Compte rendu

Délégation aux collectivités territoriales
et à la décentralisation

 Audition de M. Joël GIRAUD, Secrétaire d'État auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ruralité.                            2

 

 


Jeudi
5 Novembre 2020

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 04

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de
M. Jean-René CAZENEUVE, Président

 

 


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La réunion débute à 9 heures.

 

Présidence de M. Jean-René Cazeneuve, président

 

 

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

 

http://assnat.fr/CuVSuG

 

La Délégation procède à l’audition de M. Joël GIRAUD, Secrétaire d'État auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ruralité.

 

M. le président Jean-René Cazeneuve. Monsieur le ministre, cher Joël, nous sommes particulièrement ravis de vous recevoir. D’abord, comme chacun le sait, vous avez été, il n’y a pas si longtemps, rapporteur du budget. Ensuite, en tant que membres de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, nous avons naturellement apprécié la création d’un secrétariat d’État à la Ruralité, qui constitue une première. Cela témoigne, me semble-t-il, de l’engagement de notre majorité sur les sujets spécifiques de la ruralité.

Je vous proposerai d’abord de prendre la parole pour un propos liminaire. Vous serez ensuite, j’en suis certain, destinataire de nombreuses questions. Nous échangerons probablement sur les nombreux sujets vous concernant comme le futur projet de loi « 3D », l’agenda rural, l’avenir des zones de revitalisation rurale (ZRR), les modifications prévues de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), la taille et le maillage des Maisons France Service ou le plan de relance.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ruralité. Je suis très heureux d’échanger avec vous, en dépit des circonstances. Comme le rappelait le président de la délégation, nous sommes dans un contexte où le secrétariat d’État à la Ruralité constitue une originalité, puisqu’il n’avait pas été créé en tant que tel depuis fort longtemps. Je suis très heureux d’occuper ces fonctions, notamment parce que nous étions nombreux à demander au Gouvernement d’instituer un pôle symétrique à la Ville en matière d’aiguillage des politiques publiques.

Je dédierai une large part de mon propos liminaire aux missions qui me sont confiées. J’assume d’abord des missions classiques et régaliennes sur les sujets relevant de la ruralité, en m’occupant notamment des problèmes de zonage et de fiscalité sur le territoire. Je pense également à la politique de la montagne, qui m’incombe "à 100 %". Il existe surtout un important travail interministériel à effectuer pour relancer l’agenda rural et faire en sorte que la ruralité ne soit pas l’oubliée des différentes politiques ministérielles.

Pour ce faire, nous avons demandé, avec Jacqueline Gourault, que chaque ministère nous désigne un « référent ruralité » au sein du cabinet du ministre, sachant qu’il existe désormais des référents de territoire au sein des cabinets ministériels. Il en va de même dans les grandes administrations, de sorte que nous puissions disposer, d’ici au prochain comité interministériel aux ruralités (CIR), d’un annuaire de celles et ceux qui sont en charge, au bon niveau hiérarchique, des politiques relatives à la ruralité.

Je double cette demande de réunions bilatérales menées avec chaque ministre sur les priorités que le président de la République et le Premier ministre m’ont demandé d’exercer. Ils m’ont notamment demandé de me montrer vigilant sur les questions de mobilité – dans ses trois acceptions aérienne, ferroviaire et routière – et de numérique, sachant que le numérique constitue une autre forme de mobilité. Ils m’ont également demandé de me préoccuper des questions laissées en suspens dans la première partie de l’agenda rural, avec la jeunesse et la santé en tant que sujets prioritaires. Comme vous pouvez le constater, un travail considérable reste à entreprendre. J’échangeais encore hier soir avec la ministre chargée de l’Enseignement supérieur pour faire en sorte que les dispositifs mis en place par ce ministère soient plus opérationnels sur un certain nombre de territoires ruraux.

Sans répéter tout ce qui a été exprimé sur le sujet, cette période compliquée de pandémie a produit un regard quelque peu différent sur la ruralité, puisque de nombreux concitoyens s’y sont réfugiés. Ils y ont trouvé, parfois, des ruralités « conquérantes » – selon le propos d’une de nos collègues –, que certains départements contribuent d’ailleurs à valoriser. Les multiples voyages officiels effectués avant le confinement pour prendre la température des territoires m’ont en effet permis de constater que de nombreux conseils départementaux avaient adopté des initiatives intéressantes. Je pense notamment à l’opération Essayez la Nièvre, qui a rassemblé différentes politiques publiques pour montrer l’attractivité d’un territoire. Souvent, l’attractivité d’un territoire dépend de l’organisation des mobilités, qu’elles soient numériques – nous avons besoin de numérique sur ces territoires – ou réelles – l’attractivité des territoires ruraux devient difficile si les trains n’arrivent jamais à l’heure ou si les lignes sont régulièrement en travaux. Ces questions sont désormais posées.

Vous avez également pu constater, au travers des politiques engagées, que notre objectif était de favoriser la déconcentration des crédits, que ce soit au titre des politiques publiques classiques – contrats de plan, dotations de l’État – ou au titre des politiques mises en œuvre pour la relance et pour la transition écologique. Même si nous devons maintenir des appels à manifestation d’intérêt (AMI), des appels à projets, des appels à concurrence, il me semble que c’est au niveau local que les déclinaisons opérationnelles sont attendues. À ce titre, une circulaire a été diffusée par le Premier ministre pour territorialiser la plupart des politiques au niveau des départements et des préfets de département, avec des crédits déconcentrés pour la mise en œuvre de ces politiques sur les territoires. Le dialogue doit ainsi s’instaurer entre le préfet, les sous-préfets territoriaux – l’on souhaite leur donner le rôle de sous-préfet développeur que l’on a connu jadis – et les sous-préfets à la relance, de sorte que ce dialogue conduise à des contractualisations locales, que les crédits déconcentrés soient affectés à ces politiques et que l’on pratique la politique que tout laïc comprendra parfaitement, à savoir « aide-toi, le ciel t’aidera », plutôt que « tout ce qui tombe du ciel est béni ». En effet, cette conception selon laquelle « tout ce qui tombe du ciel est béni » correspond souvent à des politiques nationales qu’il est difficile de décliner sur les territoires. Du moins, il s’agit d’une vision éloignée, voire éthérée, des territoires vus des grandes villes.

Nous avons également entamé un dialogue avec toutes les associations d’élus, bien évidemment avec l’Association des maires ruraux de France (AMRF), mais aussi avec l’Assemblée des départements de France (ADF) et l’Association des régions de France (ARF). Comme vous le savez, ce dialogue n’est pas toujours facile, eu égard aux intérêts contradictoires et aux différents points de vue en présence. Cela dit, le dialogue est rétabli sur la base d’un pacte relativement sain, lié à l’écoute que nous pouvons obtenir sur les différentes politiques publiques que nous conduisons.

En conclusion, sachez que nous avons tenu à maintenir notre comité interministériel aux ruralités. Celui-ci devait naturellement se tenir physiquement, à quelques jours du congrès de l’AMRF prévu dans la campagne rhodanienne. Nous avons finalement décidé de l’organiser à distance, le vendredi 13 novembre, soit un bon signe pour ceux qui y croient. Ce CIR aura pour objet de décliner les axes de l’acte II de l’agenda rural, de sorte que nous puissions bien préciser la situation sur les territoires, mais aussi pour mettre en œuvre un certain nombre de politiques publiques davantage centrées sur la santé et la jeunesse. Comme le président de la République et le Premier ministre, je tenais fortement à ce que la jeunesse soit un fer de lance de ce nouveau CIR, étant entendu que la ruralité ne peut exister sans jeunesse. Nous n’oublions pas les autres catégories, mais la jeunesse demeure très importante.

M. Didier Martin. Monsieur le ministre, je vous adresse mes félicitations pour ce portefeuille original, qui relève peut-être aussi d’un ministère de l’impossible, tant il est transversal et touche à des problèmes majeurs depuis longtemps identifiés, mais n’ayant pas encore trouvé de solutions.

Je vous adresse une question très ouverte. J’ai entendu parler de « l’alliance des territoires », qui renvoie peut-être à l’alliance entre territoires ruraux, mais surtout à l’harmonie entre le développement urbain et les territoires périurbains, voire les territoires moins périurbains encore plus distants. Ce concept renvoie notamment à des questions de santé, d’alimentation, d’approvisionnement, d’autonomie alimentaire des territoires, mais je suis convaincu qu’il existe beaucoup d’autres déclinaisons possibles. Je souhaiterais donc vous entendre sur cette question et ce grand défi de « l’alliance des territoires ».

M. le président Jean-René Cazeneuve. Il s’agit d’ailleurs d’un concept défendu par l’organisation France urbaine, en particulier.

Mme Anne Blanc. Nous sommes très heureux que vous soyez l’emblème de nos territoires, car nous savons que vous connaissez parfaitement nos difficultés du quotidien.

Ma première question porte sur la thématique de l’éducation, sachant que vous échangiez hier avec la ministre de l’Enseignement supérieur. Quelle est la dynamique de poursuite de la déconcentration des formations universitaires sur les territoires ? Comme vous le faisiez remarquer, la jeunesse représente l’avenir de nos territoires, et nous devons encore davantage accentuer la déconcentration de ce type d’enseignements sur des territoires et des départements plus ruraux. Où en est donc le programme de la ministre ?

Ma seconde question porte sur la santé, dans un contexte où l’ensemble du territoire français pâtit d’un manque criant de médecins généralistes et spécialistes. Au titre de la stratégie « Ma santé 2022 », un programme prévoyait la création de quatre-cents postes de médecins en exercice mixte combinant médecine de ville et médecine hospitalière. Dans mon département de l’Aveyron, l’agence régionale de santé (ARS) m’a précisé que les trois postes à pourvoir sur le territoire n’avaient suscité aucune réponse à l’appel à candidatures. Comment pouvons-nous donc procéder pour susciter de l’intérêt pour ces postes ? Quel est votre bilan de ce programme intéressant qui n’a, semble-t-il, pas produit les effets escomptés ?

M. Bernard Perrut. Monsieur le ministre, c’est un plaisir de vous retrouver dans ces fonctions. En tant que membre de la commission des Affaires sociales, je suis très impliqué dans les problématiques de santé, de déserts médicaux, de groupements hospitaliers de territoire, de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), et plus largement sur tous les sujets susceptibles de permettre à la santé et à la prévention d’exister sur les territoires ruraux. De fait, je souhaiterais d’abord savoir si votre ministère traite ces problématiques en lien avec le ministère de la Santé. Avez-vous par exemple été associé au Ségur de la santé pour apporter cette vision nouvelle ? Pas plus tard qu’hier, j’étais en contact avec des entreprises de télémédecine, qui cherchent aujourd’hui à développer ce service sur les territoires ruraux. Quelle est votre vision sur ce sujet ?

Par ailleurs, quelle complémentarité avez-vous établie avec le ministre de l’Agriculture, sachant qu’aucun territoire rural n’est dépourvu d’agriculture, avec toutes les problématiques que cela induit en termes de relations avec les populations, de traitement, de développement, d’urbanisation ?

Enfin, je souhaiterais connaître votre vision du rôle des sous-préfets sur nos territoires. Le maillage de l’État me semble important, et je suis de ceux qui pensent que l’État se doit d’être très présent sur le territoire, en période de crise comme en temps normal, afin de mettre en œuvre des politiques nationales, de réguler, de prendre position. À ce titre, j’estime que les sous-préfets mériteraient d’être renforcés dans leur rôle de conducteur des politiques territoriales.

Enfin, en rejoignant la visioconférence, j’ai entendu parler d’une réunion qui concernerait le département du Rhône. Pouvez-vous préciser de quoi s’agit-il, étant entendu que je suis député de ce département ?

Mme Laurence Gayte. Ma première question porte sur la montagne, qui est un milieu que nous connaissons tous. Quels sont les enjeux de la politique de la montagne et jusqu’où souhaitons-nous aller dans ce domaine ? Quelles priorités seront fixées à cette politique, sachant qu’il sera peut-être difficile de dégager des priorités convenant à l’ensemble des stations de ski et de montagne ? Que souhaitons-nous faire de cette politique ?

De surcroît, je m’interroge sur les mobilités. Quelle sera l’articulation avec le ministère des Transports ? Jusqu’où souhaitons-nous aller en termes de mobilité dans la ruralité ? Allons-nous recréer des petites lignes ?

Mme Monique Limon. Je souhaiterais axer ma question sur les commerces de proximité, qui ont été au cœur de l’actualité au début de cette nouvelle période de confinement. Les commerces de proximité constituent un véritable sujet de préoccupation pour les élus locaux, puisqu’ils sont synonymes de lien social, d’animation de nos bourgs, de création d’emplois. À cet égard, l’une des missions de l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) consiste à accompagner les collectivités dans la reconquête des centres-bourgs, tant d’un point de vue commercial qu’artisanal. Pour votre part, vous êtes intervenu à plusieurs reprises pour apporter les précisions nécessaires sur l’ingénierie qui pourrait être mise à disposition des collectivités. Aujourd’hui, je souhaiterais insister sur l’un des obstacles auxquels sont confrontés les décideurs locaux, à savoir la maîtrise d’ouvrage d’opérations immobilières à vocation économique, notamment dans le domaine commercial. Pourriez-vous préciser comment l’ANCT peut apporter une assistance aux collectivités sur ces questions immobilières ? Pouvez-vous également dresser un état d’avancement de la mise en place des foncières immobilières ?

M. Joël Giraud. Ces questions aussi diverses que riches mériteraient presque d’être adressées au Premier ministre, puisqu’elles concernent plusieurs domaines susceptibles d’être adressés dans un format interministériel.

Concernant d’abord l’alliance des territoires, je continue d’être un fervent défenseur des contrats de réciprocité. Nous ne pouvons pas considérer qu’il existerait un ministère de la Ruralité opposé à un ministère de la Ville, puisque les deux doivent se nourrir mutuellement. Lorsque les politiques intercommunales sont conduites en bonne intelligence, les résultats peuvent être extrêmement satisfaisants. Je ne prendrai qu’un seul exemple en la matière. Dans la circonscription de Vichy, d’aucuns craignaient que l’agglomération de Vichy n’englobe la Montagne bourbonnaise, territoire de très grande ruralité et d’enclavement extrêmement important, plus que dans certaines vallées des Alpes. Or c’est bien parce que l’ingénierie de l’agglomération de Vichy a été mise à disposition des anciennes intercommunalités rurales que les services publics et les services au public ont pu se développer. Je crois donc fortement aux contrats de réciprocité, que nous continuerons de développer, y compris avec des politiques menées dans le cadre interministériel. Ainsi, à l’occasion du prochain CIR, nous développerons, grâce aux 80 millions d’euros du plan de relance, les programmes alimentaires territoriaux (PAT), jumelés avec les actions engagées par le ministère de l’Agriculture auprès des cantines. Nous avons ici, avec les PAT, un exemple majeur de collaboration entre la ville et la campagne, qui correspond à l’air du temps, mais également à une conception du commerce quelque peu différente de celle qui prévaut aujourd’hui, basée plus en France qu’ailleurs sur les grands hypermarchés. La relance des contrats de réciprocité au niveau de l’alliance des territoires me semble donc primordiale.

S’agissant des formations universitaires, notre échange d’hier avec la ministre de l’Enseignement supérieur avait justement pour objet de cranter, dans le futur comité interministériel aux ruralités, le développement et l’accélération du processus des campus connectés. Je me suis rendu sur le terrain pour en vérifier le fonctionnement pratique, notamment à Nevers, qui dispose d’un campus connecté particulièrement bien en place. Avec la ministre, nous sommes convenus d’établir une cartographie extrêmement précise de ces campus connectés pour identifier les secteurs en manque, soit qu’aucune ville n’ait pris l’initiative de se "brancher" sur ces politiques, soit que le rectorat concerné n’ait manifesté aucune velléité de s’inscrire dans cette dynamique. Je sais comment cela fonctionne, puisque je suis dans une académie dans laquelle aucune initiative n’a été engagée en la matière. Je sais ce que représente un trajet en train de cinq heures pour se rendre sur le chef-lieu de région accueillant les universités. Nous sommes donc convenus de développer ce dispositif des campus connectés, au-delà des affichages sur le nombre de campus connectés. Cette politique est véritablement soutenue par Frédérique Vidal, qui présente une approche atypique par rapport au milieu classique de la concentration des moyens universitaires, et avec qui il est relativement aisé de trouver un terrain d’entente.

En matière de santé, l’on m’interroge notamment sur les zones en désertification médicale complète et sur les fameux quatre-cents postes de médecins en exercice mixte des ARS. Il est vrai que ce dispositif ne fonctionne pas correctement. D’abord, la gestion de la crise Covid-19 n’a certainement pas arrangé la situation, dans la mesure où les ARS se concentrent sur d’autres priorités. À cet égard, avec Jacqueline Gourault, nous examinons comment la future loi 3D évoquée en début de séance pourrait changer la gouvernance des ARS sur ce plan, de sorte que leur action soit plus proche des préoccupations de terrain.

Par ailleurs, nous examinons comment les mesures annoncées seraient susceptibles de fonctionner. De mon point de vue, nous devons d’abord nous inspirer des expérimentations intelligentes menées dans certains départements, comme le Puy-de-Dôme ou la Saône-et-Loire, où je me suis rendu avant le confinement. Sur ces territoires, les conseils départementaux ont expérimenté des "dispensaires départementaux" – le terme n’est sans doute pas le plus adapté – et ont replacé des médecins salariés, qui auraient dû être mis en place par l’ARS, dans un certain nombre de secteurs affectés par la désertification médicale. Si le médecin atteint un niveau de solvabilité suffisant sur ces secteurs, son poste salarié est transformé en poste de médecin libéral, et le médecin n’est alors plus salarié de la structure départementale. Des questions juridiques sont en cours de traitement et officiellement inscrites à l’ordre du jour du comité interministériel aux ruralités, en particulier sur le lien entre les quatre-cents médecins ARS et les conseils départementaux, afin de parvenir à un accord gagnant-gagnant.

Je crois beaucoup à une autre forme annoncée dans l’agenda rural, qu’il convient de mettre en œuvre de manière efficace. Comme vous le savez, la coercition ne fonctionne pas dans les milieux médicaux. Nous pouvons le regretter, mais la réalité est ainsi. Je m’abstiendrai de livrer mon sentiment personnel, même s’il m’a paru normal de m’engager à servir l’État durant dix ans, en juste récompense du financement de mes études. Quoi qu’il en soit, nous devons agir de manière efficace sans braquer les individus, puisque cela ne mène à rien. Dans ce contexte, les maisons de santé accueillent des médecins référents des centres hospitaliers universitaires (CHU), qui passent leur dernière année d’internat en maison de santé. Cela permet à de nombreux jeunes médecins de s’accoutumer, ou non, à un territoire, du moins de constituer un vivier par adhésion ou un non-vivier par non-adhésion. En tout état de cause, ce système fonctionne beaucoup mieux. Sur ce sujet, nous sommes convenus d’engager une politique d’incitation pour que ces médecins soient des médecins référents des CHU, de sorte que les internes soient intéressés de travailler sur ces territoires et ces maisons de santé.

Concernant la stratégie « Ma santé 2022 », un certain nombre de mesures prévues dans le cadre de la crise Covid-19 – je pense notamment aux nouvelles fonctions médicales désormais accessibles aux personnels infirmiers et autres – seront pérennisées, avec l’accord du ministère de la Santé. En tant que gestionnaire des collectivités locales, je me souviens que nous disposions auparavant de pompiers médecins, puis d’infirmiers du milieu hospitalier. De fait, continuer à promouvoir, pour ce personnel, des actions à caractère médical autorisées en période de Covid-19 constitue aussi une très bonne réponse pour les territoires ruraux.

L’évocation du département du Rhône dans mon propos liminaire est liée au fait que le congrès de l’Association des maires ruraux de France devait se tenir dans le département rhodanien, et que le comité interministériel aux ruralités devait se tenir à proximité. Malheureusement, la Covid-19 nous impose d’organiser ces deux manifestations de manière virtuelle, sachant que nous avons dû tout annuler à l’annonce du reconfinement.

S’agissant du Ségur de la santé, je continuerai d’examiner de près, avec Olivier Véran, le lien que nous pouvons établir entre les hôpitaux de proximité et le réseau des maisons de santé, qui est par trop ténu en de nombreux endroits. Pourtant, je suis convaincu que l’un doit se nourrir de l’autre. La crise de la Covid-19 a d’ailleurs prouvé l’utilité des hôpitaux de proximité, en particulier dans cette période actuelle où la ruralité est tout aussi concernée par la pandémie que la ville, voire plus dans certains cas. Je sais de quoi je parle, puisque mon département affiche les taux les plus élevés de contamination à la Covid-19, ce qui peut d’ailleurs sembler contre-intuitif au regard des espaces dont nous disposons dans les Hautes-Alpes. Quoi qu’il en soit, le lien avec les hôpitaux de proximité est à recréer.

Avec le ministère de l’Agriculture, nous avons mené des réunions bilatérales sur les sujets que je viens d’évoquer, notamment sur les programmes alimentaires territoriaux, afin de mettre des packages à disposition des élus des collectivités. Nous avons aussi évoqué toutes les questions relatives aux crédits européens, et notamment au volet rural du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), afin de ne pas nous retrouver dans une situation difficile vis-à-vis de ce volet, étant entendu que le volet agricole est préservé. Par ailleurs, nous avons entamé une réflexion sur la manière de concevoir, en lien avec le ministère de l’Agriculture, l’installation des jeunes agriculteurs. Au-delà des primes et de l’aspect financier, des conditions psychologiques doivent être associées aux packages présentés pour que les jeunes se décident à s’installer sur tel ou tel territoire. En effet, je constate que de plus en plus d’agriculteurs venant d’autres départements s’installent dans les Hautes-Alpes dans le cadre d’une reprise d’activité. Cela dit, il nous appartient de leur offrir des conditions d’accueil globalement satisfaisantes. Nous y travaillons fortement avec les chambres d’agriculture, car il s’agit d’un sujet particulièrement important.

Vous m’interrogez aussi sur les problématiques d’urbanisation. Avec Jacqueline Gourault, nous avons constitué un cabinet commun, car j’ai horreur des cabinets qui se regardent en chiens de faïence. Ainsi, tous nos conseillers thématiques sont des conseillers communs, de sorte que les politiques soient pareillement conduites, quel que soit l’étage de l’hôtel de Castries. À ce titre, notre conseiller en urbanisme travaille sur ces notions parfois contradictoires de préservation des espaces agricoles pour l’agriculture et de non-artificialisation des sols, sachant que celle-ci réduit drastiquement les possibilités de construction. Je puis vous garantir que j’en sais quelque chose, pour avoir été maire d’une commune dont le plan de prévention des risques couvre l’intégralité des risques existant en France, sauf le tsunami, incluant le risque sismique et le risque minier, alors qu’il est assez rare que ces deux risques coexistent au sein d’une même commune. En tout état de cause, je connais bien ces questions d’artificialisation.

Pour ce qui est du rôle des sous-préfets, je rappelais en ouverture de séance que la circulaire diffusée par le Premier ministre était parfaitement claire sur la territorialisation du plan de relance, des contrats de plan et sur la contractualisation. Ce sont bien les préfets et les sous-préfets territoriaux qui sont chargés de cette animation du développement local. Au-delà des sous-préfets à la relance récemment désignés, je souhaiterais que l’on revienne aux sous-préfets développeurs, que nous sommes nombreux à avoir connus à une autre époque, et qui s’étaient révélés particulièrement utiles. En effet, nous avons besoin de mécaniciens et d’assembleurs sur nos territoires, dans la mesure où les politiques publiques sont parfois relativement complexes à mettre en œuvre. Dans le cadre de l’ingénierie territoriale, les préfets sont les délégués de l’ANCT et peuvent donc déclencher l’intervention d’experts de l’ANCT sur des problématiques particulières. À partir de 2021, ils pourront également déclencher des marchés pour que des journées de cabinets d’études soient mises à disposition des territoires.

Je pense aussi à un troisième échelon en matière d’ingénierie, dont la mise en œuvre est quasiment actée, même si je préfère rester prudent, puisqu’une réunion interministérielle est encore prévue avant le CIR. À l’image des volontaires territoriaux en entreprise (VTE) et des volontaires internationaux en entreprise ou en administration (VIE/VIA), nous mettrons en place des volontaires territoriaux en administration (VTA), qui seront essentiellement dédiés aux collectivités locales. Lorsque j’étais en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, j’ai recouru à ce dispositif qui permettait à de jeunes diplômés d’être mis à disposition et sous la tutelle hiérarchique des collectivités, sans recevoir leurs ordres de Paris. En effet, de nombreux jeunes diplômés ne parviennent pas à trouver un travail au prétexte qu’ils ne disposent pas d’une expérience suffisante. Nous mettrons donc en œuvre cette dynamique afin de compléter les différents étages de l’ingénierie. D’ailleurs, je ne conçois cette ingénierie que de concert avec l’État, avec d’une part un sous-préfet développeur et d’autre part de l’ingénierie dans la collectivité territoriale, les deux étant les assembleurs des politiques publiques déployées sur les territoires.

L’on m’interroge également sur la politique de la montagne. Lors du congrès de l’Association nationale des élus de montagne (ANEM) qui s’est récemment tenu à Corte, le Premier ministre a annoncé plusieurs dispositifs sur lesquels nous sommes en train de travailler. Nous recréons notamment un programme national montagne au niveau de mon ministère, qui sera ciblé sur la diversification du tourisme et des activités sur les territoires. Il s’agit d’une diversification au sens large, étant entendu que la diversification s’est trop focalisée sur les stations de ski et sur la manière d’y organiser un tourisme des quatre saisons. Le prisme sera beaucoup plus large. En effet, je considère qu’il est tout aussi intéressant – voire plus – de mettre en place des crédits pour la transformation de l’agriculture ou de transformer des produits sur un territoire – que d’installer une luge d’été dans une station de ski. Pardonnez-moi ce jugement quelque peu abrupt, qui ne correspond pas à mon style. Cela dit, je pense que nous diversifions mieux la montagne lorsque nous engageons, par exemple, une reconversion des établissements militaires en fromageries, comme c’est le cas sur la station des Rousses. En effet, l’économie touristique d’un territoire dépend aussi de facteurs autres que le tourisme stricto sensu tel qu’il est conçu à l’international ou autre. Au travers de ce programme national, nous serons justement en mesure de déployer un certain nombre d’actions particulièrement utiles.

Plus largement, il me semble important de donner le signal d’un programme national montagne, dans la mesure où ce pan de politique publique, qui posait des difficultés, avait été complètement abandonné. Nous avons également fait en sorte que des crédits équivalents soient accordés pour les contrats de plan interrégionaux (CPIER), sachant que les massifs concernent plusieurs régions, avec des mandats de négociation envoyés aux préfets coordinateurs. Nous avons aussi maintenu les mêmes montants dans les programmes opérationnels européens (POE), ce qui nous permettra de retrouver une situation constante au niveau des crédits contractualisés, sans compter l’importance du programme montagne.

Concernant les mobilités, nous avons commencé à travailler, avec Jean-Baptiste Djebbari, sur les questions de mobilité relevant de l’État, étant entendu que d’autres questions de mobilité sont traitées à d’autres échelons. Le programme de relance prévoit notamment d’engager des crédits extrêmement importants sur des zones rurales ou à desserte rurale. En effet, lorsque des crédits sont engagés sur la ligne reliant Paris à Clermont-Ferrand, l’on dessert nécessairement le rural par connexion. De même, lorsque des crédits sont engagés sur la ligne reliant Nevers à Dijon, nous participons très largement à la remise en état de l’infrastructure. Selon le rapport du préfet François Philizot, ces petites lignes ont bien évidemment vocation à être sauvées, sous réserve que les régions y fassent également circuler des trains express régionaux (TER), étant entendu que nous ne rénovons les lignes que si les régions ont la volonté d’y faire circuler des trains, ce qui me semble assez logique. Comme pour toutes les politiques, y compris pour le numérique, l’État n’est en effet pas le seul maître d’œuvre, et de nombreux éléments sont en maîtrise d’ouvrage des collectivités locales. Par exemple, le plan de développement du réseau fibré en Auvergne est en maîtrise d’ouvrage de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Nous déployons des crédits, mais les exigences territoriales ne sont pas nécessairement dictées par l’État, puisqu’il n’est pas maître d’ouvrage des opérations.

 Toujours sur cette question des mobilités, je me suis fait présenter le rapport – qui devait d’ailleurs être copiloté par les parlementaires, ce qui n’a pas été le cas – relatif au réseau des trains d’équilibre du territoire (TET) prévu par la loi d’orientation des mobilités (LOM). Ce rapport très intéressant est en cours d’élaboration au sujet des flux nécessaires en matière de trains d’équilibre du territoire. La question du financement devra nécessairement se poser, mais également la question des appels à concurrence, sachant que la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) n’est pas la seule entreprise concernée. Pour ma part, je me suis assuré que les lignes TET existantes – comme celle reliant Lyon à Nantes – fassent l’objet d’appels à concurrence couvrant au moins trois allers-retours, étant donné que la méthode classique de deux allers-retours, adoptée par la SNCF, constitue le meilleur moyen de vider les trains. Je suis en effet quelqu'un qui "aiguillonne" les sujets, car je ne peux concevoir que l’on puisse engager des crédits importants sur des lignes comme celle reliant Paris à Clermont-Ferrand sans disposer parallèlement d’un programme cadencé d’accompagnement des TET, comme il en existe dans toute l’Europe civilisée.

Depuis ma prise de fonction il y a trois mois, nous sommes parvenus à faire avancer un certain nombre de dossiers relatifs aux transports, et les relations bilatérales avec le ministère des Transports sont bonnes. Dans ce domaine, nous avons également recruté une conseillère que nous partageons avec Jacqueline Gourault, qui est une personne très compétente, puisqu’elle a déjà travaillé à la SNCF, en région et à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM). Cette conseillère assure l’intermédiaire et l’interface sur toutes les questions de mobilité et nous permet de conserver la mainmise sur ces sujets.

L’on m’interroge enfin sur les commerces de proximité. Je ne reviendrai pas sur la récente polémique relative aux arrêtés, puisque ce n’est pas mon rôle. En la matière, mon opinion est la même que celle du Premier ministre. J’ai été très choqué que de tels arrêtés soient pris dans mon département, sachant qu’il affiche un taux de saturation de 280 % des services de réanimation, et que nous devons agir avec responsabilité par rapport au personnel soignant.

Concernant plus spécifiquement le plan de relance des commerces, vous avez entendu le ministre Bruno Le Maire sur la question du « click & collect ». Pour ma part, j’ai déjà rencontré le président national des chambres de commerce et d’industrie (CCI), mais également son délégué pour les territoires ruraux, pour que nous puissions accélérer dans ce domaine. Il existe en effet un problème d’interface, puisque l’État ne peut pas faire la pédagogie de bouts de réseau. Entre le commerçant et le réseau, nous devons nous appuyer sur les chambres consulaires. D’ailleurs, dans le cadre du contrat signé avec les chambres de commerce suite à l’accord trouvé avec le Parlement au sujet de leur financement, j’ai expressément demandé l’ajout de cette fonction particulière de support, qui me semble extrêmement importante, et sur laquelle les CCI ne nous ont pas attendus. Il est préférable que cela soit généralisé, encore plus dans la période actuelle.

Dans le cadre du plan de relance, la Banque des territoires s’implique pour accompagner toutes les mesures sectorielles en lien avec son champ d’action. Elle prévoit d’abord de renforcer le programme d’investissements et de prêts pour créer cent foncières de revitalisation territoriale. Pour ce faire, l’État met en place un fonds de subventions d’investissement à hauteur de cent-quatre-vingts millions d’euros, dont soixante millions d’euros sur les deux prochaines années pour soutenir les opérations. Cette mesure est conjointement financée par le plan de relance de l’État et par le plan de relance du groupe Caisse des Dépôts (CDC). L’objectif est de rénover 6 000 commerces sur une période de cinq ans, dont 600 en 2021 et 1 300 en 2022.

Par ailleurs, pour accompagner la reprise de l’activité économique dans les centres-villes, la Banque des territoires consacre trente-neuf millions d’euros de fonds propres au soutien d’actions collectives dans les territoires marqués par la dévitalisation. Cela concerne en particulier les 222 communes du programme Action cœur de ville, mais également les 1 000 communes de moins de vingt-mille habitants du programme Petites villes de demain. Je précise qu’une intercommunalité réunissant plusieurs bourgs-centres peut présenter une candidature groupée, ce qui permet la prise en compte de petits bourgs-centres assurant une fonction de centralité et rencontrant des difficultés. Je rappelle également, comme je ne cesse de le rappeler, y compris aux préfets de département, que les seuils bas ont disparu, et que les communes ne réunissant que mille ou deux-mille habitants sont tout à fait éligibles à cet accompagnement, dès lors qu’elles assument cette fonction de centralité. Nous bénéficierons, en outre, d’un financement complémentaire de l’État de quarante millions d’euros à horizon 2021, afin d’élargir cet accompagnement à d’autres villes non retenues au titre des programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain.

En tout cas, les foncières ont véritablement vocation à racheter des locaux et à les rénover, avec l’objectif de conserver les cellules commerciales acquises sur une longue durée, pour une quinzaine d’années, afin de pouvoir garantir des loyers attractifs sur la période. A défaut, avant quinze ans, les niveaux de loyer ne seraient pas raisonnables, compte tenu de la fragilité du secteur. En général, entre 10 et 50 % du déficit des opérations de réaménagement commercial en centre-ville ne peut être pris en charge par les collectivités. Les dépenses engagées sont très importantes et ne doivent pas pouvoir être répercutées sur les loyers, auquel cas nous ferions totalement fausse route. Un fonds de soutien a donc été institué dans le cadre du plan de relance afin de couvrir ces déficits.

M. le président Jean-René Cazeneuve. Les questions de nos collègues revêtent souvent de multiples aspects. J’observe avec plaisir que votre personnalité n’a pas changé, et que votre nomination au secrétariat d’État n’a aucunement altéré votre spontanéité et vos qualités humaines.

Mme Christine Pires Beaune. En premier lieu, pourriez-vous rappeler la date et l’ordre du jour du prochain CIR car j’ai perdu la connexion lorsque ce sujet a été évoqué ?

En second lieu, je souhaiterais connaître le nombre de sous-préfets à la relance et en savoir plus sur l’articulation avec les sous-préfets développeurs. Concrètement, qui sera en charge sur le terrain ?

Enfin, notre délégation pourrait-elle éventuellement commander, à des géographes et des sociologues, une étude sur la métropolisation sous l’angle des externalités négatives ? Ces études existent sous l’angle des externalités positives, mais pas sous l’angle négatif. Quels sont les impacts de la métropolisation en termes de sécurité, de pollution, de mobilité, de qualité de vie ? Serait-il possible d’obtenir des données objectives sur ces sujets ? Si j’aborde ce sujet, c’est parce que la crise sanitaire a fortement mis en exergue le problème de la concentration. Si un virus se propage dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de deux-cents résidents, deux-cents cas de contamination seront détectés, sans compter le personnel. Si ce même virus entre dans un EHPAD de quatre‑vingt  places, vous limitez la contamination. C’est un exemple quelque peu dramatique, mais je suis convaincue que l’ère de la surconcentration devrait être stoppée et que nous devrions faire machine arrière. À cet effet, nous devons disposer de données d’externalités négatives. Lorsque j’observe que le projet de loi de finances (PLF) 2021 accorde encore une prime aux bâtisseurs, je me dis que nous n’avons tiré aucun enseignement de cette crise.

M. le président Jean-René Cazeneuve. Nous pourrons certainement échanger sur cette demande d’étude dans le cadre du bureau de notre délégation.

M. Christophe Jerretie. J’observe que le secteur industriel en milieu rural et dans les petites villes n’a pas été évoqué. Nous connaissons tous de petites villes industrielles qui pâtiront fortement du contexte actuel. Comment pourrez-vous travailler sur ce sujet avec les ministres concernés, car ce sujet ne dépend pas seulement de vous et fonctionne en interministériel ? De mon point de vue, il s’agit du principal sujet d’alerte à l’heure actuelle. Si nous perdons cette petite industrie très qualitative dans nos territoires, nous nous exposerons à d’importants dégâts humains, mais également à des dégâts sur la relance, étant entendu qu’il s’agit bien souvent d’industries de pointe. Pourriez-vous vous exprimer sur ce sujet ? Même s’il est difficile de répondre concrètement, je souhaiterais au moins que ce sujet soit présent à l’esprit, car je suis convaincu que le milieu rural sera le plus touché dans ce domaine.

Ma seconde alerte concerne le plan de relance, qui doit véritablement se décliner sur les territoires, sans que Paris ne distribue les rôles par ministère. Vous connaissez mon point de vue, puisque vous avez été rapporteur au budget. C’est notre grande difficulté.

Je souhaite enfin intervenir sur la question du transport, qui constitue le deuxième sujet majeur en matière de ruralité. Alors que nous entrons en période de confinement, les avions et les trains seront bientôt arrêtés, alors même que le numérique n’est pas encore tout à fait au point partout. J’entendais votre propos sur la nécessaire relance des petites lignes. Il me semble que nous devrions déjà disposer de grandes lignes fonctionnelles, en guise de priorité. Je n’en ai pas encore discuté avec le Ministre, mais les plus fortes annonces seraient de pérenniser les grandes lignes. Je pense notamment à la ligne qui reliait Bordeaux à Lyon, qui n’existe plus, alors qu’elle concerne pourtant deux grandes régions et deux grandes villes, et qu’elle dispose vraisemblablement d’un avenir.

M. Stéphane Travert. Je me joins au concert de satisfactions de vous retrouver à cette belle fonction. Le ministère de la Ruralité est un ministère de la transversalité. Je sais combien la tâche est complexe, parce que la transversalité ne se décrète pas, elle se construit. C’est exactement la même difficulté que rencontre votre collègue Annie Girardin au ministère de la Mer, qui est aussi un ministère de la transversalité, et qui traite aussi des questions de ruralité, sachant que je vis moi-même dans la ruralité à la mer.

M. Joël Giraud. C’est d’ailleurs pour cette raison que deux radicaux ont été nommés sur ces postes.

M. Stéphane Travert. Absolument. J’observe moi-même que la presqu’île du Cotentin vit aujourd’hui un contexte favorable de transhumance des urbains vers les campagnes. Nous affichons un taux de chômage compris entre 5,4 et 6,2 %, ce qui représente quasiment le plein emploi, et de nombreuses entreprises recherchent des collaborateurs.

Je souhaiterais obtenir un point d’avancement précis sur les sous-préfets à la relance. Combien sont-ils et où en sont les différents départements ?

S’agissant par ailleurs de cette transhumance des urbains vers la ruralité, pourriez-vous proposer un point sur la création des tiers-lieux ? Pour rappel, il s’agit de lieux dans lesquels la ruralité est en mesure de proposer des outils d’appui à ceux qui ont choisi de venir vivre à la campagne, qui souhaitent pouvoir télétravailler dans de bonnes conditions.

M. Jean-Claude Leclabart. La semaine dernière, lors de l’audition de Jacqueline Gourault par la commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire, j’ai soulevé la question de la gouvernance du programme Petites villes de demain. Sur le terrain, nous recevons de nombreuses questions de la part de petites et moyennes communes dont la candidature n’aurait pas été retenue. Dans la mesure où nous n’avons reçu aucune information, nous tombons des nues. Qui est donc à la manœuvre ? S’agit-il des préfets de région ou des préfets de département ?

De même, j’observe que la mise en place de l’ANCT n’a donné lieu à aucune information au sein de mon département.

Enfin, comme l’indiquait Christophe Jerretie, je considère que nous devrions déjà nous soucier du bon fonctionnement des trains affectés par des dysfonctionnements. Je remets notamment sur la table le sujet de la ligne reliant Paris et Amiens, pour laquelle des solutions sont attendues depuis au moins cinq ou six ans.

Mme Yolaine de Courson. Monsieur le ministre, je regrette de n’avoir pu vous rencontrer samedi dernier, mais je reprends d’ores et déjà date pour le 27 mars prochain.

Ma question s’inscrit dans le prolongement de celle posée par Monique Limon. Je suis alertée par les maires des petits bourgs, qui me font part de leurs inquiétudes par rapport à la période de Noël. Pour éviter la multiplication des arrêtés intempestifs et des conflits, nous devons aider ces maires à accompagner leurs commerçants. En effet, nos édiles se sentent quelque peu démunis sur la manière de s’adresser à eux pour animer cette période et activer la solidarité des habitants. À cet égard, les VTA/VTE précédemment évoqués ne pourraient-ils pas assurer ce lien entre les solutions existantes – « click & collect », solutions de La Poste, etc. –, les maires et les commerçants, afin de leur mettre le pied à l’étrier ?

Mme Bénédicte Taurine. Vous évoquiez précédemment le tourisme dans les territoires, et je partageais globalement votre point de vue. En revanche, nous ne devrions pas oublier que ce sujet peut faire émerger des conflits sur le territoire. Comme l’a montré le rapport que nous avons rédigé avec Pascale Boyer au sujet des chiens de troupeau, l’augmentation du nombre de touristes en montagne génère un certain nombre de conflits. Nous devons donc veiller à assurer une harmonisation pour que tout le monde puisse utiliser la montagne dans de bonnes conditions.

Vous abordiez également le sujet de la mobilité. À ce titre, je souhaiterais revenir sur la question des trains de nuit. Pour l’avoir utilisé dernièrement, j’observe qu’il ne circule pas sur l’entièreté de la ligne reliant Latour-de-Carol/Enveitg à Paris, et que les rames sont extrêmement vétustes. Pourtant, il me semblait que ces trains devaient être améliorés. Disposez-vous d’informations à ce sujet ?

Enfin, concernant l’agrandissement et l’artificialisation des terres, je ne vois pas comment la politique agricole commune (PAC) pourrait être déclinée sur nos territoires pour favoriser l’installation plutôt que l’agrandissement, du moins tant que les aides ne seront pas plafonnées ou que les aides pour les premiers hectares ne seront pas renforcées.

M. le président Jean-René Cazeneuve. Les Maisons France Service constituent un succès notable. Je sais toutefois qu’un certain nombre de cantons abritent plusieurs petites maisons de services au public (MSAP) installées sur le même canton. À défaut de centre‑bourg qui s’impose, trois communes éloignées de quinze ou vingt kilomètres disposent chacune d’une petite MSAP, qui ne dispose pas de ressources suffisantes pour employer deux personnes. Ne pourrait-on imaginer une Maison France Service avec trois antennes ? Peut-on envisager une possible évolution ? À défaut, nous perdrons en présence dans les zones très rurales.

Ma seconde question porte sur les zones Natura 2000. Dans mon département, soixante-dix communes disposent au moins de 30 % de zones Natura 2000. Pourtant, une seule commune est éligible. Une réflexion est-elle prévue pour éventuellement réviser le seuil actuel de couverture fixé à 70 % ?

Enfin, rappelons que le deuxième pilier de la PAC prévoit un volet relatif à la rémunération du rôle environnemental des agriculteurs, qui assument une fonction importante en la matière dans de nombreux territoires à faibles rendements.

M. Joël Giraud. Le prochain comité interministériel aux ruralités se déroulera de la manière suivante. Des annonces sont d’abord prévues en matière de jeunesse, de mobilité, de santé, notamment au sujet de la mise en place des VTA. Cela correspond à la deuxième partie parfaitement interministérielle de la relance de l’acte II de l’agenda rural. Nous nous attèlerons ensuite à la définition de la ruralité, dans le cadre d’un groupe de travail réunissant l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), l’ANCT et l’AMRF. Toutes les associations d’élus se sont accordées sur le premier étage de la fusée, à savoir sur la nécessité de définir la ruralité à l’aune des règles européennes et de la grille de densité au niveau communal. D’ailleurs, dans l’amendement défendu par Jean-René Cazeneuve et Christine Pires Beaune concernant la DETR, c’est bien cette notion consensuelle qui a été reprise pour recentrer la DETR sur un certain nombre de territoires ruraux, du moins au niveau de l’enveloppe départementale.

Pour le deuxième étage de la fusée, qui n’est pas consensuel à ce stade, j’ai donné instruction à l’ANCT et à l’INSEE de poursuivre et d’affiner le travail avec les associations d’élus. À défaut, nous risquons de passer à côté d’un certain nombre de données. Comme vous le savez, l’INSEE a pour habitude de travailler sur les migrants alternants, à savoir les individus se rendant au travail en voiture ou par d’autres modes de transport et se dirigeant vers les villes centres. L’INSEE considère que ces populations sont intégrées dans le périmètre de la ville centre et qu’elles sont moins rurales que les autres. C’est un point de vue que l’AMRF ne partage pas, et que je ne partage pas non plus, étant entendu que les résidents de la ruralité prenant leur voiture pour aller travailler dans une ville située à des dizaines de kilomètres de leur domicile ne le font pas nécessairement pour l’attractivité de cette ville, mais parce qu’ils ne trouvent pas d’emploi sur place. J’ai donc demandé aux différentes parties de retravailler ces sujets, étant entendu que nous organiserons un deuxième CIR au printemps 2021, qui se tiendra – si la situation sanitaire le permet – en présentiel.

D’après mes chiffres, les sous-préfets à la relance sont en cours de mise en place sur une vingtaine de postes. Pour autant, la circulaire que le Premier ministre a adressée aux préfets leur donne à tous le rôle de sous-préfet développeur. Notre objectif au sein du ministère de la Cohésion des territoires est donc que tous les sous-préfets, à défaut d’être des sous-préfets à la relance, redeviennent l’équivalent des sous-préfets développeurs d’antan. Avec moins de contrôles de légalité, davantage de développements locaux sont possibles. D’ailleurs, les sous-préfets territoriaux bénéficient désormais de diverses formations leur permettant de mieux appréhender ces éléments, ce qui est loin d’être négligeable.

Avec mes collègues parlementaires Christine Pires Beaune et Jean-René Cazeneuve, nous avions déjà évoqué une étude traitant des externalités négatives de la métropolisation dans le cadre de la mission sur la DETR. Si votre délégation devait adopter ce genre d’initiative, vous recevriez nécessairement l’appui de l’ANCT. Je suis en effet convaincu de la nécessité de mesurer ces externalités négatives. Si vous mettez en œuvre une telle étude, mon accompagnement vous est assuré au travers de l’ANCT. Nous avons toujours mesuré les externalités négatives sur les territoires ruraux. Il serait donc temps de les mesurer pareillement sur les territoires urbains pour parvenir à des consensus territoriaux et favoriser non pas les oppositions, mais des interactions intelligentes entre les deux univers

Je connais bien les sujets industriels que Christophe Jerretie m’a présentés dans sa circonscription, notamment à Ussel au travers de la fonderie Constellium. Je ne vous cache pas la difficulté de l’exercice. Même lorsque la banque publique d’investissement (BPIfrance) rend des avis favorables, des politiques de groupe amènent parfois ceux-ci à privilégier telle entreprise par rapport à telle autre, dans le cadre de plans globaux. Il m’est donc compliqué d’intervenir sur ces sujets, même si je me démène pour que ce soit le cas.

En tout état de cause, les cabinets d’Agnès Pannier-Runacher et d’Alain Griset – il s’agit souvent de petites et moyennes entreprises (PME), voire de très petites entreprises (TPE) – ont été alertés sur l’ensemble des dossiers. Nous allons également renforcer les moyens des territoires d’industrie, afin d’augmenter le nombre d’implantations sur le territoire. Précisons que ces politiques sont obligatoirement menées conjointement avec les régions, qui déterminent souvent les zones concernées, tandis que l’État dialogue avec elles pour vérifier si la zone est ou non cohérente.

Quoi qu’il en soit, je partage les inquiétudes de Christophe Jerretie, parce qu’il s’agit souvent d’industries de pointe avec des savoir-faire particuliers. J’ai rencontré des industries de pointe installées dans le département de l’Allier, qui n’avaient accès ni au réseau mobile ni à la fibre. Ces entreprises emploient cinquante à cent salariés dans des villages de deux-cents habitants, ce qui est tout sauf négligeable. Leur présence est souvent historique, parce qu’un ingénieur originaire de la région a décidé un jour d’y monter son entreprise. C’est la vie normale d’individus intellectuellement bien formés, qui aiment leur territoire et qui ont décidé de bâtir en local. Les entreprises auxquelles je pense risquent de mourir de leur non-accès au réseau mobile, étant entendu qu’elles ne peuvent utiliser les téléphones portables pour interagir avec leurs filiales basées à l’étranger. Seules des solutions extrêmement onéreuses leur sont aujourd’hui accessibles. Il s’agit d’industries liées à la vulcanisation, qui ne peuvent être installées à proximité des centres-villes sans susciter d’opposition de tout côté. Leur isolement à la campagne explique leurs difficultés d’accès au réseau.

J’ai donc clairement indiqué à l’Agence du Numérique que l’argent déployé sur un certain nombre de territoires devait s’accompagner d’exigences de l’État vis-à-vis des collectivités – qui sont maîtres d’ouvrage – en matière de couverture des sites isolés. Même si le Premier ministre s’est montré très clair sur le sujet, j’ai aussi demandé un travail d’examen pour vérifier si la 5G pouvait s’implanter sur ces zones particulières, afin de transporter les gros paquets de données informatiques. Soyez certains que nous suivons ce sujet de très près, puisque j’ai de nouveau interrogé le ministère sur les questions d’industrie au sein des territoires.

S’agissant des TET, je suis d’accord avec l’idée d’améliorer le fonctionnement des lignes existantes. Cela étant, les études récemment réalisées sont particulièrement instructives. Une ligne ne fonctionne pas longtemps si elle est isolée, comme je l’indiquais dans mon propos sur le nombre d’allers-retours. Il en est de même pour les trains de nuit. À force de mobilisation des élus et des citoyens, nous sommes parvenus à sauver la ligne de nuit reliant Paris à Rodez et à Latour-de-Carol/Enveitg, ainsi que la ligne de nuit reliant Paris à Briançon, que je connais mieux, et sur laquelle je rencontre les mêmes problèmes que ceux évoqués par Bénédicte Taurine. Par exemple, j’ai déjà voyagé par moins cinq degrés et sans chauffage, en étant tous entassés dans le seul wagon pourvu de chauffage, ce qui est particulièrement désagréable pour un trajet de dix heures.

Par ricochet, je réponds à la question relative au programme de rénovation des trains de nuit. La SNCF et la DGITM m’ont garanti que le programme de rénovation était bien engagé et tiendrait dans les délais, malgré la crise de la Covid-19. Au moment où était prise la décision de reconfiner la population, je devais programmer un voyage officiel à Périgueux pour rencontrer les ateliers de la SNCF, qui sont les premiers concernés. J’aime me rendre sur le terrain pour apprécier la réalité de ceux qui travaillent dans ces structures, notamment pour vérifier si le plan de charge est conforme aux attentes. Je suis toujours quelque peu sceptique vis-à-vis de la SNCF, et j’ai tendance à ne pas toujours croire ce que l’on me dit, surtout lorsque l’on m’annonce qu’un train est vide alors que je constate qu’il accueille six-cents voyageurs. De fait, je souhaitais observer où en était l’atelier de Périgueux. Ce qui est certain, c’est que les crédits ont été abondés dans le plan de relance. Il ne s’agit donc pas d’un sujet de crédits, mais d’un sujet de plan de charge et de volonté d’une société de réaliser ce qui lui a été demandé.

Le sujet est le même pour les lignes transversales, et je suis toujours avec intérêt les propositions de la société Railcoop en la matière. En effet, je ne crois pas à l’exploitant unique, et j’ai tendance à écouter les exploitants relevant de l’économie sociale et solidaire lorsqu’ils élaborent des projets avec des personnes parfaitement compétentes.

Le plan de relance prévoit de nouvelles enveloppes dédiées au développement des tiers-lieux. Je vous ferai parvenir les chiffres complets du redéveloppement des tiers-lieux.

J’ai compris qu’il existait un problème particulier sur le territoire de Jean-Claude Leclabart s’agissant des programmes Petites villes de demain. Concrètement, les préfets de département soumettent des propositions sur la base d’un premier canevas élaboré par l’INSEE, suivant les deux critères du bourg-centre et des difficultés économiques et sociales. Dans certains départements, les préfets ont pris l’attache des élus départementaux et des élus nationaux, mais cette méthodologie n’a pas été pareillement déclinée sur tous les territoires. Nous examinons donc les problématiques qui nous ont été rapportées par certains élus.

De son côté, l’ANCT est relativement jeune, puisqu’elle n’a été instituée qu’au 1er janvier 2020, tandis que de nouvelles missions lui ont été confiées durant l’été, alors que ses agents sont également soumis au confinement et peuvent difficilement se déplacer sur les territoires. En tout cas, le recours à l’ANCT est déclenché par le préfet de département, à l’issue d’un dialogue avec les élus. N’hésitez donc pas à dialoguer avec vos préfets. Pour notre part, nous ferons en sorte que ce dialogue s’améliore dans certains départements.

Des inquiétudes ont été exprimées par rapport à la période de Noël. En tout état de cause, le dispositif des volontaires territoriaux en administration ne sera pas opérationnel d’ici Noël. Pour autant, des missions sont confiées aux chambres consulaires, au travers des financements non négligeables. C’est le cas dans mon département, où la chambre de commerce et d’industrie a d’ailleurs désavoué les maires prenant des arrêtés, tout en annonçant qu’elle travaillerait territorialement à l’accélération de la connectique des entreprises locales, par le biais des crédits récupérés au titre du plan de relance. Au sein de mon territoire, des plateformes numériques ont même été dédiées aux réseaux de circuit court, en dehors des PAT, avec vente directe du producteur au consommateur via des plateformes relais déployées par des associations. Certains territoires ont pris de l’avance grâce à des initiatives souvent associatives, mais les chambres consulaires – que les parlementaires doivent mobiliser – ont également un rôle important à jouer.

Au risque de choquer les militants environnementalistes, je rappellerai que les conflits liés aux chiens de troupeau sont d’abord liés aux prédateurs avant d’être liés aux touristes de montagne. Je vois qu’un ancien ministre de l’Agriculture est en train d’acquiescer. En début de législature, nous sommes parvenus à faire en sorte que ces questions de prédation soient à la double signature du ministre de l’Agriculture et du ministre en charge de la Transition écologique, ce qui constitue déjà un progrès, puisque la voix des paysans est désormais entendue. En tant que secrétaire d’État à la Ruralité, je n’exerce aucune compétence particulière dans ce domaine, mais je serai assurément du côté du ministre de l’Agriculture car je sais ce qu’induit la disparition des alpages faute de repreneur, comme je connais les conséquences dramatiques de la fonte du permafrost.

Dans le même temps, je mesure bien ce qu’est le tourisme et ce que peut représenter un afflux de touristes. Nous parvenons à mieux gérer ces flux dans les parcs naturels régionaux ou nationaux, grâce aux agents déployés à cet effet, puisque la pédagogie fonctionne relativement bien. J’ai l’habitude d’avoir affaire à des urbains persuadés que le parc national des Écrins fonctionne comme un zoo, avec des bêtes visibles du premier coup d’œil. Je ne leur en veux pas, puisqu’ils ont toujours vécu en ville. Cela dit, nous devons toujours faire preuve de pédagogie, car les comportements incompatibles subsistent. Pour information, j’ai proposé que des financements bénéficient à des initiatives locales en faveur du pastoralisme afin d’éviter le "pastoralisme-bashing", dans un contexte où les fausses informations se multiplient. Une association des Alpes-Maritimes est venue me trouver à ce sujet, et je suis convaincu que la pédagogie doit commencer par les enfants, notamment les enfants des villes, pour leur expliquer ce que sont ces très beaux métiers indispensables pour les territoires de montagne.

Je n’ai pas nécessairement de réponse à apporter sur les questions traitant de la PAC, puisque je ne suis pas ministre de l’Agriculture, mais j’en ai bien pris note.

Les petites MSAP sont un véritable sujet. À l’instar du président de la délégation, je ne voudrais pas que de petites initiatives locales dépérissent sur l’autel de la normalisation France Service. Nous devons faire passer le message – vous pouvez tous nous y aider – qu’il est dans l’intérêt de tous que les petites MSAP se constituent en réseau, et que les collectivités s’entendent, sachant que la maille intercommunale constitue l’échelon idéal en la matière. Pour ma part, j’ai créé une MSAP avec des antennes, mais seule la MSAP intercommunale est labellisée. Pour autant, localement, des services existent dans les communes. Pôle emploi est présent au bourg-centre, ce qui n’était pas le cas auparavant, sans être présent dans les antennes. De fait, créer un système mutualisé dans lequel les communes se regroupent pour présenter un projet commun me paraît préférable. Si l’intercommunalité s’y refuse, nous ne pouvons pas l’y contraindre. Pour autant, présenter des projets de territoire à plusieurs communes semble possible, et j’examinerai comment y travailler avec Jacqueline Gourault.

Concernant le seuil Natura 2000, vous remarquerez que c’était la première fois qu’une dotation – la dotation Natura 2000, devenue dotation de biodiversité dans la phase suivante – était créée sur les aménités rurales. Il me semble qu’un ancien rapporteur général du budget était très proactif sur ce sujet. Sur ce PLF, nous ne pouvons plus agir. En revanche, j’ai donné une mission aux inspecteurs généraux travaillant sur le rapport relatif aux aménités rurales. Lorsque je les ai rencontrés au titre de la note d’étape, qu’ils présenteront au comité interministériel aux ruralités, je leur ai demandé de travailler sur ces questions de dotation, avec des éléments crédibles. Si l’on me demande une dotation à la ruralité de sept milliards d’euros, je ne saurai pas comment procéder. Je préfère le préciser, car les bonnes idées contenues dans les rapports se heurtent souvent au principe de réalité. En revanche, les abaissements de seuil ne peuvent s’envisager que si l’enveloppe augmente. À défaut, les dotations seront frustrantes, puisque des communes ne percevront que quelques dizaines d’euros. Le rapport sur les aménités rurales devra donc pouvoir être nourri sur ce plan, ce qui nous aidera à faire passer un certain nombre de messages.

Ce rapport devra aussi comporter des comparaisons européennes, sachant qu’un certain nombre d’entre vous m’ont questionné sur les aménités rurales. À ce stade, la comparaison européenne est inexistante. Je connais les pays dans lesquels j’ai travaillé, qui sont plutôt germaniques, ainsi que les pays dont je suis partiellement originaire, qui sont les pays de l’ex-Yougoslavie et l’Italie. Dans ces régions, l’on observe des éléments intéressants sur les dotations de fonctionnement. Par exemple, en Italie, ces dotations n’émanent pas de l’État, mais des régions. Le système est quelque peu particulier, puisque des dotations de fonctionnement sont calculées sur la non-artificialisation des sols, dans une logique de compensation, dans la mesure où l’on considère qu’il n’y a plus de carbone dès lors que les zones naturelles sont plus nombreuses que les zones urbanisées, ce qui correspond à la réalité de la ruralité. La compensation intervient donc par le biais d’une dotation de fonctionnement régionale. Je cite l’Italie, mais l’Italie n’est pas un État fédéral, même s’il est plus décentralisé que d’autres États, étant entendu que les conseils régionaux italiens ont le pouvoir de légiférer, dans le cadre de la loi nationale, mais de manière assez large. Toutes les provinces et régions autonomes d’Italie ont mis en place ce type de solidarité vis-à-vis des aménités rurales, ce qui est notamment le cas des territoires de montagne du Sud-Tyrol et du Val d’Aoste. Nous devrons donc nous pencher sur ces aménités rurales au travers de ce rapport et du CIR.

M. le président Jean-René Cazeneuve. Nous vous remercions pour ces remarques et ces réponses très précises. Vous savez que vous pouvez compter sur la délégation aux Collectivités territoriales et à la Décentralisation, qui dispose d’une force de frappe au service des territoires et des collectivités territoriales de manière générale, et de la ruralité en particulier. Au vu des échanges de ce matin, j’ignore toujours qui dispose d’une vision globale de tout ce qui est mis en œuvre pour les territoires ruraux.

M. Joël Giraud. Le secrétaire d’État dispose de cette vision globale.

M. le président Jean-René Cazeneuve. Peut-être conviendrait-il de répertorier l’ensemble de ces initiatives au sein d’un même document. Comme vous l’avez répété avec passion, nous avons impérativement besoin de ces territoires ruraux, qui constituent une richesse pour notre pays. Nous devons disposer d’une meilleure visibilité pour savoir si ces dispositifs sont ou non suffisants et réorienter notre politique le cas échéant. Je vous saurais donc gré si vous pouviez demander à vos services de travailler à un document de synthèse de toutes ces initiatives.

Merci à tous.

 

 

La réunion s’est achevée à 10 heures 30.

 

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents. – M. Stéphane Baudu, Mme Anne Blanc, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Yolaine de Courson, Mme Laurence Gayte, M. Christophe Jerretie, Mme Catherine Kamowski, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Patricia Lemoine, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, Mme Monica Michel, M. Bernard Perrut, Mme Christine Pires Beaune, Mme Bénédicte Taurine, M. Stéphane Travert.