Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  Suite de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360), examen et vote sur les crédits des missions :

  Défense :

 Budget opérationnel de la défense (Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure spéciale) 2

 Préparation de l’avenir (M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial) 2

  Enseignement scolaire (Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale) 13

  Culture :

  Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la culture (Mme Dominique David, rapporteure spéciale) 32

  Patrimoines (M. Gilles Carrez, rapporteur spécial).....32

  Aide publique au développement et sur l’article 53, rattaché ; compte spécial Prêts à des États étrangers (M. Marc Le Fur, rapporteur spécial)              44

 


Jeudi
22 octobre 2020

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 16

session ordinaire de 2020-2021

 

 

Présidence de

 

M. Éric Woerth,

Président

 

 

 


  1 

La commission poursuit l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360)

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen des crédits du projet de loi de finances pour 2021.

Ce matin, nous allons examiner successivement les crédits des missions Défense, Enseignement scolaire, Culture et Aide publique au développement.

La commission examine les crédits de la mission Défense.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial (Préparation de l’avenir). Le budget de la défense pour l’année 2021 s’établit à 39,2 milliards d’euros, en hausse de 1,7 milliard d’euros – soit 4,5 % –, ce qui est absolument conforme à la trajectoire de la loi de programmation militaire, et ce pour la troisième année consécutive. Cela se traduit par des augmentations importantes des crédits des programmes 144 et 146, que je suis chargé de suivre.

S’agissant du programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, les autorisations d’engagement (AE) passent de 1,8 milliard d’euros à 3,1 milliards d’euros. Ce saut considérable s’explique surtout par un projet immobilier de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), laquelle est dotée de 1,5 milliard d’euros au total en AE. Les crédits de paiement (CP) passent quant à eux de 1,5 milliard d’euros à 1,7 milliard d’euros. Les études amont, conformément à la loi de programmation militaire, sont elles aussi en progression constante : 760 millions d’euros en 2019, 830 millions d’euros en 2020 et 901 millions d’euros en 2021. On se dirige donc vers le milliard d’euros en 2022.

En ce qui concerne le programme 146 Équipement des forces, les AE reculent très légèrement, passant de 25,4 milliards d’euros à 21 milliards d’euros, mais les CP progressent d’un milliard d’euros : 13,6 milliards d’euros contre 12,6 milliards d’euros en 2020. La progression en CP est surtout soutenue dans le domaine de la dissuasion et de la maîtrise de l’information, notamment la lutte contre les cyberattaques.

Certes, la loi de programmation militaire est parfaitement respectée, ce qui est une bonne nouvelle, mais il y a quand même des tensions, et certaines questions doivent être posées.

La première concerne le bouclage du budget 2020. C’est toujours un exercice difficile dans le domaine de la défense, notamment du fait des opérations extérieures (OPEX). Elles avaient été programmées à hauteur de 1,1 milliard d’euros, ce qui était un progrès considérable par rapport aux 400 millions d’euros inscrits précédemment, mais elles devraient coûter 1,5 ou 1,6 milliard d’euros : il y aura donc encore un trou à combler. Le problème se règle comme toujours à la dernière minute, ce qui est parfois compliqué.

En général, les crédits de titre 2 (T2) sont sous-consommés, ce qui permet de s’en tirer. Or, cette année, le T2 tient bien : on n’a donc pas de marges de manœuvre de ce côté-là. Le budget est bouclé grâce à un décalage sur le programme 146, c’est-à-dire les équipements. De fait, on observe souvent une sous-consommation ou des retards sur le programme 146 de l’ordre de 300 millions d’euros ; avec la crise du covid-19, c’est plutôt 750 millions d’euros. Cela a d’ailleurs permis de financer le plan de soutien à la défense, à hauteur de 200 millions d’euros cette année, avec la commande de trois A330. On reste donc dans les clous, mais, comme chaque année, l’atterrissage est périlleux et incertain.

Deuxièmement, on voit également poindre, s’agissant de la préparation de l’avenir, un certain nombre de problèmes d’ordre capacitaire et financier.

Il y a d’abord la question de la réparation du Perle. La ministre devrait d’ailleurs s’exprimer en fin de matinée sur le sujet. Nous n’avons que six sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) : le fait que l’un d’entre eux soit immobilisé représente un problème considérable pour nos opérations. Par ailleurs, on ne sait pas encore combien coûtera la réparation.

Ensuite, la vente de dix-huit Rafale à la Grèce, dont douze d’occasion, est certes une bonne nouvelle à l’export, mais pose un problème financier et de dimensionnement de l’armée de l’air, car ces appareils vont être prélevés sur nos forces. Or celles-ci étaient déjà dimensionnées au plus juste. En outre, il va falloir financer le remplacement, et ce n’est pas une broutille : le coût est d’un milliard d’euros environ.

J’ajoute que l’on parle de plus en plus d’un autre contrat de douze avions d’occasion avec la Croatie. Là aussi, c’est à la fois une bonne nouvelle pour nos exportations et un problème du point de vue du dimensionnement de nos forces, sans parler du coût d’un milliard d’euros lié au remplacement.

Troisièmement, si l’objectif de consacrer 2 % du PIB à la défense est atteint, il risque d’être difficile, compte tenu de la crise économique et de la baisse du PIB, de se tenir aux augmentations annuelles de 3 milliards d’euros prévues dans la LPM. C’est nécessaire pour atteindre le dimensionnement prévu, mais ce sera une charge lourde à porter dans un contexte économique très incertain.

Enfin, s’agissant de la base industrielle et technologique de défense (BITD), il est vrai que l’on fait des choses : le fonds Definvest a été créé, et la direction générale de l’armement (DGA) fait un travail considérable pour soutenir davantage les PME du secteur de la défense et comprendre les problèmes. Mais cela vient tard et n’est sans doute pas à la hauteur des enjeux. Cela fait déjà deux ans que 25 % des PME de la BITD sont dans le rouge. Le problème ne vient donc pas du covid-19 : il est structurel. Et puis, Definvest doit être doté de 100 millions d’euros sur cinq ans. Or, pour des entreprises comme Photonis, les enjeux sont de 400 ou 500 millions d’euros. Un très gros effort doit donc être fait en ce qui concerne la BITD : il faut avoir une vision plus stratégique et duale de nos questions industrielles.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure spéciale (Budget opérationnel de la défense). Le budget opérationnel de la défense se compose de deux des quatre programmes de la mission Défense : le programme 178, qui supporte les crédits de préparation, de maintien en condition opérationnelle et d’emploi des forces, et le programme 212, qui rassemble les fonctions transverses de direction et de soutien mutualisé du ministère des armées. Il supporte en particulier les crédits de personnel et de condition militaire de la mission.

Vous me permettrez de commencer par un motif de satisfaction : celle de vous présenter ce PLF qui, dans l’esprit comme dans la lettre, respecte la feuille de route de remontée en puissance fixée aux armées dans la loi de programmation militaire 2019-2025. La mémoire de la déflation opérée entre 2008 et 2015 est encore trop vive pour ne pas s’en réjouir.

Au niveau global, la marche programmée de 1,7 milliard d’euros de crédits de paiement, hors compte d’affectation spéciale Pensions, est bien là. Au sein du périmètre de mon rapport spécial, les AE augmentent de 2,8 milliards d’euros, soit une hausse de 7,6 %, et les CP de 426 millions d’euros, ce qui représente une croissance de 1,3 %.

La provision totale demandée pour couvrir les surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures se stabilise quant à elle à 1,2 milliard d’euros, un niveau conforme à la programmation et jamais atteint avant 2020.

Par ailleurs, le PLF pour 2021 permettra la poursuite de la conquête d’un niveau de disponibilité adéquat des matériels. Sur l’action 04 Préparation des forces aériennes du programme 178, les AE demandées augmentent ainsi de 78,5 %, pour atteindre 9 milliards d’euros. Elles permettront à la direction de la maintenance aéronautique d’approfondir la stratégie ministérielle de passation de contrats de maintien en condition opérationnelle globaux et de longue durée, à même de responsabiliser les industriels par le biais d’objectifs de disponibilité. En 2021, ce seront les contrats entourant les Mirage 2000, ou encore les moteurs des Rafale et des A400M qui viendront concrétiser cette stratégie. Je serai toutefois attachée à ce que la légitime attention portée au maintien en condition opérationnelle ne soit pas au détriment de la préparation opérationnelle, notamment au sein de l’armée de terre.

Dans un contexte où les grandes puissances font un usage chaque jour plus désinhibé de la force et où le caractère hybride des conflits devient la norme, nos armées doivent pouvoir s’entraîner à affronter des menaces de toute sorte, notamment l’engagement majeur, et atteindre l’excellence dans les nouveaux domaines de confrontation comme l’espace ou le cyber.

Mais cette excellence à poursuivre, cette remontée en puissance passeront avant tout, mes chers collègues, par les femmes et hommes de la défense. C’est pourquoi le PLF pour 2021 vient concrétiser la belle promesse d’une LPM « à hauteur d’homme ».

Cela s’incarne tout d’abord dans les 236 millions d’euros engagés en 2021 dans le cadre du plan hébergement, pour la rénovation et la construction d’hébergements destinés aux jeunes engagés et aux cadres célibataires. Ce plan permettra, au total, la livraison de 32 700 nouvelles places d’hébergement.

Ce sont aussi les 80 millions d’euros du plan Famille demandés pour 2021, qui serviront à ouvrir des places en crèche, à offrir le wifi outre-mer et à l’étranger, à construire et rénover des logements ou encore à mettre en place des installations sportives.

Il faut également souligner la mise en œuvre de la première marche de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), avec la création de l’indemnité de mobilité géographique militaire, pour un montant de 38 millions d’euros. Cette indemnité permettrait de mieux prendre en compte la sujétion de mobilité, consubstantielle au statut militaire, et renforce l’équité du système indemnitaire en l’ouvrant aux célibataires. Je serai toutefois très attentive à ce que la réforme fondamentale qu’est la NPRM ne trébuche pas après cette première marche : elle doit aller à son terme, afin de rendre plus lisible et plus adapté le système indemnitaire des militaires.

Par ailleurs, la prime de lien au service, créée en 2019, prendra de l’ampleur en passant d’une enveloppe de 34 millions d’euros en 2020 à 56 millions d’euros en 2021. Cette prime modulable peut être attribuée au militaire qui reconduit son engagement. L’efficience de cette prime est élevée, car la fidélisation d’un engagé volontaire de l’armée de terre permet d’éviter les 42 000 euros nécessaires au recrutement et à la formation de son remplaçant.

Le PLF pour 2021 propose un schéma d’emplois ambitieux, avec une augmentation de 300 équivalents temps plein (ETP). Ces nouveaux postes viendront répondre aux besoins des armées dans des domaines clés pour les conflictualités présentes, mais surtout futures, singulièrement en matière de renseignement et de cyberdéfense.

Si nous sommes au rendez-vous de l’autorisation budgétaire avec ce PLF, il s’agira également de nous assurer du bon déroulement de la remontée en puissance par nos travaux d’évaluation et de contrôle. À ce stade, je vous invite à adopter les crédits de la mission Défense.

M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis de la commission de la défense (Environnement et prospective de la politique de défense). Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense a pour objet de préparer l’avenir, de soutenir l’effort d’innovation de la France et de contribuer au développement de la base industrielle et technologique de défense.

À l’image de la mission dans son ensemble, dont les dotations augmentent pour la troisième année consécutive, en parfaite conformité avec la loi de programmation 2019-2025, les crédits du programme 144 sont en hausse dans le projet de loi de finances pour 2021 : environ 1,3 milliard d’euros pour les autorisations d’engagement et 137 millions d’euros pour les crédits de paiement, soit une hausse respective de 76 % et 9 %, ce qui les porte à 3,1 milliards d’euros environ en autorisations d’engagement et 1,7 milliard d’euros en crédits de paiement. Fort heureusement, la crise de la covid-19 n’a pas eu d’impact significatif sur le programme 144, si ce n’est dans une mesure relative pour l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) et pour l’École polytechnique.

J’insisterai davantage sur l’action 03 Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France, qui regroupe les crédits de la DGSE et de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), car ils enregistrent une très forte hausse : 290 % pour les autorisations d’engagement par rapport à l’an dernier, soit 1,5 milliard d’euros, et 11,4 % pour les crédits de paiement. C’est la DGSE qui en est la grande bénéficiaire, en particulier pour son programme immobilier, mais aussi ce que j’appellerai la communication. Elle pourra ainsi poursuivre ses actions, en conformité avec la stratégie définie dans la LPM ; je m’en félicite.

Pour finir, je vous informe que j’ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport pour avis à la prospective stratégique : face aux accusations d’impréparation des pouvoirs publics et de manque d’anticipation, j’ai estimé qu’il était indispensable de dresser un état des lieux de la prospective et d’évaluer la qualité des travaux faits en la matière dans le périmètre de la défense.

La commission en vient à l’examen des amendements à la mission Défense.

Article 33 et état B : Crédits du budget général

La commission examine l’amendement II-CF1039 de M. Alexis Corbière.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure spéciale. Avis défavorable, car l’amendement est satisfait : le PLF pour 2021 prévoit déjà une forte hausse des crédits de la fonction santé, avec une augmentation de 106 millions d’euros en AE, soit une hausse de 40 %.

La commission rejette l’amendement II-CF1039.

Elle en arrive à l’amendement II-CF1040 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement vise à abonder les crédits de la cellule Thémis, chargée de lutter contre le harcèlement et les troubles psychosociaux dans nos armées. J’avais déjà déposé un amendement similaire l’an dernier. La ministre avait dit qu’elle verrait au fil du temps quels seraient les besoins. Étant donné le niveau d’engagement de nos forces armées, les besoins sont toujours là, voire plus importants encore : il paraît légitime de renforcer les moyens des quelques fonctionnaires – trop peu nombreux, malheureusement – qui traitent ces questions essentielles pour que nos armées puissent s’adresser à l’ensemble de la population lorsqu’elles veillent à leur recrutement.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure spéciale. Pour répondre à votre interrogation, et à la suite de l’engagement de la ministre, je tiens à souligner les progrès réalisés grâce à cette plateforme qui est en place depuis 2014 : 180 formateurs relais ont été formés en 2019 ; 3 000 cadres ont été sensibilisés et ont eux-mêmes formé 45 000 personnels en 2019. Forte de son succès, la cellule verra son périmètre de compétence étendu à l’ensemble des discriminations à partir du 1er janvier.

La cellule recrutera, en 2021, un personnel civil de catégorie A. Ce recrutement, qui portera les effectifs à six personnes, devrait permettre à la cellule de remplir ses missions. De plus, la cellule s’appuie sur les effectifs de la délégation à l’information et à la communication de la défense (DICOD) pour ses actions de communication. Un premier bilan de l’adéquation entre les moyens et les missions sera cependant effectué à l’été 2021.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF1040.

Elle est saisie de l’amendement II-CF748 de M. David Habib.

Mme Isabelle Santiago. Cet amendement vise à augmenter les crédits en faveur du recrutement dans l’armée de terre : du retard a été pris avec la covid-19.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure spéciale. L’attractivité des métiers militaires est effectivement un enjeu majeur. Il s’agit d’ores et déjà de l’un des axes majeurs du budget de la mission dans le PLF : l’indemnité de mobilité géographique augmente de 38 millions d’euros, et la prime de lien au service passe de 34 millions d’euros à 65 millions d’euros. S’agissant des conditions de vie, le plan hébergement est doté de 237 millions d’euros en AE, le plan famille de 80 millions d’euros en AE. Le plan lycées, sur six ans, est doté de 100 millions d’euros en AE. Dans le domaine de formation propre à l’armée de terre, on observe notamment une montée en puissance liée au centre technique de l’armée de terre, avec l’ouverture de trois nouvelles classes, pour un total de 45 élèves. L’attractivité est donc au cœur des préoccupations de l’armée de terre, et le PLF permet de traiter pleinement la question. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF748.

Elle examine l’amendement II-CF749 de M. David Habib.

Mme Isabelle Santiago. Cet amendement vise à augmenter la dotation pour le gazole de manière à anticiper la hausse des cours, car ils bougent beaucoup.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure spéciale. Il est entendu qu’il est extrêmement difficile de faire des projections concernant le prix du baril de pétrole, qui est susceptible d’être affecté par les évolutions de la situation géopolitique. Cependant, le service des essences des armées développe une politique d’approvisionnement, de stockage et de tarification qui atténue les variations infra-annuelles. Dès lors, la variation des cours est perceptible seulement des mois après sur les tarifs effectivement pratiqués pour le gazole terrestre. Enfin, en dernier ressort, le ministère est à même, le cas échéant, de faire face à des surcoûts par des mesures prises en gestion. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF749.

Elle est saisie de l’amendement II-CF1248 de Mme la rapporteure spéciale Aude Bono-Vandorme.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure spéciale. Cet amendement a pour objectif de tenir compte des innovations conduites par l’industrie textile dans le monde et d’en tirer les conséquences pour nos forces armées.

Les évolutions technologiques permettent d’ores et déjà d’implanter des moyens de géolocalisation indétectables à l’œil et au toucher dans les fibres textiles. Les nouveaux textiles deviennent intelligents et sont géolocalisables, soit par un GPS, soit par une empreinte thermique, soit par une empreinte magnétique. Cela signifie, par exemple, que les uniformes, les tentes et l’ensemble des matériels comportant des fibres textiles peuvent être infectés et donc repérables. Cela représente une menace pour la sécurité de nos soldats en opération.

Dès lors, il appartient au ministère des armées de se prémunir contre ce risque en considérant l’ensemble des équipements comportant des textiles de toute nature comme de l’armement. L’accent doit être mis sur la protection contre les tentatives d’utilisation de ces tissus à des fins offensives par des pays étrangers contre nos troupes.

L’amendement vise donc à transférer 3 millions d’euros de l’action 07 Commandement et maîtrise de l’information du programme 146 Équipement des forces vers l’action 05 du programme 178. Il s’agit d’un amendement d’appel.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Je n’ai pas d’objection. Je serais même plutôt favorable à cet amendement.

M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis. En tant que rapporteur pour avis sur l’innovation, j’aurais tendance à dire à Mme la rapporteure spéciale que la question est effectivement importante. Elle s’intègre plus généralement dans ce que l’on appelle le soldat augmenté, c’est-à-dire la capacité à améliorer les conditions de combat offertes par l’équipement.

À cet égard, je rappelle qu’il n’existe pas encore de filière européenne des composants intelligents : il est important de la créer. Le document de référence de l’orientation de l’innovation de défense (DROID) précise qu’il faut assurer la sécurité d’approvisionnement de ces technologies émergentes.

Le Gouvernement est donc tout à fait attentif à ces enjeux, mais votre amendement arrive peut-être un peu tôt. Je vous demande donc, au nom du groupe majoritaire, de bien vouloir le retirer. Vous pourriez en revanche en faire l’exposé lors de la discussion dans l’hémicycle.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure spéciale. Je le retire : le débat aura effectivement lieu en séance. C’est un thème important.

L’amendement II-CF1248 est retiré.

La commission en vient à l’amendement II-CF1038 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement concerne le financement des surcoûts des OPEX, qui, depuis quelques années, reposent exclusivement sur le ministère des armées et non pas sur de l’interministériel, ce qui revient à dire que, au nom d’une prétendue sincérité des budgets, on oublie le principe selon lequel ce ne sont pas les armées qui font la guerre : c’est la nation tout entière. C’est donc elle qui doit prendre en charge les coûts de ces opérations.

L’objectif de cet amendement est de réaffecter la moitié des surcoûts liés aux OPEX. Il convient également de prendre en compte la vente des douze Rafale à la Grèce, qui est certes une bonne chose pour notre nation et pour la BITD, mais va entraîner un coût de 600 millions à un milliard d’euros pour le budget des armées.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure spéciale. Nous sommes en désaccord quant à la manière de prendre en charge les surcoûts liés aux opérations extérieures. Il est juste que ce soit la mission Défense qui accueille une provision pour répondre aux surcoûts liés à ces opérations, car elles relèvent par nature même de l’action des armées, et donc de leur budget. Si les opérations menées par les armées n’entrent pas dans le budget de ces dernières, qu’est-ce qui pourra en relever ? Cela répond au principe de spécialité des finances publiques.

Il n’est pas juste, dans la durée, que les moyens budgétaires alloués à l’éducation, aux transports ou encore à la protection de l’environnement soient amputés en fin de gestion parce que le Gouvernement ou le Parlement ne se seraient pas attachés à provisionner des moyens nécessaires pour faire face aux surcoûts opérationnels.

Par ailleurs, je vous rappelle que le montant prévu pour les OPEX ne fait que croître : on est passé de 450 millions d’euros à 700 millions d’euros, puis 850 millions d’euros, et enfin 1,1 milliard d’euros, plus 100 millions d’euros pour les missions intérieures (MISSINT). Non seulement le budget est donc sincère, mais il répond parfaitement aux besoins des OPEX et des MISSINT.

M. Bastien Lachaud. Madame la rapporteure, nous sommes bien d’accord : le budget OPEX et MISSINT ne cesse de grimper. C’est précisément mon problème. Le Parlement anticipe des opérations, alors que le surcoût OPEX est, par nature, imprévisible. D’ailleurs, s’il ne cesse d’augmenter, il ne cesse pas pour autant d’être insuffisant. Depuis la fin de la solidarité interministérielle, le budget Défense est grignoté par ce surcoût, qui va dépasser le 1,2 milliard d’euros.

Vous ne m’avez pas répondu sur le coût que va représenter pour nos armées la vente des Rafale. Elle ne rapportera que 400 millions d’euros, alors que les douze Rafale neufs coûteront environ un milliard. Avezvous des garanties de Bercy pour que ces 400 millions reviennent bien dans le budget de la défense ? Sinon, cela fera un milliard d’euros de trou dans le budget de la défense, qui n’est pas prévu dans la LPM.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Cette commande de Rafale, malgré les problèmes de financement qu’elle pose, est une bonne nouvelle pour l’industrie française. Mais le contrat n’est pas encore signé. Par ailleurs, je ne suis pas sûr qu’un rapport changerait les choses. Avis défavorable, même si vous avez eu raison d’ouvrir le débat.

La commission rejette l’amendement II-CF1038.

M. le président Éric Woerth. Nous passons aux explications de vote des groupes.

M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis. Pendant longtemps, le budget de la défense a été considéré comme une variable d’ajustement dans les crises économiques, notamment celle de 2008. La loi de programmation 2009-2014 avait, elle aussi, des ambitions importantes. En 2012, le Gouvernement avait constaté que le ministère de la défense avait accumulé une dette de 3 milliards d’euros. Le groupe La République en Marche est fier de cette majorité, qui, malgré la force inédite de la tempête qui nous assaille, maintient le cap.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je voudrais être sûre que les indicateurs de performance sont bien calibrés. La progression programmée me laisse un peu dubitative. Les crédits sont en progression et suivent en cela la LPM. Mais ce secteur est en pleine mutation, ce qui pose des questions d’une ampleur colossale, notamment pour ce qui est de l’aéronautique, et cela aura des effets sur le budget de la mission. Pour ces raisons, notre groupe s’abstiendra.

M. Jean-Paul Mattei. Mme la rapporteure a fait montre d’un enthousiasme peu masqué, si je puis dire. Mais quelques doutes demeurent, notamment sur les OPEX et les Rafale. Nous pouvons nous réjouir que le budget vienne confirmer la loi de programmation. C’est une avancée rassurante pour nos armées. Je voudrais m’arrêter quelques instants sur l’aspect humain : le plan logement et le plan famille sont essentiels. C’est une partie du budget particulièrement importante pour le moral de nos armées. Notre groupe votera les crédits.

Mme Isabelle Santiago. L’année 2021 sera particulièrement significative pour le budget de la défense, puisqu’elle verra l’actualisation à miparcours de la loi de programmation 20192025. Même si les engagements sont tenus budgétairement et qu’il y a des avancées, le budget de la défense du PLF pour 2021 comporte encore un grand nombre d’hypothèques qui rendent l’actualisation de la LPM incertaine. C’est pourquoi notre groupe s’abstiendra.

Mme Lise Magnier. Le groupe Agir ensemble votera évidemment les crédits de la mission Défense, en saluant l’effort de 1,7 milliard d’euros, conforme à la LPM, malgré la dégradation de nos finances publiques et un contexte économique extrêmement tendu. Des moyens supplémentaires seront consacrés à l’équipement des forces, mais aussi à la poursuite de la remontée en puissance des services de renseignement, particulièrement importante, et au déploiement du plan famille et du plan logement. Ce budget permettra à nos armées de garder leur niveau d’excellence et leur donne les moyens d’être prêtes dans un environnement géopolitique incertain, où les menaces sont multiples et protéiformes.

M. Bastien Lachaud. Ce budget semble légèrement à contretemps. Tout ce qui devait le justifier est peu ou prou derrière nous. Il respecte une LPM votée deux avant l’épidémie de covid19 et dont le principal objectif est obsolète – consacrer deux points du PIB à la défense –, puisque la récession est telle que l’on vient même de le dépasser. Les objectifs auraient donc dû déterminer les moyens, et non l’inverse. Or les objectifs ont également substantiellement évolué. Alors que la relance est la grande question du moment, il est vain de prétendre que la LPM ait été taillée pour elle. Tarbes Industry, Aubert & Duval et bien d’autres entreprises sont en danger. Ce n’est pas en suivant la LPM que nous pourrons mener une action ordonnée, efficace et durable de relance.

Par ailleurs, les objectifs de la LPM ontils encore vraiment cours ? C’est toute la question, puisque les chefs d’étatmajor revendiquent depuis plusieurs mois la nécessité de penser un nouveau modèle, pour faire face à un éventuel conflit de haute intensité. Si l’on engage dès aujourd’hui d’importantes dépenses, quelle marge de manœuvre resteratil au moment d’actualiser la LPM ? L’augmentation vertigineuse des restes à payer dans la plupart des programmes de la mission témoignent du risque de s’engager dans le financement de la guerre d’hier, d’autant que des dépenses imprévues, des grands chantiers peu détaillés et des reports de charges substantiels peuvent laisser planer le doute sur l’exécution : les OPEX, la réfection du Perle, dont – ironie de l’histoire – la ministre doit faire connaître aujourd’hui les objectifs, qui ne sont absolument pas financés ; la vente des Rafale ; les projets immobiliers du renseignement ; le service national universel (SNU) ; la nouvelle politique de rémunération des militaires, qui ne nous a pas été présentée dans le détail, alors qu’elle va s’étaler sur plusieurs années. Autrement dit, nous avons de nombreuses raisons de douter de ce budget. C’est pourquoi notre groupe s’abstiendra.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure spéciale. Madame Dalloz, nous avons des indicateurs d’activité, qui sont utiles pour la préparation opérationnelle, et des indicateurs de disponibilité. Nous aurions peutêtre besoin d’une meilleure prise en compte des nouveaux espaces – spatial et cyber.

Monsieur Mattei, il n’y a pas vraiment de flou sur la provision destinée aux OPEX et aux MISSINT. Nous faisons un vrai effort de clarification et de sincérisation. L’écart se réduit considérablement d’année en année.

Monsieur Lachaud, il ne vous aura pas échappé que nous sommes en pleine crise sanitaire et qu’il y a une clause de revoyure en 2021. Nous y travaillerons tous. Votre parti pris est toujours négatif. Si vous alliez à la rencontre des armées, vous vous rendriez compte que, depuis la LPM, elles sont soulagées et se sentent bien mieux considérées. Assurément, on peut toujours faire mieux, mais à un moment il faut aussi admettre que les choses progressent dans le bon sens.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. La situation appelle ces différences de points de vue. Le respect de la LPM est assez inédit et, même si je fais partie de l’opposition, je n’ai aucune gêne à reconnaître que c’est très positif. Néanmoins, et peutêtre un peu paradoxalement, on ne peut pas dire qu’aucune question ne se pose. Chaque budget est un numéro d’équilibriste. Les questions des uns et des autres ne sont donc pas uniquement dictées par leur positionnement politique, mais elles sont le reflet d’une situation très compliquée, qui interroge sur la soutenabilité même du budget. La révision de la LPM devra être un vrai exercice. Je crains qu’elle ne soit faite à la vavite et que les militaires ne tentent de passer le plus vite possible pour essayer de sauver les meubles. Or nous sommes à un moment où, pour des raisons financières et géopolitiques, il est très utile de se poser certaines questions.

M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis. Bien évidemment que le budget des armées est un outil au service de la relance ! Cette année, 22 milliards d’euros sont consacrés à la modernisation des équipements. En tout, entre 2019 et 2023, plus de 110 milliards d’euros y seront consacrés. Alors que la relance doit également être sociale, le ministère des armées sera le premier recruteur de France, avec près de 27 000 jeunes à recruter en 2021 pour faire face au défi du renouvellement.

La commission adopte les crédits de la mission Défense sans modification.

Après l’article 54

La commission examine les amendements IICF745, IICF746, IICF747 et IICF750 de M. David Habib.

Mme Isabelle Santiago. L’amendement IICF745 vise à demander un rapport d’information sur la prise en compte de la coopération européenne dans le PLF, dans un contexte de montée des risques internationaux. L’amendement IICF746 vise à évaluer la politique d’équipement de la France, notamment ses coûts en comparaison avec nos alliés européens et au sein de l’OTAN. L’amendement IICF747 concerne une demande de rapport sur le problème récurrent des faiblesses de la préparation opérationnelle des forces armées, notamment de l’armée de terre. Enfin, l’amendement IICF750 vise à demander un rapport, afin d’améliorer la coordination logistique entre l’emploi des personnels et l’utilisation des matériels, compte tenu des contraintes existantes au sein des armées de terre, de l’air et de la marine.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure spéciale. S’agissant de l’amendement IICF745, notre assemblée devrait vous fournir sous peu les éléments que vous réclamez. La commission des affaires européennes et la commission de la défense ont créé un groupe de travail commun sur la défense européenne. La première mission d’information vient d’être lancée, avec pour rapporteures Natalia Pouzyreff et Michèle Tabarot, sur la coopération structurée permanente (CSP). Avis défavorable.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Avis défavorable également sur l’amendement IICF746. D’une part, nous recevons tous les six mois une information sur l’avancement de la fabrication des équipements ; d’autre part, la révision de la LPM nous offrira l’occasion d’envisager les choses plus globalement, comme vous le souhaitez.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure spéciale. Avis défavorable sur l’amendement IICF747, puisque votre demande de rapport me semble assez largement satisfaite par la documentation budgétaire, en particulier par l’indicateur 5.1 sur le niveau de réalisation des activités et de l’entraînement, rattaché au programme 178. Concernant les moyens d’améliorer la préparation opérationnelle, les auditions régulières que nous avons avec les chefs d’étatmajor et la documentation budgétaire me semblent suffisamment éclairantes.

Quant à l’amendement IICF750, il aborde un thème de réflexion intéressant, mais qui me semble relever d’une mission de contrôle du Parlement plutôt que d’un rapport du Gouvernement. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud. L’amendement IICF746 mentionnait un comparatif des dépenses d’équipements entre la France et ses voisins européens au sein de l’OTAN, ce qui ne relève donc pas directement de la LPM. Un tel rapport serait important pour penser la place de la France dans cette alliance que le Président Macron luimême a déclarée « en état de mort cérébrale ».

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Je pense que cela relève plutôt d’une mission d’information de la commission de la défense.

M. le président Éric Woerth. Ce serait un projet de mission intéressant.

La commission rejette successivement les amendements IICF745, IICF746, IICF747 et IICF750.

Puis elle passe à l’examen de l’amendement IICF1034 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. L’amendement vise à obtenir un rapport sur les conséquences financières de la vente de dixhuit Rafale à la Grèce. Il serait l’occasion pour le Gouvernement de réaffirmer son engagement de réaffecter les 400 millions d’euros issus de la vente des douze Rafale d’occasion au budget de la défense, pour éviter qu’ils ne perdent dans les limbes de Bercy.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Ce rapport, comme je vous l’ai déjà dit, me semble assez inutile. Il faudrait, en réalité, que vous interrogiez la ministre lors d’une séance de questions au Gouvernement.

M. le président Éric Woerth. Les limbes de Bercy, monsieur Lachaud, ce sont les crédits de la nation…

La commission rejette l’amendement II-CF1034.

Elle examine l’amendement IICF1035 de M. Alexis Corbière.

M. Bastien Lachaud. Nous engageons une vaste réforme du paiement des soldes : la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM). Si elle est attendue, elle suscite aussi des inquiétudes légitimes, qu’il conviendrait de dissiper rapidement. Or on nous demande de voter la première étape de cette réforme, avec une prime de 38 millions d’euros, sans disposer de la moindre visibilité sur les étapes ultérieures. Cela me semble compliqué. J’ai interrogé des militaires en audition, qui n’ont pas plus d’éléments. Un rapport du Gouvernement présentant la globalité de la réforme serait utile pour rassurer les militaires et nous permettre de voter le budget sereinement.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure spéciale. Demande de retrait ou avis défavorable. Le délai de remise du rapport que vous souhaitez est bien trop court, la NPRM n’ayant pas encore sa forme définitive. Laissez les choses se faire.

M. Bastien Lachaud. J’entends votre remarque. Alors que les militaires sortent du système Louvois, qui a été une calamité absolue, on leur annonce une première prime, sans qu’ils sachent à quelle sauce ils vont être mangés. Lancer une réforme de la solde, sans en connaître l’aboutissement, me semble un signe d’impréparation de la part du ministère. Votre réponse, madame la rapporteure, rend le rapport d’autant plus nécessaire.

La commission rejette l’amendement II-CF1035.

Elle est saisie de l’amendement IICF1036 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. L’amendement vise à demander un rapport exposant précisément le montant des transferts d’armes et des prestations y afférant en direction de l’Arabie saoudite, des Émirats Arabes Unis et de la Turquie, autant de pays qui financent des groupes terroristes islamistes. Lors de l’examen de la LPM, à la demande de notre groupe que la Turquie soit ajoutée à la liste des puissances pouvant menacer les intérêts de la France, on avait objecté qu’elle était un allié de l’OTAN. Or c’est la Turquie qui a engagé des manœuvres hostiles à l’égard du Courbet, au large de la Libye, il y a quelques mois. Le rapport serait utile pour envisager la suite de nos relations avec ces pays.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Monsieur Lachaud, vous savez qu’un rapport sur les ventes d’armes est adressé chaque année au Parlement. C’est un sujet éminemment politique. Je pense que le rapport que vous demandez n’apportera pas grandchose et que le débat doit avoir lieu au sein de la commission de la défense et, encore plus, au sein de la commission des affaires étrangères.

M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis. Jacques Maire et Michèle Tabarot ont été missionnés il y a un an pour contrôler les exportations d’armement et rendent leur rapport dans trois semaines.

La commission rejette l’amendement II-CF1036.

Elle examine l’amendement IICF1037 de M. Alexis Corbière.

M. Bastien Lachaud. La délégation à l’information et à la communication de la défense (DICOD) est au cœur d’une polémique depuis quelques mois, à propos de ses relations avec les journalistes, notamment de défense, et de la manière dont elle gère un budget important et un grand nombre de fonctionnaires – entre 1 300 et 1 400. La DICOD représente également un enjeu de sécurité, notamment dans la guerre de l’information. Or on assiste à une multiplication des porteparoles et des community managers, ce qui donne une impression contrastée entre prolixité et opacité. L’association des journalistes de défense a pointé une grave dégradation de leurs conditions de travail avec le ministère des armées. Étant donné que le budget de la DICOD est en perpétuelle augmentation, ce qui peut se justifier, un rapport précisant l’organisation et la composition des différents services de communication du ministère des armées, leurs liens organiques et hiérarchiques, la ventilation et la consommation des crédits qui leur sont alloués, ainsi que les éventuelles perspectives de rationalisation de leur fonctionnement, ne pourrait qu’être bénéfique pour mieux gérer les fonds publics.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure spéciale. Avis défavorable. La formulation de votre amendement ne laisse pas de place, dans le rapport, à une partie consacrée à l’activité et aux performances des services en question. Par ailleurs, notre collègue, Claude de Ganay, a réalisé un travail sur le sujet. Attendons ses résultats.

M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis. Bastien Lachaud est membre de la commission de la défense. Or, hier, Claude de Ganay nous a présenté son rapport thématique sur la DICOD, qui sera disponible demain ou aprèsdemain.

La commission rejette l’amendement II-CF1037.

 

La commission passe à l’examen des crédits de la mission Enseignement scolaire.

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. Vous comprendrez aisément que je ne peux commencer mon intervention sans rendre hommage, en notre nom à tous, à Samuel Paty, enseignant en histoiregéographie de quarantesept ans, qui a été lâchement assassiné la semaine dernière, pour avoir montré des caricatures. Nous pensons à sa famille, à ses collègues et à tout le corps enseignant de notre pays, qui est meurtri, et nous avec eux. Ce dramatique attentat nous engage à nous montrer d’autant plus dignes dans le débat, d’autant plus responsables, à être aux côtés de la communauté des enseignants, à les soutenir dans leur tâche et à veiller à ce que les paroles deviennent des actes.

M. le président Éric Woerth. Je vous propose d’observer une minute de silence.

(Mmes et MM. les députés observent une minute de silence.) 

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. Il est difficile, après une telle évocation, de revenir à un propos plus technique et plus politique, mais je crois précisément qu’il nous faut le faire. L’éducation est la priorité du quinquennat, avec un budget de 75,92 milliards d’euros en crédits de paiement demandés pour 2021, en augmentation de 2,6 %, soit 1,9 milliard d’euros supplémentaires par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2020. Dans un contexte particulier, marqué par la crise sanitaire, le premier budget de la nation reflétera en 2021 la poursuite des grandes réformes de l’éducation nationale menées depuis trois ans pour une école de l’égalité des chances et de l’inclusion, afin de concrétiser la promesse républicaine du Président de la République, exprimée le 8 septembre dernier, à l’occasion de la rentrée scolaire, de donner à chaque jeune les mêmes chances de réussir, quels que soient son lieu de naissance, son nom ou son milieu social.

L’effort engagé en faveur du premier degré se traduira par : la création, une nouvelle fois, de postes d’enseignants – les 2 039 nouveaux postes permettant de plafonner les effectifs des classes de grande section, CP et CE1, hors éducation prioritaire ; l’extension aux grandes sections du dédoublement des classes en éducation prioritaire en 2022, qui concernera 150 000 élèves ; le renforcement des dispositifs d’accompagnement personnalisé des élèves dont le dispositif « Devoirs faits », notamment pour pallier les difficultés rencontrées par les élèves du fait de la crise sanitaire.

L’enseignement du second degré sera marqué par : l’aboutissement de la réforme du lycée et le nouveau baccalauréat ; la valorisation du lycée professionnel et du lycée agricole – campus d’excellence, innovations pédagogiques et parcours en apprentissage ; un renforcement des dispositifs d’orientation pour accompagner les élèves, dont le dispositif « Cordées de la réussite », et des dispositifs de promotion de l’apprentissage des langues étrangères – plan langues.

Des efforts particulièrement significatifs sont faits en faveur de l’inclusion scolaire, avec notamment le recrutement de 4 000 accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), l’objectif étant qu’aucun élève ne soit laissé sans solution. Le service public de l’école inclusive est généralisé dans tous les départements : déploiement progressif des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL) couvrant les deuxtiers des collèges, qui s’achèvera en 2021 ; poursuite de la création de nouvelles unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS), dont 368 ont été ouvertes à la rentrée 2020.

Enfin, la revalorisation de la carrière des enseignants est poursuivie, avec une enveloppe globale de 400 millions d’euros, ciblée vers les enseignants en début de carrière et les directeurs d’école. Une prime de 1 000 euros nets bénéficiera aux enseignants en REP+, ce qui représente 24,6 millions d’euros dans le premier degré et 22,1 millions d’euros dans le second degré. Le déploiement du dernier volet du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) représentera un budget de 19,1 millions d’euros dans le premier degré et 16,7 millions d’euros dans le second degré.

Chers collègues, les avis que je donnerai dans quelques instants, les débats que nous aurons seront, j’en ai l’intime conviction, guidés par le pragmatisme nécessaire à toute entreprise politique, et je dirais même citoyenne. Le budget de l’enseignement scolaire traduit notre attachement, quelles que soient nos convictions politiques, à la fabrication de citoyens libres. Je formule le vœu, dans ce contexte très difficile, que nous puissions avoir des échanges apaisés, ce qui ne signifie pas qu’il faille gommer nos divergences, saines pour la démocratie, mais que nous saurons le faire avec la conscience de la gravité du moment et de la responsabilité qui est la nôtre.

Mme Cécile Rilhac, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Le budget de l’enseignement scolaire s’inscrit, cette année encore, dans une trajectoire ascendante. L’année 2020-2021 voit le déploiement et la poursuite de l’application des réformes, notamment celle engagée par loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance. L’accueil des élèves en situation de handicap a été amélioré grâce à la poursuite du déploiement des pôles inclusifs d’accompagnement localisé, les PIAL, et la hausse du recrutement des accompagnants d’élèves en situation de handicap.

L’instruction est désormais obligatoire dès l’âge de 3 ans et les 16-18 ans sont soumis à une obligation de formation. Le dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les réseaux d’éducation prioritaires REP et REP+ est achevé et s’étend dans certains territoires à la grande section de maternelle. De même, le nombre d’élèves dans les classes de grande section de maternelle, de CP et de CE1 est plafonné à vingt-quatre élèves dans une grande partie du territoire. Enfin, le baccalauréat 2021 se déroulera entièrement sous sa nouvelle forme.

Par ailleurs, la préprofessionnalisation est, aujourd’hui, proposée à un nombre supérieur d’assistants d’éducation afin de faire découvrir les métiers de l’éducation, en particulier ceux de l’enseignement. Des mesures ont également été prises en faveur des directeurs d’école afin que leur rôle particulier et leur charge de travail soient pris en considération à leur juste valeur. Je présenterai un amendement qui vise à améliorer leurs conditions de travail.

Enfin, ce budget prévoit un effort en faveur des personnels de l’éducation nationale. L’ensemble des mesures va dans le bon sens. La hausse du budget pour 2021 permet d’œuvrer pour une école plus juste, plus égalitaire et plus inclusive. L’école de la République est le vecteur de transmission de nos valeurs. Elle forme les citoyens de demain qui sont l’avenir de la nation.

La commission en vient à l’examen des amendements à la mission Enseignement scolaire.

Article 33 et état B : Crédits du budget général

Elle est saisie, en discussion commune des amendements II-CF976 de M. Michel Larive et II-CF1074 de Mme Cathy Racon-Bouzon. 

Mme Sabine Rubin. Par l’amendement II-CF976, nous souhaitions nous opposer aux multiples cadeaux offerts par le Gouvernement à l’école privée et dénoncer les conditions de travail des directeurs et des directrices. La proposition de loi Rilhac n’a pas résolu le problème de la décharge. Elle a entraîné l’obligation pour les communes de financer les écoles maternelles privées sous contrat. Le Gouvernement compense cette charge supplémentaire à certaines conditions. C’est l’objet de la création d’une ligne « scolarisation à 3 ans », dotée de 100 millions d’euros de crédit de paiement. Mais ce n’est pas le seul cadeau que le Gouvernement a choisi de faire à l’enseignement privé puisque, au total, il obtient 7 milliards d’euros de crédit de paiement.

Pendant ce temps, le public subit la pénurie des moyens et les directeurs d’école en sont les premières victimes. Nous demandons à ce que leur temps de décharge soit réellement augmenté. Vous reconnaissez vous-même l’ampleur de leur tâche. Pas moins de 87 % d’entre eux se plaignent d’être régulièrement interrompus, quand ils sont en classe, pour répondre à une sollicitation liée à leur fonction de direction. Comment les aider à mener correctement cette mission ?

Mme Cécile Rilhac, rapporteure pour avis. L’amendement II-CF1074 vise à modifier les décharges octroyées aux directeurs des écoles maternelles et élémentaires afin de leur permettre d’accomplir l’ensemble des missions qui leur sont confiées, dans de bonnes conditions.

Dans la proposition de loi créant la fonction de directeur d’école votée le 26 juin par notre assemblée, nous imposions une refonte du calcul des décharges afin de prendre en compte les spécificités des écoles et ne plus retenir pour seul critère celui du nombre de classes. Ainsi, comme je le soulignais dans mon rapport de 2018, les directeurs d’école de plus de dix classes devraient bénéficier d’une décharge à temps plein, de même que ceux dont les écoles accueillent des enfants à besoins particuliers ou en situation de handicap devraient avoir des heures de décharge supplémentaires. De même, les regroupements pédagogiques intercommunaux ou communaux devraient pouvoir bénéficier d’une coordination et d’une direction déchargée plus importante. Les directeurs d’école de trois classes devraient, par ailleurs, bénéficier régulièrement d’une journée de décharge.

Ces mesures nécessitent l’équivalent de 2 450 ETP pour les décharges à temps plein et 900 ETP pour les écoles de trois classes. Cette mesure pourrait être appliquée dès la rentrée 2021 puis monter progressivement en puissance lors des autres rentrées, en s’inscrivant, par exemple, dans une prochaine loi de programmation pluriannuelle pour l’école.

Un effort de 42 millions d’euros permettrait d’engager cette réforme dès la rentrée 2021 en créant des postes d’enseignants supplémentaires au concours 2021 afin de remplacer les directeurs d’école qui seraient déchargés.

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. Il s’agit de créer un nouveau programme Décharges de direction d'école, doté de 90 millions d’euros, minoré par les crédits du programme Vie de l’élève. Je suis consciente du rôle essentiel que jouent les directeurs d’école dans le système éducatif. Leurs responsabilités sont multiples et se sont accrues au cours des dernières années. D’ailleurs, durant l’année 2019-2020, inédite à plusieurs titres, la mobilisation des directeurs d’école, qui a été exceptionnelle, a permis de maintenir les liens de la communauté éducative, de proposer aux élèves une véritable continuité pédagogique. Le Gouvernement se mobilise aussi, depuis deux ans, pour mieux faire connaître les spécificités de leur mission et améliorer leurs conditions d’exercice. Il a engagé des travaux en ce sens. Hors la prime de 450 euros qui sera versée à la fin de l’année, le ministre conduit, à l’occasion de son agenda social, avec les organisations syndicales, des travaux pour améliorer la décharge des directeurs d’école, en questionnant leurs critères et modalités d’attribution.

Ces travaux s’articulent avec ceux liés à l’examen de la proposition de loi de Mme Cécile Rilhac, votée en première lecture à l’Assemblée nationale, le 25 juin 2020, qui crée la fonction de directeur d’école.

Par ailleurs, une circulaire, consacrée aux fonctions et aux conditions de travail des directeurs d’école, élaborée par la direction générale de l’enseignement scolaire et publiée le 27 août 2020, prévoit de donner du temps aux directeurs d’école, de simplifier et de donner de la visibilité, d’accompagner les directeurs d’école et de renforcer les échanges entre pairs. D’autres groupes de travail se pencheront sur les modalités de revalorisation du régime indemnitaire des directeurs d’école et les questions de sécurité.

Dans l’attente des conclusions des travaux de l’agenda social, je rends un avis défavorable aux amendements, s’ils ne sont pas retirés.

La commission rejette l’amendement II-CF976.

L’amendement II-CF1074 est retiré.

Elle étudie l’amendement II-CF1003 de Mme Sylvie Tolmont. 

Mme Sylvie Tolmont. Cet amendement tend à augmenter le nombre de création d’unités localisées pour l'inclusion scolaire, les ULIS école. Elles représentent une alternative efficace pour les élèves qui ont besoin d’un enseignement adapté et dont le handicap ne permet pas une scolarisation dans une classe ordinaire.

Aujourd’hui, plus de 51 000 élèves, soit 1,2 % des élèves, sont concernés par ces dispositifs, ce qui représente une augmentation de près de 30 % en dix ans.

En 2018, le taux de couverture des notifications d’affectation en ULIS écoles a baissé de 86,6 % à 85,6 %, en particulier du fait de l’augmentation des demandes.

Le nombre d’élèves scolarisés dans ces dispositifs augmente, mais bien plus lentement que celui des élèves en situation de handicap. Alors qu’ils concernaient près de 40 % des élèves en 2004, ils en représentent aujourd’hui moins de 30 %. Le nombre d’élèves reconnus handicapés, dans le premier degré, a doublé en quinze ans, alors que ceux concernés par ces dispositifs n’ont augmenté que de 35 %.

Le Gouvernement annonce la création de 250 ULIS lycées pour le quinquennat. Il faut un investissement similaire, dès le premier degré, pour permettre de créer des dispositifs d’accompagnement adaptés à tous les élèves.

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. Vous proposez de majorer de 5 millions le programme 140 mais de minorer d’autant le programme 214, Soutien de la politique de l’éducation nationale.

53 380 élèves sont scolarisés en ULIS école en 2020. On compte, en 2020, 5 096 ULIS école, soit 75 de plus qu’en 2019 et 177 de plus qu’en 2018. Si le taux de couverture des notifications d’affectation en ULIS école a légèrement baissé à 85,6 % en 2018, il s’est nettement amélioré en 2019 puisqu’il atteint 86,7 %. Le ministère vise 88 % en 2020 et 89 % en 2021. Cette amélioration serait également permise par la création d’un véritable service de l’inclusion scolaire dans chaque département de France. La généralisation des PIAL permettra également de mieux répondre aux notifications d’affectation en ULIS. Enfin, le nombre d’AESH augmente puisque 4 000 postes seront créés en 2021, comme l’année précédente. L’année dernière, vous aviez déposé le même amendement et je vous avais proposé de refaire le point sur le taux de couverture l’année suivante. Ma réponse sera la même cette année. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF1003.

Elle étudie, en discussion commune, les amendements II-CF998 de Mme Sylvie Tolmont et II-CF983 de M. Michel Larive. 

Mme Sylvie Tolmont. Cet amendement vise à financer la titularisation d’une partie des contractuels de l’enseignement secondaire. Alors que le Gouvernement réduit les effectifs dans le second degré, il est proposé de titulariser, chaque année, 10 % des agents contractuels, sous condition d’ancienneté.

Le volume des contractuels, qui atteint 40 % dans certaines zones tendues où le recrutement d’enseignants dans certaines matières demeure difficile, est en contradiction avec l’exigence de stabilité des équipes, élément pourtant déterminant dans une politique tournée vers la réussite des élèves.

L’éducation nationale recourt régulièrement, aujourd’hui, aux enseignants non titulaires, qui sont environ 37 000.

Ces postes précaires mettent les enseignants dans des situations difficiles, instables, qui ne favorise ni leur épanouissement personnel ni le bon exercice de leur métier. En effet, ils doivent s’adapter, sur des périodes très courtes, à des types d'établissements, des niveaux et de programmes différents. De plus, ce statut, qui ne les associe pas à la formation, les défavorise aussi pour leur rémunération et leur retraite.

Certains de ces enseignants ont de nombreuses années d’expérience et devraient pouvoir être titularisés sans avoir à valider les concours internes, en fonction de la qualité de l’exercice de leur enseignement et de critères validés par le dialogue social au sein de l’institution.

Malgré le plan Sauvadet, en 2012, le processus de titularisation fonctionne mal, alors que la qualité du travail fourni par les contractuels nécessiterait une reconnaissance et une intégration dans le corps de l’État. Il serait nécessaire de mettre en place un nouveau dispositif qui prenne la suite tout en l’améliorant et en tenant compte de l’expérience des contractuels.

Mme Sabine Rubin. C’est devenu une habitude de privilégier les contractuels plutôt que les titulaires. C’est la nouvelle doctrine des ressources humaines de l’éducation nationale. Pour démanteler un système, on ne fait pas mieux.

Cette année encore, on préfère recruter 35 315 contractuels dans le secondaire plutôt que d’ouvrir le nombre de postes nécessaire aux concours de recrutement afin de couvrir les postes vacants.

Dans le premier degré également, on préfère embaucher massivement des contractuels, dont on se demande d’ailleurs comment ils sont formés, plutôt que de recruter des enseignants classés sur la liste complémentaire du concours de professeur des écoles.

Ainsi, dans mon département de la Seine-Saint-Denis, où il serait important de stabiliser les équipes, 600 contractuels ont été recrutés alors que 242 candidats étaient inscrits sur la liste complémentaire. C’est incompréhensible.

Les enseignants se retrouvent dans une situation de grande précarité et la question se pose de la considération que l’on porte à leur métier. Ces contractuels n’ont pas les mêmes droits que les enseignants et les équipes ne peuvent atteindre la stabilité dont elles ont pourtant besoin.

Nous demandons, par conséquent, la mise en place d’un plan de titularisation de contractuels de l’éducation nationale qui exercent des missions sur des emplois pérennes.

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. Vous proposez de titulariser « une partie » des contractuels. Une réforme d’une telle ampleur ne peut être discutée au détour d’un amendement. Qui plus est, votre proposition n’est pas précise : titulariser une partie des contractuels, puis 10 % chaque année. Le chiffrage de la mesure n’est pas justifié, les modalités de sa mise en œuvre sont inconnues. Faudra-t-il ouvrir plus de places au concours ? La titularisation sera-t-elle automatique ? Le concours doit rester la porte d’entrée de la titularisation. Je vous renvoie également au rapport de la Cour des comptes, publié en 2017, relatif à la gestion du corps enseignant. Il m’apparaît important, par ailleurs, de ne pas dévaloriser le concours. Avis défavorable.

Mme Michèle Victory. L’année dernière, nous avons déposé un amendement, qui a été adopté, pour que le Gouvernement nous remette un rapport en la matière. Il ne nous a toujours pas été remis, ce qui est dommage. Comment voulez-vous, dans ces conditions, que nous vous donnions des chiffres ?

La commission rejette successivement les amendements II-CF998 et II-CF983.

Elle passe aux amendements, en discussion commune, II-CF999 de Mme Sylvie Tolmont, II-CF944 de Mme Elsa Faucillon et II-CF974 de M. Michel Larive.

Mme Sylvie Tolmont. Cet amendement vise à revenir sur la baisse des 897 ETPT dans le second degré public.

Nous déplorons que le Gouvernement continue, dans ce budget, de supprimer des postes d’enseignants dans le second degré public. En 2019, 2 650 postes d’enseignants avaient déjà été supprimés, puis 440 le furent en 2020. Cette tendance n’est plus possible ! Elle nuit grandement à la qualité de l’enseignement dispensé, d’autant plus qu’en parallèle, le nombre d’élèves ne cesse d’augmenter – 27 515 de plus à la rentrée 2019, 21 845 de plus à la rentrée 2020.

M. Jean-Paul Dufrègne. Cet amendement vise à transférer un euro symbolique de l’action 9 Fonctionnement des établissements du programme 139 Enseignement privé du premier et du second degrés vers l’action 1 Enseignement en collège du programme 141 Enseignement public du second degré.

Il est en effet précisé dans ce programme que le schéma d’emplois à la rentrée 2021 prévoit une réduction de 1 800 emplois d’enseignants du second degré public. Alors que 28 000 élèves supplémentaires sont attendus pour l’année prochaine, le schéma d’emplois à la rentrée 2021 prévoit une réduction de 1 800 emplois d’enseignants du second degré public, qui seraient compensés par la budgétisation d’heures supplémentaires proposées aux enseignants.

Nous contestons vivement cette logique. D’une part, cette nouvelle suppression de postes dans le secondaire renforcera les tensions déjà observées dans les collèges et les lycées. En effet, à chaque rentrée, depuis plusieurs années, ce sont des centaines de nouveaux lycéens qui se trouvent sans affectation en lycée, faute de places en classes de seconde.

D’autre part, la compensation de ces postes supprimés par l’ouverture d’heures supplémentaires n’est qu’un élément d’arbitrage, étant donné le niveau de pression qui pèse déjà sur les enseignants en poste. Ce mécanisme, déjà proposé les années passées, s’est révélé très peu efficace puisque la majorité des heures supplémentaires proposées n’ont pas été utilisées – moins de deux tiers de l’offre consommée l’année dernière.

Mme Sabine Rubin. Pas moins de 1 800 emplois d’enseignants sont supprimés dans le second degré public alors que 23 300 élèves supplémentaires sont attendus. Depuis 2018, 7 490 emplois ont été supprimés quand, dans le même temps, les effectifs augmentaient de près de 68 000 élèves. C’est le monde à l’envers !

La compensation des emplois manquants par des heures supplémentaires que les enseignants doivent ajouter à leurs heures de service devient un mode de fonctionnement ingérable. Un syndicat a déploré que, cette année, l’avalanche d’heures supplémentaires pour pallier le manque organisé de personnels soit tel qu’il dépasse l’entendement, car pas moins de l’équivalent de 2 500 postes seraient financés en heures supplémentaires à la rentrée 2020. Voilà comment fonctionnent les collèges et les lycées, au moment où l’on déplore tout ce qu’il s’y passe !

Rappelons qu’en 2013, ces enseignants « qui ne font rien » travaillaient déjà, en moyenne, 41 heures par semaine. Depuis l’année dernière, ils sont obligés d’accepter une deuxième heure supplémentaire de cours par semaine pour compenser le refus du Gouvernement de recruter des enseignants. Quand arrêtera-t-on de tirer sur la corde ?

Au-delà des conditions de travail des professeurs qui se dégradent, ce sont les collégiens et les lycées qui sont moins bien accompagnés. Les chiffres ne disent pas tout, il faut aussi écouter ce que nous disent les enseignants. Les médias relaient leur parole et il faut lui donner écho dans votre budget.

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. Vous proposez d’abonder le programme Enseignement scolaire public du second degré pour créer 997 postes pour la rentrée 2020, ce qui correspond à la mise en œuvre du rééquilibrage en faveur du premier cycle, engagé depuis le début du quinquennat. En outre, la diminution du nombre d’ETP dans le second degré s’explique aussi par la démographie. En effet, les effectifs de collégiens et de lycéens seront stables à partir de 2022 pour diminuer à partir de 2024 – dès 2022 dans les collèges. Il s’agit aussi d’anticiper cette situation mais, globalement, tous programmes confondus, les moyens mis à la disposition du second degré public augmentent encore d’environ 1,5 %. En particulier, l’effort est porté sur les dispositifs d’inclusion scolaire et les dispositifs de soutien aux élèves en situation de fragilité comme « Devoirs faits ». En outre, l’adoption de cet amendement priverait l’action 8 du programme 214 de 10 % de ses crédits, ce qui entraînerait l’abandon des grands projets structurants informatiques du ministère. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements II-CF999, II-CF944 et IICF974.

Elle en vient à l’amendement II-CF1004 de Mme Michèle Victory. 

Mme Michèle Victory. Cet amendement vise à augmenter les moyens consacrés aux lycées professionnels. Si la réforme de l’enseignement professionnel a pour objectif de faire de la voie professionnelle un parcours de réussite et d’excellence pour les élèves, elle doit s’accompagner de moyens supplémentaires pour les lycées et les enseignants.

Je pourrais multiplier les exemples : des demi-groupes pour donner corps à tous les dispositifs comme le chef-d’œuvre ou la co-animation, qui restent, pour le moment, essentiellement pris sur les heures d’accompagnement personnalisé. Faute de temps, les lycées ne parviennent pas à mettre en œuvre cette réforme.

L’enseignement professionnel scolaire a en effet pour vocation de permettre une insertion immédiate sur le marché du travail ou une poursuite des études en proposant une réponse adaptée aux besoins des élèves. Plus de 1 500 lycées professionnels forment près de 523 000 élèves de l’enseignement public chaque année, dans plus de 300 spécialités.

À la rentrée 2021, 520 433 élèves sont attendus en lycée professionnel. Ce sont autant de spécialisés qui demandent un suivi spécifique, des moyens et un encadrement importants pour les lycées professionnels.

Le problème des heures se pose mais aussi celui de la formation des enseignants qui doivent enseigner à des apprentis de plus en plus nombreux, répartis dans des groupes hétérogènes.

Les lycées professionnels ne peuvent pas bénéficier des mesures de relance du Gouvernement concernant l’apprentissage car les apprentis ne rentrent pas dans leurs effectifs. De surcroît, en termes d'emploi, les syndicats dénoncent des transferts de la voie professionnelle vers la voie technologique et générale ainsi que des baisses horaires dans certaines disciplines.

Dans ce contexte, les lycées professionnels seront peu en mesure de prendre en compte les évolutions et les transitions nécessaires sur le marché de l’emploi pour leurs élèves.

Cet amendement tend, par conséquent, à augmenter les moyens des lycées professionnels de 10 millions d’euros.

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. Vous voulez augmenter les moyens des lycées professionnels. Les crédits consacrés à l’enseignement professionnel augmenteront en 2021 d’un peu plus de 62 millions d’euros. Les moyens sont donc là. Vous évoquez les difficultés que pourraient rencontrer les élèves à leur arrivée sur le marché de l’emploi. Trois leviers sont retenus pour renforcer la voie professionnelle, créer des campus d’excellence, proposer des formations de pointe aux métiers de demain, favoriser l’innovation pédagogique et les parcours en apprentissage.

La politique gouvernementale d’aide à la création de contrats d’apprentissage par les entreprises pour les contrats signés à compter du 1er juillet 2020 jusqu’au 28 février 2021 vise à atténuer les effets de la crise sanitaire sur l’insertion professionnelle des jeunes à la sortie du lycée professionnel. Tous les efforts sont donc faits pour continuer à valoriser la filière professionnelle. Avis défavorable.

Mme Michèle Victory. Vous ne répondez pas à ma question qui portait sur la répartition des heures au sein des établissements. Faute d’un nombre d’heures suffisant, les activités prévues par le programme se reportent sur les heures dédiées à l’accompagnement personnalisé.

La commission rejette l’amendement II-CF1004.

Elle est saisie de l’amendement II-CF1251 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Mme Cécile Rilhac, rapporteure pour avis. Cet amendement, proposé hier par Mme Sylvie Charrière et adopté par la commission des affaires culturelles et de l’éducation, vise à revenir, a minima, aux crédits antérieurs qui s’élevaient à 3 659 830 euros en 2020, en fléchant 2 043 800 euros pour la mission de lutte contre le décrochage scolaire.

Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement s’est fortement mobilisé pour la réussite de notre jeunesse, en votant notamment une mesure forte dans la loi pour une école de la confiance, qui s’applique depuis la rentrée 2020 : l’obligation de formation des 16-18 ans. Cette mesure tend à mettre fin aux sorties sèches du système scolaire et se couple avec de nombreuses autres mesures liées à l’orientation et à l’insertion des jeunes.

Cette année, les crédits de la mission de lutte contre le décrochage scolaire s’élèvent à 1 616 030 euros. Elle subit ainsi une perte de crédits de 2 043 800 euros par rapport à la loi de finances pour 2020.

Cette baisse, qui ne correspond pas aux ambitions gouvernementales amorcées depuis le début du quinquennat, risque de réduire la capacité d’action de la mission de lutte contre le décrochage scolaire, d’autant plus primordiale en raison de la crise sanitaire et dans le cadre des objectifs du plan Jeunes.

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. La mission de lutte contre le décrochage scolaire participe à la prévention de la rupture de formation, en repérant les signes précurseurs du décrochage scolaire. Elle conseille également les équipes éducatives en matière de décrochage. Les personnels de la mission mettent en œuvre des actions d'information, de remobilisation et de préparation à l’examen. Vous avez raison de souligner l’importance de cette mission. Les crédits ont en effet été réduits pour 2021 mais il s'agit de crédits d’intervention pour la mission, non de crédits de personnels. En 2019 et 2020, ils intégraient une dotation de 1 450 000 euros pour accélérer la mise en œuvre du plan de lutte contre le décrochage. Cependant, je comprends vos préoccupations, aussi rendrai-je un avis favorable.

La commission adopte l’amendement II-CF1251 (amendement n° 1172).

Elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF981 de M. Michel Larive et II-CF979 de M. Jean-Hugues Ratenon. 

Mme Sabine Rubin. Entre les déclarations du Gouvernement sur la consolidation des emplois des AESH et la réalité, il y a un gouffre. Chaque année, le même reproche est fait au Gouvernement, par la voix même de Mme la rapporteure spéciale qui a pu écrire, dans son rapport, que la programmation et la présentation de la masse salariale constituaient le principal enjeu en matière de sincérité budgétaire pour la mission. Elle ajoutait que le ministère continuait d’améliorer, en 2019, la lisibilité budgétaire de sa masse salariale. Pour cela, il rapatriait sur le titre 2 des crédits inscrits dans d’autres natures de dépenses – dépenses de fonctionnement ou dépenses d’intervention – et ne figurant pas dans les plafonds d’emploi. Elle terminait en écrivant que la transformation de l’ensemble des postes d’AESH en contrats stables était inscrite dans le PLF pour 2020.

On aurait donc pu s’attendre à ce que, dans le PLF 2021, tous les postes d’AESH figurent dans le titre 2. C’est tout l’inverse. Non seulement il n’y a que 36 319 ETP travaillés inscrits mais les 4 000 emplois d’AESH mis en avant par le Gouvernement se transforment en un ajout de 1 333 ETPT hors titre 2, pour porter le nombre d’ETPT AESH à 38 516.

Il devient impossible, pour les parlementaires et les citoyens, de contrôler cette ligne budgétaire. Combien de personnes physiques sont-elles concernées ? Les AESH travaillent quasiment toujours à temps partiel. Ces informations ne sont pas vérifiables, ce qui explique que la Cour des comptes et le Parlement dénoncent régulièrement l’insincérité budgétaire.

Les conséquences pour les conditions de vie des AESH sont lourdes. Le fait de ne pas être inscrits dans le titre 2 leur ôte toute possibilité d’accéder aux prestations sociales de la direction des services départementaux de l’éducation nationale.

Par cet amendement d’appel, nous vous demandons donc d’inscrire tous les postes d’AESH au titre 2 du programme 230 Vie de l’élève.

Par ailleurs, avec l’amendement II-CF979 nous vous demandons d’augmenter le nombre des accompagnants d’élèves en situation de handicap. Là encore, il y a loin du discours sur l’école inclusive à la réalité. Mme Cluzel n’a-t-elle pas reconnu elle-même que, à la rentrée dernière, 4 % des enfants reconnus par les maisons départementales des personnes handicapées n’avaient pu faire leur entrée faute d’accompagnants – soit 11 000 à 13 000 enfants.

Devons-nous rappeler que nous parlons du droit des enfants à accéder à l’éducation ?

Selon le rapport de Autisme France, 33 % des parents d’enfants en situation de handicap estiment que le nombre d’heures d’intervention des accompagnants est insuffisant. La création des pôles inclusifs d’accompagnement localisé n’améliore pas la situation, au contraire. Ils ont été créés pour mutualiser les AESH et économiser des postes. Les AESH sont conduits à accompagner plusieurs élèves en même temps, alors que leurs handicaps sont différents. Qui plus est, les élèves sont parfois accompagnés par trois personnes différentes par semaine. C’est du bricolage, que vous osez même justifier, parfois, par la nécessité de rendre les jeunes plus autonomes ! Ce n’est respectueux ni des AESH ni des élèves !

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. Sur le plan purement budgétaire, votre amendement porte une critique que j’ai moi-même formulée dans mon précédent rapport spécial et que la Cour des comptes a émise dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire pour 2019. Les AESH comme les AED, les assistants d’éducation, sont concernés, alors que ces derniers n’ont pas vocation à être cédéisés. Vous avez raison de souligner les difficultés que vivent les AESH du fait de leur rémunération insuffisante et de leur statut précaire. La circulaire du 5 juin 2019 a précisé le cadre de gestion des AESH : mettre en place une organisation spécifique pour la gestion RH des AESH sous pilotage académique, avec la création d’un interlocuteur dédié à ces agents, concrétiser la pleine reconnaissance des AESH comme membres de la communauté éducative, prévoir le recrutement des AESH sur des contrats de trois ans, clarifier les modalités de décompte du temps de travail afin d’assurer la reconnaissance de toutes les activités réalisées par les AESH.

En 2021, la transformation des contrats aidés en contrats AESH sera poursuivie. Le processus de cédéisation des AESH est en cours. Il est nécessaire mais long puisque les contrats de trois ans sont renouvelables une fois, soit une durée de six ans. Ce processus accompagne la déprécarisation et la professionnalisation de ces professionnels, enfin reconnus comme des acteurs essentiels du monde éducatif. Avis défavorable.

Mme Sabine Rubin. Vous venez de me lire une belle tirade mais dans mon département, le directeur académique des services de l’éducation nationale a du mal à recruter parce que ce n'est pas avec les salaires de misère que votre budget prévoit qu’on va attirer des personnels ! Vous voulez accélérer mais commencez déjà par mettre en conformité vos actions avec votre campagne de communication !

La commission rejette successivement les amendements II-CF981 et II-CF979.

Elle étudie l’amendement II-CF997 de Mme Sylvie Tolmont. 

Mme Sylvie Tolmont. Le Gouvernement augmente le nombre des AESH mais oublie de les rémunérer correctement. Cet amendement tend, par conséquent, à financer la création d’une indemnité de fonction pour les AESH, d’un montant 50 euros net par mois.

Ces personnels sont des acteurs essentiels à la réussite du projet de la nation d’inclure les élèves en situation de handicap. Ils perçoivent en moyenne 760 euros net par mois. Cette indemnité permettrait d’améliorer leur salaire.

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. Nous sommes tous conscients de la faiblesse de la rémunération des AESH, souvent inférieure à 800 euros par mois, sans parler de leur temps partiel, en général imposé. Votre amendement, cependant, est une mauvaise réponse à une bonne question. La revalorisation des AESH fait partie d’une politique plus globale. Je vous invite à évoquer le sujet en séance publique avec le ministre. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF997.

Elle en vient à l'amendement II-CF985 de M. Michel Larive. 

Mme Sabine Rubin. La médecine du travail, la médecine scolaire et les infirmiers sont les marronniers de l'enseignement scolaire. Quand aurons-nous des réponses ?

Rappelons quelques chiffres : un médecin pour 16 000 personnels, ce qui est bien éloigné de l’obligation réglementaire d’un pour 2 500, et moins d’un millier de médecins scolaires pour plus de 12 millions d’élèves. Il faut des mois pour obtenir un rendez-vous afin d'accompagner un élève en situation de handicap ou tout simplement obtenir un conseil. Un tiers des postes sont vacants. Là encore, il y a une crise de vocation. Et la crise sanitaire n’y aura rien changé.

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. Vous proposez d’allouer 100 millions d’euros à la prévention à l’éducation et à la santé en recrutant des médecins du travail ainsi que des médecins scolaires et des infirmiers. Leur rôle est essentiel dans la prévention et ils ont été pleinement mobilisés durant la crise sanitaire. Nous consacrons actuellement 529 millions d’euros en faveur de la santé à l’école. Une réforme est nécessaire mais elle ne saurait se faire au détour d’un amendement.

Les missions, les recrutements, la formation, la revalorisation des carrières pour rendre ces métiers plus attractifs devraient être au programme d’une telle réforme. La Cour des comptes a diffusé en mai 2020 sa communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, au sujet des médecins et des personnels de santé scolaire. Elle y formule dix recommandations autour de deux thèmes principaux : unifier les services de médecine scolaire et revoir les méthodes de travail, mobiliser les partenariats. La Direction générale de l’enseignement scolaire a engagé des travaux dans ce domaine. Avis défavorable.

Mme Sabine Rubin. Certes, mais cela fait dix ans que cela dure et que des rapports sont rendus. On se demande ce que vous attendez pour agir.

La commission rejette l’amendement II-CF985.

La commission examine l’amendement II-CF901 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Cet amendement fait suite aux recommandations de la Cour des comptes pour améliorer la situation de la médecine scolaire, qui est en crise depuis de nombreuses années, ce qui appelle une revalorisation de la rémunération de ses médecins. Dans le contexte de crise sanitaire et sociétale, le caractère impératif de la prévention n’est plus à démontrer.

Une telle recommandation s’inscrit également dans la lignée des travaux de l’Académie de médecine, du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), du Conseil économique et social environnemental (CESE), qui ont donné l’alerte sur ces problèmes structurels.

Dans son rapport de mai 2020 mais également lors d’une audition récente de son représentant en commission des affaires sociales, en présence du directeur de l’enseignement scolaire, M. Geffray, la Cour des comptes recommande une revalorisation de la rémunération des médecins de l’éducation nationale de 30 % afin de se rapprocher du niveau de rémunération des médecins inspecteurs de santé publique. M. Geffray a d’ailleurs reconnu qu’un véritable problème de rémunération se pose.

Diminution de 20 % des effectifs en cinq ans, 57 % seulement des postes qui sont pourvus ; en Dordogne, un médecin scolaire pour 100 000 élèves, dans le Cher, un équivalent temps plein pour 47 000 élèves… Je pourrais vous décrire nombre de situations plus que critiques. Il faut impérativement et rapidement agir afin de montrer que nous croyons à la prévention pour nos jeunes et que nous tenons à nous appuyer sur cette profession médicale.

Les médecins scolaires sont moins bien payés que les internes. Lorsque ces derniers viennent faire des stages, ils voient l’intérêt de ce métier et seraient prêts à l’exercer, mais pas dans ces conditions.

L’enjeu politique est important. Notre Gouvernement et notre assemblée doivent s’en saisir en faisant ce premier pas certes insuffisant mais significatif pour stopper l’hémorragie démographique médicale et construire un accès équitable à la santé pour tous nos jeunes.

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. La faible attractivité des métiers de médecin et d’infirmier scolaire explique en partie la difficulté à pourvoir les postes et à garder les personnels.

Dans son rapport, la Cour des comptes nuance toutefois la question de la revalorisation, laquelle doit s’inscrire dans une réorganisation globale. En effet, une réforme de la carrière des acteurs de la médecine scolaire semble nécessaire. Je vous invite donc à retirer votre amendement et à évoquer cette question en séance publique.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Plus de 80 % des médecins ayant 50 ans, c’est maintenant que nous devons envoyer un signal fort. Les médecins scolaires sont les seuls professionnels, au sein de l’éducation nationale, à être formés à l’École des hautes études en santé publique : mener une politique de prévention suppose de s’appuyer sur leurs compétences. Il y a urgence.

M. le président Éric Woerth. Peut-être l’éducation nationale aurait-elle aussi intérêt à mieux les utiliser ?

La commission rejette l’amendement II-CF901.

Elle examine l’amendement II-CF1002 de Mme Sylvie Tolmont.

Mme Sylvie Tolmont. L’école a des responsabilités importantes en matière de santé dans ses dimensions physique, psychique, sociale et environnementale afin de favoriser la réussite scolaire des élèves et la réduction des inégalités sociales et territoriales. Or, les effectifs d’infirmiers scolaires n’ont cessé de diminuer ces dernières années : en 2018 et 2019, 1 100 postes ont ainsi été supprimés.

La crise sanitaire illustre le rôle crucial de la santé scolaire et du suivi des élèves. Chaque jour, ces personnels sont des intermédiaires entre les différents acteurs de l’école et restent à l’écoute des difficultés de tous ordres que connaissent les jeunes. Leur mission, qui s’étend de plus en plus au gré des politiques publiques, impose de travailler de plus en plus à des tâches administratives, souvent au détriment des relations directes avec les élèves, qui sont au cœur de leur métier.

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. Je ne peux pas être favorable à cet amendement. Ce métier n’étant pas attractif, vous pourrez augmenter tant que vous voudrez le nombre de postes, personne ne postulera.

La commission rejette l’amendement II-CF1002.

Elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF928 et II-CF927 de Mme la rapporteure spéciale Catherine Osson.

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. Le premier amendement vise à augmenter les crédits du programme Enseignement technique agricole de 5 millions d’euros et, le second, de repli, de 3 millions d’euros.

L’enseignement agricole relevant pour partie du ministère de l’agriculture, il se retrouve parfois « entre deux chaises ». Particulièrement inclusif, il accueille un grand nombre d’élèves en difficulté et le taux d’insertion professionnelle y est le plus élevé. De surcroît, cet enseignement ne bénéficie pas du service public de l’École inclusive. Ces amendements visent donc aussi à combler les manques en équivalent temps plein.

Mme Anne-Laure Cattelot. À titre personnel, je soutiens vivement ces amendements car l’enseignement agricole n’a que trop souffert. Les lycées agricoles et les maisons familiales rurales sont très présents au sein de nos territoires et permettent à de nombreux jeunes, simplement, de recevoir une éducation.

M. Christophe Jerretie. Le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés soutient une telle évolution. L’enseignement technique agricole prendra de plus en plus de place à l’avenir. Nous disposons des structures nécessaires mais elles doivent être consolidées.

Mme Michèle Victory. Nous sommes tous convaincus de l’importance de ce type d’enseignement, qui dépend en effet de plusieurs ministères. Depuis quelques années, les moyens dont il dispose diminuent. Nous devons nous reprendre en donnant aux jeunes et aux personnes qui les encadrent les moyens de la réussite.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les structures de l’enseignement technique agricole ont en effet besoin d’être soutenues mais je m’inquiète des conséquences que pourrait avoir la soustraction de 2 millions d’euros au programme Enseignement privé du premier et du second degré. Il ne faudrait pas déshabiller Pierre pour habiller Paul, même si nous partageons l’esprit de ces amendements.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je soutiens également ces amendements car, j’en suis la preuve vivante, l’enseignement agricole mène à tout !

La commission adopte l’amendement II-CF928 (amendement n° 1177).

En conséquence, l’amendement II-CF927 tombe.

Elle examine l’amendement II-CF1000 de Mme Sylvie Tolmont.

Mme Sylvie Tolmont. Nous proposons l’ouverture de classes ULIS, Unité localisée pour l’inclusion scolaire, dans l’enseignement agricole.

Ces dispositifs ont prouvé leur efficacité dans l’accompagnement des élèves en situation de handicap tout en facilitant leur intégration dans des temps d’enseignement classiques. Le Gouvernement confirme leur intérêt puisque 250 créations d’ULIS « lycée » ont été annoncées pour le quinquennat. L’enseignement technique agricole mérite le même investissement de l’État. Des ULIS doivent donc être ouvertes dans chaque académie, de la même manière que pour l’enseignement général.

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. Je comprends votre démarche mais la création de nouveaux ULIS ne résoudra pas à elle seule les difficultés rencontrées. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF1000.

Elle examine l’amendement II-CF987 de M. Michel Larive.

Mme Sabine Rubin. Si le Gouvernement fait de la lutte contre l’échec scolaire une priorité, le dédoublement des classes de grande section, CP ou CE1, d’ailleurs réservé aux zones REP et REP+, ne saurait suffire. Il ne peut pas plus se contenter de contraindre les enseignants à une méthode d’apprentissage fondée sur les neurosciences, vantée comme une solution à toutes les difficultés pédagogiques, sauf à attenter, comme il le fait d’ailleurs, à la liberté pédagogique, cette méthode étant de surcroît remise en cause par tous les pédagogues.

Au contraire, le Gouvernement doit s’appuyer sur des équipes de RASED, composées d’enseignants spécialisés ayant passé une certification pour délivrer un enseignement spécifique à dominante pédagogique ou relationnelle pour répondre à la difficulté scolaire.

Or, le nombre de ces enseignants n’a cessé de diminuer. Dans certains départements, il n’y en a qu’un pour 1 250 élèves afin de délivrer un enseignement à dominante relationnelle : autrement dit, rien !

Par cet amendement d’appel, nous proposons donc un recrutement d’enseignants spécialisés et de psychologues scolaires à la hauteur des besoins.

Mme Catherine Osson, rapporteure spéciale. Ce sont 3 875 psychologues scolaires qui sont déployés, notamment dans les RASED, dont le rôle est essentiel dans la détection et le diagnostic des difficultés rencontrées par l’élève et dans l’élaboration des solutions permettant un meilleur suivi et une orientation adéquate.

Je vous invite à évoquer cette question en séance publique. En attendant, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF987.

M. le président Éric Woerth. Nous passons aux explications de vote des groupes.

Mme Anne-Laure Cattelot. Le groupe La République en Marche vous appelle à voter les crédits de cette mission.

Le budget de l’éducation nationale atteint un seuil historique. Depuis plusieurs années, Mme Osson nous présente en effet des budgets en augmentation alors que ce n’est pas le cas pour l’ensemble des missions. Cette année, de surcroît, l’augmentation structurelle s’accélère.

Les hausses de crédits sont également importantes afin de pouvoir recruter un plus grand nombre d’AESH. Le défi posé par leur juste rémunération demeure, de même que celui de contrats plus sécurisés, mais ce chantier est en cours.

L’engagement du Grenelle de l’éducation et la disponibilité budgétaire pour 2021 montrent que nous pouvons engager structurellement la réforme de la qualité de l’enseignement, du juste accompagnement et de la juste rémunération des professeurs.

Dans les zones REP et REP+, la réduction des effectifs d’élèves et le mouvement en faveur d’une plus grande proximité se poursuivent avec succès malgré les statistiques que nous connaissons en raison de la fermeture des classes pendant le confinement.

Le groupe La République en Marche n’est pas forcément favorable aux amendements de Mme Osson sur l’enseignement technique agricole et je me suis exprimée à titre personnel mais je sais que la rapporteure spéciale saura poursuivre le dialogue avec le ministre.

L’engagement du Président de la République sur le maintien d’un niveau moyen de 24 élèves par classe, quels que soient les zonages, me semble une bonne chose et les moyens adéquats sont débloqués.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le groupe Les Républicains partage les priorités définies par le ministre de l’éducation nationale.

Je m’interroge toutefois sur la progression de 2,5 %, assez conséquente, de ce premier budget de l’État : qu’en sera-t-il lorsque le plan de relance aura pris fin, étant entendu qu’une partie des augmentations repose sur lui ?

La Cour des comptes a notamment signalé l’année dernière un certain nombre d’angles morts : le recours croissant aux contractuels, avec une gestion opaque ; l’échec de la politique d’éducation prioritaire ; la montée de l’extrémisme religieux et de la violence au sein des établissements scolaires.

Pour toutes ces raisons, Les Républicains s’abstiendront.

M. Mohamed Laqhila. Je remercie Mme la rapporteure spéciale pour son travail et le bel hommage rendu au professeur Samuel Paty.

Je ne vous parlerai pas de chiffres et, encore moins, d’argent après les événements dramatiques que nous venons de connaître, qui nous rappellent à quel point l’éducation doit être notre priorité à tous.

Sous l’impulsion du Président de la République, l’éducation demeure la priorité de notre Gouvernement. C’est le seul outil efficace contre l’obscurantisme et pour la formation de citoyens accomplis et libres. L’éducation est le socle de notre République et le métier de professeur doit être mieux considéré. Je me réjouis de la réflexion engagée par notre ministre de l’éducation nationale sur l’attractivité aujourd’hui menacée de ce secteur, tout comme l’est d’ailleurs l’intégrité physique des professeurs.

Je profite de cette brève intervention pour rendre hommage à Samuel Paty au nom du Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés : il symbolise la République et restera à jamais le digne représentant des hussards noirs.

La crise sanitaire a bouleversé le fonctionnement normal de notre système éducatif, qui a dû réagir et s’adapter pour permettre à l’ensemble des élèves de retourner à l’école dès le 1er septembre.

Nous partageons les objectifs du Gouvernement visant notamment à conduire 100 % des élèves du premier degré à la réussite.

L’année 2021 marque l’aboutissement des réformes pédagogiques engagées depuis le début de ce quinquennat. Notre système scolaire a été marqué par les quatre mesures de la loi pour une école de la confiance : abaissement de l’instruction obligatoire à l’âge de trois ans, pré-recrutement des enseignants, création d’un service public de l’école inclusive à partir de la rentrée de 2019, obligation de formation jusqu’à l’âge de 18 ans à partir de la rentrée 2020.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera sans réserve les crédits de cette belle mission.

Mme Sylvie Tolmont. L’actualité vient de mettre en lumière l’importance cruciale de l’école dans l’émancipation intellectuelle et sociale de nos enfants mais, aussi, dans l’appropriation de nos valeurs républicaines. Je m’associe aux différents hommages qui ont été rendus au professeur Samuel Paty, décapité par un terroriste pour avoir enseigné la liberté d’expression.

Suite à la crise sanitaire, les inégalités scolaires ont explosé, les élèves ayant déjà été privés d’une école qui ne pouvait plus assurer son rôle d’ascenseur social. Ce budget ne garantit pas le développement d’une meilleure école pour demain ni d’une meilleure reconnaissance de l’engagement de nos professeurs et des personnels des établissements.

En effet, si des mesures sont prises pour renforcer le premier degré, nous regrettons que ce soit au détriment du secondaire, lequel subira la suppression de 1 800 emplois malgré une augmentation des effectifs de 28 000 élèves. Une telle orientation est irréaliste et ne peut être compensée par le seul jeu des heures supplémentaires.

La revalorisation de la rémunération des professeurs est quant à elle bien trop faible par rapport à celle des pays voisins et n’entravera en rien le déclassement qu’ils subissent.

Par ailleurs, l’ensemble des fonctions support est complètement oublié. Rien sur les conseillers principaux d’éducation (CPE), sur les psychologues en RASED, sur les personnels de santé, sur les directeurs d’école, dont nous connaissons pourtant les difficultés.

Malgré la création de 4 000 postes d’AESH, la rémunération de ces derniers n’est pas révisée, faisant fi ainsi d’une demande récurrente seule à même d’assurer l’attractivité de cette profession. La liste pourrait être longue…

Nous sommes en désaccord quant à l’augmentation des crédits aux écoles privées, au détriment de l’école publique, seule garante de la mixité sociale dont notre pays a tant besoin. C’est pourquoi le groupe Socialistes et apparenté ne soutiendra pas ce budget.

Mme Lise Magnier. Le groupe Agir ensemble tient à souligner l’importance de l’engagement de l’État en faveur de l’école depuis le début de la législature.

Nous nous associons bien sûr à l’hommage rendu à Samuel Paty. L’école est le premier lieu de socialisation, de l’apprentissage de la différence et des valeurs de la République. Nous sommes attachés à une école émancipatrice, ouverte, égalitaire et inclusive.

Alors que l’école de la République, à bien des égards, constitue la véritable sécurité sociale de notre temps, elle doit être impérativement protégée en garantissant la qualité des enseignements mais, aussi, les conditions d’exercice des enseignants. Nous saluons donc la hausse des crédits de la mission Enseignement scolaire, qui atteindront 53,6 milliards d’euros en 2021.

Le premier budget de l’État poursuit plusieurs priorités fondamentales que nous partageons.

Tout d’abord, la priorité donnée au premier degré, l’âge où tout se joue. En 2021, 2 000 emplois supplémentaires seront créés et le dédoublement des classes se poursuivra en réseaux prioritaires – autant d’investissements pour l’avenir.

Ensuite, la poursuite du dispositif de l’École inclusive, avec 4 000 emplois supplémentaires d’accompagnement d’élèves en situation de handicap, ce budget prévoyant également une revalorisation spécifique de la rémunération des enseignants.

Je remercie Mme la rapporteure spéciale pour son amendement II-CF928, qui permettra de maintenir les moyens dont dispose l’enseignement technique agricole, ce qui répond également aux ambitions du ministère de l’agriculture.

Le groupe Agir ensemble votera les crédits de cette mission.

Mme Sabine Rubin. Après les émouvants discours d’hier en hommage à Samuel Paty et, à travers lui, à tout le corps enseignant, je ne souhaite pas ajouter du bruit à la fureur des propos nauséabonds et diffamatoires de politiciens qui passaient encore ce matin sur les ondes et sur les plateaux de télévision. L’école de la République m’a appris autre chose que ces amalgames et des slogans : elle m’a appris à aiguiser mon sens critique, de sorte que je ne peux passer sous silence le fameux « Pas de vague », qui ne plaît plus à M. Blanquer, ni les incohérences entre ce budget et les propos du Premier ministre, mardi dernier, affirmant avoir choyé et choyer encore les enseignants.

Voyons comment ils seront à nouveau choyés cette année. Certes, le budget de l’enseignement scolaire augmente de 2,58 % pour atteindre 75,9 milliards d’euros, mais les choix opérés, outre les effets de communication, sont incohérents. Comment expliquer que l’on compte 23 000 élèves de plus dans le second degré et que 1 800 emplois disparaissent ?

Comment expliquer + 394 % pour les enseignants pré-élémentaires alors que seuls les élèves des grandes sections des REP sont concernés ? Quid des autres ?

Voici les conséquences d’un tel choix : des heures supplémentaires pour les professeurs du secondaire à hauteur de 2 500 postes, ce qui est ingérable, sans compter le bac à la carte, qui l’est également ; des élèves en REP et REP+ privés des compétences des enseignants de RASED mais éduqués aux neurosciences ; des élèves hors REP privés eux aussi des RASED, en diminution constante.

La réponse du ministre aux difficultés scolaires coûte cher à l’école et aux enseignants, sans être pour autant probante.

Il en est de même dans le domaine de l’inclusion scolaire : beaucoup de com’, peu d’actes. Je connais la chanson… Nous viendrions de loin… Mais je connais aussi les cadeaux que ce Gouvernement a fait aux riches, ce qui me fait douter de l’authenticité de son ambition en la matière.

La réalité, ce sont toujours des AESH en nombre insuffisant et aux salaires indécents, dont les postes sont donc difficiles à pourvoir, des AESH que l’on mutualise dans les très controversés Pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL) au détriment de ce dont les jeunes ont besoin.

Que dire également de la revalorisation tant vantée de la rémunération des enseignants ? Une blague ! Comment ne pas mentionner l’augmentation continue du nombre de contractuels jetables, l’absence récurrente de réponses à propos de la médecine scolaire en pleine pandémie, le vide intersidéral de mesures pour une rentrée pourtant pas comme les autres, n’en déplaise au ministre ?

In fine ce sont les écoles privées qui, dans notre République laïque, sont chouchoutées, leurs crédits augmentant de 1,69 %.

La communauté éducative se sentira comblée avec un tel budget, j’en suis certaine, et c’est pourquoi le groupe La France insoumise ne votera pas les crédits de cette mission.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je ne peux qu’avoir une pensée pour Samuel Paty, d’autant plus qu’il a accompli une partie de ses études au lycée Théodore de Banville de Moulins-sur-Allier, dans ma circonscription, où résident encore ses parents.

Les équipes pédagogiques ont besoin de temps, de disponibilité pour leurs élèves, or, cela passe par une libération des multiples tâches administratives qui pèsent notamment sur les directions d’établissement au détriment du temps consacré à la vie pratique de l’école et aux relations humaines.

Il faut également du temps pour travailler en équipe afin d’enseigner l’art de débattre, le raisonnement rationnel, la discussion sur les questions difficiles de notre temps.

Cette année, les moyens dont dispose le secondaire diminuent encore. Oui, il faut conforter l’école primaire, mais pas en supprimant 1 800 postes dans le second degré, car cela signifie un plus grand nombre de classes surchargées en collège et au lycée. Les enseignants le répètent : dans une classe de vingt élèves, il est possible de réfléchir aux retours sur les apprentissages, de suivre chaque élève d’une manière un peu plus individuelle, de cerner leurs forces et leurs fragilités ; au-delà de vingt, c’est plus difficile ; à trente, c’est mission impossible.

Des classes sont également supprimées en milieu rural, comme dans mon département. La gestion comptable n’est pas une réponse adaptée à des territoires qui luttent pour être attractifs. Le sentiment d’abandon se propage comme la covid-19. Il faut changer de méthode et donner aux écoles les moyens de leur mission.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne votera donc pas les crédits de cette mission.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure spéciale, la commission adopte les crédits de la mission Enseignement scolaire modifiés.

 

Puis elle examine les crédits de la mission Culture.

Mme Dominique David, rapporteure spéciale (Création, Transmission des savoirs et démocratisation de la culture). La culture compte parmi les secteurs qui paient le plus lourd tribut à la crise que nous traversons, et chaque jour qui passe assombrit davantage les perspectives de retour à la normale.

La France porte en étendard son exception culturelle et, depuis les Lumières, accorde à la culture une place centrale comme facteur d’émancipation, ce qui nous oblige.

Les moyens sont donc au rendez-vous dans le PLF. Les trois programmes de mon rapport augmentent de 4,5 %, à quoi s’ajoutent 927,9 millions d’euros de crédits de paiement du plan de relance, soit, presque 16 % des crédits budgétaires des programmes. Cet effort considérable s’ajoute aux mesures d’urgence déjà prises : année blanche pour les intermittents du spectacle, divers fonds d’urgence, dispositifs de droit commun, etc.

Premier point, concernant la création dans le spectacle vivant et les arts visuels.

Le programme 131 Création augmente de 37,2 millions d’euros et atteindra 862,3 millions d’euros en crédits de paiement ; 15 millions supplémentaires sont consacrés aux travaux d’investissement des opérateurs publics. Les subventions de fonctionnement, quant à elles, restent stables, autour de 257 millions d’euros, hors plan de relance.

Ce sont 15 millions d’euros qui sont accordés aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) pour irriguer les réseaux artistiques dans les territoires. Le Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS), dont le fonctionnement a été considérablement amélioré, passe de 17 à 22 millions d’euros.

Concernant le plan de relance, 168 millions d’euros seront ouverts en crédits de paiement pour la création ; 82 millions d’euros permettront de venir en aide aux opérateurs publics. Une fois encore, je constate que le soutien à la culture consacre une part prépondérante des crédits au soutien des grands établissements parisiens, ce qui est essentiel en ce moment, mais je rappelle qu’ils sont très peu ou pas financés par leurs collectivités territoriales alors que c’est l’inverse partout ailleurs. La crise doit nous amener à considérer une telle iniquité sans tabou. Nous attendons beaucoup du rapport de MM. Hirsch et Tardieu concernant la gestion et le modèle économique de l’Opéra de Paris, dont les difficultés financières ne datent pas de la crise sanitaire.

De plus, 53 millions d’euros viendront en aide aux structures du spectacle vivant labellisées ou privées. Une enveloppe de 10 millions d’euros sera allouée à la transition écologique.

Enfin, 33 millions d’euros permettront d’engager un grand de plan de commandes publiques et de mesures d’urgence pour les artistes. Il est essentiel que ce plan de création irrigue les territoires.

Deuxième point, concernant le programme 361.

L’effort consenti répond à la priorité que le Président de la République entend donner à la transmission des savoirs et à la démocratisation culturelle. Ce programme, en hausse de 6,3 %, atteindra 579 millions d’euros en crédits de paiement. La hausse de 16 millions d’euros des crédits de l’éducation culturelle et artistique répond à l’objectif que 100 % des élèves de nos écoles disposent de cet enseignement d’ici à 2022.

Le Pass Culture est doté de 20 millions d’euros supplémentaires. Sa généralisation sur l’ensemble du territoire, que j’appelle de mes vœux, permettrait de donner de la force à ce dispositif encore mal connu, insuffisamment exploité par les jeunes eux-mêmes mais, également, par les prescripteurs que sont les enseignants et par les acteurs culturels, pour qui le Pass Culture peut être une manne fort utile en ces temps difficiles.

Le temps me manque pour évoquer de belles initiatives dont le déploiement s’accélèrera en 2021 : Démos, les micro-folies, etc.

Je souligne, dans le plan de relance, l’effort de 50 millions d’euros alloués à la rénovation des écoles de l’enseignement supérieur culturel, notamment les écoles nationales supérieures d’architecture. Je me dois également de souligner que les engagements pris dans le cadre de la réforme de ces écoles pour augmenter leurs capacités de recherche n’ont pas été tenus. Le PLF pour 2021 pourrait être l’occasion de remettre ce sujet sur la table.

Enfin, concernant les moyens donnés au ministère, je salue l’effort de sincérité qui a conduit à placer les crédits support sur un nouveau programme, le 224. Je souligne une hausse de 3,2 % et la poursuite des efforts de réduction de la masse salariale.

Un projet de transition numérique du ministère devrait permettre d’améliorer le suivi des opérateurs, encore insuffisant, ou celui des festivals, qui sont aujourd’hui répartis entre les différentes directions de métiers, sans vision transversale ni stratégie. La question des festivals, très menacés, est pourtant essentielle pour la structuration de nos territoires et la démocratisation culturelle.

M. Gilles Carrez, rapporteur spécial (Patrimoines). En 2021, les crédits de paiement du programme Patrimoines augmentent de 36 %, ce qui est considérable. Les crédits permanents, qui s’élèvent à environ un milliard d’euros, augmentent de 4,5 %, et tout le reste provient du plan de relance qui débloque plus de 600 millions d’euros en autorisations d’engagement, dont 300 millions d’euros environ dès 2021.

L’essentiel des crédits issus du plan de relance concerne des subventions à nos grands opérateurs culturels. Le Louvre ou Versailles, par exemple, ont développé des ressources propres à travers la billetterie, le mécénat, les locations d’espaces, et ce type de ressources chute fortement en raison de la crise. Les opérateurs recevront 440 millions d’euros à travers les subventions pour charges de service public du programme Patrimoines, à quoi s’ajoutent 230 millions d’euros au titre du plan de relance.

Dès la troisième loi de finances rectificative, un certain nombre de soutiens ont été mis en place alors que le musée d’Orsay et Versailles, par exemple, n’avaient plus du tout de trésorerie. Nous avons également débloqué l’essentiel de la réserve de précaution dès le mois de juin dernier. La « relance » constitue donc d’abord un vaste plan de soutien pour éviter que nos grands musées et monuments ne réduisent leurs activités, licencient ou arrêtent leurs chantiers de restauration.

Aux États-Unis, la plupart des musées qui dépendent de fondations de gestion privée sont fermés. À la différence, également, d’autres pays européens, nous sommes parvenus à éviter des fermetures.

Le deuxième bloc de crédits du plan de relance vise directement l’investissement avec différentes enveloppes. On a beaucoup parlé du « Plan Cathédrales », le drame de Notre-Dame de Paris ayant contribué à révéler le défaut d’entretien et de restauration des 88 cathédrales propriétés de l’État et des deux ou trois qui sont propriétés de collectivités locales. Ces dernières années, j’avais souligné qu’il conviendrait de passer les crédits annuels de 40 à 50 millions d’euros pour entretenir et restaurer les cathédrales. Non seulement ce sera le cas mais le plan de relance dégage 80 millions d’euros supplémentaires, ce qui représente plus qu’un doublement des crédits au total.

Le problème de leur bonne utilisation ne manquera pas de se poser, notamment s’agissant de la sécurité, car les intervenants sont nombreux – DRAC, diocèses, associations locales, collectivités locales. Une telle abondance de crédits exigera de la part de la commission des finances une grande rigueur dans son travail de contrôle et d’évaluation.

Il faut aussi poursuivre les investissements gérés pour le compte de l’État par le Centre des monuments nationaux

En outre, 100 millions d’euros supplémentaires sont consacrés au château de Villers-Cotterêts, projet présidentiel qui a beaucoup de sens, et il faudra veiller à leur bonne utilisation.

Je souligne également le financement du patrimoine non protégé avec la mission Bern et le loto du patrimoine. Bonne nouvelle : l’État s’engage à nouveau, avec 14 millions d’euros issus de la réserve de précaution, à compenser les taxes habituelles pesant sur le loto.

À mes yeux, les travaux réalisés à l’Hôtel de la Marine illustrent le bon équilibre privé-public, avec un budget qui a été tenu – enveloppe de 110 millions d’euros, dont seulement 10 millions d’euros de crédits publics, le reste relevant de ressources propres –, le résultat étant remarquable. Je vous invite à aller le visiter dès son ouverture, d’ici quelques mois.

Le Grand Palais est un chantier pharaonique qui vient heureusement d’être revu à la baisse avec, notamment, l’abandon des excavations, ce qui permettra d’être prêts pour les Jeux olympiques.

Les travaux de la cathédrale Notre-Dame de Paris suivent quant à eux leur cours.

Ce budget, que je voterai, est excellent et comprend tous les crédits nécessaires. Il nous reviendra toutefois de veiller à leur bonne utilisation.

La commission en vient à l’examen des amendements à la mission Culture.

Article 33 et état B : Crédits du budget général

La commission examine l’amendement II-CF792 de M. le rapporteur spécial Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez, rapporteur spécial. Cet amendement résulte directement de la recommandation essentielle du rapport de la Cour des comptes sur le financement de Notre-Dame de Paris, exclusivement assuré par le mécénat.

La loi que nous avons votée dispose que les dons doivent servir aux travaux. Or l’établissement public qui a été créé est rémunéré par ces dons. La Cour des comptes a indiqué que ce n’était pas normal et que la confiance des donateurs pourrait être mise à mal.

Tous nos opérateurs culturels, comme Orsay, le centre des monuments nationaux, ou le Louvre, reçoivent une subvention pour charges de service public. Or cet établissement public d’État, très curieusement, n’est financé que par des dons et ne reçoit donc pas de subventions budgétaires de l’État, anomalie qu’il convient de réparer. Peut-être certains parmi vous sont-ils au courant de la polémique qui s’est esquissée il y a un mois. L’intérêt bien compris du ministère de la culture serait qu’il n’y en ait pas.

Cet amendement propose un abondement de 6,7 millions d’euros mais le ministre proposera peut-être de le réduire. Ne pouvant opérer un tri budgétaire, je me suis référé à la totalité du budget prévisionnel pour les dépenses de fonctionnement de l’établissement public.

M. le président Éric Woerth. Outre le loyer, des fonctionnaires sont déjà payés, mais vous avez parfaitement raison.

Mme Bénédicte Peyrol. J’avais le souvenir que nous avions évoqué l’idée, lorsque nous avons examiné le projet de loi, qu’une partie des financements venant du public, des Français, irait au financement de l’établissement public. Si je comprends bien votre amendement, il s’agirait de s’aligner sur le fonctionnement des autres opérateurs de ce type.

M. Gilles Carrez, rapporteur spécial. Je souhaite qu’il y ait une subvention pour charges de service public afin d’éviter toute polémique.

Le Gouvernement nous dira peut-être en séance que le montant doit être inférieur à 6,7 millions d’euros, notamment parce qu’on peut considérer, comme on le fait dans les collectivités locales, que la mission de maîtrise d’ouvrage assurée par les ingénieurs de l’établissement public fait partie des travaux. En revanche, ce n’est pas le cas du loyer. La ministre a d’ailleurs été obligée de dire que les 213 000 euros pour les locaux occupés Cité Martignac seraient réglés par l’État.

C’est un amendement de principe. Nous ferons le calibrage en fonction de ce que le Gouvernement dira en séance.

M. le président Éric Woerth. Je comprends très bien mais, si ce n’est pas le bon montant, maintenez-vous l’amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur spécial. Vous êtes membre du comité de surveillance de l’utilisation des dons, monsieur le président.

Je suis prêt à retirer l’amendement, mais je le redéposerai en séance. Mon intention n’est pas d’alimenter la polémique, mais de régler un problème de fond. Il s’agit d’éviter une difficulté.

Mme Bénédicte Peyrol. Nous serons à vos côtés pour interpeller le Gouvernement sur ce sujet, comme nous nous sommes engagés à le faire hier à propos d’un amendement de M. Hetzel relatif à l’aide juridictionnelle. Nous avons intérêt à ce qu’il y ait de la transparence et à ce que l’usage des fonds ne fasse pas l’objet d’une polémique.

M. le président Éric Woerth. Nous retiendrons que le débat en commission des finances a conduit à un accord sur le principe.

L’amendement II-CF792 est retiré.

La commission examine l’amendement II-CF877 de Mme Anne-Laure Cattelot.

Mme Anne-Laure Cattelot. J’avais déposé l’an dernier un amendement visant à soutenir financièrement les harmonies musicales, les batteries fanfares et les bandas qui avait été adopté mais n’a pas été appliqué en raison du covid. Je redépose donc cet amendement, qui s’inscrit dans le prolongement de l’agenda rural.

M. le président Éric Woerth. Je me demande s’il n’y avait pas eu une seconde délibération, avortée…

Mme Anne-Laure Cattelot. Nous avions finalement prévu, à l’issue des négociations avec le Gouvernement, un soutien de 3 millions d’euros.

Mme Dominique David, rapporteure spéciale. Je vous invite à retirer l’amendement. Nous sommes en train de discuter avec le ministère pour trouver une solution en ce qui concerne l’accompagnement de ces structures d’amateurs.

Il faut soutenir la culture dans les territoires ruraux, mais je voudrais préciser qu’il existe déjà des dispositifs permettant d’aider les harmonies musicales et les fanfares. La direction générale de la création artistique attribue ainsi chaque année 100 000 euros à la Confédération musicale de France, 56 000 euros à la Confédération française des batteries et fanfares et 15 000 euros à la Fédération sportive et culturelle de France. Des projets peuvent aussi être proposés au Fonds d’encouragement aux initiatives artistiques et culturelles des amateurs, doté de 50 000 euros qui ne sont quasiment pas consommés, me semble-t-il. Durant cette période compliquée pour les artistes, les batteries et les harmonies n’ont probablement pas dépensé beaucoup d’argent.

M. Marc Le Fur. Au-delà de la question des batteries fanfares et de l’ensemble des harmonies, qui jouent un rôle social et culturel considérable, il est quand même assez extraordinaire qu’un amendement adopté en loi de finances ne soit pas appliqué. Il y a un problème de respect du Parlement.

M. le président Éric Woerth. Et ce n’est pas le seul amendement concerné…

M. Marc Le Fur. Cela ne me console pas.

Mme Anne-Laure Cattelot. J’espère que le dialogue avec le ministère de la culture et le secrétariat d’État à la ruralité – l’ancien rapporteur général du budget était le premier cosignataire de l’amendement qui avait fait l’objet d’une large approbation l’an dernier – pourra s’achever d’une manière positive d’ici à la séance.

L’amendement II-CF877 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement II-CF1042 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. La crise sanitaire a agi comme un révélateur et un accélérateur des difficultés rencontrées par les artistes-auteurs. La fermeture des lieux de diffusion et de création a entraîné une dégradation sans précédent de leur situation économique. Cette précarité grandissante, qui a été chiffrée dans un rapport remis par M. Racine en janvier 2020, n’est pas nouvelle : une grande partie des 270 000 artistes-auteurs n’atteignent même pas le seuil de pauvreté, beaucoup d’entre eux doivent conjuguer leur travail artistique avec un métier alimentaire, et tous sont confrontés aux aléas liés à des revenus incertains.

Pendant la crise sanitaire, ces créateurs et créatrices se sont trouvés démunis face à la baisse drastique de leurs ressources financières, leurs revenus artistiques et leurs droits d’auteur n’ouvrant aucun droit à l’assurance chômage, contrairement aux revenus des intermittents et des artistes-interprètes. De plus, de nombreux artistes-auteurs n’ont pas pu bénéficier du Fonds de solidarité créé par le Gouvernement pour les travailleurs non-salariés, les conditions d’octroi de l’aide étant inadaptées à leurs revenus, qui sont décalés dans le temps : ils encaissent en 2020 leurs droits d’auteur de 2019, et la perception des revenus issus d’un travail antérieur à la crise sanitaire est alors déduite de l’aide de l’État.

Bien que le ministère de la culture ait tenté de corriger le tir, en distribuant des aides par l’intermédiaire des opérateurs publics préexistants – le Centre national du livre (CNL), le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), le Centre national des arts plastiques (CNAP) et le Centre national de la musique (CNM) –, cette approche s’est finalement révélée contre-productive. Elle a débouché sur un soutien en « silos », par secteurs de diffusion, au lieu d’apporter un soutien global et direct aux artistes-auteurs.

Notre amendement permettra de créer un Centre national des artistes-auteurs, devenu indispensable pour remédier à la situation actuelle. Ce centre sera le guichet unique que les artistes-auteurs attendent depuis longtemps. Je vous proposerai, dans les prochains jours, de cosigner une proposition de loi allant dans ce sens.

Mme Dominique David, rapporteure spéciale. Je partage dans une large mesure votre constat. La crise a été très dure pour les artistes-auteurs, et la mobilisation a pris un peu de temps. Un plan d’action a été annoncé le 27 mars pour ceux qui ne pouvaient pas bénéficier du Fonds d’urgence. Je suis également d’accord en ce qui concerne les difficultés liées au fonctionnement « en silos », à l’existence de plusieurs guichets. Je l’ai souligné dans mon rapport de mai dernier.

Néanmoins, je ne fais pas le même diagnostic que vous : finalement, les fonds d’urgence gérés par le CNL, le CNM ou le CNC n’ont pas mal fonctionné, et il ne faudrait pas tout changer en pleine crise.

S’agissant de la création d’un Centre national des artistes-auteurs, préconisée par le rapport de M. Racine, je signale que le PLF intègre déjà des crédits budgétaires à cette fin. Par conséquent, avis défavorable.

M. Michel Larive. Le dispositif d’aide de l’État n’a pas fonctionné pour tout le monde. Une très grande partie des artistes-auteurs, comme je l’ai indiqué, n’ont rien perçu à ce titre. Ils dépendent de la solidarité de leur « silo » et des centres de gestion.

Le souhait de créer un Centre national des artistes-auteurs est partagé par tous. Je crois qu’on y travaille aussi du côté de la majorité. Il faut avancer, et je pense qu’il y aura un consensus si nous le faisons ensemble. Il serait intéressant de créer une ligne budgétaire dans ce PLF pour amorcer le processus.

Mme Dominique David, rapporteure spéciale. C’est déjà le cas.

La commission rejette l’amendement II-CF1042.

Elle examine l’amendement II-CF1032 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Le pass culture, qui coûte 49 millions d’euros à l’État, a davantage profité aux grands opérateurs d’internet qu’aux acteurs de la culture en France. Les librairies et les salles de spectacle ayant été fermées durant le confinement, ce sont les plateformes de streaming qui ont le plus bénéficié du dispositif, dont le coût devrait passer à 59 millions d’euros l’an prochain, alors que l’accès aux théâtres et aux concerts est de nouveau restreint depuis l’instauration du couvre-feu.

Aucun bilan de cette mesure n’a été réalisé avant son élargissement. Nous avons pourtant appris que seuls 35 000 jeunes, sur les 150 000 qui y avaient droit dans les quatorze départements concernés, ont téléchargé l’application en 2019. Nicolas Dubourg, membre du Syndicat des entreprises artistiques et culturelles, a regretté, dans un reportage diffusé par France 2 en novembre dernier, que ceux qui utilisent le pass culture soient ceux qui fréquentaient déjà les structures culturelles.

L’objectif, louable, qui était fixé – la démocratisation de l’accès à la culture – n’est pas atteint. Nous proposons donc de créer un nouveau programme qui permettra de remplacer le dispositif actuel par un autre, plus pertinent, reposant sur des actions éducatives, de découverte et d’ouverture d’esprit, plutôt que sur le consumérisme.

Mme Dominique David, rapporteure spéciale. Je vous trouve très sévère à l’égard de ce projet qui est extrêmement structurant. Son expérimentation n’a pas pu être pleinement menée puisque l’extension du dispositif à quatorze départements a eu lieu pendant la période du confinement : il ne s’est donc quasiment rien passé.

Vous vous fondez sur des chiffres qui ne sont pas exacts. Vous avez évoqué 35 000 jeunes en 2019. En 2020, 100 000 jeunes se sont inscrits, sur les 135 000 qui étaient éligibles : l’objectif a quasiment été atteint.

Il est vrai que les expérimentations sont très éparpillées sur le territoire, ce qui fait qu’on a du mal à monter en puissance, mais en Bretagne, où tous les départements étaient concernés, le pass culture a très bien fonctionné.

Vous dites que les usages sont uniquement concentrés sur le numérique. Or ce n’est pas vrai. Avant la crise sanitaire, ce secteur ne représentait que 20 % de l’utilisation du pass culture.

S’agissant du coût, il serait peut-être plus prudent de réduire le montant du pass culture à 300 euros si nous allons vers une généralisation du dispositif, que je soutiens.

Je continue à penser, en effet, qu’il s’agit d’un formidable outil pour la relance, qui devrait d’ailleurs vous plaire puisqu’il agit sur la demande.

Par conséquent, avis défavorable.

Mme Michèle Victory. J’irai dans le même sens que M. Larive. Plusieurs enquêtes ont montré que les résultats ne sont pas vraiment ceux qui étaient attendus. Les élèves des lycées professionnels et les apprentis ne se servent que très marginalement du pass culture, et il y a une sorte d’effet d’aubaine : ce sont ceux qui avaient déjà accès à la culture qui utilisent le dispositif. Je pense donc qu’il faudrait le repenser, notamment en faisant en sorte que les personnes qui interviennent dans les écoles aient un taux de rémunération suffisant. Elles perçoivent des sommes misérables, alors que leur tâche n’est pas facile.

M. le président Éric Woerth. L’intention était bonne, mais le dispositif est un échec.

M. Michel Larive. Vous avez raison, monsieur le président.

Ce que j’ai dit est vrai, madame la rapporteure spéciale. Vous déformez mes propos. Le nombre de jeunes était de 35 000 en 2019. Vous parlez, de votre côté, de 100 000 en 2020. Par ailleurs, alors que j’ai indiqué que l’usage du pass culture a presque uniquement concerné le numérique pendant la crise, vous évoquez une période antérieure. Lorsqu’on ne pouvait aller ni dans des librairies ni à des concerts, à cause du confinement, seuls des moyens dématérialisés d’accéder à la culture étaient possibles – c’est normal. Les grosses entreprises vendant des supports culturels numériques, que je ne citerai pas, se sont beaucoup enrichies – et elles seules.

Vous suggérez de réduire le montant du pass culture. Or ce n’est pas cela le problème, mais la structure du dispositif.

Enfin, vous ne pouvez pas dire que le pass culture a un effet structurant puisqu’il n’existe pas d’enquête officielle en la matière.

Mme Dominique David, rapporteure spéciale. Les chiffres que j’ai donnés sont parfaitement exacts. Il est faux de dire que l’intégralité des fonds a profité à de grandes entreprises du numérique. L’évolution durant le confinement a été très faible : elle s’est limitée à 5 %. On observe par ailleurs une forte consommation de livres. Je pense que l’expérimentation a été trop courte. Il ne faut pas enterrer ce projet très intéressant.

La commission rejette l’amendement II-CF1032.

M. le président Éric Woerth. Nous en venons aux explications de vote des groupes sur les crédits de la mission.

Mme Bénédicte Peyrol. Nous examinons ces crédits dans un contexte très particulier : c’est vrai d’une manière générale, mais le secteur de la culture a profondément souffert. Une forte mobilisation est donc nécessaire de la part de l’État. Je pense qu’il est au rendez-vous, mais il faut être extrêmement vigilant sur la répartition des moyens. Comme le rapporteur spécial l’a souligné, la commission des finances devra être très mobilisée. Les crédits augmenteront de plus de 8 % compte tenu du plan de relance – on doit, en effet, « recoller les morceaux ».

Je tiens à saluer l’accroissement des efforts pour les territoires, même si on constate toujours que beaucoup d’argent reste en Île-de-France et que nos collectivités sont davantage mobilisées. Une part substantielle de l’augmentation des crédits alloués à la culture en 2021 concernera les territoires.

Je pense notamment à la création : il y aura 15 millions d’euros de mesures nouvelles pour soutenir les réseaux et les labels de création dans les régions, revaloriser les subventions attribuées aux compagnies, ce qui est très important, et renforcer le soutien à la création. Il est bien de faire de la diffusion, mais nous avons aussi besoin de créer, en particulier dans les moments difficiles que nous traversons.

S’agissant du patrimoine, sont prévus 13 millions d’euros de mesures nouvelles pour augmenter les capacités de restauration des monuments historiques, notamment au travers du Fonds incitatif pour ces petites communes. Venant de l’Allier, j’espère que nous verrons arriver ces crédits dans nos territoires.

Le groupe La République en Marche votera en faveur de ces crédits.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ma première remarque concerne l’augmentation des crédits de la culture. Si on veut être tout à fait honnête intellectuellement, il faut tenir compte du fait que 111 millions d’euros consacrés à la recherche culturelle, qui étaient auparavant inscrits dans le budget de la recherche, ont été transférés dans le budget de la culture. Afin qu’il y ait de la lisibilité, il faudrait pouvoir comparer des choses comparables…

Le plan de relance servira également à accompagner des structures. Malgré le nom qui a été retenu, il s’agit d’un soutien et non d’une relance, comme l’a souligné le rapporteur spécial. Qu’adviendra-t-il de ce soutien au cours des prochaines années, lorsque les crédits du plan de relance ne seront plus disponibles ?

S’agissant des moyens dédiés au patrimoine, je constate une fois de plus qu’on laisse ce secteur relativement en danger, alors qu’il constitue une part de l’identité française. Des pans entiers de notre patrimoine ne bénéficient pas d’un accompagnement.

Enfin, je tiens à évoquer le coût, pharaonique, du projet concernant le château de Villers-Cotterêts, qui est un caprice du Président de la République : vous ajoutez 43 millions d’euros de crédits de paiement, alors que les opérations devaient être terminées en 2020.

M. Christophe Jerretie. Le groupe MoDem et Démocrates apparentés votera largement, et avec vigueur, en faveur de ces crédits.

S’agissant des mesures que nous avons adoptées dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative, existe-t-il une évaluation des décaissements effectifs ? Nous avons prévu beaucoup de moyens, mais il faut regarder ce qui se passe réellement. C’est un élément important à suivre pour déterminer les opérations déconcentrées et les financements.

En matière comptable et opérationnelle, on peut considérer que l’État a pris sa part et qu’il reste à l’écoute, ce qui est nécessaire, car nous savons que 2021 sera une année difficile pour le monde culturel.

En ce qui concerne le patrimoine, je suis à peu près du même avis que Gilles Carrez, dont on connaît bien l’attachement à cette question. Il y a des plans solides, mais il faut de l’argent à la fois pour consolider le patrimoine historique et pour permettre une évolution des structures et des opérateurs qui s’en occupent.

Nous avons bien pris note, en particulier, de l’amendement proposé par le rapporteur spécial. Comme le groupe La République en Marche, nous serons à l’écoute sur ce sujet.

J’ai une question au sujet du mécénat : y a-t-il un risque de relâchement des efforts des entreprises en 2021 ? Elles ont beaucoup investi dans le patrimoine et même dans le fonctionnement des musées. L’État apporte un soutien très fort, mais nous aurons des difficultés sans le secteur privé.

Mme Michèle Victory. Depuis mars, le monde de la culture est en grande souffrance. Le poids de ce secteur n’est plus à démontrer : il représente près de 80 000 entreprises et 635 000 emplois à titre principal – c’est une précision importante. Déjà sonnée par la première vague, la culture est au bord de la noyade en raison du couvre-feu instauré dans les métropoles. Elle n’est pourtant à l’origine d’aucun cluster. Elle a su assumer ses responsabilités et elle s’est battue pour ses filières et ses artistes.

La ministre a reconnu l’importance majeure de ce secteur, dont le budget augmentera de près de 5 % par rapport à 2020, tous les programmes étant concernés. Par ailleurs, le plan de relance prévoit 2 milliards d’euros pour la culture en 2021 et 2022 – 856 millions pour des aides spécifiques, 843 millions d’euros au titre de l’année blanche pour les intermittents et des aides transversales. Une forte attention est donc portée à ce secteur. Cependant, la hausse des crédits reste minimale par rapport aux pertes, qui s’élevaient à 22 milliards d’euros au mois de septembre, le recul du chiffre d’affaires allant de 40 % pour les radios à 84 % pour le spectacle vivant.

Le groupe Socialistes et apparentés estime qu’il convient de rester attentif sur un certain nombre de points :

 la suite qui sera donnée à l’année blanche, au-delà d’août 2021 ;

 l’équilibre entre le soutien apporté aux grandes institutions parisiennes et celui pour les petites structures et les structures des territoires, la dépense moyenne étant de 139 euros par Francilien et 15 euros par personne dans le reste du territoire – il faudrait peut-être accentuer l’effort passant par le Fonds incitatif et partenarial en faveur des collectivités à faibles ressources ;

 la poursuite de l’aide décentralisée pour les labels, les réseaux et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ;

 la nécessité d’une ambition encore plus forte pour garantir un emploi artistique pérenne – je ne suis pas certaine que les 5 milliards d’euros supplémentaires soient suffisants ;

 l’utilité d’une redéfinition des règles de financement de la commande publique afin de soutenir les artistes-auteurs, évoqués par Michel Larive ;

 la poursuite d’actions fortes pour démocratiser la culture par le biais de l’éducation artistique et culturelle  nous soutenons toutes les propositions figurant dans ce budget, mais nous avons un avis très mitigé en ce qui concerne l’effectivité du pass culture.

Par ailleurs, même si cela n’entre pas directement dans le cadre de ce budget, tout un secteur n’est pas pris en compte : celui des travailleurs intermittents autour de la culture, dans l’hôtellerie ou l’événementiel, qui représente tout de même 200 000 emplois.

La crise a montré qu’il faudrait repenser les choses dans leur globalité, compte tenu des grandes difficultés et des fragilités qui sont apparues.

M. Vincent Ledoux. Le groupe Agir ensemble votera en faveur des crédits de cette mission, à la fois parce que leur niveau augmentera pour répondre aux enjeux de cette superbe mission et parce que tous les champs d’action du ministère et tous les territoires seront concernés d’une manière équitable.

J’aimerais interroger la rapporteure spéciale sur l’effet de la crise économique pour le secteur culturel, qui est extrêmement important. Une étude contrefactuelle a été réalisée au mois de mars afin d’évaluer l’étendue des pertes financières et les conséquences à court et moyen termes sur l’emploi. Des hypothèses ont été formulées pour chaque secteur culturel, en fonction de ses enjeux spécifiques et des évolutions envisageables. Avez-vous pu vérifier ces hypothèses et les actualiser pour tenir compte du couvre-feu ?

L’impact économique est important, la culture représentant un chiffre d’affaires de 97 milliards d’euros et une valeur ajoutée de 47 milliards d’euros. Des dizaines de milliers d’entreprises et d’acteurs sont concernés. L’importance spirituelle, si j’ose dire, de la culture – pour l’âme de notre nation – a été évoquée, mais il y a aussi son importance économique, qui ne doit pas être négligée.

M. Michel Larive. Même si, de prime abord, le budget de la culture connaîtra une augmentation certaine, permettez-moi d’émettre des réserves, notamment quant aux orientations politiques suivies.

Tout d’abord, le Gouvernement s’obstine à maintenir le pass culture malgré son inefficacité. Pire, vous voulez augmenter les crédits prévus à ce titre.

Présenté comme un moyen de permettre aux jeunes d’avoir accès à toute l’offre culturelle existante et de découvrir de nouvelles activités, le pass culture est en réalité un chèque de 500 euros pour des jeunes de 18 ans. La médiation culturelle ne peut se résumer à un catalogue d’activités ou de produits culturels. Il faut un accompagnement, une médiation, sans quoi on risque de voir s’amplifier certaines pratiques culturelles au détriment d’une réelle diversification, qui est nécessaire.

Ce pass profite à des entreprises qui véhiculent une culture de consommation de masse et participent à la marchandisation de la culture. Dans la période actuelle, qui est particulièrement difficile pour les acteurs culturels, il aurait été préférable de supprimer ce dispositif – je l’avais demandé à M. Riester lorsqu’il était ministre de la culture – afin de pouvoir venir en aide aux professionnels de ce secteur.

Lors de la conférence de presse qu’elle a tenue en juillet dernier, Mme Bachelot avait indiqué qu’un bilan était nécessaire – mais il n’a pas eu lieu – avant la généralisation du dispositif. La réalisation d’un bilan est indispensable : le pass culture est un échec.

Par ailleurs, votre volonté d’instaurer une pléthore de labels traduit une vision mercantile de la culture. Il y aurait, d’un côté, des labels publicitaires et, de l’autre, des labels derrière lesquels se cachent des opérations de marketing.

En ce qui concerne l’archéologie préventive, les crédits augmentent enfin, après des années de baisse. Cependant, le résultat est décevant : les objectifs n’évoluent pas, et les emplois sous plafond n’augmentent pas davantage. Vous renforcez les crédits mais vous ne ferez qu’accompagner la précarité de l’archéologie française.

Au regard de ces éléments, et parce que votre vision n’est pas celle d’une culture émancipatrice et émancipée du règne de la finance, nous voterons contre les crédits de cette mission.

M. Jean-Paul Dufrègne. Qu’il s’agisse du confinement, de la distanciation physique ou du couvre-feu, toutes les mesures sanitaires pour lutter contre la covid-19 ont eu et continuent à avoir des conséquences directes pour l’ensemble des secteurs et des acteurs de la culture, à tel point que tout son écosystème est bouleversé. Cette situation sans précédent n’est évidemment pas sans influence sur l’examen de ce PLF.

Les crédits de la culture connaîtront une augmentation de plus de 8 % mais il faut relativiser ce chiffre compte tenu des transferts qui ont lieu – la hausse n’est, en réalité, que de 4,8 % – et surtout de l’ampleur de la crise affectant ce secteur, qui est un des plus touchés.

Dans les secteurs culturels marchands, la perte d’activité est estimée à 22,3 milliards d’euros, ce qui représente une baisse de 25 % par rapport à 2019, et tout porte à croire que la situation va perdurer. Le secteur du patrimoine et de l’architecture est également très affecté : les pertes économiques sont considérables.

Mme Bachelot a déclaré qu’elle était la ministre des artistes et des territoires. La question est de savoir comment l’augmentation des crédits va contribuer au rééquilibrage, nécessaire, entre les territoires, entre Paris et les régions mais aussi entre les régions urbaines et celles qui sont rurales.

En raison de la fermeture des salles de spectacle et d’exposition, de l’annulation des manifestations et, désormais, du couvre-feu, la création artistique est très durement touchée dans de très nombreux secteurs et pour beaucoup d’artistes. C’est leur survie qui est désormais en jeu.

Dans ce contexte de crise, des mesures visant à lutter contre la précarité sont plus que jamais nécessaires. Les crédits du Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle vivant (FONPEPS) seront en hausse de 5 millions d’euros, ce qui est bien, et un plan en faveur des artistes-auteurs sera doté de deux millions d’euros. Le désastre que subit, de plein fouet, ce secteur, donne une urgence supplémentaire au soutien à l’emploi culturel, qui est très divers, et à sa structuration. Les attentes des professionnels, qui étaient déjà fortes, sont devenues considérables. Il faut une mobilisation pour sauver la culture. Malgré l’augmentation des crédits, je ne suis pas sûr que ce budget suffira.

Mme Dominique David, rapporteure spéciale. Les crédits – 23 millions d’euros pour la création et 10 millions pour la démocratisation de la culture – sont bien exécutés, monsieur Jerretie : leur consommation est d’un bon niveau.

Nous n’avons pas pu actualiser les chiffres, monsieur Ledoux. Le Premier ministre et la ministre de la culture reçoivent aujourd’hui même l’ensemble des organisations syndicales pour travailler sur des mesures de soutien dans le cadre du couvre-feu.

M. Gilles Carrez, rapporteur spécial. Les crédits du programme Patrimoines sont gérés d’une façon totalement déconcentrée. Ils sont soit délégués aux opérateurs, comme le Centre des monuments nationaux (CMN), et décaissés très vite, soit déconcentrés au niveau des DRAC, et largement territorialisés.

On n’a pas assisté en 2020 à une baisse du mécénat pour les grands établissements, comme Versailles ou le Louvre, mais on ne sait pas trop ce qui va se passer en 2021. S’agissant de Notre-Dame de Paris, les promesses de dons s’élèvent à 815 millions d’euros, et un peu plus de 200 millions ont déjà été encaissés. En revanche, l’espoir d’un mécénat de 30 millions d’euros pour Villers-Cotterêts n’existe plus. Cela répond, me semble-t-il, à certaines interrogations. Les 100 millions d’euros prévus se substituent en partie à ce mécénat qui fait défaut.

La commission adopte les crédits de la mission Culture sans modification.

 

La commission examine ensuite les crédits de la mission Aide publique au développement.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Les moyens de la mission vont augmenter fortement : ils atteindront 4,9 milliards d’euros en crédits de paiement, contre 3,27 milliards en 2020, ce qui représente une hausse de plus de 50 %. C’est aussi la résultante de l’augmentation des autorisations d’engagement antérieures, notamment celles de 2019.

L’objectif qui a été fixé était de consacrer, en 2022, 0,55 % du revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement (APD), dont le calcul n’intègre pas uniquement les crédits de la présente mission. Nous allons non seulement atteindre mais dépasser cet objectif dès 2021. L’APD s’élèvera, en effet, à 0,69 % du RNB en 2021. C’est dû à l’augmentation du numérateur, mais aussi à la diminution du dénominateur, notre pays s’étant très sensiblement appauvri.

Dans cette situation, même s’il existe encore des incertitudes, nous devons nous poser certaines questions de fond. Avons-nous vocation à continuer à augmenter les crédits, alors que l’objectif en pourcentage du RNB est atteint ? Autre sujet, que j’avais évoqué dans mon précédent rapport, quelles sont les contreparties que nous pouvons obtenir pour nos entreprises et en ce qui concerne les reconduites à la frontière ? Bon nombre de pays bénéficiant largement de notre APD sont très peu coopératifs dans ce domaine – je pense en particulier au Mali, voire au Sénégal.

S’agissant de 2021, des crédits supplémentaires sont prévus, en particulier, pour notre participation au Programme alimentaire mondial (PAM), qui sera portée à 38,15 millions d’euros. J’avais signalé dès 2018 que nous avions une faiblesse en la matière. Nous avons évolué, et c’est heureux. Vous savez que le PAM vient d’être reconnu au plan international… Nous ne figurons pas parmi les premiers pays donateurs, mais nous sommes passés de la 33e à la 26e place. Nous avons également accru notre aide alimentaire programmée, qui s’élèvera à 76 millions d’euros en 2021. Des secteurs un peu négligés jusqu’à présent ont donc été renforcés nettement. Les moyens alloués au Fonds d’urgence humanitaire sont également en hausse.

Un autre objectif était d’augmenter l’aide bilatérale, jugée plus opportune, en particulier pour les pays les plus pauvres. Les crédits consacrés à l’aide bilatérale au sein du programme 110, qui relève de la direction générale du Trésor, augmenteront ainsi de 20 %, et ceux figurant dans le programme 209, qui dépend du ministère des affaires étrangères, de 46 %. C’est conforme à l’objectif fixé par le Président de la République et par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer régulièrement lors de nos discussions budgétaires.

S’agissant de la santé, qui est évidemment le grand sujet à l’heure actuelle, et de l’éducation, de grands efforts ont été réalisés par l’Agence française de développement (AFD) pour réorienter une partie des crédits existants – à hauteur de 1,2 milliard d’euros pour la santé. C’est une évolution bienvenue.

Je tiens également à souligner que les fonds propres de l’AFD, qui est en quelque sorte notre bras séculier, augmenteront de 953 millions d’euros en 2021. Nous n’avons pas encore connaissance de tous les éléments en ce qui concerne les modalités de l’opération : un amendement du Gouvernement sera sans doute déposé.

L’augmentation des fonds propres de l’AFD s’explique, pour l’essentiel, par trois raisons. Il convient, tout d’abord, de respecter certaines évolutions prudentielles. Par ailleurs, la crise économique a des effets sur l’AFD, comme sur d’autres structures bancaires. Enfin, puisque notre aide au développement augmente, l’activité de l’AFD s’accroît aussi – l’essentiel de notre aide passe par elle. Je précise, au passage, que le siège de l’AFD sera installé dans de nouveaux locaux.

Toutes ces évolutions interviennent à un moment très particulier. L’Afrique semble échapper à la crise sanitaire – elle y est, en tout cas, très atténuée, à part en Afrique du Sud, où les chiffres semblent tout de même moins inquiétants qu’ailleurs dans le monde. En revanche, l’extrême pauvreté, qui avait connu une baisse pendant vingt ans, est repartie à la hausse, évolution qui n’était pas du tout prévue mais qu’il faut désormais intégrer.

Le Club de Paris, élargi pour l’occasion à la Chine et aux pays du Golfe les plus riches, a accepté un moratoire sur la dette des pays les plus pauvres. Ce moratoire est accordé assez aisément, mais certains pays n’ont pas demandé à en bénéficier, préférant ne pas remettre en cause leur réputation et leur capacité d’endettement de demain.

Le Président de la République a déclaré qu’on pourrait également envisager un abandon de créances pour certains pays, s’agissant plus spécifiquement de l’Afrique. Pour le moment, cela n’a pas été le cas. Il faut souligner qu’il n’y a pas eu d’abandon de dette au cours des six ou sept dernières années. Malgré l’existence de difficultés, les perspectives paraissaient assez lointaines, mais le processus s’est accéléré : il y a aura sans doute un abandon de dette en 2021 pour le Soudan.

J’aurai sans doute l’occasion de revenir sur le financement de l’APD lorsque nous examinerons les amendements.

La commission en vient à l’examen des amendements à la mission Aide publique au développement.

Article 33 et état B : Crédits du budget général

La commission examine l’amendement II-CF986 de Mme Clémentine Autain.

Mme Clémentine Autain. Nous nous interrogeons sur l’ampleur, totalement disproportionnée, de l’enveloppe prévue pour le G7 de Biarritz.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Il me semble que votre amendement ne concerne pas l’organisation même de ce sommet, question sur laquelle seul l’exécutif pourrait vous répondre.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit plutôt de la contribution au Fonds vert pour le climat.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF988.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur spécial, la commission rejette successivement les amendements II-CF977 et II-CF984 de Mme Clémentine Autain.

M. le président Éric Woerth. Nous en venons aux explications de vote des groupes sur les crédits de la mission.

Mme Cendra Motin. Le Président de la République a fait de l’aide publique au développement une des priorités de son quinquennat. Dans ce cadre, le Gouvernement applique une hausse sans précédent des moyens consacrés à cette politique, l’objectif qui a été fixé étant d’y consacrer 0,55 % du RNB en 2022.

L’année prochaine, les crédits de paiement de cette mission seront portés à 4,9 milliards d’euros. L’augmentation sera de 683 millions d’euros, en plus du renforcement des fonds propres de l’AFD dont vous avez parlé, monsieur le rapporteur spécial. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France a déjà porté son APD à 0,44 % du RNB en 2019, ce qui nous place sur une bonne trajectoire.

Les crédits alloués aux fonds bilatéraux poursuivront leur augmentation en 2021. Ceux consacrés aux fonds multilatéraux augmenteront aussi, substantiellement, pour financer les grandes priorités sectorielles actées par le CICID en 2018, les décisions prises lors du sommet du G7 présidé par la France, à Biarritz, en août 2019, et la réponse internationale à la crise liée à la pandémie de covid-19.

Les fonds pour l’aide humanitaire augmenteront notamment : ils s’élèveront à près de 330 millions d’euros, l’engagement qui a été pris étant d’atteindre 500 millions en 2022. Les crédits transitant par les organisations de la société civile, par l’intermédiaire du guichet dédié de l’AFD, dépasseront le seuil de 100 millions d’euros. Enfin, le niveau des engagements concernant les dons-projets de l’AFD et les dons aux ONG reste supérieur à un milliard d’euros.

L’effort de la France est considérable, et nous saluons le dépôt prochain sur la table du Conseil des ministres du projet de loi de programmation relative à la politique de développement et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui permettra de renforcer la lisibilité de l’APD et d’inscrire nos efforts dans une perspective de long terme.

Le groupe La République en Marche votera, bien évidemment, en faveur de ces crédits.

Mme Marie-Christine Dalloz. Plusieurs points me posent problème dans cette mission.

D’abord, nous attendons toujours le projet de loi d’orientation et de programmation pour le développement. Je ne sais pas si cette politique est une priorité, comme l’a dit Mme Motin, car cela fait deux ans qu’une loi de programmation a été annoncée.

Je voudrais également aborder la question de la taxe sur les transactions financières, qui s’applique aux achats d’actions de grandes entreprises françaises dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d’euros. Jusqu’en 2018, 50 % du produit de la taxe allaient à l’APD, puis cette part a été ramenée à 30 % à partir de 2019.

Dernière observation, si on veut être efficace en matière d’aide au développement, il faut s’assurer que les deux acteurs français, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et l’AFD, respectent des critères de transparence en matière d’aide publique.

M. Christophe Jerretie. Certes, on peut regretter que le projet de loi d’orientation, traduisant la stratégie du Président de la République en matière de développement et de solidarité, n’ait pas encore été présenté, mais les crédits sont en constante augmentation et permettent de faire face aux besoins. Cela dit, nous serons particulièrement attentifs à l’évolution du périmètre de l’AFD lors de l’examen du projet de loi : si l’on veut que l’aide soit efficace, il faut coordonner toutes les instances.

Comme l’a souligné M. le rapporteur spécial, le contexte est particulier : la pauvreté s’accentue dans certains pays. Il est donc important de maintenir l’aide au développement, tout en veillant à maîtriser sa mise en œuvre sur le terrain.

Nous voterons, bien évidemment, les crédits de cette mission.

M. Vincent Ledoux. Le groupe Agir ensemble votera les crédits de la mission avec beaucoup de bonheur, car ils montrent l’engagement solidaire de la France à l’égard des pays en développement. L’expression « aide publique au développement » pourrait toutefois évoluer, à l’image des méthodes que nous employons pour répondre au mieux à la demande et co-construire avec les pays qui sont en demande de développement. L’AFD a proposé les termes « investissement solidaire » ; j’ai moi-même fait des propositions. Le fait de modifier la dénomination nous permettrait d’accompagner l’évolution de l’approche de cette politique, qui ne saurait être la même qu’il y a cinquante ou soixante ans.

Je rejoins Mme Dalloz : l’efficacité et la transparence de l’aide sont les préalables indispensables pour que les Français y souscrivent – ce qui est d’ailleurs le cas : le baromètre de l’AFD, établi chaque année, montre que plus des trois quarts des personnes interrogées sont favorables à l’APD.

Qu’en est-il, monsieur le rapporteur spécial, de la territorialisation de cette politique ? Si notre politique d’aide au développement est désincarnée, elle ne servira pas cette cause dans notre pays, alors même que, comme je l’ai souligné dans un rapport remis récemment au Premier ministre, près de la moitié des régions sont encore engagées dans une relation avec l’Afrique.

Par ailleurs, il faudrait faire de l’AFD une banque de territoire : ce serait un levier pour la croissance de nos entreprises. C’est ce que fait l’Agence allemande de coopération internationale dans différents secteurs économiques. Il est en train de se passer quelque chose, à la jonction entre la Caisse des dépôts et consignations et l’Agence française de développement : où en est leur stratégie d’union et de filialisation, qui permettrait de créer une véritable banque du territoire à l’international, de nature à accompagner nos entreprises dans leur démarche d’aide au développement ou d’investissement solidaire ?

Mme Clémentine Autain. Nous aurons un débat plus large dans l’hémicycle sur la question de l’aide publique au développement et l’enveloppe qui y est consacrée : c’est un enjeu fondamental. Il convient certes de saluer l’augmentation des crédits – c’est toujours mieux qu’une diminution –, mais l’enthousiasme doit être immédiatement tempéré car ce budget est en trompe-l’œil.

D’abord, l’augmentation du budget global s’explique par une mesure ponctuelle : un règlement européen modifie le ratio de fonds propres des sociétés de financement, ce qui accroît considérablement la part de l’AFD dans la mission mais aussi, de façon mécanique, le niveau de cette dernière.

Ensuite, un grand nombre de mesures sont liées à la réponse au covid-19 et ne sont donc pas forcément structurelles et durables.

Par ailleurs, les contributions sont calculées en pourcentage du PIB, et dépendent donc de la croissance. Dès lors, on ne peut pas être totalement sûr que les objectifs – au demeurant insuffisants – fixés par Emmanuel Macron seront atteints.

En ce qui concerne l’amendement que je défendais précédemment, il y a bien un effet d’optique : le Président de la République avait promis, à Biarritz, de doubler les fonds verts, mais tel n’est pas le cas. Surtout, comment peut-on injecter 100 milliards dans les énergies fossiles tout en faisant mine de créer un fonds vert, doté a minima ? Nous voulions mettre en évidence une forme de schizophrénie de la politique de l’État. La politique prétendument écologiste qui est conduite relève en fait de la communication.

M. le président Éric Woerth. La mission Aide publique au développement est celle dont les crédits augmentent le plus : 50 % de hausse. Certes, il y a un abandon de créances de l’État vis-à-vis de l’AFD, qui représente un milliard d’euros, mais un certain nombre d’efforts sont faits par ailleurs.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Le projet de loi de programmation est effectivement l’Arlésienne : on l’attend depuis un certain nombre d’années. Sa présentation est repoussée quasiment tous les trimestres. L’aurons-nous ou pas ? En tout état de cause, le texte doit s’adapter à des circonstances qui ont été très évolutives : si nous l’avions votée il y a dixhuit mois, peut-être ne serait-il plus aussi pertinent.

Monsieur Ledoux, l’idée d’un rapprochement entre la Caisse des dépôts et l’AFD a été surtout avancée il y a deux ou trois ans ; je ne suis pas sûr qu’elle soit toujours d’actualité. Il est vrai que certains pays ont choisi cette démarche, mais pas tous.

Il convient de noter que le directeur général de l’AFD réunira à Paris dans quelques jours l’ensemble des banques et organismes de développement – selon le pays, cela prend des formes différentes : ce sont parfois des fonds souverains. Cette réunion, à l’initiative de la France, est une bonne chose : dès lors que tous ces établissements concourent au développement, il n’est pas plus mal qu’ils échangent entre eux.

 

La commission adopte les crédits de la mission Aide au développement sans modification.

Article 53 : Souscription à l’augmentation de capital de la Banque africaine de développement (BAfD)

La commission adopte l’article 53 sans modification.

Elle en vient à l’examen des crédits du compte de concours financiers Prêts à des États étrangers.

Article 35 et état D : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financier

La commission adopte les crédits du compte de concours financiers Prêts à des États étrangers sans modification.

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Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du jeudi 22 octobre à 9 heures 30

 

En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.