Compte rendu

Délégation aux collectivités territoriales
et à la décentralisation

 Audition de M. Joël GIRAUD, Secrétaire d'État auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ruralité.                             2


Jeudi
17 Juin 2021

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 21

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de

M. Jean-René CAZENEUVE,
Président de la Délégation,

 


—  1  —

 

La réunion débute à 9 heures.

 

 

Présidence de M. Jean-René Cazeneuve, président.

 

 

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

 

http://assnat.fr/lqBiQc

 

 

La Délégation procède à l’audition de M. Joël GIRAUD, Secrétaire d'État auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ruralité.

M. le président Jean-René Cazeneuve. Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes très heureux de vous auditionner. Vous avez été longtemps député et la délégation aux collectivités territoriales a salué la création de ce secrétariat d’État chargé de la ruralité auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Mme Jacqueline Gourault.

Les sujets d’actualité sont nombreux et je salue votre présence régulière sur le terrain. Où en est l’agenda rural ? Quel est l’avancement des travaux autour du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit 3DS ? Nous souhaiterions aussi évoquer avec vous la vidéo hebdomadaire La Pause rurale, les déserts médicaux, la mobilité, les petites lignes ferroviaires et le développement des tiers lieux, que vous défendez avec énergie. Avec M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, vous êtes également très impliqué dans le plan Avenir Montagnes.

M. Joël Giraud, secrétariat d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Je suis très heureux de vous retrouver, chers anciens collègues, au sein de la délégation aux collectivités territoriales. Les sujets sont nombreux, en effet, et je les passe régulièrement en revue avec les associations d’élus, pour les tenir au courant des avancées.

En deux mots, pour commencer, la vidéo du mercredi La Pause rurale, est très suivie et donne une vision de la ruralité qui n’est pas inintéressante.

Je suis chargé de faire respecter l’agenda rural, avec Jacqueline Gourault. Dès ma nomination, il y a un an, j’ai voulu l’accélérer. J’ai demandé que des référents ruralité soient nommés dans les cabinets, ce qui répondait à la volonté du Premier ministre, mais aussi dans les grandes administrations de l’État, ce qui était plus novateur. Ainsi nous disposons à présent, au sein des cabinets, des grandes administrations de l’État et des préfectures, de référents qui pensent ruralité quand des dispositions générales sont prises, ce qui est bien utile pour les départements constitués principalement d’une grande métropole et dans lesquels les préfectures s’imaginent parfois que la ruralité s’arrête aux zones périurbaines !

Nous avons encouragé certaines mesures et accéléré les prises de décisions. Nous avons lancé l’opération des volontaires territoriaux en administration (VTA) qui permet à de jeunes diplômés bac+2 d’apporter leurs compétences, le temps d’une mission de courte durée, aux collectivités locales, lesquelles reçoivent une aide forfaitaire de l’État de 15 000 euros. M. Daniel Labaronne tenait tout particulièrement à cette mesure.

Nous avons lancé en octobre dernier le programme Petites villes de demain (PVD). Pas moins de 3 milliards d’euros seront dédiés, jusqu’en 2026, aux bourgs-centres qui rencontrent des difficultés. Ceux-ci, malgré la subjectivité de l’exercice, ont pu être appréciés de manière très consensuelle avec les préfectures. Le programme, destiné aux collectivités de moins de 20 000 habitants, sans seuil plancher, donne de bons résultats. Plus de 1 600 communes, qui comptent entre 220 et 20 000 habitants, en bénéficient, ce qui prouve que, dans certaines zones extrêmement rurales, la notion de bourg-centre est appréciée très largement.

Nous avons redéfini la ruralité selon la nouvelle grille de densité communale, qui a fait l’objet d’un consensus au sein des associations de maires et d’élus. La définition n’est plus négative – auparavant, le rural était ce qui n’était pas urbain. En effet, certaines communes de 2 000 habitants, en zone dense, n’ont rien de rural, tandis que d’autres de 10 000 habitants, dont l’habitat est extrêmement dispersé, relèvent de la plus profonde ruralité. Monsieur le président, vous avez d’ailleurs retenu cette nouvelle définition lors des conclusions de la mission que vous avez menée avec Mme Christine Pires Beaune, relative à la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), et dont j’étais corapporteur.

Le dispositif des maisons France Service, au nombre de 1 300 aujourd’hui, est également important. En tant que maire, j’avais créé l’une des premières d’entre elles. Elles permettent de maintenir des services publics en voie de disparition mais aussi d’en proposer de nouveaux, comme Pôle emploi. Quand les intercommunalités et les communes décident de monter de véritables projets, les résultats sont particulièrement intéressants. Ainsi, dans le Morvan, Pôle emploi, au sein d’une maison France services, propose de nombreux dispositifs, y compris la reprise d’entreprises quand il n’y a pas de repreneur.

Un comité interministériel aux ruralités (CIR) permettra de dresser le bilan de l’agenda rural, sans doute en septembre puisque le Premier ministre souhaite l’inscrire dans la dynamique de l’assemblée générale de l’Association des maires ruraux de France (AMRF). À ce jour, 60 % des mesures de l’agenda rural ont été appliquées et 85 % de celles qui restent sont en cours. Nous avons donc bien avancé.

Je me suis permis d’ajouter certains thèmes, comme celui de l’égalité entre les hommes et les femmes ou des droits LGBT en milieu rural. Nous y travaillons avec Elisabeth Moreno. À la demande du Premier ministre, nous aborderons également celui de la sécurité, à l’heure du Beauvau de la sécurité.

Concernant le secteur de la montagne, qui relève de mes attributions, entre 5 et 6 milliards d’euros ont été versés pour compenser la fermeture des stations en montagne. Cette indemnisation, basée sur la territorialisation, a été accordée aux établissements publics de coopération intercommunales (EPCI) qui comptaient, dans leur territoire, des remontées mécaniques. C’est la première fois qu’une indemnisation supplémentaire, pour des secteurs qui n’étaient pas indemnisés de manière générale, concernait des EPCI. Ces indemnisations ont permis de sauver 99 % des entreprises de cette économie saisonnière et fragile. Des trous dans la raquette existent toujours, notamment du fait de la pluriactivité, qui est très complexe à appréhender, mais d’une manière générale, les choses ont été bien faites.

Le Premier ministre a présenté le 27 mai dernier le plan Avenir montagnes, que j’ai élaboré avec Jean-Baptiste Lemoyne. Il s’agit d’un programme de résilience pour un tourisme diversifié. L’État investit, en collaboration avec les régions, par l’intermédiaire des contrats de plan interrégionaux État-Régions (CPIER) de massif, la Corse relevant, quant à elle, d’un contrat de plan État-Région (CPER) classique. Ce plan sera doté de 150 millions d’euros du côté de l’Etat et d’autant provenant des régions concernées. Nous doublons donc la mise mais n’allez pas croire que les stations de ski seront équipées de canons à neige ! Ce n’est pas l’objectif du plan.

Par ailleurs, une offre d’ingénierie territoriale sera mise en place, dotée de 31 millions d’euros. Portée principalement par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), cette offre vise à accompagner, suite à un appel à manifestation d’intérêt (AMI), une soixantaine de territoires dans la conception de leurs projets de transition. Compte tenu du changement climatique et des habitudes des clientèles, nous souhaitons renouer avec une conception de la villégiature en montagne qui ne dépende plus de l’enneigement des stations. La circulaire relative à l’appel à manifestation d’intérêt a été envoyée hier.

S’agissant de l’investissement, la circulaire, en cours de rédaction, sera envoyée par le Premier ministre dans le courant du mois. Nous souhaitons aller vite, pour encourager les investissements de diversification déjà initiés ou qui attendaient une prestation d’ingénierie pour se développer. Nous mobiliserons l’ensemble des commissaires de massif, qui sont les représentants de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et qui ont déjà été fort sollicités pour élaborer le plan. Ce plan a été salué par les professionnels de la filière et les élus, ainsi que par Régions de France et l’Assemblée des départements de France (ADF), puisque certains départements contribuent de manière assez significative. Tout s’est passé de la manière la plus consensuelle possible en dépit du contexte.

Le projet de loi 3DS arrive en première lecture au Sénat. Sans dédier un volet entier à la ruralité, ce texte prévoit des mesures très attendues, dont le transfert des petites lignes ferroviaires aux régions et le soutien à leur remise à niveau, après des décennies de sous-investissement dans le réseau des dessertes fines. Nous ne sommes pas toujours très aidés par la SNCF : fermer la ligne Épinal-Saint-Dié, à quelques mois seulement de propositions législatives intelligentes, n’était pas particulièrement opportun.

Des dispositions intéressent les maires des communes situées dans des zones protégées. Le monde rural attend avec impatience la réduction de trente à dix ans du délai de prise de possession des biens sans maître. Il en sera ainsi pour les opérations de revitalisation de territoire (ORT) et le Parlement pourrait envisager d’étendre la mesure. Le projet de loi prévoit également d’assouplir le dispositif des ORT : il sera possible d’en mener plusieurs au sein d’une intercommunalité, ce qui permettra de résoudre certains problèmes de zones géographiques.

Un grand nombre de mesures concernent la santé. Ainsi, les collectivités territoriales, notamment les départements et les EPCI, pourront participer au fonctionnement des maisons de santé, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Des départements ont mené des expérimentations très fructueuses mais qui restent juridiquement fragiles. Ainsi, en Saône-et-Loire, il serait possible de contester l’action du dispensaire départemental financé pour lutter contre les déserts médicaux au motif qu’il constituerait une concurrence déloyale. Grâce à ce texte, de telles décisions pourront être prises. Elles s’ajouteront aux mesures de remboursement de la télémédecine et à la possibilité offerte à certains personnels paramédicaux de réaliser des actes médicaux.

Mon secrétariat d’État œuvre de manière interministérielle. Nous ne croulons pas sous les moyens humains propres – la directrice de la ruralité et de la montagne, Mme Simone Saillant, dispose d’un effectif de l’ordre de 2,5 ETPT – et les commissaires de massif sont très sollicités. Ce travail interministériel prend énormément de temps et impose de nombreuses réunions bilatérales. Nous demandons aussi un très important travail de synthèse à l’ANCT. Les préfets de département ont élaboré des stratégies ruralité pour nous permettre de mieux saisir les priorités. Nous en disposons de soixante-seize aujourd’hui, ce qui est un bon chiffre puisque certains départements français sont à dominante très urbaine. Ce travail nous permettra de formuler nos demandes au cours du prochain comité interministériel aux ruralités. Il revient aux territoires de proposer des projets !

La ruralité change considérablement. La crise sanitaire y a contribué. Lors d’une récente réunion de la commission d’évaluation des politiques publiques (CEPP) sur les collectivités locales, il a été relevé que le volume des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) dans les zones rurales était élevé : les transactions immobilières sont allées bon train. Il ne s’agit pas que de résidences secondaires : de nouveaux habitants ont décidé de s’installer. Dans le cadre du New Deal mobile, l’État abandonne 3 milliards d’euros de recettes en échange de l’engagement des opérateurs à accélérer la couverture de l’Hexagone. Le plan de relance mobilise près d’un milliard d’euros pour accélérer le déploiement de la fibre optique avec le plan France Très haut débit. Même si les maîtres d’œuvre sont souvent des collectivités locales ou des syndicats particuliers, ces crédits ont permis de progresser rapidement. Le paradigme a changé, en particulier pour la 4G. La 5G commence, elle aussi, à se déployer, car nous n’avons pas voulu qu’elle soit l’affaire exclusive des villes. Des expérimentations ont lieu en montagne avec le concours de l’Association nationale des élus de montagne (ANEM). En trois ans, nous avons fait plus pour réduire la fracture numérique qu’au cours des dix ou quinze années précédentes. Abandonner des recettes pour qu’une zone soit couverte, voilà une mesure puissante.

Des zones blanches existent encore. Lors d’une visite officielle, nous avons pris conscience, avec la députée Célia de Lavergne, des conséquences pour la haute vallée de la Drôme de l’abandon par Orange du réseau cuivre. Nous avons immédiatement organisé une réunion avec le PDG d’Orange et Cédric O. Le plan issu de nos discussions a été annoncé par le Premier ministre, dans la vallée de la Drôme. Il bénéficiera à l’ensemble du territoire même si certaines mesures seront plus particulièrement destinées aux départements les plus en souffrance. Dès lors que la fibre ne pourra jamais être déployée dans l’ensemble du territoire, nous devons conserver le réseau cuivre.

J’en viens aux espaces de coworking. Notre ministère a été précurseur. Nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt pour les fabriques de territoire, ce qui représente 45 millions d’euros en faveur de l’ingénierie de 300 tiers-lieux, dont la moitié d’entre eux sont situés en zone rurale. Souvent, les politiques rurales et les politiques de la ville se recoupent : trouver un médecin peut s’avérer aussi difficile dans la banlieue d’une grande ville que dans le monde rural. Il en va de même pour les espaces de coworking. Nous souhaitons simplement que les gens vivent bien chez eux et se sentent à l’aise dans leur territoire. Voilà pourquoi nous accompagnons le déploiement d’ingénierie. Nous avons mis à la disposition des communes de moins de 3 500 habitants et des EPCI de moins de 15 000 habitants des prestations gratuites d’ingénierie. Ce soutien est assez puissant : les services centraux de l’ANCT peuvent intervenir sur des sujets d’envergure nationale et les agences associées, sur les sujets relevant de leur compétence, à l’image du programme national « Ponts » du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).

Beaucoup d’élus locaux sont attentifs à nos propositions. J’ai été maire pendant vingt-huit ans et l’Agence nationale de l’amélioration de l’habitat (ANAH) quittait rarement Marseille pour les Hautes-Alpes. Aujourd’hui, grâce à ces dispositifs et aux conventions entre nos agences, les besoins sont mieux pris en compte. Nous avons aussi mis à disposition un marché à bons de commande pour les sujets sur lesquels nous ne disposons pas des compétences requises au sein de l’ANCT. Des projets peuvent ainsi démarrer, grâce aux mesures de gratuité prises par l’ANCT à la demande de l’AMRF. Nous utilisons déjà cette possibilité, par exemple pour des projets culturels. La vallée de la Haute-Durance recèle un trésor de cathédrale industrielle hydraulique. Grâce au marché à bons de commande, nous avons pu envoyer une mission « flash » afin que les élus disposent d’une base pour réaliser un travail de mise en valeur. Électricité de France (EDF) a en effet complètement revu les chaînes hydrauliques de la Haute-Durance.

Grâce aux VTA, aux chefs de projet dans les petites villes de demain et bientôt dans les espaces de montagne sélectionnés, nous sommes présents sur tous les fronts de l’ingénierie. Nous devrons cependant clarifier l’offre d’ingénierie dans les territoires car certains élus, préfets et sous-préfets s’y perdent parfois.

Nous nous occupons, avec Amélie de Montchalin, d’une ingénierie très particulière, celle des secrétaires de mairie, qui sont les premiers points d’entrée du service public dans nos territoires. J’ai coutume de dire que les mairies sont la première maison France services. Dans les tout petits villages, les habitants sont reçus par ces secrétaires qui, soit dit en passant, sont pour 97 % des femmes et 3 % des hommes. Lors du prochain CIR, nous ferons des propositions pour améliorer la formation, la qualification et revoir les systèmes indemnitaires. Ce vrai métier de couteau suisse dans les communes rurales doit être reconnu, quitte à en changer le nom. De fait, les secrétaires de mairie sont devenus de véritables assistants de direction. Dans nos communes, l’ingénierie commence par eux.

Je ne reviens pas sur les détails de la loi 3DS ni sur les mesures liées à la récupération des biens en état d’abandon manifeste – j’avais déjà donné mon avis favorable à une proposition de loi du Sénat pour intégrer les facultés d’expropriation étendues dans le projet de loi 3DS. Ces dispositifs ne doivent pas être réservés aux centres-villes car des immeubles peuvent aussi être abandonnés en zone rurale et ce sont parfois les plus difficiles à récupérer.

Concernant le plan France relance, nous avions estimé l’effet sur les zones rurales à un peu plus de 5 milliards d’euros. Certains programmes ne sont pas inclus. Un programme d’investissement dans une ligne Intercités ou la réouverture d’une ligne de train de nuit, sans être directement fléché pour les zones rurales, leur profitent, à l’instar de la rénovation des trains de nuit sur la ligne Paris-Briançon ou Paris-La-Tour-de-Carol-Enveitg, qui seront réouvertes à partir de l’hiver prochain, en sus des lignes Paris-Nice et Paris-Tarbes. Ces lignes desservent aussi des territoires très ruraux.

Je m’efforce de poursuivre un travail qui a été à la fois perturbé et dopé par la crise. Il est en effet difficile de se rendre dans les territoires pour mener des actions mais le besoin de ruralité est patent. La certitude que la ruralité peut contribuer efficacement à des politiques publiques a fini par gagner les grandes villes et les grandes administrations, jusqu’à présent très méfiantes.

Voyez l’exemple de la vaccination. Tout le monde redoutait de confier des politiques de vaccination à de petites collectivités. Aujourd’hui, neuf des dix départements qui comptent le plus de personnes vaccinées, sont archi-ruraux, comme l’Allier et la Creuse. Les intercommunalités se sont démenées pour ouvrir des centres de vaccination. Les départements aussi ont été très actifs. Des bus France services ont été transformés en bus de vaccination. Des départements, comme l’Allier, ont acheté des bus de vaccination. J’ai d’ailleurs rédigé, avec Brigitte Bourguignon, un petit vade-mecum des bonnes pratiques, pour les diffuser partout. Aujourd’hui, là où les craintes étaient les plus grandes, dans les zones rurales profondes, le nombre de personnes vaccinées est beaucoup plus important que dans la banlieue de Paris. Voilà la réalité !

Je fais partie de ceux qui auront toujours confiance dans les territoires et les élus locaux – sans doute en ai-je été un pendant trop longtemps. En effet, dans la ruralité, la capacité d’innovation est très grande, notamment au sein des territoires qui rencontrent les plus grandes difficultés. Les politiques qui permettent d’accompagner les territoires dans leurs projets sont préférables à des politiques où l’on pense à la place des habitants, ce qui n’est jamais très bon.

M. le président Jean-René Cazeneuve. Nous reconnaissons là votre passion et votre enthousiasme pour votre mission sur la ruralité.

Mme Catherine Kamowski. Je suis députée de la cinquième circonscription de l'Isère, qui comprend la Chartreuse iséroise et les coteaux de Belledonne, jusqu’à Chamrousse, où se trouvent des stations de moyenne montagne. J’ai rencontré le nouveau préfet, qui me dit, au sujet du plan Avenir montagnes, d’attendre. En effet, les préfets semblent ne pas disposer des directives et des décrets relatifs aux dispositions techniques. Le préfet a beau nous dire qu’il s’agit d’une question de jours, nous allons devoir organiser une réunion avec les maires et présidents d’EPCI en septembre, ce qui nous fait perdre deux mois. Les directives relatives au plan Avenir montagnes seront-elles rapidement publiées ?

Entre le plan montage, le tourisme rural et les tiers lieux, je suis ravie que vous soyez notre nouveau ministre. Beaucoup de sujets doivent avancer, en particulier au niveau du déploiement de la fibre en montagne, car certains travaux s’arrêtent avant la fin des stations, ce qui est contraire à notre volonté de retravailler sur l’habitat en montagne. En Isère, l’abandon du cuivre est devenu une règle. On ne rénove plus et très peu de réparations sont réalisées sur ces réseaux. Les maires s’en plaignent. Il faudra revoir ce point rapidement.

Concernant l’ANCT et l’AMI pour la villégiature en montagne, tous les maires et élus concernés par le plan Avenir montagnes seront intéressés. La circulaire n’est partie qu’hier. Les députés pourraient-ils en être destinataires, de façon à être des relais et inciter nos maires ou présidents d’EPCI à se manifester ?

Au sujet du texte 3DS, je participe au groupe de travail sur le titre III, qui se rapporte à l’urbanisme et au logement. Je souhaiterais, à cet égard, aborder plus longuement la question des biens sans maître et de la nouvelle organisation des ORT dans des zones géographiques plus étendues.

Enfin, un peu de chauvinisme : les bus de vaccination existent aussi en Isère, notamment autour du Bourg-d’Oisans. Ils ont remarquablement fonctionné !

Mme Bénédicte Taurine. Le projet de loi 3DS prévoit de transmettre les petites lignes ferroviaires aux collectivités et de faire acquérir certaines lignes par les régions. Dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone, la France vise un développement du transport ferroviaire de plus de 27 % d’ici à 2030 et de 79 % en 2050. Or, aucun investissement massif n’a été réalisé depuis de nombreuses années et de petites lignes risquent d’être fermées. Les finances des collectivités suffiront-elles pour rouvrir de petites lignes ou, a minima, moderniser le réseau ?

Je me suis entretenue dernièrement avec l’ambassadrice et les députés d’Andorre. Vous avez évoqué la ligne de La-Tour-de-Carol. L’ambassadrice me demandait si cette ligne serait bien pérennisée, voire développée. Ces petites lignes sont très importantes, notamment pour des départements ruraux comme l’Ariège. Le train de nuit, que j’emprunte très régulièrement, n’est vraiment pas satisfaisant. J’espère que vous pourrez me confirmer une amélioration pour cet hiver.

Notre voisin allemand a décidé d’investir 10 milliards d’euros dans son réseau ferré en 2019 et a lancé une étude pour rouvrir les lignes fermées. L’Italie investit, quant à elle, 8 milliards d’euros. Selon les associations, il manquerait en France 3 milliards d’euros supplémentaires par an jusqu’en 2030 pour déployer le transport ferroviaire à la hauteur de l’urgence écologique. Le plan de relance prévoit 4,75 milliards d’euros pour le ferroviaire, et seulement 650 millions pour développer les infrastructures, ce qui est largement insuffisant.

En 2017, le président du Cerema, qui fournit une expertise aux collectivités, avait démissionné en dénonçant le manque de moyens. Ceux du centre d’études et d’expertise seront-ils renforcés ?

Mme Anne Blanc. Je voulais saluer aussi bien l’exhaustivité de cet exposé, clair et précis, que le travail réalisé autour de l’agenda rural, grâce au rapport remis par notre collègue Daniel Labaronne. Nos rapports ont beau être très pertinents, leur exécution pêche parfois. Cette fois-ci, ce n’est pas le cas, et nous en sommes tous très heureux. L’existence de ce secrétariat d’État à la ruralité est une chance.

Le réseau France services est extrêmement efficace et pertinent et il a été installé très rapidement. Je déplore cependant le manque d’information de nos concitoyens. Je suis régulièrement sollicitée par nos administrés, que j’oriente vers ce réseau. Un travail d’information est réalisé au niveau local comme national mais si nous souhaitons que le réseau prenne sa pleine puissance, une communication très large est nécessaire. Cet outil est inédit, novateur et très efficace. Il est bien compris par les élus locaux, qui déplorent la désertion des services publics. La réponse me semble idéale aussi est-il important de communiquer au niveau local et national. Nous pourrions le faire par le biais des documents administratifs de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) ou de la Caisse d’allocations familiales (CAF).

J’en viens aux zonages dont nous constatons la multiplication et la superposition. J’ai mené une mission « flash » sur le zonage de revitalisation rurale (ZRR), qui a montré son inefficacité et les inégalités qu’il génère. Le problème est réel mais nous le laissons de côté, car il n’est pas du tout électoraliste. La question ne sera pas traitée d’ici la fin du mandat mais il semble important de la garder à l’esprit, dans un souci de lisibilité pour les territoires et d’efficacité des politiques publiques. Quel est votre avis, monsieur le secrétaire d’État ?

M. Stéphane Travert. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rappelé que le président Cazeneuve insistait sur la qualité du service rendu par les secrétaires de mairie. Mon département, et tous les départements ruraux, voient leur population largement augmenter durant l’été. Celle-ci peut être multipliée par cinq ou dix pour des communes littorales, qui ne comptent que 1 000 habitants en hiver, du fait de l’existence de terrains de camping, de gîtes et d’espaces d’accueil touristique.

Ces communes se heurtent à la difficulté de recrutement de personnels municipaux. Des postes de secrétaires de mairie et de directeurs généraux des services sont nécessaires pour répondre aux obligations imposées à une commune soumise à un tel afflux de population. Or, bien souvent, ces communes ne peuvent rémunérer ces personnels : les régimes indemnitaires ne sont pas adaptés et les montants sont insuffisants.

Des communes de petite taille doivent aussi répondre à des questions très techniques. Par exemple, dans ma circonscription, la commune de Flamanville, qui compte 1 000 habitants, est le siège d’une centrale nucléaire. Les enjeux d’aménagement du territoire ou d’accueil des populations qui travaillent sur ces sites sont très importants. Les communes se heurtent à l’impossibilité de pouvoir recruter des cadres d’un niveau suffisant pour répondre aux problèmes rencontrés. Le projet de loi 3DS permettra-t-il de fluidifier le recrutement et de renforcer les compétences des agents qualifiés dans les petites communes ?

Mme Patricia Lemoine. Ma première question porte sur la DETR, qui préoccupe beaucoup les élus. En Seine-et-Marne, des communes continuent à en bénéficier alors qu’elles appartiennent à une unité urbaine, en l’occurrence celle de Marne-la-Vallée. Ces communes se sont beaucoup développées. Alors qu’elles comptent 15 000 ou 20 000 habitants, elles continuent de recevoir cette dotation, ce qui suscite des interrogations chez un certain nombre de maires des petites communes, dont l’enveloppe est réduite d’autant. Une révision des critères d’éligibilité des communes à la DETR est-elle prévue, et à quel horizon ?

Par ailleurs, si les maires comprennent en général la nécessité de limiter l’artificialisation des sols, ils sont parfois confrontés à des demandes très fortes d’habitants qui souhaitent s’installer en milieu rural, suite à la crise. C’est particulièrement vrai en Seine-et-Marne. Le bâti est souvent ancien et il mériterait d’être réhabilité, ce qui coûte excessivement cher. La construction neuve est donc souvent préférée à la réhabilitation. Si nous voulons que des habitants s’installent en milieu rural, il faudrait dédier des aides à la réhabilitation de l’ancien. Nous limiterions ainsi les constructions neuves dans les dix ans à venir, conformément aux objectifs de la loi Climat et résilience, tout en permettant aux communes d’accueillir des populations et de maintenir services publics et écoles.

M. Joël Giraud, secrétariat d’État. Madame Kamowski, je vous ferai transmettre l’ensemble des circulaires envoyées au préfet, en toute transparence. J’avais pensé à le faire pour le groupe d’étude sur la montagne, il en ira de même pour votre délégation. La première circulaire relative à l’ingénierie de territoire est déjà partie, ce qui permettra de faire remonter une première salve de demandes d’ingénierie, pour trente territoires, par le biais de l’AMI.

La circulaire du Premier ministre sur l’emploi des fonds concerne des dispositions qui s’ajouteront à celles des CPIER de massif, lesquels ne sont pas encore finalisés. Ces dispositions s’intègreront de manière classique aux comités de programmation des contrats de plans. Les fonds seront simplement fléchés vers des mesures de résilience. En effet, dans les contrats de plan de massif, certaines mesures ne relèvent pas de la résilience et de la diversité des économies touristiques. La circulaire est presque prête, nous sommes en train de la terminer avec mon directeur de cabinet. Il s’agit d’une question de jours, et nous nous hâtons car, en montagne, les mois d’enneigement ne sont pas propices aux aménagements et à la construction. Les autorisations d’engagements et les crédits de paiement seront donc beaucoup plus importants en 2022 qu’en 2021 car, en matière d’investissement, tout ne va pas se débloquer brutalement avant les premiers froids.

Concernant la fibre en montage, dans le plan France très haut débit, 150 millions d’euros sont réservés aux raccordements complexes.

Pour ce qui est du projet de loi 3DS, qui sera d’abord présenté au Sénat, le processus parlementaire est en cours. Les commissions se réuniront bientôt et les rapporteurs seront nommés. Sans être le grand soir de la décentralisation, ce texte permettra d’adapter certains dispositifs pour décentraliser, déconcentrer, décomplexifier. Saisissez-vous donc, mesdames et messieurs les députés, de vos prérogatives en commission. Le ministère de la cohésion des territoires est à votre écoute. Du reste, je vous ai presque soufflé des amendements. Jacqueline Gourault a la main sur ce texte mais nous allons travailler ensemble pour l’améliorer et aboutir à des dispositions plus conformes aux attentes des territoires.

Madame Taurine, concernant les trains de nuit, je me suis rendu au centre technique de Périgueux, où j’ai rencontré les organisations syndicales, pour m’assurer que les délais seraient respectés. Demain, la ligne La-Tour-de-Carol-Enveitg et celle de Briançon, lignes historiques dont nous avions obtenu le maintien de haute lutte, seront dotées de nouveaux trains, modernes et beaucoup plus confortables. Pour les avoir essayés, je vous garantis que les couchettes supportent mes 114 kilos ! Les deux lignes complémentaires de Nice et Tarbes suivent dans la foulée.

Ensuite, si nous souhaitons continuer à développer ces lignes, des procédures d’acquisition seront nécessaires, ce qui va impliquer l’action parlementaire. Des arbitrages à Bercy seront nécessaires, et les parlementaires devront peser. La position de mon ministère est parfaitement connue, puisque nous sommes favorables au développement de ces lignes. Je connais aussi des opérateurs publics voisins qui sont prêts à travailler en France, dans des domaines qu’ils n’ont jamais abandonnés. L’Union européenne a lancé un AMI il y a quelques années ; tous les pays européens ont répondu pour faire en sorte qu’un réseau de transport de nuit existe, sauf la France ! Malheureusement, nous avons une fois de plus loupé le coche. Ce faisant, nous avons empêché toute la péninsule ibérique de participer à cette dynamique. Ainsi, des trains de nuit sillonnent l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, l’Italie et les pays d’Europe centrale et orientale. Dans notre pays, ce n’est pas le cas, car on nous a expliqué pendant très longtemps que tout cela n’avait aucun avenir, ce qui en dit long sur la gouvernance d’un établissement devenu une société publique, qui rencontre quelques difficultés à inverser ses modèles.

Nous donnons désormais la priorité aux petites lignes, grâce à un investissement massif mais aussi aux mesures du projet de loi 3DS et de la loi d’orientation sur les mobilités (LOM). Je compte beaucoup sur cette dernière, qui permet à des communautés de communes de se saisir de cette compétence pour assurer le transport du dernier kilomètre. J’ai inclus ces dispositions dans le plan Avenir montagnes, car une gare, un pôle de mobilité ou un transport par câble font aussi partie de la mobilité du dernier kilomètre. Suivant les niveaux de pression divers exercés par les régions, la couverture du territoire n’est pas homogène. Ainsi, plus de 90 % des intercommunalités des Pays de Loire se sont saisies de ces prérogatives pour mener une politique fine, tandis que ce taux s’élève à 3 % en Occitanie, où un tir de barrage a eu lieu pour que ces compétences restent l’apanage de la région.

Je crois à la proximité, et je fais partie de ceux qui pensent qu’il fallait maintenir les départements, surtout dans les territoires sans métropole. Je ne sais comment l’on peut régler le problème de la désertification médicale depuis une grande ville ou le chef-lieu d’une région élargie, où l’on ne connaît pas grand-chose des transports de proximité.

Nous avons mis en place un opérateur, France mobilités, qui propose de l’ingénierie. Sur les 30 millions d’euros du plan montagne, 10 millions sont consacrés à cet opérateur, ce qui témoigne de l’importance que nous accordons au transport du dernier kilomètre. J’espère que nous parviendrons à définir une politique de transport très précise pour l’ensemble des territoires.

En matière de communication sur le réseau France services, nous avons lancé une campagne « France services, proche de vous, proche de chez vous », y compris à la télévision qui reste un média de large audience, même si Mme Blanc, comme moi, ne la regarde peut-être pas. Nous avons lancé une expérimentation pour un numéro unique dans des départements, qui est appelé à s’étendre. Un effort est réalisé pour l’affichage et les critères de labellisations sont affinés. La question de la visibilité a été très bien identifiée et nous menons une forte politique d’accompagnement. Le comité de pilotage de France services est très utile : il nous permet de voir ce qui fonctionne ou non et de décider des meilleures politiques publiques.

Monsieur Travert, je travaille avec Amélie de Montchalin sur l’attractivité des postes de la fonction publique, notamment pour ce qui relève de la ruralité et des demandes d’ingénierie de projet. Le dispositif des VTA fonctionne bien, car nous avons ciblé des profils à partir de bac+2 et une jeunesse qui souhaite soit revenir dans son territoire, soit y rester, soit y poser ses valises. À l’heure actuelle, les demandes sont plus importantes que les offres budgétées, tant de la part des collectivités que des jeunes qui se proposent de rejoindre le dispositif. Nous avons par ailleurs établi un partenariat avec l’association Des territoires aux grandes écoles, qui mène une politique d’accompagnement des jeunes sur les territoires : en rendant possible la valorisation de l’expérience, les jeunes VTA pourront poursuivre des études supérieures dans de grandes écoles. Ainsi, ce passage par les VTA est intéressant. Il nous est cependant plus difficile d’attirer les chefs de projet qui pourraient être plus intéressés par des postes importants dans de grandes collectivités, comme les régions, ou dans le secteur privé, où les postes sont plus rémunérateurs que dans la fonction publique territoriale.

Concernant la montée en compétences pour des communes rurales qui rencontrent des problématiques très particulières, il serait intéressant de travailler sur une ingénierie renforcée au niveau de l’intercommunalité, sous une forme à définir. Pour un contrat de relance et de transition écologique (CRTE), une ingénierie financière dédiée est possible. Dans les PVD, des chefs de projet sont présents et nous pouvons leur adjoindre des VTA spécialisés. Certaines communes ont demandé des VTA spécialisés en urbanisme, parce qu’elles se trouvent en bordure de lac et sont concernées par la loi montagne et la loi littoral, ce qui est source de complexité juridique. Les plus compétents restent les agents d’une direction régionale même s’il leur arrive de ne pas consulter les textes d’assouplissement. Ainsi, dans le Var, les circulaires d’assouplissement prises par Jacques Mézard avaient été complètement ignorées.

Quant aux zonages, un amendement du Gouvernement a été adopté, ce qui nous laisse deux ans pour réfléchir à la question. Nous devrons tout d’abord compulser l’ensemble des études menées, en particulier celle de la DCTD et celle du réseau national des chambres de commerces et d’industrie (CCI France). Dans tous les cas, les mesures n’aboutiront pas au cours de ce quinquennat. Toutes les mesures que le ministère de la cohésion des territoires avait demandées à Bercy ont fait l’objet d’arbitrages du Gouvernement, et ont donc été prolongées de deux ans. À l’heure actuelle, il n’existe pas de groupe de travail dédié à ces questions. Nous verrons d’ici la fin du quinquennat comment les choses avancent, mais je suis plutôt favorable à ce que nous commencions dès maintenant à y réfléchir avec les parlementaires intéressés, de manière informelle.

Madame Lemoine, concernant la DETR, la mission que nous avions débutée, Christine Pires Beaune et moi-même, sous la présidence de M. Cazeneuve, se poursuit avec François Jolivet et Christine Pires Beaune. Lors d’une première réunion, nous avons examiné quelles mesures pourraient être prises dans le prochain projet de loi de finances (PLF). Cependant, étant donné la nomination récente de François Jolivet, nous en sommes restés à un cadre relativement général. Nous avons demandé des monographies par département, pour comprendre la répartition des dotations et les conditions de cette répartition, afin de voir s’il existe un abus de position dominante de la part de certaines collectivités. Cette lecture est difficile, car certains territoires, malheureusement, n’ont pas de projets, nous renvoyant au principe cher au président : « Aide-toi, le Ciel t’aidera ! ».

Dans la circulaire que nous avons signée avec Jacqueline Gourrault, nous rappelions l’existence de l’amendement qui permettait de recentrer la DETR et d’assurer un rattrapage, car il y a plus de différence en euro par habitant rural pour la DETR que pour la dotation globale de fonctionnement (DGF). Nous avons donc recentré le dispositif, grâce à cet amendement conjoint de la délégation et des rapporteurs : il nous permet de converger vers une nouvelle définition de la ruralité, telle qu’elle a été acceptée par l’ensemble des élus. Dans la circulaire, nous avons bien précisé que dans les communes, notamment les communes nouvelles, qui incluaient des petites communes éligibles à la DETR, il convenait que les projets s’orientent vers la partie rurale de la commune nouvelle. Il en va de même pour les EPCI, afin que la DETR ne profite pas seulement à la ville-centre, qui parfois n’y est elle-même pas éligible. Ainsi, avec la direction générale des collectivités locales (DGCL), nous avons complètement modifié la circulaire et précisé ses orientations. Nous en dresserons le bilan pour que, à l’issue du prochain PLF, les dysfonctionnements soient réglés. J’ai beau aimer Annecy, voir cette ville profiter de la DETR parce qu’elle avait englobé une petite commune qui en relevait ne m’a pas fait sourire : les moyens de cette commune sont bien supérieurs à ceux de petites communes des Hautes-Alpes !

J’en viens à l’artificialisation des sols. Nous faisons régulièrement le point avec Jacqueline Gourault au sein du conseil de l’urbanisme. Chaque fois qu’il y a eu des inflexions en faveur des zones rurales et des politiques publiques qui y sont menées, elles ont été à notre initiative. Tout ce qui relève d’un meilleur accompagnement des zones qui incluent des ORT relève de l’initiative de notre ministère, pour encourager des politiques volontaristes. De la même façon, pour le calcul du « zéro artificialisation », la vision départementale que nous avons défendue autorise plus de souplesse. Surtout, il est important que, par le biais des outils relatifs au foncier que nous mettons en place, par exemple ceux qui concernent les biens en déshérence dans le projet de loi 3DS, nous menions des politiques qui soient très largement accompagnées par la Banque des territoires. J’ai constaté hier, avec les présidents de la Banque des territoires et de la Caisse des dépôts et consignations, que nous avancions bien. Les demandes des territoires sont nombreuses, notamment de la part des PVD. Nous allons continuer à renforcer l’ingénierie sur les questions foncières, car il y va de la reconquête des centres-villes par les populations et les petits commerces. En matière commerciale, nous avons offert la possibilité à des communes de déroger à des règles pour pouvoir bloquer des projets de trop grande envergure. Cinq communes ont déjà utilisé ce dispositif, comme Limoges et Moulins, communes qui mènent des politiques de reprise en main de leur foncier en centre-ville. De notre côté, nous encourageons davantage les mesures prospectives que les mesures d’interdiction, ce qui fonctionne bien.

Mme Anne Brugnera. J’ai beau de pas être élue d’un territoire rural, mais de la métropole de Lyon, le sujet de la jeunesse sur nos territoires me tient particulièrement à cœur. Quel est le lien entre les maisons France services et les services proposés à la jeunesse ? Les politiques en faveur de la jeunesse sont réparties entre plusieurs ministères et plusieurs niveaux de collectivité. Une communication d’envergure à destination des jeunes est nécessaire, pour qu’ils trouvent l’aide nécessaire quand ils en ont besoin. Qu’en pensez-vous ?

M. le président Jean-René Cazeneuve. Ma première question concerne le pilotage territorial de l’agenda rural. Un effort très important de territorialisation est réalisé dans le plan de relance. Nous sommes capables, à l’échelle du département, d’évaluer la baisse de la cotisation foncière des entreprises (CFE), le chômage partiel, la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). Voilà qui a beaucoup de valeur. Cent milliards d’euros, cela ne dit pas grand-chose a priori, mais quand nous constatons les résultats dans les territoires, c’est très important. Pourrions-nous imaginer un équivalent pour l’agenda rural ? Pourrions-nous décliner les composantes de l’agenda rural au niveau de chaque département, par exemple en matière d’offres de services ?

Nous ne parlons plus beaucoup des communes nouvelles. L’AMRF y est, de manière générale, opposée. Nous sommes tous extrêmement attachés à nos communes, qui font vivre nos territoires ruraux. Cependant, quand les communes sont trop petites, elles n’ont pas les moyens d’offrir des services. Est-il prévu de donner une nouvelle impulsion à la création de communes nouvelles ?

Enfin, je souhaiterais revenir sur les propos de Patricia Lemoine et vous pousser plus loin dans votre réponse. La loi Climat et résilience contient un grand nombre de dispositions sur l’artificialisation des sols, contrairement à ce qu’ont voulu nous faire croire certaines associations. Les zones à faible émissions (ZFE), si elles ne disent rien sur le papier, deviennent bien concrètes quand les habitants réalisent qu’ils vont devoir changer de voiture pour accéder aux centres-villes. Il en va de même pour l’artificialisation des sols. Sur le papier, nous sommes tous d’accord. Cependant, dans les territoires ruraux, des craintes se font sentir. Réduire l’artificialisation des sols ne doit pas consister à figer la ruralité dans sa ruralité. Au niveau des schémas de cohérence territoriale (SCOT), l’aménagement du territoire doit être pensé de manière globale, par exemple pour rassurer les élus sur le fait qu’ils pourront accueillir des entreprises. Rien ne doit être figé. Nous devons aussi faciliter la densification et la réhabilitation des centres-villes. J’entends les angoisses des maires ruraux ; nous devons les rassurer.

Enfin, j’ai noté votre appel concernant les zonages. Nous pourrons lancer les travaux.

M. Joël Giraud, secrétariat d’État. Concernant la politique de la jeunesse, nous travaillons avec le secrétariat d’État de Sarah El Haïry, chargé de la jeunesse et de l’engagement, pour que l’intégralité de l’agenda rural présente des déclinaisons pour la jeunesse.

Les VTA sont un bon exemple dans le domaine de l’ingénierie, du renforcement de l’apprentissage dans les collectivités locales ou du service civique. Quant aux points information jeunesse (PIJ), des travaux sont en cours pour créer des liens beaucoup plus formalisés avec les maisons France services. Certains territoires ont créé ces liens naturellement, par exemple dans le centre de la France, où des bus PIJ sont devenus des bus France services. Cependant, la formalisation reste insuffisante. J’ai donc demandé que des travaux très précis soient menés, pour que PIJ et maisons France services travaillent de concert. Deux guichets d’entrée pour une même prestation, voilà qui est très dommageable. Un affichage clair doit aussi être déployé. Nous avons soulevé cette question au sein du comité de pilotage des maisons France services, qui se développent harmonieusement aussi bien dans la ruralité que dans les quartiers de la politique de la ville (QPV).

Monsieur le président, vous aviez déjà posé la question de la territorialisation de l’agenda rural lors d’une précédente réunion. J’ai demandé à l’ANCT de travailler à une cartographie départementale publiable et utilisable. Les travaux sont en cours. Vous comprendrez que, avec les 2,5 ETPT de Simone Vaillant, certaines priorités soient passées avant. Cependant, cette question est très importante. Certains objets de la vie quotidienne (OVQ) relèvent de l’agenda rural, mais très peu. Je préfère donc que la cartographie soit généraliste et accessible, tout public, pour permettre à tous de connaître les réseaux par département. Les travaux sont en cours ; il suffit, lors du prochain débat budgétaire, de relever le plafond d’emplois de l’ANCT ! (Sourires.) Je négocie avec Bercy lundi, vous pouvez leur transmettre le message !

Je suis très à cheval sur la question de la territorialisation. Par exemple, le plan Avenir montagnes doit contenir un volet territorialisation fort. Le Jura, le Massif central, les Alpes, ce n’est pas la même chose ! J’ai demandé que ce travail soit réalisé lors du prochain conseil national de la montagne, qui rassemble les élus locaux et les socio-professionnels.

Concernant les communes nouvelles, le projet de loi 3DS n’inclut pas de dispositions nouvelles. L’AMF a plutôt demandé de ne pas toucher au système et de le laisser vivre. Il y a plusieurs écoles. L’AMRF n’est pas contre les communes nouvelles, mais contre l’absence de consultation des populations. Pour ma part, je suis très partagé. Si les populations avaient été consultées, nous aurions pu créer de très belles communes nouvelles, car la population était bien plus proactive que les élus dans un certain nombre de sujets. L’AMF, elle, considère que la consultation est faite pour bloquer. Le dissensus est parfait entre les associations d’élus. Ainsi, rien n’a bougé. Si les parlementaires veulent faire évoluer la situation, notre ministère sera évidemment à l’écoute de leurs préoccupations.

Quant à la zéro artificialisation, j’organise une réunion cet après-midi sur le sujet afin de savoir où nous en sommes de la bonne adaptabilité des mesures aux zones rurales. Le sujet est bien traité, sur le plan législatif comme sur le plan réglementaire. Le diable se cache souvent dans les détails et dans la manière dont les règlements sont rédigés et appliqués dans les territoires. Nous ferons aussi le point sur les régimes dérogatoires, liés par exemple à la présence de plans de prévention des risques naturels (PPRN), qui font que la zéro artificialisation est difficile pour des collectivités où 80 % du territoire fait l’objet d’un PPRN, parfois même le centre-ville. Nous essayerons de vous donner des réponses techniques précises.

Nous ne voudrions pas donner une image fausse de la ruralité, et qu’elle soit pointée du doigt par un texte. Il est nécessaire de trouver des équilibres entre les positions très diverses des élus. Lors d’une récente réunion de l’AMRF, la moitié des maires en appelait à une préservation absolue des terres agricoles, l’autre moitié à desserrer la pression pour bâtir ! La question est complexe. Si nous voulons conserver l’attractivité et la beauté de la ruralité, je ne pense pas qu’un lotissement au pied d’une forteresse cathare soit la meilleure des solutions. Voilà ce que nous devons éviter, et non l’installation de nouveaux habitants autour des centres-villes, qui doivent aussi être reconquis.

Nous avons créé le fonds friches pour des opérations où la solvabilité est impossible à atteindre ; or, elle est quasiment impossible à atteindre partout. Nous avons doublé ce fonds il y a très peu de temps, comme le Premier ministre l’a annoncé, pour cette raison précise. Il est difficile de reconstruire dans les centres-villes et la solvabilité est rarissime. Elle n’est possible que dans des cœurs de ville très développés où le patrimoine est très ancien. Il est plus facile d’agir à Annecy qu’à Puymirol. Le fonds friches améliorera la solvabilité des opérations, qui, sans cela, ne démarreraient jamais dans les centres-villes. Nous y mettons les moyens, et mon espoir est grand. Et ça marche, car nous avons dû doubler ce fonds !

M. le président Jean-René Cazeneuve. Merci infiniment, monsieur le secrétaire d’État, pour votre passion et votre engagement. Nous espérons pouvoir faire un nouveau bilan dans six mois.

 

La réunion s’est achevée à 10 heures 35.

 

————


 

Membres présents ou excusés

 

Présents. – Mme Anne Blanc, Mme Anne Brugnera, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Laurence Gayte, Mme Catherine Kamowski, Mme Patricia Lemoine, Mme Bénédicte Taurine, M. Stéphane Travert.

 

 

Excusés.M. Christophe Jerretie, Mme Véronique Louwagie, Mme Christine Pires Beaune.