semaines, puisque tout doit être réglé avant que la loi de finances ne soit promulguée. Nous devons donc savoir où ces montants seront fléchés avant le vote définitif du texte. C’est la particularité de cette mission, on le comprend par le caractère d’urgence de sa construction. Nous avons devant nous quelques semaines pour rassembler les informations sur ces sujets.

Pour ce qui est de savoir si les crédits de l’ANR sont verts ou pas, du moins s’ils visent des projets de recherche verts, la question était au cœur du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Nous en avons beaucoup parlé à l’occasion de son examen. Francis Chouat, rapporteur pour avis de ce texte et rapporteur spécial des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur pourra fournir des éclaircissements. Un travail collectif permettra d’apporter une réponse aux questions de Mme Peyrol.

Mme Bénédicte Peyrol. Je retire l’amendement. Il faut lire en parallèle la mission Recherche et enseignement supérieur, dans laquelle plus de 200 millions d’euros sont également classés verts. Cela rejoint en effet le débat de la LPPR. Je souhaiterais vraiment connaître ce qu’il en est s’agissant de la mission « Plan de relance ».

L’amendement II-CF662 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement II-CF533 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. La situation est ubuesque : depuis des mois, vous entendez parler de la société anglaise Luxfer, qui produit des bouteilles d’oxygène médical. Un repreneur français, très solide, dont je dois taire le nom, est prêt à investir plus de 20 millions d’euros  sur le site. Or Luxfer refuse de vendre et préfère laisser mourir le site, parce qu’elle ne veut pas de concurrent sur ce secteur.

Nous aurons le débat en séance, mais nous aurions gagné un temps précieux si nous avions nationalisé puis revendu la société au repreneur.

L’amendement II-CF533 est retiré.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Nous poursuivrons l’examen des amendements de crédits à la mission Plan de relance ce soir.

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Informations relatives à la commission

1. La commission a désigné Mme Valéria Faure-Muntian, co-rapporteure spéciale pour la mission Développement des entreprises et régulations et le compte spécial Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés.

2. La commission a reçu en application de l’article 11 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) un projet de décret portant annulation de 105 000 000 euros de crédits sur la dotation dépenses accidentelles et imprévisibles des crédits non répartis et ouverture, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, de 92 000 000 euros sur le programme 334 Livre et industries culturelles de la mission Médias, livre et industries culturelles et de 13 000 000 euros sur le programme 131 Création de la mission Culture.

Cette ouverture de crédits intervient à la suite de la dégradation rapide de la situation sanitaire au début de l’automne qui nécessite la mise en œuvre de protocoles sanitaires renforcés et qui n’était pas prévisible au moment de l’élaboration de la troisième loi de finances rectificative du 30 juillet 2020. Ces crédits visent ainsi à compenser les pertes d’exploitation liées à la persistance de mesures de distanciation conditionnant l’ouverture effective des salles de spectacle et de cinéma.

Afin de maintenir dès à présent l’ouverture et l’activité des entreprises essentielles à la vie culturelle qui connaissent de graves difficultés financières, il est donc nécessaire de mobiliser la dotation dépenses accidentelles et imprévisibles, sans attendre le prochain projet de loi de finances rectificative.

 


Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mardi 20 octobre à 18 heures 30

 

En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.