Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Suite de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360), examen et vote sur les crédits des missions :
– Justice (M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial)...........2
– Conseil et contrôle de l’État (M. Daniel Labaronne, rapporteur spécial) 13
– Pouvoirs publics (M. Christophe Naegelen, rapporteur spécial) 18
– Direction de l’action du Gouvernement ; budget annexe Publications officielles et information administrative (Mme Marie‑Christine Dalloz, rapporteur spécial) 22
Mercredi
21 octobre 2020
Séance de 21 heures
Compte rendu n° 15
session ordinaire de 2020-2021
Présidence de
Mme Marie-Christine Dalloz,
Secrétaire
puis de
M. Daniel Labaronne,
Vice-président
— 1 —
La commission poursuit l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360)
Elle examine tout d’abord les crédits de la mission Justice (M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial).
M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. En 2021, la mission Justice bénéficiera d’un peu plus de 12 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 10 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation, respectivement, de 32 % et de 7 % par rapport à 2020. Cette année, contrairement à la précédente, le projet de loi de finances initiale respecte la trajectoire budgétaire prévue dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Je rappelle que la loi de finances pour 2020 prévoyait un budget inférieur de 115 millions d’euros à la trajectoire pourtant définie quelques semaines plus tôt.
En 2021, la mission Justice bénéficiera, hors contribution au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, de 8,2 milliards d’euros en crédits de paiement. En somme, il s’agit d’un rattrapage qui n’a rien d’exceptionnel ; il y va du respect d’une loi adoptée par le Parlement. En outre, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit un schéma d’emplois de + 1 500 équivalents temps plein (ETP), soit un chiffre légèrement supérieur à celui prévu dans la loi de programmation. Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé la création, à titre exceptionnel, de 950 ETP à compter de la fin de l’exercice 2020.
Dans tous les programmes de la mission, les moyens budgétaires et humains progressent. Toutefois, l’efficacité d’une politique publique ne dépend pas uniquement de l’importance des crédits et des emplois dont elle dispose ; encore faut-il que l’augmentation des moyens s’accompagne d’une amélioration significative des performances du ministère concerné et de la manière dont celui-ci va déployer ces moyens. À ce titre, il me semble nécessaire d’évoquer trois points d’alerte et d’inquiétude, que je considère comme majeurs.
S’agissant de la justice judiciaire, le « bleu budgétaire » confirme l’allongement des délais de jugement des juridictions. Cela n’est pas une surprise et j’alerte sur ce point depuis plusieurs années. S’il est vrai que la crise de la covid-19 a perturbé l’activité des juridictions en 2020, chacun conviendra que ce problème est structurel au sein de la justice ; la situation était déjà critique avant la crise. Plus que jamais, il est indispensable et urgent que le ministère de la justice se saisisse pleinement des moyens supplémentaires qui lui sont octroyés par le projet de loi de finances pour réduire l’engorgement des juridictions de notre pays.
S’agissant de l’administration pénitentiaire, elle bénéficie de moyens considérables : 4,3 milliards d’euros en crédits de paiement et 6,3 milliards en autorisations d’engagement, soit une augmentation de 75 % par rapport à l’année dernière. Il s’agit notamment de poursuivre le plan de création de places en prison. Toutefois, on peut se demander si l’objectif initial de 15 000 places supplémentaires n’a pas été abandonné, puisqu’on nous parle surtout, désormais, d’ouvrir 7 000 d’ici à 2022.
Là encore, tout n’est pas qu’une question de moyens. Les derniers exercices budgétaires ont montré que le ministère de la justice a du mal à consommer l’intégralité des crédits prévus pour ses investissements immobiliers. C’est donc avant tout le pilotage du plan immobilier pénitentiaire qu’il convient d’améliorer. Je ne suis d’ailleurs pas le seul à émettre des doutes sur ce point : le secrétariat général pour l’investissement, chargé de réaliser des contre-expertises sur les grands projets d’investissement sous l’autorité du Gouvernement, a émis un avis réservé sur la réalisation de ce plan. Tel est le cas de deux projets au sein du « jaune budgétaire » sur l’évaluation des grands projets d’investissements publics, annexé au projet de loi de finances pour 2021 – je vous renvoie à la page 31. Tout cela est inquiétant et témoigne d’un certain recul en matière de lutte contre la surpopulation carcérale. Nous devrons interroger le ministre sur ce point.
Enfin, s’agissant du renforcement de la justice de proximité, le Gouvernement a annoncé une enveloppe de 200 millions d’euros ainsi que 950 emplois supplémentaires pour lutter contre la délinquance du quotidien et rapprocher la justice des justiciables. Cette mesure est bienvenue ; j’ai d’ailleurs plaidé en faveur de cette ligne lors de l’examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice. Toutefois, ces moyens doivent être mis au service d’une réelle justice de proximité, laquelle suppose l’affectation d’au moins un magistrat supplémentaire et d’un juge d’instruction à temps plein dans chaque tribunal judiciaire, afin de lutter contre la tendance à l’éloignement de la justice dans les territoires ruraux. Or rien de tel n’est garanti. Le Gouvernement devra s’y engager, sous peine de remettre en cause la parole de l’État.
J’arrête là cette intervention liminaire ; nous aurons l’occasion d’approfondir certains points lors de l’examen des amendements. Toutefois, les trois points d’alerte majeurs que j’ai développés justifient que nous n’adoptions pas ce budget.
Article 33 et état B : Crédits du budget général
La commission examine l’amendement II-CF794 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Nous proposons d’augmenter de 50 millions d’euros les crédits du programme Justice judiciaire, principalement pour créer des emplois de magistrats. Ce budget de la justice est historique, nous dit-on ; il augmente de 8 %, c’est du jamais vu ! Certes, mais la ventilation des crédits n’est pas convaincante. Concrètement, cinquante postes de magistrats seront créés en 2021 – c’est écrit dans le projet annuel de performance (PAP) –, alors que l’année dernière, nous en avons créé cent, avec un budget de la justice judiciaire qui n’était pourtant pas très glorieux puisqu’il n’augmentait que de 0,32 %. Cela fait partie des énigmes du projet annuel de performance que 120 millions d’euros soient consacrés aux frais d’expertise judiciaire mais pas à l’embauche de magistrats supplémentaires.
Il faut pourtant davantage de magistrats, notamment au parquet national financier (PNF). Lors de sa création en 2013, l’étude d’impact qui s’y rapportait prévoyait un ratio de huit dossiers par magistrat, car la plupart sont particulièrement complexes et techniques. Aujourd’hui, le PNF compte dix-huit magistrats pour 590 affaires en cours, soit trente-deux dossiers par magistrat ! Nous sommes très loin des prévisions initiales. J’ai choisi cet exemple car le PNF est dans l’œil du cyclone médiatico-politique et parce qu’il démontre la nécessité de consentir des efforts supplémentaires pour la justice judiciaire, afin de créer des postes de magistrats là où ils sont nécessaires.
M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Vous abordez là un vrai problème. Toutefois, je nourris des réserves sur la contrepartie que vous proposez avec la réduction des moyens de l’administration pénitentiaire. Je présenterai des amendements allant dans le même sens, mais n’ayant pas pour effet de modifier les moyens de l’administration pénitentiaire. Il s’agit d’un choix politique. Atteindre l’objectif de la création de 7 000 places de prison d’ici à 2022 sera difficile avec les moyens dont nous disposons, et très compliqué si nous les réduisons. J’émets un avis réservé sur l’amendement.
M. Ugo Bernalicis. Vos propos, cher collègue Hetzel, illustrent la raison pour laquelle je maugrée chaque année contre l’article 40, la Constitution de la Ve République et tout ce qui va avec ! Peut-être faudra-t-il un jour rendre notre examen du budget de l’État un peu moins hypocrite.
La commission rejette l’amendement II-CF794.
Elle est saisie de l’amendement II-CF788 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. La loi visant à agir contre les violences au sein de la famille, dont notre collègue Aurélien Pradié fut rapporteur, renforce les ordonnances de protection. Désormais, les femmes victimes de violences au sein de leur famille sont efficacement protégées dans un délai de six jours. Pour relever ce défi, outre l’arsenal juridique et législatif, il faut renforcer les moyens des juges aux affaires familiales et des parquets. La règle m’obligeant à les ponctionner quelque part, je prends, à contrecœur, dans le budget du programme Conduite et pilotage de la politique de la justice pour abonder les moyens du programme Justice judiciaire. L’engagement de donner des moyens à cette politique avait certes été pris par la précédente garde des sceaux, mais j’espère que le fonctionnement de l’État présente une certaine continuité et que vous aurez à cœur de voter en ce sens, chers collègues.
M. Ugo Bernalicis. Cet amendement a le mérite de poser la question de la ventilation des cinquante créations de postes prévues. L’an dernier, le projet annuel de performance en affectait soixante-dix à la lutte contre la délinquance économique et financière, et une trentaine à la justice des enfants. Cette année, nul ne sait à quoi serviront les cinquante nouveaux postes prévus. Pourtant, la crise du covid-19 nous a fait prendre conscience que l’accroissement des délais de traitement affecte surtout les affaires civiles, notamment les affaires familiales. La délivrance des ordonnances de protection n’en pâtit pas encore, mais elle en fait partie.
Quant au garde des sceaux, lorsque, cet après-midi, nous lui avons réclamé des rapports attendus par l’Assemblée et demandé quand certains décrets seront pris, il a ricané, ce qui ne donne pas une impression de continuité. Ne perdons pas espoir !
La commission rejette l’amendement II-CF788.
Elle examine l’amendement II-CF795 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Cet amendement vise à créer des postes de greffiers de catégorie A et B. D’après le PAP, nous devrions atteindre l’effectif cible mais je nourris quelques doutes. À voir la façon dont sont exécutés les budgets, on peut être dubitatif sur les prévisions des PAP, qui sont d’ailleurs elles-mêmes inférieures aux besoins des juridictions auxquelles, d’ailleurs, certaines attributions ont été transférées. Dans le cadre de la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance, elles ont notamment intégré des pôles sociaux. Or les transferts des autres ministères permettant de les financer sont très en dessous des besoins constatés dans le pays. Nous proposons de consacrer 10 millions d’euros en AE et en CP à l’augmentation du nombre de greffiers dans nos juridictions.
M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Vous avez raison, le renforcement des personnels de greffe doit être une priorité de l’année 2021. Il faudra bien que le Gouvernement tienne les engagements pris dans le cadre du projet de loi de finances. Toutefois, pour vous conformer à l’article 40 de la Constitution, vous soustrayez des moyens à l’administration pénitentiaire, ce qui pose à mes yeux un problème de fond. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
Par ailleurs, je me permets de formuler une observation technique : dès lors que vous proposez de recruter des personnels supplémentaires, il serait pertinent d’augmenter les crédits destinés à financer les dépenses du titre 2 (T2).
M. Ugo Bernalicis. Nous n’avons pas fléché les crédits par catégorie de dépenses, mais sur un programme. Ils devraient, en effet, l’être sur des dépenses T2.
La commission rejette l’amendement II-CF795.
Elle est saisie de l’amendement II-CF807 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Je précise d’emblée que cet amendement porte sur des dépenses T2. Il s’agit toujours de réaffecter des crédits alloués à l’administration pénitentiaire, mais pas de façon complètement innocente. Parfois, on prend l’argent un peu au hasard, en espérant que nul n’ira y regarder de trop près. En l’espèce, nous nous inscrivons dans une logique politique que j’assume pleinement. J’estime qu’il y a suffisamment de places de prison dans ce pays. Il faut surtout rénover les prisons existantes, chacun en conviendra sans difficulté.
L’amendement vise à créer des postes de magistrats supplémentaires. Nous appelons l’attention sur le fait que les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), qui sont à la pointe de la lutte contre la criminalité organisée, sont considérablement sous-dotées. Seule une infime partie des magistrats de ce pays y sont affectés. Or on voit combien les enquêtes en matière de trafic de stupéfiants, d’armes et d’êtres humains nécessitent d’être suivies par des magistrats spécialisés, au même titre que ceux du PNF, de même que les services de police enquêteurs.
M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Pour augmenter le budget des JIRS, vous proposez un nouveau programme doté de 40 millions d’euros, et réduisez en conséquence les crédits de l’administration pénitentiaire. Sur le fond, je considère, moi aussi, que les moyens affectés aux JIRS manquent de clarté. C’est un débat qu’il faut avoir avec le Gouvernement, dans l’hémicycle.
Du point de vue budgétaire, je suis défavorable à la création d’un programme dédié aux JIRS. L’expérience prouve que cette démarche alourdit la gestion des crédits sans modifier grand-chose dans les faits. Avis défavorable, mais je vous invite à défendre l’amendement dans l’hémicycle, afin d’en débattre avec le Gouvernement.
La commission rejette l’amendement II-CF807.
Elle examine l’amendement II-CF805 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Comme le précédent, il vise à créer un nouveau programme. Nous ne sommes pas des fous furieux de la création tous azimuts de programmes budgétaires ; il s’agit pour nous de régler la focale sur un objectif politique et budgétaire. Ainsi va l’hypocrisie du formalisme de nos discussions budgétaires !
Nous proposons la création de pôles judiciaires spécialisés dans la lutte contre les discriminations. Je ne suis pas non plus un fou furieux de la spécialisation des juridictions, au contraire mais il s’agit d’appeler l’attention sur le fait que la lutte contre les discriminations, qu’elle soit menée en ligne ou dans le monde réel, ne fait pas l’objet d’un suivi particulier, ni de poursuites particulières dans le cadre de notre politique pénale. La création de juridictions spécialisées permettrait de progresser sur ce point.
L’actualité récente a montré combien il est nécessaire d’être vigilant sur les réseaux sociaux. Outre la vigilance, il faut faire en sorte que la justice judiciaire fasse preuve d’une réactivité suffisante pour engager les poursuites et mobiliser les moyens de coercition et de droit permettant de faire cesser les infractions, de poursuivre leurs auteurs et de les traduire en justice. Tel est l’esprit de cet amendement, que nous avions défendu l’année dernière dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.
M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Il s’agit d’un débat de fond, dont j’assume comme vous la dimension politique, cher collègue. Il ne me semble pas nécessaire de créer un pôle judiciaire spécialisé dans la lutte contre les discriminations. Les juridictions veillent scrupuleusement au respect des règles constitutionnelles et législatives relatives au principe d’égalité et de non-discrimination.
Si une expérimentation devait être conduite en ce sens – et je comprends qu’on le souhaite –, elle devrait sans doute mobiliser les crédits du programme 166 Justice judiciaire. L’amendement est gagé sur les sommes dues au titre des partenariats public-privé (PPP). On peut le déplorer, mais ces dépenses ont été engagées et sortir de ces partenariats coûterait très cher. L’amendement se heurte donc à un problème technique, car le ministère de la justice doit honorer les partenariats public-privé dans lesquels il s’est engagé. J’émets un avis défavorable tout en vous invitant à en débattre avec le garde des sceaux.
M. Ugo Bernalicis. Bel exemple des facéties auxquelles nous contraint la nécessité d’imbriquer, au sein d’un même amendement, des politiques distinctes ! Il est clair que dénoncer les PPP, en l’état actuel de la législation, n’est pas très opportun – la question se pose toutefois au sujet des concessions d’autoroutes. Avant d’émettre un jugement péremptoire a priori et d’écarter cette possibilité, analysons la situation. Cela nous inciterait peut-être à nous interroger, en tant que législateur, à leur sujet : nous n’en décidons pas et pourtant les PPP engagent la collectivité, donc l’intérêt général, alors même qu’ils ne profitent pas à l’État.
La commission rejette l’amendement II-CF805.
Elle est saisie de l’amendement II-CF787 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. La lutte contre la surpopulation carcérale suppose un accroissement du nombre de places disponibles en prison. D’après les promesses du Gouvernement, 15 000 places de prison devraient être créées avant 2022. Un complément financier est nécessaire. C’est pourquoi je propose d’abonder le budget de l’action Administration pénitentiaire à partir de celui de l’action Conduite et pilotage de la politique de justice, laquelle est à la main du secrétariat général du ministère de la justice, qui peut supporter cette ponction.
La commission rejette l’amendement II-CF787.
Elle examine l’amendement II-CF802 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Il porte sur le placement à l’extérieur, qui est une mesure d’aménagement de peine destinée aux détenus ayant passé au moins quatre ou cinq ans en prison, six mois ou un an avant son terme. Elle prévoit une prise en charge par une structure dédiée qui va les accompagner pour retrouver une vie à peu près normale. Quand on a passé dix ans en prison, retourner à la vie réelle et normale du jour au lendemain est un peu compliqué. On essaie de combattre ce phénomène des « sorties sèches ».
Le budget consacré au placement à l’extérieur est inchangé, à 8 millions d’euros. Or on sait que ce dispositif fonctionne en matière de prévention de la récidive, notamment pour les profils les plus lourds que sont les multiréitérants. Je l’ai constaté à la ferme de Moyembrie, que je vous invite à visiter, chers collègues. Elle accueille des gens ayant passé quinze ou vingt ans en prison, mais aussi des multirécidivistes qui y ont passé deux ou trois ans, et pour lesquels, après deux ou trois incarcérations sans effet, on tente autre chose. Sans atteindre 100 % de réussite, ce qui est impossible, cela fonctionne.
Ce budget était de 9 millions d’euros en 2016. Il est tombé à 7 millions avant de revenir à 8 millions l’année dernière pour y rester cette année. Financer les mesures alternatives à l’incarcération devrait pourtant être une priorité. Nous avons promis aux associations des financements pluriannuels pour les sécuriser au regard des conventions qui les engagent pour deux ou trois ans, voire davantage. Je suis pour un budget à la hauteur, et propose de le quadrupler.
M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. D’après le PAP, 1 144 personnes bénéficient d’une mesure de placement à l’extérieur. Renseignements pris auprès de la Chancellerie, je doute que leur nombre puisse être multiplié par trois ou quatre en un an, comme serait censée le permettre la multiplication par quatre des crédits que vous proposez. J’admets toutefois qu’il faut peut-être augmenter un peu ce budget, ce que demandent aussi les associations, qui souhaiteraient 1 ou 2 millions de plus. Je vous propose de débattre directement avec le garde des sceaux de cette question du quantum. Pour ma part, j’estime qu’augmenter ce budget de 24 millions d’euros pour la seule année 2021 est irréaliste et pas faisable du point de vue opérationnel. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis. J’admets qu’une augmentation de 24 millions serait impossible à exécuter, ne serait-ce que parce que le placement à l’extérieur repose quasi exclusivement sur un modèle associatif.
J’observe toutefois qu’on injecte d’un coup 15 ou 16 millions dans le budget de la détention à domicile sous surveillance électronique. C’est bien que quand il existe une volonté politique de développer une mesure, on sait à la fois mettre plusieurs millions d’euros de budget et enclencher la mécanique nécessaire : le bracelet électronique, ce n’est pas simplement la pose d’un bracelet autour d’une cheville, cela nécessite des agents pour la pose du bracelet et pour la surveillance.
S’agissant du placement à l’extérieur, nous pourrions nous inspirer de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui gère seule des structures dédiées aux mineurs. Rien de tel n’existe pour les majeurs. On pourrait imaginer que l’administration pénitentiaire, demain, gère pleinement et entièrement des structures dédiées à cette mission, aux côtés des associations. S’il y avait une volonté politique, dépenser 24 millions d’euros n’aurait rien d’impossible. Toutefois, je conçois que cette éventualité, à l’heure actuelle, est peu probable.
Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Cher collègue, je vous conseille vivement de garder ces arguments pour la discussion dans l’hémicycle. Le rapporteur spécial ne peut se prononcer sur la volonté du Gouvernement.
M. Ugo Bernalicis. J’essaie de convaincre mes collègues. Après tout, ce sont les députés de la majorité qui votent, pas le ministre !
La commission rejette l’amendement II-CF802.
Elle examine l’amendement II-CF797 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Cet amendement vise à prélever 3,5 millions d’euros du programme Administration pénitentiaire, pour abonder un nouveau programme destiné à l’achat de masques pour les détenus.
Dans une ordonnance du 9 octobre 2020, le Conseil d’État a annulé la décision du tribunal administratif de Toulouse enjoignant à la maison d’arrêt de fournir des masques aux détenus et d’organiser leur dépistage. Pourtant, de nombreux détenus, même asymptomatiques, sont positifs au covid, le dépistage organisé au même moment l’ayant démontré. Il ne suffit donc pas de dire que le virus vient de l’extérieur et qu’il n’est pas nécessaire que les détenus portent des masques. Nous n’en savons rien ! Il faut se donner tous les outils pour freiner la propagation du virus, dans le pays comme en prison. Pour cela, il faut des masques et nous les budgétisons.
M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. L’administration pénitentiaire me l’a confirmé, il n’y a pas de problème de masques. En outre, vous prélevez ces 3,5 millions d’euros sur le budget de l’administration pénitentiaire, susceptible de les financer. C’est tautologique ! Je vous invite à évoquer cette question avec le garde des sceaux en séance.
M. Ugo Bernalicis. Je vais suivre votre conseil, encore faut-il qu’il veuille me répondre. Ce n’était pas très concluant cet après-midi… Il était un peu ronchon. Cela peut se comprendre, j’ai déposé plainte contre lui. Mais il me semblait qu’à l’Assemblée nationale, on répondait aux députés.
La commission rejette l’amendement II-CF797.
Elle est saisie de l’amendement II-CF798 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Il s’agit d’augmenter les moyens de la PJJ, en réorientant les crédits affectés à l’ouverture de nouveaux centres éducatifs fermés, à laquelle nous sommes opposés. Alors que le code de justice pénale des mineurs va être réformé, la création de quarante ETP en 2021 nous paraît extrêmement faible. Nous plaidons pour la création d’emplois supplémentaires au sein de la PJJ.
M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Dans le cadre du renforcement de la justice de proximité, le Gouvernement a annoncé la création de quatre-vingt-six postes d’éducateurs pour la protection judiciaire de la jeunesse à compter de 2020. Je n’ai pas d’information sur l’exécution du budget 2020 – nous avons noté que le ministère a pris du retard dans certains recrutements – et vous propose donc d’interroger le garde des sceaux lors des débats en séance. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement II-CF798.
Elle est saisie de l’amendement II-CF804 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Dans le même esprit que l’amendement précédent, nous proposons de transférer les crédits affectés à la construction de nouveaux centres éducatifs fermés (CEF) au financement de mesures en milieu ouvert, afin que les magistrats aient le choix lors du prononcé des peines.
Actuellement, l’essentiel de la hausse est accaparé par la construction de ces structures. Or il existe de nombreux dispositifs pour mineurs en milieu ouvert, sous-financés, et pourtant beaucoup moins chers par jeune pris en charge, qui donnent de bien meilleurs résultats en termes de prévention de la récidive.
Ce devrait être notre objectif : faire en sorte que celui qui a commis une infraction soit puni et ne recommence pas.
M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Certes, le taux d’occupation des centres éducatifs fermés est inférieur à 70 %, mais les besoins en milieu fermé existent, les auditions que nous avons menées avec la PJJ l’ont souligné. Je comprends qu’il s’agit là d’un amendement d’appel. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement II-CF804.
Elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF584 de M. Patrick Hetzel et II-CF800 de M. Ugo Bernalicis.
M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Malgré une augmentation affichée du budget consacré à l’accès au droit par rapport à 2020, celui-ci souffre d’un sous-financement chronique. Il faut que les auxiliaires de justice puissent pleinement jouer leur rôle. Je propose donc, par l’amendement II-CF584, d’augmenter de 53 millions d’euros les crédits alloués à l’aide juridictionnelle par le transfert de crédits du programme Conduite et pilotage de la politique de la justice. Les avocats le réclament et c’est un sujet de préoccupation pour nos concitoyens les plus éloignés de la justice. Avec la crise sanitaire, le phénomène risque de s’amplifier, et il est urgent de le traiter.
M. Ugo Bernalicis. L’amendement II-CF800 tend à augmenter le budget de l’aide juridictionnelle afin de revaloriser l’unité de valeur utilisée pour calculer le montant de la rétribution versé à l’avocat intervenant au titre de l’aide juridictionnelle – il faut que ce soit un minimum rémunérateur, chacun pourra en convenir – et afin de rééquilibrer les barèmes d’intervention des avocats au titre de l’aide juridictionnelle.
Nous en avions débattu durant l’examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, alors que nous avions élargi les cas de représentation obligatoire, obligeant nos concitoyens à prendre un avocat ou un conseil pour de nombreux contentieux. La contrepartie doit être l’évolution du barème. Actuellement, quand vous gagnez le SMIC, vous êtes légèrement au-dessus du barème de la prise en charge à 100 % et vous basculez sur une prise en charge à 75 %. La réévaluation des barèmes implique une augmentation du budget de l’aide juridictionnelle, car les justiciables seront plus nombreux à être éligibles. Le Gouvernement a pourtant fait le choix de ne pas augmenter le barème, mais seulement les unités de valeur, et bien en dessous de la proposition faite par Dominique Perben.
Le budget augmente peut-être de 8 %, mais quand on creuse, quand on analyse, on se rend compte qu’on reste bien en deçà des enjeux et de la situation à laquelle la justice est confrontée – surtout qu’elle n’émarge pas au plan de relance, contrairement à d’autres.
M. Christophe Jerretie. Si, pour la rénovation des bâtiments !
M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Sur le fond, je ne peux que partager votre objectif de renforcer l’aide juridictionnelle, ayant moi-même déposé un amendement. Néanmoins, j’émets un avis défavorable sur le vôtre, monsieur Bernalicis, car vous ponctionnez les moyens de l’administration pénitentiaire auxquels, c’est ma conviction profonde, il ne faut pas toucher.
Mme Bénédicte Peyrol. L’aide juridictionnelle est bien évidemment un sujet majeur, dont nous parlons depuis presque trois ans. La question des avocats a été évoquée par notre collègue Bernalicis. M. Perben a rendu son rapport. Notre collègue Naïma Moutchou y a fortement contribué et la commission des lois réfléchit plus largement au métier d’avocat.
Il me semble que, dans le PAP, 25 millions d’euros concernent la réforme pénale, incluant la réforme de l’aide juridictionnelle. Peut-être avez-vous des détails concernant la ventilation de ces 25 millions, monsieur le rapporteur spécial ?
Nous ne voterons pas ces amendements, mais nous souhaitons avancer et serons à vos côtés face au garde des sceaux. Il faut qu’il s’engage, lui aussi, à avancer.
M. Ugo Bernalicis. Le PAP ne comprend aucun financement pour la réforme de l’aide juridictionnelle, mais simplement un abondement de 50 millions d’euros au titre de cette aide, alors que le rapport Perben en proposait 100. D’où nos amendements pour s’aligner sur la proposition Perben, elle-même peu ambitieuse.
D’autres sujets sont sur la table : droit de timbre, prélèvement auprès des assureurs, etc. Les collègues Gosselin et Moutchou ont effectivement rendu un rapport, mais il n’y a pas de réforme à l’horizon, en tout cas à ma connaissance.
Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Ce sera l’occasion de poser la question au ministre en séance.
La commission rejette successivement les amendements II-CF584 et II-CF800.
M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. J’émets un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Justice, en raison des trois problèmes majeurs soulevés dans ma présentation. Certes, nous avons un nouveau garde des sceaux mais, depuis le début de la législature, on constate des écarts entre les annonces et l’exécution. Même si j’ai conscience que 2020 est une année particulière en raison de la crise, je tiens à réaffirmer qu’il est essentiel que les budgets votés par le Parlement soient exécutés.
Mme Cendra Motin. Vous avez raison, la loi de finances pour 2020 prévoyait un budget inférieur de 120 millions d’euros à la programmation 2018-2022, mais le budget 2021 est en hausse de 607 millions d’euros, dont 300 millions au titre de la loi de programmation. La hausse du budget de la justice est donc conséquente et bien supérieure à ce qui était prévu par la loi de programmation.
M. Bernalicis et M. Hetzel ont beaucoup parlé des personnels. Nous avons le souci d’une justice proche du justiciable : alors que la loi de programmation prévoyait le recrutement de 1 260 ETP, ce sont 2 450 recrutements de magistrats, greffiers, personnels pénitentiaires qui vont être effectués, dont 1 000 dès cette année.
Nous avons augmenté les rémunérations, afin de rendre les métiers pénitentiaires plus attractifs. Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Hetzel, le plan pénitentiaire suit son cours, même si les élus et la population ne le voient pas toujours de cet œil – Laurent Saint-Martin pourrait en témoigner.
En outre, ce budget permettra un meilleur accès à la justice, notamment grâce au numérique. Je salue l’expérimentation de demande d’aide juridictionnelle en ligne, qui débutera à partir de la fin d’année et permettra de toucher ceux qui sont le plus loin de la justice.
Le groupe La République en Marche votera, bien entendu, les crédits de la justice. Monsieur le rapporteur spécial, je ne comprends pas votre avis défavorable alors que le budget est en hausse de 8 %, ce qui est exceptionnel dans les circonstances actuelles. Tous les Français ont envie de plus de justice et cela va y contribuer.
M. Mohamed Laqhila. Monsieur le rapporteur spécial, je vous remercie pour votre excellent rapport, non dénué de critiques. J’espère qu’elles sont toutes objectives.
Le groupe Mouvement démocrate (Modem) et Démocrates apparentés votera sans réserve les crédits de la mission Justice. Nous nous réjouissons de la hausse de près de 8 % des crédits. Cette hausse significative est justifiée et démontre l’intérêt du Gouvernement pour les fonctions régaliennes. Notre justice manquait cruellement de moyens et doit rattraper des années de retard.
Nous partageons les objectifs du Gouvernement : rendre une justice de qualité ; favoriser la réinsertion ; améliorer les conditions des personnes sous main de justice, ainsi que les conditions de travail des personnels pénitentiaires.
Tous les indicateurs présentés dans le rapport vont dans le bon sens, même si l’année 2020 est une année exceptionnelle. La justice a subi les conséquences de la crise sanitaire, avec des délais de traitement des dossiers parfois plus longs.
Mme Lise Magnier. Notre groupe Agir ensemble salue les efforts financiers importants au service d’une ambition forte pour la justice. L’ambition budgétaire de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice est respectée. Rien que pour cette raison, nous voterons les crédits de la mission.
Le budget 2021 doit permettre le renforcement des moyens humains de la justice, mais également la poursuite des grands programmes immobiliers du ministère. Je remercie le rapporteur spécial pour son bilan du plan pénitentiaire, annoncé il y a deux ans, et ses alertes. Je partage malheureusement ses interrogations sur les moyens affectés à la concrétisation de ce plan.
Notre ambition est la même que celle du Gouvernement : réaffirmer la place de la justice dans le quotidien des Français. Conformément à la volonté exprimée par le Premier ministre, la justice de proximité sera renforcée afin de lutter contre les incivilités et les délits du quotidien. Notre groupe participera à cette dynamique lors de sa niche parlementaire, le 26 novembre prochain.
Le rapprochement de la justice et des citoyens sera aussi favorisé par la poursuite du développement de la politique d’accès au droit. Cette dernière bénéficiera de la revalorisation de l’aide juridictionnelle pour les plus démunis.
Nous relevons l’attention particulière portée à l’aide aux victimes, grâce à une hausse de 11 % des crédits afin, notamment, de mettre en œuvre les préconisations du Grenelle contre les violences conjugales. En outre, 5 millions d’euros sont destinés au financement des bracelets anti-rapprochement et des bracelets électroniques.
C’est pourquoi nous voterons les crédits de la mission Justice.
M. Christophe Naegelen. Je tiens tout d’abord à féliciter le rapporteur spécial pour ses explications. Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin d’un budget ambitieux pour la justice. Avec le plan d’action pour la justice et le plan pénitentiaire, l’objectif à court terme du Gouvernement était d’augmenter le nombre de places de prison. Dans le contexte actuel, il est plus que jamais nécessaire d’investir.
Notre groupe salue l’augmentation du budget de l’aide juridictionnelle et de l’aide aux victimes. Je pense principalement aux femmes victimes de violences conjugales.
Il aurait été intéressant de disposer d’un premier bilan du dernier plan de lutte contre les violences conjugales. Où en est-on des places d’accueil ? Mille étaient prévues pour les victimes. J’ai interrogé le ministère, mais je n’ai pas de réponse. Peut-être le rapporteur spécial pourra-t-il m’éclairer ?
Le groupe UDI et Indépendants votera les crédits de la mission Justice.
M. Ugo Bernalicis. Ce n’est pas un scoop, je ne voterai pas ces crédits. Tout d’abord, je désapprouve leur ventilation : l’essentiel est encore et toujours fléché vers la construction de places de prison. J’y suis opposé. Il faut moins incarcérer et mieux s’occuper des personnes en détention. Il faut viser l’encellulement individuel. Le meilleur moyen d’atteindre cet objectif serait une réforme de la détention provisoire, et non la construction de nouvelles places de prison.
Même si le programme 166 Justice judiciaire augmente de manière significative, plus de la moitié de l’augmentation est liée aux frais d’expertise judiciaire, et non à l’embauche de nouveaux magistrats ou greffiers. Comment expliquer cette hausse de plus 120 millions d’euros, soit plus de 25 %, des frais d’expertise judiciaire ?
J’ai récemment présidé une commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Certes, les experts judiciaires sont mal payés. Mais jamais les magistrats ne nous ont indiqué manquer de moyens pour financer les expertises judiciaires. Nous auraient-ils menti ? Ce serait fâcheux – même si ce ne serait pas la première fois qu’on nous ment – mais je ne le pense pas. La hausse semble donc incompréhensible.
Je voudrais dire aux collègues de la majorité qui reprennent les éléments de langage du Gouvernement qu’à l’Assemblée nationale, nous avons le droit de réaliser nos propres analyses ! Ainsi, page 60 du bleu budgétaire, le tableau d’évolution des emplois du programme 166 ne fait état que de cinquante créations de postes de magistrats. Arrêtez donc de vous fier aux chiffres du Gouvernement ! Certes, il y a beaucoup de primo-recrutements, mais également des départs en retraite. Il faut donc calculer le solde !
Pour toutes ces raisons, en plus de celles évoquées par le rapporteur spécial, le groupe La France insoumise ne votera pas les crédits de la mission.
La commission adopte les crédits de la mission Justice, sans modification.
Après l’article 55
La commission est saisie de l’amendement II-CF789 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Lors de la précédente loi de finances, il avait été prévu de prolonger d’une année l’expérimentation relative à la tentative de médiation familiale préalable obligatoire – Laetitia Avia a d’ailleurs déposé un amendement visant à une nouvelle prolongation.
Un an après le début de l’expérimentation, il est nécessaire de disposer d’un bilan afin, le cas échéant, d’en améliorer le pilotage. L’amendement vise donc à la présentation d’un rapport du Gouvernement au Parlement. Par principe, je ne suis pas favorable aux rapports mais, en l’espèce, le sujet le mérite.
La commission rejette l’amendement II-CF789.
Elle est saisie de l’amendement II-CF790 de M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Il s’agit de mettre en œuvre une partie des préconisations du rapport de la mission d’information sur l’aide juridictionnelle de Naïma Moutchou et Philippe Gosselin, afin de faciliter l’attribution de cette dernière aux femmes victimes de violences conjugales.
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation du projet de loi de finances pour 2021, l’amendement propose la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement évaluant les moyens de faciliter l’attribution de l’aide juridictionnelle aux femmes victimes de violences conjugales.
La commission rejette l’amendement II-CF790.
Elle en vient à l’examen des crédits de la mission Conseil et contrôle de l’État (M. Daniel Labaronne, rapporteur spécial).
M. Daniel Labaronne, rapporteur spécial. En baisse de 4,6 % en autorisations d’engagement mais en progression de 2 % en crédits de paiements, les montants inscrits dans le projet de loi de finances pour 2021 au titre de la mission Conseil et contrôle de l’État donnent les moyens de leurs missions à des institutions essentielles à notre démocratie.
Les enjeux n’en sont pas moins très différents d’un programme à un autre.
Le programme 165 relatif au Conseil d’État et aux autres juridictions administratives connaît une baisse de 7,4 % de ses AE qui s’explique essentiellement par des renouvellements et prises à bail dont le montant global est inférieur en 2021 à celui fixé en loi de finances initiale pour 2020. Cependant, les CP progressent de 7,8 % hors titre 2, notamment sous l’effet de l’évolution tendancielle des dépenses et des mesures destinées à la création de la cour administrative d’appel de Toulouse et au renforcement de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Cette dernière est précisément l’une des deux juridictions administratives sur lesquelles j’appelle votre attention.
En 2019, sa trajectoire de réduction des délais était conforme à la cible des délais légaux, mais son activité s’est trouvée réduite par la crise sanitaire, les audiences ayant été entièrement suspendues du 16 mars au 22 mai, et la reprise affectée par le respect des mesures sanitaires. Le 1er septembre dernier, le stock s’était ainsi alourdi de 7 000 affaires supplémentaires, alors qu’il était déjà de 28 881 affaires à la veille du confinement. Dans le même temps, la crise sanitaire a empêché certains recrutements de rapporteurs. Ceux qui ne pourront être réalisés avant la fin de l’année seront demandés en report à la direction du budget en 2021. Leur impact budgétaire en crédits et en ETP est d’ores et déjà inclus dans le socle de masse salariale et dans le plafond d’emplois du programme, mais il conviendra de rester particulièrement attentif aux moyens de la CNDA.
Autre juridiction sur laquelle j’appelle votre attention, la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) – dont le nom signifie trop peu au justiciable qu’elle est un véritable tribunal – risque de devoir traiter une masse inattendue de requêtes.
Par une décision rendue le 9 septembre dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions qui subordonnaient la recevabilité d’un recours devant la CCSP au paiement préalable du forfait de post-stationnement. Le Conseil considère qu’en l’absence de dispositions visant à tenir compte de circonstances ou de situations particulières, cette obligation portait une atteinte excessive au droit d’exercer un recours juridictionnel effectif.
Pour éviter un engorgement de la CCSP, et en cohérence avec une recommandation que je formulais déjà dans mon rapport spécial du printemps 2019, je propose de réécrire les dispositions concernées du code général des collectivités territoriales en introduisant un certain nombre d’exceptions au principe du paiement préalable et en plafonnant le montant de celui-ci, conformément aux remarques du Conseil constitutionnel : c’est l’objet de l’amendement que je vous proposerai dans quelques minutes.
Les crédits du programme 126 relatif au Conseil économique, social et environnemental (CESE) connaissent une parfaite stabilité : je salue cette maîtrise de l’enveloppe budgétaire à la veille d’une réforme importante permise par la suppression attendue de cinquante-huit sièges de conseillers et des personnalités associées. L’économie réalisée sera nécessaire la première année de la réforme, notamment pour mettre en place la pétition dématérialisée, une plateforme citoyenne propre au CESE, ainsi que les moyens nécessaires aux consultations préalables et la concertation avec les instances consultatives territoriales. Peut-être faudra-t-il tout de même réexaminer ultérieurement les moyens du CESE à l’aune des nouvelles missions que lui aura confiées la réforme actuellement examinée par le Parlement.
Les crédits du programme 164 relatif aux moyens de la Cour des comptes et des autres juridictions financières connaissent également une grande stabilité.
Je m’arrêterai plutôt sur le programme 340, dédié au Haut Conseil des finances publiques (HCFP). L’activité du Haut Conseil a atteint, au cours de cette année exceptionnelle, un niveau élevé : membres de la commission des finances, nous sommes bien placés pour saluer la qualité des avis rendus, dans des délais extrêmement réduits et dans le contexte troublé que nous connaissons, sur pas moins de trois projets de loi de finances rectificative. S’il convenait sans doute d’accroître les moyens du Haut Conseil, leur triplement m’aurait paru plus justifié si le champ du mandat de cette institution avait été préalablement étendu. Je continue, en outre, de douter de la pertinence d’un programme distinct du programme 164, d’autant que le Haut Conseil est hébergé dans les propres murs de la Cour des comptes.
Ces remarques faites, je vous appelle, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission Conseil et contrôle de l’État. J’appelle cependant l’attention des commissaires sur les effectifs nécessaires à la CNDA pour qu’elle puisse assurer ses missions, sur l’imbroglio juridique au centre duquel la CCSP va se trouver à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, ainsi que sur l’augmentation concomitante du budget et des effectifs du HCFP.
Mme Anne-Laure Cattelot. Les crédits qui lui sont alloués consolident le budget de cette mission, ce que le groupe La République en Marche salue.
Nous sommes effectivement interpellés par la situation de la CCSP, qui va connaître des retombées particulièrement fortes des recours déposés devant elle par nos concitoyens, et nous souhaitons que le Gouvernement trouve assez rapidement une solution au vide juridique devant lequel elle se trouve.
S’agissant du budget et des effectifs du HCFP, si ses avis nous ont toujours éclairés dans le cadre des différents textes budgétaires, nous regrettons fortement que le cadrage des objectifs et de la stratégie n’ait pas été établi préalablement.
Nous espérons que, dans le cadre de la mission, la nouvelle place du CESE dans nos institutions a bien été anticipée dans la mesure où sa réforme aboutira au cours de l’année 2021.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur spécial, quels sont les enjeux de la candidature de la France au comité des commissaires aux comptes de l’Organisation des Nations Unies ?
M. Christophe Jerretie. Le groupe Mouvement démocrate (Modem) et Démocrates apparentés partage les réserves dont le rapporteur spécial vient de nous faire part : l’augmentation des crédits alloués au HCFP aurait effectivement dû s’accompagner d’une nouvelle définition de ses missions et de son avenir.
Les institutions concernées par la mission remplissent des fonctions assez essentielles dans la gouvernance de notre pays. Conseil d’État et tribunaux administratifs, par exemple, ont besoin d’un budget suffisant pour fonctionner et remplir leur mission de conseil, de contrôle des lois et de réflexion. D’ailleurs, à la commission des finances, nous utilisons les travaux de toutes ces juridictions pour alimenter nos débats.
Nous voterons donc les crédits de la mission, suivant la recommandation du rapporteur spécial dont nous connaissons les qualités d’analyse fine.
Mme Patricia Lemoine. Le groupe Agir ensemble votera également les crédits de la mission Conseil et contrôle de l’État.
Nous partageons les inquiétudes et les interrogations exprimées par le rapporteur spécial s’agissant tant de l’augmentation de 213 % des crédits du HCFP que de l’imbroglio juridique qui affecte la CCSP et auquel le Gouvernement doit trouver une solution.
Nous voulons souligner les points positifs, et d’abord le renforcement des moyens aussi bien financiers qu’humains des juridictions administratives et financières, avec la création de dix-huit emplois. Les juridictions financières vont gagner 10 ETP, ce qui permettra notamment de préparer la candidature de la Cour des comptes au mandat de certificateur des comptes de l’ONU pour la période 2022-2028, et de renforcer les moyens d’expertise du HCFP.
Nous saluons également le maintien des moyens du CESE en effectifs et en crédits : il permettra, dans le cadre défini par le projet de loi en discussion, d’amorcer sa transformation en véritable chambre de la société civile au rôle rénové.
M. François Ruffin. Nos collaborateurs qui, disons la vérité, font le gros du boulot, m’ont signalé cette ligne budgétaire du HCFP : leur regard sagace a été attiré par la multiplication quasiment par trois – de 479 812 euros à 1 503 078 euros – de son budget ! Comment se fait-il que le gendarme du budget puisse déraper de cette manière ? J’aimerais le comprendre avant de voter.
À propos de l’orthodoxie budgétaire, dont le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) est la représentation et qui a été instituée dans notre pays sous François Hollande, Keynes disait : « Le XIXe siècle a promu jusqu’à la caricature le critère que l’on appellera, pour faire bref, les résultats financiers comme test permettant de déterminer si une politique doit être recommandée. Le destin personnel s’est transformé en une parodie du cauchemar d’un comptable. […] C’est la même règle de calcul financier autodestructeur qui gouverne chaque domaine de notre quotidien. Nous détruisons la beauté des campagnes parce que les splendeurs inappropriées de la nature sont sans valeur économique. Nous serions capables d’éteindre le soleil et les étoiles parce qu’ils ne versent pas de dividendes. »
On ignore combien il y a d’oiseaux dans le ciel, combien il y a de poissons dans nos rivières ou de lombrics sous la terre ; j’espère au moins qu’avec un tel budget, les euros sont très bien comptés !
M. Daniel Labaronne, rapporteur spécial. Quels sont les enjeux de la candidature de la France au comité des commissaires aux comptes de l’ONU ? Rappelons que celui-ci a été créé par une résolution du 7 décembre 1946 avec pour mission de vérifier les comptes des fonds et des programmes de l’organisation internationale. L’assemblée générale élit à cette fin trois commissaires aux comptes ayant chacun qualité de vérificateur général des comptes, ou autre titre équivalent, d’un État membre. La durée de leur mandat est de six ans et le comité est renouvelé par tiers tous les deux ans. Entièrement indépendant, il assume la responsabilité exclusive de la vérification des comptes et peut procéder à tout examen et contrôle détaillé de toute pièce comptable qu’il juge utile.
La Cour des comptes a déposé sa candidature en vue de la prochaine élection au comité, qui aura lieu en novembre 2021, pour un mandat allant du 1er janvier 2022 au 30 juin 2028. Le siège que libèrera la Cour des comptes allemande est traditionnellement réservé à l’institution supérieure de contrôle d’un pays du groupe occidental, ce qui nous place en bonne position. Dès l’automne 2018, la représentation permanente de la France auprès de l’ONU à New York a donc notifié la candidature de la Cour des comptes à la présidence en exercice du groupe occidental.
Cette candidature a été reconnue par le Président de la République comme un objectif stratégique auquel les administrations doivent concourir. Il a notamment affirmé : « cette démarche participe tant du rayonnement de notre pays que de sa constante mise en responsabilité au sein des organisations internationales. »
Les ressources nécessaires à l’exercice de ce mandat d’audit externe sont couvertes par le budget des Nations Unies et déterminées en fonction des audits particuliers à effectuer chaque année du cycle biennal. Il en va donc du prestige de la France et de la reconnaissance de la compétence de la Cour des comptes au niveau international : on ne peut donc qu’encourager cette candidature et souhaiter qu’elle aboutisse.
S’agissant de l’augmentation du budget et des moyens humains du HCFP, j’ai bien évidemment auditionné M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. Il m’a indiqué que le HCFP devra rendre en 2021 des avis prévus par la loi organique du 17 décembre 2012, un avis sur les prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2021 et suivantes, un avis sur le solde des administrations publiques présenté dans le cadre du projet de loi de règlement de 2020, un avis sur les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2022, et un avis sur le projet de loi de finances rectificative pour 2021. Il en rendrait également d’autres au cours de l’année 2021 si le Gouvernement décidait de présenter un projet de loi de programmation des finances publiques ainsi qu’un ou plusieurs projets de loi de finances rectificative.
Outre la charge de travail très importante, Pierre Moscovici considère qu’il est nécessaire de renforcer les effectifs du Haut Conseil, celui-ci lui ayant paru, à son arrivée à la Cour des comptes, parmi les moins bien dotés des pays européens ayant des institutions équivalentes, ce qui lui a paru inadapté au niveau de richesse et de complexité du travail qui lui est demandé.
Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Une telle augmentation me semble excessive. Jusqu’à présent, le Haut Conseil a toujours fourni les avis que vous venez d’énumérer et il n’est pas prévu d’étendre de façon importante le champ de ses missions. Au moment où l’on demande à tous les opérateurs de l’État de faire des efforts, elle ne me semble pas justifiée.
Article 33 et état B : Crédits du budget général
Suivant l’avis favorable du rapporteur spécial, la commission adopte les crédits de la mission Conseil et contrôle de l’État, sans modification.
Article additionnel avant l’article 53 : Exercice du droit au recours contentieux devant la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP)
La commission est saisie de l’amendement II-CF706 de M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne, rapporteur spécial. Comme je l’ai déjà indiqué dans mon propos liminaire, la décision du Conseil constitutionnel concernant le fonctionnement de la CCSP pose de redoutables problèmes et est, pour tout dire, à l’origine d’un véritable imbroglio.
Depuis la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM), les amendes de stationnement sont à la main des collectivités locales. Elles ne relèvent donc plus d’un tribunal de police mais d’une procédure administrative dont le contentieux est traité par les juridictions administratives. Les automobilistes qui souhaitent contester l’amende qu’ils se sont vu infliger ont deux niveaux de recours : d’abord, auprès de la municipalité puis, sans réponse dans un délai d’un mois, auprès de la CCSP dont le siège est à Limoges.
La loi MAPTAM avait prévu que la recevabilité d’un recours contentieux devant la CCSP était subordonnée au paiement préalable de l’amende contestée. Elle avait, en outre, exclu toute exception à cette procédure. Par exemple, elle n’en prévoyait pas pour les possesseurs d’une carte d’invalidité, qui ont le droit de stationner gratuitement mais sont susceptibles de recevoir beaucoup d’amendes. Le Conseil constitutionnel a considéré que ces deux dispositions n’étaient pas satisfaisantes et les a déclarées contraires à la Constitution.
Il s’ensuit que, désormais, tout le monde peut exercer un recours contentieux auprès de la CCSP sans avoir à payer son amende au préalable, ce qui va naturellement engorger considérablement la commission. Il est également probable que cela va encourager, de la part des automobilistes, une forme de négligence dans le paiement du stationnement, suivie d’une contestation opportuniste dans l’attente, par exemple, d’une éventuelle amnistie présidentielle. Cette situation va, en outre, poser un problème financier aux collectivités locales, puisque les amendes de stationnement font désormais partie de leurs recettes.
L’amendement vise donc à remédier à ce problème d’inconstitutionnalité, premièrement, en prévoyant des exceptions au principe du paiement préalable de l’amende pour les titulaires d’une carte d’invalidité, pour les personnes dont le véhicule a été volé pourvu qu’elles soient en mesure d’en apporter la preuve, pour les personnes victimes d’une usurpation de leur numéro d’immatriculation et pour celles qui ont cédé leur véhicule mais dont la cession n’a pas été enregistrée.
Deuxièmement, il tend, comme nous y invite le Conseil constitutionnel, à fixer un montant raisonnable que le justiciable devra payer avant d’engager un recours contentieux auprès de la CCSP – je propose 33 euros,
Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Hormis les dérogations compréhensibles que prévoit votre amendement, je trouve bien peu coutumier d’avoir à payer un montant forfaitaire, certes raisonnable, avant de pouvoir exercer un recours.
M. Alexandre Holroyd. La majorité soutiendra l’amendement afin que le ministre apporte des réponses à ces questions essentielles en séance publique.
M. Jean-Paul Mattei. Je suppose que le rapporteur spécial s’est assuré de la constitutionnalité de son amendement ; sinon, nous repartirons de zéro dans quelques mois.
M. Daniel Labaronne, rapporteur spécial. L’année dernière, j’avais déposé le même amendement, et le Conseil constitutionnel l’avait considéré comme un cavalier budgétaire. Cependant, le Conseil pourrait se montrer plus indulgent en prenant en considération le fait que, cette année, la disposition introduite tend à remédier à une inconstitutionnalité qu’il a censurée.
La commission adopte l’amendement II-CF706 (amendement n° 994).
M. Daniel Labaronne remplace Mme Marie-Christine Dalloz à la présidence.
La commission en vient à l’examen des crédits de la mission Pouvoirs publics (M. Christophe Naegelen, rapporteur spécial).
M. Christophe Naegelen, rapporteur spécial. Les crédits de la mission Pouvoirs publics représentent moins de 0,2 % du budget général de l’État et connaissent cette année une évolution infinitésimale de moins 0,05 %. Néanmoins, ce budget a une portée symbolique considérable, tant la crédibilité des élus de la nation dépend de l’exemplarité et de la transparence – valeurs cardinales pour nos concitoyens – avec laquelle les crédits sont gérés. La confiance des Français dans leurs représentants, qui est l’un des enjeux de la législature, est, malheureusement, encore loin d’être rétablie. Si des efforts ont été accomplis depuis plusieurs années, certains points restent perfectibles.
Les dotations demandées se caractérisent par leur stabilité. La crise sanitaire se traduira par une sous-exécution des budgets 2020 du fait de la baisse des dépenses d’investissement et de déplacements, qui compensera les surcoûts liés à la protection sanitaire et à la réorganisation du travail. La Présidence de la République et les assemblées parlementaires auront quelques marges de manœuvre pour 2021, même si des rattrapages seront nécessaires en matière d’investissement. Il est donc logique que les dotations demandées restent inchangées. Les budgets prévisionnels sont tous en légère baisse, sans être pour autant à l’équilibre. Comme les années précédentes, la Présidence de la République, l’Assemblée nationale et le Sénat continueront de prélever sur leurs disponibilités, ce qui soulève une vraie difficulté à court terme comme à plus longue échéance.
Je concentrerai mon propos sur le Conseil constitutionnel, La Chaîne parlementaire et la Cour de justice de la République.
S’agissant du Conseil constitutionnel, la dotation demandée est en baisse de 485 000 euros, alors qu’elle s’était accrue de 785 000 euros en 2020 pour financer les opérations relatives au référendum d’initiative partagée. Il me paraît nécessaire que le Conseil constitutionnel, à l’instar de l’Assemblée nationale et du Sénat, fasse procéder à une certification annuelle de ses comptes par la Cour des comptes.
Il conviendrait également de clarifier la rémunération de ses membres, qui ne repose sur aucune base légale solide et dont le montant est d’une grande opacité. Le Conseil m’ayant communiqué un bulletin de paie anonymisé, je détaillerai dans mon rapport les composantes de cette rémunération qui s’élève à 15 000 euros bruts – dont 43 % de traitement indiciaire et 57 % d’indemnités –, soit 13 270 euros nets.
Les membres du Conseil constitutionnel peuvent cumuler cette rémunération avec des pensions de retraite liées à des mandats ou fonctions antérieurs. Le décret du 27 février 2020 relatif aux modalités de rémunération des membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes vient pourtant d’établir un principe de non-cumul de l’indemnité de fonction avec les pensions de retraite. Pourquoi ne pas appliquer ce principe aux membres du Conseil constitutionnel, comme l’a suggéré Thierry Benoit dans une proposition de loi, en s’appuyant sur ce texte ?
Concernant La Chaîne parlementaire et, plus particulièrement, LCP-AN, la dotation de 16,64 millions d’euros est inchangée depuis 2013 et est inférieure d’un million d’euros à celle de Public Sénat, alors que les deux chaînes ont le même temps d’antenne. Le coût de la diffusion sur la télévision numérique terrestre (TNT), qui s’élèvera à 3,45 millions d’euros en 2021 – soit près de 20 % de la dotation – plaide en faveur d’une évolution. Il est urgent que la chaîne intègre la future holding France Médias – ce qui suppose, au préalable, que l’examen du projet de loi reprenne son cours. Cela lui épargnerait cette dépense et permettrait peut-être, à court ou à moyen terme, le rapprochement tant attendu avec Public Sénat sous une seule et même direction.
Il convient aussi d’assouplir les contraintes auxquelles LCP-AN est soumise en matière de ressources propres. Il faut lui permettre de se procurer des financements par la diffusion de messages d’intérêt général ou publicitaires, et par l’association de la marque LCP-AN à des événements, comme le font les chaînes de France Télévisions.
Enfin, il a été question de supprimer la Cour de justice de la République – cette proposition fait l’unanimité – mais cela exige une réforme constitutionnelle. Pour l’heure, il conviendrait que le Gouvernement augmente par voie d’amendement la dotation de la juridiction d’environ 130 000 euros. En effet, en raison du nombre de plaintes déposées en lien avec la gestion de la pandémie, la commission d’instruction fait face à une augmentation importante de son activité.
Ces remarques étant faites, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission Pouvoirs publics.
M. Daniel Labaronne, président. Quels enseignements les assemblées parlementaires ont-elles retirés de l’expérience du confinement, en termes d’organisation du travail ? Quel est votre point de vue sur le cumul entre la rémunération et les pensions de retraite des membres du Conseil constitutionnel ? Que pensez-vous de la demande faite de manière récurrente par La Chaîne parlementaire de pouvoir accéder à des recettes publicitaires ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur spécial. Une réflexion est en cours sur le télétravail, qu’on pourrait envisager de maintenir pendant toute la durée de la crise. Les normes sanitaires, telles que la mise à disposition de gel hydroalcoolique et les mesures barrières ont été appliquées dans l’ensemble des institutions où nous nous sommes rendus. La pratique la plus efficace reste le télétravail, qui a été appliqué à la Présidence de la République, dans les assemblées parlementaires et au Conseil constitutionnel.
Le cumul entre la rémunération et les pensions de retraite des membres du Conseil constitutionnel est un vrai sujet de préoccupation. Je propose de leur appliquer les dispositions du décret du 27 février 2020, qui interdit ce cumul aux membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. Plusieurs modalités sont envisageables. On peut opter pour un écrêtement des revenus – tel qu’il est appliqué aux indemnités des élus. On peut aussi interdire la perception des pensions de retraite pendant la durée des fonctions. Une autre possibilité consisterait à retrancher le montant de la retraite de la part indemnitaire. Il ne serait pas illogique qu’on mette fin à cette exception par rapport au régime des élus ou des présidents d’agences et d’autorités publiques.
À titre personnel, je suis favorable à ce que LCP-AN accède à des ressources publicitaires, notamment dans le cadre de la diffusion de messages d’intérêt général. Cela n’entraînerait pas une diminution de la dotation, mais conférerait des moyens supplémentaires pour faire connaître la chaîne. Alors que le monde politique et, en particulier, nos assemblées, sont particulièrement décriés, il ne serait pas incohérent de développer l’audience des programmes de grande qualité de LCP-AN et de Public Sénat.
Mme Catherine Osson. Les membres du groupe La République en Marche voteront évidemment les crédits de la mission Pouvoirs publics. L’autonomie financière des institutions comprises dans son périmètre ne saurait exempter ces dernières d’une juste contribution à l’effort national de redressement de finances publiques. Le montant total des dotations de la mission pour 2021 est stable, avec 994 millions d’euros demandés en crédits de paiement. Cela étant, la stabilisation budgétaire des assemblées est trompeuse, puisqu’elle correspond en fait à une réduction des crédits en euros constants. Le maintien des crédits en valeur nominale correspond à une diminution en termes réels de l’ordre de 9 % entre 2012 et 2021. Le montant des dotations versées aux assemblées ne couvre pas l’intégralité des besoins de trésorerie supplémentaires. Celles-ci devront à nouveau effectuer un prélèvement sur leurs disponibilités financières et compter sur des produits de gestion pour équilibrer leur solde budgétaire. Des travaux sont en cours dans ce domaine. Le budget du Sénat s’inscrit dans un cadre triennal. L’Assemblée nationale, pour sa part, réfléchit à l’établissement d’un tel cadre, sachant qu’une programmation pluriannuelle des investissements a déjà été instituée.
Mme Marie-Christine Dalloz. Au sujet du Conseil constitutionnel, on lit dans le projet annuel de performances : « au bénéfice notamment d’économies espérées dans le cadre d’un plan d’économie d’énergie, les dépenses de fonctionnement diminuent ». C’est à croire qu’ils laissaient les lumières allumées à toute heure du jour et de la nuit ! Les documents budgétaires doivent avoir une parfaite crédibilité, qui me paraît ici sujette à caution.
Je m’étonne toujours de la disparité de traitement – près d’un million d’euros – entre La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale et La Chaîne parlementaire-Public Sénat, que rien ne justifie. Je suis assez opposée à la présence de la publicité sur LCP-AN, qui est une chaîne de valeurs, qui propose des émissions de qualité, des reportages de fond, sans parti pris, et qui offre une pluralité politique avérée, affichée et garantie. Je crains que la diffusion de messages gouvernementaux, d’alerte ou autre, ou la publicité commerciale ne nuise à la lecture et à l’indépendance de la chaîne.
M. Mohamed Laqhila. Les budgets sont stables pour la dixième année consécutive. La dotation de l’État est quasiment inchangée, ce qui conduit à un résultat comptable négatif et à un prélèvement sur les réserves. Les comptes de l’Assemblée nationale et du Sénat sont certifiés sans réserve par la Cour des comptes, mais j’apprends que ceux du Conseil constitutionnel ne font pas l’objet d’une telle certification. Peut-être y a-t-il là une anomalie à corriger ? Les comptes de chacune des assemblées parlementaires sont examinés, en leur sein, par une commission spéciale chargée de la vérification et de l’apurement des comptes – laquelle est présidée, à l’Assemblée nationale, par Marie-Christine Dalloz. Notre commission avait relevé, l’année dernière, que l’Assemblée avait engagé, dans le cadre du budget pour 2020, une réduction de ses charges de fonctionnement. Pour toutes ces raisons, le groupe Mouvement démocrate (Modem) et Démocrates apparentés votera les crédits de la mission.
Mme Patricia Lemoine. Le groupe Agir ensemble votera les crédits de la mission. Nous saluons la stabilité des crédits alloués à l’ensemble des institutions concernées par rapport à la loi de finances pour 2020. Les crédits des assemblées parlementaires sont stables en euros courants depuis dix ans, ce qui correspond à une réduction en euros constants de 9 % entre 2012 et 2020. Nous constatons que les prélèvements sur les réserves restent toujours élevés, notamment pour la Présidence de la République, l’Assemblée nationale et le Sénat, ce qui pose, comme l’année dernière, la question de la soutenabilité financière, à moyen terme et à long terme, de cette situation. S’agissant de la Présidence de la République, la trajectoire des prélèvements sur trésorerie définie en 2019 est maintenue : 4 millions d’euros en 2020, 2,5 millions en 2021 et un million en 2022.
Les informations fournies par le projet annuel de performances sont plus que lacunaires, notamment s’agissant du Conseil constitutionnel. Je rejoins la remarque de Mme Marie-Christine Dalloz : on ne sait pas si on doit rire ou pleurer de la petite phrase sur les économies d’énergie.
Enfin, on lit dans le bleu budgétaire que l’Assemblée nationale réfléchit à l’établissement d’une programmation budgétaire pluriannuelle – évolution que j’avais suggérée, l’année dernière, en tant que rapporteure de cette mission. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le rapporteur, l’état d’avancement de la réflexion et les acteurs qui seraient impliqués ?
M. François Ruffin. Deux lignes, page 52 du projet annuel de performances, au sujet de la Cour de justice de la République, dans la rubrique « Les autres dépenses de fonctionnement », ont attiré mon attention : « La gardienne qui assure également l’entretien des locaux envisage un départ à la retraite à la fin de l’année 2021. Dans l’hypothèse où elle quitterait son poste de façon anticipée, il faudra budgéter l’entretien des locaux et les faire réaliser par une entreprise privée. » Ce serait donc la norme que de considérer qu’un métier qui était exercé sur place pendant des décennies par une personne payée normalement, à plein-temps, sans doute au SMIC, et qui en vivait, sera sous-traité et vraisemblablement mal traité, comme cela se passe dans les hôpitaux, les universités, les ministères et ici-même. On peut imaginer que la gardienne sera remplacée par une femme de ménage qui viendra de la troisième couronne de la banlieue parisienne, prendra le train à 4 heures du matin, puis le métro, et ainsi de suite. Elle sera payée pour quelques heures, comme c’est le cas ici.
Cela ne devrait pas être la norme ! Philippe Jouanny, président de la Fédération des entreprises de propreté et des services associés, me disait que l’achat public représente 25 % du chiffre d’affaires des entreprises de propreté. Le plus important est que l’acheteur public montre l’exemple, car on sait que, derrière, l’acheteur privé a tendance à adopter la même démarche. On pourrait souhaiter que la Cour de justice de la République montre cet exemple. Vous avez invoqué, monsieur le rapporteur, notre devoir d’exemplarité, alors qu’ici même, la moquette, le micro, la table sont nettoyés par des femmes qui viennent tôt le matin pour trois fois 10 euros et qui repartent sitôt la tâche accomplie. Regardons la poutre que nous avons dans notre œil ! En faisant le tour des commissions, j’espère, d’ici à la fin de mon mandat, réussir à changer cela. J’espère qu’on finira par considérer qu’il est immoral que la moquette, la table, le micro soient nettoyés par des femmes payées en dessous du SMIC.
M. Christophe Naegelen, rapporteur spécial. La Cour de justice de la République a évalué la possibilité de faire appel à une société de services extérieure pour remplacer cette dame, qui part à la retraite. C’est, typiquement, une décision de gestion. On ignore le coût que représenterait son remplacement ; je ne peux donc porter de jugement à ce sujet.
S’agissant de la programmation budgétaire pluriannuelle, nous avons eu une discussion, notamment avec le premier questeur de l’Assemblée, Florian Bachelier. Il nous a été dit que, compte tenu du calendrier électoral, elle pourrait être introduite au début de la prochaine législature.
La référence à l’isolation du Conseil constitutionnel – installé, je le rappelle, dans l’aile Montpensier du Palais Royal – pourrait prêter à sourire, mais c’est l’une des premières remarques que son président nous a faites. Une opération a été lancée pour réaliser des économies d’énergie à court et à moyen termes.
M. Jean-Paul Mattei. Il me semble que nous ne nous sommes jamais demandé si nous pouvions voter sur nos indemnités, alors que nous sommes les premiers concernés. Et ne faudrait-il pas que chacune des assemblées se prononce exclusivement sur les crédits de l’autre ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur spécial. Nous votons sur le budget global de la mission ; nous ne nous prononçons pas sur nos indemnités.
Article 33 et État B
Suivant l’avis favorable du rapporteur spécial, la commission adopte les crédits de la mission Pouvoirs publics, sans modification.
Elle en vient à l’examen des crédits de la mission Direction de l’action du Gouvernement et du budget annexe Publications officielles et information administrative (Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale).
Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. La mission Direction de l’action du Gouvernement est dotée, pour 2021, de 953,9 millions d’euros en AE et 860 millions d’euros en CP. Ces crédits sont en hausse de 143 millions d’euros en AE et de près de 70 millions d’euros en CP par rapport à 2020. Cette évolution s’explique en grande partie par deux facteurs. D’abord, un nouveau programme est consacré à la présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022, doté de 126 millions d’euros en AE et de 47,4 millions d’euros en CP. Ensuite, l’année 2021 sera marquée par la poursuite du renforcement des moyens alloués au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) : 9,1 millions d’euros supplémentaires lui seront consacrés, ce qui portera sa dotation à 361,9 millions d’euros. Ces crédits viseront à développer les capacités d’intervention du Groupement interministériel de contrôle (GIC) et de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), laquelle ouvrira un nouveau site, à Rennes. Ces efforts sont, selon moi, bienvenus dans la mesure où il nous reste beaucoup à faire en matière de cybersécurité.
La mission sera également marquée en 2021 par un renforcement des moyens dévolus à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et au Défenseur des droits, qui bénéficient d’un schéma d’emploi positif. Il est à noter que deux opérateurs seront supprimés en 2021 – l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) et le centre interministériel de formation antidrogue (CIFAD) –, ce qui engendre une économie de 63 emplois et de 6,3 millions d’euros.
Le budget 2021 de la mission appelle plusieurs remarques. Premièrement, les dépenses de fonctionnement, à périmètre constant, progressent de 2,2 millions d’euros. Les dépenses de personnel augmentent, quant à elles, à hauteur de 13,4 millions d’euros. On constate que les montants considérables engagés dans le cadre du plan de relance s’accompagnent de l’abandon des objectifs de maîtrise de la dépense publique.
Deuxièmement, il convient de signaler que les services du Premier ministre supporteront les dépenses afférentes au fonctionnement du haut-commissariat au plan. Or aucune mention de cette nouvelle structure n’est faite dans les documents budgétaires, et son coût prévisionnel ne m’a pas été indiqué. Il en va de même concernant le rehaussement du nombre de collaborateurs maximum autorisé au sein des cabinets ministériels. Ces décisions entraîneront le recrutement de cinquante à soixante personnes supplémentaires, dont les rémunérations peuvent être élevées. Outre le fait que ces décisions semblent tout à fait opportunistes et insusceptibles de favoriser le redressement du pays dans le cadre du plan de relance, le manque de transparence concernant leurs effets sur les comptes publics suscite une difficulté.
Je dirai un mot sur le service d’information du Gouvernement (SIG), pour lequel une dotation de 14,2 millions d’euros est demandée en 2021, soit un montant équivalent à celui de 2020. Toutefois, cette prévision est manifestement insincère, dans la mesure où le SIG a déjà consommé 26,2 millions d’euros en 2020. L’utilisation croissante des sondages dans la conduite de l’action publique doit également être soulignée. En 2019, 3,3 millions d’euros ont été consacrés aux études d’opinion, principalement en raison du « grand débat ». Entre mars et septembre 2020, quarante-huit études ont été commandées, pour un coût de près de 1 million d’euros. Le prix de chacune de ces études s’échelonne entre 6 000 et 35 000 euros. Je considère que le choix de recourir aux sondages pour élaborer des éléments de langage ou orienter votre politique en les finançant par de la dette est pour le moins discutable.
S’agissant du budget annexe Publications officielles et information administrative, la crise a fortement affecté les recettes de la Direction de l’information légale et administrative (DILA). Toutefois, le budget annexe devrait une nouvelle fois dégager un excédent de 6,1 millions d’euros en 2021. Ce résultat découle de la diminution des dépenses de fonctionnement, à hauteur de 4,3 millions d’euros, et de la poursuite du plan de départs volontaires. Par ailleurs, il doit être noté qu’en dépit de la crise, la prévision de recettes du budget annexe pour 2021 s’élève à 159 millions d’euros, en hausse de 7,5 millions par rapport à 2020. Comme l’an passé, je suis seulement favorable à l’adoption de ce budget annexe.
M. Bruno Duvergé. Il est compréhensible que le budget du haut-commissariat au plan ne soit pas encore précisément défini. On peut penser que des transferts de postes interviendront.
Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Le haut-commissariat au plan a été, malgré l’avis du haut-commissaire, rattaché au périmètre de la mission Direction de l’action du Gouvernement. Quand j’interroge la nouvelle secrétaire générale du Gouvernement, elle me dit qu’il n’y a pas de crédits inscrits pour son fonctionnement. Je veux bien qu’on procède à des transferts de postes, mais j’aimerais qu’on m’apporte des précisions à ce sujet, qu’on m’indique d’où viennent les collaborateurs du haut-commissaire. On peut imaginer qu’ils émaneront pour partie de France stratégie, mais pas uniquement. Les approches, en matière de recrutement, ont lieu maintenant. Il faut définir un périmètre clair. Un peu de transparence ne nuirait pas.
Article 33 et état B : Crédits du budget général
La commission est saisie de l’amendement II-CF1170 de Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. L’amendement porte sur l’action 01 Coordination du travail gouvernemental du programme 129. La dotation au profit du service d’information du Gouvernement de 14,2 millions d’euros pour 2021 ne me semble pas crédible dans la mesure où cette structure a déjà consommé 26 millions d’euros en 2020. Pour aboutir à un résultat cohérent et, surtout, sincère, je propose d’abonder les crédits de cette action à hauteur de 12 millions d’euros, en les prélevant sur l’action 02 Manifestations correspondant à l’initiative propre de la Présidence du programme 359 Présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022. En effet, je considère qu’on n’aura pas consommé les 47 millions d’euros demandés au titre de la présidence française avant la fin de l’année, et qu’on disposera donc de réserves.
La commission rejette l’amendement II-CF1170.
La commission est saisie de l’amendement II-CF1171 de Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Le SGDSN est chargé de coordonner le renforcement des capacités techniques des ministères. 90 millions d’euros lui sont, en moyenne, chaque année affectés à cette fin. En 2021, 136 millions sont demandés en AE et 112 millions en CP inscrits sur le programme 129 Coordination du travail gouvernemental en dépenses d’investissement ; une partie importante sera donc transférée vers d’autres ministères. Pourrait-on accroître la lisibilité budgétaire en retirant de ce programme les crédits qui ne le concernent pas ? La Cour des comptes a souligné que cette pratique engendre des difficultés dans la mesure où « la gestion de ces crédits échappe au responsable du programme 129 ». Surtout, la nature et l’utilisation finale des crédits échappent totalement aux parlementaires ; au stade de la loi de règlement, il n’est pas explicitement indiqué quelle utilisation il en est fait. Le Parlement doit pouvoir exercer sa mission de contrôle.
L’amendement vise à réduire de 90 millions d’euros en AE et CP le montant des crédits inscrits sur l’action 02 Coordination de la sécurité et de la défense du programme 129.
La commission rejette l’amendement II-CF1171.
Elle examine l’amendement II-CF1172 de Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Le Premier ministre a autorisé le rehaussement du plafond du nombre de collaborateurs composant les cabinets ministériels, ce qui devrait se traduire par le recrutement de soixante personnes dans le périmètre de la présente mission. Par ailleurs, en septembre 2020, le haut-commissaire au plan a été installé et chargé « d’éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels ». À la lecture de la justification au premier euro du programme 129, on constate que ces deux mesures n’ont pas reçu de traduction budgétaire. Il apparaît toutefois que les dépenses de personnel du programme augmentent d’un million d’euros, comme les dépenses de fonctionnement inscrites sur son action 10 Soutien. Ce pourrait être l’explication, mais je voudrais de la clarté. C’est pourquoi je propose de diminuer de deux millions d’euros l’ensemble de ce périmètre, ce qui pourrait, là encore, être intéressant dans le cadre du plan de relance.
M. François Ruffin. Faut-il comprendre que le haut-commissariat au plan n’a pas de moyens en l’état ?
Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Je considère qu’il aura des moyens mais qu’ils ne sont pas clairement identifiés dans le périmètre du budget de la mission Direction de l’action du Gouvernement, qui regroupe tout le champ du budget du Premier ministre. Le haut-commissaire étant rattaché au Premier ministre, cela soulève une difficulté de lecture. Le secrétariat général du Gouvernement me répond que le haut-commissaire est en cours d’installation, nous pouvons donc considérer que cela affectera le budget de la mission en 2021 : ce n’est pas cohérent. Je propose de réduire les crédits pour obtenir des réponses.
La commission rejette l’amendement II-CF1172.
Mme Marie Lebec. Les crédits de la mission Direction de l’action du Gouvernement s’élèvent, en 2021, à 800 millions d’euros, soit une hausse de 8 % par rapport à 2020. Cette mission poursuit quatre objectifs. Elle vise, premièrement, à lutter efficacement contre les menaces pesant sur la sécurité nationale. À cette fin, les moyens de l’ANSSI et du GIC sont substantiellement renforcés, grâce à la création de soixante-deux emplois. Deuxièmement, elle a pour objet de contribuer à la construction de « l’État de l’âge du numérique ». Les crédits de la direction interministérielle du numérique (DINUM) font de la France un pays de référence en matière d’administration numérique. Ils permettront d’accélérer la transformation numérique du service public. Troisièmement, la mission vise à renforcer la protection des droits et libertés et bénéficie, à cet effet, de la création d’emplois supplémentaires pour la CNIL et le Défenseur des droits. Quatrièmement, elle a pour objectif de préparer efficacement la présidence française au Conseil de l’Union européenne. En conséquence, la présidence française se voit dotée d’un budget de 150 millions d’euros et un secrétariat général sera institué pour la programmation et la préparation des événements. Pour toutes ces raisons, le groupe La République en marche votera ces crédits.
M. Bruno Duvergé. J’aimerais revenir sur la création du haut-commissariat au plan. Je pense que cette fonction va s’asseoir sur les ressources de France stratégie. Le haut-commissaire a déclaré qu’il ne percevrait pas d’indemnités. Il est normal de prendre le temps de structurer cette fonction, qui a été supprimée il y a plus de quatorze ans, en fonction des objectifs qui lui sont assignés. Il me paraît tout à fait normal que le budget ne soit pas encore précisément défini. Le groupe Mouvement démocrate (Modem) et Démocrates apparentés votera en faveur des crédits de la mission.
Mme Patricia Lemoine. Le groupe Agir ensemble votera les crédits de cette mission. Nous tenons à saluer l’effort particulier consenti au profit des services de la défense et de la sécurité nationale. Le schéma d’emploi du programme 129, qui bénéficie d’une augmentation de 183 ETP, fait la part belle au SGDSN, avec soixante-deux créations de postes, dont quarante iront à l’ANSSI. Ces recrutements permettront de répondre au mieux aux menaces pesant sur la sécurité nationale – l’actualité récente montre, hélas ! leur acuité. La direction interministérielle du numérique de l’État se verra également dotée de 5 ETP supplémentaires, à l’heure où la numérisation des services de l’État est une absolue nécessité. Corollaire de la numérisation croissante dans tous les domaines, la protection des données personnelles n’est pas oubliée : la CNIL bénéficiera de 20 ETP. Enfin, la création d’un programme dédié à la présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022 est bienvenue pour faciliter la lisibilité des dépenses. L’affectation de personnels d’autres administrations au secrétariat général de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, créé en septembre, est à souligner.
M. François Ruffin. Le programme 359 Présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022 sera abondé à hauteur de 47 millions d’euros dès 2021. On se prépare sans doute à embaucher des collaborateurs, ce qui peut se comprendre. Toutefois, à la page 170 du PAP, on lit que 19 millions d’euros seront consacrés en 2021 à l’action 02 Manifestations correspondant à l’initiative propre de la Présidence. Il ne faudrait pas que cela se transforme en quelque chose du même type que le « grand débat », qui permette au Président de la République et à ses ministres de faire la promotion de leur politique sur le compte de la présidence française, qui tombe opportunément en 2022. On constate en tout cas une grande précision sur les millions attribués.
En revanche, je reste sous l’effet de la surprise à la suite des propos de la rapporteure spéciale. On a eu des grandes annonces concernant la création du haut-commissariat au plan, mais il n’y a rien de défini, pour l’instant, en termes de personnels et de moyens budgétaires. Mme la rapporteure a dit qu’elle a mené une enquête à la Sherlock Holmes et a interrogé le Premier ministre, sans obtenir véritablement de réponse. Tout cela est très vague, alors qu’il s’agit ni plus ni moins que de bouleverser notre industrie, notre écologie, notre santé, notre agriculture. Je ne sauterai pas comme un cabri sur ma chaise en disant « planification ! planification ! planification ! », mais il faut sortir de votre culture du laisser-faire libre-échangiste, de la main invisible du marché, qui ne fonctionne pas. Elle ne marche pas pour produire des masques, du gel hydroalcoolique et des respirateurs par temps de crise sanitaire, et encore moins pour orienter, faire bifurquer notre industrie, notre agriculture, notre énergie, nos transports. Je ne voudrais pas que ce gros effet d’annonce masque une coquille vide.
Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. S’agissant de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, 47 millions sont inscrits en CP pour 2021, alors que l’opération débutera en 2022. La DINUM bénéficie effectivement de 5 ETP supplémentaires. Elle collabore étroitement avec le SGDSN, dans le cadre d’un partenariat qui monte en puissance. J’ai la confirmation qu’à terme – je ne sais pas quand exactement –, le haut-commissaire au plan disposera de dix collaborateurs. Le secrétaire général a été recruté, et n’est pas issu de France stratégie. Il n’y a donc pas seulement un redéploiement en provenance de cet organisme. Un autre collaborateur a également été embauché. Le budget n’indique pas les frais de représentation, de colloques, toute la partie événementielle. On me dit que ces crédits figureront dans le périmètre de l’enveloppe globale de fonctionnement, portée par l’action 10 Soutien du programme 129, mais je pense que nous apprécions tous, au sein de cette commission, qu’une ligne budgétaire soit clairement dotée et que son utilisation soit précisément définie.
La commission adopte les crédits de la mission Direction de l’action du Gouvernement, sans modification.
Article 34 et état C : Crédits des budgets annexes
Suivant l’avis favorable de la rapporteure spéciale, la commission adopte le budget annexe Publications officielles et information administrative, sans modification.
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Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 21 octobre à 21 heures
En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.