Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 Suite de l’examen des articles du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire (n° 4105) (M. Jean-Pierre Pont, rapporteur)              2


Mercredi
5 mai 2021

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 84

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente
 


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La réunion débute à 9 heures 35.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

La Commission poursuit l’examen des articles du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire (n° 4105) (M. Jean-Pierre Pont, rapporteur).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire, commencé hier en présence du ministre des solidarités et de la santé : 88 amendements restent en discussion.

Après l’article 1er

Amendement CL142 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à ce que le couvre-feu, que l’exécutif a décrété et prolongé sans discontinuer depuis six mois, ne puisse être renouvelé au-delà d’une période d’un mois qu’après accord du Parlement. Le couvre-feu généralisé sur l’ensemble du territoire impliquant pour les citoyens l’impossibilité de sortir de leur domicile durant une longue période est une mesure de privation de liberté exceptionnelle. Le Gouvernement doit donc pouvoir en débattre devant le Parlement, afin que celui-ci apporte ou non son approbation par le vote de la loi.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. J’ai été tenté d’émettre un avis favorable, puisque le couvre-feu ne durera de toute façon qu’un mois, du 2 au 30 juin, mais les termes « après accord du Parlement » ont modifié ma décision. Aussi, monsieur Molac, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Article 2 : Articulation du régime transitoire avec l’état d’urgence sanitaire

Amendements identiques de suppression CL2 de Mme Emmanuelle Ménard, CL12 de M. Philippe Gosselin, CL16 de Mme Martine Wonner, CL30 de M. Pascal Brindeau, CL42 de Mme Danièle Obono, CL69 de Mme Marie-France Lorho, CL70 de Mme Emmanuelle Anthoine et CL143 de M. Paul Molac.

M. Philippe Gosselin. L’état d’urgence sanitaire, supprimé à l’article 1er, semble rétabli à l’article 2, de façon partielle, sur une partie du territoire. Pour ce qui me concerne, je réclame des mesures territorialisées. Le principe de l’article 2 ne me choque donc pas. Le Conseil d’État évoque « l’application de règles disparates », sous-entendant une rupture de l’intérêt général et de l’égalité entre les citoyens sur le plan national. Il appartiendra peut-être au Conseil constitutionnel d’examiner ce point.

Au-delà, le seuil de déclenchement – 10 % de la population nationale, au plus – pose problème. Si l’état d’urgence sanitaire a besoin d’être activé dans deux territoires contigus, dont les habitants représentent plus de 10 % de la population nationale, devra-t-on instaurer une frontière ou renoncer aux dispositions ?

Le seuil de 10 % de la population semble élevé, mais un territoire urbain aggloméré, où la densité est forte, ne pose pas les mêmes problèmes qu’une zone rurale de milliers de kilomètres carrés, dont les habitants doivent circuler d’un point à un autre. Tout cela n’est pas clair.

La durée soulève également des questions : attendre deux mois avant que le Parlement ne puisse être consulté, c’est du jamais vu ! C’est un état d’exception dans une partie du territoire, que l’on ne peut pas envisager démocratiquement.

Étant donné les conséquences qu’il entraîne, ainsi que le délai prévu, qui écarte le Parlement, je vous propose de supprimer l’article, tel qu’il est rédigé.

M. Pascal Brindeau. Mon argumentation rejoint celle de Philippe Gosselin. Nous entendons qu’il faille territorialiser la mesure de reconfinement, si la situation sanitaire se dégrade de manière importante dans certains territoires. Pour autant, si l’on considère que nous avons rétabli hier la possibilité du couvre-feu, même limité dans le temps, dans le cadre de ce qui n’est plus un état d’urgence sanitaire mais des mesures transitoires, on ne peut sans confusion rétablir une possibilité de confinement, même partiel, dans le cadre de mesures transitoires : on ne saurait alors plus ce qu’est un état d’urgence sanitaire. Par principe, nous demandons la suppression de l’article 2.

Mme Danièle Obono. Nous nous opposons à la possibilité laissée au Premier ministre de décréter un état d’urgence sanitaire dans un régime dit « de sortie », tout en écartant encore davantage le Parlement. Ce régime de sortie – un pied dehors, un pied dedans – entretient le flou, quand le débat démocratique et l’intelligibilité de la stratégie du Gouvernement vis-à-vis de la population nécessiteraient plus de clarté. C’est le contraire qui est fait avec cet article.

D’un côté, le texte assoit la possibilité de prendre toutes les mesures d’un état d’urgence sanitaire, hormis le confinement généralisé. De l’autre, il laisse la possibilité d’un prompt retour, territorialisé, à ce régime, avec son lot d’interdictions, de fermetures et de confinements.

En outre, il prolonge d’un mois à deux mois le délai entre le décret et la loi de prorogation, seul moyen pour le législateur d’émettre un avis a posteriori, lorsque moins de 10 % de la population nationale est concernée par l’état d’urgence sanitaire.

Par définition, des mesures d’exception doivent être exceptionnelles. Leur inscription dans la durée, comme cela est fait depuis plus d’un an, sans que le Gouvernement ne se donne tous les moyens de lutter efficacement contre la pandémie – l’échec est patent, étant donné la situation dans laquelle nous sommes et le fait que nous soyons obligés de légiférer à nouveau – porte atteinte aux libertés.

C’est pourquoi nous nous opposons au présent article et proposons sa suppression.

M. Paul Molac. Je défends également l’amendement CL16 de Mme Wonner. Le régime transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire prévu à l’article 1er prévoit déjà des mesures très restrictives des libertés, à même de canaliser la circulation du virus – restriction des déplacements de population, fermetures de commerces, possibilité d’instaurer un couvre-feu, notamment.

De nombreux collègues l’ont souligné, la réinstauration locale d’un état d’urgence sanitaire serait positive. Nous l’avons d’ailleurs demandée depuis le début.

L’article 2 prévoit la possibilité de déclarer par décret l’état d’urgence sanitaire, pour une durée allant jusqu’à deux mois, contre un mois dans les textes actuels, avant de devoir consulter le Parlement. Ce régime très restrictif des libertés doit a minima être validé par le Parlement. Il n’apparaît pas proportionné que le Gouvernement puisse le mettre en œuvre pour une durée aussi longue sans l’accord des représentants directement élus du peuple. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 2.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. J’ai conscience des critiques et des interrogations qui ont été émises sur l’article 2. C’est pourquoi je présenterai un amendement, afin de traiter les questions du cumul des territoires représentant 10 % de la population nationale, du délai d’application et de l’information du Parlement. Avis défavorable aux amendements de suppression de l’article 2.

M. Philippe Gosselin. Nous ne balayons pas d’un revers de main la territorialisation, mais de très nombreuses interrogations subsistent. Même si la loi ne doit pas être trop bavarde, le texte apparaît trop minimaliste et les incertitudes trop nombreuses pour que nous puissions le voter en l’état. Mon propos peut être partagé par l’ensemble des groupes. Il y a intérêt à trouver une rédaction juste et applicable, qui n’attente pas aux libertés.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. C’est la raison pour laquelle le rapporteur a déposé un amendement, qui apporte des précisions. Il pourra encore être travaillé d’ici à la séance.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Le groupe La République en Marche est favorable à l’article. Il a préparé des amendements pour préciser et encadrer le dispositif, qui permettra de disposer d’outils pour répondre à une reprise forte de l’épidémie dans certains territoires, à la superficie limitée.

La Commission rejette les amendements.

Amendements identiques CL11 de M. Philippe Gosselin, CL62 de Mme Marietta Karamanli, CL81 de M. Philippe Latombe et CL101 de M. Sacha Houlié.

M. Philippe Gosselin. Dans la continuité de l’amendement CL12 et des explications du rapporteur, l’amendement CL11 vise à supprimer l’alinéa 2 instaurant le délai de deux mois. S’il devait être maintenu, sans que l’alinéa ne soit modifié, nous ne pourrions voter l’article. Je suis conscient qu’à ce stade, l’amendement CL11 pourrait être rejeté ou sans objet, car nous n’avons pas la vision d’ensemble.

J’appelle du moins l’attention de la Commission sur ce délai de deux mois, qui paraît anormalement long. Il est d’un mois dans l’état d’urgence sanitaire, ce qui est déjà long. Alors que l’on ne proroge pas l’état d’urgence sanitaire, on le fait revenir par la fenêtre, pour une partie limitée du territoire. Il n’empêche qu’il s’agira bien d’un état d’urgence sanitaire pour un territoire limité, et que des mesures exorbitantes du droit commun s’imposeront. Ce délai est donc anormalement long, tant pour les citoyens que pour les libertés publiques. En outre, une fois de plus, il exclut le Parlement pendant deux mois de ses prérogatives de contrôle, qui sont essentielles et légitimes, car constitutionnelles.

Mme Marietta Karamanli. Le groupe Socialistes et apparentés propose également de supprimer l’alinéa 2. Considérant l’importance des restrictions que le dispositif de l’article 1er rend possibles, notamment en cas de « circulation active du virus » – nous n’avons pas reçu hier soir l’ensemble des précisions à ce sujet –, il n’apparaît pas justifié de desserrer le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire et son contrôle par le Parlement, déjà nettement entamé par la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale.

L’argument de la période estivale est sans valeur, compte tenu des moyens de transport et de communication dont nous disposons à l’heure actuelle, dans une année où les parlementaires ont été constamment présents. De même, les arguments en faveur du seuil de 10 % de la population nationale et de la prolongation de deux mois de l’état d’urgence, contre un mois actuellement, semblent disproportionnés. Il semble donc nécessaire de supprimer l’alinéa 2.

M. Philippe Latombe. L’amendement CL81 a été déposé pour deux raisons.

D’une part, nous n’avons pas accepté que le ministre justifie le délai de deux mois par la nécessité de ne pas amputer les vacances de certains fonctionnaires des ministères, au motif qu’ils ont beaucoup travaillé depuis dix-huit mois. Il s’agit là d’un problème de management, qui concerne le ministre et son cabinet : qu’ils se débrouillent comme ils veulent pour établir des roulements entre les équipes. Ce ne doit pas être un argument pour prolonger le délai d’un à deux mois.

Sur le fond, le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés ne souhaite pas accentuer encore une fois le déséquilibre entre l’exécutif et le législatif. C’est une ligne rouge pour nous. Le Parlement a toujours répondu présent pour examiner ces textes. Son action est une prérogative constitutionnelle. Nous avons laissé trop de prérogatives à l’exécutif et avons assez fréquemment – peut-être trop – accepté des habilitations à légiférer par ordonnance, qui figurent également dans le texte que nous examinons.

Or les ordonnances arrivent très rarement sur le bureau de l’Assemblée, ou elles y sont présentées très tardivement, et nous ne les ratifions pas. Aujourd’hui, même pour une fraction du territoire, nous ne souhaitons pas créer de précédent et donner à l’exécutif de pouvoir supplémentaire. Nous souhaitons que le Parlement garde les prérogatives constitutionnelles qui sont les siennes, celles d’être convoqué au bout d’un mois. Été ou pas, les parlementaires ont toujours été présents.

À ce titre, nous ne voterons pas le présent projet de loi si le délai de deux mois n’est pas revu. La rédaction que le rapporteur et le groupe La République en Marche ont proposée ne nous satisfait pas non plus, puisqu’elle conserve ce délai. Nous l’avons toujours montré, nous pouvons réagir très vite.

M. Sacha Houlié. Au vu de ce que le Conseil d’État a écrit, l’amendement CL101 est défendu.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Compte tenu de l’amendement que je défendrai par la suite, je donne un avis défavorable aux quatre amendements.

La Commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements identiques CL121 du rapporteur et CL116 de M. Guillaume Gouffier-Cha ainsi que les amendements CL92 et CL93 de M. Pacôme Rupin tombent.

 

La Commission adopte l’article 2 modifié.

Article 3 : Adaptation du régime transitoire en outre-mer

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette les amendements CL3 de Mme Emmanuelle Ménard, CL17 de Mme Martine Wonner et CL72 de Mme Marie-France Lorho.

Amendements CL154 du Gouvernement ainsi que CL27 et CL26 de M. Philippe Dunoyer (discussion commune).

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. J’émets un avis favorable sur le dispositif du Gouvernement, qui reprend celui de la loi du 9 juillet 2020, après avoir recueilli l’avis des deux collectivités concernées.

Les amendements CL27 et CL26 de M. Dunoyer s’avèrent satisfaits. J’en demande le retrait.

M. Philippe Latombe. Sur la forme, nous habilitons beaucoup le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Si les habilitations précisent des dates, nous souhaitons qu’elles soient respectées, non seulement en termes de dépôt, mais aussi d’organisation, afin que des créneaux soient réservés dans l’ordre du jour du Parlement pour examiner les projets de loi de ratification. Que le Gouvernement dépose de tels textes au dernier moment sur le bureau de l’Assemblée et que nous n’ayons pas de temps pour les examiner et les ratifier nous pose problème, d’autant que, sur le sujet des ordonnances, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a évolué et enlevé des prérogatives aux parlementaires.

Nous souhaitons donc inscrire au compte rendu que les délais doivent être respectés et que l’organisation de nos débats doit permettre d’examiner les textes.

M. Pascal Brindeau. Les parlementaires de Nouvelle-Calédonie auraient aimé être associés à la rédaction que propose le Gouvernement sur un sujet qui les concerne au premier chef.

M. Philippe Gosselin. Nous avons une fâcheuse tendance – elle n’est pas propre à la commission des Lois –, à considérer de façon lointaine nos collègues et les territoires ultramarins. Il est important que la République réaffirme son unité : il importe que les règles sanitaires soient respectées sur l’ensemble du territoire.

J’envisage favorablement l’amendement CL154 du Gouvernement, qui ne pose pas de difficulté. Même si c’est le haut-commissaire qui est habilité, au-delà des obligations légales, des échanges croisés avec les responsables des territoires, qu’il s’agisse des gouvernements ou, en Nouvelle-Calédonie, des présidents des différentes provinces, doivent avoir lieu, afin d’assurer la fluidité, l’application et l’acceptabilité des mesures. Il ne revient pas à certains d’agir de façon autoritaire, sans autre procès.

M. Sacha Houlié. La situation particulière en Nouvelle-Calédonie a justifié de telles dispositions. Je crains que, pour les mêmes raisons qui nous ont conduit à nous réunir dans une mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, le ministre de l’outre-mer ne puisse être avec nous pour défendre l’amendement CL154.

La Commission adopte l’amendement CL154.

L’article 3 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL27 et CL26 tombent.

Article 4 (art. L. 3131‑15, L. 3136‑1, L. 3821‑11, L. 3841‑2 et L. 3841‑3 du code de la santé publique) : Renforcement des régimes de quarantaine et d’isolement et de répression des infractions aux règles de police sanitaire

Amendements identiques de suppression CL18 de Mme Martine Wonner, CL88 de Mme Marie-France Lorho et CL144 de M. Paul Molac.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Outre qu’il permet d’uniformiser le régime juridique de la quarantaine et de l’isolement, l’article 4 s’inscrit dans la stratégie de renforcement de ces dispositifs, décidée par le Gouvernement depuis le 24 avril dernier. Afin de faire face à la propagation de nouveaux variants, notamment brésilien et indien, les voyageurs en provenance du Brésil, d’Argentine, du Chili, d’Afrique du Sud, d’Inde et de Guyane font l’objet d’un arrêté préfectoral de mise en quarantaine stricte pendant dix jours à leur arrivée sur le territoire national ou métropolitain. Le contrôle du dispositif a été renforcé par l’augmentation du montant des amendes prononcées en cas de non-respect de la mesure – 1 000 euros pour l’amende forfaitaire, et 1 300 euros pour l’amende forfaitaire majorée.

Afin d’assurer la conciliation de cette mesure avec les droits et libertés fondamentaux, les raisons pour laquelle le représentant de l’État pourra s’opposer au choix du lieu de déroulement de la mesure et déterminer celui-ci ont été précisées. Une telle décision pourra être prise s’il apparaît que ce lieu ne répond pas aux exigences visant à garantir l’effectivité de la mesure de placement en quarantaine ou en isolement, et à permettre le contrôle de son application. Sur ce fondement, le Conseil d’État a estimé que la disposition « ne procède pas à une conciliation contraire à la Constitution entre les droits et libertés […] et l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé. »

Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements.

Amendement CL43 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Par cet amendement, qui vise à supprimer les alinéas 1 à 5, nous nous opposons à la possibilité laissée au préfet de refuser le lieu d’isolement ou de quarantaine choisi par une personne, dans le cas où ce dernier ne serait pas adapté ou contrôlable. La lettre du texte, qui dispose que le préfet pourra s’opposer au lieu choisi, s’il ne répond pas aux exigences visant à garantir l’effectivité de la quarantaine ou de l’isolement, semble particulièrement floue, et laisse au représentant de l’État une grande marge d’interprétation. Du reste, en cas d’opposition, ce dernier pourra déterminer lui-même le lieu de la mesure.

Comme le relève le Conseil d’État dans son avis sur le texte, « cette disposition est susceptible de porter atteinte au droit des personnes concernées à mener une vie familiale normale, résultant du dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 […], à leur liberté d’aller et de venir protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 […], ainsi qu’au droit au respect de la vie privée résultant de l’article 2 de cette déclaration […]. »

Nous considérons que cette atteinte multiple aux libertés fondamentales est disproportionnée. C’est pourquoi nous nous y opposons et souhaitons supprimer ces alinéas.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Amendements CL64 et CL63 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. L’amendement CL64 vise à compléter l’alinéa 1 pour renforcer le contrôle parlementaire, dont la nécessité a été sans cesse rappelée depuis que nous avons commencé à examiner les différents textes relatifs à l’état d’urgence sanitaire. Il prévoit que le Gouvernement remet tous les mois au Parlement un rapport rendant compte des actes pris par les autorités administratives en application du présent chapitre. Sans créer une charge déraisonnable pour l’administration, nous demandons une appréciation globale de ces décisions. Nous souhaiterions que l’ensemble des parlementaires en soient destinataires, au fil de l’eau. Un tel rapport nous tient à cœur. C’est pourquoi nous souhaitons que le rapporteur y donne un avis favorable.

L’amendement CL63 vise à compléter la rédaction de l’article en mettant en œuvre une proposition défendue par nos collègues Sacha Houlié et Philippe Gosselin dans leur mission flash sur le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire. Le code de la santé publique dispose déjà que la loi autorisant la prorogation au-delà d’un mois de l’état d’urgence sanitaire fixe sa durée. L’amendement CL63 entend préciser que cette durée ne peut être supérieure à trois mois.

Le Parlement a démontré depuis quinze mois sa réactivité, en examinant chaque projet de loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire. La contrainte de cette périodicité serait introduite à un niveau législatif, ce qui conduirait à une forme de souplesse. Toute loi de prorogation pourrait prévoir de déroger à ces dispositions, le cas échéant.

Tel est l’esprit de ces amendements que nous souhaitons voir figurer dans le texte qui sera examiné en séance.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. L’amendement CL64 est satisfait puisque le Premier ministre transmet au Parlement un rapport hebdomadaire sur les mesures prises en application de l’état d’urgence sanitaire. Il est transmis aux présidents de groupe et publié sur la page internet de la commission des Lois. Demande de retrait ou défavorable.

S’agissant de l’amendement CL63, les propositions que la mission flash a formulées avaient pour ambition d’être débattues lors de l’examen d’un projet de loi instituant un cadre pérenne de gestion des urgences sanitaires. Ce n’est pas ce texte que nous examinons aujourd’hui. C’est pourquoi je vous suggère de retirer l’amendement CL63, pour le rediscuter dans le cadre de l’examen d’un tel projet de loi.

M. Arnaud Viala. Je soutiens les deux amendements CL64 et CL63. Un état des lieux hebdomadaire des décisions prises, tel que le rapporteur l’a mentionné, n’est pas un rapport mensuel présenté au Parlement. Comme tous les Français, les parlementaires finissent par ne plus voir ni le début ni la fin de toutes ces informations, parfois contradictoires, qui sont diffusées par différents canaux.

Quant à l’amendement CL63, nous sommes précisément fondés à discuter de la durée pendant laquelle les mesures dérogatoires sont votées. Le Parlement a les moyens de se réunir régulièrement, pour continuer de prolonger les mesures dérogatoires, si besoin est. Il est dommage que nous n’en décidions pas dans le cadre de cette discussion.

M. Philippe Gosselin. Un tel rapport au Parlement peut sembler superflu, compte tenu des nombreux éléments mis à disposition. Certes, des informations nous parviennent par centaines, en flux continus, mais il est difficile d’en réaliser une synthèse. Nous souhaiterions un rapport, structuré, qui puisse nous éclairer. Personne ne conteste que l’information, dans sa globalité, est accessible mais il n’y a pas mieux pour noyer le poisson, si je puis dire. Ce qui importe, c’est de disposer d’une information hiérarchisée, quantifiée, qualifiée, C’est cela qui permet le vrai contrôle, car aucun d’entre nous ne peut plonger jour après jour ou toutes les semaines dans des données complexes, pour en tirer la substantifique moelle. En réalité, l’amendement CL64 n’est pas satisfait, et nous ne le sommes pas non plus de la situation actuelle.

Quant à l’amendement CL63, il introduit une précision que la mission flash proposait pour un régime de pérennisation. Par extrapolation, on peut parfaitement l’appliquer au présent texte. La durée de trois mois envoie un signal, qui est tout à fait pertinent.

Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons les amendements CL64 et CL63.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Sur le site de la commission des Lois est publié toutes les semaines un rapport hiérarchisé, structuré, qui est réalisé par le Gouvernement. Le point d’étape n° 25, par exemple, fournit des explications sur les mesures prises en application de différents textes, en rappelle le cadre législatif, et présente un bilan du 24 avril au 2 mai 2021, ainsi qu’un tableau récapitulatif des contentieux. Ce rapport hebdomadaire est accessible à tous nos concitoyens.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Le groupe La République en Marche votera contre les amendements CL64 et CL63, qui sont satisfaits. Les informations existent, encore faut-il s’en saisir. Hier soir, un amendement de notre collègue Sacha Houlié a maintenu la possibilité pour les présidents de commissions de saisir le Conseil scientifique. Au sein de la majorité, certains s’étaient battus pour un tel dispositif, qui avait été fortement discuté. Nous avons vu l’utilisation qui en est faite jusqu’à présent. Il n’appartient qu’à nous de nous saisir de ces dispositifs de contrôle.

De même, il n’appartient qu’à nous de suivre, sur l’espace dédié de la commission des Lois, ces rapports réguliers, documentés, qui nous permettent de contrôler l’action du Gouvernement.

La Commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL87 de Mme Marie-France Lorho.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL123 du rapporteur.

Amendement CL45 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Cet amendement de repli vise à amoindrir les risques que la disposition de l’article 4 fait courir aux libertés fondamentales, en inscrivant dans la loi que l’opposition du représentant de l’État au lieu d’isolement ou de quarantaine choisi par l’intéressé doit se faire « sans préjudice du droit à la poursuite d’une vie familiale normale ».

Une famille qui aurait fait le choix de rester unie dans un tel moment de fragilité ou d’isolement, pourrait en être empêchée sur seule décision de l’État. Or c'est dans ces moments de détresse, de difficulté ou d’incertitude, que le lien familial peut s’avérer le plus précieux. Nous défendons le droit pour les familles de choisir librement, en conscience, de se séparer un temps ou de s’isoler ensemble. La situation sanitaire ne doit pas permettre de contrevenir à toutes les libertés, notamment celle, élémentaire, de poursuivre une vie de famille aussi normale que possible.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Avis défavorable : le dernier alinéa du II de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique mentionne déjà qu’un décret détermine les conditions dans lesquelles est assurée la poursuite de la vie familiale de l’intéressé.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant les avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL89 de Mme Marie-France Lorho et CL74 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Elle adopte l’article 4 modifié.

Article 5 (art. 11 et 12 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions) : Systèmes d’information mis en œuvre aux fins de lutter contre l’épidémie de Covid-19

Amendements de suppression CL14 de M. Philippe Gosselin, CL19 de Mme Martine Wonner, CL32 de M. Pascal Brindeau, CL46 de Mme Danièle Obono et CL91 de Mme Marie-France Lorho.

M. Philippe Gosselin. L’article 5 a trait à la conservation et à la protection des données personnelles de santé. Nous avons déjà eu de longs débats sur la question, en particulier à l’occasion du lancement de l’application StopCovid et lors de l’épisode de fuite de données vers l’étranger – c’est un sujet récurrent. Or l’article prévoit que les données collectées par le traitement ContactCovid et par le système d’information de dépistage populationnel (SI-DEP) seront versées dans le système national des données de santé (SNDS). Si cela peut sembler au premier abord légitime – il faut pouvoir travailler sur ces données afin de mieux appréhender les conséquences de la pandémie –, on étend ainsi la durée de conservation des données à vingt ans, c’est-à-dire, si vous me passez l’expression, à perpète, alors que cela suscitait déjà des interrogations lorsqu’il s’agissait de quelques mois ou quelques années seulement !

Qui plus est, ces données ne seront pas anonymisées, mais pseudonymisées, ce qui n’a rien à voir, puisque cela rend possible – quoique complexe – un retour en arrière.

Tout cela, vous en conviendrez, mérite réflexion. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 5 tel qu’il est rédigé – non que nous soyons par principe opposés à la conservation de certaines données, mais les conditions proposées ne nous semblent pas acceptables.

M. Pascal Brindeau. De surcroît, la conservation pendant vingt ans de données non anonymisées est en contradiction avec les engagements pris par le Gouvernement lors de l’examen du premier texte sur l’état d’urgence sanitaire.

Mme Danièle Obono. Nous demandons nous aussi la suppression de l’article 5 parce que nous refusons que les données collectées par SI-DEP et par ContactCovid soient versées dans le SNDS. Nous nous étions déjà opposés à la création de ces deux systèmes d’information par l’article 11 de la loi du 11 mai 2020 – ContactCovid étant le plus sensible des deux et continuant, selon l’avis du 21 janvier 2021 de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), d’occasionner « certaines mauvaises pratiques ». Marchandisation des données, conservation trop longue, risques de piratage : nous avions à l’époque dénoncé l’ouverture de la boîte de Pandore.

Ce que nous craignions devient aujourd’hui réalité. Plutôt que de refermer cette boîte, vous accroissez encore les risques en décidant de centraliser les données au sein du SNDS. Comme le relève le Conseil d’État dans son avis, le délai de conservation des données passera ainsi de trois mois à vingt ans.

Le SNDS collecte des données et les met à disposition, sur avis de la CNIL, de toute personne publique ou privée, à but lucratif ou non, en vue de réaliser une étude, une recherche ou une évaluation. Il s’agit d’un fichier d’ores et déjà très lourd, qui compile de nombreuses données sensibles. Or ce système pose un certain nombre de questions. La CNIL avait ainsi émis un avis critique sur le projet de décret d’application de la loi du 24 juillet 2019 en pointant sa centralisation excessive, les informations individuelles parcellaires et des contrôles lacunaires.

Renforcer ce fichier par les données de ContactCovid et de SI-DEP accroîtra très fortement la durée de conservation des données, ainsi que, du fait de leur centralisation, le risque que leur confidentialité soit violée, le système piraté et nos données personnelles exposées. Nous y sommes opposés.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Si vous estimez que le sujet mérite réflexion, je suis quant à moi étonné par ces amendements de suppression ! Lorsque j’ai commencé mon travail de rapporteur sur le texte, j’ai souhaité clarifier le dispositif et m’assurer que toutes les garanties nécessaires à la protection des données personnelles étaient prises. Or ces garanties figurent d’ores et déjà dans le code de la santé publique et, ainsi que l’a relevé le Conseil d’État, elles sont pleinement satisfaisantes. Surtout, la CNIL, que j’ai auditionnée la semaine dernière, m’a confirmé que le présent article ne présentait à ses yeux aucune difficulté.

Il m’est donc difficile de comprendre le sens de ces amendements, d’autant que ces données, qui sont au demeurant pseudonymisées, serviront à l’amélioration de la prise en charge et de la connaissance médicales. Cet article n’aura d’autre effet que d’aligner ces données sur le régime de droit commun, ni plus ni moins. Quand on sait l’importance que celles-ci revêtent sur le plan scientifique, il serait incompréhensible qu’elles soient détruites à la fin d’année, alors qu’elles peuvent et doivent être utilisées, et cela d’une manière parfaitement respectueuse du droit à la protection des données personnelles : nous ne nous sommes pas en effet à l’abri d’une résurgence de l’épidémie ou d’autres pandémies.

Avis défavorable sur ces amendements de suppression.

M. Philippe Gosselin. Il ne faudrait pas faire croire, monsieur le rapporteur, que nous refusons l’agrégation et la conservation d’un certain nombre de données de santé ; là n’est pas la question. Vous évoquez la CNIL. Il se trouve que je suis par ailleurs membre du collège de la CNIL, et je rappelle que celle-ci a largement critiqué le dispositif sur un certain nombre de points, obligeant le Gouvernement à revoir sa copie à plusieurs reprises au cours des derniers mois. La CNIL a exercé son rôle, et elle continue de le faire ; elle ne délivre pas de blanc-seing. Nous ne soulevons pas de difficulté de principe à ce que, pour des questions de traçabilité ou de recherche, on conserve des données, mais, d’une part, vingt ans, c’est beaucoup trop long, d’autre part, pseudonymiser, ce n’est pas anonymiser. Il faut que la représentation nationale l’ait présent à l’esprit.

M. Philippe Latombe. En tant que rapporteur de la mission d’information « Bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne », j’ai auditionné durant de longues heures l’ensemble des représentants de ce qu’on appelle les entrepôts de données de santé. J’ai déposé, avec mes collègues du groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés, un amendement qui vise non pas à supprimer l’article, mais à respecter les délais de conservation que nous avions préalablement fixés. Nous avions en effet eu une discussion sur le sujet en commission et dans l’hémicycle et le Gouvernement nous avait déclaré à cinq ou six reprises, la main sur le cœur, que jamais, au grand jamais, ces données ne seraient conservées au-delà du 31 décembre 2021. Or, aujourd’hui, il décide de faire entrer ces données dans le droit commun, avec un délai de conservation qui pourra aller jusqu’à vingt ans.

Ce que la CNIL vous a dit, monsieur le rapporteur, c’est que cette disposition ne présentait pas de difficulté dès lors qu’il existait une base légale – ce qui est logique, puisque la CNIL est légaliste. Mais elle n’a dit rien d’autre.

Or cette base légale, c’est le texte qui nous est présenté aujourd’hui. Sans lui, il ne serait pas possible de verser les données en question dans le SNDS. Mais disons les choses clairement : faisant cela, on les envoie aussi dans le Health Data Hub (HDH), qui a été confié à Microsoft ; les données de santé vont aller on ne sait où, on ne sait comment, sans aucun contrôle. Nous avions compris que le ministre envisageait de faire machine arrière et de les déposer dans un cloud souverain, mais la directrice générale a déclaré que ce n’était pas le cas, qu’il avait simplement donné l’instruction de s’entourer de garanties supplémentaires.

Tout cela pose un réel problème. Comment allons-nous expliquer aux Français que ce que le Gouvernement avait promis et que nous avions voté, en lui faisant confiance, est désormais modifié ? Quels sont les garde-fous ? Le HDH n’en est pas un, c’est même tout le contraire !

D’autre part, la pseudonymisation n’est pas l’anonymisation. Pourquoi, alors que la CNIL a validé, notamment pour les entrepôts de données de santé, des systèmes d’anonymisation tels que WeData ou Octopize, qui sont fondé sur des avatars et des calculs mathématiques afin de permettre les recherches, cette solution n’est-elle prévue ni dans le texte ni dans les décrets ? C’est tout de même gênant !

M. Guillaume Gouffier-Cha. Qu’est-ce que le SNDS, qui semble susciter tant d’inquiétudes ? Géré par la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), il permet de relier les données de l’assurance maladie, celles des hôpitaux, les causes médicales de décès, les données relatives au handicap, un échantillon de données en provenance des organismes d’assurance maladie complémentaire. Il a pour objet la mise à disposition de ces données en vue de favoriser les études, recherches ou évaluations présentant un caractère d’intérêt public et contribuant à l’une des finalités suivantes : l’information sur la santé ; la mise en œuvre des politiques de santé ; la connaissance des dépenses de santé ; l’information des professionnels et des établissements sur leur activité ; l’innovation dans les domaines de santé et de la prise en charge médico-sociale ; la surveillance, la veille et la sécurité sanitaire. Toute personne ou structure publique ou privée, à but lucratif ou non lucratif, peut accéder aux données du SNDS sur autorisation de la CNIL.

Je pense que le cadre ainsi fixé est solide. Les données qui, grâce à cet article, vont tomber dans le droit commun nous permettront de faire progresser la recherche. Supprimer l’article 5 reviendrait à autoriser les recherches sur la grippe, mais à interdire celles qui concernent le covid-19. Voilà ce que vous proposez ! Comment l’expliquerions-nous aux Français ? À moins que vous ne vouliez pas que nous puissions tirer les enseignements de cette épidémie et améliorer le dispositif de lutte contre de nouvelles ?

Mme Danièle Obono. Quelle caricature ! Vous balayez d’un revers de la main les arguments sérieux et argumentés qui vous ont été présentés, y compris les critiques et réserves émises par la CNIL elle-même – comme si ce qui est proposé là était anodin et qu’il n’y avait pas déjà eu des alertes concernant la protection des données de santé et leur caractère sensible.

Comme l’a rappelé notre collègue Latombe, nous avons déjà eu cette discussion et le Gouvernement et la majorité avaient pris l’engagement que le système mis en place serait provisoire. Comme à chaque fois, vous revenez sur la parole donnée, confirmant ainsi qu’on ne peut absolument pas faire confiance à ce gouvernement ni à cette majorité, et vous pérennisez des dispositifs qui n’apportent pas de garanties suffisantes.

Non, collègue Gouffier-Cha, le fait de supprimer cet article n’empêchera pas pour autant les recherches en épidémiologie. S’il n’y en a pas assez, c’est d’abord parce que la recherche n’a pas été assez financée par le Gouvernement actuel et par ceux qui l’ont précédé. C’est de financement que la recherche a besoin, et non de ces fichiers si fragiles. D’abord, notre souveraineté numérique est nettement insuffisante, et peut-être aurait-il fallu se poser la question avant de constituer de telles bases de données. Ensuite – et vous l’avez mentionné dans la définition que vous avez donnée du SNDS –, il sera possible de mettre ces données à la disposition d’entreprises privées à but lucratif. Il s’agit d’une véritable stratégie de marchandisation des données de santé !

Nous avons déjà eu ce débat et vous n’apportez aujourd’hui aucune garantie nouvelle. Voilà pourquoi il nous paraît tout à fait cohérent de nous opposer à cet article.

M. Philippe Gosselin. Pas de chantage, je vous prie, monsieur Gouffier-Cha ! Ne mettez pas le doigt dans cet engrenage – vous n’êtes d’ailleurs pas coutumier du fait. Vous nous dites : soit vous acceptez le système proposé, soit vous êtes contre la recherche, donc pour la mort de nos concitoyens – je simplifie à peine. Il me semblait que nous avions dépassé des argumentations aussi primaires !

Encore une fois, il ne s’agit pas de refuser toute utilisation des données de santé ; nous souhaitons bien évidemment utiliser les moyens technologiques à notre disposition pour développer la recherche. En revanche, une durée de conservation de vingt ans pose un problème. Je présenterai d’ailleurs un amendement de repli visant à fixer un délai plus raisonnable.

Ces derniers mois, il y a eu plus que des alertes : il y a des affaires judiciaires en cours, concernant des marchés publics qui n’ont pas été attribués dans les règles, notamment à Microsoft. Qu’on ne vienne donc pas nous donner des leçons ! Le SNDS et la plateforme des données de santé rencontrent un certain nombre de difficultés, dont la CNIL s’est fait l’écho – même si elle ne se prononce pas dans ses avis sur l’opportunité des mesures, mais sur leur légalité, ce qu’on ne peut d’ailleurs lui reprocher ; elle a toujours considéré que dès lors que la loi habilitait un certain nombre d’instances ou d’outils, elle devait en prendre acte. C’est donc au moment où l’on fabrique la loi qu’il faut se poser les bonnes questions, car la CNIL et les autres instances administratives et établissements publics ne font que l’appliquer. Or, en l’espèce, on se heurte à deux problèmes d’importance.

La Commission rejette les amendements.

Suivant les avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL96 et CL90 de Mme Marie-France Lorho.

Amendement CL13 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Il s’agit d’un amendement de repli qui vise à ce que le dispositif prévu à l’article 5 porte sur des données réellement anonymisées, et non pseudonymisées – la pseudonymisation étant une vraie fausse anonymisation –, et qui ne puissent être conservées plus de trois ans.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. D’abord, la collecte des données sous une forme pseudonymisée ne doit pas servir d’épouvantail ! Cette modalité est prévue et encadrée par le RGPD, le règlement général sur la protection des données. Ce format de traitement des données est particulièrement pertinent, en matière de santé, pour croiser les informations utiles à la connaissance et à la recherche médicale sans pour autant conduire à l’identification de la personne, dont les données personnelles restent protégées.

Ensuite, pour ce qui est de leur durée de conservation, pensez-vous qu’un chercheur puisse tirer quoi que ce soit de données en six mois ou même en trois ans ? Il faut beaucoup plus de temps pour connaître ce virus, en particulier vu les formes parfois surprenantes qu’il peut présenter. L’alignement du délai de conservation des données sur le régime de droit commun sera particulièrement utile à la recherche et au progrès médical, notamment si nous voulons à l’avenir mieux comprendre et mieux lutter contre ces épidémies qui, malheureusement, pointent à l’horizon.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement et sur ceux qui suivront.

M. Philippe Latombe. Je pense, monsieur le rapporteur, qu’il est nécessaire de faire une distinction entre les deux fichiers. Si SI-DEP peut éventuellement être versé dans le SNDS puisqu’il s’agit d’une plateforme où sont enregistrés les résultats des tests de détection de la covid-19 effectués par les laboratoires, en revanche ContactCovid ne porte pas réellement sur des données de santé, puisqu’il vise à répertorier les cas contact et à vérifier qu’ils ont bien été informés. Autant l’on peut comprendre qu’à des fins de recherche, on conserve dans le SNDS les résultats de tests et d’autres informations associées, ce qui pourrait d’ailleurs être déjà le cas du fait de la prise en charge par l’assurance maladie des tests PCR par les laboratoires, autant les données répertoriées par ContactCovid, qui concernent la traçabilité des contacts et les liens humains, semblent relever de la vie privée, et non de la sphère médicale. Les verser dans un système de santé avec une durée de conservation de vingt ans n’est pas véritablement compatible avec le RGPD, d’autant que la pseudonymisation offre la possibilité de faire machine arrière, alors que l’intérêt de cet amendement est précisément d’assurer une réelle anonymisation des données. Le fait que l’on ait été un jour cas contact parce que l’on a croisé ou discuté ou eu une relation intime avec une personne atteinte du virus, mais sans être soi-même malade, n’est pas une donnée de santé !

M. Jean-François Eliaou. Si !

M. Philippe Latombe. Non ! Si la personne concernée fait à ce moment-là un test PCR, alors elle sera répertoriée dans le SI-DEP, mais on n’a pas besoin de savoir pourquoi. On ne peut pas verser ainsi des données dans le SNDS, sans se poser de question.

Il y a aujourd’hui un problème d’utilisation des données de santé. Il n’est pas acceptable de pouvoir reconstruire durant vingt ans des chaînes de relations sociales. Je le répète : le Gouvernement nous avait certifié à cinq reprises que ces données seraient éteintes au 31 décembre 2021 au plus tard – et si nous avions voté à l’époque pour les textes qu’il nous soumettait, c’est bien parce qu’il y avait cette borne. Revenir aujourd’hui sur cette décision afin d’assurer la fongibilité des données des deux systèmes, et cela alors même que la CNAM avait refusé le transfert des données du SNDS au HDH, voilà qui montre les difficultés que l’on rencontre en matière de protection des données de santé !

M. Philippe Gosselin. Excellente démonstration !

La Commission rejette l’amendement.

Amendement CL82 de M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Il s’agit de rétablir la disposition que nous avions adoptée dans les textes précédents, à savoir que les données seraient conservées jusqu’à la fin de l’épidémie ou de l’état d’urgence sanitaire et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2021. Ce que vous êtes en train de faire, c’est une fongibilité à bas bruit, à l’encontre de ce qui avait été dit aux Français, qui, pour certains, ont spontanément accepté les outils de contact tracing et ont délivré les informations demandées lorsqu’on les a sollicités parce qu’on leur avait donné l’engagement qu’elles seraient effacées. Vous leur aviez promis que ce serait le cas au 31 décembre 2021 et, en catimini, vous décidez de les conserver pendant vingt ans ! Je vous le dis : vous envoyez là un très mauvais au signal concernant l’utilisation des données par l’État. Et après, vous allez demander à nos concitoyens qu’ils vous fassent confiance ? Mais c’était la pire des choses à faire – d’autant qu’il y avait déjà un problème concernant Microsoft et le HDH !

J’espère que le cabinet du ministre nous écoute et que cela sera transmis à ce dernier – je sais que ce sera pour lui une source de mécontentement supplémentaire contre moi, mais je m’en fiche. Les Français ne font déjà plus confiance à l’État pour gérer les données de santé. Si nous adoptons cette disposition, cela ne fera qu’empirer les choses. Ajoutée aux problèmes des masques et des vaccins, ce sera une tache indélébile – alors que nous aurions vraiment pu faire quelque chose de bien. C’est vraiment dommage !

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Avis défavorable – et je suis désolé, monsieur Latombe, mais un médecin doit connaître la vie privée de son patient.

M. Philippe Gosselin. C’est assez inquiétant, ce que vous venez de dire, monsieur le rapporteur ! Il ne faudrait pas confondre vie privée, données médicales et secret médical. Je vous le dis franchement : faire un tel amalgame en commission des Lois me semble plutôt dangereux.

Notre collègue Latombe a raison : il y a tromperie sur la marchandise. Depuis le début, les bases de données concernant les données personnelles et les cas contacts font l’objet d’échanges nourris, et pas seulement entre majorité et oppositions, mais aussi au sein même de la majorité, où s’expriment des opinions divergentes. Or là, on change les règles du jeu en cours de route. Certains se sont engagés parce qu’on avait promis que les données ne seraient pas conservées plus d’un an, et voilà qu’on leur dit qu’en réalité la durée sera de vingt ans – autant dire perpète. Il y a là un réel problème.

Inutile de se gargariser en disant que le dispositif est conforme au RGPD. Combien de personnes savent de quoi il s’agit ? Le RGPD, le règlement général pour la protection des données personnelles, est un règlement européen qui a été transcrit en droit français, qui vise à assurer la fiabilité de la protection des données et qui comporte un certain nombre d’exceptions en cas de crise. Heureusement que notre droit est conforme au RGPD ! Il ne s’agit pas pour autant d’un passe qui permettrait d’ouvrir grand la porte à l’accès aux données personnelles de santé. Le HDH, c’est la plateforme de données de santé dans laquelle sont versées un certain nombre de données concernant notre santé. Or qui est chargée de les traiter ? Une entreprise française ou européenne, qui respecterait le RGPD ? Que nenni ! C’est Microsoft, évidemment, à l’issue d’un mécanisme très nébuleux, sans appel d’offres, sur lequel il y aurait beaucoup à dire – des actions en justice ont d’ailleurs été intentées. Les données peuvent être traitées n’importe où dans le monde ; Microsoft est une société américaine, et, même si ce n’est pas nécessairement l’œil de Washington – je ne verse pas dans ces choses-là –, il ne faut pas être naïf : le gouvernement ou l’État américain pourrait fort bien y avoir accès. Est-ce cela, la souveraineté numérique, la protection des données ? Alors qu’il existe en France des start-up remarquables, nous ne disposons pas de société qui soit intégrée dans le processus. Tout cela n’est pas anodin, et nous sommes parfaitement dans notre rôle en alertant l’opinion sur ces problèmes ; cela ne signifie nullement que nous sommes contre la recherche.

M. Rémy Rebeyrotte. Voilà qui nous ramène au débat que nous avions eu au moment de l’adoption du RGPD. Cédric Villani avait mis en lumière le retard pris par notre pays en matière de recherche et développement parce que nous avions du mal à valoriser les données de santé. Nous avions déjà discuté à l’époque de la question de l’anonymisation ou de la pseudonymisation des données. Il s’agit là, tout simplement, d’inscrire les données relatives à la covid-19 dans le même cadre juridique que celui du RGPD, de manière à pouvoir les utiliser en vue d’élaborer des outils de recherche et développement, avec toutes les sécurités nécessaires et sous le contrôle de la CNIL – comme cela se fait d’ailleurs dans d’autres pays.

C’est pourquoi, monsieur Gosselin, il importe de préciser que le RGPD est le cadre dans lequel nous nous situons. Ces données, dès lors qu’elles sont sécurisées, ont un intérêt majeur pour faire progresser la recherche et développer les start-up du secteur de la santé. C’est essentiel pour notre pays, vu le retard que nous avons pris. Il faut que ces données nous servent, plutôt qu’elles servent à des puissances étrangères.

M. Philippe Latombe et M. Philippe Gosselin. Précisément ! C’est le cas !

Mme Danièle Obono. C’est en effet un débat que nous avons depuis longtemps et les alertes ne datent pas d’aujourd’hui. S’agissant du HDH, je me souviens qu’à l’époque, le secrétaire d’État Cédric O, qui était au banc, n’avait même pas daigné répondre à nos interpellations sur le sujet : « Cela ne pose aucun problème », avait-il prétendu. Or non seulement cela soulève, cela a été rappelé, la question, fondamentale, de notre souveraineté numérique, mais en outre ces données de santé ne sont pas la propriété de l’État, elles appartiennent aux personnes concernées. Je m’inscris en faux contre l’idée qu’elles seraient, d’une certaine manière, un produit. On nous dit qu’elles serviraient à la recherche, mais celle-ci a bon dos ! La recherche a surtout besoin de financements et, aujourd’hui, ceux-ci ne sont pas à la hauteur.

MM. Rémy Rebeyrotte et Jean-François Eliaou. Elle a aussi besoin de données !

Mme Danièle Obono. Ce que vous omettez, très opportunément, de dire, c’est que ces données seront aussi disponibles pour des entreprises privées à but lucratif !

M. Rémy Rebeyrotte. Il existe des entreprises de recherche privées.

Mme Danièle Obono. Il s’agit donc, non pas d’essayer de trouver des solutions aux grandes pandémies, mais d’une entreprise de marchandisation des données de santé, alors que celles-ci, je le répète, n’appartiennent à personne d’autre qu’aux personnes concernées – et certainement pas aux médecins, monsieur le rapporteur, qui n’ont pas à obtenir d’informations sur la vie privée de leurs patients, à moins que ceux-ci ne l’autorisent. Ce que vous dites me semble extrêmement grave. La vie privée, les données de santé et la santé, ce n’est pas la même chose !

Il n’existe aucune garantie concernant la fiabilité et la protection des données. Ce qui se passe aujourd’hui est d’ailleurs révélateur d’une forme de duplicité de la majorité, car je me rappelle que notre collègue Avia avait retiré à la dernière minute, à la suite d’une levée de boucliers en commission des Lois, un amendement visant déjà à étendre la conservation de ces données au-delà de la crise sanitaire. On voit bien que le ver était dans le fruit depuis le début !

M. Pascal Brindeau. Il me semble qu’il y a trois problèmes.

D’abord, cet article constitue une rupture des engagements pris par le Gouvernement sur le sujet. Le fait que des collègues membres d’un des groupes de la majorité interpellent le Gouvernement d’une manière plutôt véhémente n’est pas anodin. Si l’on veut être crédible sur les questions de protection des données, notamment dans le domaine si sensible des données médicales personnelles, il faut que le Gouvernement tienne ses engagements.

Ensuite, il s’agit d’une question qui touche aux libertés fondamentales. Même si l’on souhaite le progrès de la science et de la recherche, cela ne peut pas être fait à tout prix, et certainement pas en rognant sur les libertés fondamentales, qui sont protégées par la Constitution. Vous dites que le dispositif ne pose pas de problème à la CNIL ni à aucune autre autorité indépendante de contrôle, mais ce n’est pas vrai : depuis le début, ces autorités émettent des alertes sur le sujet, et elles n’évoquent pas uniquement la nécessité d’une base légale pour utiliser des systèmes de ce genre.

Enfin, s’agissant de la souveraineté numérique, depuis plusieurs mois, des hôpitaux et des entreprises qui œuvrent dans le domaine de la recherche ou de la production pharmaceutique subissent des cyberattaques. Notre pays a du retard en matière de protection contre celles-ci. Si l’on offre aux hackers des possibilités supplémentaires pour collecter des données sur des plateformes internationales que nous ne contrôlons pas, je crains qu’on ne s’expose à des problèmes encore plus graves.

La Commission rejette l’amendement.

Amendement CL33 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Il s’agit de préciser que les données de santé seront anonymisées avant leur rassemblement et leur inscription au sein du système d’information.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Défavorable.

M. Philippe Latombe. Notre amendement précédent ne visait pas à interdire la recherche, mais à préciser qu’on ne peut changer le contrat ou, s’il change, qu’il faut protéger l’anonymat. Si les personnes ont transmis la liste de leurs contacts, que ces contacts ont été appelés, ont fait – ou non – un test, se sont – ou non – isolés et qu’une trace de ces informations est conservée, vous ne pouvez changer les termes du contrat. Au moment de la collecte de ces données, elles devaient être conservées jusqu’au 31 décembre ; si ce n’est plus le cas, anonymisez les données de ContactCovid, celles de SI-DED l’étant déjà.

Monsieur le rapporteur, la vie privée n’est pas une donnée de santé, regardez dans le RGPD. Le Conseil d’État a eu l’occasion de rappeler à plusieurs reprises, notamment dans le cadre de la réglementation relative aux drones, la définition très particulière de la vie privée, comme celle des données de santé.

En outre, la CNIL a validé des solutions d’anonymisation. Il faut garantir que personne ne pourra identifier nos concitoyens dont les données auront été entrées dans ContactCovid. C’est un minimum si vous souhaitez que les Français vous fassent confiance !

Mme Cécile Untermaier. Dès lors que l’on choisit ce fichier, les données y seront versées pour vingt ans. Nous ne souhaitons pas la création d’un fichier distinct mais, en revanche, l’anonymisation est incontournable pour protéger la vie privée et familiale – la pseudonymisation n’est pas une réponse adéquate. Mon groupe votera donc cet amendement sans réserve.

M. Rémy Rebeyrotte. Dès lors que ces données deviennent des données de santé, elles sont couvertes par le RGPD et font obligatoirement l’objet d’une anonymisation ou d’une pseudonymisation – c’est une des conditions posées par la CNIL.

Pourquoi vingt ans ? Pour des raisons scientifiques, afin tout simplement de suivre une cohorte, ce qui est impossible sur une seule année. C’est fondamental pour la recherche sur le covid.

M. Philippe Gosselin. Vingt ans, c’est long. Personne ne conteste qu’il faut peut-être aller au-delà de la fin de l’année, mais vous changez la règle du jeu en cours de route ! Certains de nos concitoyens ont transmis leurs données et sont entrés dans le processus parce que, la main sur le cœur, le Gouvernement leur a assuré qu’elles ne seraient pas conservées au-delà du 31 décembre. Souvenez-vous de nos débats à l’Assemblée nationale ; relisez le Journal officiel ! La parole publique risque d’être décrédibilisée si vous changez les règles du jeu en cours de route.

En outre, n’entretenez pas la confusion avec le RGPD. Bien entendu, il reconnaît la possibilité d’anonymiser ou de pseudonymiser certaines données de santé. Mais il prévoit aussi la possibilité de déroger au RGPD pour des raisons impérieuses liées à la santé ou à des pandémies, et heureusement ! Ce n’est pas le sujet ! Il s’agit de se saisir du RGPD et de l’utiliser à bon escient. En l’occurrence, il ouvre la possibilité d’anonymiser ou de pseudonymiser. Cette dernière option pose une difficulté puisqu’elle permet, grâce à différents processus, de savoir qui a fait quoi. D’où notre alerte. Vous pouvez accepter le dispositif – ce ne sera pas mon cas – mais encore faut-il l’expliquer !

Enfin, tout cela pourrait être acceptable si nous avions la certitude que nos données ne sont pas traitées à l’étranger. Il est important de souligner cette faiblesse. Bien sûr, les hackeurs ne seront pas constamment en embuscade, mais les risques existent – et vous les accentuez. C’est notre rôle de vous alerter.

La Commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL75 de Mme Emmanuelle Anthoine.

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

Article 6 (art. 41 et 52 de la loi n° 2020‑734 du 17 juin 2020, art. 6 de la loi n° 2020‑1379 du 14 novembre 2020, art. 22‑2, 22‑4, 22‑5 et 23 de l’ordonnance n° 2020‑304 du 25 mars 2020, art. 11 et 12 de l’ordonnance n° 2020‑321 du 25 mars 2020, art. 1er, 2, 3 et 4 de l’ordonnance n° 2020‑323 du 25 mars 2020, art. 11 et 12 de l’ordonnance n° 2020‑391 du 1er avril 2020, art. 3 de l’ordonnance n° 2020‑1401 du 18 novembre 2020, art. 1er de l’ordonnance n° 2020‑1441 du 25 novembre 2020, art. 4 de l’ordonnance n° 2020‑1502 du 2 décembre 2020, art. 1er et 3 de l’ordonnance n° 2020‑1507 du 2 décembre 2020, art. 7 de l’ordonnance n° 2020‑1553 du 9 décembre 2020, art. 4 de l’ordonnance n° 2020‑1599 du 16 décembre 2020) : Prolongation et adaptation des mesures d’accompagnement de la crise sanitaire

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement de suppression CL112 de Mme Marie-France Lorho.

L’amendement CL107 de M. Sacha Houlié est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements de cohérence légistique CL124 et CL125 du rapporteur.

Amendement CL47 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Nous souhaitons supprimer les alinéas 24 à 26, les dispositions que le Gouvernement souhaite prolonger étant profondément anti-sociales. Dans son article 41, la loi du 17 juin 2020 prévoit en effet la possibilité de fixer, par accord d’entreprise, le nombre maximal de renouvellements possibles pour un contrat de travail à durée déterminée (CDD). L’article 1er de l’ordonnance du 25 mars 2020 permet à l’employeur, d’imposer la prise de congés ou de les modifier unilatéralement par un accord d’entreprise ou, à défaut, par un accord de branche, le nombre maximum de jours concernés étant porté de six à huit.

Ces dispositions laissent le soin à des accords d’entreprises de déterminer combien de temps nos concitoyens resteront dans la précarité, sans contrat stable, sans possibilité de trouver un logement en location – et je ne parle même pas de devenir propriétaire. Il laisse à ces accords le soin de décider, unilatéralement, si nos concitoyens pourront ou ne pourront pas passer leurs vacances en famille, avec leurs proches.

Nous refusons que la situation sanitaire soit depuis un an prétexte à rogner les droits sociaux des travailleurs : leur droit au travail décent et pérenne, leur droit au logement, et leur droit à une vie familiale normale.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Ces amendements proposent de supprimer les aménagements apportés en matière de reconduction des CDD. Je rappelle qu’il ne s’agit que d’une possibilité, et non d’une obligation.

Pourquoi avoir prévu de tels aménagements ? Pour fluidifier les successions de contrats si les conditions d’activité le justifient, et pour allonger les relations de travail qui n’ont pas pu se dérouler comme prévu à cause de la crise. L’objectif n’est donc pas du tout de fragiliser les salariés, au contraire. Il s’agit de concilier l’activité de l’entreprise et celle du salarié. Sans ces aménagements, de nombreux salariés seraient dans l’impossibilité de travailler.

Enfin, le dispositif est encadré, notamment par l’exigence d’un accord collectif et du fait de l’impossibilité de détourner l’aménagement pour pourvoir un poste permanent par le biais d’une succession de CDD.

La Commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL109 de Mme Marie-France Lorho, CL111 de M. Ugo Bernalicis et CL145 de M. Paul Molac.

Mme Danièle Obono. Dans la continuité de l’amendement précédent, il s’agit de supprimer les alinéas 28 à 30, mesures anti-sociales. L’article 1er de l’ordonnance du 25 mars 2020, permettant à l’employeur d’imposer la prise de congés, ainsi que les dispositions relatives au contrat de travail, remettent en cause sans justification, au prétexte de la crise sanitaire, les droits fondamentaux, sociaux et familiaux des salariés.

M. Paul Molac. Nous proposons également de supprimer les alinéas 28 à 30, qui prolongent jusqu’au 31 octobre 2021 – pendant tous les congés d’été, durant lesquels les salariés peuvent se retrouver en famille – les dispositions relatives aux congés payés de l’ordonnance précitée. L’employeur pourra décider du moment de la prise de RTT de ses salariés, dans une limite de dix jours. L’ordonnance permet aussi à l’employeur d’imposer à l’employé de prendre jusqu’à six jours de congés payés quand il le souhaite, en prévenant ce dernier seulement un jour à l’avance ! Les patrons pourront ainsi informer leurs salariés au dernier moment. Or il est complexe d’organiser ses vacances – il faut souvent s’y prendre très à l’avance. De telles dispositions sont donc inacceptables.

L’alinéa 29 aggrave encore la mesure, en faisant passer de six à huit le nombre de jours de congés que l’employeur peut imposer aux salariés. Une telle limitation du dialogue entre salariés et employeur n’est pas souhaitable.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Encore une fois, il ne s’agit pas d’une obligation, mais d’une faculté, au demeurant bien encadrée : il faut un accord collectif s’agissant des jours de congés, et justifier de l’intérêt de l’entreprise pour les jours de repos.

Pourquoi ces aménagements ? Pour lisser la prise de congés ou de repos sur des périodes de moindre activité, afin de limiter l’impact négatif de la crise et, une fois celle-ci passée, assurer le plus possible la robustesse de la reprise. Si l’entreprise va très mal et ne peut fonctionner, ses salariés risquent de ne pas non plus aller très bien : c’est une mesure qui préserve l’activité, et donc l’emploi.

Pourquoi augmenter de six à huit le nombre de jours de congés concernés par ces prérogatives exceptionnelles ? Simplement parce que le quota de six jours est souvent déjà consommé en grande partie, voire totalement. Il s’agit donc de ménager des marges de manœuvre. L’inscription du nouveau quota de huit jours supposera la signature d’un avenant à l’accord collectif.

La Commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette également l’amendement CL110 de Mme Marie-France Lorho.

Elle adopte successivement l’amendement de précision CL127 du rapporteur et les amendements rédactionnels CL128 et CL129 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

Après l’article 6

Amendement CL155 du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Cet amendement me semble de bon sens. La dérogation au jour de carence pour les arrêts maladie dus à la covid-19 est déjà prévue jusqu’au 1er juin par les décrets du 8 janvier et du 2 avril 2021. Dans la mesure où, malheureusement, la situation sanitaire demeure plus que sérieuse, il est opportun de proroger la dérogation au jour de carence jusqu’à la fin de la période transitoire, c’est-à-dire jusqu’au 31 octobre 2021, afin d’inciter les personnes concernées à rester isolées si elles sont atteintes et contagieuses. Mon avis est donc favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Article 7 : Habilitation à procéder par ordonnance en matière d’activité partielle, de trêve hivernale et cyclonique et de revenus de remplacement

Amendements identiques de suppression CL4 de Mme Emmanuelle Ménard, CL20 de Mme Martine Wonner et CL114 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de supprimer cet article qui habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance. Nous en avons déjà discuté à de nombreuses reprises en commission et dans l’hémicycle. Le 17 juin 2020, le Gouvernement avait déjà pris soixante-deux ordonnances au titre de la crise sanitaire. À ma connaissance, toutes n’ont pas été ratifiées par le Parlement.

Depuis, six ont été prises en novembre, dix en décembre et huit en février, soit vingt-quatre ordonnances supplémentaires. D’après mes recherches, aucune de ces dernières ordonnances n’a été ratifiée. Si je comprends, dans certains cas, l’utilité de cette méthode pour des raisons de rapidité et d’efficacité, cela ne doit pas constituer un blanc-seing pour le Gouvernement et nous devons, ensuite, faire notre travail, disposer d’un droit de regard et les ratifier, comme la Constitution en dispose.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Je suis évidemment contre la suppression de cet article nécessaire, et je relève que, dans l’exposé sommaire de l’amendement, vous semblez juger que les mesures prévues sont opportunes et bienvenues. Il y aurait donc un paradoxe à supprimer l’article.

Sur la méthode des ordonnances, l’article 7 permet d’adapter plusieurs dispositifs en fonction de l’évolution de la situation sanitaire, sociale et économique. La nature exacte des mesures à prendre dépendra de cette évolution, qu’on ne peut pas connaître à ce stade – sauf si vous avez le don de prédire l’avenir.

Je sais que le mécanisme des ordonnances peut faire grincer des dents, mais si la Constitution le prévoit, c’est parce qu’il permet de réagir rapidement et avec souplesse. Or, c’est précisément ce dont nous avons besoin. Cela n’empêchera nullement le débat parlementaire – la preuve – ni des consultations élargies, et ce n’est pas un blanc-seing : nous suivrons les ordonnances et leur mise en œuvre.

Bref, la proposition du Gouvernement est non seulement bienvenue sur le fond, mais nécessaire sur la forme. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Ménard. Monsieur le rapporteur, je n’ai jamais dit qu’il s’agissait de mesures opportunes et bienvenues. Ces termes n’engagent que vous ! À l’inverse, nous sommes nombreux à nous en inquiéter.

La Constitution prévoit que le Parlement ratifie les ordonnances. Or, pour l’instant, toutes les ordonnances prises jusqu’au mois de juin 2020 n’ont pas été ratifiées. Je n’arrive pas à en connaître le chiffre exact. La commission des lois pourrait-elle nous renseigner ? En outre, aucune des vingt-quatre ordonnances prises depuis novembre dernier n’a été ratifiée. Je demande simplement que le Parlement puisse exercer ses prérogatives.

La Commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL115 de Mme Marie-France Lorho.

L’amendement CL108 de M. Sacha Houlié est retiré.

Amendement CL36 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Nous avons déjà débattu de la problématique des ordonnances lors des précédents textes. Bien sûr, la Constitution prévoit cette procédure, mais nous nous inquiétons d’une forme de dévoiement de la lettre et de l’esprit de la Constitution dans certains cas.

Beaucoup d’ordonnances n’ont pas encore été ratifiées, alors que c’est une obligation constitutionnelle. En outre, vous avez introduit la possibilité de modifier une ordonnance en cours de mise en œuvre, alors qu’elle n’a pas été ratifiée par le Parlement. Ce faisant, l’exécutif outrepasse quasiment ses pouvoirs constitutionnels. C’est donc l’objet de notre amendement.

Plus largement, un jour, il nous faudra probablement réformer ce dispositif car la systématisation de son utilisation pose problème.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Je l’ai déjà dit, le recours aux ordonnances sur les sujets visés par l’article 7 est nécessaire, puisque les aménagements dépendront de l’évolution de la situation sanitaire, sociale et économique, que nous ne pouvons pas connaître.

Nous nous rejoignons tous sur la prolongation de ces outils, mais leur adaptation me semble tout aussi nécessaire. Or votre amendement nous priverait d’une capacité d’action utile pour ajuster l’activité partielle au plus près des besoins.

Enfin, il ne s’agit pas d’un blanc-seing : nous débattons ici, et nous suivrons les ordonnances, avant de pouvoir aussi débattre lors de leur ratification. Mon avis sera donc défavorable.

M. Pascal Brindeau. Non, monsieur le rapporteur, il ne s’agit pas de se priver de la possibilité d’adapter les différentes mesures à la crise sanitaire, mais simplement de respecter la Constitution. S’il faut adapter une ordonnance, il suffit de passer par le Parlement. C’est normalement le travail de l’exécutif.

M. Philippe Gosselin. J’en profite pour redire notre insatisfaction du fonctionnement des habilitations et de la ratification des ordonnances. L’exemple de « l’adaptation » fourni par notre collègue Brindeau met en lumière le blanc-seing donné au Gouvernement.

Il ne s’agit pas de remettre en cause le principe de l’article 38 – il peut parfois être utile et, lors d’une crise sanitaire, intéressant de faire vite – mais le Parlement, qui se dessaisit un temps de ses prérogatives, doit pouvoir se prononcer, dans des délais acceptables et constitutionnels, ce qui est de moins en moins souvent le cas. Cet amendement de bon sens constitue un bon compromis.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL130 du rapporteur.

Amendement CL65 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Cécile Untermaier. N’oublions pas que les ordonnances dessaisissent le Parlement. Dans nos territoires, on nous reproche cette invisibilité et le fait que le Parlement n’a ni la maîtrise ni la connaissance des dispositions prises par le Gouvernement – c’est le cas pour l’état d’urgence.

Le recours aux ordonnances doit être strictement encadré. Or l’article 7 va très loin puisque les mesures prises par ordonnances peuvent concerner toutes les activités économiques et sociales.

Nous souhaiterions qu’il soit inscrit directement dans la loi que la trêve hivernale est reportée jusqu’au 31 mars 2022 car nous ne comprenons pas pourquoi le Gouvernement prendrait, seul, cette mesure et pourquoi le législateur ne pourrait pas agir, unanimement, pour la reporter, au regard précisément des circonstances exceptionnelles.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Sur le fond, à savoir l’adaptation de la période de trêve hivernale à la situation sanitaire, sociale et économique, le Gouvernement et la majorité partagent votre objectif : c’est précisément l’objet de l’habilitation, qui vise à prolonger la trêve au-delà du 31 mai 2021, ou à anticiper le début de la trêve 2021-2022 pour qu’elle démarre avant le 1er novembre.

Cela dépendra de la situation, d’où l’intérêt des ordonnances. Mais je rappelle que le droit actuel, et les ordonnances prises en application de l’article 7, constituent déjà un très grand progrès.

Votre proposition me semble satisfaite dans son principe. Doit-on aller aussi loin que vous le proposez et prévoir une période qui, au total, irait du 1er novembre 2020 au 31 mars 2022, soit dix-sept mois ? Je n’en suis pas certain.

Mme Cécile Untermaier. J’entends vos propos rassurants et vous en remercie. Mais mars 2022 ne me semble pas excessif puisque l’état d’urgence va jusqu’au 31 octobre. Or la période de trêve hivernale commence à cette date. Il s’agit donc simplement d’assurer la jonction.

Nous devons envoyer ce message rassurant aux précaires, aux étudiants, aux 10 millions de personnes pauvres et à tous ceux qui viennent dans nos permanences nous faire part de leurs difficultés à payer leur facture d’électricité ou de gaz. Il faut prendre en considération la situation particulière et la souffrance de ces populations.

M. Philippe Latombe. À titre personnel, je soutiens cet amendement. Nous devons envoyer un signal positif aux personnes en difficulté, qui ont vécu dans des conditions parfois très pénibles de promiscuité durant ces confinements. Ce très beau geste nous honorerait.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL131 et CL132 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL113 de Mme Marie-France Lorho.

La Commission adopte l’article 7 modifié.

Article 8 (art. L. 62 et L. 65 du code électoral) : Adaptation de l’organisation des élections départementales, régionales et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique de juin 2021

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CL118 de Mme Marie-France Lorho.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL133 et CL134 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements CL21 et CL22 de M. Matthieu Orphelin.

Amendement CL34 de M. Pascal Brindeau.

M. Pascal Brindeau. Les conditions de la campagne électorale sont particulières cette année et, même si la situation sanitaire va s’améliorer d’ici au premier tour, certains évènements, comme les réunions publiques, ne seront pas permises. Or ces rassemblements sont importants pour les candidats aux élections régionales comme pour ceux aux élections départementales.

Dans l’esprit de ce qui a été fait pour l’audiovisuel, nous souhaitons donc que les réseaux sociaux prennent toute leur place dans les campagnes électorales et que, par dérogation au code électoral, la promotion commerciale des sites internet, pages et comptes des candidats et des listes soit autorisée sur les réseaux sociaux jusqu’à une période assez proche du premier tour.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat en février. L’interdiction des campagnes publicitaires, notamment via les réseaux sociaux, vise à éviter les inégalités entre candidats en fonction de leurs moyens financiers. En outre, votre proposition supposerait un contrôle des campagnes numériques, travail d’ampleur.

L’article 8 prévoit d’intéressants aménagements, salués par les associations d’élus que j’ai auditionnées la semaine dernière. Nous sommes trop proches des scrutins pour apporter de nouvelles modifications.

M. Raphaël Schellenberger. Monsieur le rapporteur, vous estimez que l’amendement va introduire une distorsion de concurrence entre les candidats financièrement aisés et ceux qui le sont moins. Mais, alors, à quoi servent les comptes de campagne et le plafond de dépenses ? Ne visent-ils pas à préserver l’égalité entre candidats ? La façon dont ces derniers utilisent leurs moyens ne crée donc pas de distorsion.

Si je comprends l’objectif de M. Brindeau, je ne soutiens pas le moyen qu’il propose : il est difficile de contrôler cette dépense et de savoir combien coûtent les campagnes de promotion sur les réseaux sociaux, qui utilisent plusieurs canaux et technologies, parfois difficiles à quantifier. Nous devrons d’ailleurs y réfléchir pour l’avenir.

En outre, il est interdit de recourir à la promotion sur les réseaux sociaux six mois avant la date du scrutin. Or le prochain scrutin aura lieu dans moins de deux mois et vous proposez de réduire le délai de six mois à dix jours. Cela ne me semble pas le moment opportun d’effectuer une telle modification.

M. Pascal Brindeau. Je ferai la même réponse que M. Schellenberger au rapporteur : à partir du moment où ces dépenses sont autorisées, elles rentrent dans les dépenses de campagne, qui font l’objet d’un plafonnement et d’un remboursement par l’État dans les conditions que nous connaissons.

Monsieur Schellenberger, le juge électoral apprécie déjà et a commencé à établir une jurisprudence concernant ce qui relève des comptes des candidats et ce qui relève de leurs comptes personnels. En outre, la promotion sur les réseaux sociaux est parfaitement transparente et contrôlable. Il n’y a donc pas de difficultés techniques.

J’entends votre inquiétude concernant l’interdiction six mois avant les élections, mais je me suis inscrit dans le même type de dérogation que celle que nous avions établie pour la communication audiovisuelle. Je pensais que nous pourrions faire de même pour la promotion sur les réseaux sociaux.

M. Pacôme Rupin. Je comprends l’intention de M. Brindeau dans la situation actuelle. Il est difficile de faire campagne et il est donc légitime de se poser la question de l’ouverture de la publicité sur les réseaux sociaux ou les sites internet.

J’y suis cependant totalement défavorable, à court comme à long termes. On ne peut critiquer en permanence l’utilisation qui est faite de ces réseaux et y favoriser, en même temps, la communication des candidats. Nous ne savons pas quels algorithmes sont utilisés, d’autant que les entreprises qui les gèrent sont surtout américaines. En outre, ces réseaux ont tendance à enfermer les uns et les autres dans leurs convictions, et non à favoriser l’ouverture et le débat. Enfin, nous allons au-devant de difficultés, notamment si l’information est fausse…

Nos règles actuelles sont excellentes et ne concernent pas seulement la publicité sur internet, l’interdiction étant plus large et couvrant aussi la presse. Nous risquons de créer beaucoup plus de problèmes que de solutions en les modifiant. Il est préférable que les candidats fassent campagne au contact des citoyens.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. On a évoqué la différence entre les candidats aisés et ceux qui ont moins de moyens financiers. Ces derniers ont de plus en plus de difficultés à emprunter, voire à ouvrir un compte de campagne.

M. Philippe Latombe. Où en est le projet de création d’une banque de la démocratie ?

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. M. Gosselin et moi-même allons évaluer l’application de la loi pour la confiance dans la vie politique, qui a institué la fonction de médiateur du crédit et habilité le Gouvernement à créer par ordonnance une banque de la démocratie.

M. Rémy Rebeyrotte. M. Brindeau a de la suite dans les idées, puisqu’il avait déjà déposé un amendement similaire lors de l’examen du projet de loi portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique. Je rejoins M. Rupin : la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) est elle-même très défavorable à une telle disposition, dans la mesure où il est déjà difficile de distinguer, dans la presse écrite, ce qui relève de la promotion de l’institution régionale ou départementale et ce qui apparaît comme de la propagande en faveur d’élus candidats à leur réélection. Le président de la CNCCFP nous expliquait que, si la confusion entre la communication de l’institution et celle des candidats s’étendait aux réseaux sociaux, il serait nécessaire de doubler ou de tripler les effectifs de la Commission afin que cette dernière parvienne à faire respecter une forme d’égalité entre les candidats. Aussi, cet amendement ne me semble ni réaliste ni souhaitable.

M. Pascal Brindeau. Effectivement, j’avais déjà déposé cet amendement il y a quelques mois, mais mieux vaut se répéter que se contredire. Contrairement à M. Rebeyrotte, je fais confiance au juge électoral qui, jusqu’à présent, dans d’autres matières que celle de la communication sur les réseaux sociaux, a su différencier de manière assez satisfaisante ceux qui respectent les règles et ceux qui les outrepassent.

J’aurais aimé que M. le rapporteur soutienne l’amendement que j’avais déposé, lors de l’examen du projet de loi portant report des élections, sur la question de l’accès à l’emprunt. D’autres groupes que le mien ont fait des propositions à ce sujet, mais elles n’ont pas encore été entendues par le Gouvernement et la majorité.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL23 de M. Matthieu Orphelin.

Amendement CL156 du Gouvernement, amendement rédactionnel CL135 du rapporteur et amendement CL48 de Mme Danièle Obono (discussion commune).

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. L’amendement CL156 apporte quelques clarifications opportunes. La nouvelle rédaction de l’alinéa 5 conserve le principe de la couverture du débat électoral par l’audiovisuel public, tout en tenant compte des programmations déjà réalisées : il n’y aura donc pas d’effet d’éviction au détriment des opérateurs privés qui auraient déjà programmé des débats. En outre, les élections départementales sont incluses dans le dispositif.

L’amendement du Gouvernement apporte donc de la souplesse tout en garantissant une organisation optimale des débats, dans l’intérêt des candidats : c’est pourquoi j’y suis favorable. Mon amendement CL135 vise à apporter une précision qui n’a plus lieu d’être si l’amendement du Gouvernement est adopté. Quant à l’amendement CL48 de Mme Obono, il me semble trop contraignant et difficile à mettre en œuvre dans la pratique : je lui donne donc un avis défavorable.

Mme Danièle Obono. Le contexte sanitaire aura un impact très négatif sur la mobilisation des citoyens et leur participation à la campagne électorale à venir. Il faut pourtant que toutes les voix et toutes les idées puissent se faire entendre : pour ce faire, un seul débat ne sera pas suffisant. Nous proposons donc que soient organisés trois débats thématiques, dont les sujets seraient déterminés par les candidats. La diffusion simultanée de ces débats sur les chaînes de télévision et stations de radio du service public permettrait d’éclairer les positions de chacun. Compte tenu des restrictions actuellement applicables aux rassemblements et aux actions militantes, il est aujourd’hui très difficile d’organiser de tels échanges. Loin d’être excessif, notre amendement CL48, dont la rédaction est claire et précise, apparaît donc comme un minimum.

M. Raphaël Schellenberger. On peut se réjouir que l’amendement du Gouvernement inclue les débats en vue des élections départementales, qui étaient oubliés jusque-là. Pour autant, il introduit un certain flou. La rédaction actuelle de l’alinéa 5 précise clairement qu’un débat sera organisé dans chaque circonscription, c’est-à-dire dans chaque grande région métropolitaine, dans chaque région d’outre-mer, en Corse… Or l’amendement du Gouvernement comporte une entourloupe : il évoque un « débat électoral » dans le cadre des élections régionales et des élections départementales, mais pas forcément dans chaque collectivité. Les enjeux relatifs à chacun des deux scrutins pourraient même être débattus en même temps. Une telle disposition est susceptible de changer la nature de ces élections locales. Nous n’avons pas besoin d’un débat national, diffusé sur France 2, entre les grands partis politiques, mais de débats sur les enjeux locaux dans chaque grande région et chaque département – ces débats peuvent d’ailleurs différer d’un territoire à l’autre. Sous couvert d’introduire le débat relatif aux élections départementales, vous supprimez l’obligation d’organiser des débats, région par région, sur les problématiques et enjeux spécifiques aux territoires concernés. Je considère donc, pour ma part, que l’amendement du Gouvernement vise à défaire ce qui pouvait être intéressant dans ce projet de loi.

M. Pascal Brindeau. En réalité, l’amendement du Gouvernement n’a qu’un seul but : il supprime toute obligation faite au service public audiovisuel d’organiser des débats entre les candidats. Il dispose que le service public « assure une couverture » du débat électoral, tandis que la rédaction actuelle de l’alinéa 5 prévoit que ce même service public « organise » un débat dans chaque circonscription, ce qui est très différent. Je note au passage qu’il n’est plus question du service public radiophonique. Assurer la couverture du débat électoral consiste uniquement à informer les citoyens des événements de la campagne électorale, en respectant une égalité de traitement entre les candidats, ce que le service public audiovisuel fait déjà. Il n’est plus prévu d’organiser de débats spécifiques visant à pallier les effets de la crise sanitaire, qui empêche les candidats de faire campagne dans des conditions normales. En outre, s’il n’est plus précisé que la couverture du débat électoral devra être assurée dans chaque circonscription, il ne faudra pas s’étonner que la campagne électorale soit traitée différemment d’une région à l’autre, d’un département à l’autre, selon l’appréciation qu’en feront les rédactions.

M. Rémy Rebeyrotte. Le report des élections ne remet pas du tout en cause l’engagement pris par France Télévisions d’organiser sur ses antennes régionales des débats en vue des prochaines élections. Je peux en témoigner : en Bourgogne-Franche-Comté, France 3 vient de proposer aux candidats de participer, avant le premier tour, à quatre débats, à savoir un débat général et trois autres débats portant plus spécifiquement sur telle ou telle thématique régionale. Il y aura également d’autres débats entre le premier et le second tour, et c’est tant mieux. Il est indispensable que les télévisions régionales s’investissent encore davantage dans la campagne et donnent la parole aux différents candidats.

En revanche, nous avions oublié la dimension nationale que peuvent revêtir, compte tenu de leurs enjeux, les élections régionales. Il est important que des débats soient aussi organisés au niveau national – c’est d’ailleurs, je crois, une demande de l’ensemble des formations politiques. Cela viendra parfaire l’organisation d’ensemble.

Je tiens à remercier le service public audiovisuel de la manière dont il a réagi lors de l’annonce du report des élections régionales et départementales. Déjà l’année dernière, à l’occasion du report du second tour des élections municipales, France 3 s’était mis en quatre pour organiser des débats visant à éclairer les électeurs sur les principaux enjeux. Mine de rien, ces reports désorganisent la grille des programmes des chaînes de télévision, qui font preuve d’une grande souplesse et témoignent ainsi de leur sens du service public et de leur attachement aux valeurs de la démocratie.

M. Philippe Gosselin. Une fois encore, l’amendement CL156 présente un problème de formulation. Décidément, les amendements du Gouvernement qui nous sont présentés depuis hier soir afin de réécrire les dispositions relatives à l’équilibre du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, au couvre-feu et à l’audiovisuel sont bancals !

Que cet amendement concerne le seul service public audiovisuel et n’inclue pas le service public radiophonique est assez étonnant. Il existe, dans toutes nos régions, des stations déconcentrées de France Bleu qui assurent un bon maillage du territoire. Il aurait donc été intéressant d’inclure dans le dispositif France Bleu ainsi que certaines stations nationales soumises à des obligations de service public.

Ce qui intéresse nos concitoyens, ce n’est pas tant l’organisation des élections, le mode de scrutin ou l’impossibilité de panacher que les enjeux régionaux, locaux. Les électeurs attendent des débats publics entre les candidats du premier tour, puis entre ceux du second tour. Je ne ferai pas de procès d’intention. Vous avez souligné, monsieur Rebeyrotte, l’importance de parler des élections régionales au niveau national, et je veux bien entendre vos arguments. Je retiens que, pour vous, ces élections revêtent aussi un enjeu national : j’en prends acte, et je saurai vous rappeler vos propos le moment venu. Il n’empêche qu’il faut insister sur les enjeux locaux du scrutin, et que je doute que la rédaction de l’amendement gouvernemental le permette.

M. Paul Molac. L’amendement CL146, que je soutiendrai dans quelques instants, propose une procédure permettant la tenue de débats de qualité et d’une longueur suffisante. Dans certaines régions où les enjeux sont peut-être moins importants que dans la région périphérique qui est la mienne, on s’aperçoit que la campagne électorale passe tout bonnement à la trappe ! Si nous voulons faire baisser un tant soit peu l’abstention, la moindre des choses est de mettre en lumière les différents candidats et leurs propositions, de sorte que les citoyens puissent au moins les connaître et sachent comment les collectivités sont gérées. Demandez à la femme ou à l’homme de la rue quelles sont les compétences des régions et des départements : vous verrez, c’est assez surprenant.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. C’est justement la raison pour laquelle seront organisées des campagnes d’information sur les compétences de ces collectivités.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Je salue l’amendement du Gouvernement. Il apporte des précisions attendues qui permettront de concilier l’organisation des débats sur les chaînes publiques et sur les chaînes privées, lesquelles ont déjà commencé à prendre des engagements. En outre, il inclut dans le dispositif les élections départementales, qui n’étaient pas évoquées jusqu’à présent alors qu’elles méritent une attention particulière.

M. Gosselin regrettait tout à l’heure que les radios ne soient pas concernées. Elles le sont bien : l’amendement du Gouvernement s’applique tant aux chaînes de télévision qu’aux stations de radio.

La Commission adopte l’amendement CL156.

En conséquence, les amendements CL135 et CL48 tombent.

Amendement CL146 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Cet amendement a déjà été adopté, lors de l’examen d’un précédent texte, par le Sénat, avec lequel j’entretiens des rapports assez amicaux, comme vous avez déjà pu le remarquer. (Sourires.) Il propose des règles claires afin que les débats ne soient pas tronqués et que l’ensemble des candidats aient le temps de présenter leurs ambitions pour leur région.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. L’amendement pose plusieurs difficultés. La diffusion des clips des candidats se ferait au détriment des informations régionales et, surtout, des débats. En outre, les délais pour produire, diffuser et contrôler ces clips seraient très contraints. J’ajoute que l’article 8 prévoit des aménagements bienvenus s’agissant de l’organisation de la campagne, notamment la tenue de débats, dont il n’était pas question lors de l’examen du précédent texte en février. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Amendement CL136 du rapporteur.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Il s’agit d’étendre les aménagements prévus en matière de matériel électoral – isoloirs et tables – aux scrutins organisés en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Il semble normal que ces scrutins jouissent des mêmes souplesses. S’agissant des isoloirs, si la probabilité d’un double scrutin est faible, elle n’est pas nulle.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 8 modifié.

 

Après l’article 8

 

Amendement CL66 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Cécile Untermaier. Il s’agit de tirer les conséquences du report d’une semaine des élections départementales et régionales en reportant également d’une semaine la date limite de dépôt des comptes de campagne. J’espère que cette mesure, qui n’a rien de révolutionnaire, emportera l’adhésion de tous.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Il n’y a pas lieu de décaler d’une semaine le dépôt des comptes de campagne au motif que les scrutins de juin ont fait l’objet du même décalage. Dans la loi du 20 février 2021, à l’initiative de M. Rebeyrotte, nous avons déjà décalé très fortement la date limite de ce dépôt en la faisant passer du 27 août, qui aurait dû être l’échéance pour un scrutin organisé le 20 juin, au 17 septembre. Si la date du scrutin a été décalée d’une semaine, la date limite de dépôt des comptes de campagne a donc déjà été reportée de trois semaines. Je rappelle en outre que le décalage visait à éviter la période estivale, d’où le choix de la mi-septembre. Le Sénat avait proposé le 10 septembre, et c’est nous qui avons ajouté une semaine supplémentaire. Le droit existant semble donc tout à fait pertinent : il n’est nul besoin d’aller plus loin. Avis défavorable.

Mme Cécile Untermaier. Les candidats apprécieront ! Vous ne tenez pas compte des conditions difficiles dans lesquelles sont organisées ces élections ; ce geste de bon sens aurait pu éclairer quelque peu l’avenir des candidats qui s’y engagent.

La Commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL137 du rapporteur et CL117 de M. Guillaume Gouffier-Cha.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Ces amendements, d’apparence technique, auront en réalité un effet direct sur la campagne à venir. La loi du 20 février 2021 a avancé d’une semaine la date limite de dépôt des candidatures, mais elle n’a pas fait de même pour la date limite de délivrance, par le préfet, du récépissé définitif enregistrant la candidature. Il y a en principe quatre jours entre les deux dates ; il y en a maintenant onze. Or l’article 8 prévoit que l’affichage électoral sera possible dès la publication, par le préfet, des listes de candidats, ce qui suppose d’abord que les récépissés définitifs aient été délivrés. Nous proposons donc d’avancer d’une semaine la date limite de cette délivrance, qui serait fixée au cinquième vendredi précédant le scrutin. Cela permettra également d’avancer le début de l’affichage électoral : les candidats auront ainsi plus de visibilité. Conscients des contraintes du calendrier parlementaire, nous prévoyons que si la publication de la loi intervenait après le cinquième vendredi précédant le scrutin, c’est cette date de publication qui serait prise en compte.

Vous l’aurez compris, l’objectif de ces amendements est de rendre les délais cohérents avec les modifications votées en février, et surtout d’étendre la période d’affichage électoral en renforçant la portée du projet de loi sur ce point.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Ces amendements nous paraissent indispensables pour améliorer les conditions de la campagne et, notamment, l’organisation de la campagne officielle. La période d’affichage électoral doit être la plus étendue possible. Ces aménagements accroîtront la pression qui s’exerce sur les préfectures, mais ils sont bel et bien nécessaires.

La Commission adopte les amendements.

Amendement CL157 du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Cet amendement permet de rembourser les dépenses de propagande électorale engagées en vue des élections législatives partielles prévues en avril et qui ont dû être reportées en raison du contexte. Il s’agit d’une mesure de bon sens, opportune, qui évite de pénaliser les candidats et leur formation lorsqu’un scrutin est reporté. Avis favorable.

M. Raphaël Schellenberger. Heureusement que nous avions borné, dans les précédents textes, la date limite d’organisation des scrutins législatifs partiels. Sinon, nous ne discuterions vraisemblablement pas d’une telle mesure ; nous serions en train de nous dire que deux ou trois circonscriptions étaient sans député depuis plus d’un an, mais que ce n’était pas très grave et que nous pouvions sans doute attendre une année supplémentaire et le renouvellement général de l’Assemblée nationale. Je pense, au hasard, à la sixième circonscription du Pas-de-Calais, où une ministre s’est portée candidate et où la date du scrutin a déjà été modifiée quatre ou cinq fois. Il est tout à fait logique que, dans ces circonscriptions, les frais déjà engagés par les candidats soient pris en compte, d’autant que le report du scrutin a souvent été décidé peu avant la date prévue, et que les moyens de communication mobilisés lors d’une élection partielle sont parfois plus importants que lors d’un renouvellement général. L’amendement est donc bienvenu, mais nous avons bien senti que la majorité avait voulu jouer le plus longtemps possible avec les règles que nous avions définies. Les élections législatives partielles doivent se tenir !

M. Philippe Gosselin. Pour faire un brin d’humour, je voulais demander si ces règles allaient s’appliquer à l’élection partielle qui suivra le départ de Brune Poirson. Manifestement non, puisqu’il n’y en aura pas !

La Commission adopte l’amendement.

Amendement CL158 du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Cet amendement prévoit l’annulation des opérations de recensement en 2021. Le recensement annuel dans les communes d’au moins 10 000 habitants n’aurait pas lieu cette année. Dans les communes plus petites, le cycle quinquennal de recensement serait décalé d’un an. Par conséquent, la dotation forfaitaire que l’État verse au bloc communal serait annulée.

Je suis favorable à cet amendement, qui sécurise l’absence de recensement en 2021, les opérations n’ayant pu avoir lieu en raison du contexte sanitaire. Il est normal d’annuler la dotation correspondante, dans la mesure où elle vise à compenser des dépenses qui n’ont pas été engagées.

La Commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CL147 de Mme Paula Forteza.

Titre

Amendement CL86 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Il convient que le titre du projet de loi reflète plus honnêtement son contenu. On distingue mal, dans ce texte, la perspective d’une sortie de crise ; en revanche, on y voit assez distinctement la prorogation des mesures exceptionnelles qui caractérisent l’état d’urgence sanitaire et qui ont fait l’objet des débats de notre commission. Le titre du projet de loi, qui fait référence à la sortie de crise, est plus qu’optimiste, tant les mesures et les délais prévus par ce texte nous renvoient à un horizon qui semble bien lointain aux yeux des Français.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 

La réunion se termine à 12 heures 05.

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Membres présents ou excusés

 

En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.