Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  Suite de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360), examen et vote sur les crédits des missions :

 Cohésion des territoires :

  Logement et hébergement d’urgence (M. François Jolivet, rapporteur spécial) 2

  Politique des territoires (M. Mohamed Laqhila, rapporteur spécial) 2

  Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, et sur l’article 54, rattaché (M. Jean-Paul DufrÈgne, rapporteur spécial)               18

  Travail et emploi (Mme Marie-Christine VerdierJouclas, rapporteure spéciale) 29

 


Vendredi
23 octobre 2020

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 19

session ordinaire de 2020-2021

 

 

Présidence de

 

Mme Cendra Motin,

Vice-présidente

 

 

 


  1 

La commission poursuit l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360)

La commission procède d’abord à l’examen des crédits de la mission Cohésion des territoires (M. François Jolivet, rapporteur spécial pour le Logement et l’hébergement d’urgence ; M. Mohamed Laqhila, rapporteur spécial pour la Politique des territoires).

M. François Jolivet, rapporteur spécial (Logement et hébergement d’urgence). En tant que rapporteur spécial de la partie de la mission Cohésion des territoires consacrée au logement et à l’hébergement d’urgence, j’examine les crédits de trois programmes : Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables, Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat et Aide à l’accès au logement.

Le budget consacré à l’hébergement d’urgence en 2021 augmentera de 10 %, pour s’établir à 2,2 milliards d’euros. Le Gouvernement a lancé, en 2017, un plan quinquennal pour accélérer l’accès au logement des personnes sans-abri. L’objectif principal est d’orienter les personnes vivant dans la rue directement vers un logement, sans passage par une structure d’hébergement d’urgence. L’année dernière, j’appelais l’attention du Gouvernement, avec votre aide, sur la nécessité de soutenir le développement des logements adaptés, notamment des pensions de famille, en augmentant le prix du forfait journalier de 16 à 18 euros ; nous avions essuyé un refus. Il se trouve que le projet de loi de finances qui vous est présenté comporte désormais cette augmentation, ce qui permettra aux gestionnaires de retrouver un équilibre.

Le programme consacré au financement du logement et à l’aménagement du territoire comporte des crédits dédiés au dispositif MaPrimeRénov’. Cette prime, qui remplacera complètement le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) à compter du 1er janvier 2021, a été versée cette année aux ménages aux revenus très modestes. Les premiers retours sont très positifs, malgré le confinement : l’objectif de financer 200 000 gestes devrait être atteint en fin d’année.

Le Gouvernement a décidé, dans le cadre du plan de relance, de transformer temporairement MaPrimeRénov’ pour en faire un outil accessible à tous – ménages des déciles 9 et 10, propriétaires bailleurs, copropriétés. Dans le nouveau barème, les aides sont proportionnées aux revenus des ménages et un bonus est prévu en cas de rénovation globale. Pour les ménages les plus modestes, la prise en charge des travaux pourra aller jusqu’à 90 %. Cet effort sans commune mesure accélérera la disparition des passoires thermiques, ce dont nous pouvons collectivement nous réjouir.

Cette prime est gérée par l’Agence nationale pour l’habitat (ANAH). L’année dernière, elle avait bénéficié de trente-quatre postes équivalents temps plein (ETP) supplémentaires pour accomplir cette mission. Pour permettre l’élargissement de MaPrimeRénov’ aux déciles 9 et 10, le budget prévoit le recrutement de vingt-neuf postes supplémentaires.

Si ce changement est positif, il faut veiller à ne pas se priver de ce qui fait aussi le succès de l’ANAH, à savoir le dispositif Habiter mieux, qui permet d’accompagner les personnes dans le choix des entreprises, la définition et la réception des travaux. Ce dispositif doit être encouragé : il ne faudrait pas que la stratégie de massification des aides à la rénovation se fasse au détriment de ceux qui auraient besoin d’une aide supplémentaire. MaPrimeRénov’ comporte d’ailleurs une assistance à maîtrise d’ouvrage pour aider les personnes en grande difficulté. Cette aide s’élève à 150 euros ; peut-être nous rendrons-nous compte, aux résultats de l’année 2021, qu’elle est insuffisante.

Par ailleurs, l’année 2021 verra enfin l’entrée en vigueur de la réforme de la contemporanéité du calcul des ressources pour être éligible aux aides personnalisées au logement (APL). Cette réforme devait entrer en vigueur au 1er janvier 2021, et j’avais alerté l’année passée sur la capacité à conduire cette réforme dans le temps imparti. Beaucoup d’entre nous s’étaient élevés contre cette réforme en soulignant que c’était une mesure d’économie. Nous avions insisté sur le fait qu’en période de crise, elle provoquerait en réalité des dépenses. En 2021, le budget des aides au logement sera identique à celui de l’année dernière. Nous verrons si, en fin d’année, dans un projet de loi de finances rectificative, il ne sera pas nécessaire d’abonder à nouveau cette ligne. On ne sait ce que demain nous réserve, mais on peut supposer que cette réforme permettra de solvabiliser les personnes qui auront rencontré des difficultés professionnelles ou qui auront été privées d’emploi au cours de l’année 2021. Elle remplace, en effet, un autre dispositif qui prenait en compte les ressources de l’année n-2 : désormais, ce sera les quatre derniers trimestres glissants. Nous aurons l’occasion de constater que cette réforme est un progrès social.

Les organismes de logement social ont réussi à absorber la réduction de loyer de solidarité (RLS). Leurs comptes ayant été consolidés l’année dernière, ils semblent avoir absorbé la réforme plutôt correctement ; les mesures de compensation leur ont permis d’accomplir l’ensemble de leurs missions, sans baisser pour autant le niveau de production et de réhabilitation.

Je salue l’engagement de l’État, au travers du plan de relance, avec un apport de 500 millions d’euros pour la rénovation du parc social, auxquels s’ajoutent 300 millions d’euros pour créer un fonds de lutte contre les friches. Enfin, comme chaque année, je vous appelle à réfléchir à l’utilisation de l’épargne réglementée pour que les Français participent au financement de grands équipements publics.

M. Mohamed Laqhila, rapporteur spécial (Politique des territoires). L’investissement dans les territoires est une priorité du Gouvernement. Dans la troisième loi de finances rectificative (LFR) de juillet dernier, la dotation de soutien à l’investissement local a été augmentée d’un milliard d’euros. Dans le cadre du PLF pour 2021, la mission Plan de relance y consacre 1,29 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 413 millions d’euros en crédits de paiement au sein de l’action Cohésion territoriale du programme 364. 205 millions d’euros en crédits de paiement sont alloués au programme Territoires d’industrie. Notre objectif est de nous assurer que le plan de relance sera opérationnel pour être pleinement efficace.

Dans ce contexte, la mission Cohésion des territoires, qui regroupe les crédits du programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire, du programme 162 Interventions territoriales de l’État et du programme 147 Politique de la ville, ne reflète qu’imparfaitement les efforts pour la cohésion des territoires. Malgré cela, le projet de budget pour 2021 est en hausse de 3,7 %, atteignant 787 millions d’euros sur l’ensemble des trois programmes.

Le programme 147 Politique de la ville bénéficie d’une augmentation de plus de 20 millions d’euros. Avec 10 millions d’euros attribués au dispositif adultes-relais, 6 500 postes pourront être pérennisés ; je crois en l’utilité de cette activité de médiation sociale dans les quartiers. De plus, 17 millions d’euros supplémentaires sont consacrés à la montée en puissance des cités éducatives, dont l’enveloppe totale atteint 48 millions d’euros. Ces outils permettront un accompagnement renforcé des élèves des quartiers prioritaires, y compris en dehors des temps scolaires. Les terribles événements de ces derniers jours nous le montrent : l’école est le socle, la base pour l’émancipation et la lutte contre les idéologies obscurantistes.

Concernant ce programme 147, je souligne la nécessité d’accélérer la sortie des chantiers du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Le programme avait déjà pris du retard, accentué par la crise sanitaire et le report des élections : le plan de relance doit apporter un petit coup de pouce grâce à l’enveloppe réservée à la rénovation des équipements publics des collectivités territoriales.

Le programme 162 est doté de 40 millions d’euros pour les programmes des interventions territoriales de l’État (PITE). Les crédits du plan exceptionnel d’investissement (PEI) Corse sont maintenus malgré son remplacement progressif prévu par le plan de transformation et d’investissement pour la Corse (PTIC). Avec 3 millions d’euros, les engagements du Président de la République concernant le plan chlordécone sont tenus. Les crédits non consommés de l’enveloppe supplémentaire de 2 millions d’euros, votée l’année dernière pour développer des tests, seront reportés en 2021. Une nouvelle action est créée au sein du programme : le service d’incendie et de secours de Wallis-et-Futuna. À l’inverse, le PITE consacré au Marais poitevin disparaît, avec de bons résultats concernant la protection des zones humides.

Enfin, concernant le programme 112, nous constatons une baisse faciale importante de 5,4 % en crédits de paiement (CP), et de 15,5 % en autorisations d’engagement (AE). En réalité, si l’on prend en compte les crédits pour les contrats de plan État-région (CPER) et les contrats de plan interrégionaux État-région (CPIER) inscrits dans le plan de relance, on constate une hausse importante, de plus de 2 % en CP et de 59 % en AE. Par ailleurs, l’extinction naturelle des crédits et des contrats de ruralité et des pactes État-métropoles engagés en 2007 pèse à la baisse sur le budget.

La question se pose de la pertinence d’inscrire des crédits CPER au plan de relance, alors qu’il s’agit de projets de long terme, inscrits dans une stratégie à six ans. L’administration nous a indiqué qu’il s’agissait d’avoir un suivi plus particulier de ces crédits et d’accélérer la réalisation de projets déjà finalisés par les collectivités territoriales.

Par ailleurs, 10 millions d’euros supplémentaires renforcent l’ingénierie de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et 10 millions supplémentaires abondent le budget des espaces France Services.

Enfin, nous aurons à discuter dans quelques jours de la prorogation d’un très grand nombre de dispositifs fiscaux zonés, de type zone franche urbaine (ZFU) ou zone de revitalisation rurale (ZRR), au titre desquels les entreprises qui s’installent dans ces zones bénéficient d’exonérations. Certains dispositifs devront être adaptés et améliorés à terme, mais il est important de les proroger au moins de deux ans pour permettre aux territoires concernés de traverser la crise économique.

Article 33 et état B : Crédits du budget général

La commission examine l’amendement II-CF423 de Mme Sandrine Mörch.

Mme Jacqueline Dubois. Les associations qui accompagnent des personnes en précarité sociale et des demandeurs d’asile ont dû faire face à des coûts nouveaux pour tenir compte des mesures de confinement et de leur impact. Depuis le début de la crise, les adhérents ont dû acheter directement du matériel de protection et d’hygiène, recruter des veilleurs de nuit pour assurer la sécurité des personnes pendant le confinement, ouvrir vingt-quatre heures sur vingt-quatre des structures auparavant fermées le soir, recruter des personnels en intérim pour remplacer des personnels malades ou devant garder leurs enfants, ou prendre en charge une aide alimentaire qui ne rentrait pas dans leur mission précédemment. Ils ont également dû acquérir des ordinateurs, une connexion internet pour permettre aux personnes d’accéder à leurs droits sociaux, à l’information, aux loisirs et aux enfants de suivre l’enseignement à distance. Cet amendement a pour principal objectif de rappeler la nécessité d’une mise en place de mesures pérennes pour les sans-abri ou personnes isolées, dans une logique de prévention sociale qui, à terme, coûtera moins cher.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. Les associations en charge de la gestion des centres d’hébergement d’urgence sont en train de négocier une compensation de leurs surcoûts sur l’exercice 2020. Vous proposez de retirer 10 millions d’euros de la politique de la ville pour les affecter à l’hébergement et au parcours du logement, alors même que le projet de budget pour 2021 prévoit une augmentation de 10 % les concernant. De plus, des efforts majeurs ont été faits pour améliorer les conditions de financement des gestionnaires des pensions de famille – c’est la priorité du Gouvernement. Enfin, 100 millions d’euros sont consacrés dans le plan de relance au financement de structures d’accueil.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Jacqueline Dubois. L’intention de Mme Mörch, auteure de l’amendement, est vraiment de défendre le nombre de places pérennes par rapport aux places d’urgence sociale. Il est important de continuer à accompagner ces associations. Des efforts conséquents ont certes été fournis en faveur du logement social. Je retire cet amendement, qui sera peut-être redéposé en séance.

M. Jean-Louis Bricout. Je le reprends !

La commission rejette l’amendement II-CF423.

Elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF1186 et II-CF1183 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Le II-CF1186 vise à majorer d’un milliard d’euros les crédits des aides au logement afin d’anticiper les conséquences sociales de l’épidémie de Covid19, alors que près d’un million de Français supplémentaires auraient d’ores et déjà basculé dans la pauvreté.

Le II-CF1183 a pour objet de consacrer 83 millions au rattrapage de l’inflation, car vous vous êtes fondés sur une inflation à 0,3 % alors qu’elle est de 1 %.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. L’aide au logement est régie par un cadre légal. La contemporanéité des aides fait que, de toute façon, l’État sera obligé de faire face aux demandes, ce qui n’avait pas été relevé dans la réforme : à moins de modifier les barèmes, ceux-ci devront s’appliquer en 2021. S’il manquait des crédits, la loi de finances y pourvoirait.

Avis défavorable au premier amendement, tout comme au deuxième, qui est présenté depuis trois années de la même manière.

La commission rejette successivement les amendements II-CF1186 et II-CF1183.

Elle est saisie de l’amendement II-CF949 de M. Stéphane Peu.

M. Jean-Paul Dufrègne. Il s’agit de majorer de 200 millions d’euros les crédits alloués à l’action 01 du programme 109 Aide à l’accès au logement. Par cet amendement d’appel, nous demandons à l’État d’abonder l’enveloppe allouée au fonds de solidarité pour le logement (FSL) et de créer une cellule « urgence sanitaire » au sein de chaque département. Elle aurait pour but d’aider, selon des critères uniques à l’échelle du territoire, les ménages locataires ou accédants à la propriété qui éprouveraient des difficultés de paiement de loyer ou de mensualités de leur prêt immobilier en raison d’une baisse de revenus liée à la crise sanitaire.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. Le Fonds de solidarité pour le logement permet de financer les conditions d’accès et de maintien dans le logement ; il ne finance pas le paiement de mensualités de prêts liés à l’accession à la propriété.

Votre intervention donne le sentiment que l’État n’aurait pas prévu de dispositifs suffisants pour accompagner les personnes modestes ou qui pourraient le devenir du fait de la crise sanitaire. Je rappelle tout de même que l’État a pris en charge le chômage partiel ainsi que des financements complémentaires pour les personnes en situation de grande vulnérabilité, notamment avec des enfants, dans les quartiers. Le Gouvernement entend accroître encore son effort en direction des personnes qui perçoivent l’aide au logement, avec une aide de 150 euros par mois. Les propriétaires qui bénéficiaient de l’APL accession entrent dans le champ d’application de ce dispositif. Il existe donc beaucoup de dispositifs d’accompagnement.

Par ailleurs, le FSL est financé par l’État et les collectivités territoriales ; le département est d’ailleurs souvent la collectivité territoriale phare. Si des modifications doivent y être apportées, la discussion devra avoir lieu entre l’État et les départements. L’État pourrait revoir sa copie, notamment sur l’aide au maintien, mais cela me paraît un peu trop tôt. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur votre amendement.

La commission rejette l’amendement II-CF949.

Elle est saisie de l’amendement II-CF964 de M. Stéphane Peu.

M. Jean-Paul Dufrègne. Il s’agit encore de majorer les crédits alloués à l’action 01 du programme 109 Aide à l’accès au logement, cette fois de 50 millions d’euros, afin d’abonder plus fortement le fonds d’indemnisation des bailleurs en cas de refus d’accorder le concours de la force publique. Il semblerait incohérent d’expulser des personnes qui sont actuellement en fin de procédure et n’ont aucune solution de relogement, alors que toutes les structures d’hébergement sont engorgées, que la situation sanitaire ne s’est pas encore stabilisée et que la crise économique frappe déjà durement ces ménages. Il est préférable d’aider les bailleurs plutôt que d’expulser les locataires.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. Je ne comprends pas la raison de l’amendement. En cette période de crise, la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) a suspendu la suspension, si j’ose dire, des aides au logement pour les locataires qui ne paient pas. De plus, votre amendement laisse entendre que les propriétaires ne seraient pas indemnisés lorsqu’il y a refus de concours de la force publique. Or lorsque l’État est condamné, il doit payer. Quelle que soit la nature de l’inscription budgétaire, cela fait partie des dépenses obligatoires de l’État. S’il y a bien une chose dont on est sûr, c’est qu’une fois que l’État est condamné à payer, il doit faire face à l’exécution d’une décision de justice. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement parce que le cadre juridique le satisfait déjà.

La commission rejette l’amendement II-CF964.

Elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF1135 de Mme Stéphanie Do et II-CF1185 de M. Jean-Louis Bricout.

Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. L’amendement II-CF1135 vise à rétablir les aides personnelles au logement en faveur de l’accession à la propriété sur l’ensemble du territoire, aussi bien dans le neuf que dans l’ancien. Non seulement l’APL accession ne représentait en 2017 que 2 % environ du budget consacré au logement par l’État, alors que son efficacité était bien réelle, mais la suppression de ce dispositif, qui bénéficiait à environ 35 000 foyers par an, entraîne un coût supplémentaire pour l’État. Le coût de l’APL doit être mis en balance avec le coût de la non-accession : d’un côté des dépenses fiscales et des aides directes aux personnes pendant une quinzaine d’années pour l’accession ; de l’autre, des allocations logement bien plus élevées et quasiment à vie, ainsi que l’immobilisation du parc social.

Rappelons que le Gouvernement tablait initialement sur une économie de 50 millions d’euros en 2018, et jusqu’à 70 millions en 2019. Or la Caisse nationale d’allocations familiales ne fait état que d’une économie de 18 millions d’euros en 2018. C’est pourquoi je plaide pour le rétablissement de cette aide.

M. Jean-Louis Bricout. Mon amendement II-CF1185 vise également à rétablir l’APL accession à compter du 1er janvier 2021. Nous défendons ce rétablissement depuis trois ans. La suppression de l’APL accession entre en contradiction avec l’objectif de vente de HLM. La vente des logements sociaux peut contribuer à améliorer la mixité sociale et faciliter les parcours résidentiels des ménages modestes, à condition que les aides à l’accession soient maintenues.

D’après la Fédération française du bâtiment, les effets conjugués de la suppression de l’APL accession et de la limitation du prêt à taux zéro (PTZ) ont été catastrophiques. En 2018, on a constaté, d’après les chiffres de l’administration, une chute de 14,9 % des logements autorisés et mis en chantier, après le dynamisme des années 2016 et 2017. En 2019, les mises en chantier et les autorisations de construction ont poursuivi leur dégradation. En 2020, les conséquences cumulées de la crise du covid-19 et du report des élections municipales sur la réalisation de projets de construction aggraveront la situation de ménages qui devront se maintenir dans le parc social, alors qu’ils auraient pu accéder à la propriété.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. Le Parlement a été à plusieurs reprises saisi du rétablissement de l’APL accession et, à chaque fois, il s’est prononcé contre. Il ne me semble donc pas sain de rouvrir le débat.

En revanche, il est vrai que la production de logements en 2020 ne sera pas brillante. De plus, l’installation tardive des maires, la remise en cause de permis de construire délivrés par certains maires et la suspension de l’instruction des permis de construire durant la période estivale auront vraisemblablement pour conséquence un niveau de production de logements en 2021 plus faible qu’en 2020. Le rétablissement de l’APL accession viendrait-il contrecarrer cette tendance ? Je ne le crois pas. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable à votre amendement, en rappelant que nous avons mis en place des mécanismes de bail réel et solidaire dans les territoires tendus. Par ailleurs, le maintien du prêt à taux zéro peut aider à la constitution des quasi-fonds propres dans les opérations.

M. Thibault Bazin. Je suis également inquiet en ce qui concerne la production de logements.

Ces deux amendements posent une question qui n’est pas seulement budgétaire et économique, mais aussi politique. Soutenir l’accession à la propriété permet de favoriser les parcours résidentiels, ce qui est utile si on veut lutter contre les ghettos et éviter que des gens soient assignés à un statut de locataire alors qu’ils pourraient, s’ils travaillent, devenir propriétaires d’un logement.

À cet égard, l’APL accession avait pour mérite de rendre solvables des ménages qui auraient été, sinon, dans l’incapacité de devenir propriétaires. Afin d’être un peu ambitieux et cohérents avec d’autres politiques publiques, notamment celle de la ville, il faut rouvrir le débat.

Je ne pense pas que 50 millions d’euros seraient nécessaires : d’après l’étude de 2019 qui a été citée, 18 millions suffiraient pour relancer l’APL accession.

M. Jean-Paul Mattei. Ce sont des amendements particulièrement intéressants, car ils pourraient avoir un effet de levier important pour relancer l’accession au logement et la construction. Je suis étonné que le rapporteur spécial n’ait pas réussi, malgré sa force de conviction, à faire évoluer le Gouvernement sur cette question.

Quoi qu’il se passe ensuite en séance publique, ce serait un message fort si la commission adoptait ces amendements. Le moment est bien choisi, notamment en raison du plan de relance. On pourrait ajouter ce dispositif qui va dans le bon sens. Je sens d’ailleurs que le rapporteur spécial est lui-même très gêné par son refus.

M. Jean-Louis Bricout. J’ai l’impression, moi aussi, que le rapporteur spécial est un peu gêné aux entournures, et je ne trouve pas indécent de reparler de cette question.

Comme l’a dit M. Bazin, il y a des enjeux importants en matière de parcours résidentiel. Que l’on ait le statut de locataire ou celui de propriétaire change beaucoup de choses sur le plan social, notamment en ce qui concerne le vivre-ensemble et les relations dans les quartiers.

Le dispositif dont nous parlons donne de la solvabilité à des locataires modestes pour leur permettre d’accéder à la propriété. La question ne se résume pas à la volonté de vendre des logements HLM et de construire davantage de logements sociaux. La dimension sociale est particulièrement importante.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. Je ne suis pas gêné, chers collègues. L’APL accession existe toujours pour la vente de patrimoine de type HLM en zone détendue, souvent à des prix très faibles. Le prix moyen de vente de ces logements est de 43 000 euros en zone C.

Je ne suis pas défavorable, évidemment, au parcours résidentiel, et je pense qu’aucune majorité ne l’a jamais été. Je vous rappelle, en revanche, pourquoi le Gouvernement a souhaité la suppression des APL accession, après beaucoup de rapports et de travaux réalisés par des gens qu’on peut penser intelligents. Des prêts sur trente-cinq ou quarante ans peuvent mettre des gens face à des difficultés extrêmes si on ajoute un prêt à taux zéro, des APL accession qui ne durent pas aussi longtemps que la durée de remboursement de l’emprunt et un accident de la vie. On a donc considéré que l’accession à la propriété, en tout cas s’agissant du neuf, n’était pas nécessairement la bonne solution pour des personnes ayant de très faibles ressources, d’autant qu’elles avaient tendance à acheter trop cher.

Je parle sous le contrôle d’un collègue que je pourrais peut-être sentir gêné en sa qualité de notaire, et qui a peut-être réalisé des partages après des divorces : il arrive que des gens se rappellent à ce moment-là qu’ils ont acheté leur logement trop cher, puisqu’ils continuent à payer après le divorce – et ils n’ont pas d’aide.

Il faudra peut-être revenir sur cette question plus tard, mais je ne suis pas sûr que les conditions soient réunies, à l’heure actuelle, pour qu’on rétablisse les APL accession, arrêtées depuis seulement deux ans.

Produit-on beaucoup moins de logements neufs ? Il y en a un peu moins pour ce qui est des maisons individuelles et en zone C. Dans le même temps, des maisons anciennes se sont vendues au détriment de la production de logements neufs. Nous sommes tous pour la reconquête des cœurs de bourg, et contre l’étalement urbain. Les pavillonneurs ont peut-être ralenti leur production dans les zones détendues, mais on s’aperçoit que des maisons anciennes sont enfin réhabilitées. Il faut laisser cette vague de fond, si j’ose dire, s’installer.

J’estime que nous n’avons pas suffisamment de recul pour revenir en arrière. D’où mon avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements II-CF1135 et II-CF1185.

Elle examine l’amendement II-CF478 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Bénédicte Taurine. Nous souhaitons redonner un peu d’oxygène aux organismes HLM qui ont subi depuis 2017 de très lourdes ponctions sur leurs recettes – 800 millions d’euros en 2018, 900 millions en 2019 et 1,3 milliard en 2020, sans compter la hausse de la TVA sur la construction de logements sociaux, passée de 5,5 % à 10 %, ce qui a représenté un surcoût de 700 millions d’euros en 2018 et de 850 millions d’euros en 2019.

Pour faire face à cet appauvrissement programmé, les organismes HLM ont été obligés, selon une étude financière de la Banque des territoires, publiée en septembre dernier, de rogner sur l’entretien des immeubles, en réduisant de 7 % les dépenses pour grosses réparations, et de restreindre leur production de logements neufs.

Nous proposons de puiser 4,8 millions d’euros dans le programme 112, Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire, pour les transférer à l’action 01 Aide à l’accès au logement du programme 109.

M. François Jolivet, rapporteur général. Je ne peux pas être favorable à cet amendement, en tout cas pas pour les raisons qui viennent d’être indiquées.

Les bailleurs HLM ont « avalé » financièrement la réduction de loyer de solidarité – même si je ne dis pas qu’ils y sont favorables. Selon un rapport de la Caisse des dépôts et consignations, les dépenses d’entretien n’ont pas été réduites, contrairement à ce que vous avez dit. Le seul endroit où j’ai pu lire une telle affirmation, qui n’est pas encore démontrée, est un rapport de la Caisse de garantie du logement locatif social, destinataire des comptes des organismes HLM : la partie « entretien courant » aurait pu baisser, mais une consolidation est en cours : nous aurons des éléments en fin d’année.

Vous avez indiqué que les conditions de financement des organismes HLM se sont dégradées, mais ce n’est pas du tout le cas : la Caisse des dépôts a accompagné la réforme. Le plus bel accompagnement, néanmoins, a été la baisse du taux du livret A – au détriment de tous les épargnants.

J’émets un avis défavorable à votre amendement, à la fois parce que je n’en comprends pas la justification de fond et parce que je crains que si l’on ajoute 4,8 millions d’euros à un budget de 12,4 milliards, cela ne se voie pas.

Mme Bénédicte Taurine. Si c’est uniquement l’argumentaire qui ne correspond pas à vos attentes et si vous pensez que 4,8 millions d’euros supplémentaires ne se verraient pas, vous pouvez accepter ce transfert : cela ne devrait pas poser de problème…

La commission rejette l’amendement II-CF478.

Elle est saisie de l’amendement II-CF477 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Bénédicte Taurine. Cet amendement tend à transférer 12 euros de l’action 07 du programme 135, qui vise à financer les grandes opérations d’urbanisme, vers les aides aux logements, par l’intermédiaire de l’action 01 du programme 109.

Ces 12 euros symbolisent la somme perdue par les personnes les plus pauvres qui bénéficient des aides au logement. Après la baisse soudaine et injuste de 5 euros qui est intervenue en 2017, puis le gel décidé en 2018, le montant des APL a été relevé de 0,3 % en 2019, ce qui était moins que l’inflation – cela correspondait à peu près à une baisse de 2,50 euros par mois. Entre 2017 et 2020, les bénéficiaires des APL ont perdu au moins 11,70 euros.

Alors qu’un million de personnes supplémentaires passent sous le seuil de pauvreté, seulement 0,8 % du plan de relance est destiné aux plus précaires. Le logement est pourtant un secteur clé dans la lutte contre la pauvreté.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. C’est un amendement symbolique, déjà présenté l’année dernière. Je respecte le groupe qui l’a déposé, mais j’émettrai un avis défavorable.

Je voudrais préciser que la contemporanéité des aides va en faire sorte que ceux qui ont peut-être perdu 12 euros en gagneront 45 ou 50, parce qu’on va prendre en compte leurs ressources de l’année en cours, et non plus celles de l’année n - 2. La plus grande mesure sociale que nous avons prise en matière de logement depuis que nous avons été élus consiste à appliquer la contemporanéité des aides, qui avait été imaginée par d’autres majorités.

La commission rejette l’amendement II-CF477.

Elle examine l’amendement II-CF1124 de M. Vincent Ledoux.

M. Vincent Ledoux. Nous avons créé, l’année dernière, à la suite d’un amendement du Gouvernement, un fonds exceptionnel de 10 millions d’euros pour les personnes qui subissent une catastrophe naturelle particulière, moins visible que celle qui a récemment frappé nos compatriotes des Alpes-Maritimes : je veux parler du retrait-gonflement des argiles, mouvement de terrain qui peut mettre en péril les constructions.

M. Darmanin avait proposé ces 10 millions pour pouvoir indemniser des sinistrés auxquels la procédure de reconnaissance de catastrophe naturelle, très imparfaite, n’a pas pu s’appliquer – nous devrons absolument la réformer. Une mission d’inspection est d’ailleurs en cours, ainsi qu’une autre mission, parlementaire, qui m’a été confiée ainsi qu’à Hubert Wulfranc – nous aurons ainsi l’occasion de vous faire des propositions. En attendant, je vous propose de reconduire en 2021 les crédits alloués à ce fonds exceptionnel.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. Un montant de 10 millions a effectivement été inscrit dans le budget pour 2020 à la demande du Gouvernement mais, à l’heure où nous parlons, l’État n’a engagé aucune dépense à ce titre, le décret qui devait fixer les conditions d’indemnisation n’ayant pas été publié.

Je m’en remets à la sagesse de la commission. Il faut que le Gouvernement s’explique sur cette publication tardive du décret et qu’il nous dise comment il entend faire pour que les crédits ouverts en 2020 permettent de régler des cas qui n’auraient pas été traités avant la fin de l’année – sinon, il faudra peut-être reconduire les 10 millions d’euros en 2021.

M. Vincent Ledoux. Le décret n’a pas été signé, en effet. Au delà de cette question, je crains que les critères d’attribution soient totalement impossibles, c’est-à-dire que personne ne puisse bénéficier de cette aide. Les crédits prévus doivent être consommés, au bénéfice de ceux qui en ont le plus besoin, en particulier ceux qui n’ont plus de maison à l’heure actuelle.

M. Thibault Bazin. Je rejoins ce qui vient d’être dit : tous ceux qui ont besoin d’être aidés doivent l’être, mais je suis quand même inquiet. Je n’ai pas la chance d’être aussi proche de l’ancien ministre du budget que notre collègue, ni de venir des Hauts-de-France. Nous avons adopté, dans cette commission et en séance, des dispositifs réservés à la conurbation de Tourcoing – je pense à la redynamisation minière. Je trouve que c’est dommageable. L’exposé des motifs de cet amendement ne parle que des Hauts-de-France…

Pour ma part, je suis lorrain. Il y a encore une mine en activité dans ma circonscription, la dernière en activité de France : une mine de sel. Nous avons des problèmes d’affaissement de terrain dans les environs, et des personnes ne sont pas prises en charge. Je lance un appel à la représentation nationale : il faut être équitable et n’oublier personne, surtout dans le territoire lorrain.

Mme Cendra Motin, présidente. Comme vous le savez, monsieur Bazin, le Gouvernement s’occupe de l’intérêt général, et non de l’intérêt des régions.

M. Vincent Ledoux. Je veux bien battre ma coulpe quant à la rédaction de l’amendement. Il est question des Hauts-de-France, mais bien d’autres régions sont concernées par le retrait-gonflement des argiles : 60 % des sols métropolitains sont exposés à ce type d’aléa.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. Je ne connais pas le contenu du décret, mais il faut déjà avoir une somme à dépenser. C’est pourquoi j’ai émis un avis de sagesse.

Normalement, lorsque les maisons ont souffert d’un retrait-gonflement d’argile, les maires signalent aux préfets qu’ils ont beaucoup de sinistres dans leur commune, puis un arrêté de catastrophe naturelle est publié, ce qui permet aux propriétaires d’être indemnisés. J’avais cru comprendre que le Gouvernement avait considéré qu’un certain nombre de dossiers étaient un peu passés à la trappe et que l’amendement avait pour objet de faire du rattrapage.

Je ne sais pas quelles seront les règles qui le permettront. Si ce sont celles de la caisse de garantie des catastrophes naturelles, tout est pour le moment très normé. Si le Gouvernement sort de ce cadre, vous pourrez essayer de négocier avec lui un autre contenu pour le décret. Si ce ne sont pas les règles habituelles qui s’appliquent, il est important de prévoir, dans le budget de l’État, un montant pour l’ensemble des personnes concernées, dans tous les territoires de France.

La commission adopte l’amendement II-CF1124 (amendement n° 1251).

Elle est saisie de l’amendement II-CF479 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Bénédicte Taurine. Nous protestons contre l’insuffisance des moyens consacrés à la rénovation thermique des bâtiments. Il faudrait rénover un million de logements par an pour réduire significativement les émissions de ce secteur, qui est à l’origine de 19 % des émissions nationales de gaz à effet de serre et qui est le premier consommateur d’énergie en France.

Sur le plan social, on compte 5 millions de passoires thermiques, et 17 % des logements sont considérés comme très énergivores. Ce sont les locataires les plus modestes qui sont les plus touchés : 28 % d’entre eux vivent dans des logements classés F ou G. La précarité énergétique touchant de plus en plus les Français, la rénovation énergétique des bâtiments mériterait d’être accélérée.

Pour ce faire, nous proposons de prélever 4,8 millions d’euros dans le programme 112 au profit de l’action 04 Réglementation, politique technique et qualité de la construction du programme 135.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. Je suis d’accord, s’agissant de votre exposé des motifs, avec l’idée que les charges les plus importantes dans un logement concernent souvent les fluides, notamment le chauffage, et qu’il faut que ce soit les plus précaires qui soient aidés, mais j’ai l’impression que cela fait partie des objectifs fixés pour 2021 : 6,7 milliards d’euros seront consacrés à la rénovation thermique dans le cadre du plan de relance, pour les propriétaires occupants, les propriétaires bailleurs et l’ensemble des bâtiments publics.

S’agissant plus particulièrement des personnes dont les ressources sont modestes, il n’y a jamais eu autant de crédits publics pour permettre de modifier leur logement. Je rappelle qu’il existe deux sortes de propriétaires bailleurs, ceux du secteur privé et les propriétaires publics – les organismes de logements sociaux, dont le parc est plutôt en bon état sur le plan thermique, par rapport au parc du secteur privé. L’objectif qui a été fixé, en ouvrant MaPrimeRénov’ aux propriétaires bailleurs privés, est de faire en sorte qu’ils prennent en compte les difficultés de leurs occupants à faire face à leurs charges. Si les loyers n’augmentent pas, c’est le cas des charges, tous les ans. Le véritable indicateur de précarité est le niveau des charges dans leur ensemble. Les aides au logement solvabilisent très bien le loyer, et parfois les charges, mais dans des conditions très particulières.

J’émets un avis défavorable à votre amendement. Aucun rapporteur du logement n’avait pu présenter de tels crédits depuis des années.

La commission rejette l’amendement II-CF479.

Elle examine l’amendement II-CF482 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Bénédicte Taurine. Nous avons pu constater ces derniers temps que l’urgence écologique est bien réelle. Selon l’Organisation des Nations Unies, le changement climatique est à l’origine du doublement des catastrophes naturelles en vingt ans. Leur fréquence et leur intensité augmentent, notamment en France. Cette tendance menace directement près de 680 millions de personnes vivant dans des zones côtières, ce qui représente 10 % de la population mondiale.

Des montants importants doivent être investis pour faire face à de tels bouleversements, et la préservation du littoral doit être une priorité. C’est pourquoi nous proposons de prendre 4,8 millions d’euros dans le programme 112 pour renforcer l’action 09 du programme 162.

M. Mohamed Laqhila, rapporteur spécial. Votre amendement tend à retirer une subvention de 4,8 millions d’euros à Business France, dans le cadre du programme 112, au profit de l’action Plan littoral du Programme Interventions territoriales de l’État. J’entends souvent votre groupe opposer l’écologie et l’économie. Or elles doivent aller de pair. Le développement durable repose sur un trépied : l’économie mais aussi l’écologie et le social, ou le sociétal.

Le plan littoral suit une approche totale : il vise à répondre à tous les enjeux, et comprend un volet écologique très important – le suivi des risques littoraux, la préservation des ressources en eau et le respect de la biodiversité. Mais le volet économique reste également important : il vise à renforcer l’attractivité du territoire, ce qui correspond à une demande de la région.

Enlever des crédits à Business France reviendrait à empêcher son action en faveur de la réindustrialisation de notre pays, mais aussi notre action auprès des habitants, notamment les jeunes des quartiers prioritaires, par exemple dans le cadre des volontariats internationaux en entreprise (VIE) prévus par le plan de relance.

Par conséquent, avis défavorable.

Mme Bénédicte Taurine. Nous ne pensons pas que l’économie s’oppose à l’écologie. Seulement, nous sommes obligés, dans ce type d’exercice, de prendre des crédits d’un programme si nous voulons en renforcer un autre. Nous souhaitons, à la France insoumise, financer différemment les choses, pour concilier économie et écologie.

La commission rejette l’amendement II-CF482.

M. Mohamed Laqhila, rapporteur spécial. Je vous invite naturellement à voter en faveur des crédits de cette mission.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. J’émets également un avis favorable.

M. Philippe Chassaing. Les crédits de la mission Cohésion des territoires progresseront de 5,3 % par rapport à cette année. Dans le contexte sanitaire actuel, nous ne pouvons que saluer l’augmentation de ce budget.

Par ailleurs, les moyens disponibles seront complétés dans le cadre du plan de relance, qui comporte des mesures en matière de rénovation thermique, de soutien à la construction durable et d’aide aux personnes les plus précaires.

La mission Cohésion des territoires rassemble notamment des crédits dédiés à la politique de la ville, qui concerne 1 514 quartiers prioritaires et un peu plus de cinq millions de personnes. Le groupe La République en Marche salue le renforcement du dispositif des adultes-relais – qui seront l’an prochain au nombre de 6 514 –, la création de nouvelles cités éducatives et l’augmentation des crédits alloués à l’insertion par l’emploi.

Pour toutes ces raisons, nous voterons les crédits de cette mission.

M. Thibault Bazin. L’élargissement de MaPrimeRénov’ est une bonne nouvelle. Dommage que la majorité ait repoussé nos amendements en ce sens l’an dernier ! L’objectif de 500 000 logements rénovés par an, fixé par le Président de la République, n’est toujours pas atteint. Nous en rénovons 200 000 par an. Il faut faire preuve de davantage d’ambition.

Concernant les logements sociaux, auxquels je sais M. Jolivet très attentif, nous sommes inquiets, notamment au sujet des perspectives d’Action Logement. Je sais que MM. les rapporteurs spéciaux en feront part au Gouvernement. Il faut renforcer la cohérence des diverses politiques publiques en matière de construction. Dès avant la crise sanitaire, les signaux étaient très inquiétants. Le choc d’offre attendu en matière d’accession à la propriété n’a pas eu lieu. La division par deux de la quotité du prêt à taux zéro (PTZ) a eu des effets néfastes sur les territoires. La suppression de l’APL accession a limité le parcours résidentiel en matière d’investissement. Enfin, la restriction géographique du Pinel a freiné sa dynamique, tandis que les effets du Denormandie dans l’ancien se font encore attendre – il faudra évaluer ce dispositif et déterminer s’il est adapté ou non. Quoi qu’il en soit, s’agissant du programme Action cœur de ville et des opérations de revitalisation du territoire (ORT), il faut avancer davantage.

Enfin, s’il s’agit de renforcer la mixité sociale, la rénovation des logements ainsi que la construction de logements neufs dans les parcs locatifs privé et public favorise une émulation et enclenche un cercle vertueux dans les territoires, en zone tendue comme en zone détendue. Messieurs les rapporteurs spéciaux, je vous invite à transmettre au Gouvernement ce message : il faut revoir la copie et faire preuve de bien plus d’ambition.

M. Jean-Paul Mattei. Je félicite MM. les rapporteurs spéciaux de leur travail. Le budget de cette importante mission est cohérent avec les besoins exprimés. Sans être parfait, il couvre bien l’habitat et va assez loin dans le détail, s’agissant par exemple des copropriétés. Il présente une certaine cohérence et procède d’une certaine vision des besoins réels, ce dont nous nous félicitons.

Monsieur Jolivet, vous avez indiqué que l’extension de MaPrimeRénov’ à tout le monde a bien fonctionné, et que les crédits du programme prévus à cette fin ont été consommés. Ne craignez-vous pas que cette évolution induise une forme de déséquilibre, au détriment des anciens bénéficiaires ? Quoi qu’il en soit, l’augmentation du personnel et des moyens de l’ANAH va dans le bon sens.

Monsieur Laqhila, vous avez indiqué que le programme maisons France Service avance bien, ce qui m’étonne un peu. Ce programme, annoncé par le Président de la République en 2019, est relativement récent. J’aimerais obtenir des précisions au sujet de son organisation sur le territoire, notamment dans nos territoires ruraux.

Nous voterons les crédits de cette mission, qui est essentielle pour notre société.

M. Jean-Louis Bricout. La mission Cohésion des territoires finance d’abord et avant tout la politique du logement. Malheureusement, ce que nous prédisons depuis 2017 se vérifie chaque année un peu plus. La politique du logement est bien en retrait de ce qu’on pourrait espérer. Après avoir augmenté de 14,6 % en 2016 et de 6,1 % en 2017, le nombre de logements autorisés a diminué de 6,5 % en 2018 et de 3,3 % en 2019. Les chiffres sont là. Compte tenu de la conjonction de la crise du covid et du décalage de l’installation des conseils municipaux, les chiffres de l’année 2020 seront malheureusement plus catastrophiques que ce que l’on pouvait craindre. Il est urgent que le choc d’offre annoncé depuis 2017 se produise enfin.

Le deuxième volet du budget nous inquiète aussi. En instaurant une contribution exceptionnelle d’un milliard d’euros, prélevée sur le fonds de roulement d’Action Logement, le Gouvernement s’inscrit dans la même logique que celle qui l’a amené à imposer la réduction de loyer de solidarité aux bailleurs sociaux, avec quel résultat ! Le nombre de logements sociaux construits est bloqué autour de 110 000, soit moins qu’en 2019, 2018 et 2017 !

S’agissant de l’élargissement de MaPrimeRénov’, j’irai à l’encontre des propos tenus avant mon intervention. Le niveau d’aide accordé par le Gouvernement à la rénovation énergétique des logements du parc privé est identique à celui de 2017, alors même que l’assiette des bénéficiaires a été élargie aux bailleurs, aux copropriétés et aux plus aisés. Par ailleurs, nous ne respectons pas la trajectoire permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2050, ce qui suppose d’investir quasiment 12 milliards d’euros par an.

Enfin, ce budget ne répond pas à nos principales interrogations. Il ne procède pas d’une vision globale et performante de la rénovation énergétique. Il s’agit plutôt de politiques à la découpe – un coup, on s’occupe de la chaudière, un coup des fenêtres. Il ne répond pas non plus au problème du reste à charge ni à celui de la complexité des dossiers, qui découle du grand nombre de programmes – Habiter mieux, MaPrimeRénov’, Certificat d’économies d’énergie… Notre groupe a proposé d’instaurer une prime pour le climat ; j’aurais aimé qu’elle soit étudiée en détail.

M. Vincent Ledoux. Je salue l’excellent travail de MM. les rapporteurs spéciaux, sur un sujet très important. N’en déplaise à M. Bazin, j’évoquerai ma petite patrie de Tourcoing, où le chantier de réhabilitation du quartier de La Bourgogne bat son plein. Il s’agit de l’un des plus vastes chantiers de réhabilitation urbaine au nord de Paris : 900 déconstructions permettront d’offrir 2 765 logements à des populations ayant de vrais besoins. Nous réintroduisons le service public en cœur de quartier en ouvrant une crèche, une école et un conservatoire. Par cet exemple concret, je salue toute l’importance des crédits que nous votons dans ce budget.

J’ai quelques questions à poser au sujet des maisons France Service, qui répondent à une véritable attente des Français, d’autant plus que certains sont très isolés. Il faut à nos concitoyens un service public de proximité. Des nouveaux partenariats visant à enrichir l’offre de services au sein de ces espaces sont-ils prévus ? Par ailleurs, 17 millions d’euros supplémentaires sont prévus pour les nouvelles cités éducatives. Quels sont les objectifs du Gouvernement en la matière ? Comment priorise-t-on l’accès des quartiers à ce dispositif ? Comment y implique-t-on les collectivités territoriales ?

Mme Bénédicte Taurine. Nous avons constaté que le budget global de la mission est passé, en gros, de 18 milliards d’euros en 2017 à 15 milliards en 2020, soit 3 milliards de coupes budgétaires en trois ans. L’État estime que 900 000 emplois auront été détruits en 2020. En conséquence, près d’un million de personnes seront sans revenus – je parle ici des intérimaires et des travailleurs en contrat court, qui n’auront pas accès au chômage partiel. Le taux de Français craignant de basculer dans la précarité à un moment ou à un autre de leur vie a pris 3 points, à 57 %, depuis 2019. Les craintes sur l’avenir des générations les plus jeunes sont encore plus fortes.

Pourtant, disposer d’un logement digne est primordial pour la population dans son ensemble, et plus particulièrement pour les plus défavorisés. Or, à rebours des propos tenus précédemment, nous considérons que les décisions du Gouvernement pour faire face à l’augmentation de la précarité fragilisent les plus pauvres. Par exemple, la revalorisation des APL en 2020 est de 0,3 %, ce qui est en dessous du niveau de l’inflation, et seulement 0,8 % des crédits du plan de relance sont fléchés vers les plus précaires. Tandis que le chômage explose, l’allocation versée aux ménages est toujours calculée sur les revenus antérieurs, de sorte que les changements de situation ne sont pas pris en considération. Enfin, depuis trois ans, la baisse du budget consacré aux HLM s’élève à 3 milliards d’euros. Nous considérons qu’il n’y a pas assez d’argent pour les plus modestes, alors même qu’on ne touche pas au patrimoine de ceux qui surpossèdent. Nous ne sommes pas favorables à ce budget.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je suis un rural ; je m’en tiendrai donc aux espaces ruraux. Il faut d’autant plus mettre le paquet sur la rénovation énergétique qu’elle est aussi un accélérateur économique important pour ces territoires. Or les objectifs en la matière ne seront peut-être pas atteints, pour diverses raisons. La crise sanitaire, sans aucun doute, a des conséquences sur cette affaire-là.

S’agissant des zones de revitalisation rurale, on entend dire depuis quelques jours qu’elles seront prolongées pour deux ans. Il importe que ce dispositif ne soit pas remis en cause au 1er janvier prochain. Il faut mettre à profit ces deux ans pour réfléchir au projet des territoires ruraux. En matière de rénovation énergétique des logements, par exemple, il faut se pencher sur le problème des logements vacants dans les centres bourgs et les villages, qui sont souvent des verrues et dégradent l’image de ces territoires. Il faut repenser cette politique pour leur redonner vie.

Il faut également repenser la lutte contre l’artificialisation des sols. Dire depuis Paris qu’il faut cesser de consommer des sols au motif que l’équivalent d’un département disparaît tous les sept ans, c’est bien beau, mais, depuis le temps que j’entends dire cela, je ne m’explique pas qu’il reste encore des départements ! Il faut faire de ces sujets des priorités et anticiper les questions qui se posent. La cohésion des territoires consiste aussi à réfléchir à ces projets.

M. Mohamed Laqhila, rapporteur spécial. Le programme maisons France Service a été annoncé par le Président de la République le 25 avril 2019. Leur déploiement a commencé ; 600 maisons de services au public (MSAP), dont près de 200 sont des créations, ont été labellisées. L’idée est de faire en sorte que, d’ici à la fin du quinquennat, chaque usager vive à moins de trente minutes d’une maison France Service. On y trouve des partenaires offrant le socle de services communs, tels que la caisse d’allocation familiale (CAF), Pôle emploi, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), les organismes de délivrance de titres administratifs et de déclarations fiscales, La Poste et, depuis cette année, les caisses de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO.

Les cités éducatives s’inscrivent dans le cadre du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), que nous avons doté de 10 milliards d’euros il y a deux ans, pour financer 480 projets. Quatre-vingts territoires sont éligibles aux cités éducatives ; pour l’heure, nous ne disposons pas d’indicateurs de performance en la matière. Nous aimerions en disposer pour 2021, afin de vérifier si les dispositifs sont performants.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. J’admets que l’élargissement de MaPrimeRénov’ aux déciles 9 et 10 risque de les inciter à venir y puiser. L’obligation de bonus énergétique global devrait toutefois les retenir un peu. Il incombera au conseil d’administration de l’ANAH de fixer les règles en la matière. Des réunions régulières sont prévues ; la lettre de mission de son président, qui vient d’être élu, prévoit qu’il le fasse. La vigilance s’impose, et il est normal que l’on appelle mon attention à ce sujet.

J’ignore sur quels chiffres se fonde notre collègue Bricout pour affirmer que les sommes consacrées aux propriétaires de logements n’ont pas augmenté depuis 2017 ; s’il veut bien m’indiquer ses sources, je suis preneur ! D’après mes chiffres, les montants concernés ont globalement augmenté de 29 % depuis 2015. À lui de me convaincre d’ici à l’examen de ce budget en séance publique !

Estimer que le Gouvernement doit revoir sa copie et qu’il faut faire plus, c’est une conclusion classique quand on est dans l’opposition, quelle que soit la majorité. Faisait-on mieux avant ? Je n’en suis pas certain. On peut tout de même saluer quelques efforts, notamment les actions en faveur de MaPrimeRénov’ et du programme Action cœur de ville, grâce auquel une dizaine de projets commencent à sortir de terre.

M. Thibault Bazin. La belle affaire !

M. François Jolivet, rapporteur spécial. Si les collectivités territoriales acceptaient le risque de prendre en charge les commerces de pied d’immeubles, il y en aurait bien davantage. Au demeurant, la Caisse des dépôts et consignations réfléchit, avec les collectivités territoriales, à la création de sociétés d’économie mixte (SEM) pour ce faire. Nous apprenons en marchant, si j’ose dire.

S’agissant du niveau de production de logements sociaux, je partage votre inquiétude. L’année 2017 a été exceptionnelle ; les années 2018 et 2019 se situent dans une épure normale d’environ 100 000 agréments délivrés aux organismes HLM. Je crains que la promotion privée ne pâtisse de la perte de confiance provoquée par la crise du Covid-19, dont chacun sait qu’elle fait hésiter les investisseurs. Certaines opérations ne démarreront sans doute pas, et une pénurie de foncier est à craindre faute d’opérations en stock.

Je rappelle à notre collègue Dufrègne la cohérence de ce budget, qu’a évoquée Jean-Paul Mattei. Je ne suis néanmoins pas loin d’être d’accord lui, ce qui pourrait surprendre dans cette assemblée, s’agissant des zones rurales. Elles ont deux enjeux à disputer, que le Gouvernement prend en considération, quoi que certains en disent. D’abord, l’amélioration de l’état des logements, afin qu’ils soient mieux chauffés et consomment moins d’énergie. Les politiques publiques ont certes un peu oublié la ruralité, mais la massification des aides, dans le cadre de MaPrimeRénov’, permettra aux acteurs de la ruralité de mieux se saisir des aides disponibles. Ensuite, si l’habitat n’est pas connecté au monde, les aides ne servent à rien. Tel est l’objet du plan France Très Haut Débit. Les 500 millions d’euros qui lui sont consacrés dans le plan de relance et les efforts consentis dans des départements que nous connaissons bien, notamment en matière de fibrage à la porte, amélioreront sans doute l’attractivité de ces territoires. Telle est la cohérence de ce budget, qui porte sur les logements ainsi que sur les charges afférentes et sur ce qu’il y a autour. Seuls manquent les habitants. Dans le malheur du Covid-19, peut-être en trouverons-nous !

La commission adopte les crédits de la mission Cohésion des territoires, modifiés.


Article additionnel après l’article 54

La commission examine les amendements identiques II-CF958 de M. Stéphane Peu et II-CF1187 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Paul Dufrègne. Il s’agit de recentrer le champ d’application de la RLS sur les seuls locataires bénéficiaires de l’APL.

M. Jean-Louis Bricout. Dans l’état actuel des choses, l’application de la RLS aux locataires qui ne sont pas éligibles à l’APL n’a aucun effet sur la réduction de la dépense publique.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. Si j’écoutais ma conscience et mon expérience de propriétaire bailleur de HLM, je considérerais que la RLS est une ponction sur les ressources des organismes HLM, et j’émettrais un avis favorable à l’amendement. Si j’ôte ma casquette de propriétaire bailleur pour celle de député, je m’interroge sur la constitutionnalité de la mesure proposée. La RLS est bien présentée dans la loi comme une réduction de loyer sans rapport avec le versement des aides au logement. Elle n’est pas d’abord une diminution de l’aide au logement. Je ne saurais donner un avis favorable à des amendements dont les dispositions présentent un risque d’inconstitutionnalité.

La commission rejette les amendements identiques II-CF958 et II-CF1187.

Elle examine ensuite les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation (M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur spécial).

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur spécial. La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation finance les actions de reconnaissance en faveur du monde combattant, les politiques de renforcement du lien entre l’armée et la nation ainsi que l’indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie commis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Je salue certaines avancées au regard de la jeunesse. La hausse de la cible d’incorporation du service militaire volontaire est satisfaisante. Les crédits dévolus à la politique de la mémoire augmentent nettement. Cette hausse bénéficie principalement à la rénovation et à l’aménagement des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale en France, en Algérie et au Maroc, tels que le camp de concentration du Struthof. Je ne peux que me féliciter de cet effort significatif, qui permettra de conserver ces lieux de transmission dans un état convenable.

Cette année encore, les crédits de la mission sont en diminution. Ils sont inférieurs de 3 % aux crédits adoptés l’an dernier, et s’élèvent à un peu moins de 2,1 milliards d’euros. Cette chute est pour partie la conséquence de la diminution du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant et de la pension militaire d’invalidité. Toutefois, les économies ainsi réalisées auraient dû servir, au moins pour partie, à renforcer les actions en faveur du monde combattant. Je déplore que tel ne soit manifestement pas le cas.

La déception est d’autant plus forte que le monde combattant, en 2020, a été durement éprouvé par la crise sanitaire. Ceux qui le font vivre sont souvent des gens ayant atteint un certain âge, et l’annulation prolongée des commémorations traditionnelles, hormis au format numérique ou en groupes restreints, a mis un coup d’arrêt brutal au travail de transmission mené par les anciens combattants, tout en faisant disparaître des moments essentiels de la vie sociale, au cours desquels ils aiment se retrouver.

En 2021 plus encore qu’auparavant, les attentes des anciens combattants et de leurs familles sont donc fortes et légitimes. Or la seule mesure de revalorisation prévue cette année consiste en l’abaissement du seuil d’invalidité nécessaire à l’obtention de la majoration de la pension de réversion du conjoint survivant d’un grand invalide, laquelle, si importante soit-elle, ne devrait pas concerner plus de 197 personnes. Son coût est probablement surévalué, car il est calculé à partir de l’hypothèse qu’à tout grand invalide survit un conjoint ; il ne dépassera pas un million d’euros. Cette mesure était attendue ; toutefois, elle manque d’ambition. Je défendrai donc un amendement d’appel visant à augmenter le nombre de ses bénéficiaires.

Cette amélioration ne suffit pas à masquer la faiblesse des engagements de ce budget, notamment en matière de retraite du combattant. Les crédits dédiés à cette seule action baissent de 15,5 millions d’euros. Il n’est pas compréhensible que la faible somme perçue chaque année par un ancien combattant continue de plafonner. Je défendrai donc un amendement visant à l’augmenter d’un point d’indice, pour un coût inférieur de 6 millions d’euros aux économies réalisées sur cette action.

Enfin, si les crédits accordés à l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG) sont en augmentation, ce n’est qu’en apparence, car un prélèvement important a été effectué sur leurs ressources en 2020. En outre, la trésorerie de l’ONACVG participera l’an prochain, à hauteur de plus de 2 millions d’euros, aux actions en faveur des harkis et des rapatriés. Certes, ses réserves financières le lui permettent, mais sa mise à contribution ne pourra pas se poursuivre éternellement. Certes, l’ONACVG se réorganise pour s’adapter à la baisse du nombre de ses ressortissants, mais il doit conserver un maillage territorial satisfaisant et une présence suffisante dans ses antennes départementales. Ses missions demeurent essentielles, notamment l’accompagnement des pupilles de la nation, dont le nombre augmente malheureusement en raison des attentats terroristes qui frappent la République depuis plusieurs années. La baisse réelle du budget de l’ONACVG ne pourra pas se poursuivre indéfiniment sans avoir des effets délétères sur sa proximité avec ses ressortissants.

Pour ces raisons, j’émets de sérieuses réserves sur l’adoption du peu ambitieux budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation du projet de loi de finances pour 2021.

M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Avec Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées Florence Parly, la majorité poursuit, depuis 2017, une politique constante et ambitieuse de maintien et d’extension des droits en faveur des ressortissants du monde combattant. Je citerai l’harmonisation de l’octroi des pensions de réversion au conjoint survivant d’avant et après 1962 votée en 2018, l’extension du bénéfice de la carte du combattant aux anciens militaires pouvant justifier de quatre mois de présence en Afrique du Nord du 2 juillet 1962 au 1er juillet 1964, soit 50 000 bénéficiaires, la hausse de la pension de celles qui ont renoncé en grande partie à leur carrière professionnelle pour prendre soin de leur conjoint lourdement blessé, les veuves de grands invalides de guerre. Cette année, parmi les grandes mesures qui sont prises, je note d’abord la convocation de la convention tripartite réunissant État, Parlement et associations, demandée par toutes les associations depuis le début pour revaloriser le point de pension militaire d’invalidité (PMI).

D’ores et déjà, le rapporteur spécial a fait état d’une mesure, figurant à l’article 54 du projet de loi de finances, qui prévoit l’augmentation du nombre de conjoints survivants des grands invalides de guerre pouvant bénéficier d’une majoration de pension de réversion avec la diminution du seuil d’entrée de 10 000 à 6 000 points.

Nous avons, au titre de l’action sociale de l’ONACVG, une dotation de 25 millions d’euros malgré la diminution du nombre de ressortissants, et toujours une enveloppe de 7 millions d’euros pour les harkis et leurs descendants. S’agissant de cette enveloppe de 25 millions, je rappelle à notre cher collègue et très estimé rapporteur spécial que nous avons adopté cette année un contrat d’objectifs et de performance qui fixe à cinq ans le financement de l’ONACVG. Il n’y aura donc pas de baisse, mais une constance, avec notamment 56 millions d’euros de subventions pour charges de service public.

Enfin, les crédits destinés à la politique de mémoire connaissent une belle progression. Et je précise que toutes les nécropoles et tous les cimetières sont entretenus sans aucun pesticide depuis des années. Nous sommes donc de bons élèves en matière environnementale.

Article 33 et état B : Crédits du budget général

La commission est saisie de l’amendement II-CF1233 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur spécial. La retraite du combattant stagne depuis longtemps. Nous souhaitons lui donner un petit coup de pouce pour envoyer un message aux anciens combattants. Ce sujet revient régulièrement, et on nous répond toujours qu’on y travaille et qu’on va sans doute « atterrir ». Parfois l’atterrissage est brutal, mais là il traîne en longueur.

L’amendement propose 1 point de revalorisation de la retraite du combattant, ce qui aurait une incidence financière de 9,2 millions d’euros environ. Le budget consacré à la retraite des anciens combattants baisse naturellement – de 15 millions d’euros entre 2020 et 2021. Il suffirait de reprendre 9,2 millions sur ces 15 millions, simplement pour envoyer un signe – car ce n’est pas cela qui va permettre de remédier à la faiblesse de cette indemnité. Il n’empêche que la plupart des anciens combattants ont de petits revenus et que 15 euros, cela compte.

M. Julien Aubert. Malheureusement, on ne revalorise les pensions des anciens combattants de manière importante que pendant les années électorales. En 2017, la majorité s’était subitement réveillée et avait majoré la retraite de 4 points. En dehors des grands cycles électoraux, on fait face à des difficultés budgétaires…

On parle ici de sommes peu importantes – la retraite du combattant est à 763,36 euros au 1er janvier, et le montant budgétaire global est faible. Les Républicains adoreraient être invités aux réunions où l’on débat de l’évolution du point. Cela permettrait peut-être de plaider pour de fortes revalorisations. Pour notre part, nous sommes favorables à une revalorisation de 2 points d’indice ; c’est ce que notre groupe demandera en séance.

Entre 2007 et 2012, la majorité avait augmenté de 30 % la retraite du combattant malgré les difficultés budgétaires de l’époque. Qu’on ne me dise pas, alors que la France s’endette de 260 milliards d’euros et présente un plan de relance de 100 milliards d’euros, qu’on est incapable de financer une mesure de quelques dizaines de millions d’euros. Soyons respectueux de ceux qui ont combattu pour la France !

M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis. Je suis entièrement d’accord sur le fond avec le rapporteur spécial et M. Aubert. L’année dernière, je m’étais opposé au rapporteur spécial qui avait fait une grande avancée en obtenant l’octroi d’une demi-part fiscale pour les veuves d’anciens combattants, quand j’aurais, pour ma part, préféré consacrer la somme concernée à une revalorisation des retraites.

Sur la forme, en proposant cette revalorisation des retraites par une ponction sur le programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale, vous l’amputez de 10 %, ce qui l’empêcherait de conduire cette mission. J’émets donc un avis défavorable de pure forme.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur spécial. Vous êtes favorable à cet amendement, mais la contrepartie ne vous agrée pas. Nous pouvons modifier cette contrepartie, et la rechercher dans les crédits consacrés aux liens entre la nation et son armée, sachant qu’on risque malheureusement d’avoir peut-être un décalage à ce niveau-là. L’autre solution serait que le Gouvernement accepte de lever le gage, donc d’avoir un crédit supplémentaire.

Mme Cendra Motin, présidente. C’est plutôt en séance que cette discussion pourra avoir lieu.

La commission rejette l’amendement II-CF1233.

Elle examine l’amendement II-CF15 de M. Fabrice Brun.

M. Julien Aubert. Cet amendement prévoit un transfert vers l’action 01 Administration de la dette viagère du programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant. Il a pour objectif de redéfinir la pension de base des conjoints survivants des grands invalides de guerre dont le niveau d’invalidité était supérieur ou égal à 100 % à la date du décès. Le coût de sa mise en œuvre est limité à 1,2 million d’euros en année pleine si on s’appuie sur la base des statistiques nationales.

Il me semble que cet amendement permettrait de faire évoluer la situation, sans que cela représente un coût budgétaire démentiel.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur spécial. Cette mesure d’extension de la majoration de la pension de réversion inscrite au projet de loi de finances pour 2021 ne concernera, comme je le disais dans mon propos liminaire, que 197 conjoints survivants au maximum, à comparer aux 4 017 pensions militaires d’invalidité versées au 31 décembre 2019 dont l’indice est supérieur à 100 %. L’immense majorité des veuves, qui connaissent des difficultés financières du fait de l’écart souvent conséquent entre le montant de leur pension de réversion et la pension militaire d’invalidité que percevait leur époux, ne verront pas leur situation s’améliorer alors même que les crédits dédiés à la PMI baissent de 61 millions d’euros.

Avis favorable.

Mme Sereine Mauborgne. Dans l’exposé sommaire de l’amendement, vous expliquez que la pension de base des veuves n’a pas augmenté depuis 1928, mais la pension du conjoint survivant dépend du montant de la pension du conjoint militaire.

Dans le prolongement de la nouvelle mesure introduite dans le PLF pour 2020 sur la majoration de la pension de réversion des conjoints survivants des grands invalides de guerre (GIG) lorsqu’ils ont apporté des soins à leur conjoint survivant durant au moins quinze ans, la ministre déléguée propose, à l’article 54 du projet de loi de finances pour 2021, une nouvelle mesure qui permettra d’élargir le nombre de conjoints survivants de GIG bénéficiant d’une pension de réversion majorée, dès lors que le conjoint décédé avait bénéficié d’une pension militaire d’invalidité de 6 000 points, contre 10 000 points aujourd’hui. Cette mesure concernera environ 200 familles pour un coût estimé d’un million d’euros.

M. Julien Aubert. La mesure que propose la ministre est un peu moins généreuse que la nôtre : un million d’euros pour elle, contre 1,2 million pour nous. Qui plus est, elle s’accompagne de conditions et de « si ». Pour des raisons de simplicité et de lisibilité, mieux vaudrait que ces mesures bénéficient à toutes les veuves, ce qui éviterait également des effets de seuil, entre ceux qui seraient juste en dessous des 6 000 points et ceux qui auraient prodigué des soins pendant quatorze ans et pas quinze.

La commission rejette l’amendement II-CF15.

Elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF758 de M. David Habib, II-CF1199 de M. Julien Aubert, II-CF14 de M. Fabrice Brun et II-CF744 de M. David Habib.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement II-CF758 vise à augmenter les crédits de l’action 07 Actions en faveur des rapatriés qui comprend l’allocation de reconnaissance de la nation en faveur des Français rapatriés et harkis, ainsi que divers soutiens au conjoint survivant. Les prestations en faveur des rapatriés ainsi que le dispositif de solidarité destiné aux enfants de harkis seront dotés dans votre budget de 5,9 millions d’euros et complétés par des ressources propres, pour une dépense totale estimée à 8 millions d’euros, soit un appel à la trésorerie d’un montant de 2,1 millions d’euros. Cet amendement permet de satisfaire cette demande.

M. Julien Aubert. C’est l’ONACVG qui va financer des actions en faveur des harkis et leurs familles à hauteur de 2,1 millions d’euros. J’ai entendu le rapporteur pour avis de la commission de la défense expliquer qu’il y avait un contrat d’objectifs et de moyens avec l’ONACVG. Or je considère que ce n’est pas à l’Office, mais à l’État, de financer cette mesure. Aussi l’amendement II-CF1199 permet-il de soulager la trésorerie de l’ONACVG. Bien sûr, nous avons prévu un gage, mais il ne tient qu’au ministre de le lever.

J’ajoute que nous nous honorerions à augmenter très fortement les crédits en faveur des harkis et de leurs descendants, les combattants étant en nombre très réduit. Certes, le problème est en train de résoudre, mais de façon très cynique : plus on attend, plus le nombre d’allocataires diminue d’année en année. C’est scandaleux du point de vue de la responsabilité de la France à l’égard de ses combattants.

Nous savons que le budget des anciens combattants baisse d’année en année du fait de l’attrition. Il suffirait de le maintenir d’une année sur l’autre et de considérer que tout le solde soit reversé automatiquement à des actions en faveur des harkis, et naturellement, sans même faire d’économies, nous parviendrions à financer des plans beaucoup plus importants en direction de la deuxième génération, qui a souvent des problèmes de logement, et de la troisième génération qui a parfois des problèmes d’insertion.

Bien évidemment, il ne faut pas le faire pour toutes les générations, mais il faut prendre le taureau par les cornes et mener une réflexion approfondie. On parle de responsabilité, de droits, mais je pense que les harkis et leurs descendants attendent surtout des actes, des mesures concrètes. La disposition que je propose, qui est limitée, permettrait d’aller dans ce sens.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur spécial. Vous dites, à juste titre, qu’il convient d’accompagner également les générations actuelles. De ce point de vue, un effort est déjà fait, qui pourrait être amplifié. Aujourd’hui, on ne pourrait pas concentrer la baisse globale du budget sur une seule action, puisqu’il baisse au total de 70 millions d’euros.

Les amendements qui viennent d’être défendus contestent le principe d’aller chercher une partie des moyens sur la trésorerie de l’ONACVG pour financer ces actions. Cette façon de procéder ne nous semble pas sincère et brouille la lisibilité de l’action menée en faveur des harkis et rapatriés. Certes, la trésorerie est saine, selon la directrice de l’ONACVG, mais on ne peut pas projeter le financement d’actions dans le temps en allant chercher de l’argent sur la trésorerie de l’ONACVG.

Avis favorable aux amendements II-CF758 et II-CF1199.

Mme Sereine Mauborgne. Je suis tout à fait d’accord avec M. Aubert quant aux problèmes de logement, de santé, d’insertion que rencontrent les harkis de deuxième et troisième générations. Pour avoir travaillé sur l’ensemble de l’arc méditerranéen avec Mme la ministre, l’ensemble des ONACVG et certains collègues de la commission de la défense, nous avons constaté que la principale difficulté du plan harkis n’est pas de financement. Déjà, l’État finance 24 millions et l’ONACVG seulement 2 millions sur sa trésorerie ; il reste donc très engagé sur cette question. Le problème est plutôt de « vendre » correctement ce dispositif aux familles. Plutôt que de proposer une augmentation des autorisations d’engagement, mieux vaudrait pousser à l’utilisation des crédits de paiement, et donc inciter les associations à promouvoir ce dispositif très intéressant qui peut permettre des réalisations vraiment constructives. Il n’y a pas de problème de financement, juste un problème de promotion du dispositif.

Mme Cendra Motin, présidente. Monsieur le rapporteur spécial, pouvez-vous préciser votre avis sur l’amendement II-CF744 ?

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur spécial. Je suis défavorable aux amendements II-CF14 et II-CF744 qui proposent d’abonder la trésorerie de l’ONACVG à hauteur d’un million d’euros, car sa trésorerie est saine.

La commission rejette successivement les amendements II-CF758, II-CF1199, IICF14 et II-CF744.

Elle examine les amendements identiques II-CF1201 de M. Julien Aubert et
II-CF1236 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Julien Aubert. Je reviens un instant sur les problèmes d’accession au logement des harkis et de rachat de biens, souvent très vieillots. Effectivement, il y a de l’argent, mais on n’est pas certain que les règles permettent d’aider directement des familles à accéder à la propriété.

L’amendement II-CF1201 concerne les membres rapatriés des forces supplétives de statut civil de droit commun. La législation française distingue les supplétifs de statut civil de droit local, les arabo-berbères, et ceux de droit commun, c’est-à-dire de souche européenne. Le législateur avait instauré un régime particulier d’indemnisation pour les anciens membres des formations supplétives de l’armée française. Tous les supplétifs qui avaient formulé une demande ou un renouvellement de demande étaient éligibles à l’allocation qui avait été décidée.

Ensuite, l’administration ne s’est pas très bien comportée, préférant garder le silence face à des demandes déposées sur la période, ce qui a entraîné des refus implicites. Puis le législateur a voté une loi qui venait restreindre les critères d’éligibilité, qui a été censurée par le Conseil constitutionnel. Celui-ci a donc reconnu que tous les supplétifs et notamment les supplétifs de statut civil de droit commun étaient éligibles à cette allocation.

Il serait donc juste, et c’est l’objet de cet amendement, que les supplétifs de statut civil de droit commun, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas arabo-berbères, puissent bénéficier d’une aide d’un montant de 4 150 euros pour solde de tout compte, afin de réparer autant que faire se peut le comportement injuste de l’administration à leur égard au cours de la période allant de 2011 à 2013, c’est-à-dire entre le vote de la première et de la seconde loi.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur spécial. Je complète l’argumentation de M. Aubert en rappelant la position que le Défenseur des droits a indiqué avoir adoptée au délégué national de la Fédération nationale des rapatriés qui l’avait interpellé.

Le Défenseur des droits a rappelé à la secrétaire d’État les propos qu’elle avait tenus lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, selon lesquels le ministère des armées avait identifié vingt-six anciens supplétifs d’état civil de droit commun qui avaient déposé une demande d’allocation de reconnaissance entre les dates mentionnées à l’instant, satisfaisant par ailleurs aux conditions d’attribution de l’allocation de reconnaissance et n’étant pas engagés dans un contentieux.

Lors de cette même discussion, le 18 décembre 2018, l’Assemblée nationale a adopté un amendement abondant les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation à hauteur de 106 834 euros, correspondant au montant annuel de l’allocation de reconnaissance qui pourrait être servie à ces vingt-six anciens supplétifs d’état civil de droit commun. Le Sénat n’avait pas apporté de modification au texte. Cette indemnisation, qui avait été revendiquée à titre de solde de tout compte, n’a pas été accordée et versée à ce jour. Le Défenseur des droits ajoutait ceci : « en conséquence, nous avons demandé que soit régularisée la situation de ces vingt-six personnes. »

On doit donc trouver une réponse à une situation qui n’est pas réglée. D’où ces amendements identiques.

M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis. Sans rien retirer à ce que l’un et l’autre venez de dire, l’ONAC s’est saisi de ces vingt-six dossiers et les a instruits. Il n’en restait plus que huit. À cette date, il en reste quatre. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement estimait qu’il n’était pas nécessaire de passer par la loi puisque l’ONACVG doit examiner chaque cas, comme le Défenseur des droits le demandait.

Mme Sereine Mauborgne. Un rapport sur le sujet a été remis au rapporteur général du budget. Sur les vingt-quatre personnes contactées, quatre sont décédées, seize n’ont pas souhaité donner suite à cette proposition, quatre ont effectué une demande de recours et ont déjà reçu de nouveaux secours sociaux au titre d’ancien combattant pour un montant compris entre 800 et 3 000 euros. Pour l’essentiel, la situation sociale des personnes contactées n’amenait pas de demande particulière en matière d’aide octroyée par l’ONACVG.

M. Julien Aubert. Tout de même, ce dossier traîne depuis des années. On parle ici de vingt-six personnes et d’une somme de 103 000 euros : combien de fois a-t-on dû s’y reprendre avant de faire bouger l’administration ! C’est sûr, les nonagénaires diront qu’ils ne sont plus demandeurs parce qu’ils sont passés à autre chose. Je suis néanmoins surpris par ce rapport selon lequel les gens ne seraient pas demandeurs parce que nous sommes régulièrement sollicités par une association qui défend leurs droits. Je connais peu de gens qui refusent des allocations, mais je veux bien vous croire sur parole.

Mme Cendra Motin, présidente. Je crois qu’on peut quand même se réjouir que les choses avancent pour ceux qui en ont besoin.

La commission rejette les amendements identiques II-CF1201 et II-CF1236.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur spécial. Au vu du redéploiement très insuffisant des crédits qui s’érodent naturellement, j’émets un avis défavorable sur les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation.

Mme Sereine Mauborgne. Membre de la commission de la défense, je suis heureuse de m’exprimer devant vous aujourd’hui pour témoigner de l’attention toute particulière que nous consacrons au monde combattant et du suivi que nous faisons de ses demandes avec Mme la ministre Geneviève Darrieussecq.

Depuis 2017, chaque année de nouvelles mesures ont été prises pour améliorer le soutien que l’État doit à ceux qui se sont battus sous notre drapeau, et il faut s’en féliciter. Aussi sommes-nous fiers de pouvoir dire qu’en trois ans, d’importantes avancées ont été réalisées en faveur de tous les acteurs liés au monde combattant : une hausse de 2 points de la retraite du combattant, l’attribution de la carte 62-64 qui était attendue depuis 1964, pour les harkis, la revalorisation de l’allocation de reconnaissance et viagère et la mise en place d’un dispositif de solidarité au profit des enfants, le vote l’an dernier de la demi-part fiscale des veuves de plus de 74 ans, et cette année l’extension de la reconnaissance des veuves de grands invalides de guerre.

Avec l’installation, à la fin de l’année – retardée en raison de la crise du covid –, de la commission tripartite qui devra étudier les dernières demandes formulées, il me semble que nous aurons accédé à la majorité des revendications de longue date des associations.

N’oublions pas que cette mission budgétaire est aussi dédiée à la jeunesse et à la mémoire, dont les budgets sont en hausse. Je veux souligner ici que la politique de mémoire, si essentielle, bénéficiera en 2021 d’un soutien renouvelé pour l’entretien des hauts lieux de mémoire et des actions en faveur de la jeunesse.

Chers collègues, je vous invite à voter en faveur des crédits présentés pour cette mission, qui témoignent de l’importance que nous accordons tous au monde combattant.

M. Julien Aubert. Cette année, la logique comptable l’a encore emporté sur la logique combattante. Vous avez oublié qu’investir dans le lien entre la nation et l’armée, c’est aussi investir dans une société sans doute plus apaisée. C’est important dans le contexte actuel.

Contrairement à vous, le groupe Les Républicains ne considère pas qu’une baisse de plus de 3 % du budget en crédits de paiement est synonyme d’une attention particulière portée au monde combattant. À ce rythme, le budget passera sous la barre symbolique des 2 milliards d’euros à la fin du quinquennat, en 2022. Il sera alors difficile d’expliquer que les moyens alloués depuis 2017 démontrent un quelconque attachement au monde combattant…

Nous tenons à dénoncer, une fois de plus, le discours de l’exécutif qui consiste, année après année, à se réjouir du maintien du droit existant. C’est parfaitement normal ! Il eût été préférable de voter les différents amendements que nous avons proposés concernant les harkis ou la revalorisation de la retraite du combattant.

Vous vous êtes réjouis de l’attribution de la carte du combattant aux militaires déployés en Algérie entre le 3 juillet 1962 et 1964, en oubliant qu’au nom de considérations politiques, le Gouvernement avait rejeté en séance une proposition similaire des Républicains, portée par Gilles Lurton.

Enfin, cette année, le 11 novembre se déroulera dans un contexte sanitaire très particulier, ce qui mettra sans doute en difficulté le monde combattant et fragilisera son action sociale – la vente de l’œillet sera compliquée. Pour toutes ces raisons, nous considérons que le budget 2021 n’est pas à la hauteur et nous ne voterons pas les crédits de la mission.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation sont en augmentation de 15 %. Cette hausse touche principalement les crédits de la Journée défense et citoyenneté et ceux alloués à l’augmentation de nos capacités d’accueil au sein du service militaire volontaire.

La subvention de l’ONACVG est en augmentation et ses crédits sont pérennisés dans un plan quinquennal. Enfin, revendication unanime des douze grandes associations et fédérations mémorielles, dites G12, la convocation de la commission tripartite chargée de décider de la revalorisation du point d’indice PMI est à l’ordre du jour, après avoir été décalée à cause de la crise sanitaire.

C’est pourquoi les crédits de la mission ont été adoptés en commission de la défense, sans aucune voix contre cette année encore. J’invite chacun de nos collègues à suivre l’avis de la commission de la défense et à voter ces crédits.

M. Jean-Louis Bricout. Le budget de la mission subit une érosion de 2,8 % en autorisations d’engagement et de 3,25 % en crédits de paiement, essentiellement due à la baisse des crédits relatifs à l’administration de la dette viagère, liée à la décroissance du nombre de bénéficiaires. Pour autant, comme l’indiquait Julien Aubert, il est dommage que la logique comptable l’emporte sur la logique combattante.

Néanmoins, certaines évolutions, plus favorables, sont à noter : l’augmentation de 11 millions d’euros des crédits liés au lien armée-nation et à la politique mémorielle, afin de financer les commémorations liées au cent cinquantième anniversaire de la guerre de 1870, celles du quatre-vingtième anniversaire de la seconde guerre mondiale et celles du trentième anniversaire de la guerre du Golfe. Ces hausses concernent également les programmes à destination de la jeunesse, comme la Journée défense et citoyenneté et le service militaire volontaire.

Nos propositions visaient également à accroître plus substantiellement les crédits en faveur des harkis et de leurs familles au titre de la solidarité nationale et de la reconnaissance des services rendus à la France – nous avons eu un débat à propos de la participation aux crédits de l’ONACVG.

Le groupe Socialistes et apparentés défend également une mesure visant à réparer une injustice concernant la revalorisation des PMI et espère des avancées.

En conclusion, malgré quelques évolutions favorables, ce budget reste largement perfectible et n’est pas encore à la hauteur des enjeux du monde combattant. C’est la raison pour laquelle notre groupe s’abstiendra.

M. Vincent Ledoux. Le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation est très significatif et plus que symbolique dans le contexte actuel de prise de distance par rapport à notre mémoire et à l’unité nationale. Or le ciment de la nation et le respect de la mémoire sont fondamentaux. C’est pourquoi nous voterons les crédits de la mission.

Le rapporteur spécial souligne la baisse d’environ 3 % des crédits. Elle s’explique par la contraction du nombre de bénéficiaires des pensions d’invalidité et de retraite du combattant.

Nous nous réjouissons cependant de l’entrée en vigueur dès le 1er janvier 2021 de la disposition que nous avions adoptée en loi de finances pour 2020, à son initiative, qui permet aux veuves d’anciens combattants de 74 ans et plus de bénéficier d’une demi-part fiscale dès lors que leur conjoint a bénéficié de la retraite du combattant. C’est un beau progrès. La mesure de bon sens que nous venons d’adopter dans le projet de loi de finances pour 2021 complète le dispositif en l’ouvrant aux veufs.

Je conclurai en citant le philosophe Jean Guitton : « la mémoire la plus profonde est une mémoire de toute notre destinée ».

Mme Sabine Rubin. « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante » : malgré sa formulation datée et genrée, La France insoumise fait sienne cette formule inscrite au frontispice de notre Panthéon national. S’il est une catégorie d’hommes et de femmes, souvent dans l’ombre, à laquelle la nation doit reconnaissance et hommage, ce sont bien nos anciens combattants. Je sais que vous partagez ce point de vue.

Reste qu’il faut revaloriser la pension militaire d’invalidité, car nos anciens combattants ne vivent pas seulement de reconnaissance. Il faut également octroyer des pensions suffisantes à ceux qui ont payé de leur personne le service rendu à la nation. Alors qu’une commission tripartite doit bientôt voir le jour pour examiner la revalorisation de la PMI, un rapport préalable permettant d’analyser les conditions de cette revalorisation en fonction de l’inflation, mais aussi sa nécessaire majoration, serait bienvenu.

Il ne faut pas non plus oublier les veufs et les veuves. Bien souvent, ce sont des veuves qui vivotent dans une pénible misère matérielle. Il faut absolument ouvrir la demi-part fiscale à celles dont le mari est mort avant 65 ans après une vie d’engagement. Il faut qu’elles soient elles aussi soutenues et secourues par la communauté nationale.

Malgré la farandole de chiffres liée à l’examen du budget, la baisse des crédits de la mission pour 2021 s’explique d’abord et avant tout par la réduction tendancielle et prévisible des ayants droit. Outre son caractère juste et légitime, l’exigence – le devoir – de reconnaissance pour lequel nous plaidons, ne s’accompagnerait donc pas d’un effort budgétaire indécent. Ce qui serait indécent, ce serait que la République n’accorde pas cette reconnaissance à ceux qui la défendent ou qui, en d’autres temps, ont été appelés sous les drapeaux et ont servi leur pays malgré les errements de leurs décideurs politiques et les motifs parfois fallacieux des conflits ayant émaillé notre histoire.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur spécial. Il manque peu pour envoyer un signal positif ! Vous assistez, comme moi, aux assemblées générales le dimanche matin : la hausse de la cotisation annuelle, de 8 à 9 euros, n’est pas toujours évidente à digérer. Prenez-en conscience, afin que les anciens combattants aient un regard positif sur l’action du Gouvernement.

S’agissant des veuves, effectivement, nous avons validé une demi-part fiscale l’an dernier, et l’avons étendue cette année à tous les « conjoints survivants » – et pas seulement aux veufs, car nous ne couvririons alors pas tous les cas de figure.

Cette année, je n’ai pu évaluer les conséquences financières du cas, évoqué par Mme Rubin, des veuves dont le mari est décédé avant d’avoir 65 ans – et donc avant d’avoir droit à la retraite du combattant, alors qu’il a malgré tout la carte du combattant –, et qui ne peuvent bénéficier de la demi-part fiscale supplémentaire lorsqu’elles atteignent 74 ans. Il faudra que nous analysions cette faille pour le projet de loi de finances pour 2022, d’autant que l’incidence financière de son comblement ne devrait pas être extrêmement importante.

La commission adopte les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, sans modification.

Article 54 : Revalorisation du seuil à partir duquel est ouvert l’octroi d’une allocation pour conjoints survivants de très grands invalides

La commission est saisie de l’amendement II-CF1235 M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur spécial. Il s’agit d’une demande de rapport d’évaluation du dispositif de diminution du nombre de points – de 10 000 à 6 000 – pour obtenir l’indemnité de 360 points. La cible semble mal cernée. Nous demandons donc un rapport pour y voir plus clair.

M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis. La question sera abordée dans le cadre de la commission tripartite précitée, à laquelle le Parlement va être associé dans sa diversité politique.

La commission rejette l’amendement II-CF1235.

Elle adopte l’article 54 sans modification.

Après l’article 54

La commission examine, en discussion commune, les amendements II-CF756 de M. David Habib et II-CF1148 de M. Alexis Corbière.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit d’une demande de rapport d’évaluation de la revalorisation du point PMI. J’ai entendu que la commission tripartite État-Parlement-associations se pencherait dessus, mais il s’agit d’évaluer les précédentes revalorisations pour éclairer ses travaux. On se rend compte que ces dernières n’ont pas réussi à effacer les pertes de pouvoir d’achat et que l’indexation a conduit à une progression du point d’indice moins rapide que l’inflation.

Mme Sabine Rubin. Ma demande est similaire. Depuis 2005, les revalorisations des pensions militaires d’invalidité sont peu significatives. Leur mode de calcul étant basé sur l’indice d’ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l’État, la progression du point d’indice n’a pas suivi l’évolution des prix à la consommation. La dernière revalorisation, du 1er août dernier, était de 12 centimes d’euros ! Alors que l’inflation atteint 31 % depuis la mise en place de l’euro en 2001, le point d’indice des pensions militaires d’invalidité n’a augmenté que de 12,66 %, soit plus de deux fois moins. Il s’agit d’une double peine pour nos anciens combattants : une perte conséquente de pouvoir d’achat et une blessure symbolique, liée à cette reconnaissance lacunaire. Du fait du dévouement dont ils ont fait preuve et pour le service rendu à la patrie, nos anciens combattants méritent une considération à la hauteur de leurs actes et ont droit à une réparation.

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur spécial. Avis favorable. Mon rapport fait état de la baisse de 61 millions d’euros des crédits consacrés à la PMI, alors que les mesures de revalorisation successives, limitées en ampleur, ont toujours eu un effet inférieur à celui de l’inflation. Je ne doute pas que la majorité donnera également un avis favorable à ce dernier amendement !

M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis. Ce sera l’objet des discussions de la commission tripartite, qui va apporter des réponses. Nos associations tiennent beaucoup à développer leurs arguments ; j’espère qu’on leur en laissera la primeur.

Mme Sabine Rubin. Si je comprends bien, vous laissez donc à la commission tripartite le soin de demander un rapport ?

M. Jean-Paul Dufrègne, rapporteur spécial. Bien sûr, il faut que la commission tripartite puisse travailler et il faut la consulter avant de prendre des décisions. Mais je vous prends au mot : ne venez pas nous dire, l’année prochaine, qu’elle n’a pas terminé !

La commission rejette successivement les amendements II-CF756 et II-CF1148.

La commission aborde l’examen des crédits de la mission Travail et emploi (Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale).

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale. Face à la crise sanitaire, économique et sociale, le Gouvernement, loin de tout dogmatisme budgétaire, a fait le choix courageux de mobiliser tous les moyens pour maintenir le cap et continuer de faire de l’emploi, en particulier celui des plus vulnérables, la priorité d’entre toutes les priorités. Je suis fière d’appartenir à une majorité qui ne mégote pas sur les moyens quand il s’agit de l’essentiel.

D’un montant de 13,22 milliards d’euros en crédits de paiement, le budget de la mission Travail et emploi progresse d’environ 400 millions d’euros, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, soit une hausse de plus de 3 %. La palette des outils est large, le soutien budgétaire massif. Ce budget socle est complété par un effort sans précédent d’environ 13 milliards d’euros dans le cadre de la mission Plan de relance.

Je salue plus particulièrement l’effort substantiel en faveur de l’insertion par l’activité économique, dont le montant global atteint 1 149,5 millions d’euros, en hausse de 141 millions d’euros, auquel s’ajoute un financement de 62 millions d’euros dans le cadre de la mission Plan de relance, qui permettra notamment l’accompagnement à la création d’entreprise de 15 000 personnes issues du public cible de l’insertion par l’activité économique (IAE).

Dans la continuité des années précédentes, le projet de loi de finances intègre également le financement de 100 000 nouvelles entrées en garantie jeunes – accompagnement intensif proposé en missions locales. S’y ajoute le financement de l’allocation versée à 50 000 jeunes supplémentaires dans le cadre du plan de relance.

L’augmentation du budget des aides au poste pour les entreprises adaptées atteint 4,72 % et un budget de 300 millions d’euros a été déployé au cours de l’été pour soutenir les 5 000 entreprises sociales inclusives et leurs 200 000 salariés.

Hors plan de relance, 3,32 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3,095 milliards d’euros en crédits de paiement sont prévus en 2021 pour le plan d’investissement dans les compétences (PIC), fil rouge de notre mandat financé par la mission. Plus que jamais, dans le contexte actuel, la formation est au cœur de notre stratégie et les budgets sont là : parcours emploi compétences (PEC), budget de Pôle emploi, budget de la mission Travail et emploi ou crédits du plan de relance, ils sont à la hauteur des attentes. C’est également le cas des ETP affectés à Pôle emploi, dont les hommes et les femmes sont la clé de l’accompagnement réussi pour les personnes en situation de chômage.

Aussi satisfaisants que soient les moyens budgétaires annoncés pour 2021, je n’en ai pas moins voulu accorder une attention toute particulière à plusieurs outils et dispositifs en faveur de l’emploi et de la formation professionnelle.

Je propose de soutenir Alliance Villes Emploi, signataire au mois de juillet dernier d’une convention-cadre de partenariat avec Pôle Emploi, ce qui a permis de relancer une dynamique territoriale. De même, je soutiens les écoles de production, en lesquelles nous croyons et dont la précédente ministre du travail avait salué le « rôle essentiel » auprès des jeunes décrocheurs. Avec le Gouvernement, nous proposerons en séance un financement de nature à conforter leurs actions.

J’ai également appelé l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’un report de crédits du programme 111 Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail de 2020 sur 2021, au delà du plafond de 3 % prévu par la loi organique relative aux lois de finances.

Enfin, les tensions sur les ressources humaines de France compétences se confirment. Le Gouvernement a proposé un relèvement du plafond d’emplois de cet opérateur de 4 ETP. C’est un geste que je salue, mais on demande à France compétences de parvenir à l’équilibre budgétaire dans un contexte difficile. C’est pourquoi elle bénéficiera d’un soutien financier exceptionnel de 750 millions d’euros. Outre les moyens financiers, il importe aussi de lui donner les moyens humains de l’exercice de ses missions.

Ces précisions données, et saluant la qualité du budget de la mission Travail et emploi, je vous appelle à adopter ses crédits.

Article 33 et état B : Crédits du budget général

La commission examine, en discussion commune, les amendements II-CF1189 et IICF1182 de M. Boris Vallaud.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement II-CF1189 vise à relever de 357,5 millions d’euros les crédits versés à Pôle emploi au titre de la subvention pour charges de service public, afin que le montant de cette subvention en 2021 efface les baisses subies depuis 2018 : moins 50 millions d’euros en 2018, moins 84,7 millions en 2019, moins 136,8 millions en 2020, ainsi que 380 millions d’euros ponctionnés sur le budget de l’UNEDIC pour le renforcement de l’accompagnement des demandeurs d’emploi et, à nouveau moins 86 millions d’euros en 2021.

Il est temps de mettre un terme à cette spirale alors que notre pays traverse une crise économique et sociale sans précédent et que les demandeurs d’emploi sont en forte augmentation. C’est un mouvement inverse qu’il aurait fallu enclencher, en donnant des moyens pérennes à Pôle emploi pour accompagner ces nouveaux demandeurs d’emploi.

Votre réponse, c’est une dotation exceptionnelle allouée au titre de la mission Plan de relance. Mais, comme son nom l’indique, elle est « exceptionnelle » et ne sera pas reconduite en 2022. Il faudra d’ailleurs s’attendre, lors du prochain PLF, à une nouvelle baisse de la subvention pour charges de service public allouée à Pôle emploi.

L’amendement II-CF1182, de repli, propose un relèvement de crédit pour les mêmes raisons, mais à hauteur de 86 millions d’euros.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale. Je ne souhaite pas reprendre notre débat de l’an passé sur la participation de l’UNEDIC – des règles ont été fixées. Vous ne pouvez pas affirmer que la baisse atteint 380 millions d’euros. Je viens de démontrer qu’au contraire, le budget est en hausse. Il faut, bien sûr, tenir compte des 250 millions d’euros du plan de relance. Nous avons vérifié auprès de Pôle emploi que cela leur permettra de recruter 1 500 ETP complémentaires pour faire face à la crise, de prendre en charge tous les chômeurs et de leur proposer un très bon accompagnement. Cela leur permettra également de financer leurs dépenses de fonctionnement et d’intervention. En outre, l’accompagnement intensif des jeunes (AIJ) bénéficie d’un abondement de 69 millions d’euros, ce qui représente 1 300 ETP supplémentaires. Je veux bien entendre qu’il n’y en a jamais assez, mais il me semble que nous nous donnons les moyens de répondre à la crise.

Faisons face à la crise et ne tentons pas de prédire l’avenir ! Nous ne sommes pas en 2022. Je suis l’une des premières défenseures de Pôle emploi et mes rapports successifs ont déjà permis de recruter 800 ETP l’an dernier. Je suis confiante.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable à l’adoption de vos amendements.

M. Jean-Louis Bricout. Nos amendements concernent la trajectoire, à la baisse depuis plusieurs années, et vous répondez par une mesure exceptionnelle, même si elle est bienvenue. Convenez qu’il est normal que nous nous posions des questions pour les années à venir, au vu de cette trajectoire.

La commission rejette successivement les amendements II-CF1189 et II-CF1182.

Elle est saisie de l’amendement II-CF1190 de M. Boris Vallaud.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de consacrer 70 millions d’euros au financement d’emplois aidés.

Le plan de relance prévoit la création de 60 000 emplois aidés destinés aux jeunes peu ou pas qualifiés. Si nous nous félicitions de ce regain d’intérêt soudain du Gouvernement pour les emplois aidés, nous estimons toutefois que cela ne suffira pas à répondre à la demande d’un soutien au développement des activités et des emplois dans les secteurs à forte utilité sociale ou environnementale, dont certains souffrent d’un problème d’attractivité.

Nous souhaitons donc aller plus loin, avec l’institution d’une programmation pluriannuelle de 10 000 emplois de relance « boost » sur trois ans, réservés également aux jeunes, avec une dimension sociale et écologique. L’État financerait un fonds d’amorçage dégressif sur trois ans sur la base de 75 % d’un SMIC brut chargé en 2021, 50 % en 2022 et 25 % en 2023, afin d’accompagner l’évolution des modèles économiques et leur viabilisation.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale. À titre personnel, j’ai salué la fin des contrats aidés dans le secteur marchand, car ils avaient un effet d’aubaine. Mais nous les avons maintenus dans le secteur non marchand et nous continuons de les développer, avec 100 000 nouveaux contrats au titre du parcours emploi compétences. Le grand intérêt du PEC, par rapport aux emplois aidés, c’est l’accompagnement. D’après les premiers résultats dont nous disposons, le dispositif est satisfaisant, puisqu’il débouche sur des embauches. J’insiste sur fait que ce dispositif vise à remettre des gens sur le marché du travail : il entend aider des personnes, non des entreprises.

Les chiffres que vous avez donnés sont incomplets. Le plan de relance prévoit déjà, pour faire face à la crise sanitaire et économique, la création, dès 2020, de 20 000 contrats PEC et de 10 000 nouveaux contrats initiative emploi. C’est une façon de booster le secteur marchand et il faut saluer cet effort. En 2021, 60 000 PEC jeunes supplémentaires seront mobilisables, auxquels s’ajouteront 50 000 CIE jeune sur le secteur marchand. Au total, vous le voyez, le compte y est : nous avons mis les moyens nécessaires pour faire face à la situation exceptionnelle que nous vivons.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement II-CF1190.

Elle est saisie de l’amendement II-CF1181 de M. Boris Vallaud.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à revaloriser l’aide au poste en association intermédiaire (AI), en la faisant passer de 1 462 à 4 000 euros, pour un montant total de 54 millions d’euros.

Les AI sont de très loin le dispositif le moins aidé. Elles touchent moins de 3 % du budget consacré à l’IAE, alors qu’elles affichent un des meilleurs taux de sortie dynamique des structures d’IAE – près de 50 % de sorties en emploi, selon le rapport de la Cour des comptes de 2019. Pour permettre le maintien d’un accompagnement de qualité et poursuivre la professionnalisation des structures, notamment au travers des démarches de certification qualité proposées par les réseaux nationaux, il convient de revaloriser significativement l’aide au poste en AI accordée à chaque ETP.

Pour assurer la recevabilité financière de cet amendement, nous sommes contraints de réduire de près de 50 millions les autorisations d’engagement et les crédits de paiement de l’action Personnels transversaux et de soutien du programme 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale. Les représentants des AI, que j’ai auditionnés, ont effectivement formulé cette demande, qui ne date pas d’hier. Une étude est en cours pour déterminer ce qui justifie qu’une aide au poste en AI soit inférieure à ce qu’elle est dans une entreprise de travail temporaire d’insertion (ETTI). Une raison possible est déjà que ces deux types d’établissements n’ont pas le même fonctionnement et ne bénéficient pas des mêmes avantages.

Les AI ont la possibilité de recourir – et cela concerne neuf salariés sur dix – au contrat à durée déterminée d’usage (CCDU), ce qui n’est pas le cas des autres structures d’insertion par l’activité économique.

Les AI bénéficient, par ailleurs, d’un régime social et fiscal spécifique, puisqu’elles sont exonérées de TVA. Un amendement déposé sur ce projet de loi de finances vise également à les exonérer du paiement du versement transport. Elles en bénéficiaient déjà, mais nous l’inscrivons dans la loi.

Enfin, ma proposition de loi sur l’insertion par l’activité économique, soutenue par le groupe La République en Marche et par celui du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés, a accordé des dérogations aux associations intermédiaires afin de dépasser, dans un territoire donné et pour une durée limitée, le plafond de mise à disposition d’un salarié auprès d’employeurs de droit privé, fixé à 480 heures.

Je ne m’oppose pas à ce que l’on se penche sur le statut des AI. Nous pourrions le faire dans le cadre du printemps de l’évaluation des politiques publiques, en nous appuyant sur des données précises et complètes. Pour l’heure, je suis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement II-CF1181.

Elle examine l’amendement II-CF1145 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale. Cela fait un moment que je souhaite installer une mission flash pour analyser le travail des Maisons de l’emploi, qui constituent un outil complémentaire sur le terrain. Je pense en particulier à Alliance Villes Emploi, qui a signé au mois de juillet une convention-cadre de partenariat avec Pôle emploi, qui permet aux deux opérateurs de travailler de façon complémentaire, et pas seulement l’un à côté de l’autre, voire l’un contre l’autre.

Tous les outils susceptibles d’aider les personnes en recherche d’emploi à retrouver un travail doivent être valorisés. C’est pourquoi je vous propose d’accorder un financement de 5 millions d’euros aux Maisons de l’emploi et de lancer une mission flash pour chercher avec elles d’autres sources de financement, afin qu’elles puissent continuer à exister, à faire leur travail et à apporter une plus-value dans les territoires où elles sont en activité.

M. Jean-Louis Bricout. Je salue cette mesure de soutien aux Maisons de l’emploi, qui constituent notre plateforme territoriale et qui apportent une plus-value locale par rapport aux services rendus par Pôle emploi. Après des années de réduction des budgets des Maisons de l’emploi, cet amendement est une façon de reconnaître le travail effectué par leur tête de réseau, Alliance Villes Emploi. Je salue également la création d’une mission flash dans le but de dégager des moyens supplémentaires.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Je salue cette initiative, car il est essentiel d’aller voir ce qui se passe sur le terrain. J’ai la chance d’avoir, sur mon territoire, une Maison de l’emploi qui fonctionne très bien. Après avoir un peu souffert de la diminution des aides, elle s’est restructurée et a créé de nouveaux outils. Je suis certaine qu’elle sera ravie de participer à une consultation en vue d’un échange de bonnes pratiques à l’échelle nationale.

La commission adopte l’amendement II-CF1145 (amendement n° 1253).

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale. Avis très favorable sur les crédits de la mission Travail et emploi.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Les crédits de la mission Travail et emploi traduisent les engagements de l’État en faveur de la formation et de l’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi : chômeurs de longue durée, jeunes sans qualification, travailleurs en situation de handicap. La situation de ces personnes s’est considérablement aggravée et les personnes fragilisées sont de plus en plus nombreuses. Le budget de cette mission est en forte progression et s’élève aujourd’hui à 13,2 milliards d’euros, soit une augmentation de 3,4 % par rapport à l’année dernière.

Nous pouvons nous féliciter des mesures concrètes et fondamentales inscrites dans cette mission. Je mentionnerai, entre autres : l’insertion par l’activité économique, qui voit ses crédits augmenter ; la poursuite de la montée en charge des parcours emploi compétences ; l’aide unique à l’apprentissage et les exonérations de cotisations sociales en faveur de l’apprentissage ; l’augmentation de 27 % des crédits dédiés aux missions locales pour leur permettre d’accompagner les jeunes en difficulté d’insertion vers la formation, l’emploi et l’autonomie ; les moyens donnés à France compétences ; la poursuite de la montée en charge du plan d’investissement dans les compétences pour 3,3 milliards d’euros en faveur de la formation des jeunes et des chômeurs de longue durée ; la subvention de l’État pour charges de service public à Pôle emploi.

Des crédits supplémentaires dédiés seront, par ailleurs, inscrits dans le plan de relance. Le plan « 1 jeune, 1 solution » va notamment donner une impulsion concrète au soutien à l’emploi et à l’insertion professionnelle des publics les plus fragilisés. Ses crédits, combinés à ceux du plan de relance, vont permettre à la France de prioriser le retour et l’accès à l’emploi et de donner à toutes et à tous les moyens de retrouver une situation économique et professionnelle pérenne. L’attention portée aux plus fragiles est fondamentale : nous nous devons de donner aux personnes les plus éloignées de l’emploi l’opportunité d’être accompagnées, de développer des compétences et de se tourner vers le chemin de l’emploi de manière durable, quelle que soit leur situation. Le groupe La République en Marche votera bien entendu les crédits de la mission Travail et emploi.

M. Jean-Paul Mattei. Madame la rapporteure spéciale, je n’ai pas entendu votre exposé, mais je connais votre compétence dans ce domaine et je n’ai aucun doute sur la pertinence de votre rapport.

Les crédits de la mission Travail et emploi me semblent correspondre aux besoins actuels. Mais la question qui se pose – pour cette mission comme pour les autres – est celle de son articulation avec le plan de relance, notamment sur le volet Cohésion. On navigue un peu à vue, mais on peut se féliciter des mesures qui sont adoptées, qui semblent correspondre aux besoins et qui, je le sais, évolueront en fonction des nécessités du terrain. Le groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés votera les crédits de cette mission.

M. Jean-Louis Bricout. Les crédits de la mission Travail et emploi pour l’année 2021 ne nous semblent pas tout à fait pertinents. Leur évolution, par rapport à la loi de finances pour 2020, est difficile à évaluer, dans la mesure où certains crédits liés à cette mission figurent dans le plan de relance. Il s’agit pourtant d’un programme essentiel, puisqu’il vise à aider ceux qui ont des difficultés spécifiques d’accès ou de maintien sur le marché du travail.

Le programme 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail entérine une nouvelle baisse des ETPT, la plus forte depuis le début du quinquennat. Elle s’inscrit dans un mouvement entamé en 2017, qui a conduit à une baisse de 18 % des effectifs. Dans le contexte actuel, c’est un vrai sujet d’inquiétude, même si vous apportez quelques réponses ponctuelles. La lutte contre les destructions d’emplois induites par la crise et le renforcement de plusieurs dispositifs dans le cadre du plan de relance exigent que l’on renforce les moyens humains du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion. Or les crédits de la mission ont reculé de 13 % depuis 2017, alors qu’entre 2012 et 2017, ils avaient progressé de 63 %, notamment grâce à la création des emplois aidés.

Dans le plan de relance, un effort de 10 milliards d’euros hors mission est réalisé pour le travail et l’emploi. Notre jeunesse est touchée par une précarité qui s’amplifie, à mesure que la crise s’installe dans la durée. On peut s’inquiéter de cette politique de saupoudrage sur une trentaine d’actions en matière d’emploi, de formation et de jeunesse. Dans le plan de relance, de même, les crédits du programme 364 Cohésion me paraissent eux aussi très insuffisants : ici encore, vous privilégiez le saupoudrage, alors qu’il faudrait consacrer des moyens importants à l’emploi et à la formation. Nous devons imaginer un régime de solidarité plus ambitieux et plus adapté à cette jeunesse, dont les perspectives d’avenir demeurent très incertaines.

Si les efforts de la mission Plan de relance vont dans le bon sens, certaines baisses de crédits ne sont, en revanche, pas acceptables, d’autant plus qu’elles ne sont pas compensées par l’enveloppe exceptionnelle débloquée pour 2021. Ce budget témoigne de choix contradictoires, avec une baisse des crédits, d’un côté, et le déblocage de crédits exceptionnels, de l’autre.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés s’abstiendra sur le vote de ces crédits.

M. Vincent Ledoux. Le groupe Agir ensemble votera bien entendu ces crédits, qui sont à la hauteur des enjeux sidérants auxquels nous devons faire face. Compte tenu de l’ampleur de la crise, l’emploi des jeunes mérite notre mobilisation pleine et entière. Nous disposons, avec les crédits de cette mission, de fonds mobiles, qui pourront être utilisés là où ils seront utiles, c’est-à-dire au cœur de l’économie, au cœur du réacteur. C’est la raison pour laquelle nous soutenons à 100 % les crédits de cette mission extrêmement importante.

Mme Sabine Rubin. La mission Travail et emploi revêt une importance toute particulière, du fait du contexte sanitaire et de son cortège d’incertitudes.

Je ne prendrai qu’un seul indicateur, celui du taux de chômage : malgré la contorsion des chiffres, il devrait, d’après l’INSEE, bondir à près de 9,7 % d’ici à la fin de l’année, et le directeur du département Conjoncture n’exclut pas qu’il puisse atteindre 10 %. Sinistre présage d’un chômage de masse, qui frappera en particulier les plus jeunes et les plus précaires de nos concitoyens.

Certes, la hausse des crédits de cette mission n’est pas négligeable, mais elle permet à peine d’atténuer les effets délétères d’une crise qui, de sanitaire, devient chaque jour un peu plus économique et sociale. Alors que le recours massif au télétravail bouleverse nos habitudes et nos relations de travail, il est aberrant de voir que si peu de moyens sont consacrés à renforcer l’Inspection du travail. La généralisation du comité social et économique (CSE) dès le mois de janvier 2021 risque encore d’amoindrir la capacité de surveillance et de protection des salariés, en dépouillant nos entreprises d’un organe dédié au traitement des conditions sanitaires, alors que cette pandémie risque de frapper, non seulement durement, mais aussi durablement notre tissu économique.

Certes, des efforts ont été faits, et nous nous en réjouissons, pour augmenter le nombre d’emplois aidés – près de 230 000, si l’on prend en compte les mesures du plan de relance. Certes, après des années de coupes – pardon, de modernisation ! –, le rôle de Pôle emploi va enfin être renforcé. Mais vous ne prenez pas la mesure de la vague sociale qui nous submerge d’ores et déjà.

Vous multipliez les contrats aidés, notamment à destination des plus jeunes, et vous renforcez les crédits alloués à la formation, avec une hausse du budget du PIC. Ces décisions vont dans le bon sens mais, selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), les contrats aidés sont presque aussi efficaces que la formation pour favoriser l’insertion des jeunes sur le marché de l’emploi. Or ce budget penche beaucoup plus du côté de la formation que des contrats aidés.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale. Je vous remercie de la confiance que vous témoignez à nos outils de lutte contre le chômage. Nous veillerons à l’articulation des différentes missions budgétaires avec le plan de relance : ce sera un axe essentiel de l’évaluation des politiques publiques que nous ferons au printemps.

Je peux entendre qu’on puisse ne pas être pleinement satisfait de ces crédits, mais de là à parler de saupoudrage quand il est question d’une enveloppe de 10 milliards… Les mots ont un sens tout de même !

Le budget baisserait depuis 2017. Il a surtout été transformé parce que nous avons voulu donner la priorité à certaines lignes budgétaires qui, elles, ne cessent d’augmenter : je pense à l’insertion par l’activité économique, aux entreprises adaptées ou encore à la garantie jeunes. Tous les contrats aidés des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) ont été transférés au budget de l’éducation nationale. Nous avons également rénové l’apprentissage : une partie du budget qui lui était consacré dans cette mission est partie dans une autre mission.

En réalité, la baisse de crédits que certains d’entre vous déplorent s’explique en grande partie par ces transferts. En tout cas, depuis que je siège ici, les lignes essentielles de la politique de l’emploi ont toujours été en augmentation. La dernière en date concerne Pôle emploi : je rappelle qu’on a recruté 800 ETP l’année dernière pour mettre en œuvre le « pack de démarrage ». Désormais, lorsqu’un chômeur arrive à Pôle emploi, on ne se contente pas de lui accorder une heure d’entretien, mais deux demi-journées, et au bout de trente jours, on relance les entreprises pour savoir si leurs offres d’emploi ont été servies. Voilà une autre de nos réalisations !

Les crédits de la mission Travail et emploi sont en large progression et je finirai en mentionnant les 15 milliards d’euros qui vont financer le plan d’investissement dans les compétences. Il faut accueillir les chômeurs, mais il faut surtout les former pour les aider à s’en sortir.

Finalement, madame Rubin, dans vos commentaires, j’ai entendu plus de notes positives que de notes négatives, et je vous en remercie.

La commission adopte les crédits de la mission Travail et emploi modifiés.

Après l’article 58

La commission est saisie de l’amendement II-CF1191 de M. Boris Vallaud

M. Jean-Louis Bricout. Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 30 juin 2021, un rapport analysant la consommation des crédits, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, sur les exercices budgétaires 2018 à 2020, s’agissant des parcours emploi compétences. Nous attendons de ce rapport qu’il donne les raisons des éventuelles sous-consommations récurrentes de ces crédits et le nombre de parcours emploi compétences non créés en raison de ces sous-consommations.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, le Gouvernement se donne de très nombreux objectifs en matière de créations de PEC, mais aussi de contrats initiative emploi, de services civiques et d’emplois au titre du FONJEP. Or, depuis 2018, les objectifs que le Gouvernement s’est fixés n’ont jamais été atteints, alors même que nous n’étions pas en situation de crise économique et sociale. Ce rapport vise donc à évaluer les sous-consommations de crédits relatifs aux PEC, pour mesurer l’impact de ces sous-consommations et les raisons à l’origine de ce phénomène.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale. Ce genre de suivi doit être effectué, non pas par le Gouvernement, mais par le Parlement, dans le cadre de sa mission d’évaluation des politiques publiques. Du reste, je peux déjà vous apporter quelques éléments de réponse, car je suis de très près la question des PEC. Il m’est déjà arrivé de demander à des préfets de région pourquoi ils ne finançaient plus aucun PEC à partir du mois d’août, par exemple. Je vous invite à faire de même auprès de vos préfets, si vous notez des anomalies. Le principe, au départ, était celui de la fongibilité entre les enveloppes de l’IAE et du PEC. Même si la priorité est à l’IAE, il ne faudrait pas, maintenant que celle-ci dispose de crédits satisfaisants, que l’on cesse de financer les PEC. Notre rôle, c’est d’être des lanceurs d’alerte à ce sujet.

La sous-exécution que vous pointez appelle deux remarques. Tout d’abord, il s’agit d’une ligne budgétaire sur laquelle on a une mise en réserve très importante, à hauteur de 13,5 %, justement pour éviter d’être coincé en milieu d’année et de ne plus avoir les moyens de proposer des PEC aux associations. C’est pour cette raison que, sur les 100 000 contrats prévus, on tombe tout de suite à 90 000. Ensuite, c’est la fongibilité qui fait qu’on arrive à 79 000 contrats. Et pourtant, on a signé l’an dernier 80 000 contrats, ce qui est largement supérieur à la programmation.

Pour 2020, le délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle m’a confirmé qu’il n’y aurait pas de sous-exécution. Croyez-moi, monsieur Bricout, je suis ce dossier de près. Et je crois que c’est au Parlement, et non au Gouvernement, de faire l’évaluation que vous demandez. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF1191.

 

 

 

 

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