Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 Examen de la proposition de loi visant à promouvoir la France des accents (n° 2473) (M. Christophe Euzet, rapporteur) 2

 Examen de la proposition de loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale (n° 3427) (M. Dimitri Houbron, rapporteur)              15

 


Mercredi
18 novembre 2020

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 23

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente
 

 


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La réunion débute à 9 heures 35.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission examine la proposition de loi visant à promouvoir la France des accents (n° 2473) (M. Christophe Euzet, rapporteur).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour examiner deux textes, que le groupe Agir ensemble a décidé d’inscrire à l’ordre du jour de sa journée réservée du 26 novembre 2020 : la proposition de loi visant à promouvoir la France des accents, qui fait l’objet d’une procédure d’examen simplifiée, et la proposition de loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.

M. Christophe Euzet est rapporteur de la première proposition de loi.

M. Christophe Euzet, rapporteur. Je commencerai par remercier la présidente de la Commission, qui a tout de suite manifesté de l’intérêt à l’égard de ma proposition de loi, déposée il y a un an et demi. J’aimerais également exprimer ma gratitude au groupe Agir ensemble et à son président, Olivier Becht. Tous sont convenus de l’intérêt du texte. Je remercie les orateurs des groupes qui ont participé aux auditions, notamment Jean-Pierre Pont, Vincent Bru et Paul Molac, ainsi que les personnes que nous avons entendues. Enfin, je remercie les groupes d’avoir accepté le recours à la procédure d’examen simplifiée.

Le texte a pour objet la promotion de la France des accents, par la modification de deux articles de loi, l’un du code pénal, l’autre du code du travail. Certes, nous pourrions débattre de l’opportunité du calendrier, et faire semblant de nous interroger à ce sujet. Toutefois, même si nous sommes très occupés par l’examen d’une multitude de textes, notre règlement réserve des niches parlementaires aux groupes minoritaires et d’opposition. Que nous soyons en mesure de débattre d’autre chose que des grands sujets qui nous préoccupent me semble être un signe de bonne santé démocratique.

En outre, la présente proposition de loi est loin d’être un gadget. Je connais le problème depuis longtemps. Elle fait écho à mon expérience de député, ayant eu le plaisir de constater, en siégeant à l’Assemblée nationale, que le Français se décline dans de multiples consonances.

De quoi parlons-nous ? De discrimination. Ce traitement inégalitaire, sur la base d’un critère considéré comme arbitraire, est contraire aux valeurs de la République, notamment l’égalité et la liberté. Dans de nombreux domaines, nous luttons précisément contre les discriminations, de façon tout à fait légitime. Que signifie une discrimination par l’accent ? Elle consiste à accorder un traitement différencié à quelqu’un qui a la même maîtrise grammaticale, lexicale et syntaxique de la langue que les autres, mais qui la prononce avec des intonations différentes. Elle consiste à le railler, à le moquer, voire à le discriminer notamment au cours de la vie professionnelle ou des études.

Avant de poursuivre, j’aimerais formuler deux précisions. Tout d’abord, le texte ne porte pas sur les langues régionales. Cette préoccupation légitime, dont nous avons eu l’occasion de débattre et dont nous débattrons à nouveau, ne m’occupe pas ici. Ensuite, le texte vise à promouvoir tous les accents, toutes les intonations que l’on peut entendre dans notre pays : accent du Sud, accent de l’Ouest, accent de l’Est, accent du Nord, accent des îles – je crains d’en oublier. Chacun comprendra que je place à part l’accent du Sud, qui m’habite. J’ai d’ailleurs une pensée émue pour mes défunts grands-parents, originaires de Sète, du côté paternel, et de Perpignan, de Catalogne, du côté maternel. En dépit de leur accent méditerranéen très prononcé, ils avaient la France chevillée au corps, et même cousue au cœur, comme le ruban de Manon des Sources à la poitrine d’Ugolin.

De telles discriminations, dans un pays qui s’honore de lutter contre les discriminations sous toutes leurs formes, passent inaperçues. Dans la sphère d’expression publique, dans les métiers exigeant une prise de parole publique, il existe une centralisation très nette de la prononciation de notre langue. Animateur de télévision ou de radio, présentateur, comédien, haut fonctionnaire, responsable politique, avocat, intellectuel : tout ce qui a trait, de près ou de loin, à la culture, à l’esprit, au savoir et au pouvoir est complètement uniformisé en matière de prononciation de la langue.

Questionnement : que se passe-t-il ? Les gens porteurs d’un accent seraient-ils moins doués que les autres ? Intériorisent-ils leur accent au point de s’interdire d’embrasser certaines carrières ? Sont-ils discriminés sur la base de leur accent ? Pratiquent-ils la dissimulation en perdant leur accent pour accéder aux postes que j’évoquais à l’instant ? Nous disposons de données chiffrées pour évaluer le phénomène. Un Français sur deux a un accent. Environ un Français sur quatre s’est déjà senti raillé pour son accent. Et 16 % des Français disent avoir été discriminés dans leur emploi ou dans leur carrière parce qu’ils prononcent le français avec des intonations un peu dissonantes ; ce chiffre atteint 36 % parmi les cadres, ce qui me semble édifiant. Cette discrimination est assumée par ceux qui la pratiquent. Ils n’ont pas le sentiment de commettre un acte illégitime, ni illégal. Le phénomène est massif, et pourtant il est ignoré. Il n’est pas aussi anodin qu’on pourrait le croire.

L’objectif de la présente proposition de loi est modeste. Il s’agit de provoquer un changement de mentalités, de faire évoluer les consciences sur une question de société. Ces discriminations quotidiennes ont des conséquences, qui sont souvent sous-évaluées. Elles sont d’abord d’ordre individuel. Elles font ressentir un certain mépris géographique et social, pouvant nourrir un sentiment de culpabilité, suggérant que l’on serait né dans la mauvaise région ou dans le mauvais milieu social, et un sentiment de dévalorisation plaçant certaines catégories de personnes en situation de honte par rapport à ce qu’elles sont. Finalement, on renonce, bon gré mal gré, à prétendre à certaines fonctions, ou on adopte l’attitude inverse, qui consiste à perdre son accent, à abandonner ce que l’on est, à perdre une part de son identité, mû par le sentiment qu’il faut se renier pour réussir. Il est rare, à ma connaissance, que les victimes d’une discrimination soient tenues de s’y adapter.

Les conséquences de cette discrimination sont aussi sociales – c’est là le motif essentiel du texte. Certaines sont à peine visibles : le pays se prive d’une part de ses richesses en ne puisant pas dans sa diversité, et d’une part de son rayonnement en raillant les Français, et plus généralement les francophones du monde entier, qui parlent français avec des consonances particulières, au lieu de s’en réjouir. D’autres sont bien visibles, notamment la difficulté d’identification à la parole publique qui peut en résulter. Certains de nos concitoyens ne se sentent plus représentés, car ils peinent à s’identifier à la sphère d’expression publique. La crise des « gilets jaunes » que nous avons traversée il y a un an et demi atteste, me semble-t-il, de la véracité de mon propos. Cet état de fait suscite des moqueries en retour, que l’on peut comprendre mais dont on ne peut se réjouir.

Les dispositions du texte sont simples. Il s’agit d’insérer l’accent dans la liste des motifs de discrimination interdits par la loi. L’objectif ultime est de provoquer une prise de conscience, selon une démarche similaire à celle adoptée contre les discriminations à l’égard des femmes, des homosexuels, des minorités visibles et des handicapés, en faisant reconnaître cette discrimination comme telle. Il s’agit de combler un vide juridique, de boucher un angle mort du droit, de dresser un feu rouge, qui permettra certes de sanctionner – tel n’est pas l’unique objet de cette proposition de loi, contrairement à ce que j’ai lu ça et là –, mais surtout de mettre un terme à certaines pratiques. Le texte permettra de faire du testing, d’assurer un suivi statistique et, le cas échéant, de sanctionner les comportements anormaux. Il constitue la première pierre d’un édifice dont la construction se poursuivra dans d’autres cadres, notamment le projet de loi sur l’audiovisuel, au moyen duquel il serait heureux, me semble-t-il, d’inviter les grands médias à recourir à la diversité des consonances de notre pays.

Enfin, ce texte vise également, de façon assez surprenante, à promouvoir le français. Au sein d’un pays donné, la langue se renouvelle par la pratique des cuisines, par les pratiques populaires. Elle tend à se régénérer par en bas. Si une élite autocentrée se coupe de ceux qui viennent d’en bas et nourrit le renouvellement de la langue à la mamelle des langues étrangères, nous vivrons dans un Français de plus en plus anglicisé, dont j’imagine que nous reparlerons « ASAP », comme on a pris l’habitude de le dire.

Je conclurai mon propos en empruntant à Schopenhauer, qui n’avait pas le français en partage, le constat que toute vérité franchit trois étapes : d’abord, elle est ridiculisée ; ensuite, elle subit une forte opposition ; puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence. Je gage que nos débats nous ferons passer directement à la troisième étape !

M. Jean-Pierre Pont. Je salue l’excellente initiative des membres du groupe Agir ensemble, notamment de mon collègue et ami très cher – je n’ose dire « peuchère » – Christophe Euzet, rapporteur de la proposition de loi visant à promouvoir la France des accents, en assurant leur défense contre toute discrimination.

À l’accent, on peut reconnaître un Belge ou un Suisse, et facilement distinguer un Anglais d’un Américain. On peut aussi distinguer immédiatement l’origine provinciale ou régionale d’un Français. L’accent, richesse de nos cultures et de leurs origines linguistiques, ne doit en aucun cas provoquer la moindre discrimination. Tel est l’objet de la proposition de loi présentée par le groupe Agir ensemble. Elle complète harmonieusement, à mes yeux, l’effort consenti de longue date contre les discriminations de toute nature, amplifié par le Président de la République. Le groupe La République en marche s’associe au groupe Agir ensemble dans cette démarche, en un consensus parfait.

Essayons, puisque l’occasion se présente, de nous évader de l’aspect purement législatif de nos débats pour les humaniser quelque peu. Natif de la région des Hauts-de-France, toute mon enfance s’est bâtie à l’écoute des accents picard et ch’ti. L’accent, comme les langues régionales, représente pour moi une richesse immense, une culture qu’il faut préserver. Le plus célèbre, le plus charmeur et souvent le plus utilisé dans les blagues, en France, est à coup sûr l’accent marseillais. Combien de soirées délicieuses n’avez-vous pas passé en compagnie des œuvres et des films du génial méridional Marcel Pagnol ? Rappelez-vous : Marius, César, Fanny ! Rappelez-vous, dans Jean de Florette ou Manon des Sources, Yves Montand et Daniel Auteuil s’appliquant avec réalisme à reproduire l’accent méridional, l’accent chantant, qui donne force et charme aux personnages ! Et n’oubliez pas Jean Giono, dont les œuvres ont notamment inspiré Angèle, La Femme du boulanger et Crésus, où joue Fernandel ! Je ne peux évoquer ici toute la diversité de nos accents, parmi lesquels l’accent créole, qui me procure toujours une forte émotion.

Les accents naviguent toujours de conserve avec la langue d’origine, et l’histoire en ajoute souvent de nouveaux. Tel est sans doute le cas, de nos jours, du parler très vivant de certains jeunes dans les banlieues de nos grandes villes. La présente proposition de loi vise à protéger de toute discrimination les accents pratiqués dans les territoires français. Depuis une vingtaine d’années, grâce à plusieurs lois dont je vous épargne les intitulés, le Parlement a ciblé toutes les formes de discrimination fondées notamment sur l’origine, la langue parlée, l’âge, le handicap, la religion et l’identité sexuelle, en matière d’accès à l’emploi et au logement, d’éducation et de fourniture de biens et de services, tels que l’obtention d’un crédit.

Pour en venir au détail du texte, il convient d’ajouter à la liste des discriminations dressée à l’article L. 225-1 du code pénal la discrimination par l’accent. De même, il est indispensable de compléter l’article L. 1132-1 du code du travail, en y intégrant l’accent comme critère de discrimination dans l’accès à l’emploi. Ainsi, mes chers collègues, si, dans votre sagesse, en faisant abstraction de toute considération politique, vous adoptez les deux articles de la proposition de loi, il sera désormais possible d’interdire, voire de sanctionner toute discrimination due à l’accent, et par là même de défendre les cultures régionales. Le groupe La République en Marche apporte son soutien total à cette proposition de loi du groupe Agir ensemble et à son rapporteur Christophe Euzet.

M. Arnaud Viala. Je partage – et je ne chercherai pas à le masquer – avec M. le rapporteur l’accent de la grande région Occitanie, tranché et chantant, que nous revendiquons. J’aimerais formuler plusieurs observations.

Premièrement, vous n’y êtes pour rien, monsieur le rapporteur, mais il me semble que les circonstances dans lesquelles s’inscrit l’examen de votre texte rendent sa compréhension particulièrement difficile pour nos concitoyens, dans une période où notre société est traversée par des difficultés d’une tout autre nature, et où des inquiétudes planent sur l’avenir sanitaire, économique et sécuritaire de notre pays. Hier soir encore, tandis que des débats primordiaux se tenaient dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, quantité de gens, devant ses portes, manifestaient probablement de l’opposition, mais aussi beaucoup de désarroi. Il me semble que cette coïncidence de dates rend le sujet secondaire, voire subalterne, à l’aune de l’actualité du pays.

Deuxièmement, étant linguiste de formation, ayant appris une langue seconde, l’anglais, pour l’enseigner à d’autres, je sais combien la question de la prononciation est importante. Certains pays, en matière d’enseignement de la langue, ont fait des choix distincts de ceux de la France. Pour m’en tenir à ce que je connais le mieux, lorsque j’apprenais l’anglais à l’université de Montpellier, on m’enseignait sa variante « RP » – Received Pronunciation –, qui est l’anglais des catégories socioprofessionnelles supérieures du sud du pays, dont la langue est standardisée. On ne nous enseignait pas du tout les nuances de prononciation, que l’on découvre en se rendant en Grande-Bretagne. En sillonnant le pays, on se rend compte que la maîtrise de l’anglais « RP » ne permet pas de comprendre ce que disent les gens de Birmingham ou les Écossais, ce qui est une véritable difficulté. Nulle part en France, à aucun moment, nous n’avons introduit l’enseignement des nuances de prononciation et de phonétique, ce qui est une excellente chose.

Cela m’amène à ma troisième observation. Il ne me semble pas judicieux – ce point de vue est largement partagé au sein du groupe Les Républicains – de légiférer à ce sujet. Il s’agit d’un patrimoine culturel immatériel de la France, appartenant à notre histoire et à la diversité de nos territoires. Ce n’est pas à la loi, mais à la sagesse individuelle et collective, ainsi qu’à l’éducation prodiguée aux enfants dans les familles et à notre façon d’entretenir cette diversité, qu’il incombe de le préserver. Je doute que la présente proposition de loi, si elle devait être votée, serait bénéfique pour sa préservation, bien au contraire : elle susciterait un débat qui n’a pas lieu d’être et attirerait exagérément l’attention sur un aspect de notre quotidien.

Nous avons un Premier ministre originaire d’Occitanie, qui s’exprime avec un accent assez tranché. J’observe que cela ne pose de problème à personne, même si certains s’en amusent parfois – on en rit comme on rira, pour un autre, de sa taille ou de sa couleur de cheveux, comme on rit de tout personnage public. Je ne vois pas en quoi la présente proposition de loi contribuera de quelque manière que ce soit à la préservation de cet acquis, qui est essentielle.

Je suis donc au regret, cher Christophe Euzet, de vous dire que, même si je continuerai, comme toujours, à ne pas masquer l’accent que nous avons en commun, ce qui serait la pire des choses, il ne me semble pas opportun d’introduire les dispositions proposées dans nos textes, qui sont trop souvent bavards. Le groupe Les Républicains votera contre la proposition de loi.

M. Vincent Bru. La proposition de loi visant à promouvoir la France des accents entend faire évoluer les mentalités en prohibant les discriminations sur le fondement de l’accent, qui sont une réalité ne datant pas d’hier. On les constate dans les médias nationaux, notamment dans la presse parlée, qui cantonne trop souvent les journalistes ayant un accent aux commentaires de matchs de rugby, aux émissions culinaires ou à la présentation de la météo. On les constate aussi dans le monde du spectacle et du cinéma, ainsi que dans le monde politique, dans les administrations et dans les entreprises privées. Plus généralement, elles ont cours dans les nombreux métiers nécessitant de s’exprimer en public.

Comme l’indique M. le rapporteur dans l’exposé des motifs, ces discriminations révèlent une culture de l’unicité linguistique bien ancrée dans les mentalités, qui compromet l’égalité des chances en matière d’études et d’emploi. Cette culture de l’uniformité de la façon de s’exprimer menace également notre cohésion sociale et nationale, en nourrissant un sentiment d’exclusion parmi les personnes porteuses d’un accent, notamment les plus modestes. Il est donc indispensable, dans un souci d’égalité des chances et de cohésion des territoires, de reconnaître et de protéger tous les accents, sans distinction d’origine.

Il y va également du rayonnement culturel de la France. Plus de 300 millions de personnes parlent le français dans le monde, avec des prononciations distinctes. Les accents sont incontestablement le reflet de la richesse de notre patrimoine linguistique et de sa vitalité, ainsi que de l’identité de la France. Notre groupe salue donc l’initiative à l’origine de ce texte ainsi que son auteur, Christophe Euzet. Il valorise la diversité de la prononciation de la langue française contre l’uniformité. Il y va non seulement de la reconnaissance de tous les accents, mais aussi et surtout de l’interdiction de la discrimination par l’accent.

L’égalité d’accès à l’emploi doit être garantie, dans le secteur public comme dans le secteur privé. Or la modification du code du travail prévue dans la présente proposition de loi ne protège que les salariés du secteur privé, à l’exclusion des fonctionnaires. C’est pourquoi le groupe MoDem et Démocrates apparentés propose, à mon initiative, d’ajouter un article modifiant la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, afin d’étendre à la fonction publique la lutte contre les discriminations par l’accent. Plusieurs exemples nous ont été rapportés lors des auditions que vous avez menées, monsieur le rapporteur. L’article que nous proposons rétablit l’égalité de traitement entre les salariés et les fonctionnaires.

Par ailleurs, notre groupe met un point d’honneur à faire en sorte que la loi soit claire, et que les mots utilisés soient justes, afin de garantir son effectivité. Or il est clair que le texte vise à lutter contre les discriminations par l’accent. Nous avions déposé un amendement visant à en modifier le titre. Fort heureusement, nous sommes parvenus à un intitulé de compromis avec notre rapporteur. Le groupe MoDem et Démocrates apparentés se déclare favorable à la proposition de loi.

Mme Cécile Untermaier. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de votre présentation. Elle illustre la réalité des accents, ainsi que l’intérêt qu’ils présentent. Je salue la qualité du rapport. Vous nous faites toucher du doigt une réalité. La discrimination en général est un phénomène massif, et celle fondée sur l’accent ne fait pas exception. Toutefois, c’est moins l’accent de l’Occitanie qui pose problème en la matière que celui des banlieues. De ce point de vue, il nous semble intéressant d’agir d’abord sur la dimension culturelle du problème, plutôt que sur sa dimension pénale.

Nous considérons que cette proposition de loi, qui vise à lutter contre les discriminations fondées sur l’accent, est loin d’être anecdotique. Elle prévoit d’inscrire ce motif de discrimination dans le code pénal et dans le code du travail, afin de lutter contre la glottophobie, qui consiste à rejeter des personnes au motif qu’elles parlent avec un accent. Le constat des discriminations dont elles sont victimes est établi sur des bases objectives, au premier rang desquelles la rareté des accents à la radio et à la télévision. Si la quantification du phénomène discriminatoire est délicate, son existence est indéniable. Dès lors, la question de savoir s’il est nécessaire d’inscrire un nouveau critère de discrimination interdit par la loi se pose. En effet, on peut considérer la glottophobie comme une discrimination fondée sur les origines, dans la mesure où l’on peut déduire l’origine d’un individu d’éléments extérieurs et perceptibles, tels que son accent.

L’inflation des critères de discrimination découle de la volonté du législateur de couvrir de façon explicite toutes ses formes. Ainsi, le code pénal et le code du travail interdisent toute discrimination fondée sur l’origine, le sexe, la situation de famille, la grossesse, l’apparence physique, la vulnérabilité économique, le patronyme, le lieu de résidence, l’état de santé, la perte d’autonomie, le handicap, les caractéristiques génétiques, les mœurs, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’âge, les opinions politiques, les activités syndicales, la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, l’appartenance ou non à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée. En cas d’infraction, le code pénal prévoit des peines de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Faut-il inclure l’accent dans cette liste ? La question nous semble sérieuse. Il n’en faudrait pas moins s’interroger sur les effets d’une telle mesure, et surtout sur l’application des dispositions pénales ainsi modifiées. D’ailleurs, vous hésitez entre le registre de la répression des discriminations et celui de la promotion des accents grâce à l’évolution des mentalités, monsieur le rapporteur, ce qui explique la modification du titre de la proposition de loi.

Chaque fois que le législateur est intervenu pour compléter la liste, déjà longue, des discriminations interdites, il a prévu une sanction, pour mieux faire avancer les mentalités d’une société ayant un penchant pavlovien à l’uniformité. L’inscription dans le code pénal et le code du travail d’un nouveau motif de discrimination ne doit pas occulter la dimension culturelle et éducative du sujet. Si les accents sont constitutifs de la richesse de notre langue, il incombe à l’éducation nationale et aux institutions culturelles d’en assurer la valorisation. Notre groupe votera le texte.

M. Dimitri Houbron. Sachez, chers collègues, que c’est avec beaucoup de plaisir que je m’exprime en ce lieu, au nom du groupe Agir ensemble, à l’occasion de l’examen de textes présentés dans le cadre de sa première niche parlementaire. Nous sommes réunis pour débattre d’un texte auquel je suis sensible, étant attaché, comme chacun ici, à la langue française et aux diverses façons de réciter sa mélodie, sur notre territoire et dans le monde. Je tiens à remercier M. le rapporteur de la qualité de ses travaux et de ses propos introductifs, qui ouvrent le débat sur un sujet bien plus sérieux et sensible qu’il n’y paraît, dès lors qu’il concerne plus de 30 millions de nos concitoyens. Député du Nord, très certainement déjà trahi par quelques-unes de mes intonations, je connais suffisamment les stéréotypes attachés à l’accent de ma région pour m’interdire de l’aborder avec légèreté.

Nombreux sont ceux qui rangent les accents dans la catégorie du folklore, à tort. Ce faisant, ils occultent la souffrance vécue par celles et ceux qui, en dépit de leur maîtrise de la langue commune, sont réduits à leur seule façon de la prononcer. Altérer l’identité d’une personne en fonction de son accent amène bien souvent à obstruer sa carrière professionnelle et son développement personnel.

L’accent devient alors une question de société, dont il est légitime que le législateur s’empare. Tel est l’objet de la présente proposition de loi, qui vise à inclure l’accent parmi les motifs de discrimination réprimés par le code pénal et par le code du travail. Le groupe Agir ensemble a pris note des reproches formulés à l’encontre du texte, notamment ceux déplorant son caractère exclusivement répressif. Le titre du texte sera modifié en conséquence par un amendement du rapporteur. Par-delà la proposition de loi, nous souhaitons favoriser un changement des mentalités en matière de perception des accents. Il s’agit du premier jalon d’un processus qui n’aboutira, hélas, que dans le temps long.

M. Paul Molac. Monsieur le rapporteur, vous mettez le doigt sur un phénomène qui existe depuis fort longtemps, et dont on ne débat que très peu, car il constitue une forme de domination. Jadis, il fallait pratiquer la langue et l’accent du roi, puis ceux de la classe dominante, parisienne pour l’essentiel. À défaut, on était mis de côté. Ainsi, on considère volontiers que l’accent du sud est bon pour les galéjades, pas pour le droit. Je regrette : l’accent ne fait pas la compétence, ni la volonté d’avancer. Je suis parfois peiné d’entendre des Français se moquer des Québécois, qui font un travail énorme pour faire vivre la langue française au sein d’un continent nord-américain largement dominé par l’anglais, où le français est une langue minoritaire et minorisée. Nous devrions au contraire leur donner un coup de main. Je ne comprends pas cette attitude.

En la matière, il existe de véritables discriminations. Si, étudiant dans une école de journalisme, vous avez un accent quelconque, on vous dira qu’il est inutile d’essayer de faire de la radio ou de la télévision. « Faites de la presse écrite », voilà ce que disent les formateurs ! On en vient même à des situations caricaturales. Dans les années 1980, la BBC a fait une sorte de révolution culturelle, consistant à dire : « Il existe plusieurs accents, nous allons donc embaucher des journalistes aux accents différents ». Il en a été de même avec les couleurs de peau. En France, rien de tel n’a jamais été fait. Même les journalistes de couleur ont exactement l’accent standard, de sorte qu’on est presque plus discriminé selon l’accent que selon la couleur de peau, ce qui est assez étonnant.

Dans certains reportages, on voit même des gens qui parlent français avec un léger accent, et que l’on comprend très bien, dont on sous-titre les propos. Curieux ! Quant au journal de 20 heures, je ne le regarde plus, tellement il m’agace. Il s’agit, paraît-il, d’un journal national, mais il a pour décor la tour Eiffel et Paris ; je ne suis pas certain que la France soit limitée à Paris. Quant à la façon de traiter l’information, elle reflète la vision des Parisiens – comment ils voient le monde, comment ils nous voient. La façon dont sont traitées les régions est symptomatique de leur façon de voir. Un seul journaliste audiovisuel fait exception, Jean-Michel Apathie, qui parle avec son accent basque. Lorsque j’ai été élu à l’Assemblée nationale, en 2012, j’ai entendu parler français avec divers accents et je me suis dit : « L’Assemblée nationale, c’est vraiment la France ! ». Je le regrette, mais je n’en dirais pas autant de la télévision.

L’enjeu de la présente proposition de loi n’est-il pas de contribuer à ce que la France s’accepte elle-même ? Il s’agit de mettre un terme à la domination par l’accent, d’un côté, et au déni, prélude au reniement, de l’autre. Comme l’a rappelé Christophe Euzet, se plier à un standard et à un accent constitue une forme de reniement. Il me semble que nous sommes mûrs pour passer à autre chose, ce qui d’ailleurs nous fera du bien. Entendre des accents différents habitue l’oreille aux diverses façons de prononcer la langue, et par là aux langues étrangères, ce qui devrait nous aider à devenir polyglottes. Le monde de demain, me semble-t-il, ira dans cette direction. Je suis très favorable à la proposition de loi, qui n’a rien à voir avec les langues régionales, à ceci près que le mépris qu’elles suscitent est un peu le même. Je soutiendrai la proposition de loi, qui me semble aller dans le bon sens et nous permettra de nous accepter tels que nous sommes.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. J’ai cosigné la présente proposition de loi, car il m’a semblé intéressant d’ouvrir le débat. J’en avais déposé une autre, sur un sujet considéré comme léger : la protection du patrimoine sensoriel des campagnes. En effet, certaines personnes ne supportent pas les bruits et les odeurs de nos campagnes. Le Conseil d’État, sollicité, avait finalement considéré que la proposition de loi soulevait de vrais problèmes. Elle a été adoptée à l’unanimité.

J’ai pris bonne note des propos de Christophe Euzet sur la discrimination diffuse, ainsi que sur le ressenti et le sentiment de culpabilité pouvant résulter de la diversité des accents. Je ne sais pas si la présente proposition de loi permettra de valoriser le français, mais rien ne me semble s’opposer à l’inscription de l’accent parmi les critères de discrimination énumérés à l’article 225-1 du code pénal. Il incombera alors à la Défenseure des droits ou aux juridictions saisies d’apprécier le caractère discriminatoire des décisions. Le groupe UDI et Indépendants n’a pas de position arrêtée à ce sujet, chacun de ses membres restant libre de son vote. À titre personnel, je considère que ce débat est intéressant.

M. Stéphane Peu. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine accueille favorablement cette proposition de loi, même s’il relève un écart entre l’ambition portée par son titre et la réalité du texte qui vise surtout à faire de l’accent une discrimination supplémentaire.

Cette proposition de loi réduit l’accent aux accents régionaux. Or on pourrait également prendre en considération les différences de vocabulaire, les disparités générationnelles ou de classes sociales. Cela me fait toujours sourire quand on évoque l’accent parisien : il existe un parler de l’élite française mais pas un accent parisien ! Pour entendre un accent francilien, venez en banlieue. Les mots utilisés et la façon de les prononcer font largement autant l’objet de discriminations que certains accents régionaux. Le parler de la banlieue comporte non seulement un accent, mais il dit, en plus, quelque chose de la classe sociale, ce qui n’est pas le cas de l’accent du Midi. Il entraîne ainsi une double discrimination. Ce n’est pas facile pour des jeunes ayant grandi dans ces quartiers, ayant toujours échangé de la sorte et qui, après avoir pu suivre des études supérieures, se retrouvent bloqués dans leur parcours professionnel à cause de leur accent, alors qu’il n’enlève rien, bien sûr, à leur intelligence et à leurs capacités.

Une petite élite fait effectivement preuve de condescendance à l’égard des accents. L’arrivée aux responsabilités du Premier ministre en a illustré la caricature. On a ainsi entendu des journalistes, je pense notamment à Bruno Jeudy, dire que c’était la garantie d’une politique ancrée dans les terroirs. Or M. Castex est l’archétype de l’élite technocratique, bien éloignée des terroirs. Son accent ne dit rien de son ancrage territorial ni de sa proximité avec nos régions.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Il est maire d’une petite commune.

M. Stéphane Peu. Il faut se méfier des visions trop rapides. Enfin, je sais que ce n’est pas l’objet de la proposition de loi, mais il est gênant d’examiner un texte sur les accents, qui écarte la question des langues régionales ou d’outre-mer.

Ce qui crée une nouvelle ségrégation par le langage – et ce n’est pas faire insulte à la majorité que de dire qu’ils sont parfois très porteurs de cette tendance –, c’est le franglais, cette novlangue qui, au-delà des mots de langue anglaise, intègre surtout des termes du monde économique et de l’entreprise, et tente d’expliquer notre société par ce prisme. C’est, pour moi, un appauvrissement et j’invite tous ceux qui dérivent dans ce sens – ce ne sont pas seulement les députés du groupe de La République en Marche – à se refréner et à respecter le français, avec tous ses accents, de toutes les régions et de toutes les classes sociales.

M. Christophe Euzet, rapporteur. Je remercie Jean-Pierre Pont et Dimitri Houbron pour leur position. Je salue les remarques de Paul Molac que je rejoins en grande partie – on ne peut que regretter cette centralisation excessive –, ainsi que les propos de Cécile Untermaier et la position de son groupe. Je m’associe à la préoccupation consistant à miser sur le rôle de l’éducation, encore faut-il qu’elle s’ouvre en la matière ! Je remercie également Pierre Morel-À-l’Huissier. Je constate finalement un assez large consensus.

J’ai pris acte des remarques adressées par le groupe du Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés et son représentant Vincent Bru. Nous avons sans doute sous-estimé les répercussions sur la fonction publique, où les discriminations sont souvent manifestes. Le titre, en effet, ne correspond pas complètement à l’ambition et je suis prêt à en discuter de façon à l’harmoniser avec la réalité du dispositif prévu par la proposition de loi.

Je ne soupçonnerai pas Arnaud Viala de mauvaise foi. Il ne s’agit pas ici de faire le procès des journées réservées. Nous n’en maîtrisons pas les dates. L’occasion est donnée aujourd’hui au groupe Agir ensemble de soumettre sept textes, dont celui-ci qui était « dans les tuyaux » depuis un an et demi. Cette préoccupation s’inscrit parmi toutes celles que nous avons et que tout le monde connaît bien au sein de cette commission. Nous faisons œuvre utile, dans le sens d’une refondation du contrat social. Je répète ce que j’ai évoqué précédemment s’agissant des « gilets jaunes » : il y avait dans les départements du Sud dont je suis un élu, sur les bords de la Méditerranée, un mécontentement très fort à l’encontre d’un pouvoir considéré comme étant essentiellement parisien – c’est le cas depuis trente ans – et un rejet de cette parole publique. Il est indispensable d’adresser un signal fort.

Je terminerai par la question des discriminations positives. Étant juriste de droit public, je n’ai pas un a priori très favorable en la matière. Mais force est de constater que lorsqu’on intègre des discriminations dans le droit, on pose un interdit et que les mentalités changent. J’ai évolué moi-même : j’étais contre, j’y suis favorable.

Je constate d’ailleurs qu’Arnaud Viala a changé de position également, puisqu’il se prononce aujourd’hui contre la proposition de loi, alors qu’il en est cosignataire !

M. Stéphane Mazars. Il suffit que je prononce quelques mots pour que vous compreniez que ce sujet m’interpelle ! (Sourires.) Je remercie notre collègue Christophe Euzet de son initiative et le félicite pour la présentation de sa proposition de loi dans laquelle il a mis beaucoup d’allant. Sa faconde permet de mettre en évidence le décalage entre cet accent qui peut faire sourire et la profondeur du propos. Comme disait Jean-Jacques Rousseau : « L’accent est l’âme du discours, il lui donne le sentiment et la vérité ».

Sa proposition de loi a une vertu, celle de nous faire toucher du doigt la discrimination en raison de l’accent, cette réalité vécue par certains de nos concitoyens et décrite par plusieurs orateurs. Ce n’est pas intuitif chez moi. J’ai beaucoup plaidé en effet au nord de la Loire et chaque fois que j’arrivais dans un prétoire, avec mon accent, je ressentais plutôt un accueil favorable de la part des magistrats – cela ne veut pas dire que le dossier était gagné ! – mais je bénéficiais d’une attention toute particulière et j’avais l’impression de les sortir de leur morosité habituelle et d’y prendre un avantage ! J’ai pu avoir le sentiment d’être moqué, d’amuser, mais jamais d’avoir été discriminé.

S’agissant de l’interpellation d’Arnaud Viala, – avec qui je partage cet accent aveyronnais, méridional du Nord –, il y a en effet un décalage entre l’état de notre société et le sujet qui nous préoccupe aujourd’hui. Sa remarque permet de rappeler à ceux qui s’intéressent à nos travaux ce qu’est une niche parlementaire et l’occasion qui est ainsi donnée au groupe Agir ensemble de soumettre une proposition de loi. Ce décalage correspond à la réalité de nos institutions et prouve, d’ailleurs, qu’elles continuent de fonctionner et de s’intéresser à tous les sujets.

Face à cette défiance envers la parole publique, il serait bon que nos concitoyens suivent un peu plus les travaux de l’Assemblée nationale : ils s’apercevraient que différents accents s’y côtoient et que chaque député apporte ce qui fait l’authenticité de ses origines.

M. Rémy Rebeyrotte. Ce texte, d’un profond humanisme, porte en fait sur la diversité, dont il importe de souligner la variété. Comme l’a souligné Stéphane Peu, ce qui rend le français vivant, c’est son évolution, sa créativité. Face aux anglicismes, nous avons intérêt à réinventer notre langue en permanence. Ce que fait la jeune artiste Aya Nakamura qui, par ses chansons, réinvente des expressions françaises et les porte au niveau international, est remarquable. Il faut en même temps permettre à la langue de se réinventer sans cesse et continuer à porter ses accents et sa diversité. Ces deux aspects sont tout aussi importants quand on évoque la richesse de notre langue. C’est en cela que ce texte est superbe.

Je terminerai avec ces mots de Gilbert Bécaud : « Et par-dessus tout ça, on vous donne en étrenne l’accent qui se promène et qui n’en finit pas ».

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Merci d’introduire un peu de poésie dans cette commission.

Mme Emmanuelle Ménard. Pardonnez-moi, je vais un peu refroidir l’ambiance ! Je suis, pour ma part, députée d’Occitanie, de Béziers, et je connais bien l’accent du Sud, que j’apprécie, mais je suis née à Lille : j’ai, si j’ose dire, deux accents qui font le grand écart entre le nord et le sud de la France.

Vous avez précisé dans votre introduction, monsieur le rapporteur, que l’agenda de cette proposition de loi n’était pas le point le plus important et qu’il dépendait du rythme des journées réservées. Je ne suis pas de cet avis. Non, le moment n’est pas le mieux choisi – même si vous n’en avez pas la maîtrise –, alors que nous sommes en urgence sanitaire et en urgence attentat. Cela me semble – et c’est un euphémisme ! – en décalage par rapport aux préoccupations des Français, à ce que vivent les commerçants, restaurateurs, gérants de bars, d’hôtels, de boîtes de nuit et j’en passe.

Par ailleurs, un aspect de votre propos m’a choquée. Non, on ne peut pas comparer les discriminations que subissent les homosexuels ou les handicapés à celles prétendument endurées du fait de son accent. On est à la limite de l’indécence.

Sur la méthode, vous posez la question sous l’angle de la discrimination et c’est dommage. Au lieu de promouvoir les accents, comme le suggère le titre de votre proposition de loi, vous voulez réprimer. Le procédé n’est pas le bienvenu. Nous aurions tout à gagner à promouvoir les accents, au lieu de réprimer en les inscrivant dans la longue liste des discriminations prévues dans notre code pénal.

Cela a été dit, notre Premier ministre a un accent. Je ne pense pas qu’il ait été discriminé pour cette raison. Certains des cosignataires de votre proposition de loi ont littéralement squatté les plateaux de télévision durant la crise des « gilets jaunes » ou de la réforme des retraites. Je n’ai pas eu l’impression qu’ils aient été discriminés du fait de leur accent. Certains des porte-paroles du groupe majoritaire – peut-être est-ce également le cas dans d’autres groupes – ont un accent. Sont-ils discriminés ? Je ne le crois pas.

Donc, oui, à la promotion de la France des accents, mais pas de cette façon, pas par le biais de l’interdiction et de la sanction, cela ne me paraît pas judicieux, pas plus que de légiférer sur cette question en ce moment car je ne crois pas que la loi apporterait quoi que ce soit en la matière.

En conclusion, je reviendrai sur un engagement de campagne du Président de la République – sous le nom duquel vous avez été élu, monsieur le rapporteur, même si vous avez changé de groupe depuis –, celui de lutter contre l’inflation législative. Pour reprendre ses propos lors d’un Congrès à Versailles, la loi est faite pour encadrer les transformations profondes, les débats essentiels et donner un cap. Je crois qu’il est grand temps de revenir à l’essentiel.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er (art. 225-1 du code pénal) : Reconnaissance des discriminations fondées sur l’accent dans le code pénal

La Commission examine les amendements de suppression CL1 de Mme Emmanuelle Ménard et CL5 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Emmanuelle Ménard. Ils ont été défendus, je n’y reviens pas.

M. Christophe Euzet, rapporteur. Vous connaissez mon avis. Je regrette que vous adoptiez cette position de principe, remettant en question l’utilité des journées réservées, qui sont pourtant une phase de respiration. C’est dommage de faire de la politique politicienne sur cette thématique.

Vous considérez que cela ne répond pas aux préoccupations des Français. Une partie de ma famille, qui se trouve à Béziers et à Valras, a pris cette proposition très au sérieux et la soutient. Dans les territoires, il y a des gens qui se sentent concernés.

Plus sérieusement, on peut nous reprocher de vouloir intégrer les accents dans la longue liste des discriminations existantes, en disant que cela en ferait une de trop. Je rappelle que le droit français prévoit la discrimination fondée sur le critère du lieu de résidence et de la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français. Ces dispositions ne concernent pas les trente millions de personnes auxquelles je faisais référence précédemment.

Mme Emmanuelle Ménard. Je ne vois pas ce que la politique politicienne vient faire ici et je ne crois pas avoir parlé de politique dans mes propos.

M. Christophe Euzet, rapporteur. Ce n’est pas mon cas non plus !

Mme Emmanuelle Ménard. Vous m’expliquerez, il doit y avoir un malentendu ou un problème de langue entre nous... Je suis ravie d’apprendre que votre famille vous soutient, monsieur le rapporteur – heureusement pour vous ! Mais ce n’est pas parce qu’ils habitent à Béziers ou à Valras que cela change quoi que ce soit à mon propos. Quand je fais observer que là n’est pas la préoccupation immédiate des Français, je ne dis pas qu’ils ne sont pas sensibles à la question des accents ! Mais j’en connais peu qui se jugent discriminés. À Béziers et dans le Biterrois, nous sommes fiers de notre accent qui ne nous apparaît pas comme négatif, contrairement à l’esprit de votre proposition de loi qui victimise. Nous ne nous considérons pas comme des victimes.

M. Paul Molac. La question n’est pas de savoir si les gens se sentent victimes dans les territoires mais s’il existe des discriminations. Comme le soulignait M. Peu, il y a aussi des accents très différents à Paris. C’est donc bien un type d’accent qui est considéré comme représentant la norme. Les médias audiovisuels, par exemple, appliquent une véritable discrimination : personne, s’exprimant avec un accent autre que « classique », n’a jamais présenté le journal de 20 heures ! Ceux qui ont suivi la formation des écoles de journalisme font état de cette discrimination. Doit-on l’accepter ou non ? La proposition de loi de Christophe Euzet va dans le bon sens, puisqu’elle nous permet de nous interroger sur ce qui fait notre diversité et notre richesse.

La Commission rejette ces amendements.

Elle adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 (art. L. 1132-1 du code du travail) : Reconnaissance des discriminations fondées sur l’accent dans le code du travail

La Commission est saisie des amendements de suppression CL2 de Mme Emmanuelle Ménard et CL6 de Mme Marie-France Lorho.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette ces amendements.

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Après l’article 2

La Commission examine l’amendement CL4 de M. Vincent Bru.

M. Vincent Bru. Comme je l’ai dit dans la discussion générale, il ne s’agit pas de créer une discrimination dans la discrimination. L’article 2 modifie le code du travail : nous proposons d’élargir le dispositif à la fonction publique, en précisant à l’article 6, alinéa 2, de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires qu’aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite en raison de l’accent. Cet amendement vise à interdire la discrimination par l’accent dans la fonction publique.

Au cours des auditions menées par notre rapporteur, plusieurs cas ont été évoqués : Michel Serres aurait été déclassé au concours de l’agrégation ; un candidat originaire de Bordeaux se serait vu refusé par le président du jury à l’agrégation de droit public ; ou encore, lors du concours d’agrégation de lettres classiques, où le jury aurait estimé qu’une candidate du Vaucluse ressemblait plus à Mireille Matthieu qu’à une candidate sérieuse.

M. Christophe Euzet, rapporteur. À l’issue des auditions, Vincent Bru nous a effectivement fait remarquer que nous avions négligé la situation de la fonction publique. Le ministère, que nous avons sondé à ce sujet, a confirmé que cela était concevable. J’émets donc un avis favorable.

La Commission adopte l’amendement. L’article 3 est ainsi rédigé.

Titre

La Commission est saisie des amendements CL3 de M. Vincent Bru et CL7 rectifié du rapporteur.

M. Vincent Bru. Nous avons trouvé une forme de compromis avec M. le rapporteur, qui a déposé un amendement tenant compte de notre préoccupation. Je retire donc mon amendement au bénéfice du sien, sur lequel nous avons travaillé ensemble.

L’amendement CL3 est retiré.

M. Christophe Euzet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de compromis avec nos collègues du Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés qui ont observé – et je les rejoins sur ce point – que la présente proposition de loi était exclusivement répressive et non tournée vers la promotion des accents. Nous avons trouvé une formulation de synthèse visant à promouvoir les accents, en luttant contre la discrimination. Cela correspond davantage à l’esprit du texte, esprit dont s’inspire le juge quand il est amené à se faire une idée sur un problème ; d’où l’intérêt d’être précis dans l’intitulé de la loi.

La Commission adopte l’amendement CL7 rectifié. Le titre est ainsi rédigé.

Elle adopte ensuite l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Selon la procédure d’examen simplifiée, cette proposition de loi sera examinée dans l’hémicycle le 26 novembre prochain.

*

*     *

La Commission examine la proposition de loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale (n° 3427) (M. Dimitri Houbron, rapporteur).

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Je tiens à remercier mon groupe qui m’a donné la possibilité de défendre ce texte, à l’occasion de notre journée réservée.

C’est avec une fierté, voire une émotion, toute particulière que je vous présente aujourd’hui cette proposition de loi qui, j’en suis convaincu, contribuera à améliorer l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.

Ce texte est le fruit d’un travail d’observation et d’échanges réguliers avec les acteurs du milieu judiciaire dans ma circonscription, notamment depuis 2017, et des quatorze auditions menées dans la perspective de cet examen en commission. Le rapport sur le travail d’intérêt général de mon collègue Didier Paris a également été une source d’inspiration. Plusieurs de ses recommandations ont été reprises dans la loi du 23 mars 2019 ; j’ai souhaité poursuivre ce mouvement.

Cette proposition de loi permet de répondre aux attentes de l’opinion publique qui, entendues par le Gouvernement, se sont traduites par un budget de la justice en hausse de 8 % et par la création de 950 postes afin de favoriser cette justice de proximité. Cette proposition de loi est importante car elle traite d’une délinquance dont les tribunaux n’ont pas toujours la capacité de s’occuper et qui, pourtant, a des effets néfastes sur la vie de nos concitoyens. Elle permettra de donner une réponse pénale certaine à la petite délinquance, sans pour autant encombrer les bureaux des magistrats, ni incarcérer frénétiquement.

Notre groupe refuse le règne de l’impunité de ceux qui, par leurs incivilités quotidiennes, fragilisent l’équilibre du vivre ensemble. Les alternatives aux poursuites permettent de servir ces impératifs et sont les vecteurs d’une réponse pénale, certaine et rapide, aux petits délits du quotidien. Elles contribuent à désengorger les tribunaux et permettent aux magistrats de se recentrer sur leur office.

Les alternatives aux poursuites représentaient déjà 46,5 % de la réponse pénale en 2019 ; ce chiffre montre à quel point cette « troisième voie pénale » entre les poursuites et le classement sans suite est utile et utilisée.

Ces alternatives aux poursuites donnent la possibilité de sanctionner sans incarcérer, là où l’incarcération est désocialisante et criminogène. Les courtes peines, en particulier, sont inutiles et ne contribuent qu’à générer précarité et récidive. Or ce sont bien des courtes peines que nous allons éviter grâce à ce texte, en favorisant notamment le recours au travail d’intérêt général.

Enfin, si les courtes peines de prison ostracisent et souvent radicalisent les petits délinquants, les alternatives aux poursuites et le travail d’intérêt général sont des tremplins vers la réinsertion, en plaçant la responsabilité individuelle au centre de la démarche.

La proposition de loi vise à modifier la procédure pénale sur deux axes majeurs : d’une part, en élargissant le spectre des mesures qui pourront être prononcées au stade des alternatives aux poursuites ; d’autre part, en facilitant le recours au travail d’intérêt général en tant que peine.

Lorsqu’une infraction a été constatée, c’est le procureur de la République qui dispose de l’opportunité des poursuites et qui décide si les faits reprochés à la personne nécessitent qu’elle soit poursuivie ou non. Depuis 1999, une « troisième voie pénale » est instituée avec les alternatives aux poursuites ; elles permettent au délinquant, dont le casier judiciaire est en général vierge, et qui reconnaît les faits, de voir son dossier classé sans suite et son casier rester vierge, s’il respecte les mesures prononcées par le procureur.

En d’autres termes, ces alternatives aux poursuites sont une opportunité donnée par le ministère public au petit délinquant ; mais cette chance n’est pas gratuite et, pour en bénéficier, le petit délinquant doit se plier aux obligations prononcées à son égard par un procureur ou un délégué du procureur. En cas d’échec de ces mesures, le parquet engagera les poursuites pénales classiques.

Cette proposition de loi permettra au procureur ou à son délégué de demander au délinquant de remettre en état les choses qu’il a dégradées, selon le principe du « tu casses : tu répares » – c’est un concept auquel les membres de mon groupe et, notamment, le député Pierre-Yves Bournazel, sont particulièrement attachés ; de remettre l’objet ou le produit du délit aux autorités ; de ne pas entrer en relation avec la victime ou ses coauteurs ou complices ; et, enfin, de s’acquitter d’une contribution dite citoyenne, plafonnée à 3 000 euros, en faveur d’une association agréée d’aide aux victimes.

Le travail d'intérêt général (TIG) est une sanction pénale infligée par la justice à une personne qui a commis une infraction : celle-ci doit travailler gratuitement, pendant une durée fixée par le juge. Il s’agit d’une mesure efficace et plébiscitée tant par les magistrats que par l’opinion publique, car elle participe à la réinsertion de l’individu en lui donnant un rôle social qui doit être encouragé.

La proposition de loi permettra au juge de l’application des peines de s’affranchir de procédures lourdes, qui ralentissent le recours aux travaux d’intérêt général. Les fonctionnaires de la direction pénitentiaire de l’insertion et de la probation (DPIP) pourront prendre la main sur la mise en œuvre des TIG. Cet ajustement procédural permettra de fluidifier considérablement l’articulation entre le prononcé et l’accomplissement effectif du travail d’intérêt général. L’arsenal juridique existe ; la proposition de loi permettra de donner les moyens aux magistrats de le mettre en mouvement.

Par ailleurs, afin de renforcer l’effectivité des sanctions prononcées en matière contraventionnelle et faciliter le recouvrement des amendes forfaitaires, l’article 3 vise à instaurer une minoration du montant de l’amende pour les contraventions de la cinquième classe lorsqu’elles sont forfaitisées. Aujourd’hui la seule amende contraventionnelle de cinquième classe forfaitisée est celle sanctionnant le non-respect des règles de l’état d’urgence sanitaire.

Enfin, l’article 4 permet certains ajustements nécessaires à une plus grande efficacité des recours devant la chambre criminelle de la Cour de cassation et les cours d’assises d’appel.

Quatorze auditions ont été menées, dont plusieurs tables rondes réunissant différents interlocuteurs : procureurs, délégués du procureur, juges de l’application des peines, Agence nationale du travail d’intérêt général, Union nationale des directeurs d’insertion et de probation, syndicats de magistrats, France victimes, association des maires de France (AMF) et beaucoup d’autres acteurs encore. Les personnes auditionnées et concernées par ces réformes ont salué avec enthousiasme les mesures que nous portons. Ces échanges constructifs se traduiront notamment par les amendements dont nous allons discuter.

Je tiens à remercier à nouveau mes collègues pour leur investissement au cours de ces auditions, en particulier Didier Paris et Blandine Brocard. Les questions posées dans ce cadre ont été constructives et permettront d’enrichir ce texte en commission.

M. Didier Paris. Je remercie à mon tour Dimitri Houbron pour son travail de fond sur un texte dont l’ambition est mesurée. Nos relations de travail ont été parfaitement fluides, il faut le constater, même si l’inverse aurait été surprenant.

Les discours des autorités publiques – Président de la République, Premier ministre, garde des Sceaux, ministre de l’intérieur – concourent tous à la même vision, à savoir un regard accru sur une justice pénale du quotidien. On sait à quel point les incivilités, les petites infractions, à force d’être réitérées, parfois tolérées, peuvent être déstabilisantes pour nos concitoyens et créer des tensions, des incompréhensions ; elles renforcent le sentiment d’insécurité en France, contre lequel il est très difficile de lutter.

L’État se préoccupe, bien sûr, de la menace terroriste qui se situe à un bout du spectre de la justice pénale ; l’autre bout concerne précisément ces infractions, qui ont tendance à dénaturer le lien social, à alimenter, notamment dans les quartiers, un sentiment d’exclusion qu’il faut combattre. Il faut aussi reconnaître que certains de nos concitoyens peuvent éprouver des difficultés à respecter les règles et les institutions. Or les élus, y compris les parlementaires, sont souvent en première ligne face aux incivilités. En visite à Dijon, en septembre dernier, le garde des sceaux avait précisément prévu une rencontre avec les maires notamment sur le thème des incivilités et de la justice de proximité. Il faut donc tendre vers une tolérance zéro, même si cet objectif ne sera jamais atteint, assurer une réponse pénale quelle qu’elle soit et montrer que nos forces de sécurité ainsi que notre mécanique judiciaire sont en mesure d’intervenir.

La réponse pénale, Dimitri Houbron l’a souligné, a beaucoup évolué et s’est diversifiée. La loi du 23 mars 2019 a profondément modifié l’échelle des peines, en élargissant les capacités de réponse, la détention n’étant plus le critère absolu. Bien sûr, ces réponses doivent être adaptées. Cela commence par les premières décisions d’alternatives aux poursuites, dont on pourrait penser qu’elles ne constituent pas une réponse. Ce sont pourtant des réponses effectives car elles permettent un premier contact, extrêmement utile, avec le milieu judiciaire : le procureur, un substitut du procureur ou un délégué du procureur.

S’agissant des capacités de présence sur le terrain et de réponse immédiate, je citerai l’exemple des amendes forfaitaires en matière de toxicomanie, qui montrent à quel point on se rapproche, le plus possible, du terrain.

Encore faut-il que les mesures alternatives renforcées par cette proposition de loi soient réelles, efficaces, rapides et visibles et que les auteurs des infractions en comprennent le sens, ce qui suppose un dialogue parfois lourd à mettre en place mais indispensable. Et encore faut-il également que les victimes y trouvent leur compte.

C’est tout l’enjeu de ce texte, simple, circonscrit, mais totalement en phase avec notre responsabilité politique commune. Il ne révolutionne pas la procédure pénale, loin s’en faut, mais il améliore la réponse, en renforçant les mesures alternatives déjà existantes, en prévoyant des dispositifs nouveaux d’interdiction de contact, des contributions citoyennes ou encore en simplifiant le travail d’intérêt général, dans un sens de déjudiciarisation. Tout ne doit pas être géré par le juge lui-même, qui doit pouvoir déléguer certaines tâches. Celles-ci ne sont pas secondaires mais seront mieux organisées par les acteurs de terrain connaissant parfaitement la sociologie des organismes capables d’accueillir des tigistes. Ce texte comble également un vide sur les amendes forfaitaires minorées et institue des mesures de simplification des procédures de recours.

Le groupe La République en Marche a parfaitement conscience de la limite textuelle de la proposition de loi mais, considérant qu’un petit texte peut produire de grands effets, il la soutiendra sans réserve.

M. Stéphane Viry. Cette proposition de loi aborde la question de l’efficacité de la décision judiciaire et, peut-être, de sa légitimité. Au-delà de la qualité de la réponse pénale, les critères de rapidité et de proximité sont nécessaires à l’acceptation sociale. Pour la crédibilité et la légitimité de l’institution judiciaire, il faut travailler à rendre plus rapides les décisions de justice. Dans une France tourmentée, un XXIe siècle difficile, l’autorité judiciaire fait partie de ces institutions qui doivent être défendues. Il faut être très prudents dès lors qu’on touche à la justice.

Il va de soi qu’une réponse judiciaire plus claire, directe et ferme face à des actes répréhensibles – fussent-ils considérés comme accessoires ou mineurs – va dans la bonne direction lorsqu’il s’agit de renforcer la cohésion nationale ou d’améliorer la tranquillité publique.

Votre proposition de loi est de portée limitée, mais ce n’est pas pour autant qu’elle doit être rejetée. Elle ne bouleverse pas l’organisation judiciaire, ni la politique pénale de notre pays, mais constitue un petit pas dans la bonne direction. Nous y serons favorables. J’appelle néanmoins l’attention sur deux points.

L’article 2, qui prévoit une déjudiciarisation du suivi des peines – je présume en lien avec les services pénitentiaires d’insertion et de probation –, soulève en effet une question sur le rôle et le sens même de la fonction de juge de l’application des peines. Vous avez mené des auditions ; nous souhaitons nous assurer que, s’agissant des dispositions prévues, vous avez recueilli l’assentiment de ces magistrats, qui jouent un rôle fondamental en intervenant après la sanction. C’est en effet à ce stade que l’on peut faire admettre à un condamné qu’il doit accepter l’idée d’une réparation sociale. Le traitement post-peine doit être aussi efficient, en matière de prévention de la récidive, que la sanction elle-même.

Par ailleurs, je relève qu’à l’article 1er, vous renforcez les attributions du parquet dans le cadre d’une sanction pénale. Cela ne va pas de soi non plus car les juges du siège sont davantage en première ligne pour prendre les décisions qui s’imposent.

Pour conclure, il va de soi que, dès lors qu’on parle de justice, on doit évoquer les moyens qui y sont dévolus. On pourra proposer – pardon de le dire ainsi – tous les petits textes sur la justice qui permettent de poser une brique supplémentaire dans la réponse pénale, la question majeure restera celle des moyens que notre pays est prêt à consacrer à son fonctionnement. Je pense, en particulier, à la justice des mineurs et à la nécessité d’obtenir les postes requis, pour apporter à ces mineurs délinquants la réponse pénale la plus efficace possible.

Mme Blandine Brocard. Permettez-moi de vous féliciter et de vous remercier à mon tour, monsieur le rapporteur, pour votre remarquable travail de préparation et de co-construction – je pense notamment aux auditions, nombreuses et passionnantes, que vous avez évoquées.

Ce texte répond à une partie des attentes de nos concitoyens : ils veulent une justice plus rapide, plus systématique, plus efficace et plus pragmatique.

Le chapitre Ier tend à modifier l’article 41‑1 du code de procédure pénale, qui permet au procureur de la République d’apporter une réponse agile et rapide aux actes de délinquance avant d’envisager des mesures plus lourdes dans le cadre de la composition pénale ou de la reprise des poursuites. Ces mesures, à l’exception de celle prévue au 5° de l’article, ne sont guère contraignantes pour l’auteur des faits. Si elles sont exécutées, l’action publique est éteinte ; dans le cas contraire, on revient au point de départ, après avoir perdu plusieurs semaines voire plusieurs mois. Ce sont des mesures transactionnelles que l’auteur des faits peut accepter ou refuser, sans autre conséquence que la poursuite de la procédure.

Nous devons veiller à ce que ces mesures soient faciles à appliquer, rapidement suivies d’effet et acceptables. Bien trop souvent, les victimes ont le sentiment que les actes de délinquance restent impunis, et les délinquants pensent que leurs méfaits se solderont par un simple rappel à la loi – ils éprouvent alors un sentiment d’impunité. Nous défendrons un amendement visant à ce que le rappel à la loi ne soit qu’une mesure subsidiaire par rapport aux actions de réparation. Par ailleurs, nous sommes favorables aux nouveaux outils juridiques que cette proposition de loi donnera aux procureurs.

Les chapitres II et IV font l’objet d’une quasi-unanimité. Ils comportent des mesures principalement techniques qui tendent à mettre en œuvre plus efficacement les travaux d’intérêt général et à simplifier ou à optimiser la procédure d’appel.

Le chapitre III permettra de minorer des contraventions de la cinquième classe. Je rappelle que ce dispositif ne concerne que certaines infractions faisant l’objet d’un décret en Conseil d’État. Dans la plupart des cas, la contravention de cinquième la classe est une amende pénale qui est décidée par un juge et qui peut être assortie de peines complémentaires de privation de droits ou de libertés.

Le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés proposera quelques mesures visant à renforcer encore l’efficacité de l’action publique, mais il est très favorable à l’ensemble des dispositions de cette proposition de loi.

Mme Cécile Untermaier. Merci au rapporteur pour son travail rigoureux, qui est celui d’un connaisseur de ces questions.

Le groupe Socialistes et apparentés souscrit à l’objectif poursuivi : apporter une réponse pénale non seulement juste mais aussi rapide, efficace et parlante, autant pour la victime que pour l’auteur des faits. Cela ne doit pas être fait à n’importe quel prix : nous considérons qu’il ne faut modifier le prisme du juge et du procureur qu’avec beaucoup de délicatesse et même d’une main tremblante. Par ailleurs, je rappelle que le garde des sceaux a dit qu’il souhaitait rééquilibrer les droits de la défense. Nous veillerons, dans le cadre du présent texte, à ce qu’ils soient toujours bien respectés et à ce que le juge reste au cœur de la décision dès lors qu’une mesure pénale attentatoire aux libertés est prononcée.

S’agissant de l’article 1er, les trois mesures alternatives aux poursuites que vous voulez introduire dans le code de procédure pénale nous paraissent tout à fait intéressantes.

Les articles 3 et 4 ne nous posent pas de problème. Nous avons davantage d’interrogations sur l’article 2. Sa rédaction est ambiguë : elle supprime le passage précisant que la décision de suspendre le délai, de dix-huit mois au maximum, pendant lequel le TIG doit être accompli, revient au juge de l’application des peines. On ne sait plus, dès lors, qui est en charge de prendre une telle décision.

Nous nous sommes tournés vers les agents du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) du 93 qui sont chargés de trouver des affectations pour les tigistes de Montreuil : il semblerait qu’il n’y ait pas de problème particulier pour obtenir la signature du juge de l’application des peines – cela prend, au maximum, une matinée. Puisque le juge peut répondre, pourquoi se priver de lui ?

On peut également s’interroger sur l’opportunité de la mesure qui nous est proposée au regard de la création de la plateforme numérique de l’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle – je salue d’ailleurs le travail réalisé par Didier Paris. Cette plateforme numérique, auquel le juge doit avoir accès, vise à faciliter le prononcé de la peine de travail d’intérêt général en permettant notamment de voir les postes disponibles. La plateforme, lancée à l’automne 2018, n’est pas encore opérationnelle. Elle devait voir le jour en 2020, mais elle a sans doute été retardée par la crise sanitaire. Il me semble qu’il faudrait laisser prospérer ce dispositif au lieu de le priver de sa pertinence.

Je rappelle que le rôle du juge de l’application des peines consiste, aux termes de l’article 712-1 du code de procédure pénale, à « fixer les principales modalités de l’exécution des peines privatives de liberté ou de certaines peines restrictives de liberté, en orientant et en contrôlant les conditions de leur application ». La proposition de loi donnerait à l’administration pénitentiaire les pouvoirs de ce juge. Sans nier le rôle absolument incontournable des SPIP, je trouve que c’est au juge de l’application des peines de porter la responsabilité de la décision. Il lui confère, par sa signature, l’importance d’une décision de justice.

Voilà les principales observations que je tenais à faire sur ce texte qui, à ce stade, ne fait pas l’objet d’une opposition de principe de mon groupe.

M. Christophe Euzet. Qu’il me soit permis de saluer le travail de qualité qui a été réalisé par Dimitri Houbron. Cette proposition de loi constituera un troisième pilier, aux côtés des textes visant à lutter contre le terrorisme et à réprimer les atteintes commises à l’égard des maires, des policiers et des gendarmes.

La présente proposition de loi est le fruit d’une philosophie cohérente qui consiste à mettre l’accent sur l’effectivité des peines, plutôt que sur leur sévérité, pour lutter contre l’impunité. On peut se demander, en effet, à quoi sert le renforcement de la sévérité des peines si celles-ci ne sont que peu ou pas appliquées.

Ce texte a vocation à être complété par une circulaire incitant à développer les audiences dans les lieux d’accès au droit et à élargir le périmètre d’intervention des délégués du procureur de la République afin de permettre aux juges de se reconcentrer sur la tâche essentielle qui devrait être la leur, à savoir juger.

La proposition de loi témoigne, par ailleurs, d’une volonté de combattre le sentiment d’impunité dû au fait qu’on est très tardivement condamné en France lorsqu’on a commis une infraction légère, les procédures étant lourdes et longues, du fait de l’engorgement des tribunaux par de multiples affaires dont la gravité est variable.

Comment simplifier les procédures ? La première amélioration prévue par la proposition de loi concerne le recours aux travaux d’intérêt général : ce ne sont plus les juges d’application des peines qui devront veiller à leur mise en œuvre mais les directeurs des SPIP. Un tel transfert de compétences permettra de créer un fil conducteur logique entre le prononcé et l’accomplissement des TIG. Cette mesure, plébiscitée par les magistrats, permettra aussi de faciliter la réinsertion sociale des délinquants et donc de lutter efficacement contre le risque de récidive.

Ensuite, la proposition de loi tend à éviter l’engorgement des tribunaux en renforçant la portée des mesures alternatives aux poursuites. Le procureur ou son délégué pourra appliquer le principe « tu casses, tu répares ». Il pourra demander à l’auteur des faits de restituer l’objet du délit ou son produit, de ne plus entrer en relation avec la victime ou de verser une contribution citoyenne pouvant atteindre, au maximum, 3 000 euros.

Le groupe Agir ensemble soutient cette proposition de loi, qui s’accompagne d’une augmentation de 8 % du budget de la justice. Nous saluons ce texte qui tend à désengorger les tribunaux, à alléger les procédures, à faciliter la réinsertion sociale des délinquants et à lutter contre la récidive.

M. Paul Molac. Cette proposition de loi est plutôt un texte technique de bon sens, qui facilitera le recours à des mesures alternatives aux poursuites. Il s’agit d’éviter, d’une part, une thrombose de notre système judiciaire et, d’autre part, un sentiment d’impunité lorsque des affaires sont classées sans suite ou conduisent à un rappel à la loi. Je me suis laissé dire qu’il est particulièrement important, en particulier s’agissant des jeunes, que les premiers faits commis soient sanctionnés, même d’une manière légère, pour bien montrer qu’on entre dans une spirale et que chaque infraction mérite une réponse.

Il peut ainsi être intéressant de donner au procureur de la République ou à son représentant la possibilité de demander à une personne mise en cause de procéder, par exemple, à un don à des associations de victimes, afin d’aider ces associations et de faire comprendre à certains la portée de leurs actes. Cela concerne des petites choses – il n’est pas question de grand banditisme – mais elles ont une importance. Nos concitoyens ont l’impression que la justice ne fait pas son travail et que le monde n’est pas sûr. Quand on regarde les statistiques, on s’aperçoit en réalité qu’il ne l’a jamais été autant dans notre histoire.

Comment les événements qui ont conduit à la prise de la Bastille ont-ils démarré ? Un artisan du faubourg Saint-Antoine dont la femme était très malade est allé chercher un médecin en pleine nuit et il s’est fait tuer : à cette époque, on ne pouvait circuler dans Paris qu’accompagné d’une cohorte de fines lames si on ne voulait pas se faire trucider. Nous n’en sommes plus là… Or on a parfois l’impression de vivre dans le pire des pays, où il y aurait de la délinquance partout. Il faut remettre les choses à leur juste place.

Cette proposition de loi va également dans le bon sens pour ce qui est de la simplification des règles relatives à l’exécution des TIG. On peut associer les maires – la loi a été un peu changée en ce sens. Un maire m’a donné l’exemple de jeunes, pas mauvais en soi, qui avaient un peu endommagé des équipements pour les enfants : il voulait marquer le coup en leur demandant de participer aux réparations et de faire un peu de désherbage. Ce genre de mesure me paraît vraiment positif.

J’ai une petite interrogation, liée à l’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle, qui est censée apporter une réponse. L’objectif était d’arriver à 30 000 postes en 2022, mais il semblerait qu’il n’y en ait que 20 000 à l’heure actuelle. Je voudrais attirer l’attention du pouvoir exécutif sur ce point. Néanmoins, le groupe Libertés et Territoires est tout à fait favorable à la proposition de loi.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Ce texte a pour objet de tenir l’engagement de restaurer une justice de proximité capable de lutter contre les incivilités et la délinquance quotidienne, en complétant les mesures alternatives aux poursuites, en simplifiant la procédure relative aux TIG et en améliorant celle concernant les amendes forfaitaires, ce qui va dans le bon sens. Je rejoins donc Didier Paris : le groupe UDI et Indépendants est très favorable à la proposition de loi.

M. Ugo Bernalicis. L’intention d’avoir à nouveau une justice de proximité est tout à fait louable. Tout le monde est globalement d’accord sur ce point. Néanmoins, le groupe La France insoumise s’opposera à cette proposition de loi – nous serons peut-être les seuls à le faire à ce stade de la discussion – et je vais vous expliquer pourquoi.

En développant les mesures alternatives aux poursuites, vous continuerez à renforcer les pouvoirs du parquet, qui en a déjà énormément, sans réaliser la réforme – attendue – de l’indépendance de la justice, notamment en ce qui concerne le parquet mais la réflexion doit être plus globale.

Autre élément, il n’y a pas eu, jusqu’à présent, d’étude de fond qui permettrait d’établir sérieusement le bilan des mesures alternatives aux poursuites. Elles sont parfois décriées, en particulier par la droite, pour qui le rappel à la loi n’est qu’une petite tape donnée à un délinquant – ce ne serait pas assez sévère, pas assez répressif.

Vous mettez en avant l’idée que les victimes doivent pouvoir obtenir réparation. Or on sait très bien – et je ne vois pas comment vous pourrez y remédier, malgré l’augmentation de 8 % du budget de la justice –, qu’il n’y a pas de place, en réalité, pour la victime dans le cadre des mesures alternatives aux poursuites, de la composition pénale ou de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité : la victime n’est pas là. Le parquet n’aura pas le loisir de prendre en compte ses desiderata : rien ne changera en la matière.

Si on veut renforcer la place des victimes et prévenir la récidive, il faut travailler sur la justice restaurative. Elle monte en puissance, mais reste très timide. Il ne serait pas très compliqué de multiplier par trois, cinquante ou même cent son budget, car il n’a que faiblement évolué au cours des dernières années.

S’agissant du TIG, vous voulez acter une forme de déjudiciariation qui existe déjà en pratique. Les juges de l’application des peines (JAP) ont tellement de travail qu’ils se reposent sur les SPIP : ils mettent un coup de tampon à la fin car ils n’ont pas que cela à faire. Mais est-ce parce que cela correspond déjà à la pratique que les SPIP doivent récupérer la tâche de veiller à la mise en place et au bon fonctionnement du TIG ? Je ne le crois pas. Dans l’idéal, il faudrait avoir suffisamment de JAP pour qu’ils puissent mettre un peu le nez dans leurs missions, qui sont fondamentales – l’application des peines et la prévention de la récidive. Le TIG en fait partie.

Je suis très favorable à une plus grande utilisation du TIG, mais aussi au développement des aménagements de peine et des mesures alternatives à l’incarcération. Je pense notamment au placement à l’extérieur, qui connaît une stagnation, voire une régression, depuis trois ans.

S’il fallait un acte fort en matière de justice de proximité, cela devrait être la démultiplication des moments où le procureur de la République se déplace dans les commissariats de police. Je vous invite à aller voir, pendant une demi-journée ou une journée complète, des magistrats, équipés d’un microcasque, qui font du traitement en temps réel – ils répondent aux policiers en prenant les affaires au fil de l’eau. Ce n’est satisfaisant ni pour le procureur, ni pour le policier, ni pour la victime. Il faut améliorer la situation. Bien que le budget augmente de 8 %, il n’y aura que cinquante créations de postes de magistrats en 2021 : c’est moins que cette année, où il doit y en avoir cent. Si on veut une justice de proximité efficace, il faut que ceux qui la rendent soient plus nombreux. Or cet objectif n’est pas atteint. Ce sont essentiellement les frais d’expertise qui augmenteront en 2021, de plus de 120 millions d’euros. Je ne suis pas sûr que ce soit le corollaire de la proximité.

Par ailleurs, je trouve qu’il est un peu dommage de ne parler que du pénal quand on évoque la justice de proximité. Il s’agit, certes, d’une proposition de loi, examinée dans le cadre d’une niche parlementaire – on ne peut donc pas traiter tous les sujets –, mais je tiens quand même à le dire. L’essentiel de l’activité judiciaire est de nature civile, et les juges aux affaires familiales se plaignent notamment d’un manque de proximité. C’est le principal enjeu à traiter si on veut que les citoyennes et les citoyens aient accès à une justice de proximité, visible et concrète.

Il faudra une grande réforme de la justice. C’est mal parti jusqu’en 2022, mais ne désespérons pas de la suite.

M. Stéphane Peu. Il peut être difficile de comprendre le sens de certaines évolutions : nous examinons ce texte après avoir affaibli la justice de proximité, notamment en programmant la suppression des tribunaux d’instance. Il faut toujours se placer du côté des victimes : celles qui avaient affaire aux tribunaux d’instance, notamment pour des troubles de voisinage, des escroqueries à la carte bancaire ou des différends en matière de loyer sont encore un peu plus privées de justice. Renforcer sa crédibilité implique de le faire, d’abord, vis-à-vis des victimes. Les réformes menées ces dernières années sont allées à l’opposé.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine voit plutôt d’un bon œil la possibilité de traiter rapidement, avec des sanctions proportionnées, ce qu’on appelle la petite délinquance. Pas mal de choses se font déjà, mais c’est en ce qui concerne les délais dans lesquels les sanctions sont prises que le bât blesse, parce que la justice est très sous-dotée et encombrée. Je ne veux pas revenir sur des exemples que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer, mais lorsqu’un délinquant de seize ou dix-sept ans qui a soixante vols à la portière à son actif passe devant le tribunal et qu’on lui dit que sa sanction sera applicable dans un an et demi, c’est absolument incompréhensible pour lui, et encore plus pour les victimes. Ce n’est pas un problème de procédure mais de moyens et d’encombrement des tribunaux.

Nous n’avons pas une approche négative de ce texte, notamment de ses articles 3 et 4, qui ne nous posent aucun problème. Nous avons néanmoins un doute. Si vous voulez trouver un service plus encombré que le tribunal de Bobigny, allez donc voir le SPIP du 93, dont Cécile Untermaier a dit qu’elle avait auditionné des agents. Transférer des responsabilités de l’un à l’autre ne me paraît pas nécessairement un gage d’efficience, mais je ne parle que de mon département : ce n’est peut-être pas le cas ailleurs. Il faut dire que la Seine-Saint-Denis est, avec les Bouches-du-Rhône, le département où la criminalité est la plus forte.

Je voudrais d’ailleurs rappeler le contexte, même si ce n’est pas l’objet de la proposition de la loi. Dans mon département – je m’exprime après avoir en avoir discuté avec la procureure et les présidents des tribunaux –, une économie parallèle, mafieuse pour tout dire, s’instaure, et nous sommes désarmés face à sa mainmise sur les territoires. Afin de lutter contre le trafic de stupéfiants, il faut sanctionner rapidement et proportionnellement tous ceux qui servent de guetteurs, mais sans oublier que des millions d’euros sont recyclés dans les commerces, l’immobilier et des entreprises du bâtiment ou du secteur de la sécurité. La police et la justice n’ont aucunement les moyens de lutter efficacement contre le blanchiment de cet argent, et donc contre la maîtrise exercée par des systèmes d’économie parallèle sur des populations entières, notamment des jeunes. Il ne faudrait pas que la justice soit efficace pour le traitement des conséquences et totalement absente en matière de lutte contre les causes.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Merci aux différents intervenants, qu’ils se soient exprimés pour ou contre le texte – j’ai apprécié leur argumentation.

Je tiens à souligner la nécessité de continuer à donner des outils aux magistrats, notamment ceux du parquet, comme l’a indiqué Didier Paris. La proposition de loi a cette ambition.

L’article 2, qui a été qualifié de déjudiciarisation, répond à la demande des directeurs des SPIP et n’a pas fait l’objet d’une opposition de la part des juges de l’application des peines. En réalité, les SPIP préparent l’exécution des TIG et demandent une validation aux juges. Dans plus de neuf cas sur dix, elle est accordée. L’article 2 donnera en principe la compétence aux services pénitentiaires mais laissera aux juges de l’application des peines la possibilité de reprendre la main dans les rares cas où ils considéreront qu’il faut agir autrement. Nous avons trouvé une solution équilibrée et pragmatique qui convient aux représentants des juges de l’application des peines.

S’agissant des délais, la validation du juge prend peut-être une journée dans certains territoires – où on doit être très efficace –, mais ailleurs il faut parfois attendre plusieurs jours, voire une semaine ou deux. Cela ne paraît pas considérable mais l’addition de tous les délais réduit l’efficience des mesures qui sont prises.

D’autres questions plus globales, presque philosophiques, ont été évoquées. Doit-on donner au parquet une capacité de sanction, notamment dans le cadre des mesures alternatives ? Un parquetier est un magistrat : il est là pour garantir la justice partout dans les territoires, mais je ne pense pas qu’il faille aller jusqu’à lui permettre de prononcer des peines. Les mesures que nous proposons sont équilibrées : elles ne remettent pas en cause le rôle du juge et celui du procureur.

Nous donnons à une personne qui a violé la loi la chance de ne pas être poursuivie si elle respecte certaines obligations. Elle garde la main : si elle considère que ce qui lui est proposé n’est pas juste, la procédure classique s’appliquera, même si c’est un peu plus long, et un juge du siège se prononcera. Notre ambition est de mettre la responsabilité individuelle au cœur de tout et de permettre à celles et ceux qui auraient commis une faute de la réparer pour éviter des poursuites.

J’ai remarqué le soutien de Paul Molac à l’idée d’une contribution citoyenne. Je tiens particulièrement à cette mesure : elle permettra de concrétiser le travail de pédagogie qui est indispensable dans le cadre des mesures alternatives aux poursuites. Il faut prendre conscience qu’il y a des victimes.

En revanche, je suis en désaccord avec notre collègue Bernalicis : nous proposons précisément de donner davantage de place aux victimes grâce aux contributions citoyennes destinées à des associations agréées d’aide aux victimes et à la possibilité de demander qu’il n’y ait plus de contact entre l’auteur des faits et la victime, ce qui supposera naturellement une information de celle-ci. C’est un pas en avant qui me paraît intéressant.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Chapitre Ier

Dispositions relatives à la justice de proximité

Article 1er (art. 41-1 du code de procédure pénale) : Élargissement du champ des mesures alternatives aux poursuites

La Commission examine l’amendement CL24 de Mme Blandine Brocard.

Mme Blandine Brocard. Cet amendement, déposé au nom de mon groupe, concerne le rappel à la loi. Il s’agit d’en faire non pas la première mais la dernière mesure figurant à l’article 41-1 du code de procédure pénale : elle serait envisagée à titre subsidiaire, après les mesures réparatrices.

Notre intention est de limiter l’usage du rappel à la loi, à propos duquel M. Bernalicis a parlé d’une petite tape : c’est ce que pensent les victimes et les forces de l’ordre. Le rappel à la loi peut être indiqué dans certains cas, pour des primodélinquants, même si M. Molac a souligné qu’il convient plutôt d’apporter une réponse forte dès qu’il y a une infraction.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. La proposition de loi a pour ambition de donner des outils supplémentaires et beaucoup plus de souplesse d’appréciation au parquet. Il décide de l’opportunité des poursuites et il a une liberté de choix quant aux mesures à appliquer. Le rappel à la loi est souvent décrié mais il peut avoir une efficacité sur certaines personnes, en particulier les primodélinquants ayant commis des infractions de faible gravité. Un entretien solennel avec le procureur ou son délégué peut permettre d’éviter une réitération. Je suis défavorable à un changement de l’ordre dans lequel les différentes mesures sont présentées. Le parquet est libre de choisir celle qu’il considère comme étant la plus utile.

M. Stéphane Viry. Ce qui compte est que la justice apaise le corps social et apporte une réponse à la victime. Je soutiens l’amendement : je respecte le principe pénal de l’opportunité des poursuites, mais je pense que le parquet ne doit pas systématiquement avoir recours au rappel à la loi – il faudrait pouvoir expliquer aux victimes ce choix… La rédaction qui nous est proposée me paraît aller dans la bonne direction.

M. Ugo Bernalicis. La vraie difficulté est que le rappel à la loi a été largement dévoyé en raison du new public management : on a fait de la politique du chiffre et de la performance le mode de fonctionnement de 100 % des administrations, y compris la justice. Le rappel à la loi est un outil permettant de gonfler le taux de réponse pénale. On dit qu’on a fait quelque chose même si on n’en avait pas le temps. Il n’y a pas suffisamment de moyens : on revient toujours au même problème.

Le rappel à la loi peut avoir des vertus, mais on aimerait bien qu’il y ait des études sur ce point – des analyses sociologiques montrant à quoi cela conduit selon les cas de figure. En vérité, nous n’en savons rien, ni vous ni moi. On a envie de se dire que cela fonctionne parce que cela paraît bien ; quand on est de droite, en revanche, on a envie de dire le contraire parce qu’on pense qu’il faut être plus répressif. Seulement, on n’en sait rien. C’est un problème fondamental : on adopte ce type de mesures, on les empile sans jamais prendre le temps de les analyser.

J’ai fait l’objet d’un rappel à la loi dans un passé désormais un peu lointain : c’était un simple courrier qui ne précisait ni le jour des faits ni ce qu’on me reprochait. Seul un article de loi était cité. J’en ai déduit que cela concernait une manifestation, mais j’ai mis un peu de temps à comprendre laquelle – j’en ai fait tellement…

M. Didier Paris. Je ne m’exprimerai pas sur l’intérêt du rappel à la loi, que cet amendement ne propose pas de supprimer mais de faire figurer plus loin dans le même article du code. Sans vouloir être méchant, je pense que c’est du temps perdu. Le procureur aura toujours la possibilité de choisir la mesure qu’il a décidé de prendre, même si la loi lui demande de le faire après en avoir « envisagé » d’autres – ce qui n’a d’ailleurs pas beaucoup de sens sur le plan légistique. Que le rappel à la loi soit en première ou en onzième position dans la liste ne change strictement rien. Concentrons-nous plutôt sur l’essentiel.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL16 de M. Pacôme Rupin.

M. Pacôme Rupin. Je profite du fait que l’article 1er modifie l’article 41-1 du code de procédure pénale pour inclure parmi les dispositifs de sensibilisation et de prévention vers lesquels le procureur de la République peut orienter l’auteur d’une infraction les stages de sensibilisation à l’utilisation des réseaux sociaux et de prévention de la haine en ligne. Cela peut être approprié, éventuellement en complément d’une autre mesure, à la suite d’une infraction en ligne consistant en la tenue de propos illicites ou injurieux si leur gravité ne nécessite pas d’engager des poursuites et si le trouble causé peut être réparé par une ou plusieurs mesures alternatives.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Je comprends et je partage votre objectif, auquel l’actualité nous pousse encore plus à penser. J’ai néanmoins deux réserves. Sur le plan pratique, je ne suis pas convaincu qu’il y ait suffisamment de structures œuvrant sur ces questions dans tous les territoires, notamment les plus ruraux : cela rendrait la mesure inopérante. Sur le fond, l’alinéa 3 de l’article 41-1 du code permet déjà le recours à des stages de citoyenneté qui concernent au moins une partie des problématiques auxquelles vous faites référence. Je vous demande donc de retirer cet amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Pacôme Rupin. L’actualité intensifie le débat, qui dure depuis plusieurs années, sur les réseaux sociaux. Beaucoup de citoyens ne se rendent pas compte de ce qu’ils font de cette nouvelle manière de communiquer et ils ne connaissent pas les règles que nous avons votées. Il faudrait faire en sorte, au-delà des stages de citoyenneté, et comme c’est déjà le cas pour d’autres sujets, qu’ils puissent mesurer la gravité des actes qu’ils peuvent commettre.

Cela dit, je comprends le problème opérationnel. Pour que ces stages existent, il faudrait toute une structure. Nous tardons à créer des dispositifs plus ambitieux sur cette question qui va devenir de plus en plus importante. Si nous n’arrivons pas à assurer une bonne régulation, à veiller à ce qu’il y ait une forme d’éducation, de sensibilisation à l’utilisation d’internet et des réseaux sociaux, nous irons vers de plus en plus de difficultés.

Je vais retirer mon amendement, mais je le redéposerai en séance pour inviter la chancellerie à développer des stages sur ce sujet.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL4 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de supprimer les alinéas 2 et 3, les dispositions existant déjà : le dessaisissement au profit de l’État de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction, ou qui en était le produit, et la réparation consistant en un versement pécuniaire à la victime, une remise en état des lieux, des choses dégradées, ou en une restitution, figurent déjà aux alinéas 2 et 3 de l’article 41-2 du code de procédure pénale, qui prévoit la composition pénale préalable à la mise en mouvement de l’action publique.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Vous avez raison, ces mesures existent déjà dans le cadre de la composition pénale, qui requiert en principe la validation d’un juge du siège et dont la réalisation est inscrite au casier judiciaire, ce qui n’est pas le cas des mesures alternatives aux poursuites décidées sur le fondement de l’article 41-1.

Il est donc tout à fait nécessaire et pertinent d’élargir le champ des possibles pour le parquet, afin de crédibiliser et d’améliorer la réponse pénale de premier niveau, en laissant davantage de marges de manœuvre au ministère public afin de choisir la mesure la plus adéquate. Mon avis sera défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL25 de Mme Blandine Brocard.

Mme Blandine Brocard. « La chose » qui a servi à commettre l’infraction est un concept très large. En l’état actuel du texte, l’auteur des faits en est dessaisi au profit de l’État. Cet amendement permet au procureur de demander que « la chose » soit détruite aux frais de l’auteur du délit ou bien qu’il s’en dessaisisse également au profit d’un tiers – association, collectivité, pharmacie, etc. On pourrait ainsi imaginer que soit proposée la destruction d’une arme prohibée détenue sans avoir satisfait aux obligations déclaratives prévues à l’article L. 317-4-1 du code de la sécurité intérieure.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Mon avis est défavorable. Je ne vois pas très bien l’intérêt d’envisager la destruction de la chose qui a servi à commettre l’infraction parmi les mesures alternatives aux poursuites. Il est moins opportun de prévoir sa destruction que son dessaisissement au profit de l’État, dans la mesure où elle peut notamment présenter une valeur matérielle.

Par ailleurs, votre amendement étend le dessaisissement à des tiers, ce qui présente de vraies difficultés pratiques et juridiques liées notamment à l’origine frauduleuse du bien, compromettant ainsi les droits du futur détenteur ou des tiers.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL18 de Mme Blandine Brocard.

Mme Blandine Brocard. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 3 qui dispose que la réparation peut notamment consister en un versement pécuniaire à la victime, en une remise en état des lieux ou des choses dégradées, ou en une restitution.

Cet ajout est inutile : il est préférable que le procureur soit libre de son choix. En outre, le versement de dommages et intérêts à la victime est déjà prévu au 5° du même article dans le cadre d’une médiation, avec une mesure contraignante. L’ajouter ici reviendrait à le transformer en une mesure non contraignante.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. J’y suis défavorable car l’alinéa 3 vise à rendre possible l’application de ces mesures au titre de l’article 41-1 du code de procédure pénale, alors qu’en l’état actuel du droit, elles ne peuvent être mises en œuvre qu’en cas de composition pénale, prévue par l’article 41-2. La composition pénale suppose en principe la validation d’un juge du siège et est inscrite au casier judiciaire.

Nous ne sommes donc vraiment pas dans le même cas de figure. Il s’agit de renforcer l’arsenal des alternatives aux poursuites à la disposition du parquet.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL11 de M. Pacôme Rupin, qui fait l’objet du sous-amendement CL47 du rapporteur.

M. Pacôme Rupin. Cet amendement vise à compléter la proposition de loi pour donner la faculté au procureur de la République de demander à l’auteur des faits de procéder à un versement pécuniaire, non seulement aux victimes directes, mais également à toutes les personnes, y compris personnes morales de droit public, qui ont indirectement à subir les conséquences de l’infraction.

Ainsi, en cas de tags sur une vitrine commerciale ou les murs extérieurs d’une copropriété, si les victimes directes sont l’enseigne commerciale ou la copropriété, c’est la commune qui prend souvent en charge la remise en état et l’effacement des tags. Cet amendement permettrait une indemnisation de la commune dans ce cas, ou de tout autre acteur impliqué dans la remise en état des lieux ou choses dégradés.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Votre amendement propose d’élargir le champ du versement pécuniaire à toutes les personnes, y compris les personnes morales de droit public. J’y suis favorable, sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement visant à supprimer une redondance.

La Commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement ainsi sous-amendé.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement CL30 de Mme Marie-France Lorho.

Elle en vient à l’amendement CL1 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’interdire à l’auteur d’une infraction d’entrer en relation avec la victime, même sans réponse, que ce soit par messages vocaux, SMS ou par le biais des réseaux sociaux.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. L’alinéa 5 interdit à l’auteur des faits d’entrer en relation avec la victime. Cela satisfait donc votre demande puisqu’elle suppose d’entreprendre une démarche afin de contacter la victime indépendamment d’une rencontre physique avec elle.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL34 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement CL19 de Mme Blandine Brocard.

Mme Blandine Brocard. La proposition de loi dispose que le procureur peut interdire à l’auteur des faits d’entrer en relation avec la victime pendant six mois. Nous proposons d’étendre cette interdiction à leur mention dans une publication. Cela vise notamment les tags sur les réseaux sociaux, automatiquement notifiés à la victime, et qui participent donc au harcèlement virtuel, d’autant plus que ces publications sont partagées – la victime peut ainsi recevoir des dizaines de notifications. Il s’agit de permettre à la victime de souffler pendant six mois, et d’être oubliée par l’auteur des faits.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Je comprends parfaitement l’objectif de l’amendement, mais il est déjà satisfait puisque l’article interdit tout « contact », qu’il soit physique ou virtuel donc. En outre, si l’intensité est supérieure, l’auteur tombe sous le coup du cyberharcèlement, que le code pénal sanctionne lourdement.

Mme Blandine Brocard. Je ne suis pas sûre que le fait de taguer une personne dans une publication, sur un réseau social, puisse être considéré comme un « contact ».

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL31 de Mme Marie-France Lorho.

L’amendement CL2 de Mme Emmanuelle Ménard est retiré.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL32 de Mme Marie-France Lorho.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL13 de Mme Emmanuelle Ménard et CL20 de Mme Blandine Brocard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il semble préférable que la contribution citoyenne soit versée à la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) plutôt qu’à une association d’aide aux victimes, organisme privé dont la gestion financière n’est pas forcément transparente. En attribuant la contribution citoyenne à une association d’aide aux victimes, on prend le risque que celle-ci soit détournée de sa finalité. Ces fonds pourraient bénéficier au bon fonctionnement de la justice, tout en profitant aux victimes : il convient de choisir cette solution.

Mme Blandine Brocard. Les modalités de versement de la contribution citoyenne et le choix de l’association nous semblent flous. Ils présentent même certains risques : ainsi, l’auteur des faits peut bénéficier de réductions fiscales sur cette contribution.

C’est pourquoi nous proposons que le versement soit effectué au profit du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI).

Vous souhaitez que le procureur soit libre de décider. Dans ce cas, proposons une alternative : soit une association, soit le FGTI. Ainsi, ce dernier sera libre de décider ! En effet, dans certains cas, aucune association, ou aucune association pertinente, n’opère dans le périmètre de compétence du procureur.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Je tiens à vous rassurer : seules les associations qui ont obtenu un agrément de l’État pourront recevoir la contribution. Elles doivent se conformer aux dispositions prévues par le décret du 29 novembre 2019, notamment en termes de transparence de gestion.

En outre, je suis attaché à la proximité : je souhaite que le procureur dispose d’un outil local d’action concret. Cette contribution citoyenne aura deux vertus : faire prendre conscience de son acte à l’auteur de l’infraction, puisque c’est lui qui devra verser la contribution, symbolique ; être un outil de politique de proximité – pour reprendre le titre de ma proposition de loi – et ne pas être assimilée à une amende, intégrée au budget national.

Mme Emmanuelle Ménard. J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur. Effectivement, l’agrément est une condition nécessaire, mais elle n’est malheureusement pas toujours suffisante. Même si cela n’a rien à voir, je vous rappelle qu’après les attentats de 2015, des associations avaient obtenu l’agrément de l’État pour mener à bien des missions de déradicalisation. Pourtant la gestion financière et les activités de certaines d’entre elles s’apparentaient à du grand n’importe quoi. D’où mes craintes et ma préférence pour la commission d’indemnisation des victimes d’infractions, qui a fait ses preuves ; je regrette que l’on éparpille ces fonds entre différents acteurs.

M. Didier Paris. Il est vrai que les associations de victimes avaient beaucoup occupé nos débats préalables au vote de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Les agréments doivent être délivrés sur une base précise : modalités claires de fonctionnement, objectifs de l’association, etc.

Madame Ménard, je suis satisfait que vous n’ayez pas repris les mots utilisés par Mme Lorho dans un précédent amendement : elle estime que les associations de victimes sont rarement neutres, et très souvent politisées. Ce sont des propos choquants… On parle tout de même de victimes !

En outre, je ne suis pas sûr que la commission d’indemnisation des victimes d’infraction puisse recevoir ou se voir attribuer des fonds, car cela ne fait pas partie de ses missions.

Mme Cécile Untermaier. Je partage la philosophie du rapporteur. Nous parlons de justice de proximité et les associations de victimes ont un rôle important dans nos territoires. Il doit d’ailleurs être valorisé.

Mme Ménard vise davantage la qualité de l’agrément. Bien sûr, nous devons nous en assurer, et le versement des contributions citoyennes pourrait justifier un regard beaucoup plus attentif des autorités.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient à l’amendement CL17 de Mme Naïma Moutchou.

Mme Naïma Moutchou. Il s’agit d’un amendement de précision qui vise à s’assurer du versement effectif de la contribution citoyenne. Je le répète, cette contribution est une très bonne mesure, aux vertus pédagogiques et de sensibilisation. Je remercie le rapporteur de cet ajout, qui renforce la place des victimes et met en lumière le travail des associations qui les soutiennent, les aident à se reconstruire et, parfois, à se réinsérer.

Afin de s’assurer que les associations agréées pourront bénéficier de la contribution, et alors que nous n’en comptons qu’un peu plus de deux cents sur le territoire national, l’amendement propose d’élargir le champ de la recherche au ressort de la cour d’appel s’il n’existe pas d’association agréée dans le ressort du tribunal judiciaire.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. C’est une mesure équilibrée et circonscrite à une échelle territoriale pertinente. Mon avis sera donc favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL35 et CL36 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement CL3 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Les mesures alternatives aux poursuites n’ont de sens que si les décisions du procureur peuvent être mises en application dans les meilleurs délais. Je propose un délai de règlement de moins de trente jours. En ne fixant pas de délai pour régler la contribution citoyenne, on lui fait perdre beaucoup de son intérêt.

Je reviens sur l’interpellation de M. Paris : bien sûr que la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions indemnise, par le biais du Fonds de garantie.

M. Didier Paris. Mais c’est le fonds de garantie qui gère les fonds !

Mme Emmanuelle Ménard. C’est tout de même elle qui gère les demandes. Si cela vous semble préférable, je redéposerai mon amendement pour la séance publique en précisant qu’elle le fait par l’intermédiaire du Fonds de garantie, mais vous jouez sur les mots…

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Je souscris à votre objectif : il faut que ce soit le plus rapide possible. En revanche, je suis défavorable à l’idée de rigidifier la mise en œuvre de la mesure, au risque de la rendre inopérante, en fixant un délai dans la loi. Il faut faire confiance au procureur et lui permettre de choisir les modalités d’exécution les plus opportunes, au cas par cas.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL23 de Mme Blandine Brocard.

Mme Blandine Brocard. L’amendement vise à donner la possibilité aux procureurs d’initier la procédure prévue à l’article 44-1 du code de procédure pénale. En l’état actuel, cette procédure ne peut être initiée que par le maire avant le début des poursuites. Si l’amendement est adopté, le procureur pourra contacter le maire de la commune où ont été commis les faits, afin de lui proposer de mettre en œuvre la procédure de l’article 44-1. Le maire pourra parfaitement refuser.

Le procureur ne peut pas proposer directement de travaux d’intérêt général (TIG) – il doit a minima passer par une composition pénale. Cet amendement lui permettra de proposer aux maires d’organiser un TIG, ensuite homologué par le juge selon les dispositions de l’article 44-1. Ce dispositif est efficace, notamment pour les graffitis. Je l’ai constaté dans ma commune : quand un graffeur est convoqué dans le bureau du maire, puis passe une dizaine d’heures à frotter les murs, il n’a pas envie de recommencer !

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Cet amendement va dans le bon sens puisqu’il permet de renforcer la coopération entre le procureur et le maire afin de lutter efficacement contre la délinquance du quotidien visée par ma proposition de loi. J’y suis donc favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL37 du rapporteur.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Afin d’assurer le respect du contrôle des interdictions de rencontrer les victimes ou les coauteurs ou complices de l’infraction – que l’article 1er ajoute aux mesures alternatives aux poursuites existantes –, l’amendement ajoute ces mesures à celles devant être inscrites au fichier des personnes recherchées en application de l’article 230-19 du code de procédure pénale. Il s’agit d’assurer le contrôle opérationnel des mesures et de garantir leur pleine effectivité.

Cet amendement corrige également une omission, en prévoyant cette inscription pour les interdictions ordonnées dans le cadre d’une composition pénale, sur le fondement de l’article 41-2.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

La Commission examine l’amendement CL33 de Mme Blandine Brocard.

Mme Blandine Brocard. La non-exécution des mesures réparatrices prévues à l’article 41-1 du code de procédure pénale n’est pas sanctionnée. En l’état actuel, le procureur peut seulement reprendre les poursuites ou mettre en œuvre une composition pénale. Notre amendement vise à pénaliser le manquement à l’exécution de l’accord. Le procureur reste bien sûr libre d’ajouter, ou non, cette action à la reprise de la procédure et le juge libre d’en évaluer la pertinence.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Les mesures alternatives aux poursuites ne sont pas des poursuites et n’impliquent donc pas une peine. Je suis plutôt défavorable à l’idée de créer une infraction pour non-respect des obligations qui découlent de ces mesures. En effet, le procureur pourra sanctionner ce non-respect par la poursuite devant les juridictions et pourra en faire mention pendant l’audience, afin d’informer le magistrat du siège, qui pourra à son tour le prendre en compte dans sa décision concernant la peine.

M. Didier Paris. Je partage l’analyse du rapporteur. Les mesures alternatives sont un premier niveau de mesures, qui n’impliquent pas de poursuites, mais un dialogue entre le procureur ou son délégué, et l’auteur des faits. En cas de non-respect des règles édictées au cours du dialogue, la sanction est immédiate et directe : c’est l’engagement des poursuites.

Le deuxième niveau, c’est celui de la composition pénale, qui n’est plus tout à fait une mesure alternative aux poursuites puisque toute décision doit faire l’objet d’une validation par le juge et est assimilée à une condamnation inscrite au casier judiciaire. Enfin, le troisième niveau est celui des poursuites.

Ce serait donc un non-sens juridique d’envisager des sanctions pénales dans le champ des mesures alternatives.

Mme Blandine Brocard. J’entends vos arguments. Mais il faut sanctionner le non-respect de la parole donnée. En effet, certains pourraient choisir cette voie pour « faire traîner », les poursuites n’étant pas engagées tout de suite dans ce cas.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CL38 du rapporteur.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Le présent amendement propose de porter le plafond maximal d’heures de travaux non rémunérés (TNR) susceptibles d’être prononcées au titre de la composition pénale de soixante à cent heures. Il s’inscrit dans la logique poursuivie par l’article 71 de la loi du 23 mars 2019 précitée, qui a procédé à l’élévation du plafond maximal d’heures de travaux d’intérêt général susceptibles d’être prononcées en matière correctionnelle, de deux cent quatre-vingts à quatre cents heures.

L’augmentation vise à crédibiliser et à améliorer le caractère réparateur de cette mesure alternative aux poursuites au regard de l’infraction commise, le procureur de la République disposant bien sûr de la faculté de moduler le volume d’heures effectuées selon les cas d’espèce.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle passe à l’amendement CL39 rectifié du rapporteur.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Cet amendement de coordination complète la liste des mesures alternatives aux poursuites susceptibles d’être mises en œuvre dans le cadre d’une composition pénale en application de l’article 41-2 du code de procédure pénale. Il ouvre la possibilité au procureur de la République de demander à l’auteur de l’infraction d’accomplir un stage de responsabilité parentale, à l’instar de ce que prévoit l’article 41-1.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL40 du rapporteur.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. La procédure de composition pénale, sans validation par un juge du siège, est prévue pour les délits punis de moins de trois ans d’emprisonnement. Cependant, en l’état actuel du droit, elle n’inclut pas les contraventions, alors qu’elles sont nécessairement de moindre gravité. Dans le prolongement de la simplification de la procédure applicable à toute infraction comprise sous le plafond précité, nous procédons à cet ajout.

La Commission adopte l’amendement. L’article  1er bis est ainsi rédigé.

Chapitre II
Dispositions de simplifications relatives au travail d’intérêt général

Article 2 (art. 131-22 du code pénal) : Compétence du directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation afin de déterminer les modalités d’exécution de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général

L’amendement CL12 de Mme Emmanuelle Ménard est retiré.

La Commission examine l’amendement CL48 du rapporteur.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Il s’agit de maintenir la compétence du juge de l’application des peines (JAP) pour les décisions de suspension du délai imparti à l’exécution du TIG, prévues par le deuxième alinéa de l’article 131-22 du code pénal. Cela répondra à l’inquiétude de Cécile Untermaier.

La Commission adopte l’amendement

Puis, suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL14 de M. Pacôme Rupin.

Elle en vient à l’amendement CL26 de M. Didier Paris.

M. Didier Paris. Nombre des propositions de mon rapport de 2018 sur le travail d’intérêt général ont été reprises dans le projet de loi de réforme pour la justice, dont j’étais l’un des rapporteurs. D’autres propositions ne l’avaient pas été, afin de ne pas alourdir le texte, et celle-ci en fait partie.

Quand un tribunal ordonne un travail d’intérêt général, l’exécution est ensuite prise en charge par le JAP, dans des conditions que nous allons faire évoluer, et par les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP), mais ne peut être mise en œuvre avant un examen médical.

La difficulté, c’est que les personnes à qui ce travail d’intérêt général s’adresse n’ont souvent pas de médecin traitant ou éprouvent des difficultés à en contacter un. Quand le ministre de la justice souligne que l’exécution des TIG est trop longue, il faut comprendre que dans les quatorze mois annoncés, trois ou quatre sont exclusivement liés à la nécessité de disposer d’un certificat médical.

Il ne s’agit pas de supprimer le regard médical. Mon amendement vise simplement à supprimer le caractère systématique du certificat. Le décret précisera les cas dans lesquels un tel examen est nécessaire. Cela ne retire rien à la protection des personnes, mais permet d’accélérer très sensiblement la procédure et de répondre à l’objectif d’efficacité qui est le nôtre.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Mon avis est très favorable puisque seul le caractère systématique est remis en cause. Nous espérons que cela permettra de réduire considérablement les délais d’exécution des TIG.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 2 modifié.

Après l’article 2

La Commission examine les amendements identiques CL41 du rapporteur et CL27 de M. Didier Paris.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Mon amendement CL41 étant identique à celui de M. Paris, je laisse ce dernier les présenter.

M. Didier Paris. Comme la proposition de loi, l’amendement poursuit l’objectif de déjudiciarisation du contrôle et de l’exécution des TIG. Il s’agit à nouveau d’une des recommandations de mon rapport qui n’avait pu être reprise dans la loi de réforme pour la justice. L’amendement vise à ce que le directeur du SPIP puisse établir la liste des TIG susceptibles d’être accomplis dans son ressort territorial.

Cela ne saurait être assimilé à un transfert de charges puisque ce sont déjà les directeurs des SPIP qui le font. Cela évite simplement un aller-retour inutile, les JAP reconnaissant systématiquement le travail effectué et le validant.

Mme Cécile Untermaier. Je comprends votre logique, mais il s’agit de gérer une carence : plutôt que de régler la question des moyens donnés aux magistrats, on acte cette carence et on transfère une mission de la compétence du juge – un prononcé de peine – à un directeur administratif. Bien sûr, il a toutes les compétences pour le faire, mais ce n’est pas son rôle. Je le regrette et je voterai contre cet amendement.

M. Didier Paris. Je comprends la réaction de Mme Untermaier mais, en réalité, le travail du SPIP consiste à vérifier si la structure d’accueil est cohérente par rapport aux objectifs et si elle présente toutes les garanties – le JAP ne peut jamais le faire. En outre, il ne s’agit pas d’un transfert lié à un manque de capacité puisque le JAP peut toujours conserver sa compétence s’il sent qu’il y a une difficulté.

Les auditions que j’avais menées à l’époque m’avaient fait comprendre que cela ne les intéressait en aucune façon, puisqu’ils n’apportent aucune valeur ajoutée au processus. Nous en tirons simplement les conséquences.

Mme Cécile Untermaier. Si vous voulez en tirer les conséquences, transférez clairement la charge aux directeurs ! Je déplore cette ambiguïté : en l’absence de moyens, on dérive du juge au procureur ou du juge au directeur. Mais je serai toujours là pour défendre les juges car la justice, c’est d’abord l’affaire du juge.

Être juge est un beau métier – c’est une grande responsabilité. Le juge n’est pas là pour siéger dans des commissions, mais pour juger, même si cela signifie tamponner des papiers car cela porte à conséquence.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Je vous rassure, le juge sera toujours le seul à juger. Il s’agit ici des modalités pratiques de l’exécution des TIG, de la structure d’accueil et de l’habilitation. Le SPIP vérifie comment la personne va être mise au travail, si les structures répondent aux exigences, etc. En outre, le JAP peut reprendre la main s’il est en désaccord avec les conclusions du SPIP mais, dans 95 % des cas, il y est favorable.

Les SPIP comme les JAP plaident pour cette simplification.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. C’est également une marque de confiance envers les services d’insertion qui font un travail extraordinaire et qui en ont besoin. Ils sont là pour veiller à l’exécution des peines. Il ne s’agit que de cela.

La Commission adopte ces amendements. L’article 2 bis est ainsi rédigé.

Elle en vient à l’amendement CL28 de M. Didier Paris, qui fait l’objet du sous-amendement CL46 du rapporteur.

M. Didier Paris. Vous avez raison, madame la présidente, leur travail est remarquable et nous avons d’ailleurs renforcé les SPIP de mille postes.

Cet amendement de coordination prévoit de subordonner l’entrée en vigueur de ces modifications législatives à la publication d’un décret.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Mon avis est favorable, sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement qui prévoit que les dispositions entreront en vigueur au plus tard six mois après la publication de la loi.

Mme Cécile Untermaier. Je reviens sur vos propos : je trouve désagréable qu’on assimile une critique à de la méfiance vis-à-vis des services d’insertion et de probation. J’ai simplement rappelé que c’est au juge de prendre les décisions qui constituent des peines, et non au directeur du SPIP. Les services d’insertion et de probation ont toute notre confiance !

Cela devient récurrent – on le constate aussi au cours des débats sur la proposition de loi relative à la sécurité globale : dès que nous posons une question, vous l’assimilez à une mise en cause des forces de l’ordre. Ce n’est pas du tout cela !

Il est parfaitement légitime de considérer que le magistrat juge et prononce la peine et que les services d’insertion et de probation ont pour leur part la lourde, mais magnifique, mission d’insertion et d’accompagnement de cette peine.

La Commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement ainsi sous-amendé. L’article 2 ter est ainsi rédigé.

Chapitre III
Dispositions améliorant la procédure de l’amende forfaitaire

Article 3 (art. 529-2-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Extension du dispositif de l’amende forfaitaire minorée aux contraventions de la cinquième classe

La Commission examine l’amendement de suppression CL5 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’un amendement d’appel : la loi du 23 mars 2019 a étendu la liste des délits – tel que l'usage de stupéfiants – susceptibles non seulement d'être sanctionnés par des amendes forfaitaires mais pouvant également faire l'objet d'une minoration lorsqu'elles sont réglées immédiatement ou dans un délai de quinze jours.

Poursuivant cette logique, le dispositif prévu à l’article 3 étend la minoration aux contraventions de la cinquième classe sanctionnant notamment les infractions suivantes : blessures involontaires, conduite sans permis, circulation sans assurance et excès de vitesse supérieur à 50 kilomètres par heure.

À l'heure où un certain consensus s'est établi sur la nécessité de lutter par exemple contre les rodéos urbains et les trafics de stupéfiants, consacrer la possibilité de minorer les amendes sanctionnant ce type de comportements envoie un mauvais message.

Au lieu de chercher à les minorer, il faut plutôt rendre effectif le paiement des amendes : en effet, d'après de nombreuses remontées de terrain, elles restent malheureusement souvent impayées. Or il en va de la crédibilité de notre justice mais également de nos forces de l'ordre qui se plaignent à juste titre de l’attitude moqueuse que les petits délinquants, auteurs de petites incivilités qui, à force, gâchent la vie de tout le monde. Peu importe le nombre des amendes, de toute façon ils ne les paieront pas.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Si j’entends, chère collègue, votre opposition de principe à la minoration des amendes, l’article 3 vise à corriger une omission de la loi du 18 novembre 2016 qui avait introduit une telle minoration pour les amendes forfaitaires sur la base de laquelle la loi du 23 mars 2019 avait instauré l’amende forfaitaire minorée applicable notamment à l’usage de stupéfiants.

Il paraît pertinent d’étendre cette possibilité de minoration aux contraventions de la cinquième classe afin de renforcer l’effectivité des sanctions prononcées et de faciliter le recouvrement des amendes forfaitaires.

Comme vous l’avez indiqué, la vraie difficulté tient au recouvrement. Or il sera plus avantageux pour la personne concernée de payer tout de suite. La proposition est avant tout pragmatique.

Mme Emmanuelle Ménard. Je suis d’accord avec vous, mais entre payer une amende minorée ou ne pas payer d’amende du tout, le petit délinquant préfère en général ne pas en payer.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 sans modification.

Après l’article 3 

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL7 de M. Christophe Blanchet.

Puis elle en vient à l’amendement CL8 de M. Christophe Blanchet.

Mme Blandine Brocard. Notre collègue Christophe Blanchet rendra le 3 décembre prochain un rapport sur la contrefaçon : certains de ses amendements en sont issus.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Le dispositif de l’amende forfaitaire minorée s’agissant du délit de vente à la sauvette est déjà prévu à l’article 446-1 du code pénal qui prévoit que l’action publique peut être éteinte par le versement d'une amende forfaitaire d'un montant de 300 euros. Le montant de l'amende forfaitaire minorée s’élève à 250 euros et le montant de l'amende forfaitaire majorée est de 600 euros. 

Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL29 de Mme Blandine Brocard.

Mme Blandine Brocard. L’amendement vise simplement à boucher l’un des trous dans la raquette en évitant que les auto-entrepreneurs qui ont immatriculé leur véhicule au nom de leur personne morale n’échappent à la contravention à titre personnel.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. J’émets un avis favorable car l’amendement permet de renforcer l’application de l’amende forfaitaire contraventionnelle pour certaines infractions routières.

La Commission adopte l’amendement. L’article 3 bis est ainsi rédigé.

Chapitre IV
Mesures de simplification de la procédure pénale

Article 4 (art. 380-11, 587 et 588 du code de procédure pénale) : Diverses simplifications procédurales

La Commission examine l’amendement CL6 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’amendement vise à rendre possible le désistement d'appel dans le cadre des affaires criminelles jusqu'au début de l'audience et pas seulement jusqu'à l'interrogatoire de personnalité prévu à l'article 272 du code de procédure pénale.

Ce dispositif permettrait à l'accusé de disposer de plus de temps pour se désister de son appel tout en favorisant le désengorgement des tribunaux.

Cette demande m’est revenue d’un certain nombre de magistrats du siège qui m’ont indiqué préférer repousser ainsi la possibilité de se désister jusqu’à la dernière limite – bien qu’une telle perspective implique évidemment un travail effectué en pure perte – car cela contribuerait au désengorgement des tribunaux et éviterait certains procès.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. Je ne remets pas en cause les magistrats qui ont pu vous tenir de tels propos. En tout cas, une telle demande n’a pas été mentionnée au cours des auditions. Un désistement d’appel de dernière minute compliquerait au contraire la tâche des magistrats concernés. Cela nuirait à la bonne organisation de la justice. J’y suis donc défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision CL42 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement CL43 du rapporteur.

M. Dimitri Houbron, rapporteur. L’amendement vise à modifier l’article 567‑2 du code de procédure pénale afin de rétablir l’égalité de traitement entre le prévenu et le condamné ayant formé un pourvoi contre une décision en matière de détention provisoire au regard du délai imparti pour déposer un mémoire personnel devant la Cour de cassation. Il s’agit d’une préconisation régulièrement formulée par celle-ci dans ses rapports annuels.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 4 modifié.

Chapitre V
Application outre-mer

Avant l’article 5 

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL44 du rapporteur. L’intitulé du chapitre V est ainsi rédigé.

Article 5 (art. 711-1 du code pénal et art. 804 du code de procédure pénale) : Application outre-mer

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL45 du rapporteur. L’article 5 est ainsi rédigé.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

La réunion se termine à 12 heures 25.

 


Membres présents ou excusés

 

En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.