Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

  Examen, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle, modifiée par le Sénat, complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement (n° 4149) (M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur)              2


Mardi
15 juin 2021

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 101

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente
 


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La réunion débute à 17 heures 30.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission examine, en deuxième lecture, le projet de loi constitutionnelle, modifié par le Sénat, complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement (n° 4149) (M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner, en deuxième lecture, le projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement. Ce texte, adopté par l’Assemblée nationale le 16 mars dernier, l’a été par le Sénat le 10 mai, dans une version modifiée. En application de la règle de l’entonnoir, j’ai été amenée à déclarer irrecevables un certain nombre d’amendements.

M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Nous examinons aujourd’hui, en deuxième lecture, le projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement, tel qu’il a été adopté par le Sénat le 10 mai dernier.

Quelques mois auparavant, en première lecture, l’Assemblée nationale a fait le choix de l’ambition écologique en érigeant la préservation de l’environnement et, en son sein, la protection de la diversité biologique et la lutte contre le dérèglement climatique, au rang de principes constitutionnels pleins et entiers. Nous avons fait le choix de l’ambition écologique, car en inscrivant que la France « garantit » la préservation de l’environnement, nous avons introduit un principe d’action positive pour les pouvoirs publics. Nous avons fait ce choix pour que la France soit le premier pays européen et l’un des premiers pays au monde à inscrire le dérèglement climatique dans sa loi fondamentale. Nous avons fait ce choix pour permettre à notre pays de poursuivre son action nationale et internationale en faveur du climat avec plus de force encore.

La majorité sénatoriale a, quant à elle, fait un choix diamétralement opposé, préférant vider le texte de sa substance. En effet, le Sénat a proposé une nouvelle rédaction de l’article unique qui dispose que la France « préserve l’environnement ainsi que la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004 ».

Permettez-moi tout d’abord de m’interroger sur l’intention du Sénat. Le rapporteur de sa commission des Lois a en effet reconnu que cette nouvelle disposition n’avait pas pour objet de produire d’effets juridiques nouveaux. Cette réflexion est pour le moins étonnante. Quel intérêt y aurait-il à convoquer le peuple français pour qu’il se prononce sur une disposition dont la portée serait seulement symbolique ?

Limiter la portée de la révision constitutionnelle à une confirmation du droit existant paraît d’autant plus dénué de sens que Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure du projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l’environnement à l’Assemblée nationale, semblait déjà appeler de ses vœux une nouvelle ambition en indiquant, en 2004, que « la Charte, loin d’apporter une solution définitive, intégrale et préfabriquée, inaugure un vaste mouvement politique et lance un défi juridique ».

Le Sénat ne fait qu’affaiblir la portée de l’article unique du projet de loi constitutionnelle, sans pour autant lui apporter la sécurité juridique recherchée. La rédaction qu’il propose tend en effet à inscrire les politiques publiques de préservation de l’environnement et de lutte contre le dérèglement climatique dans les conditions d’ores et déjà définies par la Charte de l’environnement. Or cette référence serait une source d’ambiguïté car, comme l’a souligné le rapporteur au Sénat, le juge cherche toujours l’effet utile d’une révision constitutionnelle. L’incertitude juridique prétendument combattue serait ainsi patente. J’ajoute que la mention de la Charte de l’environnement voulue par les sénateurs n’a clairement pas sa place à l’article 1er de notre Constitution, dont l’objet n’est pas de lister les textes du bloc de constitutionnalité mais d’affirmer un certain nombre de principes directeurs de notre République. La proposition du Sénat revient à inscrire dans la Constitution que celle-ci doit s’appliquer, ce qui est un peu étonnant. En d’autres termes, la majorité sénatoriale a réduit le projet de révision constitutionnelle à une réforme purement cosmétique, pour ne pas dire symbolique, et nous ne l’acceptons pas.

Renoncer au verbe « garantir », comme le propose le Sénat, c’est faire perdre à la réforme constitutionnelle toute sa force. À cet égard, je vous rappelle que l’emploi de ce verbe n’a pas pour objet d’accorder quelque forme de priorité que ce soit au principe constitutionnel que nous introduisons, pas plus que son inscription à l’article 1er n’implique qu’il ait une prééminence d’ordre juridique sur les autres normes constitutionnelles. En revanche, cela revient à accorder à l’écologie sa juste place dans notre droit, une place équivalente à celle des autres principes constitutionnels.

Le choix du verbe « garantir », dont nous avons beaucoup débattu en première lecture, a une triple justification. Il instaure d’abord un principe d’action des pouvoirs publics en faveur de l’environnement dans l’ensemble des politiques publiques. Il crée ensuite une obligation de moyens renforcée, de nature à étendre la responsabilité des acteurs publics en matière environnementale et à accélérer l’engagement de la responsabilité pour faute des acteurs publics, notamment en cas d’inaction, pour autant toutefois que soit démontré un lien de causalité entre cette inaction fautive et le dommage allégué. Il érige, enfin, la préservation de l’environnement en principe constitutionnel, ce qui a deux conséquences : ce principe pourra être invoqué contre une disposition législative dont la finalité ne serait pas d’assurer la préservation de l’environnement ; il pourra constituer le support d’actions en carence contre le législateur ou le Gouvernement pour ne pas avoir prévu de mesures de restriction ou d’interdiction de nature à assurer une protection suffisante de l’environnement.

Après avoir, conformément à l’engagement pris par le Président de la République, défendu en première lecture le texte voulu par la Convention citoyenne pour le climat au mot et à la virgule près, je souhaite réaffirmer l’ambition de cette révision constitutionnelle, tout en marquant notre volonté d’avancer, avec le Sénat, vers le référendum. J’ai donc déposé un amendement – et les autres groupes de la majorité en ont déposé des identiques – qui tend à rétablir l’article unique dans la version issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, tout en tenant compte du souhait du Sénat de substituer au verbe « lutter » le verbe « agir ». C’était une recommandation formulée par le Conseil d’État dans son avis du 14 janvier 2021.

Cette nouvelle rédaction ne dénature en rien notre ambition initiale, puisque le verbe « garantir » y figure toujours, mais elle permet d’intégrer un apport du Sénat en tenant compte de l’avis du Conseil d’État. Notre ambition est la même : nous souhaitons aller jusqu’au référendum et faire de la France le premier pays européen à inscrire la lutte pour le climat dans sa Constitution. Pour y parvenir, nous devons nous entendre avec le Sénat sur un texte identique ; c’est pour cela que, fidèles à notre volonté de rassembler, nous vous proposons cette nouvelle formulation, qui doit nous permettre de trouver la voie d’un accord. Nous avons la volonté d’aller de l’avant, de ne pas esquiver l’urgence climatique et de rehausser notre exigence constitutionnelle. Je forme le vœu que nous puissions nous rassembler largement autour de cet objectif.

Mme Émilie Guerel. Le projet de loi constitutionnelle que nous examinons en deuxième lecture prévoit d’inscrire à l’article 1er de la Constitution que la République garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique.

L’acuité de la préoccupation environnementale est bien réelle, puisqu’il s’agit du troisième projet de réforme constitutionnelle en la matière en moins de trois ans. Depuis l’adoption de la Charte de l’environnement en 2004, la multiplication et l’intensification des phénomènes climatiques, l’accélération de la désertification et de la montée du niveau des mers et des océans, le développement des catastrophes naturelles et la disparition d’un nombre croissant d’espèces végétales et animales changent la donne et appellent une réponse forte, qui repose notamment sur l’inscription dans la loi fondamentale, après un processus démocratique inédit, de la préservation de l’environnement, de la protection de la diversité biologique et de la lutte contre le dérèglement climatique.

Si cette réforme prolonge les révisions constitutionnelles de 2004 et de 2008 relatives à l’environnement, elle suit une procédure novatrice et unique. En effet, le grand débat national avait mis en évidence une double demande des Français pour davantage de démocratie participative et délibérative, et pour une transition écologique plus juste. Afin de répondre à ces attentes, le Président de la République a choisi de créer une Convention citoyenne pour le climat, premier exercice de cet ordre au monde par le nombre de participants et par l’ampleur du champ traité. Dans cet exercice de démocratie délibérative, 150 citoyennes et citoyens tirés au sort, venus de tous les territoires et de tous les milieux, représentatifs de la diversité et de la richesse de la France, ont travaillé durant neuf mois et rencontré des dizaines d’experts, afin de proposer des mesures concrètes pour relever le défi climatique en matière de transition écologique et pour accélérer la lutte contre le changement climatique.

En première lecture, nous avions consacré la préservation de l’environnement et, en son sein, la protection de la diversité biologique et la lutte contre le dérèglement climatique, comme un principe constitutionnel plein et entier. Nous entendions aller plus loin que les textes et la jurisprudence actuels en faisant de la préservation de l’environnement, non plus seulement un objectif à valeur constitutionnelle, mais bel et bien un principe à valeur constitutionnelle. Un objectif à valeur constitutionnelle n’introduit qu’une obligation de moyens et nécessite, pour être atteint, une intervention du législateur, tandis que la règle constitutionnelle a un caractère impératif. Cette avancée permettra de mieux concilier la protection de l’environnement avec d’autres principes constitutionnels. Il est nécessaire que l’enjeu environnemental figure au premier rang de notre texte fondamental, au cœur des autres principes constitutionnellement garantis, placés au sommet dans l’ordre juridique français.

Afin que la préoccupation environnementale innerve chacune de nos politiques publiques, nous souhaitons conserver le verbe « garantir », qui fait la force juridique de ce texte. Tout d’abord, il introduit un principe d’action positive pour les pouvoirs publics, locaux et nationaux, en instituant un droit constitutionnel à l’environnement. Ensuite, il introduit une quasi-obligation de résultat en matière de préservation de l’environnement – laquelle s’inscrit dans la dynamique jurisprudentielle contemporaine –, ainsi qu’une quasi-obligation de moyens contre le dérèglement climatique. En créant cette garantie à la charge des pouvoirs publics, nous complétons utilement l’article 2 de la Charte de l’environnement, qui dispose que « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ».

Vous l’aurez compris, le maintien du verbe « garantir » dans cet article est essentiel si nous voulons disposer d’un texte ambitieux, à la hauteur des défis écologiques et démocratiques du XXIe siècle. En votant ce texte, nous ferons de la France le premier État européen, et l’un des premiers pays au monde, à inscrire la lutte contre le dérèglement climatique dans sa loi fondamentale. Nous affirmerons sa volonté de poursuivre son action contre le changement climatique, notamment au niveau international. C’est une avancée fondamentale et déterminante.

Nous avons la possibilité, et la responsabilité, d’accélérer la lutte contre le dérèglement climatique, de protéger la diversité, de matérialiser l’engagement de la France en faveur de l’environnement, mais également de faire vivre la démocratie. C’est une attente forte de nos concitoyens. Le groupe La République en marche souhaite réaffirmer l’ambition de cette révision constitutionnelle, tout en avançant avec le Sénat vers le référendum. Cette procédure a un caractère inédit, puisque le texte qui sera soumis au peuple, sous réserve d’un accord entre les deux chambres, s’inspirera fortement de la proposition initiale faite par la Convention citoyenne pour le climat.

Chers collègues, nous proposons de rétablir l’article unique dans sa version issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, en tenant compte de la volonté du Sénat de substituer au verbe « lutter » le verbe « agir », comme l’a recommandé le Conseil d’État. En cela, nous dépassons les clivages et souhaitons marquer notre volonté de travailler de concert avec toutes les parties prenantes pour permettre aux Français de s’exprimer sur cette question et d’inscrire ainsi la lutte contre le dérèglement climatique dans notre loi fondamentale.

M. Julien Aubert. Initialement, ce projet de loi constitutionnelle visait à modifier le premier alinéa de l’article 1er de la Constitution pour y ajouter l’idée que la France « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ». Nous voici de nouveau réunis, après que la chambre haute et la droite sénatoriale ont fait un travail de clarification nécessaire, que nous préconisions déjà ici face à une majorité entêtée. Le référendum, c’est comme le tango : il faut être deux pour le pratiquer !

Comme je vous le rappelais en première lecture, du premier ministère de l’environnement de Georges Pompidou à la Charte de l’environnement de Jacques Chirac, puis au Grenelle de l’environnement de Nicolas Sarkozy – qui fut précédé de plusieurs lois sur le sujet –, Les Républicains et la droite n’ont pas à rougir de leurs efforts pour verdir la France. Voilà pourquoi, au lieu de nous caricaturer en faisant de nous des adversaires de la lutte climatique ou du référendum, vous feriez mieux de vous inspirer de notre méthodologie si vous voulez, comme nous l’avons fait lorsque notre famille politique était au gouvernement, faire franchir à la France une nouvelle étape dans sa démarche écologique. Mieux vaut toucher à la Constitution d’une main tremblante qu’au terme d’un bras de fer politique ; mieux vaut une main tendue que des fiers-à-bras !

Nous avons déjà souligné les nombreuses faiblesses de ce texte et rappelé notre attachement au travail de fond du Parlement. Et pour cause ! Le Gouvernement s’est plutôt attardé à la récitation poétique de quelques vers pour acheter la paix sociale, au prix d’une insécurité juridique, en tentant d’enjamber les deux chambres et le Conseil d’État. Le résultat est décevant. Je ne reviendrai pas sur les attentes déçues des membres de la Convention citoyenne pour le climat et des militants écologistes. Je ne parlerai pas non plus de l’opposition, qui tourne elle aussi le dos au Gouvernement sur un texte qui suscitait beaucoup d’attentes et qui n’apporte pas grand-chose.

Le Sénat, comme prévu – même si le ministre de la Justice nous disait à l’époque qu’on ne pouvait pas présager de ce qu’il ferait –, a appuyé nos amendements et propose un texte beaucoup plus équilibré et de bon sens, qui ne se borne pas à plaire à quelques citoyens tirés au sort. Je ne reviens pas sur les discussions autour des mots « garantir » et « préserver », « lutter » et « agir ». Alors que la chambre haute a gommé les incertitudes de ce texte, la majorité, à l’Assemblée nationale, se met désormais en marche arrière. En effet, elle persiste et signe en réécrivant que la France « garantit » la préservation de la biodiversité et de l’environnement, alors que le Conseil d’État avait retoqué cette disposition, tant ses effets juridiques sont imprévisibles. Pour être vraiment ambitieux, il faudrait garantir la baisse des émissions de CO2 : je ne comprends pas pourquoi vous ne le faites pas.

Nous vous avons expliqué que le verbe « garantir » allait ouvrir la voie à une vague massive de contentieux, portés par des groupes de pression qui pourront jouer sur l’ambiguïté. Je ne reviens pas sur la quasi obligation de résultat qu’il introduit. Comme l’a indiqué le Conseil d’État, il aurait été plus protecteur d’utiliser le verbe « préserver » : c’est un avis dont le Sénat a tenu compte dans cette nouvelle mouture.

Au-delà de la grande instabilité juridique qu’elle a introduite, la première version du texte est un mirage écologique et ne renforce en rien la protection de l’environnement. La rétablir n’aurait finalement qu’une portée symbolique, comme je l’affirmais dès la première lecture. Vous avez désormais le choix entre deux options : agir avec l’opposition ou lutter contre le Sénat ; garantir un référendum sur un texte consensuel ou rester dans l’inaction.

Depuis le début de l’examen de ce texte, le Gouvernement a perdu le contrôle de son élaboration, obstiné qu’il était à conquérir l’électorat jeune et vert pour préparer les élections présidentielles de 2022. Il est désormais pris en étau entre la représentation des citoyens et la Convention citoyenne. Quoi qu’il en soit, le groupe Les Républicains approuve la nouvelle mouture du texte. Nous considérons que la demi-proposition qui nous est faite ne change rien, parce que la substitution du verbe « agir » au verbe « lutter » a une portée juridique assez symbolique. Nous vous invitons à un vrai dialogue pour cette nouvelle lecture.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Adossée à la Constitution du 4 octobre 1958 depuis la révision constitutionnelle du 1er mars 2005, la Charte de l’environnement consacre le droit de chacun de vivre dans un environnement sain et respectueux de la santé, ainsi que plusieurs devoirs et principes visant à rendre effectif l’exercice de ce droit. Aucun autre pays n’avait jusqu’alors élevé au rang constitutionnel un ensemble aussi complet et cohérent de principes relatifs à la protection de l’environnement. Mais force est de constater que, depuis 2005, la dégradation de notre environnement s’est malheureusement poursuivie, mettant toujours un peu plus en péril notre planète et la survie de notre espèce. Les changements et dérèglements climatiques s’accélèrent, les sécheresses, les tempêtes et les inondations se répètent, et la biodiversité baisse drastiquement.

Notre planète vit la sixième extinction de masse de son histoire mais, cette fois, en raison de l’activité humaine. Nous en sommes tous responsables, collectivement et individuellement. Un rapport de l’ONU paru à l’occasion de la Journée mondiale de l’océan, la semaine dernière, a de nouveau fait le constat accablant que nos mers et nos océans se meurent. L’urgence climatique et environnementale n’est plus à démontrer. Avec mes collègues démocrates, nous en avons parfaitement conscience et sommes totalement engagés dans cette lutte, dont dépendra l’avenir de l’humanité. Nous n’avons pas de planète de rechange. Elle nous survivra, à n’en pas douter, mais j’ai l’espoir que nos enfants et nos petits-enfants, que leurs enfants, que l’espèce humaine pourra continuer à vivre et profiter de ses merveilles. Mais comment faire ? Comment faire pour faire adhérer nos concitoyens au changement nécessaire ? La mobilisation doit être individuelle, nationale, mondiale. Or le droit est l’un des instruments qui peut accompagner ces évolutions nécessaires et créer une dynamique commune. Nous devons montrer le chemin en posant des principes forts dans notre loi fondamentale.

Les Français ont beaucoup d’attentes légitimes sur ce sujet et la Convention citoyenne pour le climat a été une occasion inédite de recueillir leur parole et leur travail. Lors du Grand débat national, ils ont mis en avant l’attente d’une démocratie plus participative et d’une transition écologique juste. C’est pour y répondre que le Président de la République a voulu la réunion de cette Convention citoyenne pour le climat. Ses membres ont proposé d’inscrire le principe de la préservation de l’environnement à l’article 1er de la Constitution. C’est l’une de leurs 149 propositions et elle fait partie d’un ensemble plus large de mesures visant à atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Le Président de la République s’est engagé à mettre en œuvre cette proposition, qui place l’environnement au cœur des autres principes constitutionnellement garantis. C’est le sens du texte qui nous réunit aujourd’hui, et qui viendra compléter la Charte de l’environnement.

Le principe général de préservation de l’environnement est ainsi clairement posé dès l’article 1er de notre Constitution. Conformément à l’engagement du chef de l’État, le texte sera soumis à un référendum, au titre de l’article 89 de notre Constitution, s’il est adopté dans des termes identiques par les deux chambres. Il s’agit là d’un exercice assez unique, qui nous invite à aller vers une meilleure articulation entre démocratie participative et démocratie représentative : parce qu’elles ont le même objectif, il ne faut pas les opposer, mais au contraire améliorer leur synergie. La compétence législative du Parlement, qui est l’une de ses trois missions constitutionnelles avec le contrôle de l’action du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques, ne doit pas être amoindrie ou effacée, mais s’inscrire dans une partition démocratique, où nos concitoyens occupent une place qui leur permettent de prendre part à nos travaux d’une façon plus active, transparente et concrète.

Avec mes collègues démocrates, nous proposons, comme le rapporteur et le groupe La République en Marche, de rétablir l’article unique dans la version adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, mais en conservant une modification introduite par la chambre haute, à savoir la substitution du verbe « agir » au verbe « lutter ». Je m’en félicite, puisque j’avais moi-même déposé un amendement en ce sens au nom de mon groupe en première lecture. Cette rédaction me semble plus propre à atteindre l’objectif visé par la Convention citoyenne et le Gouvernement, et elle est conforme à l’une des recommandations émises par le Conseil d’État dans son avis du 14 janvier 2021. C’est un symbole, monsieur Aubert, mais les symboles ont leur importance !

M. Gérard Leseul. Nous voici de nouveau réunis pour examiner ce fameux projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement. Plus la vie parlementaire de ce texte constitutionnel dure, plus les considérations et les calculs politiques se font pesants. Que veut faire le Gouvernement avec ce projet de référendum constitutionnel ? S’agit-il de s’acheter une conscience écologique à quelques mois d’une élection présidentielle de tous les risques, alors que le manque d’ambition environnementale se fait sentir ? Il suffit de songer à la désillusion qui a suivi les premières lectures du projet de loi « climat ». Est-ce un jeu de poker avec le Sénat ? Vous faites un pas vers lui, tout en sachant pertinemment que la chambre haute et sa majorité de droite ont un goût modéré pour les objectifs environnementaux ambitieux.

Ce jeu de dupe pourrait faire sourire si nous n’étions pas face à une urgence climatique qui mérite un minimum de sérieux, de conviction et de constance. Or le pas que le Gouvernement fait en direction du Sénat, et que vous proposez, monsieur le rapporteur, prépare en réalité un nouveau renoncement, au détriment du climat. C’est la preuve du peu de considération que le Gouvernement porte à la Convention citoyenne pour le climat, qui avait pourtant été érigée en solution démocratique face à la crise des « gilets jaunes » et aux défis environnementaux que nous devons relever collectivement, en luttant contre le dérèglement climatique.

J’insiste sur le mot « lutte » car, avec l’amendement du rapporteur, la majorité semble prête à revoir à la baisse l’ambition du texte initial, en substituant au verbe « lutter » le verbe « agir ». Agir contre le dérèglement climatique est en effet bien moins engageant que de lutter contre celui-ci. Il suffira à l’État de prendre quelques mesures législatives ou réglementaires pour satisfaire à cet objectif, alors que le terme « lutter » induit une action de long terme qui peut être assimilée au respect d’objectifs ambitieux. Je pense par exemple aux accords de Paris ou à l’objectif de neutralité carbone fixé par notre pays à l’horizon 2050.

Avec le groupe Socialistes et apparentés, nous préférons la cohérence et le sérieux lorsqu’il s’agit d’envisager la protection de notre environnement et la lutte contre le réchauffement climatique. C’est la raison pour laquelle nous continuerons de défendre avec force et conviction l’idée d’une amélioration constante de l’environnement. C’est le seul principe pouvant permettre aux générations futures d’évoluer dans un monde vivable, apaisé et respirable.

S’il vous plaît, sortons des jeux politiques sur la question du climat. Ce qui est en train de se passer avec ce texte, c’est soit un mirage, une entourloupe, soit un aveu d’impuissance de la part de l’exécutif, qui cherchera à rejeter la responsabilité d’un échec sur le Sénat. De la même manière, prendre le Parlement au dépourvu sur cette question laisse songeur. Il reste à peine une année de législature. Si vous souhaitiez réellement inscrire de nouveaux principes engageants dans la Constitution pour mieux protéger notre environnement, il eût fallu l’anticiper et vous y prendre différemment. Nous aurions d’ailleurs pu commencer à discuter avec le Sénat plus tôt.

Monsieur le rapporteur, il est temps de faire preuve de clarté, de nous dire si le Gouvernement souhaite réellement aller au bout de cette réforme et de nous en donner le calendrier. Dire que ce texte fait sa vie parlementaire n’est pas à la hauteur des enjeux environnementaux, ni de l’engagement pris devant la Convention citoyenne par le Gouvernement et le Président de la République. Pour notre part, nous resterons cohérents et souhaitons maintenir la rédaction votée par l’Assemblée nationale en première lecture.

M. Dimitri Houbron. Je ne m’attarderai pas sur la genèse de ce projet de loi constitutionnelle, ni sur son bien-fondé : il est évidemment légitime de graver le principe de la préservation de l’environnement dans le marbre de notre Constitution. Cela a déjà été rappelé par les orateurs qui se sont exprimés avant moi, comme par mon collègue Christophe Euzet lors de l’examen du texte en première lecture.

Je n’ai pas la prétention de m’exprimer au nom des membres de la Convention citoyenne pour le climat mais je me suis efforcé de comprendre leurs motivations et les raisons pour lesquelles ils ont formulé cette proposition. Depuis l’adoption du projet de loi constitutionnelle de 2005 par le Congrès, la Charte de l’environnement de 2004 a intégré le préambule de notre Constitution. Par conséquent, elle fait partie du bloc de constitutionnalité, cet ensemble de textes et de principes relatifs aux droits et libertés fondamentaux ayant valeur constitutionnelle. Ce n’est pas être méprisant que de dire que le projet de loi constitutionnelle que nous examinons n’est pas de nature à bouleverser fondamentalement la place de la préservation de l’environnement dans notre hiérarchie des normes. D’ailleurs, dans son avis du 14 janvier, le Conseil d’État a indiqué que « si l’inscription de la préoccupation environnementale à l’article 1er de la Constitution revêt une portée symbolique qui ne peut être ignorée, elle ne lui confère, par elle-même, aucune prééminence d’ordre juridique sur les autres normes constitutionnelles ». 

Pourtant, force est de constater que, depuis 2008, un nombre très restreint de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) a été déposé sur le fondement de la Charte de l’environnement. Parions sur le fait que la modification de l’article 1er du texte constitutionnel sera plus intelligible que l’élargissement du spectre des textes appartenant au bloc de constitutionnalité et que citoyens et parlementaires s’en saisiront.

Encore une fois, sans me faire le porte-parole de la Convention citoyenne, j’observe qu’elle a proposé de modifier notre Constitution afin de mieux garantir, au sein même du texte fondamental de la République, la lutte contre le dérèglement climatique et pour le respect de l’environnement, qui sont devenus des enjeux vitaux pour le système vivant. Ce texte a une double ambition : une ambition emblématique, d’abord, en faisant de la lutte contre le dérèglement climatique un objectif de la République ; il témoigne ensuite d’une volonté affirmée de mobiliser la Nation en ce sens, par un engagement renforcé dans des actions effectives contre le dérèglement climatique, notamment avec la création d’outils concrets pour toutes les instances et administrations publiques.

L’article unique de ce projet de loi a été largement modifié par le Sénat, alors que la volonté de la majorité présidentielle était de soumettre à référendum un article en tout point identique à celui proposé par la Convention citoyenne pour le climat. Le groupe Agir ensemble, dès la première lecture du texte, avait néanmoins préconisé de substituer au terme « lutter » le verbe « agir », qui implique une action positive de la part de l’État. Nous défendrons un amendement en ce sens et constatons avec satisfaction que les autres groupes de la majorité, ainsi que le rapporteur, ont déposé des amendements identiques. Le verbe « agir » donne une forme de priorité à la préservation de l’environnement sur les autres principes constitutionnels et introduit une obligation de résultat, ce qui facilite l’engagement de la responsabilité des personnes publiques en cas d’atteinte à l’environnement.

Ce projet de loi va dans le bon sens mais il ne faut toucher au texte constitutionnel que d’une main tremblante, en prenant évidemment en considération la volonté de la Convention citoyenne pour le climat, mais également l’avis des parlementaires, qui représentent l’ensemble de nos concitoyens.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Nous sommes à nouveau réunis pour examiner un projet de loi de révision constitutionnelle issu de la Convention citoyenne pour le climat, laquelle fut avant tout une réponse politique à un mouvement social hybride, dans la foulée du Grand débat national.

Le groupe UDI et Indépendants n’a pas d’opposition de principe à l’ajout d’une mention environnementale à l’article 1er de la Constitution. Le changement climatique est en effet le défi de notre temps face à l’épuisement des énergies non renouvelables, des ressources naturelles, et à l’augmentation de la population mondiale. Nous devons répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux en continuant de limiter l’influence de nos modes de vie sur le climat et l’environnement.

Le Gouvernement n’est toutefois pas très clair sur les conséquences concrètes de cette modification de la Constitution. Pour nombre d’acteurs de la société civile, notamment, des juristes et des universitaires, celle-ci ne changera rien. Selon le rapporteur, ce projet de loi fera œuvre normative mais nous restons sceptiques : nous craignons que l’inscription de cette phrase à l’article 1er de la Constitution n’apporte rien, la Charte de l’environnement ayant déjà valeur constitutionnelle. Le Conseil d’État relève en effet que si « l’inscription de la préoccupation environnementale à l’article 1er de la Constitution revêt une portée symbolique qui ne peut être ignorée, elle ne lui confère, par elle-même, aucune prééminence d’ordre juridique sur les autres normes constitutionnelles. »

De plus, dans sa décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a renforcé la préservation de l’environnement – jusqu’alors un simple motif d’intérêt général – en en faisant un objectif à valeur constitutionnelle, ce qui lui confère un plus grand poids eu égard aux droits et aux libertés publiques.

Par ailleurs, le Conseil d’État avait appelé l’attention du Gouvernement sur les conséquences que pouvait entraîner l’emploi du verbe « garantir » et avait demandé des précisions que nous attendons toujours, les débats de l’Assemblée ne nous ayant malheureusement pas éclairés. En effet, cette révision constitutionnelle, effectuée sans étude d’impact détaillée, emporterait des conséquences sur tout l’arsenal législatif à travers les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Est-il souhaitable que les lois des années 1950, 1960 et 1970 puissent être ainsi revisitées ? C’est pourquoi le Sénat a intégralement réécrit cet article unique dans un sens plus respectueux de notre bloc de constitutionnalité et des autres grands objectifs de notre Constitution.

Malgré votre tentative de conciliation – quelque peu forcée puisqu’elle s’impose – nous considérons qu’un accord ne pourra pas être trouvé entre les deux chambres. Efforçons-nous donc d’appliquer le droit existant et d’améliorer les contrôles ! Des mesures concrètes, des investissements massifs, en lien avec les collectivités, auront bien plus de portée contre le changement climatique qu’une modification de la Constitution, d’autant plus que l’avenir de cette révision nous paraît très incertain ! Le Président de la République s’est engagé sur l’organisation d’un référendum, que la proximité des élections présidentielles rend improbable. Nous avons un peu l’impression de perdre notre temps…

Enfin, le Gouvernement a jugé que cette modification de l’article 1er était prioritaire mais nous regrettons que, depuis 2017, des tentatives de réformes institutionnelles ou constitutionnelles sur des sujets tout aussi importants comme la reconnaissance du vote blanc, l’introduction d’une dose de proportionnelle ou de la différenciation territoriale n’aient pas abouti.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous en venons à l’examen des amendements.

Article unique (art. 1er de la Constitution) : Consécration de la préservation de l’environnement

La Commission est saisie des amendements de suppression CL1 de Mme Marie-France Lorho, CL13 de Mme Emmanuelle Ménard et CL15 de M. Sébastien Huyghe. 

M. Julien Aubert. Nous vous proposons de régler le problème en supprimant cet article puisqu’il sera de toute évidence impossible de trouver un accord avec le Sénat alors que le référendum n’a de sens que si nous parvenons à trouver une formulation consensuelle. Il nous semble donc préférable d’en rester au consensus sur la Charte de l’environnement de 2004.

Les actions qui ont été menées ne suffisent-elles pas ? Si tel est le cas, que faire pour nous montrer plus ambitieux ? Je comprendrais, je vous l’ai dit, un article disposant que la France garantit de lutter contre le réchauffement climatique… et que les émissions de CO2 baisseront, ce qui implique une obligation de résultat quantifiable, alors que ce vous proposez, beaucoup plus nébuleux, n’en comporte aucune.

M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Avis défavorable.

Je m’étonne que vous vouliez supprimer cet article – qui plus est dans sa rédaction issue du Sénat – qui constitue le cœur de notre réforme.

La Commission rejette les amendements.

Elle examine les amendements identiques CL18 du rapporteur, CL12 de M. Christophe Euzet, CL16 de Mme Élodie Jacquier-Laforge et CL17 de Mme Émilie Guerel et les sous-amendements CL20 et CL19 de M. Gérard Leseul ainsi que l’amendement CL5 de M. Loïc Prud’homme.

M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Je propose de rétablir l’article unique dans sa version issue de la première lecture à l’Assemblée nationale en tenant compte, afin d’avancer, de la volonté du Sénat de substituer au verbe « lutter » le verbe « agir », conformément à la proposition formulée par le Conseil d’État dans son avis.

J’ai entendu les critiques, les interrogations, parfois les injonctions un peu paradoxales à nous montrer ambitieux et à trouver un accord tout en critiquant notre volonté d’y parvenir.

Nous maintenons donc l’ambition initiale de l’article avec le verbe « garantir » et, conformément au souhait de nos collègues du Sénat, que l’on ne saurait balayer d’un revers de la main, nous intégrons le verbe « agir ». La majorité fait ainsi un pas conséquent afin de parvenir à un accord le plus rapidement possible.

M. Dimitri Houbron. Nous préférons également le verbe « agir », qui suppose une obligation de résultat pour l’État et donc un engagement de sa responsabilité en cas d’inaction.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Nous partageons bien évidemment les objectifs définis en première lecture.

Mme Émilie Guerel. Nous souhaitons nous aussi maintenir l’ambition initiale de cet article avec le verbe « garantir » tout en tendant la main au Sénat. Notre majorité fait ainsi preuve de responsabilité et d’esprit d’ouverture.

M. Gérard Leseul. Mes sous-amendements visent à renforcer la sécurité juridique et la protection durable de l’environnement.

Le premier propose d’inclure « l’amélioration constante » de l’environnement, sans quoi il ne sera pas possible de garantir, d’agir ni de lutter efficacement pour le droit des générations futures. Cette insertion témoigne ainsi de l’engagement concret et continu de la société.

Le second reprend en partie un amendement que le groupe Socialistes et apparentés avait défendu lors de l’examen du projet de loi constitutionnel de 2018.

M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Avis défavorable à ces deux sous-amendements qui visent à inscrire le principe de non-régression dans la Constitution.

Sur le fond, celui-ci est reconnu depuis 2016 au plan législatif. Plutôt que de consacrer ce principe, le Conseil constitutionnel a de plus préféré souligner, dans sa décision n°2020-809 DC du 10 décembre 2020 relative aux néonicotinoïdes, qu’il revient au législateur « de prendre en compte, notamment, le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement mentionné à l’article 2 de la Charte de l’environnement ».

Sur un plan politique, vous nous enjoignez de nous montrer ambitieux et de trouver un accord avec le Sénat, or, je ne suis pas persuadé que l’insertion de telles dispositions y contribuerait.

M. Julien Aubert. Le droit ne doit pas faire l’objet de négociations et un accord politique ne saurait être conclu « sur son dos ». Une formulation juridique se doit d’être précise et cela suppose que l’on n’intervertisse pas des mots à des fins politiques, au risque d’emporter des conséquences juridiques.

Le Conseil d’État a mis en garde le Gouvernement et le Parlement sur certaines formulations. Dès lors que son avis est jugé fondé, il faut l’entendre dans son intégralité. Il n’est pas possible de le suivre en substituant le verbe « agir » au verbe « lutter » et de ne pas le faire en maintenant le verbe « garantir ». Si vous jugez que cet avis du Conseil d’État ne peut pas prévaloir pour des raisons politiques, écartez-le entièrement plutôt que de procéder à un jugement de Salomon !

De plus, cette substitution d’un verbe à un autre changera-t-elle quoi que ce soit ?

Enfin, si le verbe « garantir » est si important, pourquoi la France ne garantirait-elle pas, outre la préservation de l’environnement et de la diversité biologique, l’engagement à lutter contre le dérèglement climatique à travers la baisse des émissions de CO2 ? Là, ce serait un grand pas ! Pourquoi donc cette conjonction de coordination « et » et ce verbe « agir », qui n’a pas la même portée, alors que ces objectifs sont complémentaires ? Un rythme ternaire eût été préférable !

M. Pacôme Rupin. Nous pouvons débattre pendant des heures des questions sémantiques mais une question se pose : souhaite-t-on ou non la tenue de ce référendum ? Pour qu’il ait lieu, l’Assemblée nationale et le Sénat doivent trouver un accord, chaque chambre se devant de faire un pas en direction de l’autre. De plus, le Sénat aurait tout aussi bien pu considérer que cet article, tel quel, pouvait être soumis à référendum, conformément peut-être à la logique de nos institutions.

Nous savons fort bien que les juristes et les constitutionnalistes ne sont pas d’accord entre eux sur ses conséquences. Nous n’allons pas régler leur différend mais nous devons avancer, trouver un accord, organiser le référendum et débattre avec les Français des conséquences de tel ou tel terme. L’article 1er doit affirmer clairement les objectifs de notre pays contre le changement climatique, c’est ce qui importe le plus.

Mme Cécile Untermaier. Incontestablement, cette disposition est utile car il est toujours bon de parler de l’environnement, que ce soit à l’article 1er de la Constitution ou dans la Charte. Une telle inscription, ce n’est pas rien ! J’ai d’ailleurs été la première signataire d’un amendement portant sur cette « garantie » quand la majorité d’alors évoquait une « action » pour la protection de l’environnement, alors que cela ne veut rien dire. Le verbe « garantir » oblige à agir.

Par ailleurs, je ne vois pas comment le référendum pourrait avoir lieu dès lors que l’article que nous nous apprêtons à voter ne conviendra pas au Sénat.

Enfin, je regrette que le verbe « agir » ait été substitué à celui de « lutter » pour faire plaisir au Sénat : il était beaucoup plus ambitieux, il exprimait notre détermination et nous semblait bien corrélé avec le verbe « garantir ». En un sens, la portée de cette phrase est désamorcée.

M. Julien Aubert. Selon M. Rupin, nous ne serions finalement pas là pour écrire le droit…

M. Pacôme Rupin. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Julien Aubert. …mais pour trouver un accord politique. Tel le renard et le Petit Prince, vous souhaitez un rapprochement progressif de l’Assemblée nationale et du Sénat. Or, si le Petit Prince et le renard veulent devenir amis, l’éthique de responsabilité dont fait preuve le Sénat lui impose de dire que ce texte est dangereux et qu’il n’est pas possible de soumettre n’importe quoi à référendum puisque les Français ne pourront pas amender l’article. S’ils jugent que le verbe « garantir » est dangereux, on leur reprochera d’être contre la préservation de l’environnement !

En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas opposés à la tenue de ce référendum. Nous nous sommes abstenus car nous sommes prêts à défendre le « non » compte tenu des conséquences juridiques délétères de cet article. Si vous voulez que le référendum ait lieu, si vous voulez un accord politique, la lucidité impose de maintenir telle quelle la version sénatoriale du texte.

M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Nous pouvons débattre sans fin mais le vote de ces amendements permettra de franchir une étape importante en affirmant que la France « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique ». La phrase est claire, simple, puissante, grâce aux travaux de la Convention citoyenne pour le climat, du Conseil d’État et du Sénat. Les termes retenus, de plus, ne sont pas neutres puisqu’ils suscitent le débat !

Nous sommes attachés à « garantir ». Fidèles à la Convention, nous avons retenu en première lecture le verbe « lutter » mais nous avons entendu le Sénat et nous proposons de maintenir le verbe « agir », qui nous oblige également même s’il est toujours possible d’en discuter la portée ; il me paraît quant à moi suffisamment fort pour que la France ne se détourne pas de son ambition environnementale.

J’entends les remarques de M. Aubert sur le rythme de cette phrase, que l’on peut composer et recomposer dans tous les sens. Je considère pour ma part que la notion d’« environnement » inclut celle de « dérèglement climatique » mais compte tenu des évolutions qui ont eu lieu depuis la Charte de l’environnement, il me paraît important de le mentionner explicitement.

La Commission rejette successivement les sous-amendements.

Elle adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’article unique est ainsi rédigé et les amendements CL5 de M. Loïc Prud’homme et CL14 de Mme Emmanuelle Ménard tombent.

La réunion se termine à 18 heures 05.

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Membres présents ou excusés

 

En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.