Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  Suite de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360), examen et vote sur les crédits des missions :

  Économie :

  Développement des entreprises et régulations ; compte spécial Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés (M. Xavier Roseren et Mme Valéria Faure-Muntian, rapporteurs spéciaux)              2

  Statistiques et études économiques ; Stratégie économique et fiscale ; compte spécial Accords monétaires internationaux (M. Philippe Chassaing, rapporteur spécial)              3

  Commerce extérieur (M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial) 4

  Investissements d’avenir et sur l’article 55, rattaché (Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteur spécial) 10

  Engagements financiers de l’État (Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale) 16

  Comptes spéciaux Participations financières de l’État ; Participation de la France au désendettement de la Grèce ; Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics (Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale)              21


Jeudi
22 octobre 2020

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 18

session ordinaire de 2020-2021

 

 

Présidence de

 

Mme Cendra Motin,

Vice-présidente

 

 

 


  1 

La commission poursuit l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360)

Mme la vice-présidente Cendra Motin. Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle la suite de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021.

Nous examinons ce soir les crédits des missions Économie, Investissements d’avenir, Engagements financiers de l’État, ainsi que les comptes spéciaux Accords monétaires internationaux, Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés, Participations financières de l’État, Participation de la France au désendettement de la Grèce et Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics.

La commission commence par l’examen des crédits de la mission Économie.

Mme Valéria Faure-Muntian, rapporteure spéciale (Développement des entreprises et régulation, Plan France Très haut débit et compte de concours financier Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés). Les programmes 134 Développement des entreprises et régulations et 343 Plan France Très haut débit de la mission Économie ont été fortement sollicités pendant la crise sanitaire et en particulier pendant le confinement, à travers les prêts garantis par l’État, le fonds de solidarité, tout comme le compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés à travers les prêts à taux bonifiés et les avances remboursables.

Le budget 2021 est évidemment marqué par la crise sanitaire, qui se traduit notamment par l’apparition d’une mission Plan de Relance. Le programme 134 revient à son niveau d’avant crise, les mesures prises dans le cadre de l’urgence économique et sanitaire étant transférées à cette nouvelle mission : il est doté de 1,168 milliard d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 1,176 milliard d’euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation respectivement de 9,52 % et de 8,92 %,

Cette augmentation s’explique principalement par la hausse de la compensation carbone en faveur des industries électro-intensives, qui passe de 280 à 403 millions d’euros. L’action 23 Industrie et services représente à elle seule 47,4 % des dépenses du programme, ce qui souligne l’importance du soutien de l’État aux entreprises.

Le programme 343 Plan France très haut débit a, lui, fait l’objet d’un abondement supplémentaire de 30 millions d’euros en AE dans la loi de finances rectificative. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, si son niveau d’AE diminue très fortement, soit de 92 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, son niveau de CP augmente sensiblement, c’est-à-dire de 44 %. En 2021, les projets seront sélectionnés et les crédits engagés : le programme entrera donc dans sa plus haute phase de décaissements.

Si le compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés avait, au titre de l’urgence sanitaire, accordé pour 500 millions d’euros de prêts bonifiés et d’avances remboursables aux entreprises touchées par la crise de la covid-19, cette ligne de dépense est ramenée à zéro pour 2021. Les prêts accordés au titre des programmes d’investissements d’avenir (PIA), diminuent en 2021 : 26 millions d’euros contre 100 millions d’euros en 2020. De même, les prêts pour le développement économique et social reviennent à leur niveau d’avant crise, soit 75 millions d’euros.

La mission Plan de relance concourt de manière importante aux objectifs de la mission Économie. Afin d’appréhender l’effort financier dans sa globalité, nous nous devons de citer rapidement quelques-unes des mesures prévues par cette même mission : la rénovation énergétique des TPE-PME, à hauteur de 95 millions d’euros, le soutien aux fonds propres des entreprises, à hauteur de plus de 750 millions d’euros et le développement du numérique sur tout le territoire, crédité de 125 millions d’euros.

Avec Xavier Roseren, nous appelons à la vigilance sur un certain nombre de points, et tout d’abord sur la dotation à BpiFrance au titre de son activité de garantie aux prêts bancaires, que mon collègue a déjà évoquée à deux reprises au cours des exercices précédents. Nous souhaitons qu’elle soit rétablie en tant que ligne du programme 134 et nous défendrons un amendement dans ce sens.

De la même façon, la numérisation des entreprises doit également, à mon sens, faire l’objet d’une ligne budgétaire pérenne au sein du programme 134 et alors que les crédits se retrouvent principalement la mission Plan de relance : nous y reviendrons en séance publique.

Ces remarques étant faites, je vous invite à adopter les crédits des programmes 134 et 343 ainsi que ceux du compte de concours financier Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés.

M. Philippe Chassaing, rapporteur spécial (Statistiques et études économiques, Stratégies économiques et compte de concours financiers Accords monétaires internationaux). Il me revient de vous présenter les crédits demandés par le Gouvernement au titre des programmes 220 Statistiques et études économiques et 305 Stratégies économiques, qui forment la seconde partie de la mission Économie, ainsi que le compte de concours financiers Accords monétaires internationaux.

Ils couvrent les crédits attribués, d’une part, à l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et, d’autre part, à la direction générale du Trésor.

En dépit d’un contexte économique compliqué, les crédits du programme 220 Statistiques et études économiques, support de l’INSEE, augmentent légèrement, pour s’établir à près de 435 millions d’euros.

Le financement de l’INSEE s’inscrit depuis l’an dernier dans le cadre d’un contrat pluriannuel de financement conclu avec la direction du budget et le secrétariat des ministères économiques et financiers, qui couvre la période 2019-2022.

Ce contrat, qui fixe une trajectoire de crédits et de réduction du nombre d’ETP, offre à l’INSEE une véritable flexibilité, en lui permettant par exemple d’organiser comme elle le souhaite son schéma d’emploi au cours de cette période triennale pour atteindre l’objectif fixé.

Je salue le rôle essentiel et l’agilité de l’INSEE durant la crise sanitaire, au cours de laquelle elle s’est adaptée et a fourni des indicateurs, dans un contexte peu propice. L’Institut poursuivra en 2021 la conduite de ses projets structurants, notamment la dématérialisation des enquêtes entreprise et ménages.

Le programme 305 Stratégies économiques porte quant à lui sur les dépenses de la direction générale du Trésor (DG Trésor). Il est affecté cette année par une double mesure de périmètre : les crédits de la direction de la législation fiscale ne figurent plus dans ce programme, lequel accueille en revanche une nouvelle action Économie sociale, solidaire et responsable : la création d’un secrétariat d’État sur cette thématique a en effet conduit à confier cette compétence à la direction générale du Trésor et à héberger les crédits s’y rapportant au sein de ce programme 305.

Les crédits demandés dans ce projet de loi de finances s’élèvent à plus de 421 millions d’euros, en hausse de 4,35 % par rapport à l’année précédente. Le programme 305 finance à hauteur de 222 millions d’euros le remboursement de certaines prestations que la Banque de France sert pour le compte de l’État, contre 230 millions d’euros l’an passé, y compris le secrétariat des commissions de surendettement, pour laquelle 132 millions d’euros sont prévus contre 137 millions en 2020.

Je salue ici le travail conjoint de la DG Trésor et de la Banque de France, qui permet encore une fois une diminution du coût de ces prestations, et a fortiori de la subvention versée par l’État à la Banque de France. Je le salue d’autant plus que la crise sanitaire fait craindre une probable augmentation du nombre de dossiers de surendettement. La Banque de France m’a assuré de sa capacité à absorber même une forte augmentation : j’y serai particulièrement vigilant. Néanmoins, l’augmentation prévisible de ce nombre du fait de la crise exige que soit engagée une réflexion visant à identifier de nouveaux leviers permettant d’en atténuer les effets.

Ce programme finance également la DG Trésor, en charge de diverses missions de prévision économique, de régulation financière, de négociations internationales et de soutien à l’export et à l’investissement à l’étranger. Cette direction d’état-major poursuit la réduction de la masse salariale de son réseau international, conformément à ce qui a été préconisé dans le plan Action publique 2022.

Il convient d’être vigilant sur l’impact de ces suppressions. Mes prédécesseurs avaient indiqué dans leur rapport de l’an dernier qu’elles semblaient avoir été décidées « sans que soit menée une réflexion stratégique globale sur les missions que doivent remplir les différents réseaux internationaux, selon quelles modalités et pour quels résultats ».

La DG Trésor est aujourd’hui confrontée à des difficultés dans l’exercice de certaines de ses missions : il m’apparaît dès lors nécessaire de mener une réflexion sur le périmètre des missions des services internationaux, dans le prolongement logique de la précédente réforme, qui avait abouti à la mutualisation des fonctions support avec le ministère des affaires étrangères.

Je terminerai rapidement par le compte de concours financiers Accords monétaires internationaux, destiné à garantir l’ancrage de la parité du taux de change du franc CFA sur l’euro et la garantie de convertibilité illimitée. L’appel en garantie est peu probable et aucun crédit n’est prévu pour 2021. Les trois programmes ne font d’ailleurs pas l’objet d’un projet annuel de performances.

Ces précisions données, je vous propose de voter les crédits des programmes 220 et 305 proposés par le Gouvernement.

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial (Commerce extérieur). La situation du commerce extérieur français est évidemment très inquiétante compte tenu de la crise économique mondiale. La baisse de nos exportations, notamment due à la crise de l’aéronautique, secteur qui est pour la France un gros exportateur, devrait atteindre 18,5 % en 2020, soit 7 points de plus que la baisse de nos importations. Notre déficit commercial s’est déjà alourdi de 5 milliards d’euros lors du premier semestre : au total, cette dégradation devrait se creuser au total de 10 ou de 12 milliards d’euros et le déficit commercial pour les biens dépasser 70 milliards d’euros pour 2020.

Cette dégradation aura des conséquences directes pour les finances publiques : l’assurance-crédit gérée par BpiFrance Assurance Export, dispositif traditionnellement rentable pour l’État, puisqu’il rapporte plusieurs centaines de millions d’euros, pourrait être déficitaire de quelques dizaines de millions d’euros en 2021.

Dans ce contexte, le plan de relance, et notamment son volet export, est un apport essentiel. Cela fait plusieurs années maintenant que je demande, notamment en tant que rapporteur spécial, un effort conséquent pour soutenir nos entreprises françaises à l’export, que j’ai chiffré à 200 millions d’euros pour muscler l’effort public en la matière, pour peu que le dispositif et les réseaux se réorganisent. Le Gouvernement y a accédé sur la base des propositions faites par les acteurs du commerce extérieur. Nous devons évidemment continuer à soutenir l’exportation, notamment des TPE et des PME qui ne sont pas assez nombreuses à s’y engager au regard de la situation dans d’autres pays. De gros efforts ont été faits jusqu’en 2019, qu’il faut reprendre. Le plan de relance va donc jouer un rôle majeur : pour la première fois, 247 millions d’euros sur deux ans, avec 122 millions d’euros en crédit de paiement en 2021, favoriseront les exportations. Ces moyens supplémentaires iront directement aux entreprises, ce qui est une bonne chose. Je vous en détaille les trois principales mesures.

La première est le chèque export, qui coûtera 33 millions d’euros : il permettra de financer 15 000 prestations comme des participations aux salons. Si les régions jouent le jeu en abondant cette aide, comme c’est le cas par exemple en Auvergne Rhône-Alpes, participer aux salons deviendra enfin vraiment accessible pour nos PME et même nos TPE. Certaines sont à la traîne, mais d’autres soutiennent très activement leurs entreprises : il serait utile d’avoir un état des lieux comparatif.

Deuxième mesure : le chèque volontariat international en entreprise (VIE), qui permet de soutenir à hauteur de 5 000 euros l’envoi par les entreprises de jeunes à l’étranger, pour une enveloppe totale de 17,4 millions d’euros. Déjà ancien, ce dispositif fonctionne très bien et se révèle très utile pour les entreprises comme pour les jeunes diplômés de toutes catégories qui s’ouvrent ainsi au commerce international.

Enfin, troisième mesure, le budget de l’assurance prospection a été rehaussé de 52 millions d’euros. C’est l’outil préféré des entreprises, notamment des TPE-PME. Parallèlement à cette augmentation, qui permettra de financer 1 500 assurances prospection par an pendant trois ans, une formule simplifiée, dite assurance prospection accompagnement, sera proposée aux plus petites entreprises.

Cet effort de 122 millions d’euros en 2021, et de 247 millions d’euros sur deux ans, doit être durable : au regard de la situation sanitaire, il est possible que les VIE et les salons internationaux ne reprennent pas aussi vite que nous pourrions le souhaiter. Autrement dit, ces crédits devront être pérennisés et décalés dans le temps s’ils n’étaient pas engagés et décaissés immédiatement, faute de quoi ils feront à moyen terme défaut à nos entreprises. De la même façon, le budget garanti à BpiFrance Assurance Export pour l’assurance prospection doit lui aussi être maintenu à ce niveau au-delà du plan de relance.

Cet effort consacré aux entreprises ne doit pas se faire au détriment des moyens de fonctionnement accordés aux acteurs de la Team France Export : alors que Business France a perdu 10 millions d’euros de chiffres d’affaires cette année, le mouvement de baisse de ses subventions pour charge de service public se poursuit : – 2,5 millions d’euros en 2021. L’organisme le prend sur lui-même, mais prenons garde à ne pas aller trop loin. La difficile situation des chambres de commerce, qui se sont engagées à accompagner les entreprises, devra également être surveillée de très près.

Le plan de relance souffre cependant d’un manque : les chambres de commerce et d’industrie française à l’étranger, prolongements la Team France Export, ne font pour l’instant l’objet d’aucun soutien. Les sommes en jeu ne sont pas considérables, mais elles restent un peu à l’écart par le fait qu’elles ne sont pas de droit français. Il faut impérativement, comme je l’ai demandé au ministre, trouver une solution.

Disons-le clairement, chers collègues : la Team France Export est une réussite et le plan de relance vient conforter son travail. C’est pourquoi je vous invite vraiment, tout député de l’opposition que je sois, à adopter les crédits du commerce extérieur.

La commission en vient à l’examen des amendements à la mission Économie.

Article 33 et état B : Crédits du budget général

Elle est tout d’abord saisie de l’amendement II-CF9 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement est défendu.

Mme Valéria Faure-Muntian, rapporteure spéciale. Vous proposez d’abonder les crédits du programme 343 Plan France Très haut débit. La différence entre les engagements et les décaissements s’explique par la difficulté rencontrée à utiliser les fonds déjà crédités : ainsi les engagements non couverts sont estimés, au 31 décembre 2020, à 1,901 milliard d’euros. Avis défavorable, donc.

Mme Marie-Christine Dalloz. Non : les crédits manquent, soit environ 600 millions d’euros, dans le cadre du plan France Très haut débit, pour lancer les derniers programmes, comme me l’ont confirmé les opérateurs et le Commissaire au Plan. L’État a relevé les crédits de paiement du programme, mais cela ne suffira pas pour couvrir tous les engagements et surtout mener à son terme ce plan, voulu par le Président de la République. L’an dernier, l’Assemblée avait adopté à l’unanimité une résolution relative à la couverture numérique du territoire visant à rouvrir des crédits. Le Gouvernement revient sur cette position en n’en mobilisant pas suffisamment. Il en manque encore.

Mme Bénédicte Peyrol. Nous avons déjà évoqué le sujet mardi soir dans le cadre de l’examen de la mission Plan de relance : il faut effectivement, et je soutiens la démarche, rouvrir le dossier dans ce cadre et inscrire les crédits à même de permettre l’achèvement la couverture du territoire en très haut débit ou de garantir à tout le moins une montée en puissance. Je sais que c’est possible dans ma région, Auvergne Rhône-Alpes, mais j’ignore ce qu’il en est des autres ; en tout état de cause, je soutiens que c’est plutôt dans le cadre de la mission Plan de relance qu’il faut agir.

La commission rejette l’amendement II-CF9.

Elle en vient ensuite à l’amendement II-CF1259 de M. le rapporteur spécial Xavier Roseren.

M. Xavier Roseren, rapporteur spécial. Je me réjouis que notre collègue Valéria Faure-Muntian, qui succède à Olivia Grégoire, devenue secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable, soit devenue co-rapporteure spéciale.

Nous avons, ces dernières années, déposé ce même amendement : en effet, depuis plusieurs années, le Gouvernement propose de supprimer la dotation à Bpifrance au titre de son activité de garantie de prêts bancaires, considérant que la Bpi doit financer cette activité par un recyclage de ses dividendes.

Nous souhaitons que cette ligne budgétaire soit conservée, de façon symbolique, en cas de retournement de situation. Cette année, en raison de la crise économique, la dotation est portée par la mission Plan de Relance, dont la durée de vie est limitée à deux ans. À terme, BpiFrance risque donc de ne plus disposer de moyens de financement propres pour cette action. C’est pourquoi nous proposons de conserver une ligne, symbolique, que nous pourrons réabonder dès 2023 afin de financer son activité de garantie de prêts bancaires. L’amendement vise donc à créer un programme Financement des entreprises au sein de la mission Économie, doté de 10 000 euros prélevés en AE et en CP sur l’action 01 Infrastructures statistiques et missions régaliennes du programme 220 Statistiques et études économiques.

Mme Bénédicte Peyrol. Nous connaissons bien cet amendement, fruit de la bataille menée par nos deux rapporteurs spéciaux Xavier Roseren et Olivia Grégoire au sein de la commission. Nous le soutiendrons car nous pensons également qu’il est important de garder cette ligne ouverte : la prudence le commande en période de crise.

M. Jean-Noël Barrot. La preuve que non : si l’on a besoin de telles garanties, la mission Plan de relance peut en assurer le financement. Qui plus est, vous proposez de retrancher 10 000 euros du programme Statistiques et études économiques, dont les opérateurs ont accompli un excellent travail nous permettant de piloter nos politiques publiques pendant la crise…

Ces garanties sont effectivement essentielles dans la période que nous traversons. Si la ligne budgétaire en question a été supprimée il y a quelques années, c’était parce que l’état de notre économie était alors florissant et ne nécessitait pas l’injection importante d’argent public par le biais de la garantie. Cela étant, je comprends néanmoins l’esprit de l’amendement et, à titre personnel, je le voterai.

M. Xavier Roseren, rapporteur spécial. Rassurez-vous, je n’ai rien contre le programme Statistiques et études économiques : c’était juste un gage. On sait rebondir, vous avez raison, ce plan de relance de 100 milliards d’euros le prouve ; mais nous pouvons connaître des crises de plus faible ampleur que la crise actuelle, qui nous a conduits à rebondir au travers du plan de relance, et il ne faudrait pas oublier dans deux ans que BpiFrance aura peut-être besoin de fonds pour financer ces garanties de prêts.

La commission adopte l’amendement II-CF1259 (amendement n° 1260).

Mme Bénédicte Peyrol. Le groupe La République en Marche votera les crédits de la mission Économie, dont le périmètre est très vaste.

La sécurisation des moyens et de l’intervention de l’Autorité des marchés financiers (AMF) revêt notamment une importance particulière dans un contexte de crise économique ; les crédits transférés du ministère en charge de la transition écologique et solidaire au ministère de l’économie et des finances à travers la nouvelle action Économie sociale, solidaire et responsable permettront de soutenir l’action de la secrétaire d’État Olivia Grégoire ; les financements dédiés aux contrats à impact permettront d’accompagner leur essor sur les territoires ; sans oublier le Plan France très haut débit qui irrigue nos territoires, et qui devra être renforcé.

Le rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État, dit budget vert, a fait l’objet d’un traitement beaucoup trop rapide à mon goût : j’interpellerai donc les ministres à son sujet. Il faut par ailleurs s’interroger sur l’impact environnemental du soutien aux industries électro-intensives. Vous avez fait état, madame la rapporteure spéciale, d’un soutien renforcé en raison de l’évolution du prix carbone : pouvez-vous nous éclairer davantage à ce propos ?

Se pose enfin la question de l’électricité à tarif réduit consommée dans les centres de données : le numérique fait débat, ce qui explique qu’il n’ait pas été coté cette année : dans ce domaine également, il faut avancer dans la transparence afin de faire du budget vert un réel outil d’aide à la prise de décision.

Mme Marie-Christine Dalloz. N’oublions pas que, en parallèle de la mission Économie, dans la première partie du projet de loi de finances, une baisse des impôts de production à hauteur de 10 milliards d’euros par an a été votée – et cette dépense reviendra désormais de manière récurrente, puisque cette baisse est compensée au profit des collectivités territoriales ; c’est donc une mesure substantielle sur le plan économique.

Je retiens ce qu’a dit Nicolas Forissier sur le soutien à l’export. Après ses demandes répétées, plusieurs années de suite, une réponse assez forte a été apportée pour accompagner nos entreprises à l’exportation : c’est essentiel pour améliorer notre balance commerciale.

Je suivrai donc son invitation à voter ces crédits qui permettront à notre économie de se redresser. Reste qu’il se pose un problème de lisibilité entre les crédits des missions d’origine et la mission Plan de relance, particulièrement vaste. Certaines lignes se chevauchent, si bien qu’on ne sait plus trop qui va piloter quoi. Le Parlement devra se saisir de cette question pour flécher et suivre les crédits inscrits.

M. Jean-Noël Barrot. Le groupe MODEM et Démocrates apparentés votera les crédits de la mission. Nous félicitons les rapporteurs pour leur travail, qui a bénéficié des fruits d’une réflexion engagée depuis plusieurs années, très utile dans cette crise. Nous saluons aussi, pour leurs efforts, les administrations concernées par ces crédits. Grâce à leur mobilisation depuis le mois de mars, un très grand nombre d’entreprises ont pu traverser la crise.

Mme Christine Pires Beaune. Pour la troisième année consécutive, la maquette de la mission a bougé, avec cinq suppressions d’actions et trois créations, ce qui complique les comparaisons d’une année sur l’autre. Espérons que nous arrivons à la fin du chantier… L’analyse des moyens dévolus aux entreprises ne peut pas se limiter aux crédits de cette mission, étant donné que certaines mesures sont prévues dans le plan de relance et que nous en avons voté d’autres en première partie du projet de loi de finances – notamment la baisse des impôts de production.

À notre sens, les baisses de fiscalité ne sont pas les réponses à la crise qui vient. L’enquête mensuelle de conjoncture de l’INSEE sur le climat des affaires en fait d’ailleurs la démonstration, puisque les perspectives personnelles de production et l’opinion sur les carnets de commandes se dégradent fortement, malheureusement. Il nous reste un quatrième PLFR et une nouvelle lecture du PLF pour que le Gouvernement et sa majorité se convertissent à la nécessaire politique de la demande.

Pour en venir aux crédits de la mission elle-même, celle-ci se caractérise par sa grande stabilité depuis 2019, puisque deux postes de dépenses entraînent l’essentiel de leurs évolutions. Tout d’abord, la compensation carbone des sites très électrointensifs passe de 123 millions d’euros à 402 millions d’euros, du fait de la hausse du prix de la tonne sur le marché ETS. À la suite de Bénédicte Peyrol, je m’interroge sur cette compensation, sachant que cette dépense supplémentaire est évidemment supportée par tous les Français. Il y aurait peut-être des choses à revoir et à passer au crible du budget vert. Ensuite, le plan France très haut débit, au sein du programme 343, voit ses crédits de paiement passer de 440 millions d’euros à 622 millions d’euros, en cohérence avec le schéma de décaissement des projets de réseaux d’initiative publique. C’est une bonne nouvelle.

À l’exception de ces deux postes de dépenses, la mission Économie reste quasiment stable, dans le contexte économique que nous connaissons. C’est pour cette raison que nous nous abstiendrons.

Mme Lise Magnier. Le groupe Agir ensemble votera les crédits de cette mission. Je profite de cette explication de vote pour appeler l’attention des rapporteurs spéciaux sur les conséquences des articles 1er et 2 de la loi PACTE, lesquels confiaient à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) la création d’un guichet unique électronique se substituant à terme aux sept réseaux de centres de formalités des entreprises (CFE).

Actuellement, l’INPI réalise plus de 700 000 procédures par an. Le guichet unique devra traiter plus de 3 millions d’actes, sans oublier la conception et la maintenance du portail informatique, la gestion des formalités, la transmission aux différents organismes concernés et la nécessaire assistance des usagers. Nous avons soutenu cette mesure qui va dans le sens de la simplification et de la dématérialisation. Mais l’INPI a lancé une alerte et demandé l’augmentation de son plafond d’emplois, dans le programme 134, Développement des entreprises et régulations, afin d’être accompagné dans le développement de ses nouvelles missions. Il ne demande pas de nouveaux crédits, puisqu’il est capable d’assumer sur ses fonds propres des crédits supplémentaires de masse salariale, mais tout simplement un relèvement de son plafond d’emplois. Il lui faudrait recruter dès 2021 une quarantaine d’ETP – une centaine d’ETP étant nécessaires sur les trois prochaines années. Je le répète depuis trois ans : pour réussir la dématérialisation, il faut savoir investir les premières années.

Mme Valéria Faure-Muntian, rapporteure spéciale. S’agissant de la compensation carbone pour les électro­intensifs et du budget vert, madame Peyrol, il faudra interroger les ministres. Reste que la hausse de la compensation carbone va permettre de réduire les tarifs d’électricité des industries : cette aide s’élève à 403 millions d’euros. En cette période de crise, c’est un geste très important. Il ne faut pas oublier non plus que la rénovation énergétique des TPEPME est dotée de 95 millions d’euros.

M. Xavier Roseren, rapporteur spécial. Madame Dalloz, le programme 134 retrouve son rythme de croisière. C’est bien d’avoir une mission spéciale consacrée au plan de relance, afin de pouvoir mesurer ses effets.

S’agissant de l’INPI, madame Magnier, ce n’est effectivement pas un problème de crédits complémentaires : l’institut a les moyens. Mais cela mérite que vous déposiez un amendement, afin d’avoir une discussion en séance avec les ministres.

La commission adopte les crédits de la mission Économie modifiés.

Puis elle examine les crédits du compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés et du compte de concours financier Accords monétaires internationaux.

Article 35 et état D : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers

Mme Cendra Motin, présidente. Aucun amendement n’a été déposé sur ces crédits. Je laisse la parole aux orateurs des groupes, pour les explications de vote.

Mme Marie Lebec. Je tiens à revenir sur le sujet du commerce extérieur, qui m’est particulièrement cher. Nous travaillons dessus depuis longtemps avec Nicolas Forissier. Les crédits de 247 millions d’euros sont le fruit du travail de concertation de l’ensemble des acteurs de l’accompagnement à l’export, tant publics que privés. C’est la dynamique que nous avons cherché à engager, il y a trois ans, avec la création de la Team France Export. Il est satisfaisant de voir que, même en période de crise, nous retrouvons cette dynamique et la volonté, de la part des acteurs de l’export, de continuer à conquérir les marchés. Le plan de relance export vise à répondre aux besoins très concrets des PME et des ETI et à les persuader de maintenir leur position à l’international. Il est complexe pour les entreprises de se projeter en ce moment. C’est pourquoi le Gouvernement, avec notre soutien, a tenu à leur montrer que les occasions ne manquaient pas, malgré la crise sanitaire mondiale et le Brexit.

Le plan de relance développe également de nouveaux axes intéressants, au-delà de la Team France Export : le renforcement du volontariat international en entreprise (VIE), avec notamment le déploiement du chèque VIE ; la prise en charge à hauteur de 5 000 euros par l’État de l’envoi d’un jeune à l’international ; un chèque relance export qui vise à faciliter les démarches de prospection à l’étranger, pour les entreprises, en prenant en charge une partie des frais de participation à un salon ; le renforcement du financement des assurances prospection, très apprécié par les PME ; des actions de promotion et de structuration des marques ; des actions de communication sur l’export français. Nous voterons ces crédits.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’ai déjà exprimé notre avis sur l’ensemble de la mission Économie, je n’y reviens pas…

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte les crédits du compte de concours financier Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés, sans modification, ainsi que les crédits du compte de concours financier Accords monétaires internationaux, sans modification.

Puis elle examine les crédits de la mission Investissements d’avenir.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale (Investissements d’avenir). La mission Investissements d’avenir sera dotée de 16,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 4 milliards d’euros en crédits de paiement. Cette prévision est en hausse de près de 2 milliards d’euros par rapport aux crédits ouverts en 2020, en raison du lancement du quatrième volet du programme d’investissements d’avenir, le PIA 4.

L’architecture du nouveau programme diffère de celle du PIA 3, structuré autour de trois axes, allant de l’amont vers l’aval de la chaîne de valeur. Le PIA 4 sera composé de deux pans : le premier sera consacré à des investissements ciblés sur des secteurs stratégiques et prioritaires pour renforcer la souveraineté de l’économie nationale et accompagner la transition écologique. Il sera porté par le nouveau programme 424, Financement des investissements stratégiques, doté de 12,5 milliards d’euros en AE et de 1,5 milliard d’euros en CP. Le second pan visera à financer de manière pérenne les acteurs et les structures de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation ; il sera porté par le nouveau programme 425, Financement structurel des écosystèmes d’innovation, doté de 4,1 milliards d’euros en AE et de 562 millions d’euros en CP. L’objectif est d’investir 20 milliards d’euros en cinq ans.

Dans le cadre du plan de relance, 55 % de ces crédits seront engagés en deux ans. Je m’inquiète de la confusion faite par le Gouvernement entre relance et investissements d’avenir. Les PIA s’inscrivent dans le long terme ; comme le soulignait le président Woerth hier, seule la moitié de l’enveloppe globale des PIA a été décaissée en dix ans. Nous ne devons pas, dans l’urgence de la crise, précipiter la sélection des projets et porter atteinte à l’objectif cardinal du PIA : investir en vertu d’un principe d’excellence. Je considère néanmoins que ces investissements supplémentaires sont bienvenus.

Toutefois, les erreurs commises dans les précédents volets n’ont pas disparu. La visibilité des PIA se dégrade toujours davantage. Alors que les crédits du PIA 3 n’ont pas été intégralement engagés, nous nous retrouvons avec deux nouveaux programmes portant des crédits qui ont le même objet que ceux ouverts au titre du PIA 3 ; le suivi de l’exécution budgétaire et l’évaluation du PIA en seront complexifiés. Par ailleurs, comme pour le PIA 3, la totalité des engagements du nouveau volet seront ouverts en 2021. L’enveloppe reste en dessous des 20 milliards d’euros promis sur cinq ans, ce qui s’explique par le fait que les crédits issus du fonds pour l’innovation dans l’industrie (F2I), ainsi que ceux issus des intérêts générés par des dotations non consommables héritées des PIA 1 et PIA 2, viendront abonder l’enveloppe consacrée au PIA 4. Ce qui s’apparente à une débudgétisation que je dénonce fortement, d’autant que les recettes issues du F2I sont instables.

Les crédits du programme 425 viennent financer de manière pérenne des politiques publiques récurrentes. Or ce défaut des PIA avait été pointé par le comité de surveillance des investissements d’avenir, dans son rapport de décembre 2019, dont le Gouvernement n’a pas tiré les conséquences. J’estime, comme le comité de surveillance, qu’il aurait été utile de prévoir un mécanisme de terminaison des actions, attestant que l’effort d’impulsion et d’innovation est achevé.

Par ailleurs, contrairement à ce qui avait été affiché dans les précédents volets, le secrétariat général pour l’investissement (SGPI) a annoncé qu’un effort tout particulier serait apporté au développement territorial. La Caisse des dépôts et consignations, opérateur historique des PIA, pourra capitaliser sur son expérience en la matière. Je regrette toutefois que l’objectif de territorialisation n’apparaisse pas dans la doctrine du PIA 4, définie par les dispositions de l’article 55 du PLF rattaché à la mission. Je défendrai un amendement visant à réparer cet oubli. Je note cependant que, concernant le développement des territoires, le plan de relance prévoit une enveloppe supplémentaire pour poursuivre le déploiement du plan France Très Haut Débit. Cet effort me semble d’autant plus louable que j’avais moi-même déposé un amendement en ce sens au PLF pour 2020.

Le PIA 3 poursuit sa montée en charge. Dans la mesure où l’ensemble des conventions ont été signées avec les opérateurs en 2019, le rythme d’ouverture des crédits de paiement reste stable et s’élève à 1,9 milliard d’euros pour 2021. De nouveaux dispositifs ont par ailleurs été élaborés pour répondre aux défis posés par la crise : dans le cadre du programme 423, le fonds French Tech Souveraineté constitue un outil qui me semble intéressant. J’observerai avec attention l’usage qui en sera fait. L’action consacrée au développement des sociétés universitaires scientifiques, portée par le programme 421, est mise en extinction, aucun dossier n’ayant été déposé dans le cadre de l’appel à projets. Cela démontre que le SGPI rencontre des difficultés pour adapter les actions, notamment dans le champ de l’enseignement supérieur.

La commission en vient à l’examen des amendements à la mission Investissements d’avenir.

Article 33 et état B : Crédits du budget général

La commission examine l’amendement IICF1220 de Mme la rapporteure spéciale MarieChristine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Cet amendement vise à rendre plus lisible la maquette budgétaire de la mission Investissements d’avenir. Il faut être un immense spécialiste pour comprendre comment les financements s’organisent. Ainsi, le programme 424, Financement des investissements stratégiques, et le programme 425, Financement structurel des écosystèmes d’innovation recoupent les deux nouveaux volets du PIA 4, l’un étant consacré aux investissements sectoriels et l’autre aux investissements pérennes des écosystèmes d’innovation. À ce régime, il va être très difficile de suivre l’ensemble des opérations.

Cette dispersion des crédits risque d’entraîner de grandes difficultés pour évaluer les PIA et, partant, l’efficacité de l’investissement public. Cette illisibilité pourrait également porter préjudice aux porteurs de projets, qui devront répondre à des appels à projets et à des appels à manifestation d’intérêt issus de PIA différents pour un même objet. Dans la mesure où le PIA 4 se situe principalement dans la continuité du PIA 3, mon amendement vise à regrouper leurs crédits au sein des mêmes programmes.

M. Nicolas Forissier. Je soutiens cet amendement, qui permettrait de résoudre un vrai problème de lisibilité. C’est un amendement de bon sens, technique et en rien politique, qui permettrait à tout le monde d’y voir un peu plus clair.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Vous l’avez très bien souligné : ce n’est pas politique, ni une vision de l’esprit. L’utilisation de l’argent public exige de nous de la rigueur. La clarté que je réclame ne serait pas seulement utile aux citoyens ou au Parlement, mais aussi aux porteurs de projets.

Mme Valérie Rabault. L’amendement est intéressant, parce que la mission Investissements d’avenir, avec ses quatre programmes, est particulièrement difficile à suivre. Je le voterai.

La commission rejette l’amendement II-CF1220.

Mme Cendra Motin, présidente. Je vous propose, madame la rapporteure, de nous faire part de votre position sur les crédits de la mission.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Je suis favorable aux crédits de la mission, si ce n’est que j’aurais voulu de la lisibilité. Il y a bien quatre PIA, madame Rabault, mais en réalité cinq programmes – trois du PIA 3 et deux nouveaux du PIA 4. Au fil du temps, j’ai réussi à comprendre comment le système fonctionnait, mais je souhaite beaucoup de courage au prochain rapporteur spécial de la mission !

Mme Cendra Motin, présidente. Nous espérons que ce sera encore vous l’an prochain, madame la rapporteure !

La parole est aux orateurs des groupes, pour les explications de vote.

Mme Marie Lebec. Depuis dix ans au service de la compétitivité, de la croissance et de l’emploi, les PIA financent des investissements innovants et prometteurs dans le secteur de l’enseignement supérieur, de la recherche, du développement durable, des industries, des PME et de l’économie numérique. Dans un contexte de crise sanitaire, économique et sociale sans précédent, face à la dégradation de la conjoncture et pour relever les grands défis de demain, le PIA est appelé à jouer un rôle majeur dans l’accompagnement de la relance.

En 2021, cette mission s’appuiera sur le déploiement du troisième programme d’investissements d’avenir, à hauteur de 1,9 milliard d’euros, et accompagnera le financement du PIA 4, doté d’une enveloppe de 20 milliards d’euros pour la période 20212025, dont 11 milliards sont inscrits sur la période de la relance 20212022. Le PIA 4 soutient toutes les formes d’innovation afin de préparer l’avenir ; il vise à favoriser l’émergence et le développement d’écosystèmes de recherche et d’innovation des filières industrielles d’avenir et d’excellence, mais également de renforcer les positions françaises dans un certain nombre de secteurs clés, à l’instar du plan de relance.

Avec une gouvernance renouvelée – je vous concède, madame Dalloz, que la lecture des PIA n’est pas un exercice facile –, une dimension territoriale accentuée, une sélectivité toujours plus forte et des outils de financement simplifiés, l’objectif est d’accélérer l’innovation dans tous les secteurs. Une enveloppe de 12,5 milliards d’euros est destinée à financer des investissements exceptionnels dans quelques secteurs stratégiques et technologiques, ce qui sera favorable à la compétitivité de notre économie, à la transition écologique et au renforcement de la souveraineté dans plusieurs secteurs – la cybersécurité, le quantique, l’hydrogène, la santé, les industries créatives et culturelles. Une enveloppe de 7,5 milliards d’euros garantira un financement structurel aux écosystèmes d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation. C’est pourquoi le groupe La République en Marche votera en faveur de ces crédits.

M. Nicolas Forissier. Je vais dans le même sens que vous, madame Lebec, pour ce qui est du commerce extérieur. Il est extrêmement important que ses crédits soient pérennisés et glissants. L’effort de 247 millions d’euros est absolument nécessaire et ne doit pas être rogné au fur et à mesure des exercices budgétaires.

S’agissant de la mission Investissements d’avenir, les membres du groupe Les Républicains vont suivre la rapporteure spéciale et voter ses crédits, d’autant qu’il s’agit d’un sujet majeur, qui s’inscrit dans le très long terme. Je regrette que nous n’ayons pas adopté l’amendement IICF1220 pour en simplifier la présentation et l’architecture : nous avons du mal à nous y retrouver et cela aurait été une marque de bon sens, sans arrière-pensée politique. Je déplore le manque de consensus autour des amendements présentés par l’opposition. Mais nous serons constructifs…

M. Jean-Paul Mattei. Nous avons en effet beaucoup de mal à nous retrouver dans ces PIA. Je n’ai pas l’impression qu’ils marchent très bien, du fait d’un manque de visibilité. Peutêtre seronsnous sauvés par le plan de relance, qui va nous donner une méthode et nous inscrire dans l’avenir. Bien évidemment, ces investissements d’avenir sont nécessaires et ils doivent s’inscrire dans le temps long, comme, à mon sens, le plan de relance. On parle beaucoup de contreparties, mais l’une d’entre elles est l’exigence du temps long, compte tenu des enjeux. Les investissements d’avenir et le plan de relance peuvent se rejoindre à ce titre.

Je regrette également que nous n’ayons pas adopté l’amendement de Mme Dalloz, qui ne posait pas de problème. Mais il y a des blocages, parfois, que j’ai du mal à comprendre et qui, je l’avoue, m’agacent de plus en plus.

J’ai une question sur les PIA et l’université. Vous aviez l’air de dire, madame la rapporteure spéciale, que cela ne fonctionnait pas vraiment. Pourriez-vous être plus explicite ? Que faudrait-il prévoir comme structures pour améliorer les choses ? On a réfléchi dans d’autres textes aux meilleures manières de favoriser l’émergence d’un partenariat entre l’université et les investissements d’avenir.

Les députés du groupe MODEM et Démocrates apparentés voteront ces crédits. Mais nous avons besoin de clarté.

Mme Valérie Rabault. Le groupe Socialistes et apparentés votera la mission Investissements d’avenir.

Je regrette moi aussi que l’amendement de Mme la rapporteure spéciale n’ait pas été adopté. Alors que les PIA mobilisent toujours beaucoup d’argent, ils manquent de lisibilité, ce qui est très ennuyeux dans une démocratie.

Quand on regarde les bleus ou les rouges budgétaires et qu’on envoie des questionnaires pour demander quel est l’argent réellement investi, l’administration nous répond par le programme lancé. Or l’opération, ce n’est pas la même chose que l’exécution. Là aussi, on n’est pas totalement au point en termes de lisibilité. La même question se pose pour le financement des universités et de la recherche, qui sont également concernées par certains programmes relevant des PIA.

Enfin, je regrette de voir des PIA se substituer à des crédits budgétaires manquants. Je n’en conteste pas le bien-fondé, mais il est parfois tentant d’aller piocher dans les PIA pour financer des dépenses récurrentes.

Mme Lise Magnier. Je tiens à féliciter notre rapporteure spéciale, Marie-Christine Dalloz, pour sa maîtrise de ce sujet très complexe. Comme elle nous y invite, le groupe Agir Ensemble votera les crédits de la mission Investissements d’avenir.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Comme Mme Lebec, je suis intimement convaincue que le PIA est un outil merveilleux. Il a un effet de levier très important en matière d’innovation.

Je veux juste vous expliquer comment cela fonctionne, afin que vous compreniez pourquoi, dix ans après le lancement des premiers PIA, on n’a pas encore totalement décaissé les crédits.

On commence par lancer un appel à projets, auxquels les opérateurs répondent. Une fois les offres arrêtées, on commence à contractualiser avec ces opérateurs ; or la contractualisation prend énormément de temps. Une fois qu’on a contractualisé, on va trouver sur le terrain, des structures qui vont conduire les projets. C’est alors qu’arriveront les décaissements correspondants, mais au fur et à mesure des réalisations : autrement dit, ils ne se font pas d’un coup, mais au fil de l’eau, et cela peut durer longtemps. J’entends dire que le plan de relance sera financé par le PIA et que tout sera décaissé : c’est totalement impossible. Techniquement, personne ne saurait faire, personne n’est prêt à passer par là. Il faut donc bien comprendre que les PIA accompagnent l’industrie, qu’ils ont un réel effet de levier, mais qu’ils se font sur un temps très long.

M. Mattei a posé une question sur les universités. Les représentants de la Caisse des dépôts que j’ai auditionnés m’ont expliqué que les universitaires n’avaient pas l’esprit d’appel à projets. Ce n’est pas un reproche, c’est un constat : l’appel à projets n’est pas dans leur culture. C’est ce qui explique que les 150 millions d’euros programmés aient été déprogrammés : on a dépensé zéro euro sur cette ligne… C’est dommage, mais il n’y avait pas de porteurs de projets. Du coup, l’argent a été abondé sur une autre ligne.

Madame Rabault, vous avez raison, il y a le bleu, le jaune et le reporting PIA. Comment voulez-vous suivre des crédits avec une lecture dans plusieurs documents ? La Cour des comptes l’a pointé du doigt.

Mme Valérie Rabault. Eh oui !

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Tout cela pour vous dire qu’il va falloir qu’on s’oblige collectivement à une meilleure lisibilité. C’était le sens de mon amendement qui n’a pas été adopté. Je voulais juste rendre service à cet outil magnifique, mis en œuvre par des opérateurs qui se connaissent bien et qui savent bien faire. Encore faut-il que tout le monde y mette du sien pour y mettre de la clarté.

Bien évidemment, je suis favorable à l’adoption des crédits de la mission Investissements d’avenir.

La commission adopte les crédits de la mission Investissements d’avenir sans modification.

Article 55 : Création du Programme d’investissements d’avenir n° 4 (PIA 4)

La commission examine l’amendement II-CF1221 de Mme la rapporteure spéciale Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Le rapport d’évaluation du PIA 1 par le comité de surveillance des investissements d’avenir, publié en novembre 2019 – c’est ce que je disais à l’instant : il a fallu attendre dix ans pour publier un rapport sur le PIA 1 – recommande de renforcer l’évaluation a priori des impacts territoriaux des investissements engagés dans le cadre du PIA. On ne sait pas comment joue l’effet de levier dans les territoires. Le Gouvernement, par la voix du Secrétariat général pour l’investissement, a annoncé que le PIA 4 devait revêtir une plus forte dimension territoriale. La Caisse des dépôts et consignations, à travers la Banque des territoires, sera notamment chargée de soutenir des actions qui auront pour objet de réduire les inégalités territoriales. C’est précisément dans le souci de dynamiser cette dimension territoriale que je propose cet amendement, afin que les décisions d’investissement soient prises en considération de leurs effets sur le développement des territoires.

Si vous regardez la carte des PIA, vous vous apercevez qu’ils sont concentrés dans les grandes agglomérations. Or un PIA doit avoir un effet sur un territoire, notion à laquelle je suis particulièrement attachée. Cet amendement, là non plus, n’a rien de politique : il s’agit seulement de montrer qu’il faut un investissement au plus près des territoires et en mesurer les effets.

La commission adopte l’amendement II-CF1221 (amendement n° 1258).

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Je vous remercie infiniment. On verra ce que le ministre en dira.

La commission est saisie de l’amendement II-CF1222 de la rapporteure spéciale.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. L’alinéa 20 de l’article 55 du projet de loi de finances vise à supprimer l’annexe au projet de loi de finances communiquée chaque année au Parlement, qui porte sur le grand plan d’investissement (GPI). Il est dommage de supprimer une annexe qui était un élément de référence puisqu’elle reprenait, dans le cadre du GPI, l’ensemble des engagements que le Président de la République avait pris au début de son quinquennat : l’accélération de la transition écologique, l’édification d’une société de compétences, la compétitivité de l’économie et la construction de l’État à l’âge du numérique. C’était pour le Parlement une information supplémentaire.

Lorsqu’on a affaire à des sujets très compliqués, il ne faut surtout pas enlever les éléments annexes : ce serait une erreur. Là encore, cet amendement n’a rien de politique ; c’est juste une clarification.

Mme Bénédicte Peyrol. J’adore les jaunes budgétaires : ils permettent d’avoir une vraie vision des différentes politiques transversales.

Votre exposé sommaire explique que le Gouvernement justifie la suppression de cette annexe par le fait que des crédits du PIA seront inscrits dans le plan de relance… J’ai du mal à comprendre. Mais ce serait effectivement une erreur de supprimer cette annexe. Autant j’étais moyennement favorable à votre amendement sur la lisibilité tout à l’heure, autant je conviens qu’il s’agit là d’un document budgétaire précieux et dont on a tout intérêt à faire un usage habituel. Mais je suis preneuse d’éléments plus précis sur les raisons avancées à l’appui de sa suppression.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Le Gouvernement explique que, dans la mesure où le GPI est repris en totalité par le plan de relance, l’annexe jaune du GPI n’a plus lieu d’être. Mais le plan de relance couvre tellement de choses qu’il sera difficile de suivre ce qui concerne spécifiquement le plan d’investissement d’avenir. Voilà pourquoi il faut conserver l’équilibre des deux éléments.

La commission adopte l’amendement II-CF1222 (amendement n° 1259).

Puis elle adopte l’article 55, ainsi modifié.

Puis elle passe à l’examen des crédits de la mission Engagements financiers de l’État.

Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale (Engagements financiers de l’État). Les crédits de la mission Engagements financiers de l’État augmenteraient pour la première fois depuis 2018, principalement sous l’effet de la crise. Ils s’établiraient à 39,2 milliards d’euros en 2021, soit une augmentation de 700 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2020 – je parle au conditionnel, les crédits de cette mission étant évaluatifs : ainsi, en loi de finances rectificative, 2 milliards d’euros ont été retranchés à la mission en raison de la faiblesse des taux.

Je veux saluer la publication d’un rapport relatif au budget vert – dont je suis une grande fan – qui permet une cotation de toutes les missions. Dans mon cas, 62,2 millions d’euros de crédits ont un impact favorable sur le climat : ils correspondent notamment à des dépenses liées à l’épargne logement en raison de la modulation des bonifications des plans d’épargne logement (PEL) en fonction du diagnostic énergétique du logement. Ils sont complétés par 52 millions d’euros de dépenses fiscales liées au livret de développement durable et solidaire (LDDS). C’est très peu par rapport à l’ampleur de la mission en tant que telle.

L’impact de la crise sanitaire est particulièrement flagrant sur la mission Engagements financiers de l’État. La charge de la dette augmenterait pour la première fois, je viens de le dire, de 700 millions d’euros. Cette augmentation demeure néanmoins contenue au regard des besoins de financement importants : 345 milliards d’euros en 2020, 282 milliards d’euros en 2021 contre 220 milliards d’euros en 2019. Surtout, les appels en garantie de l’État connaissent une hausse de plus de 2 500 % et s’établissent à 2,5 milliards d’euros en 2021, en raison principalement du prêt garanti par l’État (PGE).

Au sujet de la dette, il ressort de nos auditions que nous sommes confrontés à une « incertitude radicale », pour reprendre une formule employée par une économiste, Mme Jézabel Couppey-Soubeyrand. Rares sont ceux qui s’aventurent à des projections de long terme.

La question de la soutenabilité de la dette deviendra sans doute de plus en plus prégnante. Il nous faudra, tôt ou tard, définir une trajectoire de retour à un niveau de dette publique plus modéré.

La facilité dont nous disposons à financer notre dette est directement liée au programme et à la politique monétaire de la Banque centrale européenne avec son programme de rachats de titres de 1 350 milliards d’euros. Pour financer nos dépenses publiques par la dette, nous sommes devenus dépendants des taux bas que permet cette stratégie. La première émission d’obligations sociales par la Commission européenne, dans le cadre de l’instrument SURE, vous le savez sans doute, a connu un succès phénoménal, avec 233 milliards d’euros de demandes : jamais une émission obligataire n’avait autant été demandée. Cette politique accommodante nous permet de financer les dépenses d’urgence et le plan de relance.

Un point est rarement soulevé : la réussite du plan de relance dépend, bien sûr, de son contenu et de son montant, mais elle est très liée à la situation sanitaire ou plutôt à notre capacité de répondre à la propagation du virus. Autrement dit, plus la situation sanitaire sera mauvaise et plus le système de santé aura des difficultés à y faire face, plus le Gouvernement devra limiter les interactions sociales et, de facto, plus l’économie sera étouffée. Le succès du plan de relance est donc directement corrélé à l’amélioration de la situation sanitaire ou à l’amélioration de la prévention et la prise en charge des malades. Une des questions qui doit se poser avant celle de la relance, c’est celle de l’investissement dans notre système de santé pour le rendre plus robuste face à ce virus.

Les détenteurs de la dette verraient plutôt d’un bon œil les plans de relance qui, comme celui de la France, sont portés sur l’investissement. S’ils restent friands de la dette de notre pays dont la signature est recherchée, il ne faut pas sous-estimer le fait suivant : plus nous sommes dépendants de leur financement, plus nous aurons à orienter nos politiques publiques en fonction de leurs exigences. Par chance, il est devenu de bon ton de penser que les mesures d’austérité ne sont pas la réponse à apporter à la crise – c’est assez impressionnant de voir en trois ans le renversement de l’état d’esprit des spécialistes en valeurs du Trésor, qui sont mes interlocuteurs privilégiés lors de ces auditions.

Cet appétit des investisseurs pour la dette publique repose sur la certitude que la Banque centrale maintiendra des taux bas durant plusieurs années. Or, avec le recul, nous constatons que cette politique de taux bas n’a pas d’effet d’entraînement véritable sur l’économie réelle ; les entreprises n’ont pas davantage investi. Et surtout, cette politique monétaire favorise le renchérissement des actifs : c’est le cas pour l’immobilier qui grève le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Elle alimente également des bulles qui font peser un risque de stabilité financière.

Je n’ai pas le temps d’aborder la question du cantonnement de la dette, mais si vous avez des questions sur le sujet, je serai heureuse de l’aborder avec vous.

La hausse spectaculaire des appels en garantie de l’État marquera également l’exercice 2021. Je l’ai dit tout à l’heure, elle est essentiellement liée au PGE avec une incertitude due à la nouveauté de l’outil et à l’incertitude économique.

Le programme Épargne se caractérise par l’importance des dépenses fiscales, à hauteur de 4,5 milliards d’euros. Ces dépenses sont essentiellement des exonérations des sommes versées au titre de la participation, de l’intéressement et d’un partage de plus-value au plan d’épargne salariale ou encore des exonérations liées à l’assurance-vie.

Je conclurai sur une touche positive : le Gouvernement améliore la sincérité budgétaire de la mission en inscrivant les crédits relatifs à la rétrocession d’intérêts au mécanisme européen de stabilité. Cela faisait maintenant deux ans que j’avais demandé que les crédits soient inscrits en loi de finances initiale. C’est chose faite dans le présent projet de loi de finances pour 2021.

Je vous invite à voter ces crédits qui visent essentiellement à financer notre dette et à s’assurer que la garantie des PGE fonctionne et soit activée en cas de problème.

Article 33 et état B : Crédits du budget général

Mme Valéria Faure-Muntian. Vous avez cité beaucoup de sujets saillants dans votre rapport, tels que le budget, vert, les engagements, et vous avez surtout souligné la sincérité du changement de paradigme : ce n’est plus désormais l’austérité, mais l’investissement qui est prisé pour assurer la relance.

Le groupe La République en Marche votera ces crédits.

M. Mohamed Laqhila. Je veux souligner la bonne signature de l’État qui permet aujourd’hui d’assurer son financement dans de bonnes conditions et donc de financer le plan de relance.

Je note que cette mission supporte en 2021 le programme 114 Appels en garantie de l’État avec le PGE, merveilleux outil de soutien au financement bancaire de nos entreprises.

Je demeure assez prudent pour ce qui est de la dette. Comme il y a le bon et le mauvais cholestérol, il y a la bonne et la mauvaise dette… La bonne dette reste celle qui permet l’investissement et le rebond que nous espérons tous.

Bien évidemment, le groupe MODEM et Démocrates apparentés votera sans réserve les crédits de cette mission.

Mme Valérie Rabault. Pouvez-vous nous donner le montant des primes d’émission sur l’année 2020 et les prévisions pour 2021 ?

Je suis d’accord avec vous, le cantonnement de la dette est une question très importante : dans un cas, elle est remboursée, dans l’autre elle ne l’est pas – on émet lorsque les obligations viennent à échéance. Par exemple, la CADES emprunte à un taux plus élevé que l’État, notamment parce qu’elle se finance pour une partie en dollars et qu’elle fait des swaps de change entre l’euro et le dollar. Pouvez-vous nous indiquer ce que serait le surcoût si on allait jusqu’en 2033 ?

Enfin, vos interlocuteurs vous ont-ils dit combien la Banque centrale européenne nous fait économiser dans cette affaire ? Le fait qu’elle soit le prêteur en dernier ressort pour toutes les économies européennes, en tout cas celles de la zone euro, ferait économiser, selon mes estimations, entre 20 et 30 milliards d’euros par an.

Mme Lise Magnier. Je salue la clarté et la sincérité de vos propos. Effectivement, cette mission est très importante puisqu’elle nous permet d’assurer le financement de notre dette, et elle revêt un caractère encore plus important cette année puisqu’elle permet d’assurer pour cette année et les années à venir les PGE de nos entreprises.

J’avais la même question que Mme Rabault sur la BCE ; j’attends donc votre réponse…

Bien évidemment, les membres du groupe Agir ensemble voteront les crédits de cette mission.

M. François Ruffin. Quand je vais à la Caisse d’épargne de mon quartier, je demande au directeur où je pourrais placer mes sous : quelque chose qui pourrait participer à l’économie de ma ville en restant écolo ou au moins pas trop crado. Il n’a rien à me proposer si ce n’est des produits financiers – c’est comme ça que ça s’appelle. Mais dedans, il y a du CAC40… J’ai déjà une action chez LVMH, ça me suffit !

On me dit qu’il faut passer par la NEF, c’est-à-dire le crédit coopératif. C’est bien, mais comme plein de gens, je suis attaché à mon quartier, à mon agence juste à côté de l’école de mes enfants – c’est pratique pour déposer un chèque ou demander un relevé d’identité bancaire. Je pense qu’un des objectifs de l’État pourrait être d’avoir, à côté du livret A, un livret E – E comme écolo, comme environnement –, et disponible dans toutes les banques et pas seulement à la NEF.

J’observe que le programme 145 Épargne s’assigne deux objectifs : favoriser l’investissement dans le logement en préservant l’équilibre financier du fonds d’épargne, et encourager le développement de l’épargne individuelle à long terme afin de contribuer au financement de l’économie, mais un peu à l’aveugle, sans chercher à cibler sur le choc écologique.

On sait que durant le confinement 100 milliards d’économies sont allés grossir le bas de laine des Français – en tout cas, pour les deux tiers, celui des plus riches : les plus pauvres, eux, se sont endettés pendant ce temps-là. Mais même chez les plus riches, il y a une conscience : ils peuvent avoir envie de participer, au moins par leur épargne, sinon par leur consommation, à la transformation écologique de notre monde. Il serait de notre responsabilité de proposer ce type d’orientation pour l’épargne.

Roosevelt avait lancé les war bonds, c’est-à-dire les bons de guerre ; il serait temps qu’on lance les bons de guerre climatique, pour faire participer notre épargne à cette transformation.

Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale. Monsieur Ruffin, vous appelez à une épargne qui fasse sens. Nous avons déjà le LDDS que vous connaissez sûrement. Je suis d’accord avec vous : il n’est pas nécessairement très bien vendu par le réseau bancaire. Il faudrait qu’il soit mieux diffusé, même si on note une amélioration ces dernières années. Faut-il un nouvel outil ? J’ai proposé, dans le cadre d’une mission d’évaluation et de contrôle, de réfléchir à la fusion du livret A et du LDDS ; de votre côté, vous préféreriez proposer un nouveau livret. Nous parlons d’une épargne réglementée, qui permet d’alimenter la Caisse des dépôts et consignations et qui vient financer d’autres politiques publiques ; je ne sais pas si c’est la solution pour mobiliser l’épargne des Français et financer l’économie réelle, mais il est évident qu’une réflexion doit être menée en la matière, et elle traverse déjà beaucoup la commission des finances : notre collègue Éric Woerth lui-même avait déposé un amendement lors de l’examen d’un projet de loi de finances rectificative visant à proposer un nouvel outil d’épargne. Nous n’avons pas encore trouvé de réponse totalement adéquate à ce stade.

Je vous signale qu’il existe un outil, l’OAT (obligations assimilables du trésor) verte. Aujourd’hui l’État émet des greens bonds : l’argent emprunté sur les marchés est destiné à financer les dépenses cotées écologiques, avec un cahier des charges très exigeant. Les fonds levés par le biais de l’OAT verte sont pour l’instant de l’ordre de 23 milliards d’euros, ce qui est assez peu par rapport à l’ensemble de ce que nous empruntons ; mais plus notre budget contiendra des dépenses très vertes, plus on pourra émettre ces obligations vertes sur le marché. Cela ne répond pas totalement à votre question, mais j’ai essayé d’apporter néanmoins quelques éléments.

Madame Rabault, vous me demandez quel montant la BCE nous ferait économiser. Je n’ai pas le chiffrage précis, mais ce qui est sûr, c’est que le spread a diminué entre les différents États, et en particulier avec l’Allemagne, ce qui nous fait autant d’économies ; la Banque centrale européenne nous permet d’émettre à un taux encore plus bas, au point qu’on en vient à emprunter à des taux négatifs. Mais je ne sais pas ce qu’il en sera dans deux ou trois ans ; les économistes restent unanimes pour dire que cet environnement de taux bas devrait durer.

La question est de savoir jusqu’à quand va pouvoir durer cette politique de quantitative easing de l’Union européenne. Est-ce la bonne politique ? En tout cas, on n’observe toujours pas d’investissement massif des entreprises, condition d’un retour à la croissance. J’ai moi-même du mal à me faire mon propre avis sur l’état de l’économie : certains économistes m’ont dit que le sujet n’était pas la dette mais le financement de la transition écologique, tandis que d’autres appellent à rester prudents. Nous avons décidé de pas financer nos dépenses, en particulier celles du plan de relance, à travers l’impôt ; reste que l’endettement nous rend dépendants des investisseurs étrangers, y compris des investisseurs européens qui ont leurs exigences et leur propre vision des politiques publiques à mener.

Les primes à l’émission, de l’ordre de 21 milliards en 2019, s’élèveraient à 10 milliards en 2020 – je vous parle de l’exécution car les prévisions ne figurent pas dans le projet annuel de performances. En tout cas, le niveau redescend cette année.

Pour ce qui est du cantonnement de la dette, selon le modèle de la dette de la sécurité sociale portée par la CADES, je n’ai pas de données chiffrées, mais j’ai cherché à savoir, grâce aux auditions menées et aux démarches engagées, si cette solution présentait un intérêt économique. Les investisseurs seraient-ils plus rassurés ? La qualité de notre dette en serait-elle améliorée ? Non. L’intérêt de ce mécanisme est plutôt de nature politique, en termes de lisibilité et de responsabilité. Ce sera sans doute l’occasion d’un beau débat car le Gouvernement y travaille. Si l’on cantonne, il faudra proposer une recette en face de la dette. Le coût en sera peut-être, finalement, plus important que la dette, mais on y gagnerait en esprit de responsabilité, puisqu’il faudra rembourser le capital, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Mme Cendra Motin, présidente. M. Jean-Louis Rey, le président de la CADES, que nous avons auditionné, faisait remarquer à juste titre que nous allions nous retrouver dans une situation inédite puisque l’Europe s’apprête à lever une dette commune pour subventionner les États les plus frappés par la crise. Cette dette pourrait entrer en concurrence avec celle des États en faisant entrer un nouvel emprunteur sur le marché. Tout le monde est très attentif à l’évolution de cette situation extrêmement sensible.

Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale. Cette question de la concurrence des dettes est très importante. Je vous ai parlé de l’OAT verte, mais sachez que l’Allemagne a émis son premier green bond cette année et qu’elle devient ainsi un concurrent majeur. Pour satisfaire les investisseurs, il faut émettre un nombre suffisamment important d’obligations vertes, ce qui suppose de trouver des dépenses vertes dans notre budget. C’est aussi pour cette raison que j’avais présenté un amendement, l’année dernière, qui a été adopté, pour rebudgétiser le compte d’affectation spéciale Transition énergétique. Au-delà du fait qu’il ne me semblait pas très sincère, à l’égard des Français, d’intégrer à ce CAS des dépenses sans lien avec la transition énergétique, cette rebudgétisation pouvait permettre d’émettre des obligations vertes et d’évaluer plus précisément l’impact environnemental de ces dépenses.

Mon projet de budget vert va dans le même sens. Toutes mes démarches sont liées et tendent vers un verdissement maximal pour pouvoir émettre des green bonds.

La commission adopte les crédits de la mission Engagements financiers de l’État, sans modification.

Elle examine ensuite les crédits des comptes d’affectation spéciale Participations financières de l’État et Participation de la France au désendettement de la Grèce et du compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics.

Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale (Participation financière de l’État, Participation de la France au désendettement de la Grèce, et Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics). Le compte d’affectation spéciale (CAS) Participations financières de l’État fait beaucoup parler de lui. Il retrace les prises de participation de l’Agence des participations de l’État, l’APE.

Jusqu’en 2020, il comportait deux programmes, l’un lié aux prises de participation et l’autre, au désendettement de l’État. Avec le plan d’urgence, un troisième programme a été créé pour accompagner financièrement les entreprises en difficulté, qui ne fait pas partie de la mission que je présente aujourd’hui.

Je le rappelle chaque année : nous votons les recettes et les dépenses du compte, c’est-à-dire les participations qui peuvent être vendues et les sommes qui peuvent être investies dans des sociétés. Tous ces chiffres restent très virtuels car, au fond, le Gouvernement fait ce qu’il veut – je caricature un peu, mais ce n’est pas très éloigné de la réalité.

Cette année, le Gouvernement nous propose d’approuver un solde négatif de 515,5 millions d’euros avec un niveau de recettes de 12,8 milliards, qui proviendront pour 11 milliards du budget de l’État, piochés dans le plan d’urgence. Ces 11 milliards correspondent aux 20 milliards d’euros que nous avons votés dans le PLFR 2 pour recapitaliser et accompagner des entreprises qui ne vont pas bien, déduits des 9 milliards déjà utilisés – 3 milliards pour Air France, 4 milliards pour la SNCF, un milliard pour EDF et un milliard à droite et à gauche, dont 150 millions pour le fonds de soutien aéronautique.

Par ailleurs, le Gouvernement envisage de dépenser 13,3 milliards… mais on ne sait pas sur quoi – ce qui peut se comprendre : il y a des signaux qu’il vaut mieux ne pas donner sur la santé de certaines entreprises. Du coup, l’exercice est assez virtuel, ou fictif, si vous préférez : on a les grandes masses mais on ne sait pas ce qu’on fera de l’argent.

Par rapport à ce qui a été voté pour 2020, certains changements ne sont pas uniquement liés à la crise sanitaire. La première loi de finances rectificative que nous avons votée – moi comprise – a annulé en cours d’année des recettes qui correspondaient à la vente d’ADP, heureusement interrompue. Rappelons que l’action ADP a perdu 52 % de sa valeur entre le 5 février et le 1er septembre 2020. En comptabilité nationale, qui est régie par des règles très spécifiques, cela ne change rien ; mais s’il s’était agi d’une entreprise privée, cela aurait fait une perte de 4,5 milliards d’euros au bilan, et non au compte de résultat, ce qui aurait évidemment entraîné des licenciements encore plus massifs. Je me félicite donc, une nouvelle fois, que la privatisation n’ait pas eu lieu…

Autre changement par rapport à ce qui a été discuté au moment de l’examen de la loi PACTE : la création du grand pôle financier avec La Poste, la CNP et la CDC devait se faire par le biais d’un échange de titres, de sorte que cela ne coûte rien. Finalement, la CDC a dû signer un chèque d’un milliard d’euros à l’Agence des participations de l’État (APE) …

Un mot enfin sur les dividendes, même si, à mon grand regret, cela ne fait pas partie des ressources de l’APE puisqu’ils sont directement reversés au budget général. Ils s’élèvent à 300 millions d’euros en 2020, ce que je trouve un peu étonnant dans la mesure où le Gouvernement avait invité les entreprises à ne pas verser de dividendes. J’ai posé la question pour savoir qui avait payé… Et pour 2021, le Gouvernement prévoit 1,1 milliard de dividendes ! Là encore, on ne sait pas comment l’estimation a été calculée.

J’en viens au CAS Participation de la France au désendettement de la Grèce. La Banque de France doit rétrocéder au CAS 2,8 milliards d’euros au titre des intérêts qu’elle a perçus sur les titres grecs et le CAS doit les rendre à la Grèce – vous vous en souvenez, l’Europe avait décidé de ne pas la rembourser tout de suite car elle n’avait pas respecté son plan d’économies. Fin 2020, la France aura rendu à la Grèce 1,8 milliard d’euros ; il restera donc un milliard à lui verser. Or il est prévu à ce stade de ne reverser que 217 millions d’ici à 2022… Sur ce point également, j’interrogerai le ministre en séance publique.

Enfin, le compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics a été très actif. Les deux premières lois de finances rectificatives pour 2020 ont ainsi ouvert 1,2 milliard d’euros d’avance au budget annexe afin de couvrir le déficit d’exploitation lié à l’effondrement du trafic aérien, en complément des 50 millions déjà ouverts en loi de finances initiale. Nous sommes passés de 50 millions votés en loi de finances initiale à 1,2 milliard. Sur ce point, je n’ai pas de commentaire particulier à formuler.

La commission en vient à l’examen des amendements au compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État.

Article 35 et état D : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers

Elle est saisie de l’amendement II-CF941 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. Les aéroports sont des instruments de la transition écologique puisqu’il faut réduire le trafic aérien sans pour autant le faire disparaître brutalement. Or, si les aéroports sont confiés à des entreprises privées, celles-ci auront tout intérêt à faire exploser le trafic. C’est ce qu’il s’est passé pour l’aéroport de Lisbonne, cédé à Vinci, qui a montré sa compétence en triplant le rythme de croissance des passagers et en doublant le trafic en six ans, au détriment évidemment de la planète mais aussi de la qualité du service.

Nous vous demandons, par conséquent, d’abandonner les privatisations. Celle de l’aéroport de Toulouse-Blagnac a été annulée par la cour administrative d’appel de Paris en raison d’irrégularités dans la procédure ; nous voudrions qu’il en soit de même pour l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry et pour celui de Nice-Côte d’Azur, dont l’État a cédé 60 % du capital.

Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale. Sur le fond, je partage votre point de vue. L’aéroport de Toulouse, qui me tient à cœur, a été acheté à l’État pour 320 millions d’euros par une société chinoise qui l’a revendu au groupe Eiffage pour 500 millions ! Ce procédé fragilise les sociétés françaises dans la mesure où elles se retrouvent obligées de faire monter les enchères.

En revanche, d’un point de vue plus technique, quand on voit les montants mis en jeu au cours des précédentes ventes d’aéroports, on comprend vite que les 99 millions que vous proposez sont loin de suffire à atteindre les objectifs que vous fixez, ce qui rend votre amendement assez inopérant.

Je rendrai donc un avis de sagesse.

M. Jean-Paul Mattei. Nous ne soutiendrons pas cet amendement parce que nous n’avons pas du tout la même analyse que M. Ruffin sur la privatisation des aéroports.

En tant que parlementaire, j’ai été très choqué que la privatisation d’ADP ait été annulée alors qu’elle avait été adoptée dans le cadre de la loi PACTE. Par ailleurs, j’aimerais bien que l’on évalue plus précisément la perte financière qui s’est ensuivie pour l’État : on n’a pas de données chiffrées mais il semble que l’État ait perdu pas mal d’argent du fait de l’annulation de cette opération.

Un cadre juridique précis avait été établi et offrait des garanties. Un cahier des charges avait été rédigé. Bref, le travail avait été beaucoup plus approfondi que lors de la privatisation des autres aéroports.

J’ai saisi l’occasion de cet amendement pour vous dire ce que je pensais de la privatisation des aéroports. On parlait déjà de l’avion-bashing à cette époque : la loi du marché fera peut-être revenir, et c’est tant mieux, à la raison en obligeant à abandonner certaines liaisons transcontinentales qui ne vont pas dans le bon sens. Mais c’est le marché qui parle…

M. François Ruffin. Les sociétés qui détiennent des aéroports ne se portent pas très bien : c’est peut-être le moment pour l’État de faire une bonne affaire en rachetant à bas prix, et ces 99 millions permettraient déjà d’acquérir quelques bonnes parts…

Mme Marie Lebec. Je suis d’accord avec M. Mattei : la loi PACTE avait fixé un cadre qui permettait de privatiser. Cela étant, le Gouvernement a toujours réaffirmé que la privatisation devait être une bonne opération financière pour l’État et ce n’est assurément pas le moment de vendre les participations d’ADP. Mais ce n’est pas pour autant le moment de racheter des aéroports !

Nous avons débattu, lors de l’examen de la loi PACTE, de la privatisation de l’aéroport de Lyon qui a permis à cette infrastructure de se moderniser et de dégager des bénéfices. Pour le moment, nous gardons Aéroports de Paris, mais la vente est juridiquement sécurisée ; et si elle devait avoir lieu, ce serait aux meilleures conditions financières pour l’État.

La commission rejette l’amendement II-CF941.

Elle examine l’amendement II-CF943 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. Madame Lebec, l’amendement précédent ne concernait pas Aéroports de Paris mais nous y venons justement avec celui-ci, par lequel nous demandons l’abandon définitif du projet de privatisation de Roissy et d’Orly.

Cet amendement suit le même fil directeur que le précédent : organiser la diminution du trafic aérien et faire des aéroports un outil de la transition écologique. Le PDG de Vinci, Xavier Huillard, voyait dans ADP un levier de création de valeur et entendait convaincre les compagnies aériennes d’ouvrir de nouvelles liaisons. L’objectif est simple : augmenter continuellement le trafic aérien pour engranger des bénéfices et verser des dividendes. C’est évidemment contraire à tous les accords internationaux sur le climat que nous avons pu signer, en particulier les accords de Paris. Sans parler des considérations de souveraineté nationale.

Autant de raisons pour lesquelles nous devons maintenir cet outil de transition dans le giron public.

Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale. Je partage l’avis de M. Ruffin concernant la privatisation du groupe Aéroports de Paris. D’ailleurs, nous sommes tous les deux cosignataires du référendum d’initiative partagée qui a rassemblé 1,2 million de signatures de Français opposés à cette privatisation.

Pour l’heure, la mobilisation citoyenne a empêché que la privatisation du groupe ADP ne soit lancée et la première loi de finances rectificative pour 2020 a acté le report de l’opération en supprimant les recettes prévisionnelles de l’opération. J’espère qu’en 2022, une nouvelle majorité annulera les dispositions de la loi PACTE qui autorisent la privatisation de ce groupe : la question sera alors définitivement réglée. Ce sera la dernière étape.

Pour l’heure, je rends un avis de sagesse sur cet amendement car ces 99 millions sont bien en deçà des 4,5 milliards en jeu.

Mme Marie Lebec. L’important n’est pas que cette privatisation ait lieu dans les semaines, années ou mois à venir, mais de savoir qu’elle est sécurisée, si jamais elle devait se réaliser. Le ministre a toujours été très clair : la privatisation n’aura lieu que si les conditions du marché s’y prêtent afin que l’État et in fine les Français en sortent bénéficiaires.

Je me souviens des réserves des opposants, tous bords confondus, au projet de privatisation de la Française des jeux, lors de l’examen de la loi PACTE. Je sais bien que ces deux privatisations ne sont pas comparables, ni par leurs enjeux, ni par leur taille, ni par leur dimension symbolique, mais il n’en reste pas moins que la privatisation de la FDJ a été un succès. Une privatisation bien préparée et sécurisée peut se révéler être une bonne opération financière pour l’État.

M. François Ruffin. Vous aurez bien compris qu’il s’agit d’un amendement d’appel, mais je répéterai à Mme Lebec que les bénéfices financiers ou les garanties financières ne sauraient être la seule boussole pour décider de privatiser une infrastructure aussi capitale que le groupe ADP, d’autant plus que ces bénéfices ne sont qu’illusoires ! Les taux sont très bas et l’État va perdre les dividendes versés par ADP. Il n’est pas sûr qu’il fasse une bonne affaire.

M. Jean-Paul Mattei. Les intérêts financiers ne sont pas la seule boussole, Monsieur Ruffin. Cette décision peut obéir à une certaine stratégie, que vous ne pouvez pas soutenir puisque nous n’avons pas la même vision de la société. J’espère simplement que, si une nouvelle majorité arrive au pouvoir en 2022, il ne s’y trouvera pas des députés pour défaire ce que d’autres députés ont voté. La décision de privatiser a été adoptée à la majorité et j’ai été étonné qu’elle ait pu ainsi être balayée par un avis du Conseil constitutionnel : la preuve en est que le référendum d’initiative partagée n’est pas parvenu à son terme même s’il a mobilisé beaucoup de Français. Je maintiens que la privatisation du groupe ADP n’était pas une mauvaise décision : l’opération était assortie de réelles garanties, tant au niveau de la domanialité qu’à celui du contrôle aux frontières et elle n’aurait pas forcément mis à mal la souveraineté française. Il est possible qu’elle fasse un joli sujet de débat lors des prochaines élections, car elle révèle deux visions différentes de la société ; nous verrons. J’espère tout de même qu’une décision prise, à la majorité, par les parlementaires, en toute connaissance de cause, ne sera plus remise en cause par des artifices.

Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale. Monsieur Mattei, le Conseil constitutionnel veille au respect de la Constitution et applique le droit, rien d’autre. C’est vrai, le dépôt de cette proposition de loi référendaire était une première et ce fut un vrai challenge de la rédiger : comment fallait-il s’y prendre pour que le Conseil constitutionnel l’accepte ? Le Conseil constitutionnel a validé cette proposition de loi mais ce n’est pas lui qui s’est opposé à la privatisation. Ce sont les 1,2 million de Français qui ont pris la peine de participer au référendum ! Certes, le seuil nécessaire n’a pas été atteint, mais cela a tout de même permis d’éviter la privatisation.

En tout état de cause, monsieur Mattei, la force politique que je représente, et qui deviendra majoritaire, inscrira dans son programme pour l’élection présidentielle de 2022 la suppression de l’article de la loi PACTE qui autorise la privatisation du groupe ADP.

Mme Cendra Motin, présidente. Nous entendons votre souhait, nous laisserons les Français choisir…

La commission rejette l’amendement II-CF943.

Elle est saisie de l’amendement II-CF945 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. Je vais vous donner de quoi nourrir votre programme pour 2022, madame Rabault…

Gaz de France, entreprise historique créée par Marcel Paul à la Libération pour alimenter les villes en gaz, a été vendue, morceau par morceau, à partir de 2006. La loi PACTE achève d’affaiblir le rôle de l’État dans la gestion de l’entreprise et pourrait même conduire à son désengagement total du capital de cette entreprise, devenue Engie.

Tout au long de ces étapes, les intérêts de la finance l’ont manifestement emporté sur le projet industriel et le service public : les dividendes versés par Engie à ses actionnaires depuis 2009 représenteraient, à croire les estimations, plus de trois fois le montant de ses bénéfices. Le groupe aurait même versé en 2016 quinze fois plus de dividendes que de bénéfices !

Or, là encore, Engie, accompagné de sa filiale Endel, pourrait être un outil de la transition écologique et nous aurions tout intérêt à les ramener dans le giron du service public.

Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale. Je ne reviendrai pas sur ces 99 millions d’euros qui ne permettront pas de remplir les objectifs que vous souhaitez.

En revanche, je suis désolée en voyant l’État, pourtant premier actionnaire d’Engie avec 34 % des droits de vote, se faire systématiquement balayer dans ses positions au sein du conseil d’administration. C’est à mes yeux le plus gros scandale, en termes de souveraineté : à l’évidence, l’État ne représente plus rien. Les parlementaires assistent à cela sans pouvoir réagir. Le Gouvernement lui-même n’est qu’un spectateur face à d’autres actionnaires qui détiennent moins de droits de vote que lui. Et pourtant, ils réussissent à passer en force.

Avis de sagesse.

M. François Ruffin. L’État se fait balayer ou l’État se laisse balayer ? En tout cas, il a manifestement fait le choix de l’impuissance, ce qui pose la question du rôle de l’État actionnaire. Doit-il jouer celui d’un État-stratège, qui s’implique dans les conseils d’administration pour orienter la politique de l’entreprise ou doit-il se contenter de ramasser les dividendes et de servir les nouvelles féodalités ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale. Pour éclairer la commission des finances, je suis allée faire une petite visite surprise à Bercy et j’ai demandé à l’agence des participations de l’État les notes qu’elle avait adressées en juillet au ministre au sujet de la stratégie d’Engie. Bien évidemment, je respecte le secret qui entoure ces notes, mais sachez que le travail a été fait.

Mme Cendra Motin, présidente. J’en profite pour vous signaler que le groupe de travail commun aux commissions des finances et des affaires économiques sur les conséquences d’un éventuel rapprochement de Véolia et de Suez fera une communication mercredi prochain, à 15 heures.

La commission rejette l’amendement II-CF945.

Elle passe à l’amendement II-CF946 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. Je continue à nourrir le futur programme de notre rapporteure…

Cet amendement répond à des impératifs de cohésion sociale plus que de transition écologique. En admettant que les jeux d’argent doivent exister à une échelle nationale, faisons à tout le moins en sorte qu’ils restent aux mains de la Nation : cela apporterait davantage de garanties morales et sociales qu’en les abandonnant aux appétits du privé ; c’est précisément ce qu’a fait la loi PACTE en permettant à l’État de céder 52 % du capital de la Française des jeux.

Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale. Nous nous étions clairement opposés à la privatisation de la Française des jeux lors de l’examen de la loi PACTE ; cette opération est désormais réalisée. Avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement II-CF946.

Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale. Je le répète, les crédits alloués à cette mission sont purement fictifs et je ne sais pas comment seront utilisés les 13 milliards d’euros, puisque le Gouvernement ne souhaite pas nous en informer. Je rends donc un avis de sagesse sur les crédits de cette mission.

M. Jean-Paul Mattei. Madame la rapporteure spéciale a raison : nous sommes dans le flou le plus complet, mais le contexte est compliqué. Ce n’est surtout pas le moment de nous passer des participations. Les données concernant les dividendes et les produits finiront bien par tomber…

Pour revenir à l’amendement de M. Ruffin concernant la Française des jeux, paradoxalement, je comprends mieux sa position, sans doute en raison des questions d’ordre moral que la pratique du jeu peut poser. Je soutiens que le dossier la privatisation du groupe ADP avait été bien cadré pour préserver les intérêts et la souveraineté de la France.

Bien évidemment, le groupe MoDem et Démocrates apparentés votera ces crédits.

M. François Ruffin. Je pose la question du rôle de l’État actionnaire. Ainsi, Verallia, ancienne filiale « verre » de Saint-Gobain, a fait remonter 559 millions d’euros de profits aux îles Caïmans par le biais d’un montage financier organisé par son nouvel actionnaire majoritaire, le fonds d’investissement Apollo. Cela aussi devrait vous poser un problème moral, monsieur Mattei !

Quelle est la responsabilité de l’État actionnaire dans l’affaire du rapprochement entre Suez et Veolia ? L’État a choisi d’être impuissant, de ne pas intervenir, de laisser faire. Et ce choix s’ajoute à toute une série d’autres, qui ont notamment conduit Engie à la dérive financière. L’État a-t-il protesté quand Suez verse 30 milliards d’euros de dividendes en dix ans à ses actionnaires ? C’est nettement plus que ses bénéfices. Autrement dit, on s’endette pour verser des dividendes…

Engie ferme toutes ses agences et délocalise ses centres d’appels vers le Portugal et le Maroc ? L’État n’intervient pas.

Les actionnaires virent la seule PDG du CAC40 qui avait un vrai projet industriel dans une perspective écologique ? L’État laisse faire.

Engie veut se débarrasser d’Endel et de ses 6 000 salariés alors que cette industrie devrait être un outil de transition écologique ? L’État reste silencieux.

Je souhaite clairement que l’État devienne actionnaire dans les secteurs stratégiques, mais pour jouer son rôle d’actionnaire et peser dans l’orientation de l’entreprise, pas simplement pour ramasser la mise !

Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale. Cette réflexion sur le rôle de l’État actionnaire se retrouve dans le rapport que j’ai rédigé à l’occasion du Printemps de l’évaluation : c’est seulement dans ce cadre que nous pouvons dresser le bilan des décisions prises et des actions menées.

Concernant Engie, je me suis exprimée lors de la séance des questions au Gouvernement.

L’exercice auquel nous nous livrons aujourd’hui est intellectuellement difficile, comme chaque année. C’est en effet la seule mission, avec celle que rapporte Mme Peyrol, où l’on nous demande de voter des recettes et des dépenses pour ainsi dire fictives. De 2010 à 2020, nous avons voté, chaque année, 5 milliards de dépenses et 5 milliards de recettes. Mais de nombreuses sociétés ont été recapitalisées. Il en va différemment pour 2021, puisqu’on nous demande de voter 12,8 milliards de recettes et 13,3 milliards de dépenses. Mais personne ne peut dire ce qui se passera réellement : nous touchons les limites de notre rôle de parlementaires faute d’être en mesure de nous projeter. C’est seulement après coup que nous pouvons exercer pleinement notre mission, dans le cadre du Printemps de l’évaluation, qui malheureusement a peut-être moins d’écho. Sur des questions aussi essentielles, le Printemps de l’évaluation n’est pas encore l’outil parfait, même s’il a regagné des couleurs.

La commission adopte les crédits du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État, sans modification.

Elle en vient aux crédits du compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la Grèce.

Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale. J’ai l’intention de demander à nouveau au Gouvernement pourquoi nous ne rendons pas ce milliard à la Grèce.

Rappelons le schéma. L’Europe a soumis un plan de sauvetage à la Grèce, assorti de nombreuses conditions. Il était entendu que la Grèce verse à la Banque de France des intérêts plus élevés que ceux du marché, qu’on lui rendrait par la suite. Or l’Union européenne, jugeant qu’elle n’avait pas respecté toutes les conditions du plan de sauvetage, a décidé qu’ils ne les lui seraient pas rendus tant que ces conditions ne seraient pas réunies. À présent qu’elles le sont, il a été décidé de lui restituer cet argent. Sur les 2,8 milliards d’euros que nous a reversés la Banque de France, nous en avons rendu 1,8 à la Grèce. Il reste à rendre un milliard, mais nous n’avons trouvé que 217 millions d’ici à 2022… Je demanderai donc à nouveau au ministre, qui ne m’a toujours pas répondu, où sont les quelque 800 millions d’euros qui manquent.

Je le dis comme je le pense : il n’est pas question que la France se fasse de la trésorerie sur le dos de la Grèce.

Article 35 et état D : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers

La commission adopte les crédits du compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la Grèce, sans modification.

Elle en vient à l’examen des crédits du compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics.

Article 35 et état D : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers

Suivant l’avis favorable de la rapporteure spéciale, la commission adopte les crédits du compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics, sans modification.

 

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