Compte rendu

Commission spéciale
chargée d’examiner
le projet de loi relatif
à la bioéthique

– Suite de l’examen, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (n° 3833) (M. Philippe Berta, Mme Coralie Dubost, M. Jean-François Eliaou, M. Gérard Leseul, Mme Laetitia Romeiro Dias et M. Jean-Louis Touraine, rapporteurs)              2

 Présences en réunion.......................................54

 

 


Mercredi
2 juin 2021

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 3

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente, puis de Mme Monique Limon, vice-présidente


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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D’EXAMINER
LE PROJET DE LOI RELATIF À LA BIOÉTHIQUE

Mercredi 2 juin 2021

La réunion est ouverte à quinze heures.

(Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente,
puis de Mme Monique Limon, vice-présidente)

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La commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique procède à la suite de l’examen, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (n° 3833) (M. Philippe Berta, Mme Coralie Dubost, M. Jean-François Eliaou, Mme Laetitia Romeiro Dias et M. Jean-Louis Touraine, rapporteurs).

 

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, nous reprenons nos travaux en poursuivant l’examen des amendements de rédaction globale à l’article 1er, selon les modalités convenues. Je vais cependant redonner la parole très brièvement à ceux de leurs auteurs qui le souhaitent, puisque leur défense a été présentée dès hier soir.

Article 1er (suite) : Élargissement de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

Amendements identiques CS1030 du rapporteur, CS56 de M. Jacques Marilossian, CS1008 de Mme Aurore Bergé, amendements CS867 de Mme Annie Genevard, CS393 et CS394 de Mme Emmanuelle Ménard, CS549 de Mme Sylvia Pinel et sous-amendements s’y rapportant, CS952 de M. Gérard Leseul, CS943 de Mme Marie-Noëlle Battistel et sous-amendements s’y rapportant, CS696 et CS693 de Mme Danièle Obono et sous-amendements s’y rapportant, CS550 de Mme Sylvia Pinel et sous-amendements s’y rapportant, CS690 de M. Bastien Lachaud et sous-amendements s’y rapportant, et CS688 de Mme Danièle Obono et sous-amendements s’y rapportant (discussion commune)(suite).

M. Patrick Hetzel. L’amendement CS867 tend à rétablir l’article 1er dans la rédaction suivante :

« L’article 16‑4 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est interdite toute intervention ayant pour but ou conséquence de concevoir un enfant qui ne serait pas issu de gamètes provenant d’un homme et d’une femme. »

Mme Emmanuelle Ménard. Les amendements CS393 et CS394 visent à faire de la lutte contre l’infertilité une politique de santé publique. Un couple sur six est concerné, ce qui est énorme. L’assistance médicale à la procréation (AMP) ne constitue pas nécessairement une réponse appropriée, dans la mesure où elle n’est pas un traitement de la stérilité, mais un palliatif.

Mme Sylvia Pinel. L’amendement CS549 vise à rétablir la version de l’article 1er adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, afin d’ouvrir l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, dans les mêmes conditions que celles applicables aux couples hétérosexuels, s’agissant notamment de son remboursement par la sécurité sociale. Cette mesure est très attendue.

M. Gérard Leseul. L’amendement CS952 vise à rétablir à l’article 1er ouvrant l’AMP à toutes les femmes dans une version évoluée. Il s’agit d’autoriser l’AMP post mortem ainsi que la fécondation in vitro par réception des ovocytes de la partenaire (FIV-ROPA ou ROPA), et d’ouvrir l’AMP aux trans, afin d’éviter que des personnes, en couple ou non, soient contraintes de recourir à un don de gamètes alors même qu’elles disposent de leurs propres gamètes, frais ou cryopréservés. Cet amendement et le suivant sont complémentaires.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement CS943, de repli, vise à rétablir l’article 1er ouvrant l’AMP à toutes les femmes dans une version n’incluant pas la ROPA, l’AMP post mortem et l’ouverture de l’AMP aux trans.

Mme Sylvia Pinel. L’amendement CS550 vise à rétablir la version de l’article 1er adoptée par l’Assemblée en deuxième lecture, en la complétant par l’ouverture très encadrée de l’AMP en cas de décès du conjoint. Cela permettrait à une personne engagée dans une procédure d’AMP avec son conjoint de la poursuivre avec des embryons issus de ce dernier s’il venait à décéder. L’interdiction de l’AMP post mortem est difficilement justifiable, dès lors que le texte permet aux femmes célibataires de recourir à l’AMP avec tiers donneur anonyme.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. De façon surprenante, j’émets un avis favorable à mon amendement et à ceux qui lui sont identiques, visant à rétablir l’article 1er dans une version quasiment identique à celle adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Par conséquent, les autres recueillent un avis défavorable, les sujets qu’ils abordent ayant été tranchés lors de nos débats d’hier soir et de ce matin. Nous avons rejeté les propositions relatives à l’identité de genre, à la ROPA, à l’ouverture de l’AMP au conjoint survivant, et celles tendant à restreindre l’AMP aux couples de sexes différents ou à en limiter la prise en charge.

Mme Annie Genevard. Madame la présidente, je ne vous cache pas que l’organisation des débats est un peu perturbante. Nous aimerions relancer le débat au fur et à mesure des sujets abordés, d’autant que l’article 1er, que la majorité rétablit après sa suppression par le Sénat, intègre énormément de dispositions.

J’aimerais revenir sur la question du père. L’absence du père est, avec celle de l’enfant, un marqueur tout à fait fâcheux du projet de loi, où il n’est question que du désir des parents. Monsieur le rapporteur, vous semblez mésestimer l’importance du père dans la construction psychologique de l’enfant. En première lecture, Mme Buzyn avait même affirmé en substance que ce n’était pas un problème, car n’importe qui, dans l’entourage de l’enfant, peut tenir lieu de père. Ce raisonnement est irrecevable, la réalité le battant en brèche en permanence.

Vous ne pouvez pas déplorer la fragilité des familles monoparentales et l’absence de père dans les familles dysfonctionnelles et, en même temps, la justifier dans les couples de femmes ou parmi les femmes seules en considérant l’important comme étant le seul fait que l’enfant soit accueilli et aimé. Il s’agit d’une faiblesse majeure du texte et d’une rupture fondamentale avec l’histoire de l’humanité et la construction sociale de nos organisations. L’humanité s’est construite sur l’altérité entre le père et la mère, comme l’ont dit, au demeurant, les représentants des églises que nous avons auditionnés.

Par ailleurs, les débats que nous avons eus depuis hier démontrent bien que certains tentent de pousser les feux un peu plus loin. Monsieur le rapporteur, vous ne dissimulez guère la sympathie que vous inspire la gestation pour autrui (GPA) éthique, que vous évoquez régulièrement. Vous avez émis un avis favorable à la PMA post mortem, qui est pour nous une ligne rouge absolue. Ainsi, le présent texte contient en germe les évolutions pressenties.

Il soulève également le problème du domaine marchand qui s’est développé autour de la procréation. Vous avez peut-être lu, et certainement reçu, l’ouvrage d’Olivia Sarton intitulé PMA : ce qu’on ne vous dit pas. Il s’agit d’un travail très documenté sur le business de l’AMP, particulièrement développé aux États-Unis. Or on sait – on peut le déplorer, mais c’est ainsi – que les grandes évolutions sociétales des États-Unis trouvent souvent un prolongement dans nos sociétés quelques années après leur apparition. Il existe un marché autour de l’AMP et de la fertilité en général. Monsieur le rapporteur, j’estime que vous auriez dû émettre un avis favorable aux amendements de notre groupe visant à encadrer strictement le risque de marchandisation de la fertilité.

Enfin, se pose aussi la question de l’évaluation préalable à l’AMP. Si vous avez écouté attentivement, ce dont je ne doute pas, les trois psychiatres que nous avons auditionnés le 5 septembre dernier, vous vous souvenez qu’ils se sont montrés très dubitatifs sur l’AMP. Il leur semblait indispensable de prévoir un entretien préconceptionnel pour les couples demandant un don de gamètes. Un tel entretien est entaché, à vos yeux, d’une possible accusation de discrimination. Pour ma part, il me semble important d’évaluer si les couples demandant une AMP y sont véritablement aptes, car, plus qu’eux-mêmes, cet acte engage le devenir d’un enfant. Sur ce point, le texte est trop faible et trop peu encadrant. Vous ne pouvez pas vous féliciter des dispositions en vigueur en Belgique et refuser de les appliquer en France.

M. Guillaume Chiche. Je voterai l’amendement du rapporteur. L’ouverture de l’AMP aux femmes cisgenres est un fondement du présent projet de loi. Elle permet d’établir un régime d’égalité et de liberté, sans hiérarchisation des familles concernées ou des désirs d’enfant. Elle permet aussi de mettre un terme aux risques auxquels s’exposent les femmes n’ayant pas le droit, jusqu’à présent, de recourir à l’AMP, qu’ils soient d’ordre financier, en raison des frais qu’elles doivent engager pour se rendre à l’étranger, juridique ou sanitaire – je pense particulièrement aux femmes ayant recours à une AMP dite artisanale.

Nous aurions pu aller plus loin. Tel est le sens de mes sous-amendements, qui visent à ouvrir l’AMP à toute personne en capacité de porter un enfant, ce qui inclut les hommes transgenres. Nous aurions aussi pu augmenter les chances de succès des procédures d’AMP en favorisant et surtout en autorisant la technique de la ROPA, et en donnant aux femmes la liberté de poursuivre leur parcours d’AMP et la réalisation de leur projet parental en dépit du décès de leur conjoint ou de leur conjointe. De même, nous aurions pu donner la possibilité de renoncer à l’appariement des gamètes, en ouvrant à toute personne la possibilité de trouver un donneur hors des contingences d’ordre ethnique ou physique. Lors de l’examen du texte en séance publique, je vous proposerai à nouveau d’aller plus loin, mes chers collègues, afin d’augmenter les chances de succès des procédures d’AMP.

Mme Emmanuelle Ménard. Force est de constater que, s’agissant de l’intérêt supérieur de l’enfant, nous avons des conceptions différentes. La vôtre, monsieur le rapporteur, est à géométrie variable, au gré des projets de loi que nous examinons, selon qu’ils portent sur l’adoption, sur la justice des mineurs ou sur la bioéthique.

En l’espèce, pour mettre un terme à des discriminations entre adultes – hétérosexuels, homosexuels ou femmes seules –, vous en créez de facto entre enfants. Vous avez du mal à me répondre sur ce point. Il ne s’agit pas seulement de questions de cour de récréation, de jalousie entre enfants selon qu’ils sont nés de couples hétérosexuels ou homosexuels, ou qu’ils vivent avec un seul parent. Les enfants issus d’un don de gamètes pourront, grâce au présent projet de loi, connaître l’identité de leur père, ce qui est certes un progrès, car ils le demandent massivement. Toutefois, ils n’auront pas la possibilité d’effectuer une recherche de paternité, ce qui constitue une réduction de leurs droits. Vous prétendez le contraire : c’est faux. De surcroît, la filiation paternelle emporte des conséquences juridiques, notamment en matière de nom de famille, d’héritage et de lien de parenté. Tout cela sera refusé à ces enfants, qui connaîtront peut-être l’identité de leur géniteur, puisqu’on ne peut plus parler de père, mais dont la filiation paternelle ne sera pas clairement établie.

Par ailleurs, vous semblez considérer que le présent projet de loi est une étape sur le chemin de l’AMP post mortem, de la ROPA et de l’ouverture de l’AMP aux trans, ce qui me pose un vrai problème. Des amendements en ce sens ont été examinés, et rejetés de peu. Quant à la GPA, vous n’en contestez absolument pas le principe.

Enfin, nos conceptions respectives de l’embryon diffèrent du tout au tout. Pour moi, il est un enfant à naître ; pour vous, une potentialité d’enfant à naître. Vous balayez donc d’un revers de main nos amendements visant à en améliorer le respect, et notamment à encadrer la production d’embryons surnuméraires. La loi dispose que les techniques permettant d’éviter la fabrication d’embryons en surnombre doivent être privilégiées. Malheureusement, elle n’est pas appliquée. Dans le présent projet de loi, vous allez plus loi et faites fi de la loi en vigueur, dans une transgression qu’il importe de signaler.

M. Raphaël Gérard. Je voterai l’amendement du rapporteur, et je me réjouis que nous rétablissions la version de l’article 1er adoptée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.

Au fil du débat, nous avons vu surgir dans l’opposition le fantasme d’un agenda caché en matière de GPA et de manipulations en tout genre. La stratégie de la droite, notamment de sa frange la plus conservatrice, se dessine ainsi assez clairement. Dans un premier temps, on banalise la transphobie à coups de unes assassines évoquant un délire trans plutôt qu’un délire transphobe. Dans un deuxième temps, on proposera la repsychiatrisation de l’identité de genre et on réinscrira la transidentité sur la liste des maladies psychiatriques. Dans un troisième temps, on proposera de la repénaliser. Et comme on proposera en même temps une justice d’exception, la boucle sera bouclée : on sera parvenu à l’instauration d’un régime qui est tout sauf éthique. Au moins, votre agenda est clair, chers collègues de droite ! Il est annoncé, et on connaît la ligne de votre famille politique à ce sujet.

Quant à mon groupe politique, je ne le dédouane pas. Je considère que nous faisons du sur-place : nous ne créons pas de droit nouveau pour toutes les femmes alors que c’était l’objet du texte en matière d’accès à l’AMP. Pour autant, nous ne supprimons pas les droits acquis, je tiens à rassurer les personnes transgenres sur ce point. La plupart d’entre elles ont accès à l’AMP, dans le cadre de couples hétérosexuels. Le seul cas qui n’a pas été tranché est celui des hommes trans ayant changé leur sexe à l’état-civil, ce que je regrette. Les personnes trans, hormis celles qui sont dans un couple de femmes, auront, comme elles l’ont toujours eu, accès à l’AMP, ce dont je me réjouis.

On peut néanmoins regretter la création d’un système générateur de contentieux. En raison de notre incapacité à faire notre travail de législateur et de notre habitude de renvoyer systématiquement les décisions un peu problématiques au juge, des affaires surgiront dans deux mois, six mois ou deux ans, et seront portées devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui saura trancher ce que nous n’avons pas su trancher.

M. Patrick Hetzel. Le rétablissement de l’article 1er tel qu’il est issu des débats de l’Assemblée nationale démontre que monsieur Touraine refuse manifestement de prendre en considération les débats du Sénat. L’article 1er constitue une rupture de nature anthropologique, contrairement à ce que certains voudraient faire croire. Il institue par la loi des orphelins de père – vous ne pouvez pas dire le contraire, monsieur Touraine. Au demeurant, le débat de ce matin a démontré une volonté assez surprenante de nier la réalité physiologique et biologique.

Tout cela aura un effet domino. Plusieurs spécialistes des questions de bioéthique ont donné l’alerte sur ce point. En défendant nos sous-amendements, nous avons rappelé que le texte est susceptible d’entrouvrir des portes vers la GPA, notamment en permettant, dans un vocabulaire que je n’apprécie guère, l’exportation et l’importation d’embryons. Monsieur le rapporteur, vous arguez que nous n’avons pas vocation à légiférer sur ce qui se passe à l’étranger. Or, dans le cas d’entreprises françaises ayant recours à des sous-traitants qui font travailler des enfants, nous agissons. Pourquoi le même raisonnement ne pourrait-il pas s’appliquer à la GPA ?

Enfin, il est beaucoup question de l’intérêt supérieur de l’enfant. De toute évidence, vous en avez une conception bien particulière, ce qui est dommage. Vous parlez sans cesse de la suppression des discriminations, qui est une bonne chose, mais vous niez que vous en créez de nouvelles.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous voterons l’amendement de monsieur Touraine. En ouvrant l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, nous adaptons le droit à la pluralité des modèles familiaux d’aujourd’hui. L’article 1er est au cœur du projet de la loi.

Toutefois, nous regrettons, comme d’autres, que nous n’allions pas plus loin sur certains sujets, notamment la ROPA et l’AMP post mortem. Les veuves qui ont engagé un projet avec leur conjoint décédé ne pourront pas le mener à son terme ; en revanche, elles pourront bénéficier d’un ovocyte ailleurs. Sur ce point, l’amendement est inachevé.

S’agissant des trans, la loi du 18 novembre 2016 les autorise à changer leur sexe à l’état civil sans être opérés ou stérilisés. Dès lors qu’un trans a la capacité de porter un enfant et d’accoucher, il nous semble incohérent de ne pas en tenir compte dans la rédaction de l’article 1er.

M. Xavier Breton. L’examen de l’article 1er, tant par la méthode que par le contenu, m’inspire des regrets.

La méthode de cette navette parlementaire ne s’inscrit pas dans une logique d’amélioration du texte, mais de confrontation. Le travail du Sénat est mis de côté, comme nous aurons à nouveau l’occasion de le constater. Il est permis de regretter l’absence de toute recherche de consensus et d’équilibre qui prévalait lors des précédentes révisions des lois de bioéthique.

Aucun sous-amendement n’a été adopté. Cela paraît normal pour ceux qui relèvent de positions de principe et actent des divergences ; ça ne l’est pas pour ceux qui visent à améliorer le texte. J’en déduis que la commission spéciale est une chambre d’enregistrement de décisions prises ailleurs.

Sur le contenu, les conceptions divergent. Monsieur le rapporteur, vous vous inscrivez dans une logique de désir des adultes, reposant sur la notion de droit à l’enfant, dont le Sénat a expressément indiqué dans le texte qu’il n’existe pas. Vous avez délibérément supprimé cette mention. Pour notre part, nous nous inscrivons dans une logique de prise en compte des enfants, afin notamment d’éviter les discriminations entre ceux qui auront la chance d’avoir un père et ceux qui ne l’auront pas.

Par ailleurs, ces débats ont le mérite de faire connaître la feuille de route de cette majorité. Après l’introduction dans notre législation du cheval de Troie que constitue la théorie du genre, légitimant les questions soulevées par les transgenres selon des concepts dans lesquels beaucoup s’égarent, l’argument massue consiste à disqualifier toute critique en la qualifiant de transphobe. De nos jours, dès que l’on exprime une position différente, on est accusé de phobie, ce qui interdit de penser. Nous avons même entendu l’un de nos collègues menacer d’attaquer devant les tribunaux, non pas les parlementaires, qui peuvent parler librement, mais ceux de nos concitoyens qui oseraient contester cette pensée unique qui cherche à s’imposer. La dernière étape sera la légalisation de la ROPA et de la GPA, au nom de l’égalité entre adultes, comme l’a très clairement indiqué monsieur le rapporteur.

Mme Elsa Faucillon. Je considère, comme d’autres, que nous aurions pu aller plus loin. Néanmoins, je voterai l’amendement du rapporteur, qui permettra – enfin ! – aux couples de femmes et aux femmes seules d’avoir accès à l’AMP. Il ne s’agit pas, à mes yeux, d’un bouleversement anthropologique. Au demeurant, les bouleversements les plus importants de la famille, autour desquels nous avons su faire évoluer notre législation, concernent le couple hétérosexuel. On convoque souvent l’histoire, comme si les choses étaient immuables dans la famille depuis des millions d’années. Rappelons qu’à l’époque romaine, l’enfant n’était pas toujours élevé dans la famille où il était né. Des évolutions significatives ont eu lieu. La famille est une construction sociale. Ce qui est dur, pour les enfants, est de subir le regard de la société lorsqu’il se teinte de haine et d’intolérance.

À celles et ceux qui considèrent que nous avons des divergences sur l’intérêt supérieur de l’enfant, je réponds non. Toutes les études démontrent que les enfants issus d’une AMP et élevés dans des couples homosexuels ou par des femmes seules vont bien. Nous pouvons également le constater autour de nous. Ce qui est dur, c’est de tomber sur des affiches où ils sont comparés à des OGM. Voilà ce qui est insultant, difficile à vivre et particulièrement discriminant ! Ces enfants vont bien, ce qui démontre que nous sommes guidés par l’intérêt supérieur de l’enfant. Il ne s’agit pas d’un bouleversement, mais d’un progrès vers de l’égalité et de la liberté. L’intérêt supérieur de l’enfant me guide de la même façon quand je demande l’interdiction d’enfermer des enfants dans des centres de rétention administrative (CRA) et le respect de l’ordonnance du 2 février 1945 pour protéger tous les enfants et leur éviter d’aller en prison. Sur cette question, notre cohérence est assez nette.

Je suis très heureuse que nous aboutissions enfin pour toutes les femmes concernées. J’espère que nous irons au bout, et vite.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Mes chers collègues, trente-quatre sous-amendements ont été déposés à l’instant sur des amendements à l’article 2. Certes, sous-amender est un droit qui peut être exercé jusqu’au dernier moment. Toutefois, pour la bonne organisation de nos débats, par respect pour le travail des administrateurs de la commission spéciale et pour laisser le temps au rapporteur de prendre connaissance des sous-amendements, j’aimerais que chacun fasse preuve de retenue en la matière.

Mme Anne-Laure Blin. Les débats que nous avons depuis hier soir m’inspirent de la tristesse. Monsieur le rapporteur, nous ne ressentons absolument pas, de votre part, une attention à ce que nous disons, que nous percevons du terrain, des enfants et des parents. Vraisemblablement, vous voulez avancer à marche forcée. Très clairement, vous répondez aux volontés de certains lobbies et laboratoires, soucieux de commercialisation et impatients que ces nouvelles dispositions soient adoptées. Ce qui est certain, c’est que vous vous apprêtez à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, faisant totalement fi du travail de nos collègues du Sénat.

La nouvelle lecture du texte offre l’occasion de revenir sur des sujets qui, certes, ont été débattus, mais en bioéthique tout n’est pas blanc ou noir. Personne ne détient la vérité, nous l’avons toujours dit. Entendez aussi qu’il peut exister, sur certains sujets, des avis distincts des vôtres, chers collègues. Les sujets de bioéthique méritent l’obtention d’un consensus ; les précédentes révisions des lois de bioéthique ont débouché sur un accord propre à apaiser les débats.

Comme vous l’avez rappelé hier, monsieur le rapporteur, les choses sont ainsi faites que la majorité doit voter en faisant totalement fi de ce que pense la minorité, en l’occurrence l’opposition. Malheureusement, l’article 1er renforce l’artificialisation de la natalité. En supprimant la mention de critères d’infertilité et en renvoyant à un décret la question de l’âge de procréer, vous défaites ce qui a été fait et vous empêchez la société d’évoluer de façon apaisée, calme et consensuelle. Malheureusement, votre projet de loi obéit au diktat de lobbies, ce que nous ne pouvons que déplorer.

M. Julien Ravier. Nos positions sont irréconciliables. S’agissant d’un texte aussi fondamental, c’est regrettable. Quand on voit que la majorité de l’Assemblée nationale et celle du Sénat sont totalement opposées, on ne peut que se dire qu’il serait bon de retirer ce texte et d’attendre un message clair de la part des Français sur des sujets qui entraîneront des modifications anthropologiques aussi profondes. Je ne crois pas que, parmi nous, les uns aient davantage de légitimité que les autres : il faut interroger le peuple français – en lui posant correctement les questions.

L’intérêt supérieur de l’enfant à naître est d’avoir un père et une mère, car on voit bien les difficultés des familles monoparentales. En ouvrant la PMA aux femmes seules et aux femmes en couple, vous autorisez la science à faire naître des enfants orphelins de père. Si de telles situations existent déjà dans l’état de nature, elles sont l’effet de la responsabilité individuelle ; en autorisant par la loi le recours aux techniques d’assistance médicale à la procréation pour les femmes seules et pour les femmes en couple, c’est notre responsabilité collective que vous engagez.

En prétendant lutter contre la discrimination en matière de droit à la PMA et de satisfaction du désir d’enfant, vous créez par la loi une discrimination entre les enfants à naître : les uns auront la chance d’avoir un père et une mère, les autres auront deux mères, d’autres encore seulement une mère. Ce faisant, vous ouvrez la voie à des contentieux avec l’État, qui seront engagés par des enfants souffrant d’être nés sans père. De tels contentieux sont impossibles dans l’état de nature ; la Cour de cassation l’a montré.

Enfin, en autorisant la PMA pour les femmes en couple, vous ouvrez la voie aux revendications des hommes en couple, qui voudront légitimement avoir, eux aussi, le droit à l’enfant, ce qui conduira à la GPA.

M. Bastien Lachaud. Je regrette que nous ayons cette discussion dans le cadre d’une loi de bioéthique alors qu’elle n’y a clairement pas sa place. S’agissant de la PMA, en réalité, la décision a été prise il y a bien longtemps, lorsque nos prédécesseurs ont autorisé le recours à cette technique, permettant ainsi de contourner les problèmes d’infertilité. De même, en ce qui concerne le cas des enfants élevés par des couples homosexuels, la question a déjà été traitée dès lors que l’adoption a été autorisée pour ces couples.

L’enjeu est uniquement d’ouvrir le recours à une technique à toutes les personnes susceptibles d’en bénéficier. Il s’agit donc d’une loi d’égalité. Si nous avions traité la question sous cet angle, non seulement nous aurions gagné beaucoup de temps, mais nous aurions évité les débats sur la GPA, qui n’ont pas lieu d’être. Quoi qu’il en soit, c’est une bonne chose que nous aboutissions : il faut ouvrir à toutes les femmes qui le souhaitent la possibilité d’essayer d’avoir un enfant. La France insoumise votera donc les amendements de rétablissement de l’article 1er.

Monsieur Breton se plaignait qu’il ne soit pas possible de dire tout ce que l’on souhaite sans risquer de se retrouver devant les tribunaux. Nous sommes en République ; le régime politique n’est pas neutre, et l’expression de certaines opinions constitue un délit. C’est le cas du racisme et de toutes les formes de discrimination, qu’elles se fondent sur l’origine, l’identité de genre ou l’orientation sexuelle. Il en va de même pour la transphobie. À cet égard, le fait que nous ayons abordé la question de la PMA dans une loi de bioéthique, et non dans une loi d’égalité, ne nous a pas permis d’envisager son extension aux hommes trans qui pourraient porter des enfants. Nous devrons donc y revenir – très rapidement, je l’espère.

Mme Agnès Thill. J’entends parler sans cesse de rupture d’égalité. Je répéterai donc tout aussi souvent que ce n’est pas le cas. Prétendre le contraire, c’est mentir aux Français, c’est manipuler l’opinion. Le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative de notre pays, a tranché cette question : des situations différentes au regard de la procréation justifient des décisions différentes. C’est la GPA – car on sera obligé d’y arriver, sans même passer par la loi – qui créera des inégalités.

Par ailleurs, vous considérez qu’être père est une fonction, que n’importe quelle personne peut donc exercer. Quant à nous, nous considérons que le père est une nature. Considérer que le rôle du père peut être rempli par n’importe quelle personne relève de l’idéologie. En plus, ce n’était pas inscrit aussi clairement dans votre programme. Vous voulez dépasser les limites humaines. Ne vous étonnez pas ensuite que se développe le « tout est permis ».

Vous créez également une inégalité entre les enfants : ceux qui auront un père et ceux qui n’en auront pas, ceux qui ne seront pas confrontés à l’altérité et ceux qui le seront.

Enfin, que cela vous plaise ou non, les femmes maltraitant leurs enfants, cela existe. Promouvoir la toute-puissance maternelle – car la mère, selon vous, a le monopole de l’amour – c’est être hors-sol. Il n’y a pas que des histoires heureuses. J’en veux pour preuve celle d’une ancienne collègue institutrice, que je ne nommerai pas, évidemment. Cette personne, alcoolique, est allée en Belgique il y a vingt ans pour réaliser une PMA. Depuis lors, elle a été renvoyée de l’éducation nationale. Pour en arriver là, croyez-moi, il faut que les faits soient graves. Imaginez la vie de sa fille ! Nous n’avons pas à assumer la responsabilité de telles situations : c’est aux gens d’assumer leur vie.

M. Philippe Berta. Le groupe MODEM se réjouit du rétablissement de cet article, pour au moins deux raisons. La première est d’ordre sanitaire. Ne soyons pas naïfs, regardons ce qui se passe autour de nous : les pratiques en question existent depuis bien longtemps. Les personnes qui y ont recours doivent se rendre à l’étranger – dans ma région, elles vont en Espagne –, sans aucun contrôle sanitaire de la part de notre pays. La seconde est d’ordre social, car ces pratiques sont réservées à des couples ou à des femmes célibataires qui en ont les moyens.

Nous sommes d’autant plus heureux du rétablissement de l’article 1er que les trois lignes rouges que nous avions fixées, à savoir la GPA, la ROPA et la PMA post mortem n’ont pas été franchies. Nous voterons donc bien sûr l’amendement du rapporteur.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Chers collègues, pour préserver la sérénité des débats, nous nous devons le respect mutuel. Nous avons, les uns et les autres, des avis totalement divergents sur ces questions, mais chacun a le droit d’exprimer ses opinions.

Mme Aurore Bergé. Le groupe La République en Marche se réjouit que la promesse de la PMA pour toutes soit définitivement adoptée en commission spéciale.

Quand il s’agit des droits des femmes, on trouve toujours certaines personnes pour considérer que ce n’est pas le bon moment, que l’on peut attendre. C’est vrai sur ce sujet comme sur d’autres dans le passé, par exemple l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Quant à nous, nous considérons que l’on n’a plus le temps d’attendre, car il s’agit de répondre non pas aux sollicitations de laboratoires ou de lobbies, mais aux demandes légitimes de femmes qui veulent accéder à des droits qui existent déjà pour d’autres. Nous nous réjouissons donc que cet article soit rétabli dans la rédaction que nous avions adoptée précédemment.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Merci, mes chers collègues pour votre confiance dans cet article 1er et pour les beaux débats qui viennent de se tenir. Cet article ne résume pas le projet de loi, mais il en est le cœur. Le Sénat l’a supprimé : merci de le rétablir.

Un certain nombre d’avancées paraissent probables, en tout cas possibles : ROPA, PMA de volonté survivante, PMA accessible aux trans, etc. Certaines ont été adoptées par notre commission ; les autres, ce sera pour plus tard. D’autres sujets, en revanche, ne sont pas en débat car ne ils sont pas d’actualité. C’est le cas, par exemple, de la GPA. Je tiens à laisser à nos successeurs la réflexion sur ce point.

En ce qui concerne la marchandisation, ce n’est pas parce que les États-Unis adoptent un système que l’Europe suit automatiquement. La preuve en est que tout le secteur de la santé est marchandisé aux États-Unis, alors qu’en France il est fondé sur la solidarité nationale. Il en va de même pour la procréation.

Enfin, je ne nie pas que le rôle du père puisse être important. Père moi-même, je suis fier de ce rôle, mais je ne prétends pas être indispensable et non substituable. Les cimetières sont remplis de gens qui se croyaient indispensables… Notre pays autorise déjà les femmes seules à adopter et élever des enfants sans père. Nous n’opérons donc aucune nouvelle transgression : nous ne faisons qu’appliquer à la procréation ce qui existe déjà pour l’adoption.

La commission adopte les amendements identiques CS1030, CS56 et CS1008.

L’article 1er est ainsi rétabli.

En conséquence, tous les autres amendements et sous-amendements s’y rapportant tombent.

 

Article 1er bis A (rétabli) : Extension du périmètre du rapport annuel d’activité de l’Agence de la biomédecine

Amendements de suppression CS1031 du rapporteur, CS86 de M. Jacques Marilossian, CS528 de M. Guillaume Chiche, CS551 de Mme Sylvia Pinel et CS944 de Mme Marie‑Noëlle Battistel.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Cet article a été introduit par le Sénat. Il prévoit la remise d’un rapport établissant la liste des causes et des pathologies ayant motivé le recours aux techniques d’AMP. Si cet objectif nous paraît louable, il aurait pu être satisfait, d’une part, en validant le principe des études de suivi proposées aux personnes inscrites dans un parcours d’AMP – c’est l’article 1er, que nous venons de rétablir – et aux donneurs de gamètes – c’est l’article 2, supprimé par le Sénat mais que nous allons réintroduire –, et, d’autre part, à travers l’article 2 bis, qui met en place un plan de lutte contre l’infertilité, que le Sénat aurait pu ne pas supprimer. Le souhait des sénateurs sera donc satisfait autrement.

M. Jacques Marilossian. Comme l’a dit le rapporteur, il n’est pas utile d’introduire ce dispositif dans le projet de loi ; nous devons supprimer cet article introduit par le Sénat.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous demandons, nous aussi, la suppression de cet article, en cohérence avec notre souhait d’une prise en charge par l’assurance maladie pour les couples hétérosexuels, les couples de femmes et les femmes non mariées.

M. Xavier Breton. C’est très révélateur : notre rapporteur dit que la demande est satisfaite et que l’on peut donc balayer d’un revers de main la rédaction proposée par le Sénat. Voulons-nous vraiment nous inscrire dans une logique de dialogue, de concertation ? Il existe des fractures entre nous. Là, il y a aussi une fracture entre l’Assemblée et le Sénat. Les précédentes lois de bioéthique, en 2004 et en 2011, étaient fondées sur la recherche d’un consensus, d’un équilibre, il y avait un dialogue entre les deux chambres, permettant de progresser de lecture en lecture.

L’article 1er bis A ne pose pas de problème puisque, de votre propre aveu, il est satisfait. Vous auriez pu faire un geste en direction du Sénat en acceptant la rédaction proposée. Votre but est-il donc de déconstruire tout ce qui a été fait par le Sénat ? Si tel est le cas, cela signifie que vous êtes dans une logique de confrontation et non de rassemblement.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er bis A est supprimé et l’amendement CS698 tombe.

 

Article 1er bis (supprimé) : Rapport relatif à la structuration des centres d’assistance médicale à la procréation

Amendements identiques CS1032 du rapporteur, CS530 de M. Guillaume Chiche, CS552 de Mme Sylvia Pinel, CS741 de M. Philippe Berta, CS865 de M. Didier Martin et CS945 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il s’agit, là encore, de rétablir un article que le Sénat a abrogé. Dans la mesure où le Sénat a supprimé la PMA pour toutes, il nous est très difficile de conserver certains des articles qu’il a introduits par ailleurs. Toutefois, certaines des réflexions menées par les sénateurs, notamment en commission, sont susceptibles d’être conciliées avec l’extension de la PMA.

Nous proposons de rétablir l’article 1er bis, qui prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur la structuration des centres d’AMP, avec notamment l’indication des taux de réussite. L’objectif est de mettre en évidence les évolutions nécessaires. Ce sera bénéfique pour le suivi des activités des centres d’AMP.

M. Philippe Berta. L’article en question avait effectivement été introduit par l’Assemblée nationale. On observe une augmentation des problèmes de stérilité. Dans le même temps, force est de constater que, depuis la conception de la petite Amandine, le taux de succès de la procréation médicalement assistée n’a pas augmenté de manière significative. Il convient donc de s’interroger. Il existe une centaine de centres répartis sur l’ensemble du territoire, et certains sont plus performants que d’autres. L’objectif du rapport est de comprendre comment les choses se passent et de dégager de bonnes pratiques pour faire en sorte que tous nos concitoyens, quel que soit le centre auquel ils sont adressés, bénéficient des mêmes chances de succès.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le rapport demandé dans cet article est effectivement très important, notamment en ce qui concerne les taux de réussite.

M. Patrick Hetzel. J’avais déposé un amendement ayant le même objectif, mais dont la rédaction était différente. Il a été rejeté au motif qu’il s’agissait d’un cavalier. Il s’agissait pourtant de remettre au Parlement, avant le 31 décembre 2022, un rapport d’évaluation sur les conditions et les critères d’appariement des gamètes par les centres d’étude et de conservation du sperme humain (CECOS). J’ai du mal à comprendre qu’il ait été considéré comme un cavalier. Certes, la règle de l’entonnoir limite la possibilité de déposer des amendements, mais celui-ci était extrêmement proche de ceux qui nous sont présentés.

Je voudrais également soulever une question de méthode, madame la présidente. Vous avez tout à fait raison de dire que le fait que des sous-amendements soient déposés à la dernière minute pose problème – je tiens d’ailleurs à rendre hommage aux services de l’Assemblée, qui font un travail remarquable. Toutefois, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. En l’occurrence, les rapporteurs ont déposé des amendements dont les autres députés n’ont pu prendre connaissance qu’il y a moins de quarante-huit heures, ce qui ne nous a pas laissé d’autre choix que de les sous-amender tardivement. Même si j’ai bien pris note du fait que vous respectiez notre droit à sous-amender, plutôt que de nous dire de ne pas l’exercer trop largement, vous devriez tancer les rapporteurs : ce sont eux qui nous empêchent de travailler dans des conditions convenables.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. J’avais demandé que les amendements soient déposés le plus tôt possible, précisément pour éviter ce genre de situation. Cela dit, même si cela avait été le cas, nous aurions eu droit aux mêmes sous-amendements, je le crains…

La commission adopte les amendements.

L’article 1er bis est ainsi rétabli.

 

Article 2 (supprimé) : Assouplissement du don de gamètes et autorisation de leur autoconservation

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous allons procéder pour cet article, comme nous l’avons fait pour l’article 1er.

Amendements identiques CS1033 du rapporteur et CS1009 de Mme Aurore Bergé et sous-amendements s’y rapportant, amendements identiques CS553 de Mme Sylvia Pinel et CS946 de M. Gérard Leseul, amendement CS388 de M. Jacques Marilossian et sous-amendement CS1105 de Mme Annie Genevard (discussion commune).

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Mon amendement CS1033 propose de rétablir l’article 2, qui a été supprimé par le Sénat lors de l’examen du texte en séance publique.

Cet article est relatif au don de gamètes et à l’autoconservation à des fins non pathologiques. L’amendement reprend la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, qui résulte d’un compromis avec les propositions de la commission spéciale du Sénat. Il respecte pleinement les choix exprimés par les députés au cours des débats, puisqu’une seule modification est opérée : la rédaction ne comprend pas certaines dispositions superfétatoires – car elles existaient déjà – introduites en séance publique, relatives notamment à l’exportation de gamètes. Nous avons préféré une rédaction commune avec la commission spéciale du Sénat, qui nous a paru plus adaptée et plus lisible. Voilà d’ailleurs qui montre que nous tenons compte du travail de nos amis sénateurs.

L’article 2 permet des avancées réelles et une adaptation à la réalité des pratiques, avec en particulier un recul de l’âge de la première maternité.

Compte tenu des risques évidents de pressions, en particulier à l’encontre des femmes, l’article pose également de nombreux garde-fous. Nous évitons toute forme de commercialisation ou de pressions des employeurs, publics ou privés.

Enfin, cet amendement permet de conserver la possibilité souhaitée par les sénateurs d’une confirmation tacite du consentement au devenir des gamètes à l’issue d’un délai de trois mois.

Mme Aurore Bergé. L’amendement CS1009, émanant du groupe La République en marche, vise à rétablir l’article 2 tel que nous l’avions adopté précédemment. Il pose un certain nombre de garde-fous.

Ainsi, les frais relatifs à la conservation des gamètes ne pourront en aucun cas être pris en charge ou compensés par l’employeur, de manière à éviter toute pression sur les femmes. Cette disposition avait été défendue par notre groupe.

Seuls les établissements publics de santé ou les établissements de santé privés à but non lucratif seront habilités, afin d’éviter toute marchandisation.

L’amendement reprend également un certain nombre d’avancées défendues par la commission spéciale du Sénat, avant que la disposition soit supprimée purement et simplement en séance publique.

Mme Sylvia Pinel. L’amendement CS553 vise à rétablir l’article 2, supprimé par deux fois au Sénat, qui concerne l’autoconservation des gamètes, plus particulièrement des ovocytes. Il s’agit d’une bonne mesure dans la perspective de la prévention de l’infertilité féminine. Par ailleurs, c’est une mesure d’égalité, car les hommes sont autorisés à conserver leurs gamètes : le même droit doit être accordé aux femmes.

Cet article est également important en ce qu’il encadre le don de gamètes : âge du donneur, information, consentement, étude de suivi.

Par ailleurs, il préserve de certaines dérives, notamment celle consistant, pour un employeur, à obliger des salariés à ne pas avoir d’enfants en leur imposant la conservation de gamètes et en prenant en charge les frais relatifs à cet acte.

Enfin, il renforce la législation interdisant l’importation de gamètes.

M. Gérard Leseul. L’amendement identique CS946 vise, comme les précédents, à rétablir l’article 2, relatif à l’autoconservation et au don de gamètes.

M. Jacques Marilossian. L’amendement CS388 vise aussi à rétablir l’article 2, dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement que j’ai présenté et à l’amendement CS 1009 identique, et défavorable aux autres.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Avant que nous ne passions à l’examen des sous-amendements, je donne la parole à plusieurs orateurs.

Mme Annie Genevard. Monsieur le rapporteur, vous avez répondu à l’exemple que je donnais du marché américain que cela ne pouvait en aucune façon concerner la France, en raison des précautions que nous prenions. Je ne partage pas votre optimisme et regrette, sur ce point, que le texte issu du Sénat ait maintenu la possibilité de donner à des établissements privés à but lucratif la responsabilité de conserver les ovocytes.

Je voudrais vous donner quelques éléments supplémentaires tirés de l’ouvrage que j’évoquais tout à l’heure. « L’AMP apparaît […] comme un secteur idéal pour se livrer à la marchandisation du corps humain ». Vous savez, je suppose, que 50 % des actes de PMA sont pratiqués dans des cliniques à but lucratif. Lors d’une audition au Sénat, un membre de la Fédération nationale des biologistes des laboratoires d’étude de la fécondation et de la conservation de l’œuf (BLEFCO) « s’est ému du fait que l’autoconservation des gamètes soit réservée aux centres d’AMP publics et privés à but non lucratif ».

Vous avez répondu à ces récriminations : dans les départements où il n’y a pas d’établissement à but non lucratif, vous ouvrez la possibilité de confier au privé cette lourde responsabilité. Autrement dit, nous sommes déjà engagés dans le processus de privatisation du marché de la fertilité. Comprenez que nous soyons inquiets, d’autant que, dans d’autres pays, ce marché est en pleine expansion. Du reste, bon nombre d’établissements français sont rachetés par des fonds étrangers – suédois, britanniques, australiens ou encore américains. Il n’y a donc pas d’un côté la France vertueuse et de l’autre les méchants pays qui auraient abandonné toute éthique. Le marché s’affranchit des frontières – à cet égard, il en est du marché de la fertilité comme des autres. C’est un point sur lequel je voulais entendre votre avis.

M. Patrick Hetzel. La majorité sénatoriale a considéré que cet article ne constituait pas une évolution positive, permettant d’aider les femmes. C’est ce qui ressort également des travaux de Mme Sarton, auxquels Annie Genevard faisait référence. Mme Sarton cite, par exemple, une étude réalisée par un cabinet d’avocats, selon laquelle le marché mondial des services de fertilité – qui inclut évidemment la PMA à l’international, la conservation des gamètes et la GPA – pourrait représenter, à l’horizon de 2023, un marché de 31 milliards de dollars, chiffre qui doublerait ainsi en moins de cinq ans. Il y a là un risque de glissements éthiques liés à la marchandisation. Le Conseil d’État note d’ailleurs dans son étude : « Un consensus se dégage pour considérer que le dispositif actuel d’autoconservation contre don est contraire au principe de gratuité du don. » C’est bien cela qui est en jeu.

En France, nous avons des chaînes de cliniques de fertilité majoritairement détenues par des grands groupes privés. On peut légitimement se demander ce que ces groupes vont faire. Le texte ne risque-t-il pas de créer un appel d’air ? Les pressions sur les femmes pour qu’elles conservent leurs ovocytes risquent d’être de plus en plus fortes. En Grande-Bretagne, des campagnes de communication de sociétés privées vont dans ce sens. Elles disent en substance : « Devenez libres, conservez vos ovocytes ! » En réalité, la pression des employeurs grandit dans les pays anglo-saxons. Je ne pense pas que nous ayons envie de cela en France. Bien au contraire, s’engager dans cette voie, ce serait rendre un mauvais service aux femmes.

M. Guillaume Chiche. Je soutiendrai naturellement l’amendement du rapporteur, car il permet de conférer aux femmes un nouveau droit, une nouvelle liberté. En leur ouvrant la possibilité de conserver leurs ovocytes, l’article leur donne pleinement le choix dans la conduite de leur vie. C’est une avancée majeure.

Pour autant, monsieur le rapporteur, je vous soumettrai un certain nombre de sous-amendements concernant le consentement du conjoint au don et la possibilité pour les établissements privés lucratifs d’intervenir dans le processus. Je proposerai également de renforcer l’interdiction de prise en charge par les employeurs.

(Présidence de Mme Monique Limon, vice-présidente)

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Tout d’abord, pour écarter les fantasmes autour de la marchandisation, je voudrais lire le texte précis de l’amendement :

« Seuls les établissements publics de santé ou les établissements de santé privés à but non lucratif habilités à assurer le service public hospitalier peuvent, lorsqu’ils y ont été autorisés, procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes […] Par dérogation, si aucun organisme ou établissement de santé public ou privé à but non lucratif n’assure cette activité dans un département, le directeur général de l’agence régionale de santé peut autoriser un établissement de santé privé à but lucratif à la pratiquer, sous réserve de la garantie par celui-ci de l’absence de facturation de dépassements des tarifs […] et des tarifs des honoraires. »

En France métropolitaine, comme dans les outre-mer, il y a un petit nombre de départements dépourvus d’établissements publics capables de réaliser ces actes. Faudrait-il accepter de créer une inégalité dans l’accès à ces techniques ? Certaines femmes devaient aller dans un autre département, parfois même très loin, notamment dans les outre-mer, pour trouver un centre habilité à réaliser ces actes. Or les établissements privés visés auront la compétence pour le faire – les médecins qui y exercent ont été formés exactement de la même façon que les autres – et seront surveillés par l’ARS encore plus étroitement que les centres publics. Il n’y a aucun risque de dérive commerciale ; nous pouvons être entièrement rassurés sur ce point. Je vous exhorte donc à repousser les amendements qui viseraient à susciter des inquiétudes à cet égard.

Sous-amendements CS1501 et CS1498 de M. Thibault Bazin.

M. Julien Ravier. Il est proposé de réserver le don de gamètes aux donneurs ayant déjà procréé par les voies naturelles. Nous souhaitons rétablir cette disposition, supprimée par la loi de bioéthique de 2011.

Les gamètes ne sont pas n’importe quel produit du corps humain : il s’agit du patrimoine génétique et le donneur qui n’a pas procréé ne peut pas réaliser la portée de son geste.

Par ailleurs, c’est le seul moyen de nous assurer que le donneur sera capable d’appréhender la relation qu’il pourrait avoir dix-huit ans plus tard, si l’enfant issu du don a été privé d’un père ou d’un deuxième parent.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous proposez de rétablir une disposition qui s’est révélée peu efficace et qui va limiter considérablement la possibilité de don. Exiger que les donneurs aient déjà procréé n’a aucune justification et repousse leur âge moyen, ce qui est néfaste pour ceux qui vont bénéficier du don. C’est pourquoi cette disposition avait été abrogée en 2011. Il ne serait pas raisonnable de revenir à un état antérieur du droit prévu par excès de prudence, qui s’est avéré inutile et serait seulement de nature à aggraver la pénurie de dons de gamètes.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Sous-amendement CS1771 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Cette disposition a été abrogée par la loi de bioéthique de 2011. Or supprimer l’exigence que les donneurs aient déjà procréé n’a rien d’anodin, et donner ses ovocytes sans avoir procréé présente de nombreux inconvénients.

Un donneur qui n’a pas procréé ne peut réaliser la portée de son geste. C’est le fait d’avoir déjà procréé qui permet de consentir en connaissance de cause. Les conditions de l’expression d’un consentement libre et éclairé ne seraient donc pas réunies.

Pour les donneurs n’ayant pas procréé, le don de gamètes risque de susciter des conséquences psychologiques graves, allant de la préoccupation jusqu’au fantasme nourri à propos des enfants issus du don, notamment si le donneur n’a pas eu d’autres enfants par la suite.

Enfin, pour une femme, la stimulation ovarienne n’est pas sans risque.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1088 de Mme Emmanuelle Ménard et CS1770 de Mme Agnès Thill.

Mme Emmanuelle Ménard. Je comprends la préoccupation du rapporteur à propos de la pénurie de gamètes, qui serait accentuée par l’adoption de ce projet de loi. Mais il est essentiel d’exiger que le donneur de gamètes ait procréé, pour qu’il puisse réaliser la portée de son geste et pour prévenir d’éventuelles conséquences psychologiques, notamment lorsque le donneur n’aura pas eu d’autre enfant. On peut imaginer qu’en vieillissant, le donneur vienne à regretter de ne pas connaître la progéniture issue de son don.

Par ailleurs, concernant les dons d’ovocytes, la stimulation ovarienne pour les femmes n’est pas sans risque. Il pourrait arriver qu’à la suite d’un don, la donneuse ne soit plus capable de procréer.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable à la réintroduction de l’obligation de procréation antérieure pour tout donneur. Elle n’aurait que des effets négatifs.

La commission rejette les sous-amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement CS1778 de Mme Agnès Thill.

Sous-amendement CS1775 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Je propose d’exclure la possibilité de procréation post mortem. Il faut continuer d’appliquer les règles en vigueur sur la destruction des gamètes et embryons dont le donneur est décédé.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il n’y a aucun lien familial entre le donneur et l’enfant issu du don, qui ne peut donc être l’enfant d’une personne décédée. Les gamètes sont conservés, et si le donneur a un accident, rien n’empêche de les utiliser. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1718 de M. Patrick Hetzel, CS1736 de M. Xavier Breton et CS1801 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Pour assurer une meilleure information du donneur, il est nécessaire de porter à sa connaissance l’existence d’association de donneurs qui pourront partager leur expérience.

M. Julien Ravier. Il est important que le donneur de gamètes ait la meilleure information possible sur l’acte qu’il va réaliser.

Le rapporteur estime que la disposition abrogée en 2011 n’avait pas d’utilité. Nous proposons de la réintroduire parce que les dispositions ont changé : vous modifiez le cadre de la PMA en l’autorisant pour les femmes seules ou les couples de femmes. Si le donneur est un homme, il est utile qu’il sache ce que signifie être père pour se projeter, et comprendre qu’il fait un don qui permettra la naissance d’un enfant sans père. D’où l’importance de réévaluer cette disposition, dont la pertinence était peut-être moindre en 2011.

Mme Anne-Laure Blin. Les hommes doivent bénéficier d’une plus grande transparence et d’une meilleure information. Le mécanisme d’information n’est pas très étoffé, il faut que le donneur puisse échanger sur les modalités et les répercussions de son don.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Soyez rassurés, le donneur reçoit beaucoup d’informations, y compris sur le fait que son identité sera révélée dix-huit ans plus tard à l’enfant qui pourra naître de son don. Il n’est pas nécessaire de l’inciter à se mettre en contact avec des associations. Avoir donné ne lui ouvre aucun choix sur la famille ou la personne qui recevra son don. Celui qui ne veut pas permettre la procréation d’un couple de femmes ou d’une femme seule ne doit pas donner du tout.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements CS1085 et CS1086 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Nous estimons que le donneur doit recueillir l’accord de son conjoint ou de l’autre membre de son couple pour effectuer le don. Imaginez les conséquences qu’un don de gamètes qui aurait été caché à l’autre membre du couple pourrait produire lorsque l’enfant né du don aura accès à l’identité du donneur. S’il venait à se présenter pour demander à faire connaissance avec son géniteur alors que le conjoint n’est pas au courant, cela pourrait être une catastrophe. Il convient de prévenir une telle situation en requérant le consentement du conjoint au moment du don.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’enfant devenu adulte qui voudra rencontrer son géniteur ne pourra le faire que si ce dernier a donné son accord. J’imagine que dans ce cas, il préviendra son conjoint.

Mme Emmanuelle Ménard. L’enfant saura le retrouver !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il n’y aura aucune rencontre si le donneur n’est pas d’accord. S’il veut recevoir l’enfant né du don, il préviendra naturellement son conjoint. Mais il n’est pas question qu’une personne vienne sonner à la porte à l’improviste.

Par ailleurs, vous défendez un archaïsme que nous sommes le dernier pays en Europe à maintenir : considérer que le don n’est pas une affaire de personne, mais de couple. Plus aucun pays d’Europe ne retient la conception de dons de couple à couple, nos voisins considèrent qu’il s’agit d’un individu volontaire pour donner. En parler à son conjoint relève de sa liberté. Nous nous mettons en conformité avec la situation dans le reste du monde, et c’est bien légitime car cette conception est d’un autre siècle.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1717 de M. Patrick Hetzel, CS1735 de M. Xavier Breton, CS1764 de M. Julien Ravier, CS1773 de Mme Agnès Thill et CS1800 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Que le reste de l’Europe n’applique pas cette disposition n’est pas un argument : nous sommes législateurs français et nous prenons les décisions qui concernent notre pays. Considérer qu’il s’agit d’un archaïsme, selon la vision d’un progrès à sens unique, est assez troublant.

Nous voulons maintenir le consentement au don de l’autre membre du couple. Ce régime, encore en vigueur, n’a pas suscité de difficulté, et vos différents rapports ne font pas état de problèmes pour son maintien. Pourquoi l’abroger, si ce n’est pour nous aligner sur d’autres pays ? Il n’y a pas de motif.

De plus, compte tenu des possibles conséquences de la levée de l’anonymat, notamment l’irruption dans la vie du donneur d’une ou plusieurs personnes issues du don, il convient de prévoir l’information et le recueil du consentement de l’autre membre du couple, sur qui le don aura des conséquences. Vous ne pouvez pas faire comme si ce n’était pas le cas.

Nous avançons des arguments fondés sur la réalité, mais vous faites comme si le réel n’existait pas. Nous avons du mal à vous comprendre.

M. Julien Ravier. La réforme que vous proposez nous impose de maintenir le consentement de l’autre membre du couple. Dès lors que vous ouvrez à l’enfant issu du don la possibilité d’avoir accès à sa filiation paternelle, cela aura des répercussions sur le couple du donneur. Si celui-ci ne fait pas la demande auprès de son conjoint, il fera peser un risque à son couple et à sa famille. La levée potentielle de l’anonymat peut aboutir à l’établissement d’une filiation. Il est plus que jamais nécessaire de maintenir le consentement, écrit et révocable, de l’autre membre du couple.

Mme Agnès Thill. Le rapporteur nous explique que les autres pays ne font plus référence au couple. Et alors ? J’ai passé ma vie à expliquer aux enfants que ce n’est pas parce que quelqu’un saute par la fenêtre qu’on doit faire pareil. On doit réfléchir, faire preuve d’intelligence et ne pas nécessairement faire comme le voisin.

Le don de gamètes ayant un impact sur la vie du couple du donneur, il est essentiel que le conjoint du donneur donne formellement son consentement. Le rapporteur suppose que le donneur informera son conjoint, mais qu’en sait-il ? Comment savoir ce qui arrivera dans vingt ans, dans six mois même ? Il y a vingt ans, qui pouvait imaginer les progrès des technologies numériques ou qu’Emmanuel Macron serait président ? Il est plus judicieux d’inscrire ces dispositions dans la loi.

Mme Anne-Laure Blin. Comment être sûr que le donneur aura toutes les informations sur les conséquences de son acte ? Rien n’est prévu dans la loi sur ce point.

Notre proposition ne devrait pas soulever de désaccord : puisque le rapporteur incite les familles à expliquer la manière dont les enfants ont été conçus, pourquoi refuse-t-il que les conjoints soient informés d’un don ? C’est contradictoire. C’est un choix de couple, et nous devons inscrire dans la loi que les conjoints doivent avoir connaissance des choix de l’autre.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La rédaction de l’article 2 que je propose prévoit une « information sur les conditions, les risques et les limites de la démarche et de ses suites. » Il est également prévu d’informer le donneur que dix-huit ans plus tard, des données identifiantes seront transmises aux enfants nés du don.

Si nous adoptions vos amendements, que faire pour les personnes qui se marient après avoir fait un don ? Faut-il en informer le conjoint ?

Dans le monde réel, les couples ne sont pas éternels. En cas de changement de partenaire, faudrait-il l’avertir qu’il a épousé quelqu’un qui a fait un don quinze ans plus tôt ? Faudra-t-il rechercher les enfants de ces donneurs, et à quel âge, pour les prévenir que leur père a fait un don ? Ce n’est pas raisonnable !

Mme Anne-Laure Blin. Notre amendement ne s’applique qu’au moment du don.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous faisons confiance au donneur ; c’est un adulte responsable qui a les informations nécessaires. C’est à lui de décider à qui, parmi ses proches, il transmet cette information. Respectez sa liberté. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1720 de M. Patrick Hetzel, CS1738 de M. Xavier Breton et CS1802 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le rapporteur, vous imaginez que le donneur va prévenir son conjoint. Au lieu de l’imaginer, écrivons-le dans la loi ! Vous avez essayé de décrédibiliser notre sous-amendement en envisageant des hypothèses sur lesquelles il ne porte pas, puisqu’il ne concerne que le moment du don. Dites clairement que vous ne voulez pas que le conjoint soit informé au moment du don. Le reste n’est qu’arguties, et vous ne voulez pas entrer dans une logique de coconstruction.

Je propose que le décès du donneur mette fin à la possibilité d’utiliser ses gamètes. L’intérêt de l’enfant exige qu’il soit conçu à partir des gamètes d’une personne vivante. Ce n’est pas une question anodine, et les pédopsychologues se sont prononcés dessus. Votre volonté d’avancer à marche forcée interroge sur la place que vous voulez réellement reconnaître aux enfants.

M. Julien Ravier. Le décès du donneur doit mettre fin à la possibilité d’utiliser ses gamètes. Faute de telles dispositions, nous allons créer des inégalités entre les enfants. Vous voulez corriger des inégalités entre les adultes pour satisfaire leur désir d’enfant ; nous voulons défendre l’intérêt supérieur des enfants à naître, dont nous serons tous coresponsables.

Nous risquons de permettre la naissance d’enfants dont le père sera décédé, tandis que d’autres auront un père vivant qu’ils pourront rechercher, voire deux parents.

Mme Anne-Laure Blin. Ce sous-amendement apparaît encore plus nécessaire après les arguments développés à l’article 1er, notamment s’agissant de l’automaticité du don des gamètes. Puisque les couples sont fortement incités à donner les gamètes, il ne faut pas que la PMA provoque des dérives permettant de les utiliser post mortem. Vous avez souhaité mieux borner les choses : si vous êtes réellement opposé à l’utilisation des gamètes post mortem, il faut voter ce sous-amendement.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Beaucoup de CECOS estiment que rechercher le conjoint alors qu’une personne se présente dans leur établissement entraîne des difficultés inutiles et aura un effet dissuasif sur les donneurs qui n’est pas opportun. C’est pourquoi tous les autres pays ont aboli cette mesure qui n’a pas de raison d’être.

S’agissant de l’utilisation des gamètes d’une personne décédée après avoir fait son don, je rappelle qu’il n’y a pas de lien familial entre le donneur et l’enfant issu du don. Il est donc impropre de parler de l’enfant d’une personne décédée. Il s’agit de l’enfant des parents qui l’élèvent, et dont le géniteur peut être vivant ou décédé. L’enfant obtiendra cette information à l’âge de dix-huit ans.

Il est courant que des donneurs décèdent entre la fécondation et la demande d’information de l’enfant, et que les recherches d’origines débouchent sur une personne décédée. C’est naturel, dans la mesure où il peut s’écouler vingt-cinq ans entre le don et la naissance puisque les gamètes sont congelés. Les enfants disposent néanmoins des informations utiles pour se construire : la profession, l’activité et les caractéristiques du géniteur, mais ils ne le rencontrent pas physiquement.

Il n’existe donc pas d’enfants de personne décédée dans le cas de don de gamètes. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Sous-amendement CS1065 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Je propose de supprimer la condition qui impose au conjoint du donneur de transmettre son consentement lors d’un don de gamètes. Seul le donneur doit être maître des produits de son corps, et un tiers ne doit pas pouvoir altérer ses choix. La législation française est la seule en Europe à imposer cette exigence de consentement du conjoint en cas de don. Je rappelle que l’enfant né d’un don n’a aucun droit patrimonial ou héréditaire sur son donneur ou le conjoint de ce dernier.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ce sous-amendement est satisfait par la rédaction de l’amendement CS1033, ce qui attriste nos collègues du groupe Les Républicains qui voudraient que le conjoint donne son autorisation. Ce ne sera plus le cas, et nous mettons notre droit à l’unisson des pays comparables. Nous ne le faisons pas parce que les autres pays l’ont fait, mais parce que nous suivons la même logique.

L’amendement est retiré.

Sous-amendements identiques CS1721 de M. Patrick Hetzel, CS1739 de M. Xavier Breton et CS1803 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Pour inciter les femmes au don, il leur est proposé de conserver pour leur propre usage une partie des gamètes inutilisés. Cette manière de procéder entraîne une inégalité de traitement entre les personnes qui peuvent conserver à leur profit des gamètes, sous réserve d’en donner une partie, et celles qui ne peuvent pas autoconserver leurs gamètes.

Comme l’ont rappelé le Conseil d’État puis l’Académie de médecine, cette pratique s’apparente à une rémunération indirecte du don, ou au moins à une compensation pour le donneur ou la donneuse. Elle est contraire à l’esprit du don – aucun donneur de sang ne se voit proposer la conservation de poches de sang pour ses futurs besoins éventuels.

Il convient de mettre fin à cette pratique de façon explicite pour réaffirmer la gratuité du don.

M. Julien Ravier. L’autoconservation est autorisée lorsqu’un traitement chimiothérapique va affecter les possibilités de transmettre son patrimoine génétique, ce qui paraît logique. Mais il n’y a aucune raison de la permettre à la suite d’un don de gamètes. Il s’agit d’une forme de rémunération déguisée. C’est pourquoi nous souhaitons proscrire cette pratique.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous sommes en désaccord avec votre proposition, car nous souhaitons autoriser l’autoconservation des ovocytes. Nous sortons de la relative hypocrisie qui prévalait : si l’on prélevait plus d’ovocytes que nécessaire sur une donneuse, on pouvait utiliser ceux qui restaient si elle en avait besoin. Il en résultait des disparités entre les femmes selon le nombre d’ovocytes recueillis.

La situation est claire, nette et précise : le recueil d’ovocytes sert à la donneuse grâce à l’autoconservation et aux autres femmes grâce au don. Les deux pratiques sont favorisées, de façon transparente.

Il est toujours très difficile de faire des comparaisons avec d’autres formes de dons, quoique les cellules souches de moelle osseuse puissent être également congelées pendant des dizaines d’années. Aux États-Unis notamment, certains les conservent en cas de survenue d’une aplasie médullaire mais une telle pratique est interdite dans notre pays. Il n’en est, en revanche, pas de même pour les gamètes, et la vitrification des ovocytes se justifie par une double finalité : pour la femme elle-même et pour le don à d’autres femmes. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1722 de M. Patrick Hetzel, CS1740 de M. Xavier Breton et CS1804 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Après l’alinéa 6, nous proposons d’insérer un alinéa ainsi rédigé : « Le recueil, le prélèvement et l’autoconservation des gamètes en dehors d’un parcours de procréation médicalement assistée ou du cadre fixé par l’article L. 2141‑11 du code de la santé publique, sont interdits ».

Nous devons en effet absolument éviter de créer un marché de la procréation, alors que des pressions importantes s’exercent sur les femmes en raison d’intérêts économiques et financiers, comme nous le constatons dans les pays anglo-saxons, où domine une vision utilitariste de la bioéthique à laquelle, jusqu’à présent, la France a su résister. C’est un acquis qui doit être préservé.

M. Julien Ravier. Nous savons fort bien que pour recourir à l’autoconservation, les femmes feront des dons. Une pression ne manquera pas de s’exercer sur elles dans le monde du travail afin de contrôler au mieux leur procréation, conformément à la dérive que connaissent les pays anglo-saxons : « Freeze your eggs, Free your career » – « Congelez vos ovules, libérez votre carrière professionnelle ».

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. C’est pourquoi la loi spécifie l’interdiction pour l’employeur d’exercer toute pression, et que les femmes sont seules maîtresses de leur décision. De plus, elles recourent le plus souvent à l’autoconservation pour des raisons personnelles et non professionnelles : elles savent que l’horloge biologique est impitoyable et que le prince charmant peut se présenter fort tard. Lorsqu’elles l’auront trouvé, elles pourront alors fonder la famille à laquelle elles aspirent.

Les conditions de vie ont changé, les femmes procréent plus tardivement qu’autrefois, la contraception a évité nombre de grossesses non désirées et très précoces. Bien des femmes de plus de trente ans, que nous devons entendre, se retrouvent ainsi sans enfant mais en ayant le désir d’en avoir. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1792 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Les donneurs doivent avoir le droit de savoir si leur don a permis au moins une naissance afin de pouvoir se préparer psychologiquement et émotionnellement à une mise en relation avec une personne issue de leur don.

Les arguments que M. le rapporteur a donnés à propos des conjoints n’ont aucun sens. Il était question de ceux qui sont présents au moment du don, pas des suivants. Et si tel n’était pas le cas, faudrait-il interdire systématiquement le consentement du conjoint ?

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je pense justement que votre amendement a du sens, un donneur pouvant « avoir » jusqu’à dix enfants – j’en ai d’ailleurs présenté un assez comparable dans une lecture précédente et j’ai même souhaité que le donneur connaisse l’âge et le sexe des enfants nés de son don. D’aucuns ont néanmoins considéré qu’un don suppose de ne rien obtenir en retour, pas même des informations. Avis de sagesse.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1796 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Tous les pays qui ont mis en place un droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’un don de gamètes ont également instauré un mécanisme pour que les donneurs soient informés quand leurs données personnelles sont communiquées à des personnes issues de leur don.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis de sagesse également.

La commission rejette le sous-amendement.

(La réunion est suspendue de seize heures cinquante-cinq à dix-sept heures cinq.)

Sous-amendements identiques CS1723 de M. Patrick Hetzel, CS1741 de M. Xavier Breton et CS1805 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de supprimer les alinéas 7 à 24 de l’amendement CS1033. Le prélèvement et la conservation des gamètes doivent se faire uniquement lorsque des raisons médicales l’exigent. Cette pratique comporte en effet des inconvénients importants. En repoussant l’âge de la maternité ou de la paternité, elle compromet les chances d’avoir un enfant naturellement et oblige ainsi les personnes à recourir à la PMA. Elle incite à l’exercice de pressions sur les femmes au sein de certains milieux professionnels. De surcroît, ce recours à la PMA sans indication médicale expose les femmes et les enfants aux risques liés à cette pratique.

Mme Anne-Laure Blin. J’ajoute que les conditions d’âge pour y recourir seront fixées par décret et que, comme nous le constatons dans un certain nombre de pays, les femmes peuvent en effet être soumises à des pressions de la part de leur employeur. Il est vrai qu’elles ont des enfants de plus en plus tardivement mais pas forcément pour des raisons personnelles.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable. Nous souhaitons promouvoir le principe d’une autoconservation des ovocytes soit pour des raisons médicales, soit pour des motifs personnels, qui ne regardent que les femmes, et qui ne doivent dépendre en rien de pressions familiales ou professionnelles.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1340 de M. Joël Aviragnet. 

M. Gérard Leseul. Par l’article 2, le Gouvernement entend ouvrir l’autoconservation des gamètes sans raison médicale, ce qui est une très bonne chose. Il entend également supprimer l’exception existant aujourd’hui, à savoir l’autorisation d’autoconservation d’ovocytes pour les femmes qui font un don. Cependant, les conditions d’âges seront fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine. Selon l’étude d’impact, cette ouverture se ferait à partir de 30 ou 32 ans. Or de nombreuses femmes, à cet âge-là, peuvent souffrir de pathologies telles que l’endométriose ou l’insuffisance ovarienne prématurée, qui touche une femme sur dix mille avant vingt ans et une femme sur mille avant trente ans. D’où ce sous-amendement tendant à ouvrir la conservation des ovocytes dès la majorité.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Une telle mesure présente un certain nombre d’inconvénients : multiplication du nombre d’autoconservations, création de deux systèmes distincts – prise en charge incomplète et intégrale – et donc assez discriminante. De plus, un tel processus ne s’impose pas de la même manière pour une femme de dix-huit ans ou de trente ans.

Je n’exclus pas que des modifications aient lieu, à l’avenir, dans le sens que vous souhaitez mais, en l’état, la raison implique de procéder selon les modalités les plus adéquates et de fixer l’âge dans une période médiane. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1392 de M. Joël Aviragnet. 

M. Gérard Leseul. Je ne comprends pas vraiment votre argument de la nécessité et de la raison. Nous proposons ici que l’âge moyen soit fixé à 25 ans, ce qui, comme vous diriez, nous paraît raisonnable.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Laissons donc le Conseil d’État décider après avis de l’Agence de la biomédecine et de différents experts !

Une telle opération, de plus, n’est pas absolument anodine. Stimulation ovarienne et prélèvement ne doivent pas être proposés trop facilement ni trop précocement.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1087 de Mme Emmanuelle Ménard, CS1724 de M. Patrick Hetzel, CS1742 de M. Xavier Breton, CS1763 de M. Julien Ravier et CS1806 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Emmanuelle Ménard. Le prélèvement et la conservation des gamètes doivent se faire uniquement lorsque des raisons médicales l’exigent. Comme le rapporteur vient de le dire, ce n’est pas un acte anodin. Une telle procédure ne doit être en aucun cas un moyen de contourner l’horloge biologique.

Les pressions professionnelles n’ont pas besoin de s’exercer : le règne de la concurrence dans le monde du travail suffit. Des jeunes femmes sont ainsi amenées à considérer que, pour rester dans la compétition, elles ne peuvent agir autrement.

Au Royaume-Uni, par exemple, c’est le marché lui-même qui incite les femmes à procéder à l’autoconservation ovocytaire. Des algorithmes publicitaires ont même été conçus pour les cibler et les inviter à suivre ce parcours ; des influenceurs, sur les réseaux sociaux, vont dans le même sens.

M. Patrick Hetzel. L’argument de M. le rapporteur sur le processus d’autoconservation illustre à quel point celui-ci, sans indication médicale, est contraire à l’intérêt même de la femme.

Sans doute devrions-nous réfléchir à une politique publique contre l’infertilité, à laquelle l’autoconservation ovocytaire n’apporte pas de réponse satisfaisante. Les pays anglo-saxons vont en effet jusqu’à développer des stratégies publicitaires afin d’inciter les femmes à y avoir recours car c’est un véritable business. Ce n’est pas ce que nous souhaitons pour la France.

M. Julien Ravier. L’autoconservation des gamètes, qui n’est pas un acte anodin, ne doit être autorisée que lorsque des raisons médicales l’exigent. Je ne suis pas certain que dévoyer le don en le liant à l’autoconservation, comme une forme de rétribution, encouragera les dons.

J’ajoute que la technique de la vitrification ovocytaire, pour laquelle nous nous sommes battus, a évolué et que la situation peut être désormais stabilisée.

Mme Anne-Laure Blin. Nous souhaitons en effet que soient insérés dans le code de la santé publique les mots : « Lorsque des raisons médicales l’exigent ».

Vous ne voulez pas que des organismes privés puissent se livrer à des pratiques commerciales mais, comme vous l’ont dit mes collègues, certains pays ont conçu des algorithmes pour inciter les femmes à auto-conserver leurs gamètes.

Le législateur devrait plutôt s’intéresser aux causes de l’augmentation de l’infertilité. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi certains de mes amendements visant à faire de la lutte contre l’infertilité et de la promotion de la procréation naturelle une politique prioritaire ont été considérés comme des cavaliers législatifs et ont donc été jugés irrecevables.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ce sont des questions fondamentales. Nous ne pouvons rien contre un certain nombre de différences biologiques : les femmes vivent plus longtemps que les hommes mais leurs contraintes physiques sont plus importantes dans le processus de procréation, ce qui suscite évidemment chez elles plus d’inquiétudes.

Il est vrai que des pressions peuvent s’exercer dans le milieu professionnel sans que l’employeur y soit pour rien. Une sportive de haut niveau, par exemple, sait très bien que sa carrière durera relativement peu et aura tendance à différer une grossesse, d’où l’utilité de l’autoconservation d’ovocytes. La pression peut également résulter d’un choix personnel, si difficile soit-il – il en est d’ailleurs de même pour toutes les femmes. Ce n’est pas ici que nous pourrons répondre aux questions que posent les différences biologiques entre les femmes et les hommes, mais il importe de garantir qu’aucune pression extérieure, en aucun cas, ne pourra conduire les femmes à choisir tel ou tel mode de procréation. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1093 de Mme Emmanuelle Ménard. 

Mme Emmanuelle Ménard. Le but affiché de l’alinéa 11, que je souhaite supprimer, est de permettre à la femme qui autoconserve ses ovocytes de les donner. Compte tenu de la pénurie d’ovocytes, celle-ci risque de subir des pressions de la part de couples en attente d’ovocytes, pressions qui à court ou à moyen termes pourraient être financières, ce qui est inacceptable.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nous sommes parvenus à un équilibre acceptable qu’il importe de maintenir.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1725 de M. Patrick Hetzel, CS1743 de M. Xavier Breton et CS 1807 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. En matière de FIV, le déclin du taux de naissances vivantes commence à l’âge de 30 ans. Il est plus marqué à partir de 38 ans, car la quantité et la qualité des ovocytes diminuent plus vite. À partir de l’âge de 44 ans, quasiment aucune FIV ne débouche sur une naissance. C’est pourquoi il est nécessaire que les personnes souhaitant recourir à des techniques de stimulation ou de PMA soit précisément informées des chances de succès des différentes techniques d’AMP en fonction de l’âge ainsi que des risques inhérents aux grossesses tardives.

Mme Anne-Laure Blin. Selon M. le rapporteur, les chances de réussite d’une grossesse seraient les mêmes pour une femme jeune ou un peu plus âgée. Or ce n’est pas la même chose d’accoucher et d’élever un enfant lorsque l’on a 20 ans ou 45. Toutes les données doivent donc être communiquées aux femmes et aux conjoints.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Tous les obstétriciens le savent : la fréquence des grossesses pathologiques diffère en fonction de l’âge et ils ont également à cœur de prévenir les femmes de toutes ces difficultés. Dès lors qu’elles s’adressent à eux, elles disposent de toutes les informations nécessaires. Informer, ce n’est pas dissuader et susciter des inquiétudes qui n’ont pas lieu d’être ! Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1726 de M. Patrick Hetzel, CS1744 de M. Xavier Breton et CS1808 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit de supprimer la dernière phrase de l’alinéa 11 de l’amendement du rapporteur qui propose à la femme qui autoconserve ses ovocytes de les donner. Compte tenu de la situation actuelle de pénurie d’ovocytes, elle risque de subir des pressions de la part des couples en attente d’ovocytes, le stock d’ovocytes autoconservés ayant une grande valeur et attirant les convoitises.

Le don de gamètes est particulièrement lourd, notamment compte tenu de la levée de l’anonymat du donneur à la majorité de l’enfant issu du don, et les ovocytes extraits en vue d’une autoconservation pourraient être donnés par la femme alors que tel n’était pas le but initial. Pour éviter de telles situations, il serait souhaitable que le don d’ovocytes ne soit pas appréhendé à la légère.

Mme Anne-Laure Blin. Monsieur le rapporteur, on voit que vous n’avez pas connu de grossesse, car il y a aujourd’hui une surmédicamentation des grossesses et les femmes subissent de fortes pressions, de la part de la société et parfois du corps médical, autour de diagnostics in utero de certaines malformations qui les angoissent. Ce n’est pas parce que vous dispensez une information à une patiente que vous la dissuadez : il faut lui fournir l’ensemble des éléments. Or on a l’impression à vous entendre que certaines informations méritent d’être transmises, et pas d’autres.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. J’adhère totalement à l’idée qu’il faut une transparence totale : rien ne doit être caché à ces femmes avant qu’elles s’engagent dans quelque parcours de procréation que ce soit. Des progrès ont été faits, puisque par le passé l’information se donnait de mère en fille et n’était pas délivrée de façon opportune. J’en veux pour preuve que peu de femmes étaient informées du risque de baby blues après l’accouchement, alors qu’il est extrêmement fréquent. Si la plupart des médecins consentent à une amélioration de l’information, il faut bien entendu continuer.

Je ne pense toutefois pas qu’il faille supprimer la disposition prévoyant le recueil simultané du consentement et du don, car cette disposition technique est utile. Elle a été introduite par le Sénat et nous l’avons gardée car elle nous apparaît bienvenue. Avis défavorable, donc.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1097 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de préciser que « L’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire doit, en particulier, informer l’intéressé des taux de réussite d’une insémination artificielle et d’une fécondation in vitro et ce, en fonction de l’âge de la femme, ainsi que des risques médicaux liés aux hyperstimulations ovariennes et aux grossesses tardives. »

Évidemment, le taux de réussite des fécondations in vitro n’est pas constant : il baisse à partir de 30 ans et est encore plus faible à partir de 38 ans. À partir de 44 ans, il n’y a presque jamais de FIV avec ovocytes propres qui aboutisse à une naissance. Afin d’éviter de trop grosses déceptions, il convient donc que les femmes qui y ont recours aient bien conscience qu’il ne s’agit pas d’un mode de procréation miracle.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Mon amendement de rétablissement de l’article 2 prévoit que la femme intéressée soit informée de l’ensemble des risques et des limites de la démarche, en particulier des taux d’échec. Je vous propose donc de retirer votre sous-amendement puisqu’il est satisfait.

Le sous-amendement est retiré.

Sous-amendement CS1099 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Également de précision, le sous-amendement prévoit que « L’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, comportant au moins un psychologue, doit s’assurer, au cours d’une série de trois entretiens, à intervalle minimal d’un mois, du consentement libre et éclairé de l’intéressé. »

L’autoconservation ovocytaire, qui permettrait aux femmes de se libérer de nombreuses contraintes matérielles liées au manque de temps, à la vie professionnelle ou à l’âge, est présentée comme un outil de libération de la femme qui maîtriserait pour son plus grand épanouissement son corps et sa fertilité. Or c’est en réalité peut-être totalement l’inverse, puisqu’avec cet objectif le corps de la femme va passer après – par exemple après sa carrière : reconnaissons qu’en termes de libération de la femme, on peut mieux faire.

Il me paraît donc essentiel, pour ne pas dire indispensable, que la liberté du consentement de l’intéressée soit appréciée le plus sérieusement et le plus objectivement possible : d’où les conditions que je pose.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’amendement entre trop dans le détail des modalités pratiques d’information, ce qui en pratique se heurterait à des difficultés liées à l’emploi du temps de la femme concernée et serait du coup dissuasif. Ces modalités doivent être définies par les guides de bonnes pratiques, pas par la loi, et je ne pense pas que l’on obtiendrait ainsi un meilleur résultat en termes d’information, d’autant que les niveaux d’information au départ sont très divers d’une femme à l’autre. Avis défavorable, donc.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1727 de M. Patrick Hetzel, CS1745 de M. Xavier Breton et CS1809 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il s’agit, à l’alinéa 13, après les mots : « Les frais relatifs », d’insérer les mots : « au prélèvement, au recueil et », car il convient de mieux délimiter l’absence de prise en charge par l’employeur ou par toute personne avec laquelle le patient serait en situation de dépendance économique. En conséquence, il faudrait compléter le même alinéa par la phrase suivante : « La prise en charge indirecte s’entend notamment de la prise en charge par le biais d’une mutuelle d’entreprise financée en tout ou partie par l’employeur ou la personne ou la structure visée ci-dessus ». À défaut, les dispositions prévues par le rapporteur risqueraient d’être contournées.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Les dispositions en question sont suffisamment précises et absolues et écartent tout risque de pression de la part de l’employeur au travers de la prise en charge. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1728 de M. Patrick Hetzel, CS1746 de M. Xavier Breton et CS1810 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Nous l’avons dit à plusieurs reprises, l’autoconservation ovocytaire implique des risques importants d’échec de la grossesse. Il existe un vrai paradoxe : d’un côté, les politiques de santé publique devraient s’attacher à renforcer l’information sur la problématique de l’âge de procréation, de l’autre, l’autoconservation va ipso facto encore contribuer potentiellement à faire reculer cet âge. C’est la raison pour laquelle, pour éviter tout risque de cette nature, il est proposé de limiter l’âge de l’implantation à 40 ans.

Mme Anne-Laure Blin. Il est nécessaire d’indiquer dans la loi l’âge possible de procréation.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. La loi indiquera bien les bornes d’âge que le Conseil d’État sera chargé de définir par décret en s’inspirant d’avis et d’une expertise adéquate : je ne pense pas que nous devions nous substituer à lui. Par contre, vous êtes tout à fait libres de lui adresser par courrier vos réflexions à ce sujet.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1066 de M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Il s’agit d’offrir aux établissements de santé publics ou privés, à but lucratif ou non, la possibilité de procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes, d’exercer également les activités liées à la préservation de la fertilité et de mettre en œuvre des procédures de dons de gamètes et d’accueil d’embryons.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Les lectures précédentes ont permis de trouver un équilibre, probablement jugé excessif par les uns et insuffisant par les autres, privilégiant non pas les établissements mais les demandeurs ou les demandeuses d’AMP, c’est-à-dire assurant qu’à quelque endroit, tous et toutes puissent trouver réponse à leurs interrogations. Je vous propose d’en rester à ce compromis, et soit de retirer le sous-amendement, soit de l’exposer à un avis défavorable.

M. Guillaume Chiche. Je prends le risque : peut-être la représentation nationale a-t-elle évolué…

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1729 de M. Patrick Hetzel, CS1747 de M. Xavier Breton et CS1811 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. M. le rapporteur nous a renvoyés à un décret en Conseil d’État s’agissant de la limite d’âge. Or en tant que législateurs nous sommes tout à fait légitimes pour la définir. En outre, un tel décret se prenant sur la base du travail du ministère, on va en fait laisser faire l’exécutif : je ne le souhaite pas et je considère que nous aurions dû préciser les choses.

Le présent sous-amendement met en garde contre des dispositions dérogatoires, qui marqueraient à l’évidence une première étape vers la marchandisation. Vous nous dites que ce n’est pas le cas et vous nous opposez que votre rédaction prévoit des garanties tarifaires. Mais on passe bien progressivement à autre chose, nous ne pouvons nous y résoudre.

M. Julien Ravier. S’agissant du critère de l’absence d’autres établissements dans un département, ouvrir une telle possibilité au privé revient clairement à prendre un risque. Il appartient à notre système de santé de garantir la présence de ces établissements partout, au lieu de permettre aux établissements privés, détenus par des fonds d’investissement, de prendre pied dans ce domaine en France. Le critère départemental étant voué, par effet de cliquet, à être supprimé dans une prochaine loi, le risque de marchandisation sera réel. L’objet du sous-amendement est donc vraiment de nous en protéger.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je ne suis pas suspect de ne pas vouloir défendre les établissements publics puisque je suis impliqué dans la Fédération hospitalière de France (FHF). Chaque fois que cela est possible, ce dont nous parlons est effectué en leur sein, et c’est très bien ainsi. Malheureusement, certaines parties du territoire sont très éloignées de tels établissements et certains départements n’en sont pas pourvus, en métropole comme outre-mer.

Faut-il dire aux femmes concernées : « Vous habitez à un endroit où il n’y a pas de possibilité, donc soit vous déménagez, soit vous refrénez votre envie de procréer » ? Ce ne serait pas raisonnable.

Aussi, il nous faut voir si, à certains endroits, des établissements ayant le même niveau de compétence et exerçant dans des conditions exactement identiques d’autorisation, de tarifs et de pratiques que les établissements publics, peuvent les suppléer dans ces activités qui sont déjà souvent à saturation et soumises à des listes d’attente, situation que la promulgation de la loi va exacerber. Parce qu’il nous faut bien faire face, pratiquement, à cette réalité, mon avis est défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1730 de M. Patrick Hetzel, CS1748 de M. Xavier Breton et CS1812 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Je reviens sur les activités de prélèvement des établissements privés à but lucratif et sur le critère d’absence d’autres établissements dans un département : c’est à notre système de santé de garantir la présence d’établissements partout au lieu de permettre à des établissements privés, souvent détenus par des fonds d’investissement étrangers, de prendre pied dans ce domaine en France. Monsieur le rapporteur, votre amendement prévoit une dérogation : or un effet de cliquet conduira à la supprimer par la suite, dans une prochaine loi.

Enfin, comme dans les autres pays, les établissements privés de prélèvement et de recueil se développeront sur cette activité unique et nous nous retrouverons probablement dans la même situation qu’en Grande-Bretagne où des femmes se rendent pour des ponctions ovocytaires dans des établissements privés avant de se présenter aux urgences lorsqu’elles développent des pathologies qui leur sont liées : le privé profite du système, et le public paye les pots cassés.

Mme Annie Genevard. Le secteur privé, qui fait face à une financiarisation et à l’arrivée de fonds étrangers, a mis un pied dans le marché de la fertilité – 50 % des PMA y sont effectuées – et souhaite y développer des activités, y compris parfaitement illégales, puisque nous avons évoqué des publicités pour la GPA qui sans honte sont diffusées dans notre pays.

Dès lors que vous inscrivez dans la loi la reconnaissance des établissements privés à but lucratif pour la conservation des gamètes, si demain les services publics disparaissent dans un département, le privé s’y déploiera puisque la loi l’y autorisera. Lorsqu’on légifère, il faut tout prévoir, même le pire.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. S’agissant de la conservation des gamètes, l’équilibre qui a été trouvé convient et le remettre en cause serait néfaste. Je propose donc que nous en restions aux dispositions prises précédemment. Quant au privé, qui a été diabolisé, nous avons fait tout ce qui paraissait nécessaire pour l’encadrer. Si par un coup de baguette magique vous pouvez doter la totalité du territoire d’établissements publics, tant mieux, faites-le !

Je ne suis pas sûr, d’ailleurs, que votre groupe politique soit le mieux placé pour cela : je rappelle que le programme de M. Fillon prévoyait de réduire de près de 100 000 le nombre de fonctionnaires dans la fonction publique hospitalière, ce qui aurait eu pour conséquence de devoir fermer beaucoup d’établissements, alors que vous parlez maintenant d’en ouvrir davantage.

Ne diabolisons ni les uns ni les autres et soyons tous ensemble solidaires, pour développer un secteur public largement répandu et qui réponde à ces différents besoins, et pragmatiques afin de ne pas pénaliser les femmes qui habitent là où le public reste insuffisamment développé et de leur offrir une alternative contrôlée par l’ARS. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1101 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de préciser que la conservation des gamètes doit obligatoirement être assurée dans un établissement situé en France afin d’éviter tout abus : il ne faudrait pas qu’elles puissent être conservées à l’étranger.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. L’ensemble des activités liées à l’AMP fait l’objet d’une autorisation, et les établissements et les organismes concernés sont obligatoirement situés en France. L’intention est donc satisfaite et la précision inutile : je suggère le retrait de l’amendement.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1103 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de préciser que les dispositions concernées sont prises avec une finalité thérapeutique.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Bien malin celui qui pourra fixer précisément la limite entre le thérapeutique et le fondamental. Toutes les découvertes ayant un bénéfice thérapeutique ont toujours procédé d’une recherche au départ totalement fondamentale et souvent menée dans des champs complètement distincts : il n’y aurait aujourd’hui aucun progrès en cancérologie s’il n’y avait pas eu l’implication de recherches fondamentales dans des domaines pathologiques complètement différents ou, surtout, n’ayant rien à voir avec la finalité. Donc se restreindre à une finalité explicitement thérapeutique reviendrait à interdire une recherche efficace.

De même que l’on a pratiquement aboli la distinction entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée par le passé, parce qu’il s’agit d’un continuum, il serait dommageable de préciser ici la finalité thérapeutique de la recherche, sauf à entendre que toute recherche peut avoir une telle finalité.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1106 de Mme Emmanuelle Ménard, CS1499 de M. Thibault Bazin, CS1731 de M. Patrick Hetzel, CS1749 de M. Xavier Breton et CS1813 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de raccourcir de dix à cinq ans la durée de conservation des gamètes : les conserver trop longtemps ne me semble pas utile. Ne pas obtenir de réponse de la personne concernée pendant cinq ans d’affilée semble un délai suffisant pour mettre fin à la conservation.

M. Patrick Hetzel. Lors d’un précédent débat, notre collègue Annie Genevard avait interpellé le ministre Adrien Taquet, sur l’organisation l’année dernière à Paris d’un salon « Désir d’enfant ». Or le Gouvernement n’a strictement rien fait pour empêcher sa tenue alors qu’une telle chose est théoriquement illégale. Ce salon sera à nouveau organisé en septembre 2021 : il y a un problème et il nous faut réagir ! Que fait le Gouvernement ? Manifestement, rien !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Les sous-amendements proposent de réduire la durée de conservation des gamètes de dix à cinq ans, durée que les professionnels concernés s’accordent à juger trop courte car les procédures peuvent demander quelques années en raison de listes d’attente, de difficultés et de répétitions de tentatives d’AMP. Et si l’on veut détruire les gamètes, il faut obtenir une réponse de la part des personnes concernées, ce qui là encore demande des mois : cinq ans est donc une durée trop courte. Je suggère qu’on en reste à dix ans. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette le sous-amendement CS1500 de M. Thibault Bazin.

Sous-amendement CS1767 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Ce sous-amendement vise à conserver le critère d’infertilité médicalement diagnostiquée comme condition au remboursement par la sécurité sociale. Le remboursement de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules coûtera aux contribuables la bagatelle de 200 millions d’euros selon l’Agence de la biomédecine (ABM), alors même qu’il ne s’agira plus d’un acte médical et que le déficit de la sécurité sociale a atteint 52,2 milliards d’euros en 2020, du fait de la crise du covid-19.

Le remboursement de la PMA non thérapeutique étant ainsi injustifiable, il s’agit de le réserver aux PMA pour infertilité médicalement diagnostiquée, c’est-à-dire réellement thérapeutiques.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Comme lors des lectures précédentes, j’y suis défavorable car cela conduirait à réserver la pratique aux femmes disposant de moyens suffisants, donc à créer une inégalité selon les ressources.

La commission rejette le sous-amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette le sous-amendement CS1772 de Mme Agnès Thill.

Sous-amendements identiques CS1732 de M. Patrick Hetzel, CS1750 de M. Xavier Breton et CS1814 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. S’agissant de l’autoconservation des ovocytes, puisqu’il y aura pénurie et encombrement, comme vient de le dire M. le rapporteur, les établissements privés à but lucratif feront pression afin que le don de gamètes soit indemnisé. C’est d’ailleurs plus ou moins ce que nous avait dit Mme Coralie Dubost lors d’une précédente lecture : « Il faudra un jour penser à remercier les donneurs de gamètes », ce qui signifiait en fait indemnisation, donc rémunération.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis défavorable : faisons là encore attention à ne pas rendre cette disposition inaccessible à une partie de nos concitoyennes.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1762 de M. Julien Ravier.

M. Julien Ravier. Il s’agit d’exclure du remboursement par l’assurance-maladie tous les actes et traitements d’AMP pour des assurés non atteints d’une pathologie altérant leur fertilité. En effet, la rédaction actuelle prévoit d’exclure le remboursement de la conservation des gamètes dans de tels cas. Il convient d’y ajouter le prélèvement et le recueil de ces mêmes gamètes. Il ne s’agit pas de dons ou d’usage personnel à bénéfice médical : il n’y a donc aucune raison que le contribuable paie pour une planification gratuite de la procréation. Il s’agit de convenance.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Avis à nouveau défavorable concernant une mesure qui crée une discrimination selon les ressources.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1733 de M. Patrick Hetzel, CS1751 de M. Xavier Breton et CS1815 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Afin d’éviter toute forme de marchandisation il convient de préciser que des entreprises commerciales ne peuvent intervenir dans l’importation ou l’exportation de gamètes, afin d’assurer que le principe de non-patrimonialité des gamètes ne soit pas contourné à l’occasion de prestations de services d’importation et d’exportation fournies par des sociétés commerciales.

M. Xavier Breton. Toutes les dérives qui tendent à la marchandisation du corps humain sont inquiétantes. Mon collègue Patrick Hetzel a évoqué le salon « Désir d’enfant » qui s’est tenu en septembre 2020 et qui témoigne de l’existence d’un véritable marché de la procréation. On annonce que ce salon va de nouveau se tenir en septembre 2021. Si nous refusons la marchandisation du corps humain, alors il faut que le Gouvernement interdise cette manifestation.

Mme Annie Genevard. Monsieur le rapporteur, vous nous dites, en substance, de faire confiance au privé.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. En l’encadrant !

Mme Annie Genevard. J’ai une conception libérale de la médecine. Mais on peut avoir une conception libérale de la médecine et considérer que tout ce qui concerne la fabrication du vivant mérite un traitement à part.

Quant à votre allusion à la dernière campagne présidentielle, je la trouve un peu hors de propos.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Ces sous-amendements sont déjà satisfaits, puisque mon amendement prévoit l’exclusion de toute finalité commerciale. N’ayez pas de crainte : si quelqu’un se met en travers de la loi, il sera condamné.

Mme Annie Genevard. On vient de vous donner des exemples et rien n’est fait !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Dénoncez-les et faites-les condamner !

Mme Annie Genevard. Nous les avons dénoncés et le ministre nous a répondu par un silence.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Vous vous êtes adressés au ministre de la santé. Moi, je vous parle de la justice, car c’est la justice qui est chargée de faire appliquer la loi dans notre pays. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

La commission adopte les amendements identiques CS1033 et CS1009.

L’article 2 est ainsi rétabli.

En conséquence, les amendements identiques CS553 et CS946, l’amendement CS388 et le sous-amendement CS1105 tombent.

Article 2 bis (supprimé) : Mise en place d’un plan afin de lutter contre l’infertilité

Amendements identiques CS1034 du rapporteur, CS582 de Mme Annie Genevard, CS866 de M. Didier Martin, CS947 de M. Joël Aviragnet, CS1010 de Mme Aurore Bergé et sous-amendements CS1422 et CS1421 de Mme Emmanuelle Ménard, amendements identiques CS426 de M. Patrick Hetzel, CS427 de M. Xavier Breton, CS604 de Mme Anne-Laure Blin et CS959 de M. Philippe Gosselin, amendements identiques CS449 de M. Patrick Hetzel et CS464 de M. Xavier Breton, amendement CS554 de Mme Sylvia Pinel (discussion commune).

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je propose le rétablissement de l’article 2 bis dans la rédaction qui avait été adoptée par notre assemblée. Cet article, qui avait été voté par l’ensemble des groupes et qui fait donc l’objet d’un large consensus, vise à promouvoir le lancement d’un plan national de lutte contre l’infertilité.

Il faut développer la recherche, afin de mettre en lumière les causes potentielles d’une situation d’infertilité, et mener des actions pour mieux informer les femmes, ainsi que leurs conjoints, sur la décroissance de la fertilité avec l’âge. Ce fait n’est pas assez connu des post-adolescentes, encore moins des post-adolescents. Espérons que ce plan aura des effets avant la prochaine révision des lois de bioéthique. Sinon, la diminution du nombre de naissances et l’accroissement des pathologies liées à des grossesses tardives risquent de devenir problématiques. Il importe d’agir contre l’hypofertilité qui touche notre pays, comme la plupart des pays européens.

M. Patrick Hetzel. Il est vrai que cette disposition avait été adoptée à l’unanimité par notre assemblée, mais je tiens à informer notre commission que si le Sénat a fait le choix de supprimer cet article, c’est au titre de l’article 41 de la Constitution et en raison de son absence de portée normative. Plutôt que de le rétablir purement et simplement, nous proposerons de compléter cet article, pour passer du déclaratif au normatif.

Mme Annie Genevard. Je souhaite également le rétablissement de l’article 2 bis car je considère que cette mesure, qui avait été votée par la majorité de nos groupes, a toute sa place dans ce texte.

M. Didier Martin. Nous proposons également le rétablissement de l’article 2 bis afin de promouvoir, par des mesures nationales et pluriannuelles, une culture de la prévention, et de mieux informer la population générale et les professionnels sur les enjeux liés à la fertilité. Tout cela est essentiel pour lutter, en amont, contre les causes de l’infertilité.

M. Gérard Leseul. Comme nos collègues, nous souhaitons le rétablissement de cet article, auquel nous tenons beaucoup. Il vise à promouvoir le lancement d’un plan national de lutte contre l’infertilité qui inclurait à la fois un effort en matière de recherche, une formation spécifique des professionnels de santé, ainsi que l’information et la communication auprès du grand public, en particulier des plus jeunes.

Les sous-amendements sont retirés.

M. Patrick Hetzel. L’article 2 bis prévoyait des mesures de lutte contre l’infertilité englobant la prévention et la recherche sur les causes de l’infertilité, notamment comportementales et environnementales. Mais il est également nécessaire de mettre en œuvre une recherche active sur la restauration de la fertilité proprement dite, afin que l’AMP ne soit pas la seule et unique solution offerte aux couples. Tel est l’objet de l’amendement CS426.

M. Xavier Breton. Nous proposons de reprendre l’essentiel de l’article 2 bis, en y ajoutant les « thérapies de restauration de la fertilité ». C’est parce que nos efforts en matière de recherche sont insuffisants que nous orientons tout le monde vers les techniques d’assistance médicale à la procréation, alors qu’il existe d’autres solutions.

M. Patrick Hetzel. La lutte contre l’infertilité doit commencer suffisamment tôt afin que les jeunes, devenus adultes, y soient parfaitement sensibilisés. Tel est l’objet de l’amendement CS449.

M. Xavier Breton. Il faut informer sur l’infertilité dès l’adolescence. Il existe, c’est vrai, une éducation à la vie affective et sexuelle, mais elle est plutôt technique et ne prend pas en compte la question de la fertilité. Or il importe d’informer les jeunes de la baisse de la fertilité avec l’âge, afin qu’ils puissent construire leur vie en toute connaissance de cause.

Mme Sylvia Pinel. Je propose de rétablir l’article 2 bis, tel qu’il a été voté par notre assemblée, en ajoutant que, dans les collèges et les lycées, il y aura également une information et une éducation à la fertilité féminine et masculine.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Nos collègues sénateurs, s’ils aspirent à une rédaction plus normative, auraient mieux fait d’enrichir l’article 2 bis, au lieu de le supprimer. Cet article me paraît suffisamment précis ; les modalités de réalisation du plan dépendront des ministères de la santé et de l’éducation nationale et je ne crois pas qu’il faille, à ce stade, entrer davantage dans le détail.

Je me réjouis que soient enfin diffusées, dans notre pays, des informations à destination des jeunes sur la santé sexuelle, car nous étions vraiment en retard dans ce domaine. Je reconnais que c’est un sujet un peu différent, mais admettez qu’il y a un lien entre la santé sexuelle et la restauration de la fertilité. Les générations futures devraient être mieux informées que les générations passées.

C’est justement pour que la PMA ne soit pas la seule solution que nous voulons mettre l’accent sur la recherche d’alternatives, en cas d’infertilité. Vous appelez à un effort de recherche, monsieur Breton : je n’ose imaginer que vous vous soyez converti à la nécessité de la recherche sur l’embryon. C’est pourtant l’un des champs de recherche qui pourrait permettre de lutter contre l’infertilité…

Je vous remercie en tout cas d’avoir contribué, par toutes vos réflexions, au rétablissement de cet article, qui est le gage d’une meilleure prise en charge de l’infertilité.

La commission adopte les amendements identiques CS1034, CS582, CS866, CS947 et CS1010.

L’article 2 bis est ainsi rétabli.

En conséquence, tous les autres amendements tombent.

Chapitre II

Reconnaître et sécuriser les droits des enfants nés d’assistance médicale à la procréation

Article 3 : Droit d’accès aux origines d’une personne conçue dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation par recours à un tiers donneur

Mme Monique Limon, présidente. Nous accueillons à présent Mme Coralie Dubost, rapporteure sur le chapitre II du titre Ier.

Nous allons procéder sur cet article comme sur le précédent. Les amendements CS1040 rectifié de la rapporteure et CS948 de M. Joël Aviragnet, qui proposent une rédaction globale de l’article 3, feront l’objet d’une discussion commune. Lorsque leurs auteurs les auront présentés, je demanderai son avis à la rapporteure. Je donnerai ensuite la parole à quelques orateurs, puis nous examinerons et voterons tous les sous-amendements relatifs à l’amendement CS1040 rectifié.

Amendements CS1040 de la rapporteure et CS948 de M. Joël Aviragnet.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Mon amendement tend à rétablir l’article 3, tel que nous l’avons voté en deuxième lecture. Nous avons trouvé une position d’équilibre, qui reconnaît le droit d’accès aux origines personnelles aux personnes issues d’AMP au moment de leur majorité. C’est une levée partielle, et non totale de l’anonymat, qui est strictement au bénéfice de l’enfant, et non des parents. À sa majorité, l’enfant pourra s’adresser à une commission ad hoc créée par ce texte, qui sera spécialisée et qui aura toutes les autorisations nécessaires en matière de collecte de données.

Permettre aux personnes issues d’une AMP d’avoir accès à leur récit génétique au moment de leur majorité, afin de les aider à se construire, est une vraie révolution culturelle. C’est aussi ce qui fonde la distinction très claire entre le donneur de gènes et les parents, dont nous reparlerons à l’article 4.

M. Gérard Leseul. Nous proposons de rétablir l’article 3 dans la rédaction votée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Nous estimons que toute personne conçue par AMP avec tiers donneur doit pouvoir, si elle le souhaite, accéder à sa majorité à l’identité et aux données non identifiantes de ce tiers donneur. Le consentement exprès des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon à la communication de ces données et de leur identité est recueilli avant qu’il soit procédé au don. En cas de refus, ces personnes ne peuvent procéder au don.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je vous invite, monsieur Leseul, à retirer votre amendement au profit du mien. Nous visons le même objectif, mais la rédaction que je propose me semble préférable.

Sous-amendement CS1192 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’anonymat du don vise à éviter une relation ambiguë entre donneur et receveur, en particulier à assurer la gratuité du don. Il convient de ne lever l’anonymat qu’en cas de nécessité absolue. C’est pourquoi le terme de « nécessité thérapeutique » est plus pertinent que celui, plus vague, de « nécessité médicale ».

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Comme en deuxième lecture, nous préférons le terme « médical », qui permet d’englober les soins préventifs, alors que le terme « thérapeutique » ne renvoie qu’aux soins curatifs.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1225 de M. Patrick Hetzel, CS1286 de M. Xavier Breton et CS1818 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Le médecin traitant de tout patient a besoin de connaître les antécédents médicaux présents dans sa famille, afin de bien le prendre en charge. Il en est évidemment de même pour les personnes nées d’AMP avec tiers donneur. Il importe donc de ne pas réserver cet accès à une nécessité médicale identifiée, mais de l’autoriser dans le cadre de la prise en charge globale du patient. En cas de nécessité médicale, tout médecin peut avoir accès à ces données.

M. Julien Ravier. Ces données non identifiantes sont particulièrement utiles au médecin traitant pour la prise en charge globale du patient né d’un don avec tiers donneur. Il n’y a aucun intérêt à les masquer.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. L’alinéa 3 a déjà élargi l’accès aux données non identifiantes d’une personne issue d’un don avec tiers donneur, en substituant la nécessité médicale à la nécessité thérapeutique. Compte tenu du principe d’anonymat du don, nous préférons ne pas multiplier les hypothèses autorisant l’accès à ces données. Je vous invite donc à retirer vos sous-amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1436 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’une précision rédactionnelle. La ou les personnes ayant procédé au don de leurs gamètes et les personnes ayant consenti à l’accueil de leurs embryons ne se confondent pas. On ne peut considérer, à moins de rendre la loi incompréhensible, que la personne conçue à partir de gamètes issus d’un don se confond avec la personne née d’un don d’embryon.

Ces deux pratiques obéissent à des modalités totalement différentes et il est nécessaire de pouvoir les distinguer : c’est pourquoi le don de gamètes ne saurait inclure systématiquement l’accueil d’embryon.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Cette précision n’est pas utile car l’alinéa dont vous parlez ne concerne que le don de gamètes, et non l’accueil d’embryon. Je vous invite donc à retirer votre sous-amendement.

Le sous-amendement est retiré.

Sous-amendements identiques CS1224 de M. Patrick Hetzel, CS1285 de M. Xavier Breton et CS1817 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Donner à un médecin l’accès aux informations médicales non identifiantes de son patient doit lui permettre de le soigner au mieux. Dans ce cadre, il est fort probable que le médecin communiquera tout ou partie des informations au patient. Or cette disposition, couplée avec la levée future de l’anonymat du donneur, constitue une atteinte à la confidentialité du dossier médical.

La personne issue du don qui accèdera, à sa majorité, à l’identité du donneur, détiendra des informations médicales sur l’état de santé de celui-ci. Le donneur aura certes consenti à cette transmission d’informations au moment du don. En revanche, le consentement de la personne issue du don n’aura, par définition, pas été recueilli ; l’atteinte à la confidentialité du dossier médical ne peut en aucun cas lui être imposée : cela reviendrait à violer ses droits fondamentaux.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je comprends votre objectif mais lorsqu’il y a une nécessité thérapeutique ou une anomalie médicale importante, il est essentiel que la personne soit prévenue.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1435 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. La notion de parentalité est constamment redessinée par ce texte. Or il convient de rappeler que la parentalité n’est pas seulement intentionnelle, mais qu’elle est aussi génétique : c’est un fait biologique. Les parents sont ceux qui ont un lien de parenté inscrit dans la lignée génétique directe de l’enfant issu d’un homme et d’une femme. Il y a donc quelque chose d’objectif dans la parentalité, que la législation ne remet pas en cause pour l’instant, puisqu’elle obéit au principe de vraisemblance.

Mais, avec ce projet de loi, on voudrait nous faire croire que seule l’intention est la condition de la parentalité, et que celle-ci n’est donc que subjective.

Cette tendance a commencé au moment où, pour désigner une seule et même personne, qu’il s’agisse du père ou de la mère, on s’est mis à parler de géniteur ou de donneur. Il convient de rappeler que la loi n’a pas vocation à être subjective, et donc relative. Elle se doit d’être objective et indexée sur le réel pour offrir à notre société des bases stables et pérennes.

Ce qui ressort du témoignage d’adultes issus d’un don, c’est qu’ils recherchent leurs demi-frères et leurs demi-sœurs. Or on n’est frère et sœur que si l’on a un parent commun. On parle donc bien de parent, et non de géniteur.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Ils ne recherchent pas des demi-frères ou des demi-sœurs mais des demi-génétiques, comme ils ont eu l’occasion de nous l’expliquer longuement en audition. J’émettrai évidemment un avis défavorable sur votre sous-amendement, qui est contraire à toutes les lois de bioéthique à la française et à notre code civil, puisque vous voulez de nouveau faire du donneur de gamètes un parent, ce qu’il n’est pas.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1226 de M. Patrick Hetzel, CS1287 de M. Xavier Breton, CS1504 de M. Thibault Bazin et CS1819 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. L’ouverture de l’assistance médicale à la procréation à toute femme non mariée pose des questions très spécifiques : c’est ce que j’ai appelé « le sujet dans le sujet ». En effet, ne risque-t-on pas de multiplier les situations de vulnérabilité ? Vulnérabilité quant au fait d’élever seul un enfant, d’abord. Le Conseil d’État a jugé excessif le fait de donner à une personne la puissance extrême d’imposer à une autre l’amputation de la moitié de son ascendance. Vulnérabilité matérielle, ensuite, quand on sait que les familles monoparentales sont plus précaires financièrement et constituent un quart de la population pauvre dans notre pays.

D’autre part, ne crée-t-on pas une inégalité majeure entre les enfants qui seront nés de leurs père et mère biologiques, ceux qui n’auront un lien biologique qu’avec un seul des membres du couple, voire aucun d’entre eux, et ceux qui n’auront pas de père ?

Vous êtes en train de créer une rupture anthropologique majeure.

M. Xavier Breton. Il ne faut pas introduire une discrimination entre les enfants qui auront la chance d’avoir un père et ceux qui en seront privés.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous avons déjà eu de très longs débats sur la situation des femmes seules, à propos de l’article 1er. Je rappelle que la monoparentalité choisie n’a rien à voir avec la monoparentalité subie. Si vos amendements étaient adoptés, ils créeraient une discrimination entre les enfants nés d’une PMA au sein d’un couple et ceux qui sont nés d’une femme seule. Les premiers pourraient avoir accès à leurs origines personnelles, et pas les autres. Une telle disposition, du fait de son iniquité, serait censurée par le Conseil constitutionnel. Avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1437 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’ouverture de la PMA à toutes les femmes pose un certain nombre de problèmes qui ne sont pas encore résolus, alors que le texte passe pour la troisième fois devant notre assemblée.

Je me contenterai de deux exemples. Quid de la précarité des femmes mères célibataires, alors que la crise sanitaire n’a fait qu’aggraver leur précarité ? C’est ce que confirme Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, qui écrit : « La gestion de la parenté devient compliquée avec un revenu unique, car elle ajoute de l’incertitude dans une société déjà précaire et qui précarise encore plus les femmes. »

Quid de la privation organisée, pour certains enfants, de leur père ? On l’a dit, le Conseil d’État a jugé excessif de donner à une personne la puissance extrême d’imposer à une autre l’amputation de la moitié de son ascendance.

Par sagesse, il convient donc d’en rester au droit positif actuel, qui ne permet qu’aux couples formés d’un homme et d’une femme de recourir à la PMA.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Cet article ne concerne pas le recours, mais le don. Votre sous-amendement reviendrait à empêcher les femmes seules d’être donneuses dans le cadre d’une AMP, soit de leurs gamètes, soit d’un embryon. Vous créeriez donc une inégalité entre les donneurs. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1438 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit d’un sous-amendement rédactionnel, qui vise à rédiger ainsi l’alinéa 9 de l’amendement : « Lorsque le tiers donneur vise un couple ayant consenti à l’accueil de ses embryons, le consentement du tiers donneur s’entend du consentement exprès de chacun des membres du couple. »

Cela rejoint une discussion que nous avons eue lorsque nous avons examiné l’article 2 bis. Ce point ne me semble pas résolu.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je veux bien admettre que votre sous-amendement est rédactionnel, mais « lorsque le tiers donneur vise un couple » est moins précis que « lorsque le tiers donneur est un couple ». Je préfère que la loi soit rédigée de manière claire et précise. Je demande le retrait du sous-amendement.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1205 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Donner ses gamètes n’est pas un acte anodin. Il convient de s’assurer que, lorsque le donneur est en couple, son conjoint est pleinement associé à cette démarche, qui aura mécaniquement des répercussions dans leur vie. Ce serait plus que judicieux. Je ne reviens pas sur les discussions que nous avons eues lors de l’examen des articles précédents.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. À mon sens, madame Ménard, vous confondez deux situations. Lorsque le donneur est un couple – il s’agit alors d’un don d’embryon –, le consentement exprès de chacun des deux membres du couple est requis. Lorsque le donneur est un individu, homme ou femme, le don est personnel et anonyme, et il n’y a pas lieu de recueillir quelque consentement externe que ce soit, pas même celui du conjoint marié, pacsé ou en concubinage. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1227 de M. Patrick Hetzel, CS1288 de M. Xavier Breton et CS1820 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement CS1227 tend à supprimer les alinéas 10 à 13 de l’amendement de la rapporteure, lesquels visent à permettre la communication des données et de l’identité du tiers donneur à la majorité de l’enfant conçu par assistance médicale à la procréation.

En effet, ces alinéas bouleverseraient complètement l’édifice normatif construit en 1994. La conception retenue alors, constitutive du modèle français en matière de bioéthique, permet d’offrir à l’enfant conçu par le recours à ces techniques une filiation crédible : il peut se représenter comme étant effectivement issu de ceux que la loi désigne comme son père et sa mère.

La levée de l’anonymat soulève la question cruciale du lien de l’enfant avec le donneur de gamètes. Elle pourrait exposer l’enfant à un conflit de loyautés envers ses parents légaux, d’une part, et envers ses géniteurs, d’autre part. Il serait donc sage de supprimer les alinéas en question.

M. Julien Ravier. Le sujet est complexe. Certes, en levant l’anonymat, nous donnerons la possibilité à la personne issue du don de rechercher l’identité du donneur. Celui-ci acceptera peut-être de la rencontrer et d’établir avec elle des liens forts, voire un lien de filiation, s’il le souhaite. En outre, on le sait, les enfants issus du don rechercheront d’éventuels demi-frères ou demi-sœurs. Bref, on modifiera totalement l’édifice normatif construit en 1994, ce qui m’inspire des doutes profonds.

Par ailleurs, je m’inquiète beaucoup pour le don de gamètes. Avec des mesures telles que la levée de l’anonymat, nous risquons d’être confrontés à une véritable pénurie de gamètes, et d’aller tout droit vers leur marchandisation. Il faut être prudent en la matière, même si je comprends les revendications, légitimes, qui ont motivé ces dispositions.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Ma réponse vaudra pour d’autres sous-amendements.

Les journalistes nous demandent parfois pourquoi nous passons autant de temps à examiner ce texte. Je constate qu’en cinquième lecture, nous allons répéter exactement les mêmes arguments qu’en première.

En l’espèce, la levée de l’anonymat et l’accès aux données non identifiantes ou identifiantes du donneur n’emporteront jamais, absolument jamais, de filiation. C’est bloqué par l’article 311-19 du code civil, que nous avons lu plusieurs fois. Et il y a fort longtemps que cette filiation est proscrite, puisque cela remonte aux lois Veil de 1994.

Désormais, l’enfant issu du don, devenu majeur, pourra avoir accès à une partie de son récit, strictement génétique, et non parental ou affectif ; il n’y a pas de confusion. En matière d’accès aux origines personnelles, le cœur du dispositif est de permettre aux parents véritables, à savoir ceux qui ont eu recours à l’AMP, de parler avec leur enfant de son histoire, de manière transparente et authentique, et de permettre à l’enfant d’accéder un jour au récit génétique, et non pas parental, je le répète, en toute sérénité et tranquillité. C’est permettre l’altérité dans l’authenticité ; c’est donner un accès à l’intimité et mettre fin au mensonge, tout en continuant à protéger les parents et en respectant le besoin des enfants.

La relation parentale n’est pas en cause. Il ne faut pas inquiéter les couples hétéroparentaux, les couples homoparentaux ou les femmes seules qui s’engagent dans une AMP. Et il n’y a pas non plus d’inquiétude à avoir pour les enfants. Au contraire, ces dispositions vont énormément apaiser.

M. Julien Ravier. Ce sont les donneurs que l’on va inquiéter !

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je demande le retrait des sous-amendements, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements identiques CS1227, CS1288 et CS1820.

Sous-amendement CS1193 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Le sujet est effectivement très complexe. L’accès à l’identité du tiers donneur constitue véritablement une demande récurrente des personnes issues d’un don, qui font état de la souffrance éprouvée de ne pas connaître leurs origines – nous l’avons entendue au cours des auditions. Ce droit fondamental est d’ailleurs inscrit, pour les enfants, dans la Convention internationale des droits de l’enfant, qui s’impose à la France. Celle-ci garantit à tout enfant, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents.

Selon vous, madame la rapporteure – M. Touraine l’a dit lui aussi –, personne ne pourra réclamer un lien de filiation à son géniteur ou au donneur, si celui-ci ne souhaite pas établir un tel lien. Vous dites que ce n’est pas possible, que cela n’arrivera pas et que c’est intangible. C’est effectivement votre intention et ce que vous indiquez dans la loi, mais, dans la réalité, la volonté de retrouver son père ou sa mère ne sera-t-elle pas un rouleau compresseur, comme peut l’être le désir d’enfant – que je comprends tout à fait ? Je vous garantis que si.

Vous n’empêcherez pas une personne qui en a la possibilité de retrouver son donneur et, qui sait, demain – puisque M. Touraine nous a dit hier soir que ce projet de loi n’était qu’une étape –, d’établir avec lui un lien de filiation. Même si ce n’est pas autorisé aujourd’hui, qui empêchera demain un enfant issu d’un don et son donneur, s’ils le souhaitent l’un et l’autre, de faire établir un tel lien ? Pourrez-vous vous y opposer ? Non.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Le principe remonte, je le répète, aux grandes lois de bioéthique de 1994. Je vous lis de nouveau l’article 311-19 du code civil : « En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation. Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur. » C’est un principe acquis de notre droit civil, depuis plus de trente ans. Nous ne reviendrons pas dessus, car il permet que tout se passe dans la sérénité.

Pour un homme, la filiation par AMP est la plus solide qui existe en droit français, car elle est incontestable. Si un couple hétérosexuel a eu recours à une AMP, le père ne verra jamais la filiation contestée.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1199 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Madame la rapporteure, je suis entièrement d’accord avec tout ce que vous avez dit, à ceci près que le projet de loi apportera un changement : l’enfant issu du don aura accès aux données identifiantes de son géniteur – j’utilise à dessein le terme « géniteur » car vous l’employez vous-même. Dès lors, personne ne pourra l’empêcher de retrouver son géniteur et de le désigner comme son père, s’il en a envie.

Ce que vous décrivez vaudra dans les textes, non dans la vie réelle. De même qu’il est difficile de faire entendre raison à femme qui a un désir d’enfant – et je le comprends –, il sera difficile d’empêcher un enfant de retrouver son père s’il le veut vraiment. Et, si les deux s’entendent bien, qui fera obstacle à l’établissement d’un lien de filiation ? Personne.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. J’aimerais, madame Ménard, que l’on cesse de parler de « désir de femme », en sous-entendant « caprice de femme ». C’est insultant pour toutes les femmes ; personne ne mérite cela.

Mme Emmanuelle Ménard. Ce n’est absolument pas insultant ! Et je comprends la douleur de ces femmes.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. En juillet et août 2019, et de nouveau entre la première lecture et la deuxième, nous avons auditionné des personnes issues d’une AMP avec tiers donneur, devenues majeures, qui avaient retrouvé leur géniteur grâce à des tests génétiques. Il y a en outre nombre de documentaires de grande qualité à ce sujet – n’hésitez pas à les regarder en replay si vous le souhaitez. Or jamais aucun des intéressés n’a évoqué la recherche d’un lien de parentalité, qu’il s’agisse de paternité ou de maternité. Ils recherchent toujours un récit génétique ou l’explication de telle caractéristique physique ou de telle aptitude. Ils ont tous été très clairs sur ce point.

L’ambiguïté dont vous faites état tient au regard que vous portez sur l’AMP. Ces gens vont bien : ils sont très clairs dans leur tête. On peut le respecter ; on n’est pas obligé de porter un regard différencié sur eux.

Mon avis est une nouvelle fois défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1445 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Jamais dans mes propos je n’ai manqué de respect à qui que ce soit. Bien au contraire, j’ai énormément de respect pour les femmes qui ont un désir d’enfant, que je trouve absolument légitime. Elles sont souvent en grande souffrance quand elles ne peuvent pas le satisfaire. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Je n’ai jamais utilisé le terme « caprice », vous ne l’entendrez jamais dans ma bouche ; c’est vous qui l’avez employé.

J’ai assisté aux auditions des associations d’enfants issus d’une AMP avec tiers donneur. Or l’AMP avait dans tous les cas était réalisée au sein d’un couple hétérosexuel.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Non !

Mme Emmanuelle Ménard. C’était le cas lors de toutes les auditions auxquelles j’ai assisté. Et, contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure, certains parlaient de « demi-frères » ou de « demi-sœurs ».

Quoi qu’il en soit, lorsqu’il s’agira d’enfants issus d’une AMP avec tiers donneur élevés dans une famille homoparentale ou monoparentale, je vous garantis que la situation ne sera pas la même : ils rechercheront de facto leur père ; telle sera la réalité, et vous ne pourrez pas l’empêcher. Les dispositions que vous avez lues auront beau être inscrites noir sur blanc dans la loi – je vous donne raison sur ce point –, à partir du moment où les enfants auront accès à l’identité du donneur, vous n’empêcherez pas ceux qui le souhaitent de rechercher un lien de filiation.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je maintiens, madame Ménard, que c’est là votre propre regard sur la situation, votre inquiétude à ce sujet. Certains des enfants que nous avons auditionnés étaient issus d’une AMP réalisée à l’étranger par un couple homoparental. Or leurs témoignages allaient dans le même sens : il n’y avait aucune ambiguïté quant à l’objet de leurs recherches. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1201 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il ne me semble pas indispensable d’attendre que l’enfant ait atteint sa majorité pour lui donner accès à l’identité du tiers donneur. À 16 ans, il a accès à son dossier médical partagé, et c’est à mon avis le bon âge pour l’accès à l’identité du donneur, comme je l’ai expliqué lors des précédentes lectures.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Sur le fond, je l’ai dit, je ne suis pas loin d’être d’accord avec vous. Peut-être pourrons-nous, dans les années à venir, abaisser l’âge fixé. À ce stade, il me semble plus raisonnable de le maintenir à 18 ans, car c’est la première fois que nous levons partiellement l’anonymat. En outre, la majorité correspond à la maturité et à l’exercice de nouvelles libertés et responsabilités.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements CS1443 et CS1195 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Ces deux sous-amendements ont le même objectif que le précédent : permettre l’accès à l’identité du donneur dès 16 ans, âge auquel l’adolescent reçoit sa carte Vitale et a accès à son dossier médical partagé. Il est illusoire de penser que l’on pourra garder les intéressés dans un cocon entre 16 et 18 ans et s’abstenir de leur révéler les données relatives à leur géniteur.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Le sous-amendement CS1443 tend à supprimer « à la majorité ». Dès lors, l’enfant aurait potentiellement accès à ces données à tout âge. Avis défavorable sur les deux sous-amendements.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les sous-amendements CS1197, CS1442 et CS1203 de Mme Emmanuelle Ménard.

Sous-amendement CS1451 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je reviens sur une discussion que nous avons déjà eue. Compte tenu des incidences de l’accès à l’identité du donneur, à savoir de possibles démarches ou visites de la personne issue du don pour se rapprocher de son géniteur ou du donneur, il me paraît nécessaire de recueillir le consentement de l’autre membre du couple si le donneur est en couple.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1452 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il est similaire au précédent, mais cible les personnes qui ont choisi de se marier, donc de s’engager l’un vis-à-vis de l’autre et de s’acquitter de devoirs spécifiques liés à l’institution même du mariage. Compte tenu des conséquences nouvelles entraînées par la levée de l’anonymat du donneur, il convient de prévoir une impossibilité de procéder au don en cas de refus du conjoint de la personne souhaitant procéder au don.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette successivement les sous-amendements CS1209 et CS1448 de Mme Emmanuelle Ménard.

Sous-amendements identiques CS1229 de M. Patrick Hetzel, CS1290 de M. Xavier Breton et CS1822 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Le don de gamètes ayant un impact sur la vie du couple du donneur, il est essentiel que le conjoint du donneur donne formellement son consentement. Le sous-amendement CS1229 tend à insérer une phrase en ce sens.

Madame la rapporteure, lors de vos échanges avec Mme Ménard, vous avez écarté l’idée selon laquelle certains adultes issus d’un don, qui vivent parfois dans une grande souffrance, rechercheraient très fortement un lien de paternité ou de maternité. Or vous ne pouvez pas balayer cette question d’un revers de main ; vous ne pouvez pas vous contenter de considérer que le problème ne se pose pas. C’est bien parce que nous pensons que ces problèmes apparaîtront qu’il faut être très prudent lorsqu’on entend modifier la loi.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Ne transformez pas mes propos ! Je vous invite à rencontrer les associations Origines et PMAnonyme, et à lire les témoignages qu’elles ont publiés dans plusieurs livres très intéressants. Je répète avec une grande certitude ce que j’ai dit tout à l’heure : la souffrance éventuelle tient à l’absence non pas de lien de parentalité, mais de récit génétique. Les intéressés sont heureux de leurs parents ; cela ne modifie pas leurs relations familiales. L’enjeu est non pas familial, mais individuel. Il a trait à la construction, au récit, notamment génétique.

M. Patrick Hetzel. Je ne suis pas d’accord.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Si vous n’êtes pas d’accord, c’est que vous portez un regard différencié sur les personnes issues d’une AMP. Les témoignages qui nous ont été fournis ne vont pas dans le sens que vous évoquez. Mon avis reste défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1230 de M. Patrick Hetzel, CS1291 de M. Xavier Breton et CS1823 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Il convient de répondre à la situation dans laquelle l’enfant est issu d’un don d’embryon. Le sous-amendement CS1230 tend à lui donner la possibilité d’accéder dans tous les cas à l’identité et aux données non identifiantes du donneur.

Madame la rapporteure, vous avez étayé votre thèse par des éléments juridiques. Or, en la matière, le droit manque singulièrement de stabilité : il évolue presque chaque jour, d’ailleurs souvent sous la pression des souffrances exprimées par les intéressés. Ainsi, les personnes trans peuvent désormais faire inscrire à l’état civil leur sexe ressenti, alors même que leur corps est toujours du sexe opposé.

À un moment donné, le droit évoluera. Avec le texte que vous proposez, la France risque d’être condamnée demain par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir interdit l’établissement d’un lien de filiation. Je ne vois pas comment vous pourriez garantir que tel ne sera pas le cas. Même sur le terrain strictement juridique, je réfute ce que vous avancez.

M. Julien Ravier. Le sous-amendement CS1291 vise à corriger une inégalité entre les enfants issus d’un don de gamètes et les enfants issus d’un don d’embryon quant à la possibilité d’accéder aux données non identifiantes du donneur.

Madame la rapporteure, je me réfère à mon tour aux auditions menées par la commission spéciale, même si j’en suis devenu membre tardivement. Avec l’ouverture de l’AMP aux femmes seules, il est certain que la recherche de la figure paternelle et de l’identité du donneur va s’accentuer, puisque les enfants auront uniquement un référent maternel. Même si le code civil proscrit l’établissement d’un lien de filiation légal, le problème de la construction d’un lien de paternité se posera, tant pour le donneur que pour l’enfant issu du don. Personne d’entre nous ne peut dire le contraire.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Une fois n’est pas coutume, je tiens à défendre les hommes des couples hétéroparentaux, car vous les malmenez dans ces débats. Ce que vous dites laisse supposer qu’un homme ayant élevé pendant dix-huit ans son enfant issu d’une AMP avec tiers donneur pourrait ne plus être, du jour au lendemain, un père satisfaisant pour cet enfant, parce que celui-ci aurait recueilli un récit génétique. C’est impensable !

M. Julien Ravier. Vous n’avez pas écouté ! J’ai parlé des familles monoparentales.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Le père est celui qui élève l’enfant. Arrêtez de conférer une autre dimension au donneur et au récit génétique, et n’attribuez pas aux enfants concernés d’autres demandes ou besoins que ceux qu’ils formulent eux-mêmes. Ils sont satisfaits de leur relation paternelle. Pour ma part, je me garderai d’offenser les hommes dont la paternité résulte d’une AMP. Mon avis reste défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1228 de M. Patrick Hetzel, CS1289 de M. Xavier Breton et CS1821 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. En laissant au tiers donneur le choix de divulguer ou non son identité, le Gouvernement va créer une inégalité entre les enfants issus d’un donneur qui aura accepté de donner l’accès à son identité et ceux issus d’un donneur qui l’aura refusé. La règle part d’une bonne intention, mais vous allez créer des situations de discrimination. Des enfants ou de jeunes adultes se plaindront probablement demain de ne pas avoir été traités de manière équitable. Certes, le problème ne se posera que dans dix-huit ou vingt ans, mais, lorsqu’on fait la loi, on doit se préoccuper de telles questions. Or vous faites comme si nous vivions dans un monde idéal, comme si tout était parfait. Je tiens à le dire solennellement, nous jouons aux apprentis sorciers. Dès lors, assumez-le.

M. Julien Ravier. Je souscris aux propos de Patrick Hetzel : la règle part d’une bonne intention, mais on va créer, là encore, des inégalités ou des discriminations entre les enfants issus d’un don qui recherchent leur géniteur : seuls certains d’entre eux auront accès à l’identité du donneur, parce que celui-ci en aura décidé ainsi.

Je reviens sur l’échange précédent. Je parlais non pas des familles hétérosexuelles, mais des familles monoparentales féminines, où il n’y a aucune représentation masculine. Cela vaut d’ailleurs aussi pour les familles homoparentales féminines. Dans ces familles, la recherche d’un lien de paternité va s’exprimer avec plus d’acuité, ce qui va poser des difficultés.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je ne reviens pas sur la discussion précédente, car Jean-Louis Touraine et moi-même vous avons amplement répondu sur la question de la place ou non d’un homme dans le cadre du projet parental d’une femme seule ou d’un couple de femmes. Quand bien même nous y consacrerions douze lectures, nous ne tomberions pas d’accord.

S’agissant de vos sous-amendements, je suis d’accord sur le fond. Ils sont d’ailleurs satisfaits par mon amendement. J’en demande donc le retrait.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1447 de Mme Emmanuelle Ménard et CS1505 de M. Thibault Bazin.

Mme Emmanuelle Ménard. Le donneur pourra consentir à la communication de son identité et de données non identifiantes le concernant. Il convient de s’assurer que, lorsque le donneur est en couple, son conjoint est pleinement associé à cette démarche, qui aura mécaniquement des répercussions dans leur vie.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1212 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Ce sous-amendement de précision vise à insérer l’alinéa suivant dans l’amendement de la rapporteure : « Lors du recueil du consentement, il est proposé aux personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou consentir à l’accueil de leurs embryons, d’accepter la communication de leur numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques, ainsi que leurs coordonnées postales, téléphoniques et électroniques. Leur refus ne constitue pas un obstacle au don. »

Si le donneur l’accepte, le recueil de ses coordonnées complètes permettra une identification aisée par la personne issue du don. Cela permettra en outre au donneur de mesurer totalement la portée de son don et de l’accès à son identité. Il pourrait notamment être amené à rencontrer l’enfant, si celui-ci fait une démarche en ce sens.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1215 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Il vise à apporter une précision allant dans le même sens, mais sa formulation est un peu différente : il n’y est pas fait référence au numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Vous souhaitez rendre plus opérationnelle la levée partielle de l’anonymat au bénéfice de l’enfant. Je vous annonce que nous préparons avec le Gouvernement des mesures qui permettront le recueil de certaines informations. Nous en débattrons en séance publique. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1223 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. J’ai maintenu le sous-amendement précédent, car cela me permettra de le déposer de nouveau pour la séance publique. En l’espèce, nous avons le même but.

Dans le même ordre d’idées, le sous-amendement CS1223 vise à insérer dans l’amendement l’alinéa suivant : « Le donneur s’engage à actualiser ses données. » En effet, les données non identifiantes ou l’identité du donneur sont susceptibles d’être modifiées entre le moment du don et le moment où la personne issue du don y accédera. Dès lors, il serait bon qu’elles soient actualisées dans l’intérêt de la personne issue du don, notamment pour le cas où celle-ci souhaiterait entrer en contact avec le donneur.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Pour les mêmes raisons que précédemment, je demande le retrait du sous-amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1207 de Mme Emmanuelle Ménard, CS1231 de M. Patrick Hetzel, CS1292 de M. Xavier Breton et CS1824 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Emmanuelle Ménard. Dans le même objectif de lever l’anonymat du donneur, le sous-amendement vise à compléter l’alinéa 12 de l’amendement CS1040 rectifié par la phrase suivante : « Les membres de sa famille ne peuvent s’y opposer ».

Les expériences relatées à l’étranger montrent qu’une fois le donneur décédé, les membres de sa famille cherchent souvent à s’opposer à la levée de l’anonymat. La précision permettra d’éviter des procédures judiciaires coûteuses, longues et fastidieuses aux personnes qui recherchent l’identité de leur donneur.

M. Patrick Hetzel. Les expériences d’autres pays, qui ont appliqué une législation différente, montrent qu’au décès du donneur, certaines familles s’opposent à la levée de l’anonymat. Il s’agit donc de sous-amendements de précision, et si Mme la rapporteure émet un avis défavorable, elle devra en donner les raisons car on ne peut être sûr que les membres de la famille ne s’opposeront pas à la levée de l’anonymat ? Les études juridiques montrent que le risque d’opposition est très élevé, si rien n’est écrit.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Sur le fond, nous sommes d’accord. Sur la forme, la précision est inutile car le consentement est individuel. Pour les membres de la famille, il n’y aura pas de possibilité d’agir. Le fait que la filiation soit proscrite entre le donneur et l’enfant issu de l’AMP permet d’éliminer les champs d’intérêt à agir. Je ne connais pas les cas que vous citez à l’étranger – peut-être pourrez-vous les présenter. En droit français, la précision est inutile.

C’est pourquoi je vous suggère de retirer vos sous-amendements. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1456 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’alinéa 14 prévoit que le médecin collecte l’identité des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon. On ne peut pas « donner » un embryon. On peut seulement consentir à son accueil. Il convient de corriger l’amendement CS1040 rectifié en conséquence.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. J’entends la proposition mais elle est couverte par la notion de don, que nous avons besoin de conserver d’un point de vue législatif. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1394 de M. Joël Aviragnet.

M. Gérard Leseul. Il vise à compléter les informations relatives aux antécédents, pour permettre de recueillir les antécédents médicaux du donneur ou de ses proches parents. Le recueil de l’état de santé du donneur lors du don est essentiel. Il présente toutefois un intérêt relatif dans la mesure où la plupart des donneurs sont en bonne santé à ce moment. C’est pourquoi il paraît utile de recueillir également les antécédents médicaux du donneur ou de ses proches parents.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous en avons longuement débattu en première et deuxième lecture dans l’hémicycle. Le ministère de la solidarité et de la santé avait précisé les nombreux tests génétiques auxquels les personnes sont soumises avant d’être acceptées comme donneurs. Une telle précision n’est pas nécessaire. Ce sont les données non identifiantes recueillies au moment du don qui seront transmises, non des données médicales.

Par ailleurs, la partie du texte dont mon collègue, Philippe Berta, est le rapporteur contient des dispositions relatives à la parentèle génétique, si une anomalie génétique est détectée. A priori, les personnes présentant des anomalies génétiques sont exclues du don.

Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1248 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Au lieu d’éléments subjectifs, fournis par le donneur, il est préférable de collecter des données médicales objectives, qui seront pertinentes lorsque l’enfant sera né.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. J’entends la demande mais la formulation « leur état de santé précis » semble très vague, selon les considérations subjectives et objectives de la personne. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement CS1395 de M. Joël Aviragnet.

M. Gérard Leseul. Dans le même esprit que le sous-amendement CS1248, celui-ci vise à permettre au donneur de laisser toute donnée non identifiante, qui lui paraîtrait utile, au moment du recueil de son consentement.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Comme en première et deuxième lecture, cet ajout risque de créer des inégalités entre les personnes issues du don. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1232 de M. Patrick Hetzel, CS1252 de Mme Emmanuelle Ménard, CS1293 de M. Xavier Breton et CS1825 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement CS1232 vise à supprimer l’alinéa 20 de l’amendement CS1040 rectifié de la rapporteure, qui inclut les motivations du don, rédigées par le donneur, parmi les données non identifiantes. L’expression des motivations ne présente d’intérêt pour la personne issue du don que si elle est sincère et correspond à la réalité. Dans la mesure où ce point n’est pas vérifiable, il serait pertinent de supprimer cet élément.

Mme la rapporteure a qualifié de « très vague » la précision de Mme Ménard concernant l’état de santé. J’utilise le même argument : les « motivations du donneur » sont vagues. Il ne convient pas de les maintenir.

M. Julien Ravier. N’ayant pas participé aux auditions, je suis curieux de connaître l’intérêt d’afficher les motivations du don, qui sont des éléments difficilement vérifiables et subjectifs.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Les auditions ont permis de recueillir les témoignages de parents ayant vécu une AMP avec tiers donneur, et d’enfants issus d’une AMP. Il apparaît de manière constante que ces derniers sont à la recherche d’un récit, non familial, mais personnel, individuel, identitaire, génétique. Les motivations du don s’inscrivent dans ce récit. Il n’y a pas de confusion avec un récit familial. Il peut être intéressant pour les personnes issues d’AMP, qui sont devenues majeures, de bénéficier dans leur récit des motivations de leur donneur, et, ainsi, de donner une historicité à leur arrivée.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendement CS1250 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Ce sous-amendement de repli vise à supprimer la fin de l’alinéa 20. La commission sénatoriale a introduit le contrôle de la rédaction des motivations, afin d’éviter dans la mesure du possible toute rédaction qui pourrait avoir un impact négatif sur la personne née d’une AMP avec donneur, après sa majorité.

Un tel contrôle semble en contradiction avec la philosophie de la loi : soit l’on considère que le donneur est responsable et conscient de la portée de son geste pour accomplir son don, et aucun contrôle de la rédaction de ses motivations ne peut être envisagé ; soit l’on considère qu’il est irresponsable et que la motivation de son don est biaisée. Le centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (CECOS) devrait alors refuser de recevoir son don. Sur ce sujet, il ne peut y avoir de demi-mesure.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Le sous-amendement est satisfait par la rédaction de l’amendement CS1040 rectifié, où l’assistance par le personnel médical est supprimée. Les motivations des donneurs sont rédigées par leurs propres soins.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements identiques CS1244 de M. Patrick Hetzel, CS1303 de M. Xavier Breton et CS1832 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Le sous-amendement apporte des précisions après l’alinéa 20. On connaît la difficulté, pour les personnes nées sous X, de retrouver un donneur après une longue période. Le numéro de sécurité sociale a le mérite d’être invariant et efficace pour atteindre ce but. Son utilisation aura pour unique finalité de rechercher les donneurs.

Madame la rapporteure, vous ne pouvez pas rejeter certains arguments sous le prétexte qu’ils ont déjà été présentés puisque, manifestement, vous retravaillez vous-même des points qui seront précisés dans l’hémicycle. Il est nécessaire que les dispositions puissent être affinées.

M. Julien Ravier. Le numéro de sécurité sociale paraît un élément essentiel pour identifier le donneur. On peut se demander ce qui s’opposerait à son recueil. L’objectif est de fournir des données non identifiantes et de lever l’anonymat.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je vous demande de retirer temporairement les sous-amendements, qui portent sur une mesure que nous travaillons pour la séance. Je m’en réjouis car nous pourrons ainsi la voter ensemble dans l’hémicycle. D’autres amendements viendront la préciser, pour la rendre opérationnelle. En revanche, les lignes politiques de fond n’ont pas bougé.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1233 de M. Patrick Hetzel, CS1294 de M. Xavier Breton et CS1826 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. Après l’alinéa 21, il est important d’apporter la précision : « Les informations recueillies ont pour unique vocation de renseigner l’enfant issu du don à sa majorité. » Pour ces questions, cela va mieux en le disant – en l’occurrence, en l’écrivant dans la loi.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Nous sommes d’accord sur le fond. L’ajout est toutefois déjà présent dans le texte. Le sous-amendement est donc superfétatoire car satisfait. Demande de retrait. Sinon, avis défavorable.

La commission rejette les sous-amendements.

Sous-amendements identiques CS1237 de M. Patrick Hetzel, CS1297 de M. Xavier Breton et CS1828 de Mme Anne-Laure Blin.

M. Patrick Hetzel. À l’alinéa 22 de l’amendement CS1040 rectifié de la rapporteure, il s’agit d’ajouter après le mot « dons » les mots « avec la mention du centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains dans lequel ils ont effectué leur don ». Pour un meilleur contrôle, il est utile que le fichier de l’ABM note le nom du CECOS auprès duquel le donneur a procédé au don.

M. Xavier Breton. Il est utile d’indiquer le nom du CECOS auprès duquel le donneur a procédé au don. La mention ne figure pas dans le texte.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. J’entends l’objectif du sous-amendement mais cet ajout entre davantage dans le champ du règlement que de la loi. La nature des données collectées sera précisée par décret et soumise à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Aussi, je vous demande de retirer les sous-amendements. À défaut, avis défavorable.

M. Xavier Breton. Je retire le sous-amendement CS1297. Je le redéposerai et interrogerai le ministre en séance, afin d’obtenir des garanties.

Les sous-amendements sont retirés.

 

 

 

La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.

 

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Membres présents ou excusés

Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Réunion du mercredi 2 juin 2021 à 15 h 00

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Xavier Breton, M. Guillaume Chiche, M. Francis Chouat, M. Marc Delatte, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, M. Philippe Gosselin, M. Patrick Hetzel, M. Bastien Lachaud, Mme Anne-Christine Lang, M. Gérard Leseul, Mme Monique Limon, M. Jacques Marilossian, M. Didier Martin, M. Jean François Mbaye, Mme Emmanuelle Ménard, Mme Sylvia Pinel, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Florence Provendier, M. Julien Ravier, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Michèle de Vaucouleurs

Assistaient également à la réunion. - Mme Géraldine Bannier, Mme Anne-Laure Blin, M. Charles de Courson, Mme Agnès Thill