Compte rendu

Délégation aux collectivités territoriales
et à la décentralisation

 Audition de Mme Jacqueline GOURAULT, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales et de M. Olivier DUSSOPT, Ministre délégué auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, chargé des Comptes publics, sur la situation des finances locales.                             2


Mardi
18 Mai 2021

Séance de 17 heures 45

Compte rendu n° 17

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de

M. Jean-René CAZENEUVE,
Président de la Délégation,

 


—  1  —

 

La réunion débute à 17 heures 45.

 

 

Présidence de M. Jean-René Cazeneuve, président.

 

 

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

 

http://assnat.fr/S38aeM

 

 

La Délégation procède à l’audition de Mme Jacqueline GOURAULT, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales et de M. Olivier DUSSOPT, Ministre délégué auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, chargé des Comptes publics, sur la situation des finances locales.

 

M. le président Jean-René Cazeneuve. Mes chers collègues, nous auditionnons Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, à un moment extrêmement important puisque l’exécution des comptes 2020 est maintenant terminée.

Madame la ministre, monsieur le ministre, je vous remercie de venir devant la représentation nationale, et en particulier devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, pour nous présenter ces résultats qui viennent de sortir. Ce qui nous intéresse est la mesure précise de l’impact de cette crise sur les collectivités territoriales – quelle différence peut-il y avoir de ce point de vue entre niveaux de collectivités ? – ainsi que celui des dispositions que nous avons votées l’année dernière. Considérez-vous que celles-ci ont été pleinement efficaces ?

Au travers des questions que vous poseront les parlementaires, j’imagine que nous évoquerons également les projections que l’on peut faire pour 2021 et pour 2022.

Les collectivités territoriales constatent que l’impact de cette crise a été somme toute relativement modéré, en moyenne, sur l’ensemble d’entre elles, en 2020. Elles continuent cependant de nourrir certaines craintes à l’égard de l’investissement et du Plan de relance – ce qui pose un problème – liées à l’évolution de certaines taxes, dont la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) et la cotisation foncière des entreprises (CFE). Elles en nourrissent d’autres à l’égard d’un éventuel reconfinement. Or ces incertitudes qui pèsent un peu sur tout le monde, et en particulier sur les collectivités territoriales, ne sont pas favorables à l’investissement.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Avec Jacqueline Gourault, nous avons grand plaisir à vous retrouver, après avoir eu la possibilité d’échanger à plusieurs reprises avec vous sur la situation financière des collectivités territoriales, notamment dans le cadre d’un groupe de travail que nous avons mis en place avec les associations d’élus, représentant à la fois le bloc local mais également les départements.

 Ces points sont faits à un rythme mensuel par nos deux équipes, au ministère de la cohésion des territoires et au ministère des comptes publics, avec les structures associatives. Avec Jacqueline Gourault, nous rencontrons également les représentants des associations et les parlementaires impliqués sur ces sujets à intervalles réguliers, afin que l’information soit partagée, que nous sachions exactement de quoi nous parlons ensemble et que nous partions du même constat, à défaut d’être d’accord sur les solutions et sur les évolutions.

Le président Cazeneuve l’a dit à l’instant, les comptes définitifs 2020 des collectivités viennent d’être arrêtés et sont disponibles : à sa demande, nous avons souhaité réserver aux membres de la Délégation aux collectivités territoriales la primeur de ces informations.

Ces comptes nous donnent quatre motifs de satisfaction, sachant qu’ils peuvent être relatifs et que les chiffres que nous vous présentons sont évidemment construits sur des moyennes qui cachent parfois, et même souvent, une hétérogénéité des situations. Nous apportons chaque année les concernant une telle précaution méthodologique. En tout cas, les dégradations que nous craignions ne sont pas intervenues, et c’est tant mieux, car cela signifie que les collectivités ont bien résisté. 

Le premier de ces quatre motifs de satisfaction concerne l’épargne brute des collectivités, qui se maintient à un niveau très proche de celui de 2018, c’est-à-dire largement positif, de l’ordre de 30,6 milliards d’euros en 2020, contre 31,4 milliards d’euros en 2018. L’essentiel de cette baisse est porté par les régions, à hauteur de 700 millions d’euros. Celles-ci constituent par ailleurs la catégorie de collectivités la mieux préservée des aléas conjoncturels à l’avenir, avec le remplacement de sa part de CVAE par de la TVA, beaucoup plus stable et dynamique, et avec une année de référence très favorable, puisqu’il s’agit des recettes de CVAE de 2020 correspondant à la valeur ajoutée des entreprises en 2019.

Le deuxième constat, également rassurant, tient dans le fait que la baisse de certaines recettes spécifiques que nous pouvions redouter en 2020 et pour 2021 a été beaucoup moins importante que prévu, puisque les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ont diminué de 3,6 % pour le bloc communal, et de 1,5 % pour les départements. Ayant en mémoire la situation de 2010 et de 2011, nous pouvions craindre une baisse de 15 %, voire pour certains de 30 %. Tel n’a pas été le cas.

Il en est de même pour le versement mobilité (VM), dont la baisse a été estimée d’abord à au moins 10 %, puis à 8 %, alors qu’en réalité, elle se limite à 4,5 %. Certes, elle est importante mais cependant plus de deux fois inférieure à ce que nous craignions lors de l’examen notamment du projet de loi de finances rectificative du mois de juillet dernier.

Enfin, pour répondre aux inquiétudes relatives au niveau de la CVAE en 2021 du fait de la prise en compte des valeurs imposables de 2020, il apparaît que la perte définitive sera limitée à 1,1 %, ce qui est évidemment beaucoup moins que prévu. Là encore, du fait de l’expérience des années 2010, certains pronostiquaient parfois des baisses de 10 % à 20 %.

Troisième motif de satisfaction : certaines catégories de collectivités, que beaucoup d’entre nous considéraient comme plus fragiles l’année dernière, ont été beaucoup plus résistantes que ce que nous imaginions. C’est notamment le cas des communes de moins de 3 500 habitants, qui représentent 91 % des communes : elles ont vu leur situation s’améliorer en 2020 par rapport à 2019, avec une progression de leur épargne brute de 2,4 %. Certes, cela cache de l’hétérogénéité. Mais cela signifie globalement que la diminution des dépenses constatée par les collectivités locales au cours de l’année 2020, du fait du confinement, a été plus importante pour les petites communes que pour les grandes.

D’ailleurs, ce sont souvent les grandes communes qui ont mis en œuvre des réponses à la crise et des outils d’accompagnement. Les petites collectivités, du fait de leur taille, n’avaient pas les moyens de le faire. Dans le détail, pour les communes de moins de 3 500 habitants, les recettes de fonctionnement ont diminué de 0,9 % et les dépenses de 1,8 %.

S’agissant des départements, leur épargne brute recule de 1,3 milliard d’euros, pour revenir à son niveau de 2018, c’est-à-dire 8,2 milliards d’euros. Là encore, la baisse est beaucoup moins importante que ce que nous pouvions craindre grâce notamment au maintien des DMTO. Nous constatons une baisse légère des recettes de fonctionnement, de 0,5 %. Les dépenses de fonctionnement progressent, quant à elles, de 1,7 %, mais à un rythme finalement pas si éloigné que cela de celui d’avant-crise de 2019, année au cours de laquelle elles avaient en moyenne augmenté de 1,3 %.

Évidemment, cette augmentation de 1,7 % en 2020 s’explique largement par une hausse des dépenses d’allocations individuelles de solidarité (AIS), qui ont progressé en bloc de 5,3 %, et du revenu de solidarité active (RSA) pour 7,3 %, mais là aussi avec de fortes disparités, puisque certains départements, comme celui de la Mayenne, ont vu leurs dépenses de RSA très légèrement baisser, de 0,4 % ou de 0,5 %, tandis que d’autres ont vu les leurs augmenter de 15 %, de 16 %, voire de 17 %.

Enfin, quatrième motif de satisfaction : les collectivités territoriales sont les acteurs publics qui ont le mieux résisté face à la crise. Le solde de leurs comptes est quasiment à l’équilibre fin 2020, alors que le déficit pour l’État est de 7,9 %, et pour les administrations de sécurité sociale de 2,1 % du PIB.

C’est le résultat d’une bonne tenue des recettes fiscales, mais aussi de l’application des mesures de protection qui ont été votées – je pense au filet de protection pour les recettes fiscales et domaniales, aux avances remboursables pour les DMTO et le VM – et de dispositions prévues dans la loi. Pour les régions, par exemple, un mécanisme de plancher portant sur la fraction de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE), dont elles bénéficient, les prémunit de toute baisse liée à la conjoncture économique ou à l’évolution de l’activité.

Ces quatre constats sont très rassurants.

Avant de laisser la parole à Jacqueline Gourault pour aborder l’année 2021, je souhaite dresser un bilan de la mise en œuvre du mécanisme de garantie de recettes en 2020. Le fait que les comptes des collectivités territoriales se soient mieux tenus que ce que nous imaginions, et surtout que les recettes aient beaucoup moins baissé que prévu, a évidemment eu pour conséquence une mobilisation moins importante du filet de sécurité en matière de recettes fiscales et domaniales. Celui-ci, qui a été voté lors de la troisième loi de finances rectificative, a bénéficié à 4 219 communes et intercommunalités, pour un montant d’un peu moins de 170 millions d’euros, loin des 800 millions d’euros à 1 milliard d’euros que nous imaginions devoir y consacrer si les DMTO, y compris ceux des communes, avaient baissé de 25 % ou de 30 % et lorsque nous pouvions redouter une dégradation beaucoup plus forte de la situation économique des collectivités.

S’agissant des DMTO des départements, nous avons versé des avances remboursables, à hauteur de 394 millions d’euros, à la fin de l’année. In fine, le coût réel de ce mécanisme d’acompte, en termes d’avances remboursables, sera de l’ordre de 120 millions d’euros. Là aussi, il faut comparer deux situations : celle que nous avons pu initialement craindre et la baisse effective de ces droits, qui a été limitée à 2 %, ce qui est évidemment très protecteur. J’ai rappelé que les départements n’avaient vu leurs recettes de fonctionnement baisser que de 0,5 % là où l’on s’attendait à une forme d’effondrement.

Parmi les quarante départements qui avaient demandé des avances, seuls trois enregistrent une perte de DMTO par rapport à la moyenne 2017-2019. À l’inverse, quatre départements, qui n’avaient pas formulé de demande, sont en réalité éligibles parce qu’ils remplissaient les critères. Mais certains départements ont fait le choix de ne pas demander d’avance remboursable et de gérer leur année budgétaire ainsi.

Les avances remboursables aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) représentent 584 millions d’euros pour 86 collectivités. Je mets à part le dispositif spécifique pour « Île-de-France Mobilités » qui a mobilisé des sommes beaucoup plus considérables.

 Enfin, nous avons offert aux collectivités territoriales, dès l’été 2020 – et cela a été prolongé jusqu’au 30 juin 2021 – la possibilité de créer un compte dédié pour étaler le coût et le poids des charges spécifiques liées à la crise sanitaire : 240 l’ont utilisée, pour un montant total de dépenses de 633 millions d’euros, 60 % de celles-ci concernant le bloc communal.

Pour les communes et les intercommunalités, ce sont donc 300 millions d’euros qui ne pèseront pas directement sur l’équilibre des comptes 2020, du fait de cet étalement. La baisse de l’épargne brute du bloc communal étant estimée à 1,2 milliard d’euros, cet étalement de charges lié au Covid permet de diminuer de près d’un quart l’effet de la crise sur l’épargne des collectivités. C’est d’ailleurs comme cela que nous l’avions pensé : nous voulions faire en sorte que cet amortissement sur cinq ans ait comptablement moins d’effet sur le niveau d’épargne en 2020 et soit ainsi plus soutenable pour les collectivités.

Voilà ce que je peux dire, en termes de résultats d’exécution, pour les collectivités. Je le répète, il s’agit d’une moyenne et cela peut donc cacher des disparités. Mais, globalement, au moment du bilan, le fait que l’épargne brute des collectivités reste, à quelques centaines de millions d’euros près sur plus de 30 milliards d’euros, au niveau de 2018, que les recettes fiscales aient beaucoup mieux résisté que prévu et que la diminution des recettes de fonctionnement des collectivités ait été beaucoup moins importante que ce que nous craignions, sont de bonnes nouvelles. C’est en tout cas de bon augure pour permettre aux collectivités de participer au rebond. Un certain nombre de dispositifs pour 2021 devraient les accompagner et les rassurer au-delà de la stabilité de la CVAE – ou de sa quasi-stabilité, puisque la baisse n’est que de 1,1 %.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Comme vient de le dire Olivier Dussopt, les perspectives pour 2021 sont rassurantes. Les finances locales reposent en large partie sur des ressources solides qui sont imperméables à la crise, ce qui en soi est une bonne nouvelle. Les principales recettes fiscales locales devraient varier positivement ou rester stables : c’est le cas des taxes foncières, de la cotisation foncière des entreprises (CFE) ou encore de la TVA.

Je ne reviens pas sur la CVAE qui ne devrait donc diminuer que de 1,1 %. Rappelez-vous nos craintes : on parlait de baisses allant parfois jusqu’à plus de 10 % !

Les DMTO continuent d’être encaissés de façon très positive : les encaissements cumulés au 31 mars 2021 par rapport au 30 mars 2020 révèlent une hausse de 10 %. La tendance est encore plus marquée à fin avril, même si nous prenons toujours ces chiffres avec précaution.

Les taxes foncières et la taxe d’habitation sur les résidences secondaires progresseront spontanément de 0,2 % sous l’effet de la revalorisation des valeurs locatives, indexées sur l’inflation. C’est moins qu’en 2020 – 1,2 % – mais cela reste positif, et surtout ce chiffre ne prend pas en considération l’augmentation de l’assiette ni bien sûr l’effet taux qui peut exister ici ou là.

Par ailleurs, des mesures ont été ou seront prises pour soutenir les collectivités qui iraient moins bien. Vous avez à nouveau voté dans la loi de finances pour 2021 des clauses de garantie de recettes, dont le filet de sécurité. Le principe reste exactement le même qu’en 2020 : une dotation budgétaire sera versée en cas de diminution des recettes de la fiscalité en deçà de leur niveau moyen sur les exercices 2017 à 2019. La petite différence étant que le filet de sécurité 2021 n’intègre pas les recettes domaniales.

Nous travaillons aussi avec Olivier Dussopt sur un mécanisme de compensation des recettes tarifaires, afin de couvrir une partie des pertes financières des services et équipements publics gérés en régie. Ce dispositif nouveau fera partie du prochain projet de loi de finances rectificative. Il n’est pas envisagé comme un système général : il ne concerne comme je l’ai dit qu’une partie des pertes, et doit s’appliquer aux collectivités qui auront été particulièrement touchées. Nous sommes en train d’y travailler. Je rappelle que pour les régions, la substitution de la TVA à la CVAE permet d’éviter une baisse puisque la TVA 2021 sera garantie au niveau de la CVAE 2020.

En ce qui concerne les aides budgétaires, le fonds de stabilisation des départements a été réactivé pour 2021 et sera abondé de 200 millions d’euros. Selon les simulations, 45 à 50 départements seront éligibles. Les chiffres seront livrés en novembre, car ils dépendent de calculs qui seront réalisés dans l’année. Par ailleurs, la loi de finances pour 2021 avait retenu la proposition de l’Assemblée des départements de France (ADF) de faire garantir le niveau du fonds de péréquation des DMTO par l’État dans le cas où il se retrouverait en deçà de 1,6 milliard. La baisse très modérée des DMTO rendra cette clause inutile, tant mieux.

Par ailleurs, le ministère de la santé cofinance les centres de vaccination déployés par les collectivités locales. Sont ainsi financées par les Agences régionales de santé (ARS) les dépenses engagées par la collectivité au-delà de ce qu’aurait généré l’activité normale du site, c’est-à-dire les heures supplémentaires, astreintes, nuits, recrutements supplémentaires et faits inhabituels. Pour ce qui est des facilités comptables, la possibilité d’étaler les charges a été reconduite pour les six premiers mois de l’exercice 2021.

Enfin, s’agissant de l’investissement local, plus de 2,5 milliards d’euros sont destinés aux collectivités dans le plan de relance : 950 millions de DSIL (dotation de soutien à l'investissement local) exceptionnelle pour le bloc communal, 650 millions de DSIL rénovation énergétique pour le bloc communal ainsi que 300 millions pour les départements et 600 millions de dotation pour les régions. Début mai, 2,1 milliards étaient déjà programmés. Concrètement, cela signifie que plus de 80 % des dossiers de subvention ont été retenus. Les collectivités en ont été informées ou étaient en passe de l’être début mai. Au total, cela représente à peu près 9 000 projets. Cette rapidité est en soi un motif de satisfaction, car les élus attendent souvent de boucler le plan de financement pour lancer les travaux. C’est aussi une exigence de bonne exécution des crédits régulièrement posée par les députés. Enfin, s’agissant d’un Plan de relance, il y a une obligation de consommation des crédits dans les deux ans.

Mme Christine Pires Beaune. Merci pour ces chiffres. Nous pouvons être rassurés sur les finances des collectivités, même si je suis comme vous très prudente s’agissant de moyennes : il y a toujours des exemples qui s’en éloignent.

J’appelle d’abord votre attention sur le fait que les subventions d’investissement ne sont pas toutes notifiées, en tout cas dans mon département. Or elles ont un effet direct sur l’activité économique. Il ne faut y voir aucune mauvaise volonté de la part des services préfectoraux : simplement, là comme ailleurs, certains salariés sont arrêtés et les préfectures n’ont pas moyen d’instruire plus vite les dossiers.

J’en viens à la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Sur 20 millions de subvention demandées, le Puy-de-Dôme a reçu une enveloppe de 13 millions. Sept millions d’euros de subventions en moins, c’est énorme. Il y a deux ou trois ans, avec une enveloppe bien supérieure, le département était en mesure d’accepter tous les dossiers. Cette année, des dizaines de dossiers de communes très rurales ne pourront être retenus. Je vous demanderai audience, Mme la ministre, ainsi qu’à M. Giraud, pour évoquer ce problème. Peut-être le milliard supplémentaire dégagé pour la DSIL aurait-il pu être en partie orienté vers la DETR.

Enfin, il faut absolument régler le problème des régies thermales. Dans mon département, l’une d’elles est sur le point d’annuler toutes les réservations. Les salariés de ces régies cotisent à l’UNEDIC, ils ont eu droit au chômage partiel et au dispositif de soutien, mais la direction générale des finances publiques (DGFIP) demande le remboursement des aides qui ont été versées jusque-là. C’est incompréhensible, mais je sais qu’Olivier Dussopt regarde le problème de près.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Le problème est réglé pour la régie des thermes de La Bourboule. Pour des raisons juridiques très complexes, les aides qui ont été versées n’auraient pas dû l’être, d’où la demande de remboursement. En revanche, cette régie sera éligible au dispositif de compensation des pertes de recettes que Jacqueline Gourault a évoqué tout à l’heure. J’ai, par ailleurs, demandé à la direction départementale des finances publiques d’attendre que cette nouvelle aide soit versée avant de procéder au remboursement, de sorte qu’il n’y ait pas de rupture de trésorerie. La direction départementale doit en informer la régie.

S’agissant de la DSIL, Jacqueline Gourault et moi avons veillé à ce que les critères d’éligibilité à la DSIL relance, votée en juillet 2020 à hauteur de 1 milliard d’euros – comme d’ailleurs à la DSIL rénovation thermique, dont l’usage était beaucoup plus ciblé – intègrent, outre ceux de la DSIL traditionnelle, des critères de la DETR. Les projets communaux ou intercommunaux qui étaient profilés pour la DETR ont donc accès aux financements de la DSIL relance.

Un mot encore sur les régies. Notre objectif est d’accompagner les régies qui ont une activité industrielle et commerciale et dont la structure des recettes est marquée par une prédominance des recettes tarifaires, donc commerciales. Les thermes en sont un bon exemple, comme les grottes touristiques ou certaines stations de ski.

Certaines de ces régies ont une organisation juridique très complexe, qui fait que, bien qu’étant des SPIC (services publics industriels et commerciaux), elles emploient des salariés de droit public, lesquels ne sont pas éligibles à l’activité partielle, ou qu’elles emploient des salariés de droit privé cotisant à l’UNEDIC, mais avec une structure juridique qui est restée celle d’un SPA (service public administratif), ce qui rend inéligible non pas les salariés mais l’établissement. Nous avons pléthore d’incohérences de ce genre, qui ne sont de la faute de personne et que ni les élus ni les services de l’État n’avaient remarquées, puisque tout fonctionnait très bien depuis trente ou quarante ans. Mais cette question juridique bloque l’éligibilité à l’activité partielle ou au fonds de solidarité, ce qui explique que certaines aides versées indûment doivent être remboursées, comme c’est le cas pour les thermes de La Bourboule. Nous payons collectivement le fruit de l’histoire.

C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec Jacqueline Gourault non pas, comme elle l’a dit, à une couverture totale – nous ne sommes pas là pour compenser les recettes tarifaires, nous nous y opposons depuis des mois – mais à une aide pour les structures publiques qui, à cause de leurs caractéristiques, n’ont pu bénéficier ni des dispositifs de droit commun du secteur concurrentiel, ni du filet de protection fiscale et domaniale que nous avons évoqué. Quelques dizaines ou peut-être centaines de régies ayant un caractère industriel et commercial mais pas nécessairement l’organisation juridique correspondante sont concernées. Cette aide sera importante, puisque le dispositif se montera à quelques centaines de millions d’euros.

M. Jean-Paul Mattei. Certaines communes connaissent un petit décrochage au total entre la dotation globale de fonctionnement (DGF) 2020-2021 et la dotation de solidarité rurale (DSR). A-t-on la justification de cette baisse de ressources, qui peut représenter 5 à 6 % pour certaines d’entre elles ?

Par ailleurs, après la suppression de la taxe d’habitation, avez-vous constaté une augmentation des impôts sur le foncier bâti dans beaucoup de communes ? Les signes que nous donnons sont importants. Observez-vous sur le terrain un phénomène de compensation entre les deux ?

Enfin, si l’on peut se féliciter des mesures qui ont été prises en matière d’investissement, je crains qu’on ait beaucoup de mal à finaliser des projets acceptables dans le délai imparti qui est très court.

M. Christophe Jerretie. Je me réjouis des résultats qui viennent de nous être présentés. Pour ma part j’étais plus optimiste que d’autres, voyant que la baisse des recettes n’était pas si marquée, mais il est important de confirmer que notre pays a bien résisté au niveau local : c’est un bon signe pour la suite.

Il faut également souligner que les collectivités sont désormais armées pour assurer la continuité de leurs investissements et de leurs services publics.

Pour ce qui est des aides directes aux collectivités, comptez-vous dans les mois à venir abandonner les mécanismes généraux au profit de mesures très ciblées sur des collectivités caractérisées par une grande spécificité dans leur perte de recettes, ou alors conservera-t-on les grandes lignes d’aujourd’hui ?

Pour ce qui est des dotations d’investissement, beaucoup d’actes d’engagement et de restes à réaliser vont se cumuler. Comment vos services comptent-ils suivre les choses ? Ma crainte est que les montants en cause augmentent énormément et que les crédits de la DETR ancienne soient moins consommés que ceux de la DSIL exceptionnelle.

Je serai également attentif à l’évolution de la fiscalité sur le foncier bâti, puisque je constate moi aussi que certaines collectivités sont en train d’augmenter leurs taux. C’est assez indolore pour la population, mais c’est contraire à ce que nous avons fait pour réduire le poids de l’imposition locale sur les ménages, et cela me semble être paradoxal dans le moment que nous vivons.

Merci pour finir de nous avoir communiqué si rapidement les informations que nous vous demandions.

Mme Stella Dupont. Je m’associe aux remerciements de Christophe Jerretie : la réactivité de vos services est remarquable.

L’une des spécificités du Maine-et-Loire est l’existence de grandes communes nouvelles qui sont par ailleurs des communes rurales. Le Secrétaire d'État chargé de la Ruralité, M. Joël Giraud, qui était en déplacement dans le département il y a quelques semaines, a été saisi par des maires de communes nouvelles issues du regroupement de nombreux villages, comptant à peine plus de 10 000 habitants, mais qui, du fait de ce dépassement, ne sont plus éligibles à la DSR. La perte n’est pas négligeable – 500 000 euros pour la commune de Brissac-Loire-Aubance, par exemple. Je vous transmettrai leur demande par écrit.

Le département est aussi celui qui compte le plus grand nombre de rivières et de fleuves en France. De ce fait, les intercommunalités compétentes en matière de GEMAPI – gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations –, qui se sont structurées à l’échelle du bassin, sont très préoccupées par la perspective du transfert de compétences, en particulier sur les digues domaniales, prévu en 2024. Lui non plus ne sera pas sans conséquences sur les finances locales, car les dépenses d’investissement et de fonctionnement à engager sont substantielles. Il faudrait donc creuser également cette question avec vos services.

Mme Isabelle Valentin. Deux sujets m’inquiètent. Le premier est la différence entre communes s’agissant de la DGF : celle-ci augmente dans certaines d’entre elles – près de 500 % à Rochefort-en-Yvelines, par exemple – alors que de petites communes de ma circonscription ont subi une baisse de 3 % entre 2019 et 2020, après une diminution de 50 %. Comment supprimer ces inégalités afin de permettre à toutes les communes de développer leurs projets ?

En second lieu, ma circonscription accueille de nouvelles maisons France Services, ce qui est une très bonne chose en soi, mais vient concurrencer les maisons de services au public (MSAP) qui avaient été installées par les mairies. De plus, le financement des maisons France Services est prévu pour deux ans : qu’envisagez-vous pour la suite ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. En ce qui concerne la DGF, elle augmente pour 45 % des communes et baisse pour 53 % d’entre elles. Mais, dans 85 % des cas, la réduction représente moins de 1 % des recettes réelles de fonctionnement (RRF). De quels critères dépend-elle ? D’abord de la diminution de la population, ensuite de l’augmentation de la richesse de la commune, notamment à la suite des nombreux changements de périmètre des intercommunalités. Vous citez des pourcentages élevés ; peut-être s’agit-il de cas particuliers que nous devrions étudier : n’hésitez pas à nous en saisir. Quoi qu’il en soit, l’enveloppe globale de la DGF n’a pas diminué : elle est restée stable, même si, dans le détail, sa trajectoire dépend de la situation des communes et de la manière dont celle-ci évolue.

En ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), nous ne disposons pas encore des données 2021. Mais l’augmentation des impôts est un phénomène classique après un renouvellement électoral – plutôt qu’à la veille des élections… Ainsi, en 2014, 26 % des communes ont revalorisé la TFPB. Peut-être cela va-t-il se reproduire. En tout cas, on ne pourra pas honnêtement dire qu’il s’agit d’une compensation de la suppression de la taxe d’habitation, déjà entièrement compensée sans qu’aucune remarque ne nous ait été transmise à ce sujet – une fois formulées celles qui étaient liées au caractère incomplet de certains états. Ceux qui augmenteront les impôts fonciers devront avoir le courage de l’assumer.

Il n’y a pas de concurrence entre les MSAP et les maisons France Services, puisque c’est pour offrir plus de services publics que le Président de la République a voulu créer ces dernières. Naturellement, nous avons d’abord travaillé avec les MSAP existantes. À mesure qu’elles se mettent à niveau – c’est-à-dire qu’elles font en sorte de compter au moins neuf opérateurs, deux personnes à l’accueil et des horaires d’ouverture suffisamment étendus –, elles reçoivent le label France Services. Bien entendu, d’autres maisons France Services apparaissent aussi ex nihilo. Nous avons laissé aux MSAP existantes le temps de se transformer en maisons France Services, d’où le financement de deux ans annoncé, qui concerne les MSAP. Au bout de deux ans, si celles-ci n’ont pas atteint le niveau requis des maisons France Services, elles ne seront plus financées. Mais La Poste, partenaire essentiel avec lequel nous travaillons, préfère fermer d’emblée certaines de ses MSAP, considérant qu’elles ne pourront pas se hisser à ce niveau ; de telles opérations ont lieu dans le dialogue. Le financement des maisons France Services se poursuivra donc au-delà de deux ans, il n’est pas du tout question d’y mettre fin.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. En ce qui concerne l’évolution de la DGF, l’une des difficultés tient à ce que beaucoup de communes rurales perçoivent à la fois cette dotation forfaitaire – qui fait l’objet d’un écrêtement annuel susceptible d’évoluer avec la population –, la DSR péréquation et la DSR cible.

Les baisses, parfois très fortes, qui ont été constatées en 2018, malgré le maintien de la DGF à un niveau équivalent à celui de 2017, s’expliquaient, comme l’a évoqué Jacqueline Gourault, par le fait que l’intégration de communautés de communes rurales à des intercommunalités urbaines a entraîné une augmentation du potentiel financier agrégé et une perte de DSR cible. Or soit cette dernière est perçue, soit elle ne l’est pas : elle ne fait pas l’objet d’une sortie en sifflet – contrairement à la DSU, dont le montant est lissé selon un modèle algorithmique. Cela peut expliquer une diminution brutale.

Quant à la fraction péréquation de la DSR– par différence avec la fraction cible –, il suffit que les agrégats économiques de la commune évoluent un peu pour que son classement dans la liste des communes éligibles soit modifié. S’il l’est significativement, cela se traduit, à la baisse ou à la hausse, sur le montant de celle-ci.

Voilà la principale explication des augmentations ou des baisses que l’on peut observer dans un contexte global de stabilité de la DGF, étant précisé que les 500 % évoqués correspondent à un cas très particulier.

En ce qui concerne la TFPB, je confirme ce que vient de dire Jacqueline Gourault, qu’il s’agisse de sa remarque contextualisant l’augmentation d’impôt ou du fait que la perte de recettes liée à la réforme de la TH est intégralement compensée. Sur ce dernier point, il subsiste ici ou là quelques difficultés concernant des rôles complémentaires, mais nous les traitons à mesure qu’elles nous parviennent, de manière très protectrice pour les communes ; à cet égard, les situations constatées en 2020 ont quasiment disparu en 2021.

Les seules qui restent en débat sont celles de communes qui ont relevé le taux de la taxe d’habitation en 2018 ou en 2019 et qui, alors que la compensation se fonde sur les valeurs locatives 2019 et sur le taux 2017 – ainsi que nous l’avons toujours annoncé et comme cela a été inscrit d’emblée dans la loi –, revendiquent une compensation liée à l’augmentation de taux intervenue depuis. Parfois, cette augmentation était un acte politique volontaire, que nous ne compensons évidemment pas. D’autres discussions, très peu nombreuses, paraissent plus légitimes : elles concernent des systèmes de convergence dans le cadre de fusions d’intercommunalités, voire des décisions imposées ou fortement induites par tel ou tel rapport émanant d’institutions telles que les chambres régionales des comptes.

En tout cas, les douzièmes de fiscalité versés aux collectivités, qu’il s’agisse des départements ou des communes, témoignent d’une compensation intégrale des éléments de fiscalité locale supprimés, dans les conditions fixées par les lois de finances successives. Cela vaut non seulement de la TH, mais aussi des impôts de production.

Monsieur Jerretie, le rythme de consommation des aides à l’investissement est plus élevé dans le cas des aides spécifiques à la relance – la DSIL rénovation énergétique et, surtout, la DSIL relance – qu’il ne l’est habituellement pour la DSIL et la DETR traditionnelles. Nous veillons cependant à ce que tous les fonds soient engagés de la même manière et nous respecterons toujours la périodicité de deux ans, mais nous avons demandé aux préfets d’être très vigilants quant à la mobilisation des fonds et, lorsque c’est nécessaire et possible, à leur réutilisation au profit des collectivités afin qu’ils ne soient pas perdus.

Madame Dupont, les sujets que vous évoquez sont complexes. Le dépassement du seuil de 10 000 habitants par les communes nouvelles entraîne la fin de l’éligibilité à la DSR, mais peut ouvrir l’accès à la DSU et se traduire par un nouveau mode de calcul de la dotation forfaitaire, la part par habitant augmentant au-delà de ce seuil. Chaque cas est donc particulier. De plus, la création d’une commune nouvelle demeure un acte volontaire, que nous n’imposons jamais. Nous étudierons la situation de près, sans qu’il soit besoin de prévoir un dispositif supplémentaire propre aux communes nouvelles.

Quant à GEMAPI, il faut que nous étudiions la question : je ne dispose pas des éléments me permettant de vous répondre immédiatement.

Pour conclure, les principaux dispositifs appliqués en 2021 résultent des crédits élevés que le Plan de relance met à disposition des collectivités. Si l’on tient compte de la DSIL relance créée en juillet 2020 et de la DSIL rénovation énergétique votée dans le cadre du PLF pour 2021, à chacun de ces deux exercices budgétaires, nous multiplions par un et demi les crédits que l’État consacre à l’aide à l’investissement du bloc local. En effet, depuis 2015, le montant cumulé de la DETR et de la DSIL représente 2 milliards d’euros par an, auxquels ont été ajoutés 1 milliard en juillet 2020 et 1 milliard dans le PLF pour 2021 : c’est pour le moins conséquent, et cela vient s’ajouter au filet de protection fiscal et domanial décidé en 2020 et reconduit, par précaution, cette année sous forme de filet de protection social, l’augmentation des recettes fiscales des collectivités étant plutôt rassurante en 2021.

Nous pensons que l’État n’aura pas à abonder le fonds de péréquation des DMTO, dans la mesure où ce dernier devrait atteindre 1,6 milliard d’euros. Les recettes des DMTO sont en hausse de 22 % sur les quatre premiers mois de l’année par rapport à la même période en 2020 – je rappelle que le confinement avait commencé le 15 mars. La hausse est de 10 % sur le premier trimestre.

M. Christophe Jerretie. La feuille verte du budget communal montre non seulement le montant de taxe foncière perçu par la commune en contrepartie de la suppression de la taxe d’habitation, mais aussi le montant payé par la population communale. À cet égard, on m’a dit en conseil municipal que les habitants payaient pour d’autres collectivités. Avez-vous reçu des témoignages du même ordre ?

Mme Patricia Lemoine. Les députés peuvent-ils savoir quelles collectivités ont bénéficié du filet de sécurité et quel montant elles ont reçu en compensation des pertes de recettes subies en 2020 et en 2021 ? Dans ma circonscription de Seine-et-Marne, une agglomération, qui a reçu une aide financière, affirme, non sans une certaine mauvaise foi, que l’État n’est pas au rendez-vous. Pour ma part, je remercie les services de l’État, qui me fournissent un état très précis de la consommation de la DSIL exceptionnelle, territoire par territoire. Ce sont des éléments importants pour nous.

M. le président Jean-René Cazeneuve. Nombre de collectivités d’outre-mer connaissaient une situation fragile à l’entrée de la crise, alors que la majorité des collectivités de métropole se portaient plutôt bien et ont bien résisté aux conséquences de la pandémie. La crise a-t-elle eu un impact particulier en outre-mer ?

La compensation des pertes de recettes tarifaires concernera-t-elle seulement l’année 2020 ou s’étendra-t-elle à 2021 ?

On s’attend à un rythme de croissance du PIB assez significatif, qui devrait entraîner une hausse du même ordre de la TVA et, plus généralement, des recettes fiscales. Les recettes des collectivités territoriales connaîtront vraisemblablement une dynamique assez forte. Comment faire en sorte que les collectivités se prémunissent contre une crise future ? Pourrait-on instituer, à cette fin, un système de réserves ?

On a connu, l’année dernière, une communication intense sur les effets de la crise. Je comprends parfaitement qu’un certain nombre d’élus aient eu très peur au début de la pandémie et aient lancé des signaux d’alerte. Aujourd’hui, au vu des faits et des chiffres, on peut mesurer objectivement l’ampleur de la crise subie par les collectivités en 2020. Il serait souhaitable qu’on fasse preuve de la même objectivité pour 2021 et 2022. J’entends des élus affirmer que l’année 2020 s’est bien passée mais que 2021 devrait être une année terrible, certains faisant la même prévision pour 2022. Il s’agit, en quelque sorte, d’une guerre de communication, qui a des effets psychologiques néfastes pour notre pays, alors que nous avons besoin d’investir et de mobiliser les crédits du Plan de relance. Comment peut-on travailler avec les élus, les associations qui les représentent pour essayer d’objectiver le plus possible l’impact de la crise sur 2021 et 2022 ? À moins d’un nouveau confinement très dur à la rentrée, on peut prédire que, quelles que soient les hypothèses retenues, les recettes des collectivités territoriales – tant pour le bloc communal que pour les départements et les régions – augmenteront en 2021 et encore plus en 2022.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Madame Lemoine, nous allons rendre publics la totalité des éléments qui ont été évoqués. Nous mettrons en ligne la liste des collectivités ayant bénéficié du filet de protection et les montants qu’elles ont perçus. Cela requiert un peu de temps, car il faut collecter les données auprès de chaque direction départementale des finances publiques (DDFIP). Nous publierons aussi la totalité des sommes attribuées au titre des DSIL rénovation énergétique, classiques et relance, ainsi que de la DETR, de la même manière que nous mettons déjà en ligne les informations relatives à la dotation de fonctionnement. Nous montrerons ainsi, en accompagnant ces données d’éléments d’explication, l’évolution des recettes de telle ou telle collectivité. Autre élément de transparence, nous avons tenu compte des observations faites lors de l’envoi aux collectivités des états fiscaux 1259 de notification des bases fiscales. La feuille d’imposition que recevront les contribuables en septembre aura été actualisée en fonction des modifications intervenues. Nous avons fait en sorte qu’il soit possible d’établir une comparaison entre le taux de 2021 – fruit de l’addition des TFPB communale et départementale – et celui de 2020, ainsi reconstitué. Nous ajoutons une mention, qui sera encadrée, précisant que le taux communal de TFPB correspond à l’intégration de la part départementale après la réforme de la taxe d’habitation. La comparaison des taux les plus élevés se fera à périmètre constant, pour arriver au résultat le plus neutre et le plus transparent possible.

Nous n’avons pas identifié de collectivité ultramarine particulièrement affectée par la crise. L’octroi de mer a baissé de 9,3 % et la taxe sur les carburants de 8,3 %, mais, comme nous avions intégré ces critères dans le dispositif de garantie des recettes des collectivités d’outre-mer, la crise n’a pas dégradé leurs comptes. Nous leur avons versé 27,2 millions d’euros sur un total de près de 200 millions d’euros accordé aux communes et aux intercommunalités au titre des mesures de protection. Par ailleurs, indépendamment de la crise, nous avons signé une dizaine de contrats de redressement avec les collectivités d’outre-mer connaissant la situation la plus dégradée. Toutes ont reconnu que la détérioration de leurs comptes était bien antérieure à la crise.

S’agissant des régies, l’objectif est de compenser la perte de recettes ou la dégradation financière subie en 2020. Nous nous attachons actuellement à définir précisément le périmètre du dispositif, notamment pour tenir compte du fait que certaines régies n’ont d’activité que l’hiver – ce qui rend peu pertinente la date butoir du 31 décembre.

Comment faire en sorte que le ressaut des recettes des collectivités locales se traduise par la constitution d’un fonds de réserve ou de précaution ? Il faut évidemment respecter le principe de libre administration des collectivités. La semaine dernière, devant l’Assemblée des départements de France (ADF), Jacqueline Gourault et moi-même avons lancé des pistes de travail liées à la question des DMTO. Nous avons évoqué la possibilité de constituer des provisions individuellement, la création d’un fonds de réserve national, ou encore la définition d’un tunnel d’évolution au-dessus duquel il faudrait thésauriser pour anticiper de nouvelles crises. Ce ne sont que des pistes de réflexion. À l’échelle communale, les mêmes thèmes pourraient être repris mais les choses seraient plus complexes, puisqu’il s’agirait de respecter la décision libre de 36 000 collectivités, contre une centaine de départements.

Comment faire en sorte que les débats avec certains élus au sein des associations soient les plus objectifs et les plus consensuels possibles ? Il n’y a pas de recette miracle, mais la tenue de réunions trimestrielles, comme Jacqueline Gourault et moi-même en organisons depuis plusieurs mois avec les associations d’élus, les présidents des délégations aux collectivités des deux assemblées et les rapporteurs généraux des commissions des finances de ces dernières concourt à cet objectif. Il en va de même du travail mensuel de nos équipes respectives avec les équipes techniques des associations, qui offre l’occasion de partager des chiffres, de s’appuyer sur des résultats constatés, sur le relevé des comptes de la DGFIP, et de les confronter avec les données des associations. Malgré quelques difficultés, nous avons globalement réussi à nous accorder sur le constat et les chiffres. Le débat est libre sur les solutions et les évolutions.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Certains, localement, peuvent faire preuve de malhonnêteté intellectuelle. Dans la mesure où vous avez accès à toutes les données, vous ne devez pas hésiter à communiquer dans la presse quotidienne régionale, qui touche les gens au plus près, et à adresser des courriers aux maires dans vos départements. Le travail que vous accomplissez au sein de la délégation facilite cette tâche.

M. le président Jean-René Cazeneuve. Mon propos n’était pas polémique. Certains élus manifestent sincèrement leur inquiétude. Il faut rassurer ceux d’entre eux qui sont de bonne foi car, comme on l’a vu l’année dernière, la fiscalité locale des ménages est extrêmement résiliente et les dotations n’ont pas diminué. Les recettes devraient être en croissance en 2021 et, à plus forte raison, en 2022.

Merci infiniment, madame la ministre, monsieur le ministre délégué, d’être venus devant nous et de nous avoir réservé la primeur de ces chiffres. Cela clôt le débat sur l’année 2020.

 

La réunion s’est achevée à 18 heures 50.

 

 

————


 

Membres présents ou excusés

 

Présents. – M. Thibault Bazin, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Yolaine de Courson, Mme Stella Dupont, Mme Laurence Gayte, M. Christophe Jerretie, M. Didier Le Gac, Mme Patricia Lemoine, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, M. Jean-Paul Mattei, Mme Christine Pires Beaune, Mme Laurianne Rossi, M. Stéphane Travert, Mme Isabelle Valentin.

 

 

Excusés.Mme Monica Michel-Brassart.

 

Assistaient également à la réunion : M. Michel Lauzzana, M. Fabrice Le Vigoureux.