Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Commissions d’évaluation des politiques publiques relevant du ministère de la culture : Mme Roselyne Bachelot, ministre 2
Culture :
- Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la culture : Mme Dominique David, rapporteure spéciale 2
- Patrimoines : M. Gilles Carrez, rapporteur spécial.......4
Médias, livres et industries culturelles ; compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public : Mme Marie-Ange Magne, rapporteure spéciale 15
– Commissions d’évaluation des politiques publiques relatives aux missions Conseil et contrôle de l’État, Direction de l’action du Gouvernement et Pouvoirs publics : M. Marc Fesneau, ministre délégué 26
Conseil et contrôle de l’État, M. Daniel Labaronne, rapporteur spécial: 26
Pouvoirs publics : M. Christophe Naegelen, rapporteur spécial.28
Direction de l’action du Gouvernement ; Publications officielles et information administrative : Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteur spécial 31
Jeudi
27 mai 2021
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 84
session ordinaire de 2020-2021
Présidence de
M. Éric Woerth,
Président
puis de
M. Daniel Labaronne
Vice-président
— 1 —
La commission, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, entend Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture.
M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, nous accueillons Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture, pour examiner, en deux discussions, les politiques publiques qui relèvent de son ministère. M. Marc Fesneau lui succédera pour l’examen des politiques publiques relatives aux missions Conseil et contrôle de l’État, Direction de l’action du Gouvernement et Pouvoirs publics.
Je rappelle rapidement les règles des temps de parole pour chacune des discussions : les rapporteurs spéciaux disposent de dix minutes pour présenter l’exécution et la consommation des crédits ainsi que le thème qu’ils ont choisi de traiter ; les rapporteurs pour avis, s’ils sont présents, ont cinq minutes ; le ou la ministre leur répond en quinze minutes, après quoi s’exprimeront les orateurs des groupes et les inscrits, qui recevront une réponse du Gouvernement dans le même laps de temps.
Mme Dominique David, rapporteure spéciale (Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la culture). Enfin, nous y sommes ! Les rideaux de nos théâtres, de nos opéras, se sont levés ; les portes de nos musées et de nos galeries se sont rouvertes. Nous espérons tous que, plus jamais, nous ne serons éloignés aussi longtemps de la culture. Cette réouverture, nous la devons à l’ensemble des professionnels de la culture qui ont su faire preuve de résilience tout au long des années 2020 et 2021, mais nous la devons surtout aux multiples dispositifs d’aide mis en place par l’État. Ce soutien à la culture est sans équivalent en Europe : 5 milliards d’euros d’aides transversales pour le secteur, l’année blanche pour les intermittents du spectacle à hauteur de près d’un milliard d’euros et de multiples aides sectorielles.
Concernant le programme 131, dédié à la création dans le spectacle vivant et les arts visuels, le dépassement de l’enveloppe prévue en loi de finances initiale n’est que de 74 millions d’euros en crédits de paiement (CP), soit une sur-exécution de 9 %. Les dispositifs d’aide mis en place n’en ont pas pour autant été moins utiles. Ainsi, le fonds d’urgence spécifique de solidarité pour les artistes et les techniciens du spectacle (FUSSAT) a bénéficié à plus de 10 000 artistes et techniciens du spectacle ; 500 théâtres, 370 entrepreneurs de spectacles, 150 compagnies ont été soutenus par l’association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) ; 400 festivals ont été soutenus par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), le fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) ayant pleinement joué son rôle. En un mot, le monde de la culture a été maintenu à flot. Au regard du caractère inédit de la crise, l’engagement des agents et des opérateurs du ministère de la culture, qui ont su répondre présent, dans des conditions de travail souvent très dégradées, est à saluer.
Cela n’empêche pas de poser des questions. J’ai bien conscience que les différents dispositifs ont été conçus et mis en place au fil de l’eau, dans l’urgence, sans toujours avoir le recul nécessaire pour les optimiser, mais je m’étonne de la multiplication des organismes payeurs. Si le ministère y a gagné en souplesse et en efficacité, il semble y avoir perdu en capacité de pilotage d’ensemble. Ainsi, il arrivait parfois qu’une différence d’un à dix apparaisse entre le calcul des aides de compensation de billetterie de l’ASTP et celui du centre national de la musique (CNM), ce qui a conduit certaines salles à privilégier une esthétique relevant du champ du CNM plutôt qu’une création théâtrale, lors de la reprise.
On s’est également rendu compte que les DRAC ne connaissaient pas toujours très bien le modèle économique des principales scènes qu’elles subventionnent, en particulier leur niveau de charges ou de recettes. La crise ne doit-elle pas nous offrir l’occasion de renforcer ce suivi financier ?
Concernant le programme 224, qui comprend les dépenses de fonctionnement du ministère et les dépenses de l’enseignement supérieur et de l’éducation artistique et culturelle, on constate une légère sous-exécution de 15 millions d’euros en crédits de paiement en 2020, du fait notamment de retard dans les recrutements. Je souhaite, comme l’a rappelé la Cour des comptes, que le ministère soit en mesure de connaître plus précisément le plafond d’emplois de ses opérateurs, notamment les établissements supérieurs de la culture.
Pour ce qui concerne les dépenses de l’éducation artistique et culturelle, le pass culture a été exécuté en 2020 à hauteur de 25 millions d’euros contre 39 millions prévus en loi de finances initiale, ce qui n’a rien d’anormal puisque la crise sanitaire a conduit à reporter en 2021 son élargissement à l’ensemble du territoire. Je m’en réjouis et je salue l’engagement du Président de la République qui en avait fait une promesse de campagne. Je connais les doutes de mes collègues, y compris au sein de cette commission, mais le pass culture est un outil formidable au service de la relance.
D’abord, il permettra de promouvoir l’offre culturelle des territoires. Prenons l’exemple de la métropole bordelaise dont je suis élue. Il n’existe aucune vitrine qui répertorie l’ensemble des spectacles, concerts, expositions. Il faut être initié pour obtenir l’information ! Pour amener vers la culture de nouveaux publics, il convient au moins de les informer de l’ensemble des offres, ce que le portail du pass culture permettra. Il favorisera, ensuite, les échanges, la co-construction de projets et les partenariats avec les acteurs de la culture. Peut-être, un jour, sera-t-il le moyen de réfléchir à l’aménagement culturel du territoire, en prenant en compte tous les acteurs. À la faveur de la crise, les professionnels se sont structurés et regroupés ; ils ont des idées, offrons-leur la possibilité de se parler.
Enfin, l’été culturel a été une réussite. Il a bénéficié du redéploiement des crédits du pass culture à hauteur de 20 millions d’euros. Pas moins de 8 000 artistes ont été réunis pour plus d’un million de personnes touchées, notamment dans les quartiers populaires. L’été 2021 sera-t-il à nouveau culturel dans nos quartiers ?
Le soutien public de crise apporté aux opérateurs nationaux du programme 131 constitue la thématique de mon rapport. Les opérateurs nationaux de la création ont subi, comme tout le monde, les fermetures, mais pour la plupart d’entre eux, celles-ci ont permis d’améliorer sensiblement leur niveau de trésorerie et de fonds de roulement. En effet, la subvention pour charges de service public couvre souvent les charges fixes – le théâtre en ordre de marche. Pendant la crise, ces opérateurs, qui n’ont pas engagé de dépenses artistiques, se portent donc plutôt mieux. Certains pourraient, dès lors, s’étonner que des aides supplémentaires, même minimes – 13 millions d’euros en 2020 –, aient été apportées en gestion à certains de ces opérateurs, comme le théâtre national de l’Opéra-comique ou le théâtre national de Chaillot. En réalité, ces aides ont été apportées durant l’été, alors que le deuxième confinement ne pouvait pas être anticipé. Par ailleurs, une part de la trésorerie accumulée est d’ores et déjà fléchée vers des dépenses d’investissement qui n’ont pu être réalisées en 2020, ce qui est vertueux. Enfin, les dépenses artistiques ont été reportées du fait de l’annulation des spectacles et les marge de manœuvre dégagées doivent permettre de relancer l’activité artistique en 2021.
La situation est différente pour les établissements qui dépendent surtout de recettes propres et dont la situation s’est dégradée. C’est le cas pour la Philharmonie, la Comédie-Française et, surtout, l’Opéra national de Paris, dont les finances sont exsangues. L’aide du Plan de relance accordé à l’Opéra en 2021 a seulement permis de combler le déficit de 2020, la perte nette étant estimée à plus de 40 millions. C’est, fort heureusement, le seul opérateur pour lequel l’aide du Plan de relance a servi à solder le déficit de 2020. L’établissement devra donc être à nouveau aidé en 2021, sans doute dès la loi de finances rectificative.
De ce travail de suivi, je tire quatre conclusions. L’exemple de l’opéra Bastille rappelle que le modèle économique de certains opérateurs est de moins en moins viable alors que demain, en sortie de crise, il faudra maîtriser, voire réduire, la dépense publique. Des réformes sans doute difficiles devront être conduites. La crise doit être l’occasion d’amorcer la réflexion. Je suis impatiente de lire les conclusions du rapport de Caroline Sonrier sur l’art lyrique en France et celui de Georges-François Hirsch et Christophe Tardieu sur l’Opéra de Paris.
Le pilotage financier de la direction générale de la création artistique (DGCA) peut être encore renforcé, même si le dialogue avec les autorités budgétaires a été sensiblement amélioré ces derniers mois. La DGCA doit avoir une vision actualisée et la plus précise possible de la situation financière de ses opérateurs.
Enfin, je constate que l’on répond aujourd’hui aux difficultés de trésorerie d’un opérateur par une subvention pour charges de service public. Or la subvention couvre un besoin de financement structurel, pas des difficultés temporaires. On me répondra que le montant des subventions peut être modulé d’une année sur l’autre mais on sait que, dans les faits, ce mécanisme est quasiment irréalisable. L’État devrait pouvoir aider des opérateurs à court terme sans en passer par l’attribution d’une subvention.
Enfin, le ministère de la culture doit se doter d’une loi de programmation pluriannuelle concernant ces investissements. Les projets sont nombreux et nécessiteront des décaissements importants dans les prochaines années. Il est indispensable de les anticiper et de disposer d’une visibilité sur la trajectoire d’investissements.
M. Gilles Carrez, rapporteur spécial (Patrimoines). Le programme 175 Patrimoines a connu un curieux taux d’exécution de 114 %. C’est pour partie la conséquence du rattachement du fonds de concours lié à la souscription nationale pour la cathédrale Notre-Dame. Les travaux de sécurisation se terminent. Ils se sont déroulés correctement, avec des marchés de gré à gré, sans mise en concurrence. Nous entrons à présent dans une phase différente, celle de la restauration, qui nécessitera de passer 135 marchés publics. Nous devrons suivre tout particulièrement le déroulement des opérations. Nous devrons être très attentifs à la maîtrise d’ouvrage qu’exerce l’établissement public. Il ne doit pas être contraint, du fait d’une insuffisance d’effectifs éventuelle, à multiplier les contrats externes d’assistance à maîtrise d’ouvrage. Par ailleurs, nous devrons prendre garde à la relation entre la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre, qui présente la particularité d’être une maîtrise d’œuvre imposée, composée de trois architectes en chef des monuments historiques. Tout en maintenant l’unicité de la maîtrise d’œuvre, il faudra la doter de compétences qui dépassent celles des chantiers habituels des monuments historiques, par exemple avec des prestations d’ordonnancement, de pilotage et de coordination. Ce chantier est très médiatisé et nous ne pourrons pas nous permettre le moindre déboire.
Je voudrais également faire une observation concernant la restauration des monuments historiques, et la part croissante que les grands projets occupent dans les crédits du programme. Nous avons abondamment parlé du Grand Palais à l’automne dernier. Les deux principales difficultés tiennent au calendrier et aux risques de dépassement budgétaire. À cet égard, j’appelle votre attention sur le projet présidentiel de restauration du château de Villers-Cotterêts. Son coût total a été révisé en hausse de 68 % avec un complément de 100 millions d’euros du Plan de relance en 2021 et 2022. Comme l’an passé, la Cour des comptes s’interroge sur la programmation des grands travaux. Elle relève que les calendriers des schémas directeurs de travaux n’ont pas été réévalués en 2020 malgré la crise sanitaire et estime que certaines échéances apparaissent irréalistes.
Inversement, hors grands projets, la consommation des crédits pour monuments historiques diminue par rapport à la programmation. Comme en 2019, la sous-consommation affecte entièrement les subventions pour les monuments historiques n’appartenant pas à l’État, c’est-à-dire les propriétaires privés et les collectivités locales, qui sont pourtant propriétaires de 97 % des 45 000 immeubles classés ou inscrits en France. Les crédits augmentent mais ils sont sous-consommés, du fait de difficultés structurelles et non pas seulement en raison de la crise sanitaire.
Le contrôleur budgétaire et comptable ministériel alertait ainsi sur l’insuffisance des budgets opérationnels de programme déconcentrés. Il y a bel et bien un biais budgétaire en défaveur des crédits de titre 6, les subventions déconcentrées dans les DRAC, ce qui occasionne des redéploiements vers les dépenses de titre 5 ou de titre 7, des investissements de l’État dans son propre patrimoine, directement ou par l’intermédiaire des opérateurs. De nombreuses DRAC ont d’autant plus de difficultés à traiter les dossiers que leurs services subissent des vacances de postes importantes et récurrentes. Elles ne peuvent plus, en particulier, délivrer leurs conseils aux petites communes, où se trouvent la moitié des monuments historiques.
Vous avez la chance, dans ce ministère, de disposer de services extérieurs extraordinaires. Avec la quasi-disparition de l’expertise déconcentrée de l’État dans les domaines de l’équipement, ce sont vos services déconcentrés, les DRAC, qui disposent de l’expertise dans le domaine de l’urbanisme, de l’architecture, du traitement de l’espace public, de la qualité du mobilier urbain. Vous êtes une femme de culture, vous savez à quel point ce sont des aspects essentiels à la mise en valeur du patrimoine, et vos services, les DRAC, peuvent dispenser les meilleurs conseils en la matière.
Beaucoup de postes sont vacants alors qu’il faudrait les renforcer. Je peux donner en exemple une demande de permis de construire à proximité d’un monument classé. L’architecte des bâtiments de France (ABF), en congé maladie, n’ayant pas été remplacé, la DRAC n’a pas donné d’avis, lequel a été réputé favorable ! Quelles sont vos marges de manœuvre pour renforcer ces services extérieurs, dont le travail est d’une importance exceptionnelle ?
S’agissant des dépenses fiscales rattachées au programme, les documents budgétaires présentent, depuis l’automne dernier, une forte révision à la baisse du chiffrage des deux principaux dispositifs pour les propriétaires privés : l’imputation des déficits fonciers sur le revenu global, sans limitation de montant, et la déduction des charges foncières, dont le coût total passerait de 102 à 45 millions. Pour quelle raison ? Je suggère d’identifier spécifiquement les charges foncières liées aux monuments historiques dans les formulaires de déclaration d’impôt sur le revenu.
J’en viens aux grands établissements muséaux et patrimoniaux, dont la fréquentation a chuté de 71 % en 2020 ! C’est particulièrement dramatique pour des établissements comme Versailles ou le musée du Louvre, essentiellement visités par des touristes étrangers. Les pertes budgétaires totales s’élèvent à 300 millions d’euros en 2020, ces établissements n’ayant réalisé que de faibles économies puisqu’ils n’étaient pas éligibles au régime de l’activité partielle.
Ce premier choc budgétaire a été absorbé grâce à un soutien d’urgence de 40 millions, en 2020, mais surtout par les fonds de roulement des établissements. Or ces fonds sont surtout prévus pour programmer des travaux ultérieurs. C’est particulièrement vrai pour le musée du Louvre ou de Versailles. Pour 2021, plus de 300 millions d’euros du Plan de relance devaient permettre de reconstituer des marges de manœuvre, mais cela est annihilé par le deuxième confinement qui a représenté six mois de fermeture supplémentaire et conduira, quoi qu’il advienne dans les prochains mois, à une baisse de la fréquentation supérieure en 2021 à celle de 2020. Avez-vous prévu d’ouvrir des crédits à ce titre dès la prochaine loi de finances rectificative ?
Je dirai un dernier mot sur le pilotage de ces grands établissements, la gouvernance et le financement. Heureusement, il n’y a plus d’intérim au Louvre puisque le successeur vient d’être nommé. Au château de Versailles, Catherine Pégard arrive au terme de son mandat. Un appel à candidature a été lancé au Centre Pompidou. J’avoue ne pas comprendre : certaines nominations, comme au Louvre, se font de gré à gré, comme s’il s’agissait du fait du prince ; d’autres se font après un appel à candidatures, comme pour le Centre Pompidou. Y aura-t-il un appel à candidature pour assurer la succession de Laurence des Cars, à Orsay ? Il serait souhaitable de définir clairement les modalités de désignation.
Par ailleurs, ces établissements, encouragés par le ministère, ont développé des ressources propres, grâce à la billetterie mais aussi au mécénat. Laurence des Cars, tout comme son prédécesseur, ont réalisé un travail formidable à Orsay, qui a permis d’attirer des mécènes américains. À Versailles, le mécénat d’une fondation suisse a permis de restaurer la chapelle royale. L’accord international avec les Émirats arabes unis pour le Louvre Abou Dhabi apporte près d’un milliard d’euros sur la durée du partenariat. Hélas, ces financements trouvent leur limite dans certaines circonstances, comme la crise sanitaire qui nous frappe. Il faut soutenir, au moins temporairement, ces grands établissements, sinon nous devrons compenser par des crédits budgétaires leurs dépenses de fonctionnement et les dépenses d’investissement, destinées à financer la restauration ou l’acquisition d’œuvres d’art seront reportées, ce que nous devons éviter. Je vous propose, une fois encore, d’autoriser ces grands établissements patrimoniaux, à emprunter. L’exemple de l’hôtel de la Marine montre que cette solution peut se révéler efficace.
Enfin, je tiens à remercier vos services, en particulier la direction générale des patrimoines et de l’architecture (DGPA), et son nouveau directeur.
M. le président Éric Woerth. La Cour des comptes a, en effet, relevé que le calendrier des schémas directeurs était soumis à caution ; il n’a pas été réévalué en 2020. Les échéances vous semblent-elles encore réalistes ? De quelles garanties disposons-nous ?
Par ailleurs, nous nous réjouissons que les monuments historiques reçoivent de nombreuses subventions de la part de l’État, mais aussi d’organismes privés, des collectivités locales, en particulier les régions. Comment votre ministère favorise-t-il ces participations ? Je suppose que les DRAC jouent un rôle fondamental.
Quant à l’Opéra de Paris, dont le déficit structurel est alarmant, on peut se demander si le moment ne serait pas venu de faire évoluer son modèle de financement, qui repose sur une hausse constante du prix des billets. Vous avez demandé un rapport à Georges-François Hirsch et Christophe Tardieu, deux éminents spécialistes du sujet. Quelles seraient les pistes d’évolution susceptibles de nous rassurer ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Avant de vous répondre, je voudrais dire quelques mots du budget du ministère de la culture en 2020. La mise à l’arrêt de tous les équipements et lieux culturels pendant les deux confinements a mis en péril tout un pan de l’activité économique du pays. La culture représente 2,3 % du PIB et plus de 650 000 emplois directs, sans compter les effets sur l’ensemble de l’économie.
Durant les neuf premiers mois de l’année 2020, la perte de chiffre d’affaires des entreprises du champ culturel a ainsi été évaluée à moins 15 % au regard de la même période en 2019. L’État a été au rendez-vous tout au long de la crise, pour l’ensemble des secteurs culturels, dans leur diversité et leurs spécificités. On cite souvent le chiffre de 11 milliards mais en réalité plus de 12 milliards ont été mobilisés pour la culture depuis le début de l’épidémie.
Les dispositifs transversaux ont largement bénéficié aux acteurs culturels qui ont subi de plein fouet les effets des confinements successifs. Nous avons veillé, tout au long de la crise, à concevoir des dispositifs spécifiques, quitte à donner l’impression d’agir au coup par coup. C’est que la situation nous obligeait à agir très rapidement et à faire preuve d’imagination pour aider des gens en grande difficulté. Aucun pays n’a soutenu à ce point la culture, ce qui témoigne de la place qu’elle occupe dans notre pays.
Nous avons soutenu les labels en difficulté, préparé la réouverture des festivals, aidé les artistes auteurs. Même si ces crédits ne relèvent pas de mon ministère, rappelons que l’année blanche pèsera sur le budget du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion. Nous venons d’en prolonger le dispositif jusqu’à la fin de l’année 2021.
Malgré ce niveau inédit de crédits débloqués, notamment en fin de gestion, l’exécution de notre budget en 2020 atteint un taux très satisfaisant de 98,5 %, voire de 99,9 % si l’on intègre les reports de crédits accordés pour 2021, qu’il n’a pas été possible de consommer en 2020. Un tel niveau d’exécution n’a pu être atteint que grâce à l’engagement des agents du ministère en administration centrale et dans les DRAC. Ils ont travaillé dans des conditions extrêmement difficiles, réussissant à absorber les pics d’activité malgré deux confinements successifs qui leur ont imposé d’adapter leurs méthodes de travail – mais nous reviendrons sur le sous-équipement des DRAC en matériel informatique, que je m’emploie à résorber.
Cet excellent résultat montre aussi que les aides demandées ont été calibrées au plus juste. Nous continuons d’accompagner l’ensemble des pans du secteur culturel. Depuis le début de l’année, 280 millions d’euros ont été débloqués au titre de mesures sectorielles complémentaires. Mes services sont en train d’évaluer, en liaison avec Bercy, les pertes de recettes enregistrées en 2021 par les opérateurs nationaux, qui sont, eux aussi, restés fermés en début d’année et dont la fréquentation internationale est considérablement fragilisée – je rappelle que 70 % des visiteurs du Louvre sont étrangers.
J’en viens maintenant à vos questions.
S’agissant, Madame David, de la multiplication des organismes payeurs et du différentiel des aides de compensation suivant qu’elles sont versées par l’intermédiaire du CNM ou de l’ASTP, je rappelle que ces dispositifs ont été conçus en concertation avec les opérateurs et les filières précisément pour tenir compte des différences de modèle économique et de besoins, car il importe de répondre à la diversité des situations. On rêverait de machinerie technocratique, de guichet unique, d’être tous logés à la même enseigne, car notre pays aime l’égalité, mais il faut, pour ce qui concerne la culture, répondre à des modèles économiques fondamentalement différents. C’est difficile, mais je crois que c’est la bonne manière d’opérer.
Concernant la sous-exécution de 15 millions d’euros en 2020 liée à des retards dans les recrutements par rapport au plafond d’emplois des opérateurs, vous avez totalement raison. Le ministère conduit d’ailleurs depuis le début du quinquennat un important travail de « sincérisation » des plafonds des opérateurs ; je souhaite que cet exercice aille à son terme.
Il est bien évident que les DRAC participent de près à la gouvernance des scènes et des labels subventionnés, soit en tant que membre du conseil d’administration, soit à travers des comités de pilotage et de suivi. Les budgets prévisionnels et définitifs des labels sont présentés à l’occasion de ces conseils ou de ces comités. Un contrôle est exercé chaque année par les DRAC sur les comptes financiers des structures labellisées au moment du renouvellement de leur subventionnement. L’élaboration des conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO), en partenariat avec les collectivités territoriales, est l’occasion d’assurer un contrôle qualitatif et quantitatif de la structure, en s’appuyant sur des indicateurs, notamment financiers. Pendant la crise sanitaire, les DRAC ont été en contact régulier avec les lieux subventionnés afin d’évaluer l’impact du covid-19 sur leur équilibre financier et ajuster au mieux leur subventionnement. Je me tiens à votre disposition pour avancer dans ce domaine.
Je vous remercie d’avoir souligné l’importance du pass culture et de l’été culturel et apprenant. L’offre culturelle dans notre pays est tout à fait remarquable. Depuis soixante ans, les politiques culturelles ont été en général des politiques de l’offre ; on s’est beaucoup moins intéressé à la demande. Or les études montrent – en particulier l’étude décennale sur les pratiques culturelles des Français, dont la dernière édition est parue en juillet 2020 – que seulement 10 % des Français sont des consommateurs réguliers de spectacles vivants, et que sur ces 10 %, les trois quarts appartiennent aux CSP+. Le chantier de la démocratisation culturelle est encore devant nous ! C’est ce changement de paradigme qu’il nous faut engager et le pass culture est de ce point de vue extrêmement important. Comme je l’ai indiqué lors des questions au Gouvernement, sa généralisation connaît un réel succès, avec 600 000 connexions en deux jours, soit plus que pour l’application TousAntiCovid. Désormais, on s’intéresse davantage à la culture qu’à la pandémie !
Certes, l’un n’exclut pas l’autre, mais on sent une réelle appétence – la phase expérimentale nous l’a montré. Bien évidemment, nous avons prévu des garde-fous pour qu’il n’y ait pas sur-consommation de produits de l’industrie numérique. Surtout, comme nous regrettions que le dispositif ne s’adresse qu’aux plus de 18 ans, il sera étendu dès le 1er janvier 2022 à tous les jeunes à partir de la classe de quatrième, à raison de 200 euros échelonnés jusqu’en terminale, puis d’une dotation de 300 euros.
Quant à l’été culturel et apprenant, qui avait été doté de 20 millions d’euros, il sera reconduit, avec la même enveloppe, en 2021. Il a rencontré un réel succès. Je me suis rendue cet été sur le lieu de certaines de ces manifestations, qui, au nombre de 10 000, ont touché un million de spectateurs et ont permis à 8 000 artistes de travailler – parfois dans des quartiers très défavorisés. Il s’agit là, je crois, d’une belle et bonne activité culturelle.
Nous avons été à la manœuvre pour soutenir l’Opéra de Paris, qui va bénéficier d’une aide de 81 millions d’euros en 2021 et 2022, dans le cadre du Plan de relance. Toutefois, je suis de votre avis : il ne peut s’agir d’une simple subvention de secours. L’Opéra de Paris rencontre des difficultés structurelles, et c’est pourquoi j’ai confié une mission à Caroline Sonrier sur le rôle de tête de réseau qu’il doit jouer par rapport aux opéras de province et une autre à Georges-François Hirsch et Christophe Tardieu, dont vous connaissez les compétences puisqu’ils ont assumé des fonctions à la tête de notre vaisseau amiral lyrique. On est en train d’expertiser tout cela, et je pense qu’il serait souhaitable, monsieur le président de la commission, que je revienne devant vous lorsque la réflexion aura abouti, d’autant qu’elle suppose des concertations indispensables avec l’équipe de l’Opéra de Paris et les partenaires sociaux. Je ne voudrais pas donner le sentiment erroné d’avoir déjà tout décidé depuis la rue de Valois. Le sujet est très sensible, mais les réformes sont nécessaires, et je crois que l’ensemble des acteurs de l’Opéra de Paris en sont conscients.
Anticiper les dépenses d’investissement de nos opérateurs est assurément l’une de mes préoccupations, à la fois pour des raisons de soutenabilité budgétaire et pour donner aux gestionnaires de la visibilité, ce qui est encore plus nécessaire après la crise que nous venons de traverser. Nous sommes en train d’y travailler avec Bruno Le Maire et Olivier Dussopt, et je ne voudrais pas anticiper sur les négociations relatives à la loi de finances. Sachez néanmoins que j’ai mon couteau et ma lance : ce sont des discussions dites viriles, mais les femmes peuvent y prendre part !
Vous avez raison, Monsieur Carrez : la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris est un chantier considérable – je peux en témoigner, pour l’avoir visité déjà deux fois. On est impressionné par la sensation de vide que l’on a sur la passerelle, ainsi que par la complexité des travaux à mener. On en est pour l’instant au déblaiement, à la stabilisation et à la consolidation de l’édifice ; la restauration proprement dite n’a pas encore commencé. On espérait l’engager au dernier trimestre 2021, mais cela prendra peut-être un peu de retard. Les travaux de restauration de la charpente, de la couverture et de la flèche seront menés parallèlement. En tout cas, les architectes sont d’avis que la tenue en 2024 de la célébration que le Président de la République a évoquée est un objectif envisageable.
Pour l’instant, l’enveloppe obtenue par souscription paraît convenable. D’aucuns estimaient qu’on aurait trop d’argent et qu’il faudrait utiliser le reste pour d’autres opérations patrimoniales, mais ce ne sera pas le cas : on aura juste le compte. Peut-être faudra-t-il même une petite rallonge, parce que des opérations qui ne sont pas directement liées au chantier de restauration devront être menées en complément.
Il faut bien sûr être attentif au manque éventuel de forces vives au sein de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale. Souvent, on trouve qu’il y a trop de monde dans les établissements publics : je suis heureuse que vous envisagiez que l’effectif puisse être insuffisant !
M. Gilles Carrez, rapporteur spécial. Il s’agit simplement de parer à toutes éventualités et d’adapter rapidement le plafond d’emplois si cela était nécessaire.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Nous en sommes d’accord.
La facture du chantier de Villers-Cotterêts n’a pas enflé ni dérivé ; c’est le périmètre d’intervention qui s’est accru. Les 100 millions d’euros supplémentaires du Plan de relance permettront de restaurer l’ensemble du clos et du couvert du château ; on ne peut que s’en féliciter. Des opérations annexes devront être menées.
La sous-consommation des crédits des monuments historiques pour 2020 est due à l’arrêt des chantiers durant le premier confinement. La crise sanitaire a eu pour conséquence une baisse de 12 millions d’euros des crédits consommés par rapport à 2019. Nous avons mobilisé les DRAC pour fluidifier l’emploi des crédits : le très bon niveau d’engagement l’atteste.
Si l’on ne tient pas compte de ces phénomènes, on atteint un niveau globalement satisfaisant, qui confirme l’amélioration constatée en 2018. Des craintes avaient été exprimées par le passé concernant le niveau effectif de la consommation de ces crédits, et il est vrai que l’on constatait des écarts importants avec la loi de finances initiale. La mission flash de 2018 en avait parfaitement analysé les causes : régulation budgétaire, fongibilité en faveur de l’archéologie, difficultés rencontrées dans le tour de table financier.
Notre priorité est le niveau effectif des dépenses. Depuis deux ans, plusieurs leviers ont été actionnés : baisse du taux de gel, dégel intégral, effet accélérateur du fonds incitatif et partenarial en faveur des collectivités à faibles ressources financières, mobilisation des DRAC… Un écart de consommation persiste concernant les monuments historiques n’appartenant pas à l’État. Il s’explique assez aisément par, d’une part, le fait que, depuis 2005, la maîtrise d’ouvrage est assurée par les propriétaires privés, lesquels décident du lancement effectif des travaux et doivent réunir les fonds nécessaires, d’autre part, un désengagement des conseils départementaux que je déplore. Il faut reconnaître que la tenue des élections municipales en 2020 n’a pas arrangé nos affaires – les vicissitudes de la vie démocratique provoquent des phénomènes de stop and go dans la gestion des collectivités. Quoi qu’il en soit, la DGPA travaille avec les DRAC à une adaptation des contrôles en fonction de divers critères, dont la taille des projets, et cela dans un objectif de rationalisation.
Oui, nous devons renforcer les équipes ; mais leur caractéristique, cher Gilles Carrez, c’est leur très haute technicité. Il m’est difficile de faire surgir des ABF de terre ! Il reste que nous avons un besoin grandissant de professionnels de ce type, vu la demande de nos concitoyens en matière de patrimoine : quand on parle de culture aux Français, leur première préoccupation, c’est le patrimoine. D’aucuns, notamment parmi les acteurs du spectacle vivant, le regrettent, considérant qu’il s’agit d’une vision passéiste. Ce n’est pas mon cas, et c’est pourquoi j’ai voulu braquer le projecteur sur le patrimoine dans le cadre du Plan de relance. On l’a vu avec l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris ou celui de la cathédrale de Nantes, ou encore à travers la forte mobilisation d’associations autour de bâtiments d’un intérêt relatif : les Français, qui sont dans le doute et qui peuvent éprouver une certaine angoisse, se retrouvent autour de la dimension patrimoniale. Il faut en tenir compte.
En matière de recrutement à la tête des grands opérateurs culturels nationaux, ma politique a toujours été de privilégier l’appel ouvert à candidature. En cas d’urgence, on peut éventuellement procéder par appel fermé, mais je préfère qu’il soit ouvert et pouvoir proposer au Président de la République plusieurs profils, car on s’aperçoit en général que plusieurs personnes sont susceptibles de remplir les conditions.
Mme Zivka Park (LaREM). Le monde culturel vit un moment important. Les Français attendaient avec impatience cette réouverture.
Après avoir fait le choix de soutenir massivement la culture, à hauteur de 12 milliards d’euros, durant la crise sanitaire, nous allons engager une étape importante du renforcement de son accès grâce à une mesure inédite : la généralisation du pass culture à l’ensemble du territoire national. La culture est partout, et l’accès de tous nos jeunes concitoyens à celle-ci est un enjeu considérable. Malheureusement, le développement du pass culture a pâti en 2020 de la crise sanitaire, la phase de déploiement à de nouveaux départements, prévue en avril 2020, ayant été ajournée.
En 2020, on avait déjà noté une augmentation de 20 millions d’euros de l’enveloppe destinée au pass culture – cette somme intégrant 10 millions de reports de l’année 2019. Les crédits votés dans la loi de finances initiale de 2020 se sont donc avérés supérieurs aux besoins constatés en cours de gestion. Cette sous-exécution – 25 millions d’euros au lieu des 39 millions prévus – a toutefois été compensée par le dispositif « été culturel et apprenant », qui a réuni 8 000 artistes et touché plus d’un million de personnes : c’est une excellente nouvelle.
Dans sa réponse à la Cour des comptes, la direction du budget souligne que la trajectoire budgétaire pluriannuelle de la mission Culture sera contrainte entre 2021 et 2023, notamment du fait de la généralisation du pass culture. Quelle sera la trajectoire financière, en année pleine, de cette généralisation ? Des campagnes de communication ont-elles été prévues à l’échelle nationale ? À combien est évalué le coût du dispositif ? La Cour des comptes indique qu’un audit de la gestion du pass culture paraît indispensable, notamment sur les coûts des développements informatiques.
Mme Constance Le Grip. La généralisation du pass culture – que, soit dit en passant, je préférerais voir orthographié « passe culture » – à l’ensemble des jeunes âgés de 18 ans a été abondamment commentée. Elle est devenue un élément central de la communication gouvernementale et présidentielle.
Exercice budgétaire après exercice budgétaire, ainsi qu’à d’autres occasions, le groupe Les Républicains émet des réserves sur ce dispositif. Dès le début du quinquennat, nous avions appelé à ce qu’on ne véhicule pas à travers lui une vision uniquement consumériste de la culture. Nous avions lancé un certain nombre de mises en garde et d’alertes, s’agissant notamment du rôle de certaines plateformes, qui ont été entendues.
Néanmoins, à cette heure, et alors que la communication sur le site dédié au pass est très active, le dispositif continue de soulever de fortes interrogations. Je ne peux que réitérer les réserves formulées par la commission des affaires culturelles dans l’avis qu’elle avait rendu sur le projet de loi de finances initiale, quand les 59 millions d’euros budgétés nous paraissaient déjà insuffisants. Même s’il est prévu que la généralisation à l’ensemble d’une classe d’âge – soit 800 000 jeunes – se fasse par étapes, et qu’une partie des dépenses soient supportées par d’autres budgets que celui de la culture, nous demeurons perplexes. Quel sera le coût total de la mesure ? Quelles en seront les modalités de financement ? On lit dans la presse que l’Élysée l’aurait évalué à 80 millions d’euros, mais cela reste extraordinairement flou et incertain. Nous souhaitons savoir avec précision comment les choses vont s’organiser, et quelle sera la trajectoire budgétaire d’un chantier présenté comme essentiel.
Mme Maud Petit. Je me réjouis de ce rendez-vous annuel, nécessaire pour assurer la transparence des budgets et la fonction de contrôle de notre Parlement.
Pour ce qui concerne la mission Culture, l’exercice budgétaire 2020 reflète la situation inédite à laquelle a été confronté le territoire français. Le monde de la culture a été particulièrement touché par la crise sanitaire. Les pertes sont estimées à 22,3 milliards d’euros, soit une baisse du chiffre d’affaires de 25 % par rapport à 2019. Il a fallu réagir rapidement pour remédier à des situations dramatiques et potentiellement irréversibles.
Le programme 131 traduit le soutien sans précédent apporté par l’État pour faire face à la crise, à travers un engagement budgétaire d’urgence : 30 millions d’euros ont ainsi été consacrés en 2020 au fonds d’urgence pour le spectacle vivant privé (FUSV) et à d’autres dispositifs spécifiques dédiés à la reprise d’activité et à la compensation des pertes de recettes. La même réactivité s’observe sur le programme 175 concernant le soutien au patrimoine. Nous ne pouvons que nous en féliciter, car une pression trésorière drastique s’exerce sur les opérateurs du patrimoine. Les pertes vertigineuses engendrées par les fermetures de lieux de culture suscitaient des inquiétudes légitimes sur la pérennité de certaines structures. Les mesures de soutien, d’un montant de 42,4 millions d’euros, financées par le dégel de la réserve de précaution et par les nouveaux crédits votés par le Parlement dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative, ont permis de stabiliser la situation. Ce soutien ciblé s’ajoute aux autres dispositifs, comme l’activité partielle, le fonds de solidarité ou l’année blanche pour les intermittents.
Au-delà de la réponse à la crise, le budget 2020 a permis la réalisation de plusieurs objectifs : soutien à la création artistique, déploiement du plan d’action « sécurité cathédrales », par exemple. Malgré la crise, les résultats sont encourageants. Les engagements ont été tenus, permettant de préserver les capacités d’action publique culturelle pour l’avenir. Les mesures prises dans le cadre du Plan de relance s’inscrivent dans la continuité de cet effort.
Enfin, alors que le dispositif du pass culture vient d’être généralisé à l’ensemble du territoire français, la Cour des comptes préconise, dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020, un audit de sa gestion, en particulier sur les coûts des développements informatiques, qui auraient progressé de façon inexplicable en 2020. Qu’avez-vous à répondre à cela, madame la ministre ?
Mme Michèle Victory . La crise traversée par l’ensemble du secteur culturel a révélé la fragilité et la dépendance – parfois inégale selon les territoires – de son modèle économique ainsi que la nécessité du soutien que l’État apporte aux opérateurs et aux intermittents. L’ouverture, dans les troisième et quatrième lois de finances rectificatives, de 48 millions d’euros de crédits pour le programme Création ainsi que les dotations pour dépenses accidentelles et imprévisibles avaient pour objectif de répondre notamment aux pertes abyssales en billetterie, conséquence, d’une part, de la fermeture des lieux de culture, d’autre part, de la chute de la fréquentation touristique. Trois établissements – la Philharmonie de Paris, le palais de Tokyo et l’Opéra-comique – ont ainsi pu bénéficier d’un soutien financier massif, afin d’éviter toute cessation des paiements. Nous nous inquiétons aussi, bien évidemment, pour l’Opéra de Paris. Le soutien dont il doit bénéficier ne doit toutefois pas obérer la capacité de soutien du ministère à l’ensemble des établissements touchés par la crise.
Le programme comprend, en outre, le fonds d’urgence pour les intermittents, qui donnait accès à diverses aides sociales sous conditions. Ce fonds sera peut-être réactivé à l’avenir, en fonction des crises que les lieux culturels pourraient connaître. Ne serait-il pas possible d’envisager une aide unique, plus lisible, aux conditions assouplies, qui pourrait être dégagée dans un bref délai afin d’accompagner les intermittents durement touchés ? En effet, si l’année blanche est prolongée et que des filets de sécurité prennent le relais, le montant moyen des revenus des intermittents va baisser dans l’immense majorité des cas. Votre ministère a indiqué à la Cour des comptes que la situation difficile que connaît le secteur incite les professionnels à faire davantage valoir leur droit au dispositif que par le passé. La question du non-recours aux aides reste un sujet de préoccupation. Ce phénomène alimente la précarité et est un frein à l’épanouissement des professionnels ; il importe de lutter contre celui-ci sans attendre la prochaine crise.
Concernant le patrimoine, malgré une dotation de 27,4 millions d’euros supplémentaires en troisième et quatrième lois de finances rectificatives, les outils fiscaux ou encore le produit des fonds de concours sur le programme lié à la souscription pour Notre-Dame de Paris, nous craignons que le programme ne dispose pas des crédits suffisants pour répondre aux pertes très importantes des opérateurs patrimoniaux. En puisant dans leurs réserves, ces opérateurs vont voir leur capacité d’investissement considérablement réduite. Il importe donc de renforcer les incitations fiscales de participation à la restauration du patrimoine, afin que les Français s’en saisissent davantage, et de lancer un grand plan de valorisation du patrimoine de proximité.
M. M’jid El Guerrab. Avant toute chose, je veux saluer l’engagement inédit de ce Gouvernement et de la ministre en faveur de la culture alors que le secteur a connu un choc violent avec la crise sanitaire. La fermeture des lieux culturels a été un crève-cœur pour les professionnels, pour les artistes amateurs, pour tous nos concitoyens, si attachés à la scène culturelle de leur pays, ainsi que pour les étrangers, touchés notamment à travers le réseau culturel français à l’étranger.
En déplacement au Burkina Faso, la semaine dernière, j’ai pu mesurer le dynamisme de notre antenne culturelle de Bobo-Dioulasso, dont le travail est remarquable pour faire vivre notre langue et notre culture dans la région des Hauts-Bassins.
Outre les mesures de soutien à l’ensemble des acteurs économiques en France – prêts garantis par l’État (PGE), fonds de solidarité, chômage partiel – dont certains acteurs culturels ont pu bénéficier, et l’année blanche pour les intermittents, de nombreux crédits nouveaux ont abondé le programme de la mission Culture en 2020 afin de financer des dispositifs de soutien. Enfin, les 2 milliards du Plan de relance affectés à la culture constituent une formidable opportunité pour promouvoir notre rayonnement.
Cependant, un angle mort demeure : le soutien aux alliances françaises, très souvent de droit local privé, qui ont grandement souffert du retrait d’un certain nombre de mécènes et de sponsors. De quelles aides nos alliances et nos instituts français peuvent-ils donc bénéficier, alors que la fermeture de celui de Valence, en Espagne, serait de surcroît envisagée ? Enfin, les Français de 18 ans résidant à l’étranger pourraient-ils bénéficier du pass culture ?
Mme Marie-Christine Dalloz. Selon Mme la rapporteure David, le déficit d’un grand opérateur culturel a été comblé, pour un montant important, par le Plan de relance. Je ne suis pas certaine que telle soit sa vocation. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?
La restauration du château de Villers-Cotterêts doit être complétée par 100 millions d’euros issus du Plan de relance, mais il ne faut pas oublier que 30 millions d’encours de gestion de la mission Culture ont déjà été retirés du PIA3 en 2020 pour abonder ces travaux. Je veux bien que l’on dise que tout va pour le mieux, qu’il n’y a pas eu de dépassements, mais la réalité est très différente. Le PIA ne sert pas à financer des travaux patrimoniaux !
M. Jean-Paul Mattei. Je m’interroge à propos des incitations fiscales en matière culturelle. Le dispositif instauré pour les dons au chantier de Notre-Dame de Paris a-t-il été efficace ? Les mesures fiscales en faveur de la conservation du patrimoine culturel ou historique sont-elles suffisamment calibrées ? Enfin, le projet de loi de finances rectificative comprendra probablement des mesures fiscales pour les dons aux associations : des dispositions spécifiques seront-elles prises pour les dons aux associations culturelles ?
M. Gilles Carrez, rapporteur spécial. Il est vrai que le PIA est sollicité pour de grandes opérations d’investissements en matière de restauration : à hauteur d’une centaine de millions pour le Grand Palais et, donc, de 30 millions pour le château de Villers-Cotterêts. Sur le plan de la stricte orthodoxie budgétaire, ce ne devrait pas être possible puisque les PIA ne doivent pas se substituer aux crédits budgétaires normaux mais, compte tenu de l’ampleur de ces opérations, nous avons fait des exceptions, qui ne doivent bien évidemment pas devenir la règle.
S’agissant de la restauration des monuments historiques, la stabilité des dispositifs fiscaux est fondamentale. Un propriétaire privé d’un château prend un risque lorsqu’il engage des travaux – assez longs, le plus souvent. Deux dispositifs, très anciens, sont toujours en vigueur : la possibilité d’imputer les déficits fonciers sans limite de montants et de temps lorsque le monument procure des revenus; l’imputation directe des charges foncières lorsque le monument ne procure pas de revenus.
Un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC), rendu il y a un an, a examiné les règles relatives à l’ouverture au public des monuments historiques conditionnant le bénéfice des avantages fiscaux. Je souhaite que ses préconisations soient appliquées tant certaines manifestations sont aujourd’hui mal prises en compte.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. L’expérimentation du pass culture pendant deux ans nous a permis de tirer un certain nombre de conclusions. L’âge de 18 ans, pour en bénéficier, est sans doute trop tardif. Les élèves de quatrième et de troisième bénéficieront de 25 euros par an, à consommer dans le cadre d’un accompagnement collectif. Les lycéens bénéficieront quant à eux de 50 euros. Au total, le pass culture s’élèvera à 200 euros avant 18 ans et à 300 euros après. Le budget de ce dispositif s’élève à 80 millions d’euros en 2021 et il sera de 96 millions d’euros en 2022, à quoi s’ajoute la base de 59 millions d’euros, ce qui représentera environ 150 millions d’euros.
Des inconnues, toutefois, demeurent : combien de jeunes y souscriront-ils ? Quelle sera la consommation de ces crédits ? Durant l’expérimentation, 75 % des jeunes concernés y ont souscrit, ce qui est un très beau succès. La généralisation entraînera-t-elle une mobilisation plus ou moins importante ? Je serais bien en peine de vous répondre. Soit elle touchera des populations plus diverses et moins intéressées, soit les opérations de communication, plus massives, emporteront l’adhésion d’un plus grand nombre.
En l’état, la consommation des crédits s’élève à environ 175 euros, ce qui est peu, mais l’offre était inexistante ou très réduite ! Nous avons également instauré des garde-fous puisque la consommation numérique ne peut excéder 100 euros. Il est toutefois notable que celle-ci, malgré la fermeture des lieux culturels, a été assez réduite : ce sont les livres qui, à hauteur de 80 %, ont tiré leur épingle du jeu, et c’est tant mieux. La réouverture des lieux culturels et l’accompagnement des jeunes bénéficieront sans doute également au spectacle vivant, au théâtre et, pourquoi pas, à l’opéra.
L’indemnisation des intermittents a été prolongée. Je ne cesse de le rappeler : « intermittent », ce n’est pas un statut mais un mode d’indemnisation de chômage. Après le rapport d’André Gauron, nous avons choisi avec Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, la solution la plus protectrice : l’année blanche est maintenue jusqu’au 31 décembre 2021, puis, des dispositifs particuliers – dont je tiens la liste à votre disposition – prendront le relais.
Je note que, dès avant la réouverture, 75 % des intermittents avaient récupéré leurs droits – chiffre qui diminuera sensiblement puisque les activités vont reprendre. Je suivrai ce dispositif très précisément, nous ferons un premier bilan après l’été, puis, à la sortie de l’année blanche, nous le réviserons en fonction de l’activité et de la pandémie.
Le système culturel français fait l’admiration de tous à l’étranger et même des envieux. Je rappelle que 75 % des musiciens anglais ont dû changer de travail en raison de la crise sanitaire et que le Covent Garden vend son David Hockney pour continuer à fonctionner ! En Europe, le pays qui a fait le plus, après nous est l’Italie , avec un peu plus de 4 milliards d’euros. Je ne dirai rien des 2 milliards d’euros de l’Allemagne, des 800 millions d’euros de l’Espagne ou du 1,7 milliard de livres sterling du Royaume-Uni.
Les alliances françaises ne relèvent pas de ma responsabilité mais de celle du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, même si mon ministère intervient ponctuellement sur tel ou tel sujet comme, par exemple, les Villas « Albertine » aux États-Unis.
La crise nous a, en effet, amenés à intervenir sur des opérations qui ne relèvent pas, au sens strict, du Plan de relance – je pense à l’Opéra de Paris – ou du PIA4. En ce qui concerne Villers-Cotterêts, la maquette budgétaire a été parfaitement respectée. J’ajoute que le soutien de grands opérateurs culturels dans le cadre du Plan de relance est « idéologiquement » dans les clous.
M. Mattei je n’ajoute rien à la réponse parfaite de M. Carrez…qui est peut-être le futur ministre de la culture !,
M. Gilles Carrez, rapporteur spécial. Il restait une question sur le rehaussement à 75 % de la réduction fiscale pour les dons à la cathédrale Notre-Dame de Paris…
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Sur ce point, je m’engage à vous faire une réponse par écrit.
M. Gilles Carrez, rapporteur spécial. Des dons importants pour Notre Dame de Paris proviennent de grandes entreprises, qui ont refusé de bénéficier de l’aide fiscale, ce qui coûte donc moins cher au budget de l’État, lequel empruntera moins.
M. le président Éric Woerth. C’est une excellente nouvelle.
Je vous propose de passer à l’examen de la mission Médias, livres et industries culturelles et du compte spécial Avances à l’audiovisuel public.
Mme Marie-Ange Magne, rapporteure spéciale (Médias, livres et industries culturelles ; Avances à l’audiovisuel public). Les nécessaires restrictions sanitaires de 2020 ont été particulièrement difficiles à surmonter pour les industries culturelles, les médias et la presse écrite. Même si on peut se féliciter de la bonne résistance du marché du livre, qui témoigne de l’attachement des Français à leurs librairies, d’autres secteurs culturels ont subi des pertes bien plus importantes : respectivement 1,5 milliard et 2,7 milliards de chiffre d’affaires pour le cinéma et pour le secteur de la musique. Dans ce contexte, la logique d’un soutien massif à travers des dispositifs universels et transversaux – PGE, fonds de solidarité, activité partielle – complétés par des dispositifs sectoriels généreux instaurés par le ministère de la culture et ses opérateurs a porté ses fruits.
Le secteur de la presse a, lui aussi, beaucoup souffert de la crise, qui a accentué des fragilités existantes. Les structures et entreprises du secteur ont pu maintenir leurs activités grâce au Plan de relance, qui s’élève à 440 millions d’euros. Elles sont désormais prêtes à relever le défi de la reprise.
En 2020, et ce sera aussi le cas en 2021, ce soutien massif a eu des conséquences pour les finances publiques. Le budget exécuté de la mission Médias, livre et industries culturelles a ainsi atteint 1,147 milliard d’euros en crédits de paiement en 2020, soit quasiment le double du niveau atteint en 2019 – 590 millions –, ce qui est inédit. Ce sont au total 560 millions supplémentaires qui ont permis de financer plusieurs dispositifs de soutien.
Tout d’abord, la restructuration de Presstalis, à hauteur de 120 millions, non budgétés en loi de finances initiale. Nous avons déjà évoqué ce sujet au printemps 2020 et à l’occasion du PLF 2021. Le modèle économique de la nouvelle messagerie se fonde sur des hypothèses réalistes. La gouvernance de l’entreprise a été assainie et l’ensemble des mandataires dans les territoires est maintenant opérationnel. J’adresse mes pensées au personnel de l’entreprise, pour qui l’année 2020 a été particulièrement éprouvante. Une enveloppe de 19 millions a été attribuée aux marchands de journaux, dont le nombre a continué de baisser, avec1 100 points de vente en moins entre mars 2020 et mars 2021.
Par ailleurs, 155 millions supplémentaires ont été attribués au Centre national de la musique, au titre des différents dispositifs d’urgence et de compensation, pour un montant d’aides total de 67 millions, le solde étant reporté en 2021. Je salue la capacité de ce tout jeune opérateur à s’être mis en ordre de marche pour gérer un budget vingt fois supérieur à sa dotation initiale.
Concernant le cinéma, 167 millions d’euros ont permis au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) d’aider l’ensemble de la filière, principalement les salles. Le fonds d’indemnisation pour la reprise des tournages a été un vrai succès, la question étant de pouvoir juguler la surabondance de productions alors que les salles rouvrent. En outre, 85 millions ont été alloués à l’IFCIC, l’Institut du financement du cinéma et des industries culturelles, ce qui a permis de faire évoluer les conditions d’octroi et de remboursement des prêts aux acteurs culturels.
Enfin, les DRAC et le Centre national du livre ont versé 27 millions aux acteurs du livre, dont plus de 17 millions aux librairies.
Cette année est absolument inédite, tant en ce qui concerne les conséquences de la crise sanitaire que l’accompagnement financier de l’État pour préserver ces secteurs.
Concernant l’audiovisuel public, la trajectoire de baisse de 70 millions des concours publics a été appliquée comme prévue en 2020. Les conséquences de la crise sanitaire ont finalement été peu visibles en 2020 mais elles le seront davantage en 2021. Je note particulièrement la situation financière inquiétante de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) : faute de financements, des projets d’investissement importants ont été reportés et la société a ainsi dû recourir à un emprunt de court terme de 3 millions, ce qui n’est pas anodin.
Nous constatons une baisse du nombre de foyers assujettis à la contribution à l’audiovisuel public, tendance qui pourrait se confirmer et qui témoigne d’une inflexion durable liée aux nouveaux usages : les Français utilisent de moins en moins leurs téléviseurs pour regarder la télévision. Il est donc d’autant plus nécessaire de repenser le financement de l’audiovisuel public.
Alors que nous fêterons le 1er juin le centenaire de la radio et, en juillet, les quarante ans d’existence officielle des radios libres, j’ai consacré mon thème d’évaluation aux radios associatives.
Les radios associatives ont été les fers de lance de la liberté d’expression et du pluralisme sur les ondes. Leur présence est particulièrement appréciée dans les territoires en raison de leur rôle essentiel de communication sociale de proximité : elles mettent en lumière le dynamisme local, dont elles sont également les acteurs en participant aux initiatives associatives, sociales ou culturelles de leur territoire ; de nombreux journalistes ou techniciens y ont commencé leur carrière.
Les radios associatives n’ont pas cessé d’être soutenues depuis 1982 en contrepartie de la renonciation aux recettes publicitaires, aujourd’hui autorisées sous un plafond de 20 % de leurs recettes totales. Le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER), qui constitue l’action 03 du programme 180, a constamment augmenté depuis vingt ans pour accompagner l’augmentation du nombre de radios éligibles. Il s’élève cette année à 30,75 millions d’euros.
Toutes les radios associatives autorisées à émettre par le CSA peuvent bénéficier d’une subvention d’exploitation, dont le montant varie selon les produits déclarés par la radio. La subvention d’installation et d’équipement permet d’aider les radios à investir dans le matériel de diffusion et d’enregistrement. Enfin, la subvention sélective, réformée en 2014, récompense les radios qui investissent le champ social, environnemental, culturel, éducatif. Pour l’obtenir, il faut aujourd’hui apporter un ensemble de pièces justificatives constituant un dossier très lourd, qui gagnerait à être simplifié.
Les radios associatives sont confrontées à de nouveaux enjeux, tant pour proposer des contenus à un public de proximité que pour bénéficier d’un accompagnement adapté de l’État afin de poursuivre leur développement.
D’une part, l’activité mais aussi le modèle économique des radios associatives est assez mal connu. Un observatoire des radios associatives pourrait être créé à partir des données dont dispose le FSER. Une meilleure connaissance des radios associatives passe aussi par la mobilisation des DRAC, avec qui les liens sont quasi inexistants, alors qu’il s’agit d’un acteur institutionnel clé pour renforcer les synergies et accompagner le développement et la pérennisation du secteur. Madame la ministre, que pensez-vous de la possibilité de nommer un référent audiovisuel au sein des DRAC ? Que pensez-vous d’un tel observatoire ?
D’autre part, la crise sanitaire a fragilisé le financement des radios, de nombreux partenariats ayant été suspendus. Les radios associatives sont normalement éligibles au fonds d’urgence pour le fonds de soutien aux structures de l’économie sociale et solidaire doté de 30 millions d’euros. Il est encore prématuré d’établir un bilan de ce fonds, qui vise à soutenir les trésoreries fragiles, mais sur les 147 demandes présentées par les radios associatives, seules onze radios ont obtenu une subvention au titre du dispositif UrgencESS. Comment jugez-vous l’efficacité de ce dispositif ?
Enfin, le nombre de radios associatives augmentera très fortement pendant les trois prochaines années, avec l’arrivée de presque 150 nouveaux acteurs alors que l’on en compte aujourd’hui 700. L’enveloppe du FSER étant fermée, la dotation de chaque radio associative risque de diminuer. Or, ces acteurs ayant montré leur utilité, la dotation du FSER doit être augmentée. De plus, après le versement des subventions d’installation, d’équipement et d’exploitation, la subvention sélective sert de variable d’ajustement. Or elle doit être sanctuarisée : c’est le sens même de notre soutien à ce secteur.
Cette forte augmentation du nombre de radios associatives est partiellement due au déploiement du nouveau mode de diffusion de radio numérique terrestre, dit aussi DAB+, qui permet d’ouvrir de nouvelles fréquences alors que la bande FM est aujourd’hui saturée. Pour les radios associatives, qui plaident depuis longtemps pour son déploiement, les défis sont nombreux : des zones d’émission pas toujours adaptées, un risque de marginalisation vis-à-vis des radios nationales, le coût de la double diffusion, en DAB+ et en FM. Le CSA plaide pour une majoration de la subvention d’exploitation en cas de double diffusion, ce qui va dans le bon sens : les radios associatives ont aussi le droit de s’emparer du DAB+. Par ailleurs, je reste persuadée qu’une campagne nationale pour la promotion du DAB+ est nécessaire, même si le déploiement est local. Trop de nos concitoyens en ignorent encore l’existence.
L’année 2020 a profondément affecté le secteur de la presse, des médias, de la musique et du cinéma. Je tiens à saluer l’ensemble des acteurs, qui a su faire preuve d’une formidable capacité de résilience, avec le soutien massif déployé par l’État à travers des mesures d’urgence puis dans le cadre du Plan de relance.
M. Alain David, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. L’année 2020 a été particulièrement compliquée dans tous les secteurs. L’audiovisuel extérieur n’a pas fait exception. Après un début d’année marqué par les débats sur la réforme de l’audiovisuel public, les chaînes de France Médias Monde ainsi que TV5 Monde ont dû revoir leur organisation pour répondre à un double impératif : garantir la protection des collaborateurs et assurer leur mission d’information.
Sur le plan social et financier, les sociétés de l’audiovisuel public n’ont pas recouru au dispositif de chômage partiel, à la différence des entreprises privées. Elles ont assuré la gestion de crise sans peser sur les deniers publics et, surtout, elles ont su adapter leurs missions aux besoins suscités par la crise à travers l’évolution des grilles de programmes. Les médias de l’audiovisuel extérieur ont notamment renforcé leur action pour lutter contre la désinformation favorisée par les contextes de crise. Dès le début de celle-ci, une attention particulière a été apportée à la diffusion de messages de prévention, notamment envers les publics africains.
Enfin, l’audiovisuel extérieur a contribué au service public d’éducation en participant à l’opération « Nation apprenante ». De très bons résultats ont été obtenus : au plus fort de la crise, les audiences numériques de France Médias Monde ont triplé et la tendance annuelle globale maintient sa progression.
Le constat est le même pour TV5 Monde, dont l’audience numérique progresse remarquablement, et qui reste parmi les chaînes internationales les plus plébiscitées en Afrique francophone. En septembre 2020, la chaîne a lancé sa plateforme numérique francophone TV5 Monde plus. Accessible gratuitement dans le monde entier, c’est l’outil idoine pour contribuer à la promotion de la francophonie.
L’audiovisuel extérieur est un formidable vecteur pour notre diplomatie d’influence, dont nous avons constaté à nouveau l’importance lors de la crise sanitaire. Pour autant, comme je ne cesse de le rappeler depuis le début de la législature, le risque est réel qu’il devienne la variable d’ajustement de l’audiovisuel public – risque que le projet de création d’une holding de l’audiovisuel public avait ravivé. Nous avons été nombreux, en commission des affaires étrangères, à exprimer nos inquiétudes à propos d’un projet qui, finalement, a été mis de côté.
Mon attention particulière à l’endroit de l’audiovisuel extérieur ne vise en aucun cas à remettre en question sa participation à l’effort général demandé à l’audiovisuel public. La dotation de France Médias Monde a continué de baisser dans le dernier PLF. Elle s’élève à 254,7 millions, en recul de 500 000 euros par rapport à l’année dernière. La dotation allouée à TV5 Monde s’élève, quant à elle, à 76,15 millions, montant stabilisé après un recul de plus d’un million d’euros. Or ces baisses s’inscrivent dans le contexte d’une concurrence internationale toujours plus forte, à laquelle s’est ajoutée la crise sanitaire qui a fragilisé les ressources propres des médias de notre audiovisuel extérieur.
Je crains que celui-ci ne soit occulté par des préoccupations plus massives et, surtout, plus visibles, alors même que les succès de 2020 et la résilience dont nos chaînes ont fait preuve peuvent laisser penser que les coups de rabots successifs sont indolores, ce qui est loin d’être le cas. Sans une prise de conscience, nous encourons le risque de perdre la bataille de l’information et de l’influence dans le monde.
Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. On l’a dit, l’année 2020 a été difficile pour le monde de la culture. Nous avons été amenés à voter des projets de loi de finances rectificative afin de prendre des mesures d’urgence, pour ce secteur comme pour d’autres, avant d’accentuer le soutien par la relance.
Quelle a été l’exécution de ces crédits d’urgence en 2020 ? Dans le secteur des médias, la crise sanitaire a entraîné ou précipité la disparition de Presstalis, après des années de difficultés financières. Une nouvelle entité lui a succédé, qui a bénéficié d’un soutien marqué de la part de l’État – pas moins de 204 millions d’euros. Dix-sept millions ont été consacrés à retarder la liquidation judiciaire, 80 millions à soutenir la nouvelle structure, 134 millions correspondent aux créances perdues, 27 millions vont à la modernisation de la distribution. Madame la ministre, cette contribution publique substantielle permet-elle à France Messagerie d’être épargnée par les difficultés chroniques que rencontrait Presstalis ? A-t-elle rendu possible une réflexion au sujet des invendus, par exemple, dont le coût économique et écologique demeure considérable ?
Toujours concernant la presse, il faut saluer le plan « filière presse », qui mobilise plus de 482 millions d’euros entre 2020 et 2022 et a permis de créer trois dispositifs d’aide en faveur des acteurs les plus fragiles, notamment la presse indépendante et spécialiste ou les éditeurs de titres ultramarins. Ces aides ont-elles été intégralement consommées ? Ont-elles permis d’atteindre les objectifs fixés ?
À ce propos, on peut se réjouir que le crédit d’impôt que nous avons voté pour les abonnements à la presse d’information politique et générale soit enfin en vigueur, depuis le 9 mai, après que la Commission européenne a transmis son accord à la France. Il est valable jusqu’au 31 décembre 2022. Pourrait-on appeler l’attention des Français sur ce dispositif afin qu’ils puissent en bénéficier largement ?
Les industries culturelles n’ont pas non plus été épargnées par la crise : fermeture des salles de cinéma, couvre-feux, effondrement des ressources du Centre national de la musique tout nouvellement créé. Mais, là aussi, des moyens exceptionnels ont été mobilisés. Le Centre national de la musique a été réarmé grâce à 50 millions d’euros supplémentaires dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative. Je tiens à saluer son action : à peine créé, il a été le premier à proposer un fonds de secours, puis le Fonds de sauvegarde des entreprises du spectacle vivant de musique et de variétés, et a veillé à préserver le niveau d’intervention des aides automatiques ou sélectives. Comment ces 50 millions d’euros ont-ils été réinjectés in fine au profit du CNM ?
Concernant le cinéma, les ressources du CNC se sont effondrées, mais une dotation supplémentaire lui a permis de créer un fonds d’indemnisation. S’y ajoutent d’autres dispositifs, dont un complément de prix des billets au profit des salles de cinéma. Pourriez-vous dresser un bilan de l’intervention du CNC en 2020 ? Combien d’œuvres ont pu bénéficier du fonds d’indemnisation ? Y a-t-il eu des sinistres ? Combien de salles de cinéma ont reçu ce complément de prix du billet ?
Étant donné les effets de la crise sur le cinéma et l’audiovisuel, on peut prévoir une sous-consommation significative des crédits d’impôt dans ces secteurs, évaluée à 28 millions d’euros de baisse pour le crédit d’impôt cinéma et à 8 millions pour le crédit d’impôt audiovisuel. Ne pourrions-nous envisager, pour le prochain exercice, notamment touchant le crédit d’impôt cinéma, un bonus subordonné au respect de contreparties sociétales ?
Un mot sur la filière du livre et de la lecture : peut-être pourrez-vous souligner la mobilisation du Centre national du livre et nous éclairer quant au nombre de librairies ayant pu bénéficier du soutien de l’État et au montant moyen de l’aide perçue.
Enfin, l’audiovisuel public, qui n’a pas été épargné non plus, a respecté du fait de la crise la trajectoire budgétaire prévue. Le Plan de relance vient le refinancer à hauteur de 70 millions d’euros. Le confinement aura servi d’accélérateur, parfois dans la douleur, de la transition numérique des six sociétés et formidablement développé leurs synergies.
M. le président Éric Woerth. La contribution à l’audiovisuel public diminue légèrement, mais peut-être structurellement – du fait du moindre équipement des ménages en téléviseurs –, et va être affectée par la suppression de la taxe d’habitation, à laquelle elle est adossée. Dans ce contexte, quelles sont les options du Gouvernement pour financer l’audiovisuel public ?
La remise à flot de Presstalis coûte beaucoup d’argent : 120 millions d’euros. Les problèmes, notamment de gouvernance et d’effectifs, ne datent pas d’hier et sont récurrents. Avez-vous le sentiment que France Messagerie est née dans de bonnes conditions et sera viable à court terme ?
Enfin, dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative, nous avons prévu de consacrer 30 millions d’euros au soutien à la diffusion des radios et télévisions commerciales. La mesure était très attendue. Le décret qui en fixe les modalités vient seulement de paraître. La discussion au niveau européen a sans doute été longue, mais pourquoi ce délai s’agissant d’une mesure d’urgence ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Les 36 millions de crédits d’urgence pour le livre votés en troisième loi de finances rectificative comprenaient 25 millions pour soutenir les librairies, dont 1 267 librairies ont bénéficié pour un total d’environ 15 millions d’euros. Mais la deuxième vague de la crise a conduit à une nouvelle interdiction d’accueillir le public en novembre 2020, hors le service « cliquez et emportez ». Une aide a alors été instaurée sous la forme d’un remboursement des frais d’expédition lorsque le livre est envoyé au domicile du client. Cette initiative a été étendue aux disquaires et a bénéficié de 4 millions. La gestion du dispositif est en train d’être finalisée. Près de 3 millions d’euros ont été versés à 560 entreprises, pour l’essentiel des librairies. Le reliquat de l’enveloppe initiale est donc d’environ 6 millions.
La troisième loi de finances rectificative allouait également 6 millions aux investissements de modernisation des librairies. Les DRAC ont reçu environ 1,1 million de crédits, largement engagés. Le CNL a versé environ un million à trente et une librairies. Fin 2020, le reliquat était de 3,8 millions. Cela s’explique par la saisonnalité de l’activité.
La modernisation se poursuit en 2021 ; 6 millions d’euros de crédits ont à nouveau été votés pour 2021, et le reliquat dont je parlais est mobilisé par le CNL.
Cinq millions d’euros ont été alloués aux maisons d’édition de taille petite et moyenne, celles qui ont vraiment souffert pendant la crise. Le CNL a versé quelque 2,3 millions de subventions à 69 éditeurs et les DRAC ont intégralement dépensé leur enveloppe de 800 000 euros pour aider 233 maisons d’édition ; certaines DRAC, comme en Bretagne ou en Pays de la Loire, sont parvenues à mobiliser le concours financier des conseils régionaux. Il est prévu d’employer le reliquat de crédits, qui s’élève à 1,9 million, car la crise continue pour ces petits éditeurs.
Concernant la consommation des aides à la presse, trois dispositifs d’aide aux acteurs les plus fragiles de la filière ont été institués : l’aide exceptionnelle au bénéfice des diffuseurs de presse, l’aide exceptionnelle au bénéfice de certains titres d’information politique et générale, l’aide exceptionnelle au bénéfice des titres ultramarins. Avec France Messagerie, nous avons des échanges réguliers sur sa situation économique. S’agissant de la distribution des quotidiens, le résultat est conforme au prévisionnel, France Messagerie demeurant la seule société chargée de la distribution ; le résultat net est à l’équilibre sur les trois premiers mois de 2021 – mais nous suivons cela de près. France Messagerie a indiqué avoir réalisé 130 millions de ventes, soit 6 % de plus que ce qui était prévu. En ce qui concerne la réorganisation, l’ensemble des dépôts ont été attribués et plus de soixante-dix emplois ont été assurés pour d’anciens salariés des filiales de Presstalis – il faut s’en féliciter.
S’agissant de l’INA, il est vrai que sa trajectoire financière a été fragilisée par la crise : ses ressources ont baissé de 2,7 millions d’euros par rapport à 2019. Nous avons parfaitement identifié cet enjeu de restauration de l’équilibre budgétaire dans le contrat d’objectifs et de moyens 2020-2022. Pour accompagner l’INA et éviter que sa trajectoire budgétaire ne se dégrade davantage, il a été décidé de lui permettre de comptabiliser en chiffre d’affaires l’intégralité de la dotation prise sur la contribution à l’audiovisuel public qui lui est allouée et de lui accorder, dans le cadre du Plan de relance, une dotation exceptionnelle de 2 millions d’euros en 2021. Pour sécuriser la trajectoire de trésorerie, son conseil d’administration l’a autorisé à recourir à un emprunt à court terme d’un montant de 3 millions, de sorte que l’Institut pourra compter sur le remboursement d’un actif de cette valeur.
Les investissements seront maintenus – ils représentent 19,7 millions en 2021 et 19,6 en 2022. Les tutelles se sont assurées que l’Institut pourrait finaliser le chantier de Bry-sur-Marne et, plus généralement, déployer sa politique immobilière, ce qui lui sera facilité par une subvention dont il bénéficiera pour son projet lauréat de l’appel à projets pour la rénovation énergétique des bâtiments publics. Ce n’est donc pas le ministère de la culture qui versera l’argent – 22,2 millions d’euros tout de même.
Concernant les radios associatives, en effet très importantes pour l’animation du territoire, le FSER a été réformé en 2015 pour accroître la sélectivité des aides. En 2021, ses crédits ont été portés à 32 millions, soit une hausse de 1,25 million par rapport à 2020, dans un contexte de poursuite du déploiement du DAB+ par le CSA. Il serait à mes yeux légitime de prolonger la hausse de la dotation du Fonds au-delà de 2021. Nous sommes en train d’instruire la question, mais aucun arbitrage n’est rendu pour l’instant.
Vos propositions dans ce domaine sont tout à fait intéressantes, madame Magne. En ce qui concerne celle d’instituer des référents au sein des DRAC, les radios associatives disposent déjà de référents au sein de l’administration centrale du ministère, en particulier à la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC). Et, dans les DRAC, il y a des conseillers audiovisuel et cinéma, plus particulièrement chargés du suivi de la création audiovisuelle. Les DRAC échangent donc bien entendu avec l’ensemble des acteurs culturels. On pourrait renforcer leur rôle de référent s’agissant des télévisions et des radios locales.
Quant à la création d’un observatoire des radios associatives, c’est une très bonne idée. Il faut évidemment la corréler à l’avancement des travaux informatiques de dématérialisation du FSER, auquel œuvre le secrétariat général de la rue de Valois et qui permettent déjà aux candidats de déposer leur dossier en ligne.
Concernant le fonds dédié à l’économie sociale et solidaire, vous regrettez que seuls onze dossiers aient été acceptés ; pour ma part, j’en suis émerveillée : je pensais qu’aucun ne passerait la barre. Nous avons introduit un petit coin dans le fonctionnement du dispositif ; cela pourrait être tout à fait intéressant.
J’en viens à l’audiovisuel public extérieur, sur lequel Alain David a insisté à juste titre. Le résultat de France Médias Monde en 2020 est positif, supérieur à 5 millions d’euros. En 2021, sa dotation publique est de 254,7 millions d’euros, en baisse de 0,5 million, dans un contexte d’effort de maîtrise des comptes publics, France Médias Monde bénéficiant d’une dotation exceptionnelle de 0,5 million d’euros dans le cadre du Plan de relance afin de soutenir le plan de transformation. Quant à TV5 Monde, son allocation est stable en 2021 et une dotation exceptionnelle de 0,5 million est là aussi prévue, afin de financer l’enrichissement des programmes français du catalogue de sa nouvelle plateforme numérique, TV5 Monde plus.
S’agissant du crédit d’impôt pour abonnement à la presse, il faut en effet le faire connaître, sans doute par une opération de communication – j’espère que les titres de presse eux-mêmes y contribueront ! La balle est maintenant dans leur camp. Quant à son prolongement au-delà de 2023 et à son extension à deux abonnements par foyer fiscal, il est peut-être un peu tôt pour s’avancer. Le crédit d’impôt vient d’être créé ; nous en ferons le bilan en 2022 et les différentes voies d’évolution possibles seront analysées à ce moment-là.
S’agissant des aides du CNC, le fonds de garantie pour les tournages a permis d’assurer 731 tournages et 70 sinistres. Ce sont 1 660 établissements qui sont éligibles au fonds de compensation. Le nombre de bénéficiaires effectifs est légèrement inférieur, certains exploitants n’ayant pas déposé de demande.
Le financement de l’audiovisuel public par la contribution à l’audiovisuel public (CAP) n’est pas remis en cause à court terme, la suppression complète de la taxe d’habitation n’ayant pas vocation à intervenir avant 2023. Il n’y a donc pas urgence à réformer la CAP. Certaines pistes de réforme ont été identifiées par le Gouvernement. Elles feront l’objet d’une analyse approfondie dans le cadre d’un groupe de travail que j’ai installé avec le ministre chargé des comptes publics et dont les travaux vont débuter dans quelques semaines. En tout état de cause, quel que soit le scénario retenu, la réforme de la CAP ne se traduira pas par la création d’un impôt nouveau, en cohérence avec la politique conduite depuis 2017 en matière fiscale. Cette réforme devra permettre à l’audiovisuel public de disposer d’un financement pérenne et affecté, indispensable à la visibilité pluriannuelle de la programmation budgétaire – un impératif rappelé par le CSA ainsi que par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat.
Le dispositif de soutien à la diffusion hertzienne terrestre de services de télévision locale et de radio qui ont été affectés par la crise a été mis en œuvre le 10 avril 2021, après plusieurs mois d’échanges avec la Commission européenne – qui n’étaient évidemment pas très faciles. Il repose sur une enveloppe de 30 millions d’euros de crédits, ouverts par la troisième loi de finances rectificative de 2020. Une soixantaine de dossiers ont déjà été instruits par la DGMIC, représentant un montant d’indemnisation de 2,5 millions. Les premiers versements interviendront tout prochainement. Aucun crédit n’a encore été consommé sur le programme 180.
Mme Dominique David (LaREM). Le printemps de l’évaluation joue un rôle très important dans le contexte actuel, notamment pour évaluer les dépenses et les aides accordées en raison de la crise du covid.
La redevance pour copie privée est un sujet d’actualité puisque l’opérateur Back Market rechigne à la payer ; certes, le reconditionnement de smartphones est une pratique très vertueuse, mais la redevance l’est plus encore. Peut-on rappeler à cet opérateur le caractère crucial pour la culture de cette redevance que bon nombre de reconditionneurs, au premier rang desquels la Fnac, acquittent sans difficulté ?
Mme Constance Le Grip (LR). Sur le même sujet, et au risque de sortir un peu du cadre de cette réunion – pardonnez-moi, monsieur le président, mais l’actualité prime en matière parlementaire et plus généralement politique –, l’examen de la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France a tout récemment suscité l’inquiétude à propos de la rémunération pour copie privée et du maintien du financement de l’activité de création culturelle. Madame la ministre, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre position ?
Mme Maud Petit (Dem). L’année 2020 fut complexe pour l’ensemble des secteurs du périmètre de la mission Médias, livres et industries culturelles. Aux difficultés nées de la crise sanitaire s’ajoute la crise de la distribution de la presse – une sorte de double peine. La nécessité d’une vigilance accrue et d’une action précise explique le doublement du budget de la mission par rapport à 2019 et l’ouverture de crédits en cours d’année.
Le rôle fondamental de la presse et des médias dans notre vie démocratique n’est plus à démontrer. Il justifie les 600 millions d’euros affectés en gestion. La crise sanitaire nous l’aura une fois de plus rappelé, le numérique domine un marché complexe et compétitif, notamment pour la presse papier.
Le programme 180 s’attache ainsi à faire évoluer les dispositifs de soutien en faveur de la presse, avec pour objectif permanent de conforter les conditions du pluralisme et de soutenir la diffusion. Notons, par exemple, l’aide exceptionnelle de 3 millions d’euros accordée aux éditeurs ultramarins d’information politique et générale. Il est crucial pour le pluralisme et la diversité de permettre l’information dans tous les territoires de France. C’est un devoir envers nos concitoyens.
Rappelons aussi la pleine mobilisation de l’État pour accompagner la distribution de la presse au numéro, à la suite des grandes difficultés de Presstalis, par un soutien financier de 158 millions d’euros. Associé aux initiatives européennes, notamment concernant les droits voisins – sujet à propos duquel le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés s’est fortement investi au cours de la législature –, ce budget permet de tendre vers la réalisation de ces objectifs à long terme. Seule une politique publique visionnaire et prévoyante permettra d’accompagner au mieux les mutations du secteur.
Cet exercice exceptionnel a également été marqué par la création du Centre national de la musique, fonctionnel depuis janvier 2020. L’établissement a immédiatement fait la preuve de sa pertinence dans le contexte de crise. La filière musicale a ainsi pu bénéficier d’une stratégie globale, fondée sur la concertation permanente avec l’ensemble des acteurs du secteur.
Dans la continuité de ce bilan budgétaire, pouvez-vous, madame la ministre, évoquer les pistes de réflexion supplémentaires concernant l’accompagnement du secteur de la presse d’information politique et générale (IPG) sur la voie du numérique ?
Mme Michèle Victory (SOC). On l’a dit, les radios associatives participent activement à notre vie locale quotidienne et à la valorisation des territoires dans l’hexagone comme outre-mer. Elles sont quelque 680, disséminées dans tout le pays, et contribuent à tisser le lien social dans les centres urbanisés et les territoires ruraux par la diffusion de l’information et de programmes de qualité, plébiscités par les Français durant la crise.
Selon le Syndicat national des radios libres, la perte moyenne par radio a été d’environ 27 000 euros, ce qui est considérable au regard des moyens dont disposent de petites structures composées en partie de bénévoles et où travaillent quelque 6 000 salariés.
On a parlé de leur rôle dans l’animation des territoires, des partenariats avec les collectivités locales, du lien avec le tissu économique local, avec les EHPAD, les écoles, etc. Nous sommes tous convaincus de leur importance. Ont été rappelées les différentes mesures prises et les 30 millions d’euros de crédits. Mais les acteurs sont encore un peu inquiets des conditions d’attribution des dotations du FSER, sachant que ce qui s’est passé en 2020 aura de grandes conséquences sur 2021 et 2022.
Enfin, la demande formulée par certains d’entre nous, ainsi que par les libraires et les éditeurs, de tarifs postaux plus justes a été entendue ; c’est un signe fort pour le secteur du livre, que les Français ont lui aussi plébiscité pendant la crise. Cela a dû être un peu difficile à négocier avec Bercy ; je suis donc vraiment ravie qu’il ait été possible d’aboutir.
M. M’jid El Guerrab (Agir ens). France 24, Radio France internationale, Monte Carlo Doualiya, médias d’information du groupe France Médias Monde, et TV5 Monde sont diffusés sur toute la planète et leurs programmes sont suivis par des millions de téléspectateurs, d’auditeurs et d’internautes. Ils assurent la diffusion de la culture francophone et des valeurs démocratiques sur les cinq continents. Fortement affectés financièrement par la crise du covid à cause de la baisse considérable de leurs revenus publicitaires, ils ont toutefois atteint des taux de progression d’audience record sur leurs espaces numériques. Je salue les efforts accomplis par ces médias pendant la période de confinement pour continuer d’assurer leur mission d’information grâce au recours massif au télétravail, tout en préservant les emplois de leurs collaborateurs.
La crise du covid-19 a illustré le rôle essentiel de l’audiovisuel public auprès des populations francophones éloignées du territoire français et ne disposant pas toujours dans les pays où elles résident d’une source d’information fiable permettant de contrer les fake news. Dans la période actuelle de bouleversement des équilibres géopolitiques, il importe d’investir massivement dans l’audiovisuel extérieur, vecteur essentiel de la culture et des valeurs démocratiques.
Quelle sera donc la tendance budgétaire en matière de financement de l’audiovisuel extérieur français au cours des années à venir ? Ne serait-il pas possible d’imaginer une ligne de crédits pour créer un média franco-algérien – sur le modèle d’Arte, reflet de l’amitié franco-allemande – dans le contexte de reconnaissance mémorielle voulue par le Président de la République ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Le sujet de la rémunération pour copie privée me mobilise particulièrement. C’est pourquoi je veux tordre le cou à deux canards qui commencent à voler avec force. Premier canard : la redevance n’est pas une taxe. Elle est payée en contrepartie d’un usage. Ce n’est pas parce que vous avez un vieux téléviseur que vous ne payez pas la redevance. Deuxième canard : la redevance pour copie privée n’est pas nouvelle. Nous ne l’avons pas créée ; elle existe depuis longtemps et vise tout support de stockage de contenus protégés par le droit d’auteur, sans distinction de nature, que le support soit neuf ou reconditionné. Alors même que l’on se bat en faveur des droits voisins et de la propriété intellectuelle, ce combat peut nous réunir au‑delà de nos différences partisanes.
J’entends les arguments avancés en faveur de la protection de l’environnement. J’ai été ministre de l’écologie et c’est moi qui ai présenté la Charte de l’environnement. Mais l’écologie ne peut pas se faire sur le dos des créateurs. C’est de la mauvaise politique. Les personnes qui consomment des produits recyclés le font aussi pour être en accord avec leurs valeurs. Rémunérer la création, c’est un principe fondamental. On ne peut pas choisir entre la protection de l’environnement et celle des droits des créateurs.
La redevance pour copie privée a rapporté 289 millions d’euros en 2018 et 260 en 2019, pour les auteurs, les artistes, les éditeurs et les producteurs dans tous les secteurs culturels. Rappelons que 25 % des sommes collectées financent des projets culturels d’intérêt général ; 64 % des festivals de musique en France sont soutenus par la copie privée. Or on entend parfois les mêmes critiquer la redevance pour copie privée et se mobiliser pour le soutien financier aux festivals, qui sont tellement importants pour la culture et pour l’animation des territoires.
Je suis contre une exonération des appareils reconditionnés de la redevance pour copie privée, ce qui serait d’ailleurs contraire au droit européen. Un barème spécifique pourrait répondre aux craintes exprimées par les acteurs du reconditionnement, tout en préservant une source de revenus primordiale pour les acteurs culturels. Je suis assez surprise de voir les errances sur ce sujet.
Madame Petit, vous avez raison concernant l’aide exceptionnelle accordée aux titres de presse ultramarins. L’enveloppe, dont le montant avait été calculé par rapport au chiffre d’affaires de 2019, a été attribuée à vingt titres et intégralement consommée.
Madame Victory, concernant les frais d’envoi des livres, j’émettrai un avis favorable à la proposition de loi défendue par Mme Darcos au Sénat, qui s’inscrit dans la logique du prix unique du livre et vise à éviter toute distorsion de concurrence entre les frais d’envoi des libraires indépendants et ceux d’une grande plateforme dont je ne citerai pas le nom, où ils sont à un centime d’euro. Le prix unique du livre doit s’accompagner d’un prix unique d’envoi. D’ailleurs, le Président de la République, lors de son déplacement à Nevers, a exprimé son soutien à cette mesure.
Monsieur El Guerrab, je ne m’avancerai peut‑être pas tout de suite sur la création d’un média franco-algérien… Je sais que cela vous tient à cœur, mais, en cette période de crise, des sujets prioritaires me mobilisent. Quand nous serons revenus à meilleure fortune et que j’aurai quitté mon poste, je laisserai cet héritage à celui ou celle qui me succédera.
La commission, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, entend M. Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne.
M. Daniel Labaronne, président et rapporteur spécial (Conseil et contrôle de l’État). Je salue M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui nous a rejoints. Je vais d’abord prendre la parole pour dix minutes, en ma qualité de rapporteur spécial de la mission Conseil et contrôle de l’État.
Cette mission comporte quatre programmes : Conseil d’État et autres juridictions administratives, Conseil économique, social et environnemental (CESE), Cour des comptes et autres juridictions financières et Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Si la première partie de mon rapport illustre l’impact de la crise sanitaire sur l’exécution budgétaire, j’ai choisi de consacrer la seconde au thème de l’adéquation des moyens du Haut Conseil des finances publiques à ses missions.
En ce qui concerne l’exécution budgétaire, 720,9 millions d’euros ont été consommés en autorisations d’engagement (AE) et 690,49 millions en crédits de paiement. Témoignant tant de la sincérité de la programmation que de la qualité de l’exécution, la sous‑exécution des autorisations d’engagement s’est réduite, passant de 10,3 % en 2019 à 7,6 % en 2020. Mais celle des crédits de paiement, très réduite en 2019, s’est amplifiée sous l’effet de la crise sanitaire, le taux d’exécution perdant deux points, passant de 99,7 % à 97,6 %. Si les dépenses, qui avaient crû de 3 % entre 2018 et 2019, ont poursuivi leur progression, c’est à un rythme bien moindre, avec une hausse de 0,7 %, entre 2019 et 2020.
Les dépenses du programme 165 Conseil d’État et autres juridictions administratives ont atteint un montant de 428,3 millions d’euros, en progression de près de 10,6 millions d’euros, soit de 2,5 %. Le taux d’exécution des crédits inscrits en loi de finances initiale s’est toutefois dégradé de deux points, tandis que le taux de consommation des crédits ouverts connaissait une baisse de 1,5 point. Cela s’explique notamment par une sous‑consommation des dépenses de personnel, premier poste de dépenses par titre du programme. Le plafond d’emplois n’a ainsi été consommé qu’à hauteur de 4 114 équivalents temps plein travaillé (ETPT), alors qu’il avait été fixé à 4 224 ETPT en loi de finances initiale. La crise sanitaire, qui a retardé l’exécution du schéma d’emplois initialement prévu, en est l’une des explications.
Au-delà de la consommation des plafonds fixés en loi de finances initiale et des aléas de gestion, la question des emplois des juridictions administratives doit être examinée à l’aune de l’évolution du contentieux. Ces effectifs méritent une attention toute particulière ; il s’agit non seulement de permettre à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) d’améliorer ses délais de jugement et de réduire son stock d’affaires à juger, comme je l’avais déjà indiqué l’an dernier, mais aussi, plus généralement, de faire face à la forte hausse tendancielle du volume du contentieux administratif. Le vice-président du Conseil d’État m’a d’ailleurs confirmé, à la lumière des premières données relatives à l’année 2021, que 2020 n’aura, de ce point de vue, marqué qu’une simple pause. Et, comme à l’automne dernier, j’invite le Gouvernement à se saisir des conclusions du rapport « 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous » du Conseil d’État.
Les dépenses du Conseil économique, social et environnemental, qui a connu une baisse sensible des recettes issues de la valorisation du palais d’Iéna, sont relativement stables, s’établissant à 43,5 millions d’euros environ. Je n’en déplore pas moins le peu de lisibilité des informations relatives au CESE dans le rapport annuel de performances. Les chiffres donnés dans les tableaux sont erronés, il n’est pas fait état des reports et le suivi de la dépense pluriannuelle est impossible. Certaines indications ne sont, en outre, pas entièrement cohérentes avec les montants annulés en loi de finances rectificative. Certes, des discussions sont engagées avec la direction du budget pour que les données d’exécution soient intégrées au système d’information Chorus, ce qui devrait améliorer la qualité de l’information disponible, mais savez-vous, monsieur le ministre, si elles aboutiront bientôt ? Je souhaite que le nouveau président du CESE s’engage résolument dans une démarche d’amélioration des informations présentées dans les documents budgétaires fournis à la représentation nationale.
Quant à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières, elles ont consommé 218,3 millions d’euros, soit 2,3 millions – ou 1 % – de moins qu’en 2019. La qualité de l’exécution semble ainsi n’avoir été que marginalement affectée par la crise sanitaire. Il n’en conviendra pas moins, si la Cour est désignée à l’automne 2021 membre du comité des commissaires aux comptes des Nations unies, de lui accorder les renforts nécessaires. Il conviendra également, qu’il s’agisse des juridictions financières ou des juridictions administratives, de préciser quel pourra être l’impact de la réforme de la haute fonction publique sur les ressources humaines et la gestion de celles-ci.
La sous-exécution récurrente des crédits et des emplois du Haut Conseil des finances publiques s’est accentuée au cours de cette année de crise sanitaire. Tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, les moyens qui lui avaient été accordés en loi de finances initiale, portés – un peu artificiellement – par le programme 340, dont je propose de faire plutôt une action du programme 164, étaient de près de 480 000 euros, en progression de 12 % par rapport à 2020. Ils ont été exécutés à hauteur d’environ 380 000 euros, soit un taux d’exécution inférieur à 80 %.
L’adéquation des moyens du Haut Conseil des finances publiques à ses missions est précisément l’objet de la partie thématique de mon rapport. Institué par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil a pour mission de veiller à la cohérence de la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques avec les engagements européens de la France. Pour cela, il apprécie le réalisme des prévisions macroéconomiques et des estimations de croissance potentielle du Gouvernement et se prononce sur la cohérence des textes financiers avec les objectifs pluriannuels de finances publiques. Y siègent, outre le Premier président de la Cour des comptes, qui le préside, dix membres : quatre magistrats de la Cour des comptes, cinq personnalités qualifiées et le directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).
De quels moyens dispose-t-il ? De sa création à l’exercice 2020, le plafond d’emploi du Haut Conseil a toujours été fixé à 3 ETPT en loi de finances initiale, sans connaître aucune modification en loi de finances rectificative, jusqu’à la loi de finances pour 2021, qui prévoit un renforcement à hauteur de 2 ETPT. Les emplois du Haut Conseil sont destinés au secrétariat permanent qui l’assiste, dirigé par un rapporteur général, actuellement assisté de deux rapporteurs généraux adjoints et de deux rapporteurs.
Ce plafond a systématiquement été sous-exécuté ; en conséquence, les crédits de titre 2 ont eux-mêmes été systématiquement sous-exécutés. Hors titre 2, le HCFP dispose d’une dotation de fonctionnement dont le montant est d’environ 50 000 euros depuis 2018, elle-même notoirement sous-exécutée.
Il faut dire que le HCFP bénéficie de synergies avec la Cour des comptes, qui l’héberge. En outre, l’expertise de ses membres, dont aucun n’est rémunéré, et la qualité des échanges nourris qu’il entretient avec ses interlocuteurs, notamment les administrations compétentes en matière économique et financière, ne sont pas ses moindres ressources.
Le Haut Conseil a ainsi pu rendre tous les avis demandés – généralement quatre par an, sept au cours de l’exceptionnelle année 2020 – dans le court délai de sept jours qui lui était imparti. Quasi-juge de la sincérité budgétaire, il a contribué activement, par son existence et le contrôle vigilant qu’il exerce, à réduire les biais optimistes ou parfois pessimistes qui peuvent sous-tendre les prévisions gouvernementales, et éclairé le débat parlementaire. À mandat inchangé, les moyens dont il dispose me paraissent adaptés. Je recommande donc qu’ils soient, à mandat inchangé, stabilisés.
L’impact sur les comptes de nos administrations des mesures prises pour faire face à la crise sanitaire n’en a pas moins renouvelé les termes du débat sur la gouvernance des finances publiques. Pour ma part, je ne crois pas opportun de transformer le Haut Conseil en une vigie budgétaire qui produirait ses propres prévisions macroéconomiques, comme le suggérait le rapport Arthuis. En revanche, des adaptations de son mandat, du type de celles prévues par la proposition de loi organique déposée par le président de la commission des finances et le rapporteur général me paraissent tout à fait souhaitables. Il conviendra d’estimer, le moment venu, l’ampleur des renforts qui seraient nécessaires pour répondre aux besoins nouveaux qui en naîtraient. À mon sens, ils ne sauraient excéder quelques emplois, mais peut‑être, monsieur le ministre, pourrez-vous nous préciser le sentiment du Gouvernement sur les évolutions proposées, et les moyens qu’elles sont susceptibles de requérir.
M. Christophe Naegelen, rapporteur spécial (Pouvoirs publics). La mission Pouvoirs publics regroupe les dotations accordées à la Présidence de la République, aux deux assemblées parlementaires, au Conseil constitutionnel, à la Cour de justice de la République ainsi qu’à la chaîne parlementaire. La crise sanitaire a naturellement eu un effet sur les budgets des quatre institutions, à des degrés divers. Il était impératif qu’elles assurent la continuité de leur fonctionnement. Je pense particulièrement à l’Assemblée nationale et au Sénat qui se sont très vite adaptés, dans l’urgence, de manière à assurer l’indispensable continuité de la vie démocratique.
Le budget exécuté de la Présidence de la République s’est élevé à 106,8 millions d’euros, financés par la dotation inscrite en LFI, à hauteur de 105,32 millions, et des ressources propres pour 1,7 million. Avec la crise sanitaire, les déplacements présidentiels ont naturellement fortement diminué par rapport à 2019. Les crédits consacrés aux déplacements ont ainsi connu une très nette sous-exécution – 8,79 millions d’euros en crédits de paiement pour 15,67 millions en prévision initiale, soit un recul de 50,67 % par rapport au budget initial.
Les crédits ont été redéployés vers l’enveloppe dédiée aux investissements. Les dépenses d’investissement ont donc connu une progression spectaculaire, puisqu’elles ont été multipliées par 2,3 par rapport à 2019. La Présidence de la République présente ces redéploiements comme répondant à un besoin de « rattrapage accéléré d’un retard d’investissement constaté dans les domaines de l’informatique et de la sécurité ». Je constate pourtant l’existence d’un programme pluriannuel d’investissements, précisément préparé par l’Élysée. Monsieur le ministre, pourquoi les économies faites par la Présidence de la République l’année dernière en raison de la crise sanitaire n’ont‑elles pas été reversées au budget de l’État, dans un souci d’exemplarité et de bonne gestion ? L’Assemblée nationale, elle, a su ces dernières années maintenir toutes ses dépenses dans le cadre d’une gestion rigoureuse.
L’exécution du budget du Conseil constitutionnel, à 13,103 millions d’euros, dépasse de près de 8,7 % la prévision initiale, comme l’année dernière. Si les dépenses d’investissement sont nettement en-dessous des montants prévus, en raison de la crise sanitaire, les dépenses de fonctionnement sont en forte progression, en partie en raison des dépenses rendues obligatoires par le contexte particulier de l’année 2020. La crise sanitaire n’a pas interrompu l’activité du Conseil constitutionnel, qui a continué à tenir dans ses locaux ses séances de délibéré et les audiences publiques des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), dont certaines ont d’ailleurs porté sur les conditions de l’état d’urgence sanitaire.
Pour assurer la continuité de son service, le Conseil constitutionnel s’est appuyé sur les solutions de travail sécurisé à distance qu’il avait déployées au cours des dernières années, avec des acquisitions complémentaires – matériel ou licences de logiciels de télétravail. Le Conseil constitutionnel a pris en charge des dépenses exceptionnelles, par exemple pour la captation des audiences publiques de QPC, hors de sa salle d’audience, ainsi que des dépenses de frais de nettoyage des locaux, sans parler de l’achat de matériel et de produits de protection. La progression des dépenses semble bien liée au caractère exceptionnel de l’année 2020. Le contrôle de l’exécution des prochains budgets sera l’occasion de nous en assurer.
Le budget du Sénat s’est élevé en 2020 à 332,67 millions d’euros, soit 32,87 millions de moins par rapport au montant provisionné. Un prélèvement sur disponibilités de 1,36 million d’euros seulement a été nécessaire pour équilibrer les dépenses, alors que le budget initial prévoyait un déficit de 33 millions. Les dépenses d’investissement ont été largement sous-exécutées, conséquence de l’arrêt des chantiers pendant le confinement.
Les dépenses de l’Assemblée nationale se sont élevées à 540,62 millions d’euros en 2020, pour une prévision initiale de 568,38 millions. Le résultat budgétaire s’établit à moins 20,69 millions, contre moins 22,8 millions en 2019. Le budget réalisé présente un écart de 27,76 millions d’euros avec le budget prévu. C’est, là encore, la conséquence de la crise sanitaire : les moindres dépenses, en particulier immobilières, l’ont emporté sur les dépenses imprévues.
Ces moindres dépenses sont de plusieurs ordres. Premièrement, les dépenses d’investissements et immobilières sont naturellement en recul, certains chantiers ayant dû être interrompus et d’autres reportés à plus tard dans l’année ou à 2021. Je pense en particulier à l’opération de remise à niveau des installations techniques de l’hôtel de Lassay, à l’opération de réfection de la couverture de l’hémicycle et de la salle des conférences. Deuxièmement, les frais de transports, de déplacements internationaux et de réception sont en forte diminution, du fait des règles sanitaires en vigueur en 2020. Ainsi, les frais de transport des députés entre leur circonscription et Paris sont en baisse de 35,3 % par rapport à l’année précédente. Les frais supplémentaires, quant à eux, sont les suivants : achat de matériel de protection, mais aussi d’ordinateurs portables, d’outils liés au télétravail et d’outils de visioconférence. Ce surcroît de dépenses est de l’ordre de 1,36 million d’euros, contre 15,263 millions d’économies réalisées en raison des circonstances particulières dues à la pandémie.
Avant de vous présenter la partie thématique de mon rapport, je souhaiterais faire deux remarques quant à l’exécution du budget de l’Assemblée nationale en 2020. La première, c’est que le report des chantiers va se traduire, en matière d’investissement, par des rattrapages importants dans les prochaines années, face auxquels il faudra être vigilant, car ils pèseront sur le budget. Par ailleurs, il me paraît impératif d’approfondir la réflexion engagée sur la soutenabilité à moyen et long termes du budget de l’Assemblée nationale. Comme vous le savez, sa dotation est inchangée depuis 2012 et s’élève à 517,89 millions d’euros. L’effort de maîtrise des dépenses réalisé depuis plusieurs années présente de bons résultats, mais ne donnera tous ses effets que dans quelques années. Il serait également important de tenir compte des effets de l’inflation dans les budgets des deux assemblées.
J’ai consacré la partie thématique de mon rapport à l’évolution des marchés publics, à l’Assemblée nationale, à la Présidence de la République et au Conseil constitutionnel. Les procédures propres aux marchés publics ont fortement évolué au cours des dernières années, parallèlement au cadre européen – pensons par exemple au nouveau code de la commande publique. Il était pour moi important d’évaluer les pratiques de nos institutions.
L’Assemblée nationale, la Présidence de la République et le Conseil constitutionnel font partie des 98 % de petits acheteurs publics. Les achats de l’Assemblée nationale représentent moins de 10 % de son budget. De petits acheteurs, certes, mais dont les pratiques d’achat doivent, pour moi, être exemplaires. Ce que j’ai constaté, en interrogeant ces trois institutions, c’est la mise en œuvre d’une modernisation, ces dernières années, de la fonction achats. L’Assemblée nationale et la Présidence de la République ont ainsi recruté des acheteurs publics et revu la procédure utilisée pour gagner en efficacité et dépenser moins.
J’ai constaté aussi un certain nombre de bonnes pratiques, au-delà des marchés publics, qui, pour moi, vont dans la bonne direction. L’Assemblée, l’Élysée et le Conseil constitutionnel ont développé des procédures pour s’adapter aux spécificités des PME et des TPE, dans le respect des règles européennes, et je trouve cela très positif. De plus, les clauses de leurs marchés présentent des critères sociaux et environnementaux. Ces trois institutions passent des commandes à l’Union des groupements d’achats publics pour obtenir des prix de gros. S’il faut faire attention aux prix, ils ne font pas tout. Il faut aussi être attentif à la qualité du service et à l’impact sur l’économie locale.
Je saisis l’occasion de mon rapport pour vous faire part d’un regret : il est difficile voire impossible d’encadrer le recours à la sous-traitance, lors d’un appel d’offres pour un marché public. Même si cela est soumis à l’accord du pouvoir adjudicateur, le lauréat du marché a toute latitude pour indiquer bien plus tard que, pour des raisons diverses, il fera appel à un ou plusieurs sous-traitants. Je regrette que le cadre actuel ne permette pas à une autorité publique de le spécifier dans les clauses du contrat. En effet, dès lors que des sous‑traitants, je pense aux entreprises étrangères, ne sont pas en accord avec notre droit de travail ou nos critères sociaux ou environnementaux, cela crée une distorsion de concurrence. Cela dit, il existe des méthodes pour favoriser l’accès des TPE et PME à la commande publique, notamment en prêtant une grande attention à la façon dont les allotissements sont définis.
J’ai pu constater qu’en 2020 l’Assemblée nationale avait non seulement appliqué les dispositions dérogatoires sur l’exécution des marchés publics pendant la pandémie, que nous avions votées au cours de l’année, mais également fait en sorte d’agir avec bienveillance vis‑à‑vis de ses prestataires, en particulier des PME et TPE.
Que ce soit à l’Assemblée nationale ou à la Présidence de la République, les nouvelles organisations sont toutes récentes. Il conviendra donc de suivre leurs effets au cours des années à venir.
Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale (Direction de l’action du Gouvernement ; Publications officielles et information administrative). En 2020, l’exécution des crédits de la mission Direction de l’action du Gouvernement s’élève à 755 millions d’euros en autorisations d’engagement et 716 millions d’euros en crédits de paiement. Le taux d’exécution est de 91 % en AE et de 88 % en CP.
Les dépenses de la mission diminuent d’environ 530 millions d’euros par rapport à 2019. Cette évolution résulte de la suppression du programme 333 Moyens mutualisés des administrations déconcentrées, fusionné au sein du nouveau programme 354 Administration territoriale de l’État. Je rêve de voir, un jour, un programme au périmètre constant ! Avec ces évolutions incessantes, il est difficile de s’y retrouver. En neutralisant cette mesure de périmètre, les crédits consommés sur la mission progressent de 8,1 % en AE et de 1,3 % en CP.
Les dépenses du programme 129 Coordination du travail gouvernemental s’élèvent à 659,9 millions d’euros en AE et 619,8 millions d’euros en CP, et progressent de 56,2 millions d’euros en AE et 7,6 millions d’euros en CP par rapport à 2019. En dépit de cette hausse, le taux d’exécution des crédits du programme reste relativement faible, s’établissant à 90 % en AE et 87 % en CP.
Les dépenses de personnel du programme sont en baisse de 3 % en 2020 par rapport à 2019. Cette économie de façade découle néanmoins de la décision de mettre fin au remboursement des personnels mis à disposition par le ministère des armées au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) en 2020.
Le Premier ministre a, au contraire, fait preuve d’une certaine prodigalité en 2020, en rehaussant le plafond des effectifs autorisés au sein des cabinets ministériels. Cette décision a grandement contribué à une sur-exécution du schéma d’emplois arbitré en loi de finances initiale, à hauteur de soixante et un équivalents temps plein. Les documents budgétaires restent silencieux sur le coût réel de cette mesure. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur le nombre de personnes recrutées dans les cabinets depuis juillet 2020 et sur l’impact financier de cette extension de périmètre ?
La crise sanitaire a eu des effets limités sur les dépenses du programme. La direction interministérielle du numérique (DINUM) a consommé 36,5 millions d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement pour constituer un stock interministériel de 50 000 ordinateurs. Seuls 2,5 millions d’euros ont été payés à ce jour, le reste est toujours attendu. Ces dépenses devraient être remboursées par les ministères attributaires, en fonction du nombre de machines reçues.
Sans surprise, je souhaite consacrer quelques instants au service d’information du Gouvernement (SIG). Sa dotation hors titre 2 s’élevait à 14,2 millions d’euros en 2020. Ses dépenses ont finalement été de 28,6 millions d’euros, soit le double de la prévision. Ce résultat découle de la création d’un numéro vert, pour un coût de 8,8 millions d’euros. Néanmoins, les services du Premier ministre n’ont assuré la gestion de ce dispositif qu’entre les mois de mars et juin 2020. Comment expliquer une telle dépense pour deux mois et demi d’utilisation d’un numéro vert ? La diffusion de supports de communication sur le covid-19 a entraîné une dépense supplémentaire de 7 millions d’euros. Enfin, la réalisation de sondages sur les gestes barrières a coûté 1,6 million d’euros.
J’estime que la communication du Gouvernement dans le cadre de la crise aurait pu être plus sobre. De plus, entre les mois de mars et de juillet 2020, une étude de suivi de l’opinion était commandée chaque semaine, pour un coût unitaire pouvant atteindre 35 000 euros. Ces études auraient pu, selon moi, rejoindre le large spectre des activités considérées comme non essentielles. Cette tendance n’est pas près de s’inverser, le SIG ayant passé un marché de 2,8 millions d’euros en avril 2021 pour surveiller sa réputation sur les réseaux sociaux.
Le Gouvernement a toujours un prétexte pour justifier les dépenses croissantes du SIG depuis 2018. En 2019, il fallait financer le grand débat ; en 2020, la réponse à la crise et la nouvelle stratégie de communication gouvernementale. Monsieur le ministre, je souhaite que les dépenses du SIG retrouvent leur point bas de 2018. Parviendrez-vous au moins à freiner leur croissance ?
De surcroît, le programme 129 est toujours marqué par un nombre important de transferts sortants en cours de gestion : 85 millions d’euros initialement inscrits sur le budget du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale ont ainsi été redéployés vers d’autres ministères au titre du renforcement des capacités techniques interministérielles. Cette pratique nuit à la lisibilité du budget du programme. De la même manière, les dépenses afférentes à l’utilisation de l’escadron de transport 60 par le Premier ministre ne sont toujours pas comptabilisées au stade de la loi de finances initiale, ce qui altère la sincérité de la prévision.
Les dépenses du programme 308 Protection des droits et libertés s’élèvent à 95,8 millions d’euros en crédits de paiement. Les autorités administratives indépendantes ont été peu affectées par la crise d’un point de vue budgétaire. Cette dernière a néanmoins participé à la dégradation des délais moyens de réponse de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Mes travaux m’amènent à préconiser une évolution du dispositif de performance de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Cette dernière doit accomplir cent cinquante visites par an, sans que celles-ci soient traitées de manière différenciée. Ce mode de calcul l’incite à privilégier des petits lieux de privation de liberté pour atteindre sa cible, au détriment des établissements pénitentiaires de grande taille. De plus, cet indicateur peut entraîner un effet inflationniste peu compatible avec la maîtrise et la performance des dépenses publiques, à défaut d’inciter la Contrôleure à effectuer des contrôles ciblés en fonction des enjeux de protection des droits et des signalements reçus. Ce constat a d’autant plus d’acuité que l’actuelle Contrôleure générale n’a pas pu atteindre sa cible en 2020, et a dû réaliser de tels arbitrages. En conséquence, monsieur le ministre, je vous invite à engager un dialogue avec la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté pour faire évoluer son dispositif de performance.
Enfin, le budget annexe Publications officielles et information administrative a enregistré un nouvel excédent en 2020, s’établissant à 38,2 millions d’euros. Cet excédent est plus faible que les années précédentes, les recettes ayant diminué du fait de la crise.
Les dépenses de la direction de l’information légale et administrative (DILA) sont par ailleurs en baisse en 2020, et s’établissent à 128,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 135 millions d’euros en crédits de paiement.
Plus spécifiquement, les dépenses de fonctionnement diminuent à la faveur de mesures de restructuration et d’internationalisation de l’activité. Les dépenses de personnel sont également en baisse, en raison de l’extension du dispositif de cessation anticipée et volontaire d’activité. Ce dernier a permis à certains salariés de droit privé de la DILA de partir à la retraite dès 56 ans, en échange d’un revenu de remplacement s’élevant à 76 % de leur rémunération avant la date du départ. Au total, seules les dépenses d’investissement de la DILA progressent en 2020.
La trésorerie de la DILA atteint désormais 675,6 millions d’euros, soit cinq fois le montant de ses dépenses annuelles. Comme le remarque régulièrement la Cour des comptes, le lien entre les recettes et les dépenses du budget annexe est distendu, les ressources tirées des annonces légales permettant de financer l’intégralité des activités de la DILA. Je réitère donc ma recommandation de supprimer ce budget annexe.
M. Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne. L’ensemble des programmes de la mission Conseil et contrôle de l’État ont effectivement connu une sous-exécution des crédits en 2020, en raison des incidences de la crise sanitaire sur leur schéma d’emploi.
M. Labaronne appelle l’attention du Gouvernement sur la croissance tendancielle importante du contentieux, en particulier celui des étrangers, malgré une année 2020 en recul. Cette tendance pose des difficultés importantes aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel, ainsi qu’à la Cour nationale du droit d’asile. Des efforts ont déjà été consentis depuis le début du quinquennat pour renforcer ces juridictions administratives. La CNDA a bénéficié d’une hausse de 102 emplois en 2018, 127 en 2019 et 59 en 2020, dont une partie sera effective au cours de l’année 2021. Les juridictions administratives ont par ailleurs bénéficié, pour l’année 2021, de la création de 28 ETP supplémentaires, dont 18 sont destinés à la création d’une nouvelle cour administrative d’appel à Toulouse.
L’accroissement des moyens humains s’accompagne, en outre, d’investissements immobiliers indispensables au bon fonctionnement des juridictions. La fin de la crise sanitaire permettra d’en apprécier les effets sur le traitement des contentieux, et de déterminer les effectifs des juridictions administratives dans les années à venir au plus proche des besoins. Le Gouvernement a pris connaissance des propositions du Conseil d’État pour simplifier le contentieux des étrangers ; elles alimentent les réflexions actuelles en ce domaine.
Malgré le contexte de crise, le Conseil économique, social et environnemental a su maintenir son niveau d’activité et permettre le déroulement des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, commencés à l’automne 2019. Le rapporteur spécial s’interroge sur la lisibilité des comptes du CESE, et en particulier sur le recours à l’application Chorus pour assurer le suivi de l’exécution budgétaire. Les questeurs du CESE ont entamé une démarche en vue de la certification des comptes. Dans un futur proche, ils devraient faire l’objet d’une certification par la Cour des comptes ou, à défaut, par un commissaire aux comptes dont le mandat devra être adapté aux spécificités de cette assemblée.
En ce qui concerne Chorus, un travail est en cours avec la direction du budget et les services du Premier ministre afin de définir les modalités d’intégration a posteriori des opérations financières et budgétaires du CESE dans le logiciel, celles-ci étant enregistrées en amont dans le propre système du CESE. En tout état de cause, les opérations sont systématiquement remontées dans les comptes annuels de l’État par la transmission de la balance comptable du CESE aux services du Premier ministre.
J’en viens aux juridictions financières, pour lesquelles l’exécution des crédits fait apparaître un taux de consommation légèrement inférieur aux précédents exercices, témoignant de l’impact de la crise sanitaire sur leurs activités et leurs missions. Cette exécution traduit néanmoins une prévision budgétaire au plus près des besoins effectifs.
Vous m’avez interrogé sur l’impact de la réforme de la fonction publique sur les ressources humaines des juridictions administratives et financières. Celle-ci n’a pas vocation à préempter les discussions budgétaires annuelles entre les juridictions et les services du Premier ministre. Si la réforme va conduire à modifier les règles relatives à leurs flux de recrutement, le Conseil d’État et la Cour des comptes sont associés à l’ensemble du processus, afin de calibrer au mieux les voies de recrutement en fonction de leurs besoins.
J’en viens au thème de contrôle choisi par monsieur Labaronne cette année : l’adéquation des moyens du Haut Conseil des finances publiques à ses missions.
Je tiens à souligner la grande qualité du travail que le Haut Conseil a effectué tout au long de l’année 2020, en rendant sept avis dans des conditions d’urgence très particulières. La sous-consommation de ses crédits de personnel s’explique pour l’essentiel par des difficultés relatives à la prévision des flux d’entrées et de sorties sur un programme à faible effectif. Compte tenu de sa taille réduite en comparaison des institutions budgétaires indépendantes au niveau international, et afin de développer son expertise technique, le HCFP a bénéficié de deux emplois supplémentaires pour l’année 2021, ce qui devrait lui permettre, avec cinq ETP au total, de mener à bien ses travaux dans un contexte économique qui demeure incertain. Le Haut Conseil considère qu’un nouvel accroissement de ses effectifs serait de nature à renforcer ses capacités d’expertise, notamment dans le domaine économique, de l’analyse et de la modélisation.
L’Assemblée nationale pourrait être saisie prochainement d’une proposition de loi organique déposée par le président de votre commission et le rapporteur général, visant notamment à étendre les missions du HCFP. Si la réforme aboutit, le Gouvernement et le Parlement seraient bien entendu amenés à évaluer le montant des crédits et le plafond d’emplois du programme nécessaires pour assurer une éventuelle extension des compétences du Haut Conseil.
M. Labaronne m’interroge plus particulièrement sur la position du Gouvernement concernant les missions du HCFP. Sous réserve des observations que ne manquera pas de formuler le Conseil d’État, saisi de cette question, le Gouvernement est dans l’ensemble favorable aux évolutions proposées concernant les prérogatives du HCFP. L’examen de la proposition de loi organique sera l’occasion d’en préciser la portée.
S’agissant de la mission Pouvoirs publics, vous connaissez la règle qui m’interdit de m’exprimer sur le budget des assemblées, à laquelle je me tiens chaque année. Je m’abstiendrai donc de tout commentaire sur l’exécution de leur budget en 2020 ainsi que sur les règles applicables en matière de commande publique. Je souligne toutefois la capacité d’adaptation des deux assemblées pour répondre à la crise sanitaire et poursuivre leurs travaux.
L’année écoulée a été particulièrement singulière s’agissant du budget de la Présidence de la République. Celui-ci reflétait, en loi de finances initiale, l’effort d’investissement commencé au début du quinquennat en matière de sécurité et de rénovation des bâtiments mis à la disposition des services de la Présidence de la République. La crise sanitaire a eu un impact significatif sur l’exécution des crédits de ce programme, qui sont pour partie fonction de l’agenda présidentiel et du rythme de ses réceptions et visites officielles. Les crédits affectés à ses déplacements ont ainsi diminué de 55,3 % en autorisations d’engagement par rapport à 2019, soit 6,99 millions d’euros, notamment du fait d’une activité internationale très réduite. Les dépenses liées aux prestations de l’escadron de transport 60 ont été divisées par deux, soit 2,6 millions d’euros pour l’année 2020.
Les économies réalisées en cours de gestion ont été redéployées afin d’accélérer le calendrier des investissements indispensables à la sécurisation et à la modernisation de l’Élysée. Près de 11 millions d’euros ont été investis en crédits de paiement au cours de l’année 2020, avec plus de 4,24 millions dans des projets numériques et 3,64 millions dans des projets immobiliers, soit plus de deux fois les montants investis et engagés au cours de l’année 2019.
M. Naegelen m’interroge sur l’opportunité de redéployer des crédits non consommés de la Présidence de la République vers des dépenses d’investissement, au lieu de réduire ses dépenses totales. L’exercice 2020 a bien conduit à réduire les dépenses du programme, puisque les économies réalisées et les réformes d’organisation ont permis de ne pas recourir au prélèvement sur trésorerie de 4 millions d’euros qui avait été inscrit en loi de finances. Dans le même temps, et conformément à la priorité donnée à l’investissement dans la loi de finances initiale, l’exécution du budget a conforté cette tendance tout en maîtrisant les autres postes de dépenses et en veillant à ce que la gestion dégage 230 000 euros d’excédent budgétaire. Par le passé, on a reproché à l’Élysée et d’autres administrations de considérer les crédits d’investissement comme une variable d’ajustement budgétaire, ce qui a pu conduire à accumuler des retards importants en matière de sécurité et de rénovation des bâtiments. L’exercice 2020 place, au contraire, ces efforts indispensables au premier plan.
L’exécution des crédits du Conseil constitutionnel s’inscrit dans la continuité de l’année 2019, mais subit les effets de la crise sanitaire, à l’inverse des autres pouvoirs publics. Le Conseil constitutionnel fait face à d’importantes dépenses d’investissement afin de sécuriser son système informatique dans la perspective des opérations de contrôle de l’élection présidentielle de 2022. Il a, en outre, été contraint de déplacer sa salle d’audience publique, trop exiguë, afin de permettre la distanciation physique entre les participants tout en maintenant la captation audiovisuelle, dans le grand salon du Conseil.
La loi de finances initiale l’avait doté d’un budget de 12,5 millions d’euros, qui comprenait une dotation de 250 000 euros pour les frais engagés en lien avec la procédure de référendum d’initiative partagée. L’exécution a été supérieure aux prévisions et s’établit à 13,1 millions d’euros dont 3,4 millions de frais de fonctionnement, soit une fois et demie la prévision en loi de finances initiale. Ce surcoût, financé par un prélèvement sur le fonds de roulement, a permis de maintenir une forte activité du Conseil constitutionnel tout au long de l’année, puisqu’il a été amené à se prononcer, dans des délais très resserrés, sur de nombreuses questions liées à la crise sanitaire.
M. Naegelen consacre la partie thématique de son rapport spécial aux marchés publics. Nous nous réjouissons que différentes institutions, comme la Présidence de la République, puissent avoir recours à l’Union des groupements d’achats publics pour certaines prestations et fournitures, afin d’en mutualiser les coûts fixes.
Votre rapporteur spécial s’interroge sur le recours aux petites entreprises dans le cadre des commandes publiques. Si le droit européen encadre strictement ce domaine et ne permet pas aisément de favoriser les TPE et PME, celles-ci ont toute leur place dans l’exécution des marchés des pouvoirs publics, qui s’inscrivent dans une démarche d’achat responsable. Selon l’Élysée, 70 % de ses prestataires relèvent de cette catégorie, en raison du recours à la pratique d’allotissements adaptés. Le Conseil constitutionnel estime que les TPE et PME représentent la quasi-totalité de ses prestataires. En outre, l’inclusion de critères sociaux et environnementaux, notamment en ce qui concerne le restaurant de la Présidence de la République et la gestion de ses déchets, permet aux pouvoirs publics de contribuer à l’exemplarité de la France en matière d’achats responsables.
Comme l’ensemble du budget 2020, la mission Direction de l’action du Gouvernement a subi les conséquences de la crise sanitaire. De plus, elle a dû prendre en charge un changement de Gouvernement.
Concernant le programme 129 Coordination du travail gouvernemental, la consommation des crédits est restée dans l’ensemble maîtrisée. La diminution de certaines dépenses, par exemple celles liées aux déplacements du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale et du secrétariat général des affaires européennes, a permis de compenser les mesures logistiques d’adaptation à la situation sanitaire.
Le reste à payer du programme 129, qui a crû de 50 millions d’euros en 2020, s’explique aisément par l’opération d’achat de 50 000 ordinateurs par la direction interministérielle du numérique, pour laquelle le programme sera intégralement remboursé par des transferts de crédits, et par le renouvellement du bail des locaux de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information à la Tour Mercure pour six ans.
Mme Dalloz remarque cependant que la crise a eu un impact significatif sur les crédits du service d’information du Gouvernement et s’interroge sur les raisons qui ont conduit à cette situation. Les dépenses du SIG ont, en effet, été supérieures de 14 millions d’euros en crédits de paiement à la prévision en loi de finances, mais cette sur-consommation est uniquement liée à la gestion de la crise sanitaire. Celle-ci représente 18 millions d’euros sur le total de 34 millions de dépenses. Ainsi, 8,65 millions ont été consacrés à la mise en place d’un numéro vert accessible à toute heure de mars à juin. Puis des supports de communication ont été élaborés lors des différentes phases de confinement et déconfinement, pour des montants de 2,7 millions d’euros de création et de 5,35 millions d’euros de diffusion.
Des éléments précis justifiant le montant que représentent les sondages, la communication et la veille médiatique et numérique du SIG vous ont déjà été transmis. Il s’agit de marchés passés par le SIG depuis 2007, afin de mettre en place des outils permettant de guider l’ensemble des ministères, pour les aider à répondre aux préoccupations de nos concitoyens. Quant aux campagnes de communications, elles ont permis de mettre en œuvre les mesures nécessaires face à la crise sanitaire. À titre d’exemple, la diffusion de la campagne « Tester-Alerter-Protéger » a représenté un coût de 1,1 million d’euros.
Comme l’a souligné votre rapporteure spéciale, le programme 129 a également supporté un changement de Gouvernement, qui s’est accompagné d’un accroissement des effectifs des cabinets ministériels. Si elle a entraîné une sur-exécution du schéma d’emplois, cette volonté de renforcer les moyens du Gouvernement est liée à la nécessité de maintenir le rythme des réformes et de suivre leur mise en œuvre dans cette période de crise qui mobilise l’ensemble des ministères. Elle répond également à la volonté exprimée par le Premier ministre dans son discours de politique générale que chaque cabinet dispose, à temps plein, d’un conseiller parlementaire et d’un conseiller chargé des relations avec les élus locaux, afin de renforcer les liens avec la représentation nationale et les territoires.
Conformément aux annonces faites pendant l’examen du PLF 2021, la hausse du nombre de conseillers ministériels comprise dans le champ du programme 129 se limite à quatorze ETP supplémentaires, et quinze ETP pour le personnel de soutien au 1er janvier 2021, auxquels s’ajoutent six ETP pour la mise en place du Haut-Commissariat au plan. La consommation du plafond d’emplois reste très inférieure au plafond autorisé en loi de finances initiale.
Mme Dalloz est également revenue sur les difficultés de lisibilité posées, comme chaque année, par les transferts sortants du SGDSN en cours de gestion. Ils expliquent les écarts constatés sur l’action 2 Coordination de la sécurité et de la défense. Cette pratique est néanmoins inhérente au rôle de coordination interministérielle du SGDSN, qui oriente les choix d’équipements des ministères en lien avec le cabinet du Premier ministre.
De la même façon, votre rapporteure spéciale regrette l’absence d’inscription en loi de finances initiale des frais de déplacements du Premier ministre, notamment de ceux liés au recours à l’escadron de transport 60. Si ces frais sont facturés au Premier ministre depuis le 1er janvier 2010, à la demande de vos prédécesseurs, ils sont traditionnellement financés par le dégel partiel de la réserve de précaution du programme, compte tenu de leur caractère aléatoire. Le montant de ces vols a oscillé entre un et 4 millions d’euros ces dernières années ; ils peuvent donc être considérés comme des aléas de gestion et prélevés sur la réserve prévue pour de tels cas.
Les recommandations de votre commission ont porté leurs fruits s’agissant de la mesure de la performance du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Mme Dalloz considère, à juste titre, que la mesure du nombre de visites annuelles ne permet pas de refléter l’efficience du CGLPL, et que la taille des établissements visités devait entrer en considération. En vue de la préparation du PLF 2022, le projet annuel de performances intégrera un indice pondéré. Les brigades de gendarmeries seront pondérées à 0,3, les locaux de garde à vue des commissariats à 0,5, et les autres lieux de privation de liberté tels que les centres de rétention administrative, établissements pénitentiaires ou centres hospitaliers vaudront 1. Pour ces deux derniers types d’établissements, le coefficient sera majoré d’une unité par tranche de cent places, dans la limite de dix unités. Je pense que cette modification répondra à votre demande.
L’exécution budgétaire des autres autorités administratives indépendantes qui relèvent du programme 308 n’a pas subi d’impact significatif de la crise sanitaire, excepté le report de certains projets structurants. Les économies réalisées sur les déplacements ou l’organisation d’événements ont le plus souvent été redéployées pour permettre l’équipement informatique et sanitaire des agents.
Enfin, le budget annexe Publications officielles et information administrative demeure excédentaire de 38 millions d’euros, malgré l’impact important de la crise sur ses recettes et son activité en 2020. Le montant de cet excédent, malgré la crise qui a entraîné une forte baisse des recettes, s’explique par les importants efforts de réduction des effectifs, avec notamment dix-sept départs en 2020 contre quatre prévus en LFI, et près de 5 millions d’économies de fonctionnement courant par rapport à 2019.
Le régime de départ volontaire des agents de la DILA s’appliquera jusqu’à 2024 à des agents ayant au moins 56 ans, avec une rémunération dégressive. Ce plan est un levier essentiel pour la transformation de la DILA vers le numérique, en permettant aux agents dont le métier subissait de trop grandes transformations de partir dans de bonnes conditions. Au total, 129 d’entre eux ont bénéficié des deux plans de départ, permettant de générer des économies de 43 millions d’euros, pour un coût de 15 millions entre 2015 et 2020.
Votre rapporteure spéciale, à la suite de la Cour des comptes, s’interroge sur la pertinence de maintenir un budget annexe au lieu de réintégrer ces dépenses au budget général. La DILA et la direction du budget ne sont pas de cet avis et considèrent que le budget annexe se conforme aux principes de la loi organique relative aux lois de finances et permet de dégager d’importants excédents, tout en fournissant un service gratuit à l’ensemble de nos concitoyens.
M. Xavier Paluszkiewicz (LaREM). Les trois missions que nous examinons concernent l’action régalienne de l’État et représentent 0,4 % du budget de l’État en 2020.
S’agissant de la mission Pouvoirs publics, l’Élysée a su effectuer des efforts budgétaires en matière de maîtrise des dépenses de déplacements et de personnels, tout en augmentant ses investissements dans le numérique. Ce programme présente un résultat budgétaire excédentaire de 230 000 euros et un résultat comptable bénéficiaire de 8,4 millions d’euros, traduisant assurément une maîtrise des dépenses. N’en déplaise à ceux qui dénoncent, sans réel fondement, le train de vie du chef de l’État, force est de constater que la maîtrise des dépenses de l’Élysée est assurée.
La deuxième mission présente également des résultats positifs. La crise sanitaire a certes conduit à une hausse des dépenses des services du Premier ministre, mais un effort de redéploiement des crédits a permis d’en absorber l’effet. Les dépenses du programme de coordination du travail gouvernemental sont restées inférieures aux prévisions, produisant une économie de 75 millions d’euros.
Monsieur le ministre, afin d’évaluer au mieux les conséquences de la crise sanitaire, pourriez-vous détailler la sur-consommation des crédits alloués à la DINUM au cours de l’exercice 2020, et plus particulièrement son rôle de soutien à l’ensemble des ministères pour permettre le travail à distance tout au long de cette crise sanitaire ?
Les dépenses de la troisième mission sont particulièrement autonomes, puisqu’elles ne relèvent pas directement de l’action du Gouvernement. On constate une économie sur les quatre programmes de 164 millions en autorisations d’engagement et de 27 millions en crédits de paiement.
Les résultats de ces trois missions sont donc encourageants, ils montrent qu’une gestion régulée et maîtrisée de nos finances publiques est possible, même en situation de crise. Le groupe La République en Marche se félicite de ce constat salutaire et des progrès réalisés pour la gestion de l’argent public, et encourage naturellement le Gouvernement à poursuivre dans cette voie.
Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Je comprends que le ministre ne prenne pas position sur la gestion interne de l’Assemblée nationale, mais le rapporteur spécial l’invite à se prononcer sur le montant global de la dotation à l’Assemblée nationale, d’un montant de 517 millions d’euros. La faire évoluer n’est peut-être pas d’actualité, mais son gel a commencé bien avant 2012 ; peut-être faudrait-il la corriger de l’inflation. Nous avons calculé avec les questeurs que toutes ces années de non-indexation entraînent un manque annuel de 40 millions d’euros pour le budget de l’Assemblée nationale.
Plus largement, le montant global de cette dotation est-il soutenable ? Il existait des réserves, mais elles doivent être consacrées aux grands chantiers pour l’avenir, dont la réalisation a été retardée. Les travaux de la commission d’apurement des comptes de l’Assemblée nationale, que je préside, font apparaître un déficit de fonctionnement. En 2020, il a fallu faire quelques dépenses supplémentaires pour les masques et les ordinateurs, mais d’énormes économies de transport ont été réalisées. Nous constatons pourtant un déficit de 2 millions d’euros en 2020, et il est prévu qu’il s’élève à 8 millions en 2021. Le montant actuel de la dotation ne nous permettra pas de supporter le renouvellement électoral en 2022.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse concernant la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté ; la pondération des indicateurs de performance est une solution. Vous ne m’avez pas répondu sur le schéma d’emplois, et la réponse sur les cabinets ministériels est partielle. S’agissant du SIG, soyons sérieux : les 2,8 millions d’euros consacrés à surveiller la réputation du cabinet et de la sphère gouvernementale sur les réseaux sociaux n’ont aucun lien avec la crise. Ils sont liés à la prochaine campagne présidentielle !
M. Bruno Duvergé (Dem). Il est toujours très difficile d’évaluer les budgets de la mission Pouvoirs publics ; le risque est toujours grand de contrevenir au principe de séparation des pouvoirs.
Par courtoisie républicaine, je m’abstiendrai d’évoquer le Sénat. Concernant l’Assemblée nationale, je remercie nos collègues questeurs. Je me réjouis que la Présidence de la République continue ses efforts de régulation budgétaire, notamment en appliquant mieux le décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. Peu à peu, la Présidence de la République se soumet aux règles nécessaires en matière de dépenses publiques. Je me réjouis aussi de sa meilleure maîtrise des dépenses.
S’agissant de la mission Conseil et contrôle de l’État, l’année 2020 a été marquée par le développement de différentes modalités d’association et de participation citoyenne aux travaux du CESE. C’est le cas de la Convention citoyenne sur le climat ou de la commission temporaire « Générations nouvelles : quelles promesses pour quel avenir ? » Dans la perspective de la réforme du CESE, brillamment défendue par Erwan Balanant, quelles sont les perspectives budgétaires pour cette institution ?
M. Jean-Louis Bricout (SOC). Je regrette que nous n’ayons que deux minutes pour intervenir sur trois missions budgétaires.
S’agissant de la mission Conseil et contrôle de l’État, je centrerai mon propos sur la Cour nationale du droit d’asile. La Cour des comptes note un renforcement de ses effectifs et le PLF 2021 prévoit vingt-huit ETP supplémentaires. La crise sanitaire a entraîné une baisse significative de son activité : sur les huit premiers mois de l’année, la baisse des entrées a été de 33 %, et celle des sorties de l’ordre de 54 %. C’est bien plus que les autres juridictions administratives. Mais cette baisse d’activité ne doit pas nous tromper : la reprise sera extrêmement soutenue, excessive au regard des moyens humains dont dispose cette juridiction. Malgré les ETP supplémentaires, la réduction des délais de traitement imposée par la loi de 2008 exerce une pression presque insoutenable sur le personnel de la CNDA. Depuis la grève de vingt-huit jours qui a mobilisé toute la CNDA en 2018, le stress, la déshumanisation et les pressions n’ont pas disparu. Combien d’arrêts de travail ont été enregistrés l’année passée au sein de la CNDA, et qu’entend faire le Gouvernement pour revoir la gestion humaine catastrophique de cette juridiction ?
Concernant la Présidence de la République, nous persistons à regretter l’augmentation de 6 millions d’euros par an du budget de l’Élysée, alors que le quinquennat précédent a été marqué par sa diminution constante. Je rappelle qu’il était de 109 millions d’euros en 2012. Nous attendons avec impatience le rapport de la Cour des comptes, qui fut sévèrement critiqué lors du précédent exercice. René Dosière avait relevé une lecture simple, sans analyse approfondie, commentaire ou proposition d’amélioration. Quand sera-t-il rendu public ?
Le concours d’anecdotes auquel a participé le président Macron avec les célèbres youtubeurs McFly et Carlito a connu un certain succès sur les réseaux sociaux. Quel est le montant d’une telle opération de communication ? Il a fallu le concours de professionnels de la communication pour penser et orchestrer l’événement, l’enregistrer, le diffuser et assurer sa promotion sur les réseaux sociaux. Personne ne doute qu’un tel spectacle soit amusant, mais puisqu’il affecte le budget de l’État, on peut se demander si ces moyens n’auraient pas été plus utiles au budget dédié à la jeunesse.
S’agissant de la mission Direction de l’action du Gouvernement, qui concerne en particulier les missions des autorités administratives indépendantes (AAI) et leur rôle dans la garantie des libertés, nous regrettons que la crise du covid-19 n’ait pas entraîné un réajustement budgétaire en leur faveur. La baisse des sollicitations des AAI relevée dans le PLF 2021 ne signifie en aucun cas que leur activité diminue, bien au contraire. Le Défenseur des droits, en particulier, met en place un réseau de délégués territoriaux. Un tel maillage territorial aurait été particulièrement utile lors de la crise sanitaire, qui a affecté les citoyens dans l’exercice de leurs libertés et la mise en œuvre de leurs droits. Qu’entend faire le Gouvernement pour renforcer le budget d’autorités dont l’activité s’est fortement accrue du fait de la crise ?
M. M’jid El Guerrab (Agir ens). Le programme 308 Protection des droits et libertés regroupe depuis 2011 les crédits de diverses autorités indépendantes exerçant leur mission dans le champ de la protection des droits de l’homme et des libertés publiques et individuelles. Les crédits de huit AAI y sont rattachés, parmi lesquelles le Défenseur des droits, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou la Commission d’accès aux documents administratifs. Les conséquences de la crise sur ces autorités semblent avoir été limitées, les baisses de dépenses ayant largement compensé les surcoûts en 2020. En revanche, leur fonctionnement a été perturbé. Ce sont pourtant des acteurs incontournables de notre démocratie et des gardiens de notre État de droit.
Comment ces AAI ont-elles pu continuer à mener leur mission de protection des droits et libertés lors de l’état d’urgence sanitaire, qui a conduit à restreindre les libertés publiques afin de lutter contre l’épidémie de covid-19 ?
M. Marc Fesneau, ministre délégué. S’agissant de l’exécution des crédits du CESE au cours de l’année 2020, marquée par l’organisation de la Convention citoyenne pour le climat, la crise sanitaire a eu un impact limité sur l’activité du Conseil, qui a été maintenue à un niveau comparable aux années précédentes grâce à la publication de trente et un avis, études ou résolutions.
La diminution de certaines dépenses, notamment de déplacements pour 852 000 euros, et le maintien des recettes tirées de la valorisation du Palais d’Iéna, qui se sont élevées à 2,2 millions d’euros, ont permis de compenser les dépenses supplémentaires directement liées à la crise et destinées à la protection des agents et des membres. Les dépenses d’investissement ont également été maintenues et même accentuées dans le domaine informatique puisque 112 000 euros ont été investis pour permettre le télétravail.
La crise sanitaire n’a pas empêché, en outre, le bon déroulement de la Convention citoyenne pour le climat, qui a poursuivi ses travaux tout au long de l’année 2020 et remis ses propositions au Gouvernement. Le budget d’organisation avait été initialement arrêté à un montant de 4,4 millions d’euros mais les dépenses effectives se sont élevées à près de 6 millions sur les deux exercices, compte tenu de l’ajout de sessions supplémentaires et des dix recrutements rendus nécessaires par cette organisation.
Depuis son renouvellement, le CESE met en œuvre la réforme portée par la loi organique du 15 janvier 2021. Elle vise à replacer le CESE au cœur du débat public et à en faire un acteur central de la participation citoyenne.
La diminution du nombre de ses membres permettra au CESE de réduire ses dépenses d’environ 2 millions d’euros. Ces sommes seront redéployées au bénéfice de ses nouvelles compétences en matière de participation directe des citoyens, de traitement et publication des pétitions ainsi que dans son rôle consultatif préalablement à la publication de certains textes réglementaires.
Les AAI, comme beaucoup d’autres institutions, ont dû faire face à des frais liés à la crise, tout particulièrement pour protéger leurs agents et mettre en place le télétravail, en accélérant l’équipement en matériel informatique. L’équilibre budgétaire a été globalement sauvegardé même s’il a conduit à reporter certains projets structurants. Néanmoins, ces AAI, qui interviennent dans le domaine des libertés publiques, ont fait face à une activité très importante pendant la crise et je veux leur rendre hommage.
La CNIL, par exemple, a dû répondre à de nombreuses sollicitations du Gouvernement concernant l’utilisation à des fins sanitaires de fichiers ou de données telles que celles des caisses d’assurance maladie, l’inscription à l’entrée de certains établissements ou l’usage de la vidéo surveillance. La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a également exercé son contrôle sur les mesures du Gouvernement. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a, pour sa part, dû répondre à un grand nombre de saisines concernant notamment le traitement de la crise sanitaire par les médias.
Au sujet de cette dernière autorité, une incertitude pesait en 2020 sur l’exécution de son budget compte tenu de sa fusion prévue avec la HADOPI au sein de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), qui ne devrait finalement intervenir qu’à l’issue de l’examen du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, dont vous serez saisis dans les prochaines semaines.
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est l’autorité ayant le plus souffert de la crise sanitaire puisque l’accès aux prisons dans des conditions sanitaires appropriées a été plus difficile, ce qui explique que l’indicateur soit en recul pour 2020.
Je tiens à remercier M. Paluszkiewicz pour l’appréciation qu’il porte sur l’exécution du budget 2020. Je partage ses propos pour ce qui concerne le budget de l’Élysée, qui suit non seulement une trajectoire d’investissements indispensables, dans les domaines de la sécurité informatique et des aménagements immobiliers notamment, et reflète les efforts réalisés depuis le début du quinquennat pour réorganiser au mieux ses services et rationnaliser la gestion de ses ressources humaines.
Engagée dans l’appui aux services de l’État pour faire face à la crise sanitaire, la direction interministérielle du numérique a connu une sur-consommation de crédits au cours de l’année 2020, à hauteur de 38,6 millions en autorisations d’engagement. Elle correspond pour l’essentiel à la constitution d’un stock stratégique de 50 000 ordinateurs portables à destination des agents de l’État afin d’assurer la continuité du service public, à laquelle nous sommes tous attachés. L’ensemble des ministères bénéficiaires a reçu des ordinateurs commandés, à l’exception des ministères de la justice et de l’éducation nationale. Cette opération a été rendue nécessaire compte tenu des difficultés d’approvisionnement en matériel informatique tout au long de la crise sanitaire pour des commandes isolées.
Ces dépenses engagées à hauteur de 37,6 millions d’euros, dont 2,5 millions payés en avance, s’ajoutent à une consommation accrue des crédits alloués au programme TECH.GOUV qui ambitionne de concevoir et mettre en œuvre des projets numériques en phase avec les attentes et les besoins des citoyens, des entreprises et des agents publics. La sur-consommation de crédits a été financée par un transfert interministériel bénéficiant à la DINUM à hauteur de 1,2 million ainsi qu’une avance de trésorerie. Elle sera intégralement remboursée au programme 129 par transfert interministériel en gestion 2021.
Pour ce qui est de la Cour nationale du droit d’asile, rappelons qu’elle a rencontré de nombreuses difficultés au cours de l’année 2020, en raison de la grève des avocats au premier trimestre et de la crise sanitaire, ce qui explique une dégradation importante de ses indicateurs de performance. La mise en œuvre d’un plan d’action ainsi que la modernisation des méthodes de travail et la rationalisation de son organisation ont permis d’accroître considérablement la capacité de jugement de cette juridiction, ces dernières années, et de modérer la dégradation de ses activités. Elle aura bénéficié, entre 2015 et 2020, de 375 emplois supplémentaires – 23 en 2015, 24 en 2016, 40 en 2017, 102 en 2018, 127 en 2019 et 59 en 2020, soit 80 % des 483 créations d’emplois dont a bénéficié le programme 165 durant la même période. C’est dire si l’effort réalisé pour essayer de donner les moyens à la CNDA de gérer le flux très important des dossiers a été considérable. Le Gouvernement est mobilisé pour améliorer le traitement des affaires et les conditions de travail des agents.
S’agissant du réseau des délégués du Défenseur des droits, ils étaient 475 en 2017 et sont 540 aujourd’hui. Ces quatre dernières années, soixante-cinq postes ont été créés.
Quant à la CNIL, trente postes ont été créés, notamment pour répondre au règlement général sur la protection des données (RGPD) – dix en 2020 et vingt en 2021.
Concernant la Présidence, le rapport est en général rendu public l’été. Je ne peux répondre au sujet des dépenses de communication du Président de la République, mais vous aurez toute latitude pour poser vos questions lors de la clôture de l’exercice 2021.
Vous avez salué la stabilisation des dépenses de l’Élysée durant la période précédente. Or elle s’est traduite par un report des investissements. Si ces économies sont toujours populaires, les retards étaient tels que le bâti lui-même en venait à se dégrader, au point de menacer la sécurité, non pas du seul Président de la République, mais de l’ensemble de la Présidence. Les moyens doivent être alloués en fonction des besoins. Nous devrions tous nous féliciter que la Présidence de la République se dote des financements nécessaires pour assurer sa sécurité.
Pour ce qui est des moyens alloués aux assemblées, ils stagnent depuis près d’une décennie. Le budget est défini par une commission qui rassemble les questeurs des deux assemblées. Le Gouvernement ne s’y est jamais opposé. Il appartiendra aux assemblées de se saisir de ce sujet si elles le désirent.
Par ailleurs, la hausse du nombre de conseillers ministériels se limite à quatorze équivalents temps plein pour les cabinets, quinze pour le personnel de soutien, six pour le Haut-Commissariat au plan, soit trente-cinq au total pour un montant de 3 millions d’euros.
Enfin, les 2,8 millions d’euros dédiés à la surveillance des réseaux ne sont pas seulement motivés par la nécessité de gérer la crise et l’image du Gouvernement ; il s’agit de prévenir la diffusion de fausses informations qui pénalisent l’action publique.
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