Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

 

 

  audition de MM. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, et Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090) et sur le programme de stabilité 2021-2027              2

 

 

 

 

 


Mercredi
14 avril 2021

Séance de 16 heures 

Compte rendu n° 66

session ordinaire de 2020-2021

 

 

Présidence de

 

M. Éric Woerth,

Président

 


  1 

La commission entend MM. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, et Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (n° 4090) et sur le programme de stabilité 2021-2027.

M. le président Éric Woerth. Je vous informe tout d’abord que le groupe de travail, commun avec la commission des lois, sur le suivi de l’expérimentation relative à la collecte de données en lignes au profit de l’administration fiscale, permise par la loi de finances initiale pour 2020, a tenu sa réunion constitutive.

Je remercie MM. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, et Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, d’avoir répondu à la traditionnelle invitation de notre commission à venir présenter le programme de stabilité. Ce programme a été présenté ce matin même en Conseil des ministres, qui a également délibéré, de façon plus précoce que l’année dernière, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020.

Nous poursuivrons demain cette discussion en entendant M. Pierre Moscovici, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques, sur l’avis émis par le Haut Conseil sur les prévisions macroéconomiques du programme de stabilité ainsi que sur l’avis relatif au solde structurel des administrations publiques présenté en projet de loi de règlement, ainsi qu’en sa qualité de Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport sur l’exécution budgétaire 2020 et sur l’acte de certification des comptes de l’État pour 2020.

La présentation du programme de stabilité est l’occasion d’évoquer les objectifs et hypothèses retenus par le Gouvernement pour élaborer sa stratégie budgétaire. Dans un contexte de crise, c’est un exercice encore plus délicat qu’en temps ordinaire. Le programme de stabilité qui nous a été communiqué ce matin établit une trajectoire sur la période allant de 2021 à 2027. Le solde des administrations publiques, qui avait atteint moins 9,2 % du produit intérieur brut (PIB) en 2020, demeurerait très dégradé non seulement en 2021, mais aussi en 2022, à moins 5,3 %. Néanmoins, la réduction ultérieure du déficit public d’environ 0,5 point de PIB par an permettrait d’atteindre un déficit inférieur à 3 % en 2027 et une stabilisation à cet horizon de l’endettement public, à un niveau toujours supérieur à 115 points de PIB. Ce programme de stabilité, qui tire les conséquences de la crise, est donc, d’un certain point de vue, plutôt ambitieux.

D’autre part, il faut cette année transmettre, à l’échéance du 30 avril, au Conseil de l’Union européenne et à la Commission européenne, non seulement le programme de stabilité, mais aussi le plan national pour la reprise et la résilience (PNRR) que chaque État membre met en œuvre pour faire face à la crise et obtenir les fonds dégagés à l’échelle européenne. Ces programmes et ces plans sont en cours d’examen par les parlements nationaux. Pour la bonne information du Parlement français, nous souhaiterions, monsieur le ministre de l’économie, pouvoir vous auditionner, conjointement avec la commission des affaires européennes, sur ce sujet – c’est ce qui se fait dans d’autres pays européens et c’est ainsi que nous avions procédé lors de la présentation du plan de relance.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance. Le programme de stabilité, que nous transmettrons à nos partenaires européens à la fin du mois, revêt cette année un caractère exceptionnel puisque la crise que nous traversons – la plus grave depuis 1929 – nous a amenés à faire des choix de politiques publiques majeurs. L’objectif de ce programme est d’indiquer aux Français comment nous comptons rétablir les finances publiques, à quel rythme, suivant quel calendrier et avec quels instruments.

Nous estimons qu’il ne faudra les rétablir que lorsque la croissance sera revenue et que la crise sanitaire sera derrière nous. Lors des précédentes crises, le redémarrage de la croissance avait été bloqué et la zone euro affaiblie car nous avions voulu rétablir trop rapidement les finances publiques. La question du calendrier est donc décisive. Je veux qu’il soit clair pour tous les Français que le rétablissement des finances publiques ne se fera qu’une fois que l’économie aura redémarré.

Ce rétablissement est néanmoins nécessaire et c’est pourquoi nous proposons de limiter la croissance des dépenses publiques en volume à 0,7 % par an en moyenne durant les cinq prochaines années. L’objectif est ambitieux : cela représente l’effort le plus important depuis vingt ans, puisque dans les années 2000, la croissance des dépenses publiques en volume était de l’ordre de 2 %, avant de ralentir pour s’établir à environ 1 %. Cette tendance à une meilleure maîtrise des dépenses publiques est, selon nous, saine.

L’alternative réside entre la maîtrise des finances publiques et l’augmentation des impôts. Nous avons opté, avec le Président de la République et le Premier ministre, pour la première solution. Tout n’est pas possible. On ne peut dire aux Français qu’on peut à la fois laisser filer la dépense publique au cours des cinq prochaines années, renoncer au rétablissement des finances publiques et au désendettement du pays et ne pas augmenter les impôts : c’est un mensonge. Chacun doit assumer ses responsabilités : on peut vouloir augmenter les impôts – nous y sommes pour notre part totalement opposés ; ou l’on peut vouloir rétablir les finances publiques en maîtrisant la croissance de la dépense publique – c’est ce que nous proposons. L’intérêt de ce débat est de soumettre un choix clair aux Français.

Des articles de presse fleurissent, dénonçant le fait qu’en matière fiscale, la France serait aujourd’hui en décalage par rapport à ses principaux partenaires, notamment les États-Unis ou le Royaume-Uni. La réalité, c’est que ce décalage existe depuis trente ans : le taux de prélèvements obligatoires s’établit dans notre pays à 44 % de la richesse nationale ; il s’agit du taux le plus élevé parmi les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : il est de douze points supérieur à la moyenne. On s’esbaudit que le Royaume-Uni augmente le taux de son impôt sur les sociétés, mais il est passé de 19 % à 25 % quand en France, il diminuait de 33,33 % à 25 % : il n’y a donc pas décalage, il y a convergence. Les chiffres sont aussi têtus que les faits ! La décision que nous avons prise, avec le Président de la République, de réduire la pression fiscale sur les Français, en supprimant la taxe d’habitation et en réduisant l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, ne fait que ramener la France dans le haut de la fourchette des pays de l’OCDE pour ce qui est du taux de prélèvements obligatoires. Pour nos compatriotes, la question des impôts est essentielle ; nous ne voulons pas les augmenter et c’est pourquoi nous faisons le choix d’une maîtrise de la dépense publique.

Je le répète : notre priorité est la relance de l’économie. La stratégie que nous allons suivre pour y parvenir comprend trois étapes : il s’agit de protéger, de relancer, puis de rétablir les finances publiques. Ce n’est concevable que dans cet ordre.

Protéger, nous l’avons fait massivement : nous avons protégé les emplois, les compétences et les entreprises. La France est l’un des pays européens qui a le mieux et le plus protégé son économie. Nous continuerons à le faire tant que les règles sanitaires l’imposeront. Les aides seront réduites progressivement ; il n’est pas question de les supprimer brutalement, alors que les professionnels – restaurateurs, hôteliers, commerçants – en ont besoin pour reprendre leur activité.

Deuxième étape : la relance. Nous avons pris de l’avance par rapport à nos partenaires européens, car nous avons déjà engagé 30 milliards sur les 100 milliards d’euros du plan de relance. Certaines politiques, comme la rénovation énergétique des bâtiments, marchent très bien. Ainsi, au cours du premier trimestre de l’année 2021, on a réalisé autant de rénovations énergétiques et versé autant d’aides au titre de MaPrimeRenov’ qu’au cours de la totalité de l’année 2020. Les résultats de notre politique de soutien à l’apprentissage – avec près de 500 000 nouveaux apprentis l’année dernière – devraient également réjouir tous les députés, quelle que soit leur sensibilité politique. Enfin, l’accompagnement de la digitalisation des petites et moyennes entreprises (PME) industrielles remporte un succès considérable : cela montre l’attente qui existe dans ce domaine. Nous avions prévu un budget de 280 millions d’euros pour cette politique ; près d’un milliard d’euros a déjà été engagé pour financer la modernisation et la digitalisation des PME.

La relance nationale est donc engagée. Elle va vite et fort. Il nous reste à obtenir les crédits européens, qui représentent 40 milliards d’euros sur les 100 milliards d’euros du plan de relance.

La troisième étape sera celle du rétablissement des finances publiques. Elle interviendra lorsque les conditions économiques le permettront et que la croissance sera revenue. Ma conviction est que ce rétablissement implique une meilleure maîtrise de la dépense publique.

Pouvons-nous l’obtenir à règle constante ? Je n’en suis pas convaincu. Nous n’y arriverons pas avec une règle annuelle contraignante et une règle pluriannuelle simplement indicative. Si nous voulons maîtriser notre dépense publique et nous donner la possibilité de faire de vrais choix politiques – réduire certains crédits et en augmenter d’autres, pour financer des politiques ou des secteurs que nous jugeons prioritaires, comme l’hôpital avec le « Ségur de la santé » –, nous devons fixer pour les cinq années à venir un cadre contraignant. Je suis évidemment favorable à la définition d’un objectif pluriannuel de dépenses publiques et me félicite du dépôt par M. le président Éric Woerth et M. Le rapporteur général Laurent Saint-Martin d’une proposition de loi organique en ce sens. Ce sera une étape majeure dans la voie d’une modernisation et d’un renforcement de la gouvernance des finances publiques.

Pour maîtriser la dépense publique, il faut continuer les réformes de structure. Je suis favorable à la poursuite de la transformation de notre pays, de manière à ce que nous puissions financer notre modèle social. C’est le sens de la modification de l’assurance chômage, telle qu’elle a été proposée par Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, qui devrait mettre un terme à l’incitation aux contrats courts. C’est également le sens de la réforme des retraites, qui, en favorisant l’augmentation collective du nombre d’heures de travail en France, permettra de financer notre modèle de protection sociale et de garantir la pérennité de notre système de retraite par répartition, auquel je suis fondamentalement attaché.

La troisième condition pour maîtriser la dépense publique, ce sont des règles communes afin d’assurer la cohésion de la zone euro. Ces règles doivent toutefois être pertinentes. Ce n’est de toute évidence plus le cas de celle fixant un objectif de ratio d’endettement inférieur à 60 % du PIB. Si elle pouvait l’être avant la crise financière de 2008 et la crise sanitaire actuelle, il semble nécessaire de la reconsidérer dès lors qu’une même zone monétaire enregistre, comme c’est désormais le cas dans la zone euro, près de 100 points d’écart entre les taux d’endettement public de deux de ses États membres : 160 % pour l’Italie, contre 65 % pour l’Allemagne. Cette question fait l’objet d’échanges entre ministres de la zone euro chargés des finances, dans l’attente de l’engagement de discussions formelles. Il convient que nous saisissions l’occasion que nous offre le débat sur le programme de stabilité pour nous interroger sur la stratégie économique et la coordination des politiques économiques de la zone euro. Ma conviction est que celle-ci devrait définir une nouvelle stratégie économique visant la croissance avant le respect des règles d’endettement ou de dépense publique. Je ne vois pas pourquoi la Chine et les États-Unis se fixeraient des objectifs en matière de création de richesse, d’innovation et de financement des technologies alors que l’Union européenne aurait pour seule ambition le respect de pourcentages et de règles. La première des ambitions européennes doit être de retrouver la prospérité pour tous.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Notre objectif, en voulant revenir à un niveau de déficit de 3 % en 2027, est d’atteindre le point d’inflexion du poids de la dette publique dans le PIB. Nos prévisions ont été construites sur la base d’hypothèses conventionnelles concernant les taux d’intérêt et l’inflation. Pour la croissance, en revanche, la prévision est de 5 % en 2021 – chiffre un peu revu à la baisse par rapport à nos ambitions initiales du fait de la persistance des restrictions liées à la crise épidémique – et de 4 % en 2022 ; ce n’est qu’à partir de 2023 que l’on se rapprocherait d’une hypothèse conventionnelle d’une croissance de 1,4 %, légèrement poussée par les effets du plan de relance. Nous voulons aussi retrouver un niveau de dépense publique égal à celui de 2019, autour de 53,8 % du PIB, soit une baisse de presque deux points par rapport au début du quinquennat, et un niveau de prélèvements obligatoires de 43,8 %, taux que nous avions enregistré à la fin de l’année 2019. Ces objectifs ne pourront être atteints qu’à condition de limiter l’augmentation des dépenses publiques à 0,7 % en volume au cours des cinq prochaines années, hors plan de relance et mesures d’urgence – si les chiffres figurant dans les annexes du programme de stabilité peuvent diverger, c’est qu’ils tiennent compte de ces derniers et des restes à payer en 2023.

Le projet de loi de règlement du budget a été déposé avec quinze jours d’avance par rapport au précédent – ce qui avait déjà été le cas l’année dernière –, afin que son examen puisse se faire concomitamment avec celui du programme de stabilité pour les années à venir : il nous paraît logique de discuter de l’avenir en ayant une connaissance précise des données budgétaires et comptables de l’année accomplie. Il montre une dégradation du déficit public, puisque nous avons terminé l’année 2020 avec un déficit budgétaire de 178 milliards d’euros alors que la loi de finances initiale le prévoyait à 93 milliards d’euros. Cela participe à la dégradation du déficit public dans son ensemble, qui passe de 2,2 % à 9,2 % du PIB. Cette dégradation est moins forte que prévu, mais elle reste historique. Elle s’explique à la fois par une diminution des recettes de l’État, due à un ralentissement de l’activité qui a provoqué une diminution des recettes fiscales de 37,1 milliards d’euros, et par des dépenses nouvelles, à hauteur de 44,1 milliards d’euros, dues dans leur grande majorité au financement des mesures d’urgence. Ainsi, nous avons engagé en 2020 17,8 milliards d’euros au titre du dispositif d’activité partielle et 11,8 milliards d’euros au titre du fonds de solidarité – dont les versements atteignent aujourd’hui 21 milliards d’euros, ce qui illustre la montée en puissance de cet outil. Les mesures d’urgence se sont en outre traduites par 3,9 milliards d’euros de compensations à la sécurité sociale au titre des exonérations de cotisations. Notons enfin le renforcement exceptionnel des participations financières de l’État : 8,3 milliards d’euros ont été décaissés afin de participer à des opérations de recapitalisation ou de souscrire des obligations convertibles et aider ainsi les entreprises stratégiques mises à mal par la crise. Le projet de loi de règlement prend ainsi acte des effets de la crise et des conséquences des mesures d’urgence sur les comptes de l’État, ce qui concourt à l’augmentation du déficit public.

M. le président Éric Woerth. La crise va provoquer une augmentation pérenne de la dépense publique ; il n’y a pas d’effet élastique qui serait dû au plan de relance et aux mesures d’urgence ! Voyez les chiffres : la dépense publique augmente de 74,5 milliards d’euros en 2020 et de 95,6 milliards d’euros en 2021, c’est-à-dire de plus de 170 milliards d’euros au total, si l’on additionne les seuls coûts du plan de relance et des mesures d’urgence. Avec l’amélioration espérée de la conjoncture économique et l’arrêt de certaines mesures, la dépense publique devrait baisser de 2,5 % en 2022, soit 47 milliards d’euros. Mais ensuite, elle répartira à la hausse, puisque vous vous fixez pour objectif une augmentation de 0,7 % par an en moyenne à partir de 2023 – ce qui est ambitieux, vu le volume des dépenses sociales ; un tel taux n’a d’ailleurs jamais été atteint. Si l’on récapitule, la dépense publique aura en définitive connu un ressaut de 123 milliards d’euros et augmentera par la suite d’au moins 0,7 %, soit environ 10 milliards d’euros par an.

La crise laissera donc des séquelles profondes sur notre modèle de dépense publique, ne serait-ce que parce que la réponse est parfois passée par des mesures pérennes. L’augmentation de la rémunération des personnels de santé décidée à l’issue du « Ségur de la santé » en est un exemple ; personne n’y est opposé, mais cette mesure représente une augmentation pérenne de la dépense publique. La Cour des comptes a d’ailleurs souligné que les dépenses de l’État hors réponse à la crise sanitaire progressaient de 7 milliards d’euros en 2020.

Quel sera le coût de la pandémie pour l’entreprise France ? Dans un entretien publié ce matin dans Le Figaro, vous estimiez, monsieur le ministre délégué, à plus de 400 milliards d’euros sur trois ans ce coût pour les finances publiques. J’imagine que cette estimation tient compte de la baisse des recettes, mais qu’en est-il si l’on inclut la perte irrattrapable de PIB évaluée, dans le programme de stabilité, à 2,25 points ?

La masse salariale fait l’objet d’une prévision – ce qui est important puisque de son volume dépend celui des recettes sociales –, mais pas le taux de chômage, alors qu’il s’agit d’un mal chronique en France. Quelle est la prévision du Gouvernement en la matière à l’horizon 2027 ?

Votre solution pour le cantonnement de la dette liée à l’épidémie de covid-19 est originale ! Le schéma d’amortissement est indexé sur la croissance afin d’affecter à l’extinction de la dette une partie des recettes excédentaires dues à une croissance supérieure aux prévisions. Or, vu l’état de nos finances publiques, la dynamique de la croissance ne peut être vue comme une cagnotte. On pourrait tout aussi bien consacrer l’excédent de recettes à la réduction globale du déficit ou de l’endettement dans son ensemble. Vous prévoyez de l’affecter à la Caisse de la dette publique, dont le modèle est proche de celui de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), mais qui, pour l’instant, n’est pas beaucoup utilisée puisqu’on n’amortit pas la dette. Aucune garantie sur les flux entrants n’est prévue et il n’y a pas de limite dans le temps. Dans ces conditions, peut-on vraiment parler de cantonnement de la dette ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. La trajectoire présentée dans le programme de stabilité est un gage de sérieux budgétaire pour l’avenir et je m’en réjouis. Ce programme doit nous permettre de stabiliser, voire de réduire notre ratio de dette publique, en prévoyant une progression des dépenses moins rapide que celle des recettes. C’est d’ailleurs ce que recommande la commission présidée par M. Jean Arthuis et l’une des préoccupations à laquelle nous souhaitons répondre dans la proposition de loi organique, que nous sommes en train de rédiger avec le président Woerth, réformant la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Je m’interroge néanmoins sur les paramètres de cette trajectoire. Vous avez prévu une progression annuelle des dépenses publiques, hors mesure d’urgence et de relance, de 0,7 % : c’est le chiffre clef que nous devons décortiquer. Comment l’avez-vous retenu par rapport à l’évolution des dépenses publiques entre 2017 et 2019 ? Envisagez-vous de le préciser au titre de chaque politique publique concernée ?

La présidence française de l’Union européenne, au début de l’année prochaine, pourrait être l’occasion de promouvoir une révision des critères de Maastricht et du pacte de stabilité et de croissance. Je vous rejoins, monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la relance, pour dire que ces critères sont désormais obsolètes. Le Conseil d’analyse économique (CAE) a émis des préconisations intéressantes concernant la révision du cadre budgétaire européen : il suggère de modifier les critères retenus pour apprécier la soutenabilité de la dette et que chaque gouvernement définisse un objectif de dette, dont la pertinence serait évaluée par une institution budgétaire indépendante sur la base d’une méthodologie commune. Ces préconisations vous semblent-elles aller dans le même sens que vos éventuelles propositions ?

La fin de l’exercice budgétaire 2020 se singularise par un report très important – pour plus de 30 milliards d’euros – des crédits exceptionnels. Je fais partie de ceux qui considèrent que cette sous-exécution est cohérente au vu des quatre projets de loi de finances rectificative (PLFR) adoptés pour l’année 2020. Bien malin celui qui aurait pu prédire les chiffres précis de la consommation des crédits exceptionnels à la fin de l’année 2020 ! Si je comprends donc très bien ce niveau de report de crédits – qui explique d’ailleurs pourquoi nous n’avons pas encore examiné de projet de loi de finances rectificative pour l’année 2021 –, pourriez-vous, monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, préciser les choix que vous avez opérés pour ces reports, notamment ceux en faveur du fonds de solidarité ? Quelles sont à ce jour les perspectives de consommation des crédits pour chacun des programmes créés au titre des mesures d’urgence ?

J’aimerais enfin savoir, notamment dans la perspective de la rédaction du rapport sur l’application des mesures fiscales et des travaux que je mène avec Mme Christine Pires Beaune et M. Francis Chouat sur le crédit d’impôt recherche, si le Gouvernement compte poursuivre le travail de rationalisation de l’ensemble des dépenses fiscales, suite à la mise en œuvre  du programme d’évaluation des dépenses fiscales, qui était annexé au projet de loi de finances pour 2020 et qui a pris – mais on peut le comprendre – du retard.

M. Alexandre Holroyd. Merci, messieurs les ministres, pour cet exposé d’une grande clarté. Je n’ai pu lire le programme de stabilité qu’en diagonale, étant donné les délais qui nous étaient impartis, mais j’ai relevé quatre points saillants. Premièrement, grâce au soutien massif à l’économie pendant la crise, nous avons réussi à préserver une grande partie de notre tissu économique. Deuxièmement, notre économie sera soutenue jusqu’à la normalisation de la situation. Cette attention particulière que vous portez à la sortie de crise nous évitera de commettre les mêmes erreurs que par le passé. Troisièmement, à la différence de ce qui a toujours été fait par le passé – et qui n’a jamais marché – les prélèvements obligatoires ne seront pas augmentés pour rétablir nos finances publiques. Voilà qui est cohérent avec l’action que nous menons depuis notre prise de fonction. Quatrièmement, j’ai relevé deux mots d’ordre : responsabilité, puisque la maîtrise de nos dépenses publiques, c’est la maîtrise de notre souveraineté et de notre destin, et réalisme, puisqu’il serait irréaliste de vouloir sortir de la crise en suivant une trajectoire pluriannuelle moins crédible.

Il est fait mention dans le programme de stabilité du taux d’épargne, qui se maintiendrait à un niveau très élevé jusqu’en 2022. Quelles conséquences cela aura-t-il sur la consommation, donc sur la croissance ? Comment mobiliser cette épargne pour contribuer à la relance ?

Concernant la réforme du pacte de stabilité et de croissance, quelle est la teneur des échanges que vous avez eus avec vos homologues européens ? Quelles sont les différentes positions sur le sujet au sein de l’Union européenne ?

Mme Véronique Louwagie. Si nous sommes en faveur de la politique du « quoi qu’il en coûte », ainsi qu’en témoigne notre soutien aux quatre PLFR prévoyant le financement de mesures de soutien à l’activité économique, nous regrettons que le Gouvernement laisse déraper les dépenses de fonctionnement sans lien avec la crise. En effet, selon la Cour des comptes, la hausse inédite des dépenses ordinaires de 6,7 milliards d’euros en 2020 ne s’explique pas par la crise sanitaire. En outre, 5 000 postes de fonctionnaires d’État ont été créés en 2020, malgré la promesse du Président de la République d’une suppression de 50 000 postes sur la durée du quinquennat. Enfin, la Cour des comptes estime que l’exécutif a exagérément gonflé les montants des aides économiques.

Le manque de maîtrise des comptes publics est chronique. Nous avons pu le constater lors des trois années précédant la crise sanitaire et la France, dont le déficit est l’un des pires de la zone euro, est championne d’Europe en matière de prélèvements obligatoires et de dépense publique.

Quels sont les moyens que vous vous donnez pour stabiliser la dette à l’horizon 2027 ? La Cour des comptes dénonce le manque de réalisme des prévisions budgétaires et le rebond de la croissance ne suffira pas s’il ne s’accompagne pas de réformes d’ampleur pour réduire la dépense publique. Vous évoquez un objectif contraignant, mais la France n’a jamais respecté les programmes de stabilité qui ont été présentés les années précédentes.

Je voudrais pour finir rappeler l’opposition catégorique du groupe Les Républicains à toute hausse d’impôts.

M. Jean-Paul Mattei. L’année 2020 a été dense, puisqu’on a vu se succéder quatre projets de loi de finances rectificative, un projet de loi de finances initiale et, au sein de ce dernier, un plan de relance. On ne peut que se réjouir des mesures prises dans ce cadre : baisse des impôts pour les ménages les plus modestes, mesures en faveur de la compétitivité, baisse du coût du travail, soutien à l’investissement, à l’entrepreneuriat et à l’innovation, aide aux entreprises les plus touchées ou encore baisse des impôts de production.

En matière d’exécution budgétaire, les résultats sont-ils conformes aux prévisions actualisées en fin d’année, eu égard à la dégradation de la situation économique nationale en raison de l’épidémie, qui n’est pas encore maîtrisée ? Le programme de stabilité se fonde sur une croissance potentielle de 1,35 % : pensez-vous que cet objectif soit réalisable alors que le taux de croissance avant la crise était de 1,25 % ?

Vous évoquez le maintien des réformes structurelles que nous avons engagées depuis le début du quinquennat. En envisagez-vous d’autres ?

Je voudrais rebondir sur les propos du président Woerth concernant le cantonnement de la dette. Une structure similaire à la CADES pourrait-elle être utilisée pour le remboursement de la dette contractée en raison de l’épidémie de covid-19 ?

M. Joe Biden, président des États-Unis, a débloqué les négociations au sein de l’OCDE concernant la taxe sur les GAFAM et un taux minimal d’impôt sur les sociétés. Jusqu’à présent, aucune de nos tentatives de légiférer sur la fiscalité des entreprises étrangères n’avait pu aboutir. À quel horizon temporel pourrait-on avoir à transposer un texte international sur l’imposition des GAFAM ? Quel serait l’effet sur nos entreprises à l’international si l’impôt sur les sociétés passait de 21 % à 28 %, comme le propose M. Joe Biden ?

Avec ses 750 milliards d’euros, le plan de relance européen semble moins ambitieux que le plan de 1 900 milliards de dollars de l’administration Biden. Pensez-vous qu’il faille négocier avec nos partenaires européens un nouveau plan que nous pourrions gager sur des recettes fiscales supplémentaires si les négociations internationales en matière d’impôt sur les sociétés aboutissent ?

Mme Valérie Rabault. Messieurs les ministres, je suis d’accord avec vous sur un point : il faut doper la croissance économique. Or, j’ai été très déçue par votre programme, qui retient l’hypothèse, peu ambitieuse, d’un taux de croissance de 1,6 % du PIB – notre collègue Mattei a même évoqué une croissance potentielle de 1,35 %. Cela veut dire soit que les chiffres que vous nous présentez aujourd’hui sont en décalage par rapport aux annonces que vous faites, soit que votre plan de relance ne fonctionne pas, car il ne permet pas de doper la croissance économique – d’ailleurs, les hypothèses de croissance que vous retenez pour le reste de l’Union européenne sont supérieures à celles de la France. De fait, d’après les informations disponibles sur Chorus, sur les 23 milliards d’euros de crédits prévus au titre du plan de relance pour l’année 2021, tous n’auront pas un effet d’entraînement. D’abord, 3,3 milliards d’euros seulement ont été engagés, soit 15 % du total, alors que 25 % auraient dû l’être, puisque nous sommes au quart de l’année ; nous sommes donc très en retard. Les actions aussi mériteraient d’être revues. J’en profite pour signaler que nous n’avons pas accès sur Chorus aux informations relatives aux mesures d’urgence : un message d’erreur s’affiche. Je formule donc la demande que nous puissions y avoir accès, comme nous avons accès à celles concernant le plan de relance.

Dans vos prévisions, le déficit conjoncturel est presque nul alors que le déficit structurel s’établit à 4,1 % en 2023 et à 3,8 % en 2024. Cela signifie que, selon vous, plus rien ne fonctionne et que l’économie française est plombée. Ce message que vous envoyez à l’Europe est très négatif. Il semblerait que nous soyons bien mal partis et qu’une reprise en main s’impose. J’aimerais que vous nous expliquiez cette contradiction entre vos propos et les chiffres que vous délivrez.

Enfin, quelle sera selon vous la conséquence de la remontée des taux d’intérêt à court et long termes sur le coût de la dette ?

Mme Patricia Lemoine. Le Haut Conseil des finances publiques a jugé optimistes les prévisions de croissance potentielle à moyen terme pour la période allant de 2023 à 2027. Il considère en outre que la hausse progressive de l’inflation à moyen terme est incertaine. Une croissance du PIB ou une inflation plus faible que prévu se traduiraient, à effort structurel inchangé, par une hausse accrue du ratio d’endettement. Vous prévoyez de contenir l’augmentation de la dépense publique en volume à 0,7 % par an entre 2022 et 2027. C’est un défi, car, d’une part, la dépense publique a augmenté de 1,4 % entre 2007 et 2012 et de 1 % entre 2017 et aujourd’hui et, d’autre part, la crise nous a contraints à assumer des dépenses supplémentaires très importantes, notamment en matière de santé. Si les réserves exprimées par le Haut Conseil se vérifiaient, quelle stratégie faudrait-il, selon vous, privilégier : une maîtrise plus importante de la dépense publique au risque de provoquer un effet contracyclique ou un allongement des délais pour stabiliser le ratio de la dette publique par rapport au PIB ?

Vous avez souligné la nécessité de décaisser au plus vite les crédits du plan de relance. Vous nous avez dit que 30 milliards d’euros avaient déjà été consommés. Pourriez-vous nous donner le détail de ces consommations, notamment par département – il semble que des disparités existent ?

Du côté de l’Union européenne, les choses paraissent plus compliquées. Quand les premiers décaissements du plan de relance européen auront-ils lieu ?

M. Christophe Naegelen. Le déficit public s’élève à 211,5 milliards d’euros en 2020, soit 9,2 % du PIB, et le coût mensuel du troisième confinement est, selon vous, d’environ 11 milliards d’euros. Autant dire que les « jours heureux » des finances publiques ne sont pas devant nous !

Vous vous donnez un délai de cinq ans après la fin de la crise pour rétablir les finances publiques. Je ne vous demande pas de lire dans une boule de cristal, mais quelle date approximative avez-vous retenue pour le début de ce redressement ?

Celui-ci passe aussi par des réformes structurelles. Quid de la réforme des retraites ? Allez-vous l’engager à un an des élections présidentielles ? Pouvez-vous nous confirmer que toute hausse des impôts pour les ménages et pour les entreprises est exclue ? La priorité doit être de continuer à protéger les secteurs qui souffrent et d’amplifier la reprise grâce au plan de relance.

Mme Jennifer de Temmerman. Dans son rapport sur l’exécution du budget de l’État pour 2020, publié hier matin, la Cour des comptes dénonce un niveau inédit de sous-consommation des crédits, qui s’élève à 31,6 milliards d’euros. Jamais un tel écart entre prévision et exécution n’avait été constaté ! Depuis 2009, l’écart moyen avait toujours été inférieur à un milliard d’euros. Pourquoi, en pleine crise, le Gouvernement n’a-t-il pas utilisé l’intégralité de l’enveloppe votée ? Est-ce la preuve que le plan de relance n’a pas été pleinement et concrètement déployé sur le territoire ?

Concernant le programme de stabilité présenté ce matin en Conseil des ministres, vous annoncez que, jusqu’en 2027, les exercices seront marqués par un contrôle renforcé des dépenses publiques afin de limiter drastiquement leur hausse. Qu’est devenu le « quoi qu’il en coûte » ? Les autres États annoncent des plans de relance et des mesures substantielles pour les années à venir : 1 900 milliards de dollars pour les États-Unis et 352 milliards de livres sterling sur trois ans pour le Royaume-Uni. Compteriez-vous placer le prochain quinquennat sous le signe de l’austérité ?

Mme Sabine Rubin. Notre dette de 2 362 milliards d’euros, soit 115 % du PIB, et notre déficit de 211 milliards d’euros, soit 9,2 % du PIB, vous alarment. Soit. Pourtant, si j’en crois un article de Mediapart que semblent confirmer les propos que vous venez de tenir, vous refusez d’accroître la progressivité des impôts pour résorber ce déficit alors que le Fonds monétaire international (FMI) appelle à mobiliser des recettes fiscales supplémentaires pour financer la santé et l’éducation. Il constate en effet une érosion de l’impôt sur les sociétés ainsi que de celui sur les ménages se situant en haut de l’échelle des revenus et voit dans la situation actuelle une occasion d’inverser la tendance dans les économies avancées. Les États-Unis, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l’Argentine suivent ses préconisations. Il semble donc exister une convergence, mais pour qu’elle soit totale, il faudrait cesser les subventions à la production, pour lesquelles la France est en tête.

Vous refusez d’accroître la progressivité de l’impôt. Pourtant, votre politique de baisse des impôts n’a montré aucun effet positif sur la croissance et pèse sur le déficit. Il semble donc que vous ne vouliez pas résorber ce dernier. Vous ne faites pas non plus le choix de la croissance, que vous estimez fin 2023 à 2,3 %, et cela malgré le plan de relance – qui, soit dit en passant, représente un effort cinq fois inférieur à celui fourni par les États-Unis. Vous préférez, à rebours de la dynamique mondiale, compresser de manière drastique la dépense publique, dont vous souhaitez limiter la croissance à 0,7 % par an, afin de la faire passer de 61,3 % du PIB en 2020 à 53,1 % en 2027. Cette politique est la plus austéritaire depuis quarante ans et elle est inégalitaire, car le taux de pauvreté risque de passer de 14 % à 16 %. Surtout, une telle limitation de l’augmentation des dépenses publiques grèvera la croissance et augmentera donc le déficit. Comment pensez-vous sortir de ce cercle vicieux ?

Une dernière question à propos de votre obsession comptable de compression des dépenses publiques. Vous souhaitez mettre en œuvre la recommandation du rapport de la commission présidée par M. Jean Arthuis de suivre une norme de dépense publique sur le modèle de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) qui fixe un niveau de dépense quels que soient les besoins réels. Une telle norme sera-t-elle constitutionnalisée ? Si oui, quand et par quels moyens ? Comptez-vous l’inclure dans la prochaine révision de la LOLF ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Messieurs les ministres, la pilule que vous nous présentez est amère ! Votre programme n’a rien de réjouissant pour la grande majorité des Français, qui vont devoir payer l’addition. La cure d’austérité commencera dès 2022 avec une baisse des dépenses publiques de 3,3 %, qui se poursuivra de manière constante jusqu’en 2027 au moins afin de réduire la part des dépenses publiques de 60 % à 53 % du PIB. Qui plus est, cette baisse survient après la crise du covid-19, au cours de laquelle la France est le pays développé qui aura le moins augmenté ses dépenses publiques.

Et tout cela pourquoi ? Parce que vous avez décrété qu’il fallait réduire la dette publique au plus vite sans toucher aux impôts et surtout pas à ceux des plus riches. Vous ne pourrez pas tenir longtemps ce bouclier : il vous brûlera les mains ! Vous semblez n’avoir rien appris de la crise de 2008, durant laquelle l’idéologie ordo-libérale a poussé tous les gouvernements européens à réduire les dépenses, plongeant l’économie européenne dans le marasme. Vous voulez même aller plus loin en instaurant une règle d’or dans la Constitution. Alors que le président Biden tente un plan de relance inédit pour stimuler l’économie et que le FMI prône la taxation des plus riches et des plus grosses entreprises, vous réduisez les dépenses publiques et baissez les impôts de production et ceux sur les sociétés. Vous procédez en cette fin de mandat à un dur retour aux sources – mais vous êtes, comme l’écrit Le Monde, à contretemps. Comme les injonctions du Président de la République à nous réinventer semblent lointaines !

En sus des réformes de l’assurance chômage et des retraites, dans quelles dépenses allez-vous couper pour tenir les promesses que vous avez faites à la Commission européenne ? Dans celles de la santé ?

M. Bruno Le Maire. S’agissant du coût de la pandémie, le chiffre a été donné ce matin par M. Olivier Dussopt, monsieur le président. Je n’y reviendrai pas.

On peut parler de cantonnement de la dette sociale : elle a été mise à part dans la CADES et une recette fiscale pérenne, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), est affectée à son remboursement. Cette dette sera amortie jusqu’en 2033, puisque la date d’extinction de la CADES, initialement prévue en 2025, a été reportée jusqu’à cette date.

Ce que nous proposons pour la dette liée au covid-19 est différent. Elle ne sera pas cantonnée, puisqu’aucune recette fiscale supplémentaire ne sera créée pour son remboursement. Nous sommes en effet opposés à toute augmentation d’impôt. La dette liée à la crise du covid-19 sera isolée – je rappelle que l’Assemblée nationale a voté largement en faveur de cette mesure – afin que l’on puisse évaluer précisément le coût de la crise. Nous l’estimons aujourd’hui à 140 milliards d’euros. Grâce au retour de la croissance, que nous évaluons à 5 % dès cette année, nous pourrons compter sur des recettes fiscales – impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu et taxe sur la valeur ajoutée – plus importantes. Le risque, c’est de voir dans ces recettes fiscales supplémentaires une cagnotte et de se dire que la France est suffisamment riche pour poursuivre l’augmentation rapide de ses dépenses publiques. Ce serait irresponsable. En isolant la dette due au covid-19, nous pourrons identifier, année après année, la part des recettes fiscales supplémentaires que nous souhaitons allouer à son remboursement et à son amortissement. Il nous semble que c’est là un principe de responsabilité fondamental. Si les modalités d’amortissement de la dette due au covid-19 ne sont pas clairement définies, l’intégralité des recettes fiscales supplémentaires va aller, comme toujours depuis trente ans, à la poursuite de l’augmentation de la dépense publique, ce qui serait une erreur. Nous faisons donc le choix d’amortir la dette due au covid-19 grâce aux recettes fiscales supplémentaires. Cet amortissement se fera sur une période de vingt ans, qui devrait s’achever en 2042.

Une autre politique, qui consisterait à ne pas isoler la dette et à la laisser filer, est possible, mais elle nous paraît déraisonnable et cela pour plusieurs raisons.

La première, c’est que nous nous trouverions exposés en cas d’augmentation des taux d’intérêt. En réponse à la question de Mme Valérie Rabault, je souhaite rappeler qu’une augmentation des taux d’intérêt d’un point entraîne une augmentation annuelle de 2,5 milliards d’euros des dépenses publiques consacrées à la charge de la dette, soit 15 milliards sur cinq ans et près de 30 milliards sur dix ans. Si certains veulent affecter 30 milliards d’euros au paiement des intérêts de la dette publique française, grand bien leur fasse ; pour ma part, je préfère allouer cette somme au financement des hôpitaux, des crèches, des collèges, des lycées ou des infrastructures publiques. L’intérêt de réduire la dette publique, c’est de dégager des marges de manœuvre financière pour financer des investissements ou pour faire face à une éventuelle nouvelle crise sanitaire. C’est un choix politique. Nous sommes en démocratie et chacun présente ses choix aux Français. Je pense que le nôtre a le mérite de la clarté et de la lisibilité.

La deuxième raison, c’est qu’il ne me paraît pas raisonnable de maintenir durablement une dette publique deux fois plus lourde que celle de l’Allemagne, notre principal partenaire économique. La dette de la France représente 120 % de son PIB alors que l’Allemagne va rapidement retrouver un niveau de dette correspondant à 60 % de son PIB.

La troisième raison, c’est que la voix de la France est affaiblie lorsque son niveau de dette publique est largement supérieur à celui de ses partenaires. Je le constate comme ministre des finances qui participe aux réunions des dix-neuf ministres de la zone euro.

Notre objectif est de limiter l’augmentation des dépenses publiques en volume à 0,7 % par an afin d’atteindre un niveau de déficit public de 3 % du PIB, ou moins, en 2027. Si nous avions fixé cet objectif à l’horizon 2025, l’augmentation des dépenses publiques aurait dû être limitée à 0,2 % par an. Cela n’a jamais été fait et je pense que cela aurait donné un coup de frein trop fort à l’activité dans notre pays. Notre choix me paraît donc crédible et raisonnable.

Notre intérêt collectif est que les plus de 160 milliards d’euros d’épargne constituée par les Français aillent soit vers la consommation, soit vers le financement de l’économie. Pour atteindre ce dernier objectif, nous avons conçu de nouveaux outils, que vous avez adoptés : le plan d’épargne retraite (PER) a été assoupli et de nouvelles possibilités d’actionnariat salarié ont été créées. Le PEA est un grand succès : 800 000 nouveaux PEA ont été ouverts depuis un peu plus d’un an. C’est la preuve que, lorsqu’on offre aux Français des produits attractifs, ils s’en saisissent et placent leur épargne dans le financement de l’économie. Je suis par ailleurs favorable aux donations sans taxe ni impôt des grands-parents à leurs petits-enfants et des parents à leurs enfants. Cette mesure, qui interviendra après les restrictions sanitaires, permettra aux jeunes de disposer plus rapidement d’une somme de quelques milliers d’euros afin de reprendre pied à l’issue de cette période difficile. Je considère enfin que la meilleure façon de débloquer l’épargne des Français, c’est de leur garantir qu’il n’y aura pas d’augmentation des impôts, car cette perspective se traduit immédiatement par une augmentation du taux d’épargne de précaution.

Concernant la réforme du pacte de stabilité et de croissance, il ne me semble pas pertinent de maintenir le même indicateur de dette publique pour tous les États membres alors que les écarts d’endettement sont devenus très importants. Le rétablissement des finances publiques de chaque État membre de la zone euro devra se faire en fonction des conditions de soutenabilité propres à chaque pays. Contrairement à ce que j’ai entendu dire, nous avons tiré les leçons de la crise de 2008, car la même toise ne sera pas imposée à tous. Il sera au contraire tenu compte de la manière dont chaque pays a été touché par le covid-19, qui est par nature injuste puisqu’il ne choisit pas ses victimes. Si un pays a été durement touché par l’épidémie et qu’il a par conséquent dû dépenser plus d’argent public, il n’y a aucune raison qu’on lui impose de retourner au niveau d’équilibre de ses finances publiques au même rythme qu’un État membre de la zone euro qui aurait été moins touché. C’est là un changement fondamental : au lendemain de la crise financière de 2008, la même règle avait été imposée à tous. Cela s’est traduit par beaucoup de souffrances, d’inefficacité économique et d’incompréhension politique. Cette fois, nous tiendrons compte, dans le cadre d’une discipline commune, de la situation de chaque État.

Je remercie Mme Véronique Louwagie pour son soutien à l’absence d’augmentation des impôts. Je rappelle que nous avions, avec M. Gérald Darmanin à l’époque ministre de l’action et des comptes publics, réussi à sortir la France de la procédure pour déficit excessif. En ramenant, pour la première fois depuis onze ans, le déficit public sous le seuil de 3 % du PIB, nous avions prouvé qu’en matière de finances publiques, on obtient des résultats lorsqu’on s’en donne les moyens.

En réponse aux questions de MM. Jean-Paul Mattei et Jean-Paul Dufrègne et Mme Sabine Rubin, je voudrais dire un mot sur la taxation des géants du numérique et sur le taux minimal d’impôt sur les sociétés. Reviendrons-nous, au lendemain de la crise, à de vieilles mauvaises pratiques ou essayerons-nous d’inventer quelque chose de nouveau ? Les mauvaises pratiques, c’est d’augmenter les impôts alors que le taux de prélèvements obligatoires de la France est le plus élevé de tous les pays de l’OCDE. Je suis, sur ce point, en désaccord avec M. Jean-Paul Dufrègne et Mme Sabine Rubin – mais c’est là tout le mérite de nos échanges. L’augmentation des impôts est inefficace. Elle affaiblit l’attractivité de notre pays et ruine les efforts de reconstruction économique, sans rapporter grand-chose. Le FMI recommande de taxer davantage les plus riches, mais la France le fait déjà ! Une taxe sur les revenus les plus élevés avait été instaurée en 2012. Cette surtaxe, que la plupart des autres pays ne pratiquent pas, aurait dû être provisoire, mais, en matière fiscale, on adore en France le provisoire qui dure ; elle a donc été pérennisée. Elle touchait au début un nombre limité de contribuables et rapportait 468 millions d’euros. Aujourd’hui, elle touche 44 000 contribuables et rapporte 1 milliard d’euros. Comme ce n’est pas encore suffisant, le risque est grand de l’étendre aux classes moyennes, qui sont nombreuses : cela rapporterait davantage. Je ne veux pas rouvrir ce débat typiquement français pour savoir qui est riche et qui appartient aux classes moyennes. À mon sens, le débat doit porter non pas sur la redistribution – si les Français l’adorent et qu’elle est bien sûr nécessaire, je pense que nous allons suffisamment loin dans ce domaine –, mais sur la création de richesse, afin d’éviter l’appauvrissement de notre pays. Les chiffres sont têtus : au cours des vingt dernières années, la France s’est, en part relative, appauvrie. En effet, au cours de cette période, le produit national brut des États-Unis et celui de l’Allemagne ont augmenté de vingt-cinq points alors que celui de la France n’a augmenté que de dix points. La redistribution est une obsession française qui nuit à la prospérité de nos concitoyens. Le vrai beau débat est de savoir comment donner plus de prospérité, plus d’emplois, plus d’activité économique et plus de croissance à tous les Français, sans exception.

Le débat fiscal du XXIème siècle porte sur la taxation des géants du numérique. Ce sont eux les vrais riches, ce sont eux les vrais vainqueurs de la crise. Je rappelle à M. Jean-Paul Dufrègne et à Mme Sabine Rubin que je me bats depuis quatre ans pour qu’on les taxe et j’ai bon espoir que nous y parvenions. Cette Assemblée a d’ailleurs adopté un projet de loi portant création d’une telle taxe. Nous sommes l’un des rares pays de l’OCDE à l’avoir fait et nous pouvons en être fiers, car c’est une mesure de justice.

Je suis favorable à l’harmonisation internationale des taux d’imposition sur les sociétés. Il s’agit là d’une autre mesure de justice, d’une véritable révolution : une telle modification radicale et essentielle de la fiscalité internationale permettra d’éviter l’évasion et l’optimisation fiscales. Concrètement, une grande multinationale qui fait des profits en France n’aura plus intérêt à se délocaliser à Dublin pour payer moins d’impôts sur les sociétés. Les recettes fiscales générées par une telle taxe seraient beaucoup plus importantes que celles d’une taxation des ménages les plus riches, mais c’est un combat plus difficile et qui demande plus d’énergie qu’une simple modification des paramètres de la taxation nationale en France. La récente prise de position de Mme Janet Yellen, secrétaire d’État américaine au Trésor, nous laisse entrevoir la possibilité d’un accord à l’été 2021 sur une nouvelle fiscalité internationale reposant sur une taxation des géants du numérique et un taux minimum d’impôt sur les sociétés. Nombre d’annonces faites par l’administration Biden vont dans le bon sens, mais il convient de rester prudent et d’attendre l’issue des débats au Congrès.

Avant de répondre à vos questions, madame Rabault, je tiens à vous dire que j’examinerai avec la direction générale des finances publiques la question de l’accès sur Chorus aux informations concernant les mesures d’urgence.

Je suis d’accord avec vous pour dire que le plus important, c’est de créer de la croissance. Nous sommes l’un des pays de la zone euro qui a le plus rapidement mis en place un plan de relance. Nous avons d’ores et déjà engagé – je dis bien « engagé » et non « décaissé » – 30 milliards d’euros sur les 100 milliards d’euros de crédits du plan de relance. Je rappelle que celui-ci comprend un volet relatif à l’environnement, un volet relatif à la compétitivité et un volet social. Ce sont les crédits relatifs à ce dernier volet qui ont été décaissés le plus rapidement, car ils financent par exemple la prime à l’embauche d’un jeune en contrat à durée indéterminée ou la prime à l’apprentissage. En revanche, les dépenses concernant la rénovation énergétique des bâtiments publics sont engagées, mais le décaissement interviendra plus tard, une fois les appels d’offres passés et les chantiers prêts commencer.

Le soutien à l’activité financé par le plan de relance représente 1,5 point de PIB supplémentaire en 2021. Il doit nous permettre, grâce à un soutien à l’investissement, à l’innovation et à la formation, de retrouver en 2022 le niveau d’activité de 2019. C’est l’objectif stratégique que je me fixe depuis douze mois.

M. Jean-Paul Mattei m’a interrogé sur un éventuel renforcement du plan de relance européen. Je suis convaincu que l’Europe doit faire davantage, mais il faut d’abord que les 750 milliards d’euros du plan de relance soient décaissés. Quand pourront-ils l’être ? Cela dépend principalement de deux pays : l’Allemagne et la Hongrie. En Allemagne, le retard dans le processus de ratification n’est imputable ni au gouvernement ni à la majorité du Bundestag, qui a adopté à une large majorité la décision relative au système des ressources propres. C’est un recours du parti Alternative für Deutschland (AfD) devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe qui bloque le processus. La situation en Hongrie est plus inquiétante, car le blocage y est véritablement politique. Or, si les Vingt-sept ne ratifient pas la décision relative aux ressources propres, il ne pourra y avoir de décaissements du plan de relance. J’invite donc une nouvelle fois les États membres qui n’ont pas ratifié cette disposition à le faire rapidement.

Faudra-t-il augmenter la dotation du plan de relance national ? Pour moi, la priorité est de décaisser le plus rapidement possible les crédits du plan que vous avez adopté afin de relancer l’activité économique. On verra ensuite, dans quelques mois, si nous avons besoin de plus d’argent pour financer des investissements permettant de consolider la croissance potentielle, par exemple dans l’innovation, dans les nouvelles technologies ou dans la recherche.

M. Olivier Dussopt. Monsieur le président, en réponse à vos questions, je précise que nous n’avons pas intégré d’hypothèses d’évolution du taux de chômage dans le programme de stabilité car il existe en la matière encore trop d’incertitudes à ce stade. D’autre part, certaines décisions – vous avez cité le « Ségur de la santé » – se traduiront par des dépenses pérennes, avec un effet relativement marginal, même si la somme est importante, en 2020 et un effet plein en 2021. Ces dépenses concourent à l’évolution de la dépense publique et sont intégrées dans le programme de stabilité.

L’augmentation des dépenses de l’État au cours de l’année 2020 s’explique en partie par le fait qu’un certain volume d’augmentation de dépenses était déjà prévu en application d’engagements antérieurs ou de lois votées ; je pense à la loi de programmation militaire, à la dynamique de certaines politiques de solidarité, comme la prime d’activité qui représente 2 milliards d’euros, ou encore au recrutement d’enseignants et à la revalorisation de leur rémunération, qui se traduit par une augmentation d’un milliard d’euros.

L’écart de 6,4 milliards d’euros sur le périmètre de la norme de dépenses pilotables entre la loi de finances initiale et la réalisation, qui a fait l’objet de questions, voire de critiques de la part de certains d’entre vous, correspond pour l’essentiel à des dépenses liées à la crise, mais qui ne s’inscrivent pas dans le cadre de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire. Je pense à l’augmentation tendancielle des aides personnelles au logement (APL) du fait de la dégradation de la situation des ménages, à hauteur de 2,1 milliards d’euros, aux versements de la prime de précarité avant l’été, puis au mois de novembre, qui représentent un total cumulé de 2,1 milliards d’euros, à l’achat de masques pour 800 millions d’euros, aux mesures de soutien à la presse et aux médias, d’un montant de 600 millions d’euros, qui n’ont pu, pour des questions comptables, être rattachées à ladite mission, ou encore aux 400 millions d’euros de prime à la conversion.

L’augmentation du nombre d’emplois d’État en 2020, à hauteur de 5 363 équivalents temps plein (ETP), s’explique en partie par des engagements antérieurs à la crise, comme la décision de ne plus fermer d’écoles en zone rurale sans l’accord des élus, dont l’impact a été de l’ordre de 1 500 ETP, ou encore la mise en place du plan en faveur des BTS, qui a abouti au recrutement de 450 ETP. Des décisions prises à la suite de la crise ont elles aussi contribué à cette augmentation. Ainsi, 2 400 ETP ont été créés au sein de Pôle emploi, les services du ministère des solidarités et de la santé, hors personnel soignant, ont été renforcés de 420 ETP et d’autres ETP encore ont été créés au sein de l’Agence pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

Nous avons tenu compte des effets de la crise puisque, alors que la loi de programmation des finances publiques prévoyait un schéma d’emplois en décroissance en 2021, nous avons acté dans la loi de finances qu’il serait stable, l’écart permettant de répondre à certains besoins. Nous veillons, en matière d’emploi, à ce que les engagements pris dans le cadre des lois de programmation soient tenus ; aboutir à une telle stabilité implique des efforts de la part d’autres ministères.

En ce qui concerne les dépenses fiscales et leur rationalisation, la crise et les périodes de confinement qu’elle a imposées nous ont empêchés d’aller aussi loin que nous l’aurions souhaité. Nous poursuivrons néanmoins notre effort d’optimisation des dépenses fiscales, notamment en mettant en œuvre les outils et les indicateurs du budget vert qui permettent de mesurer non seulement l’efficacité d’une dépense, mais aussi son incidence sur l’environnement. Nos services sont disponibles et mobilisés pour travailler avec vous en ce sens dans le cadre des textes financiers qui seront soumis à l’examen de votre assemblée.

Les reports de 30 milliards d’euros évoqués par M. Jean-Paul Mattei et Mme Jennifer de Temmerman n’étaient pas prévus, mais nous les avions annoncés comme étant possibles. Le quatrième PLFR, présenté au mois de novembre, prévoyait – je précise qu’il s’agissait d’hypothèses économiques et non sanitaires – un confinement en novembre et décembre et une perte d’activité de vingt points par mois de confinement. En réalité, nous n’avons perdu que onze points au mois de novembre, probablement en raison d’une sous-estimation de l’effet bénéfique du maintien de l’ouverture des établissements scolaires et d’une meilleure organisation du tissu économique en période de confinement, notamment grâce au télétravail. Le mois de décembre, malgré les restrictions – qui ne s’étendaient pas encore au couvre-feu –, s’est traduit par une perte d’activité de sept à huit points. Ces reports s’expliquent donc par une sous-consommation des dispositifs d’urgence liée au maintien de l’activité à un niveau plus important que prévu.

Nous avions prévu lors du dépôt du quatrième PLFR un déficit de l’État de 223 milliards d’euros, mais il s’est finalement établi à 178 milliards d’euros, soit une différence de 45 milliards d’euros. Cette différence s’explique pour 29 milliards d’euros par des dépenses moindres que prévu et qui ont donné lieu au report que j’ai évoqué et, pour 7 milliards d’euros, par des recettes fiscales moins dégradées que prévu puisque l’impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée ont connu un rebond en fin d’année grâce au maintien de l’activité économique – portée par les mesures de soutien – à un niveau plus élevé que prévu. Le report s’est fait principalement vers le fonds de solidarité, dispositif qui consomme actuellement le plus de fonds publics : il finance en effet en particulier l’indemnisation des commerces fermés par suite des mesures sanitaires, par le moyen soit d’un forfait de 10 000 euros soit du versement d’une somme égale à 20 % du chiffre d’affaires, la prise en charge des coûts fixes, qui peut atteindre des montants beaucoup plus importants, les aides aux commerces faisant face à des problèmes de stocks ou encore les dispositifs dédiés spécifiquement à l’économie de montagne.

Nous estimons aujourd’hui qu’à situation sanitaire inchangée et dans le cadre du calendrier indiqué par le Président de la République, le volume des dépenses publiques liées aux mesures que l’on pourrait qualifier d’urgence atteindrait 55,8 milliards d’euros, dont 14 milliards environ dus à l’augmentation de l’ONDAM afin de financer la campagne de vaccination et au coût de la prise en charge hospitalière de l’épidémie, et un peu plus de 20 milliards affectés au fonds de solidarité pour l’année 2021.

Madame Rabault, j’ai déjà donné instruction à nos services de régler la question de l’accès à Chorus. J’ai en outre demandé à nos services informatiques de se rapprocher de ceux de l’Assemblée nationale pour que soit bien précisé ce qui relève de la consommation d’autorisations d’engagement (AE) et ce qui relève de la consommation de crédits de paiement (CP). Je précise que Chorus ne retrace pas les dépenses effectuées pour le compte de l’État par des opérateurs. Or, un grand nombre des dispositifs du plan de relance passe par des opérateurs, notamment par l’Agence de services et de paiement ; c’est le cas, par exemple, de MaPrimeRenov’, ainsi que des aides à l’embauche d’apprentis ou de jeunes de moins de 26 ans. Le Gouvernement et les parlementaires peuvent néanmoins s’appuyer sur des documents de synthèse plus complets. Quoi qu’il en soit, l’accès sur Chorus à l’ensemble des informations que vous avez demandées sera assuré.

Nous ne partageons pas la lecture très pessimiste que vous faites, Mme Rabault, du déficit structurel. Les fluctuations très fortes et la classification des dépenses nous empêchent d’avoir une lecture aussi linéaire et facile que la vôtre.

S’agissant de la charge de la dette, nous sommes extrêmement vigilants à ce que notre politique monétaire nous permette de continuer à bénéficier de taux bas. Dans la trajectoire pluriannuelle, nous avons tenu compte d’hypothèses conventionnelles en matière d’évolution des taux. Ces hypothèses prudentes nous conduisent à prévoir que la charge de la dette pourrait être, à l’horizon 2027-2030, renchérie d’un demi-point de PIB par rapport à ce qu’elle est aujourd’hui. Il s’agit d’éviter de mauvaises surprises au cours des années qui viennent.

M. le président Éric Woerth. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la relance, on pourrait fort bien envisager d’affecter le surplus de recettes dû à la croissance à la baisse du déficit public et à la réduction de l’endettement annuel plutôt qu’à l’isolement d’une partie de la dette liée au covid-19. Vos services ont dû étudier ces deux scénarios. Quel est celui qui est le moins coûteux ?

Mme Zivka Park. Si l’examen du projet de loi de règlement nous conduit à nous poser la question habituelle de la bonne exécution des crédits engagés par rapport à la loi de finances initiale, nous devons aussi, dans le contexte inédit de la crise sanitaire et des lourdes conséquences économiques et sociales qu’elle engendre, nous assurer que l’État a été au rendez-vous des enjeux soulevés par la pandémie. Cela a été le cas à travers la mise en œuvre des dispositifs de soutien d’urgence que nous avons votés. Toutefois, les crédits ouverts n’ont pas été utilisés dans leur totalité. Leur sous-consommation était une possibilité dont nous avions débattu et vous nous avez apporté des éléments de réponse concernant l’écart enregistré et le redéploiement des crédits non utilisés.

Je souhaiterais vous interroger sur les dispositifs de sortie de crise. Vous vous fixez pour objectif d’éviter les chocs de trésorerie pour les entreprises qui ont bénéficié jusqu’à présent des dispositifs d’urgence. Nous devons continuer à accompagner les secteurs les plus lourdement affectés par les mesures de restriction sanitaire afin de les aider à se relever. Je pense aux petits commerçants, aux artisans, aux indépendants, aux professionnels des secteurs de la restauration, de l’hébergement, de l’événementiel, des industries sportives et culturelles et à d’autres encore. Pourriez-vous nous indiquer les lignes directrices que vous comptez suivre pour définir les modalités de ces dispositifs de sortie de crise et leur adaptation aux différents secteurs ?

Mme Émilie Cariou. Messieurs les ministres, vos refus en matière de fiscalité sont idéologiques. Des marges de manœuvre existent, sur l’optimisation fiscale des multinationales ou encore sur les 100 milliards d’euros de niches fiscales qui sont renouvelées tous les ans. Alors que l’argent public coule à flots sur les entreprises, il est crucial que ceux qui réalisent des profits soient mobilisés dans l’effort de solidarité nationale. Or, vous proposez l’austérité aux Français. Je souhaite à cet égard éclairer mes collègues : la baisse des prestations sociales affecte directement le budget des ménages les plus précaires et a donc le même effet qu’une hausse de la fiscalité. Cessez donc votre faux discours sur la préservation des ménages !

Vous nous dites avoir cantonné une partie de la dette, notamment les 150 milliards d’euros de prêts de l’été dernier – mais vous nous parlez d’une ressource fiscale qui devait s’éteindre ! En réalité, vous avez augmenté la fiscalité sur les ménages avec la CRDS, qui frappe aussi les indemnités journalières versées par la sécurité sociale, les indemnités chômage et le SMIC.

Vous avez déjà doublé le plafond des donations exonérées de droits en ligne directe, le passant de 100 000 à 200 000 euros, et les donations des grands-parents peuvent désormais se faire sans droit de donation jusqu’à 80 000 euros. Les quelques milliers d’euros d’exonération dont vous nous parlez s’ajouteront ainsi aux 300 000 euros de donations exonérées par enfant. Cette mesure ne touchera que 5 % des ménages, ceux dont le patrimoine est le plus élevé.

Je récuse votre argumentation sur l’optimisation fiscale, qui se fonde sur le taux d’imposition en France. Ce que propose l’administration Biden, c’est de soumettre les filiales établies dans les paradis fiscaux à un taux minimal de 21 %, alors que les négociations au sein de l’OCDE s’orientent vers un taux de 12,5 %. Voilà le véritable enjeu. Ce qui compte, ce n’est pas le taux appliqué aux États-Unis ou en France, c’est celui pratiqué dans les paradis fiscaux. Si aucun industriel français ne figure parmi les dix principaux producteurs de vaccins ou de matériels de santé – Mme Valérie Rabault a communiqué sur ce sujet cet après-midi –, c’est que tout pousse nos industriels à produire à l’extérieur. La France va-t-elle soutenir le taux minimal de 21 % dans le cadre des négociations au sein de l’OCDE ?

M. Charles de Courson. Vous prévoyez un taux de croissance potentielle de 1,35 %. On trouvait ce chiffre dans les programmes de stabilité de 2017 et 2018, mais la Commission européenne l’estime aujourd’hui à 1 %. Qu’est-ce qui vous permet de penser que nous allons brusquement gagner 0,35 point alors que nous avons sous-investi dans les entreprises en 2020 et 2021 du fait de la crise ?

Vous n’envisagez pas d’augmentation des prélèvements obligatoires. Je vous en félicite, car la France a déjà le taux le plus élevé d’Europe et bientôt du monde si la trajectoire actuelle se poursuit. Il vous reste donc deux options : doper la croissance ou réduire la dépense. Avec un coefficient de capital d’environ quatre, une augmentation d’un point du taux de croissance de la France requerrait 4 % d’investissements supplémentaires par an par rapport au PIB, soit 100 milliards d’euros ; une augmentation de 0,25 point demanderait 20 à 25 milliards d’euros supplémentaires. C’est énorme ! S’agissant de la réduction des dépenses, vous dites : « vivent les réformes structurelles ! » Certes, mais votre réforme des retraites est encalminée durablement et ne ressortira pas d’ici à la fin de la législature. Une augmentation des dépenses liées à l’assurance vieillesse de 1,9 % en volume est prévue pour 2021. Votre objectif de ramener l’augmentation des dépenses publiques à un taux de 0,7 % semble donc très ambitieux : cela représente presque la moitié des dépenses sociales. La constatation est la même pour l’assurance maladie. Où donc comptez-vous faire des économies ?

Mme Christine Pires Beaune. La France n’a pas été en mesure de créer son propre vaccin. Le pays de Pasteur se trouve par conséquent à la merci des Allemands, des Américains, des Chinois et des Russes ; nous sommes tout juste bons à remplir des flacons. Les raisons de ce désastre sont nombreuses et ne sont pas la conséquence des politiques conduites depuis quatre ans mais, à ma grande surprise, le plan de relance ne comprend aucune ligne en faveur de l’effort de recherche en santé. Pourtant, les projets existent – mais le financement des phases cliniques, qui coûtent très cher, est insuffisant. Certes, le taux de succès est faible, de l’ordre de 3 %, mais pour espérer des succès, il faut en financer beaucoup, qui n’ont pas tous besoin de sommes pharaoniques. Le système actuel conduit les découvreurs français, qui sont avant tout des chercheurs, à se vendre à l’étranger. Le risque d’un déclassement pérenne est réel.

Mme Bénédicte Peyrol. Le programme de stabilité indique que le budget vert participe à l’amélioration de la qualité des dépenses publiques. Il me semble important de le souligner.

Les engagements contingents, qui concernent la partie hors bilan des dépenses de l’État, appellent la vigilance. La crise sanitaire en a en effet modifié la structure. Si, jusqu’à présent, les engagements correspondant à des garanties étaient limités, ils sont estimés dans le programme de stabilité à 2,2 milliards d’euros pour 2020-2021 au titre de provisions pour faire face aux défaillances des entreprises ayant souscrit des prêts garantis par l’État. Pourriez-vous nous dire comment cette somme a été calculée ? Que se passera-t-il après 2021 ?

M. Mohamed Laqhila. En raison de la crise sanitaire, l’épargne des Français a atteint un niveau record en 2020, qui sera certainement dépassé en 2021. Avez-vous élaboré des scénarios de désépargne des Français ? L’Observatoire français des conjonctures économiques a travaillé sur deux hypothèses. La première se fonde sur une consommation de 20 % du surplus d’épargne lié à la crise sanitaire ; dans ce cas, en 2022, la croissance française serait de 6 %, le taux de chômage de 8,7 % et la dette publique représenterait 115 % du PIB. Dans le cas où cette épargne ne serait pas consommée, la croissance serait de 4,3 %, le taux de chômage de 9,4 % et la dette atteindrait 117 % du PIB.

Je note que vous ne prévoyez aucune augmentation d’impôt, ce dont je me réjouis. Pourriez-vous toutefois rassurer les épargnants en confirmant que l’épargne ne sera pas fiscalisée ? Quel dispositif envisagez-vous pour inciter les Français à désépargner ?

M. Michel Lauzzana. Pendant la crise, le commerce extérieur de la France a chuté et le déficit commercial s’est fortement creusé. Nous sommes entourés de pays – la Chine, les États-Unis, l’Allemagne – qui déploient des plans de relance comparables, voire supérieurs au nôtre, et nous allons être confrontés en Europe à une augmentation du prix des matières premières. Craignez-vous que cela contrarie le redressement de nos comptes publics ? Le plan de relance est-il calibré pour soutenir notre commerce extérieur ?

M. Brahim Hammouche. Messieurs les ministres, vous plaidez pour la révision de la règle relative au ratio d’endettement public, mais restez favorable au maintien de celle d’un déficit à un niveau inférieur à 3 % du PIB. Votre objectif est de ramener la dette à 117 % du PIB en 2027, bien loin du plafond des 60 % prévu dans le pacte de stabilité et de croissance. Pour y parvenir, vous envisagez un effort de redressement des dépenses dès la fin de la crise. Quels sont les critères objectifs que vous entendez prendre en considération pour définir la sortie de crise ? Ne faudrait-il pas plutôt parler de « crises » au pluriel – d’autant que nous savons que d’autres crises sanitaires peuvent surgir ?

M. Bruno Le Maire. Nous souhaitons mettre en œuvre un dispositif sur mesure pour la sortie de crise, de même que nous avons conçu un dispositif sur mesure pour protéger les entreprises et les salariés durant la crise. Il n’y aura pas un seul instrument qui répondra à la situation de toutes les grandes entreprises, de toutes les PME, de tous les indépendants : il y en aura toute une batterie. Nous avons utilisé pendant la crise quatre instruments principaux : les prêts garantis par l’État, le fonds de solidarité, les exonérations de cotisations et contributions sociales et l’activité partielle. Cela a été simple, massif et efficace. Les dispositifs de sortie de crise devront être aussi simples, aussi massifs et aussi efficaces.

Nous travaillons à une extinction progressive du fonds de solidarité. Je n’exclus pas, évidemment, le maintien d’un filet de sécurité et d’un fonds de solidarité pour les activités qui resteraient durablement suspendues. Certaines activités vont pouvoir reprendre et elles retrouveront immédiatement l’intégralité de leur chiffre d’affaires – par exemple, les commerces de vêtements. D’autres devront respecter des règles sanitaires qui auront un impact sur leur chiffre d’affaires : dans les restaurants, par exemple, on appliquera une jauge, un espacement minimal entre les tables, une distinction entre terrasses et salles intérieures. On ne peut retirer à un restaurant, du jour au lendemain, le bénéfice du fonds de solidarité. Il nous faut tenir compte de ce que vivent concrètement les Français pour être au plus près de leurs attentes concernant la protection que doit leur apporter la puissance publique.

S’agissant des prêts garantis par l’État, je pense que la question est réglée. Toutes les entreprises qui le souhaiteront auront la possibilité de commencer à les rembourser avec un délai supplémentaire d’un an, c’est-à-dire au printemps 2022 plutôt qu’au printemps 2021. Ce différé leur apporte, je crois, un réel soutien.

Les prêts participatifs sont réservés aux entreprises les mieux portantes, celles dont la santé est suffisamment bonne pour qu’elles puissent envisager d’investir à nouveau. Nous mettons 20 milliards d’euros à leur disposition sous la forme de quasi-fonds propres, afin de ne pas peser sur leur endettement. Nous y avons travaillé pendant près de six mois.

Je l’ai annoncé ce matin : nous travaillons également à des accompagnements spécifiques pour les entreprises qui font face à un mur de dettes et qui, même si elles peuvent être viables d’ici deux ou trois ans, ne peuvent pas s’en sortir dans les mois qui viennent. Cet accompagnement se fera au cas par cas pour chacune de ces entreprises. Je ne veux pas voir disparaître des entreprises qui sont structurellement viables mais confrontées à des difficultés conjoncturelles insurmontables. Cet accompagnement spécifique pourrait s’exercer à l’échelon local, grâce par exemple aux comités départementaux d’examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI), dans lesquels siègent des commissaires aux comptes et des représentants des tribunaux de commerce, des services de l’État et des banques, soit autant d’acteurs de terrain. Je souhaite que ces comités soient renforcés et que nous réfléchissions à l’éventuelle création d’une structure nationale de supervision afin que l’on s’assure que chaque entreprise viable mais confrontée à des difficultés insurmontables à cause du mur de la dette trouve une solution. Ces solutions, qu’il s’agisse d’un étalement ou d’une annulation partielle de la dette, seront décidées – j’y insiste afin de ne pas susciter de faux espoirs – au plus près des territoires et au cas par cas ; en outre, la réflexion sur la création d’une structure nationale n’a pas encore abouti : il faut consulter tous les acteurs pour savoir si chacun est prêt à participer à cet effort. Il reste que les entreprises ont besoin d’être accompagnées dans cette période de sortie de crise, dont j’ai parfaitement conscience qu’elle est la plus périlleuse pour elles. Je ne voudrais pas que l’on perde en quelques semaines le produit des efforts que nous avons consentis depuis douze mois.

Madame Cariou, vos propos, si je puis me permettre, portent à confusion. Je vais donc apporter quelques précisions. Je suis totalement opposé à l’optimisation fiscale et a fortiori au détournement fiscal par les grandes multinationales. Je défends depuis près de quatre ans l’idée d’une imposition minimale sur les sociétés. J’aurais aimé que l’Union européenne soit capable de faire l’harmonisation fiscale par le haut et qu’elle mette ainsi fin à un dumping fiscal qui ruine la crédibilité européenne. Malheureusement, la règle de l’unanimité fait obstacle à l’harmonisation fiscale. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à la majorité qualifiée sur les sujets fiscaux. Le paradoxe, c’est qu’il est probable qu’il sera mis fin au dumping fiscal en Europe grâce à un accord conclu au sein de l’OCDE. Ce que l’Union européenne n’aura pas été capable de faire faute de majorité qualifiée, un autre organisme international, l’OCDE, parviendra probablement à le faire. L’Europe ne peut accepter des modèles économiques fondés sur le dumping fiscal. C’est une voie sans issue.

J’ai proposé 12,5 % comme taux minimal d’impôt sur les sociétés au niveau international. Certes, l’exécutif américain propose 21 %, mais je pense que le Sénat défendra une position différente. Quoi qu’il en soit, un tel taux ne me poserait aucun problème. Le taux de l’impôt sur les sociétés est en France de 25 % : nous ne faisons pas partie des moins disant fiscaux. En revanche, je ne veux pas que nous soyons la lanterne rouge des pays développés en matière d’imposition. Or, c’est ce que nous sommes depuis plusieurs décennies. Il convient d’y remédier.

Vous nous reprochez de tenir un faux discours sur la préservation des ménages. Ce n’est pas un faux discours, c’est une réalité économique. Malgré la récession économique que nous avons traversée en 2020 – la plus forte depuis 1929 –, nous avons, selon les données de l’INSEE, augmenté le pouvoir d’achat des ménages de plus de 0,6 %. J’ai conscience que ce chiffre cache des situations très différentes, mais vous ne pouvez pas dire que nous n’avons pas fait le maximum pour préserver le pouvoir d’achat des ménages ! Les dispositifs de chômage partiel et d’activité partielle de longue durée, les mesures de soutien aux entreprises leur ont permis de résister aux chocs. Nous devrions collectivement être fiers d’avoir obtenu ce résultat.

Pourquoi, monsieur de Courson, avoir retenu un taux de croissance potentielle de 1,35 % ? Afin de compenser le sous-investissement que notre pays a connu, un tiers du plan de relance tend à améliorer la compétitivité des entreprises : 10 milliards d’euros seront ainsi consacrés à la baisse des impôts de production pour renforcer la compétitivité-coût des entreprises et leur permettre d’investir. Par ailleurs, le quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA) est doté d’une enveloppe de 20 milliards d’euros, soit le double du précédent.

Madame Pires Beaune, je partage, ainsi que beaucoup de Français, votre déception que le pays de Pasteur n’ait pas été capable de produire rapidement son propre vaccin, mais je ne perds pas espoir de voir Sanofi nous proposer un vaccin efficace dans les mois qui viennent. Je crois en les forces de mon pays. Plutôt que de s’arrêter à cette défaite, rassemblons-nous pour nous battre et tirons-en les conséquences en matière de politique de santé publique. Le quatrième PIA prévoit dans ce secteur 670 millions d’euros d’investissements sur cinq ans, dont 130 millions d’euros pour la lutte contre les maladies infectieuses, 150 millions d’euros pour les biothérapies et 150 millions d’euros pour la santé digitale. En outre, je me bats pour que l’Union européenne adopte un programme d’intérêt collectif en matière de santé. Je souhaite aussi que la France et l’Europe renforcent leur indépendance pour ce qui concerne les molécules servant de principes actifs aux médicaments, et qu’elles ne dépendent pas de l’Inde ou de la Chine.

Je vous confirme, monsieur Laqhila, que nous ne taxerons pas l’épargne, car je pense que taxer l’épargne des Français pour les inciter à consommer n’est ni efficace ni juste.

Monsieur Lauzzana, je partage votre inquiétude concernant l’augmentation du coût des matières premières. C’est un sujet de préoccupation pour beaucoup de chefs d’entreprise.

Monsieur Hammouche, la crise économique touchera à sa fin quand la France aura retrouvé son niveau d’activité de 2019, c’est-à-dire dans le courant de l’année 2022.

M. Olivier Dussopt. L’INSEE souligne que, jusqu’à la fin du troisième trimestre 2020, l’évolution du pouvoir d’achat des ménages était légèrement négative, en baisse de 0,2 point. Elle est devenue positive, en hausse de 0,6 point, au cours du quatrième trimestre, sous l’effet conjugué, premièrement et à hauteur de 5,2 milliards d’euros, de la baisse de l’impôt sur le revenu qui a porté sur les deux premières tranches d’imposition conformément à la loi de finances que vous aviez adoptée et, deuxièmement, de la suppression du troisième tiers de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. Ce sont ces deux mesures qui ont provoqué l’effet de bascule.

Dans le cadre du quatrième PIA, 400 millions d’euros seront affectés, en sus des programmes mentionnés par M. Bruno Le Maire, à des traitements du covid-19. Des mesures transversales sont en outre prévues, puisque l’Agence nationale de la recherche se voit allouer 400 millions d’euros. De plus, un dispositif de préservation des emplois dans le domaine de la recherche et du développement sera financé à hauteur de 300 millions d’euros, ce qui contribuera à préserver 2 500 emplois par an, alors que ces emplois étaient menacés du fait des restrictions financières liées à la crise sanitaire. Ce dispositif est piloté par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, parallèlement au crédit d’impôt recherche.

Madame Peyrol, je confirme que nous comptons utiliser et développer le budget vert, car il permet d’améliorer la gouvernance des finances publiques. Nous avons récemment évoqué quelques pistes avec vous, comme l’élargissement du périmètre des dépenses de l’État faisant l’objet d’une cotation ou le renforcement de la performance des dépenses fiscales.

Vous avez raison de souligner que l’année 2020 a fortement modifié les engagements contingents, puisqu’ils représentaient un peu plus de 200 milliards d’euros en 2019 et que nous avons engagé à ce jour 130 milliards d’euros au titre des prêts garantis à 90 % par l’État. Les provisions de 2,2 milliards d’euros qui apparaissent dans le programme de stabilité pour les exercices 2020 et 2021 s’appuient sur un taux de sinistralité tenant notamment compte de la défaillance définitive des entreprises qui ont contracté un prêt garanti par l’État. Ce taux a été fixé pour les années à venir au même niveau que pour la mise en place du plan de relance, à savoir entre 5 % et 6 %. Grâce tant à nos contacts avec les établissements bancaires, qui connaissent le niveau d’utilisation des prêts garantis par l’État une fois qu’ils ont été souscrits, qu’aux diverses mesures prises, comme l’encadrement des taux ou le décalage de la première échéance, nous sommes confiants quant à la capacité de remboursement des entreprises.

M. le président Éric Woerth. Merci, messieurs les ministres, pour vos réponses.

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