Compte rendu

Commission spéciale
chargée d’examiner
le projet de loi
confortant le respect
des principes de la République

– Audition de Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances              2

– Présences en réunion.................................13

 

 

 

 

 

 


Lundi
11 janvier 2021

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 23

session ordinaire de 2020-2021


Présidence de M. François de Rugy, président


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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D’EXAMINER
LE PROJET DE LOI CONFORTANT
LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE

Lundi 11 janvier 2021

La séance est ouverte à quinze heures cinq.

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La commission spéciale procède à l’audition de Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

M. le président François de Rugy. Madame la ministre, la commission spéciale a souhaité auditionner de nombreux membres du Gouvernement afin de disposer d’un éclairage plus précis sur certains points du projet de loi confortant le respect des principes de la République ou de sa future application. Votre périmètre ministériel inclut l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les discriminations de tout type, sujets qui se trouvent au cœur tant du contexte que du texte.

Cette audition se déroulera par séquences de questions-réponses de trois minutes.

Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure thématique. Les articles du chapitre III du titre Ier traitent du respect des principes de la République et de la dignité de la personne humaine.

S’agissant de la protection des héritiers réservataires, pensez-vous que la procédure soit suffisamment opérante ? Ne court-on pas le risque de retarder ou de bloquer les successions, et de pénaliser les femmes ?

Concernant la délivrance et le renouvellement des titres de séjour, ainsi que le versement de la pension de réversion, l’intention d’équité est louable, mais quelle protection peut-on offrir, au sein des familles polygames, aux femmes, mariées ou non, et à leurs enfants pour leur permettre d’entreprendre une démarche indépendante de demande de titres ?

Il est prévu de sanctionner les professionnels de santé qui délivrent des certificats de virginité ; les demandeurs pourraient-ils être également visés ? Des signalements auprès des ordres et du procureur de la République seraient-ils envisageables afin de faire reculer ces pratiques indignes, largement répandues dans plusieurs pays ?

Ces demandes de certificat précèdent souvent les mariages forcés. Pour lutter contre ces derniers, que pensez-vous d’organiser, à la suite de l’entretien individuel, un rendez-vous avec le couple ? Quels outils communs et bonnes pratiques devraient être développés auprès des élus pour les aider à identifier les difficultés ? Quelle protection peut-on offrir aux jeunes filles concernées et comment les orienter vers des associations agréées et habilitées ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Mesdames, messieurs les députés, je vous souhaite tout d’abord une très belle et heureuse année 2021, que j’espère voir placée sous le signe de l’égalité et de la justice.

Comme toutes les actions ayant pour but de lutter contre les discriminations, je ne peux que soutenir la disposition relative à la réserve héréditaire. Elle va permettre un partage équitable des successions, ou à tout le moins de réduire une inégalité liée au sexe. Les enfants déshérités par un parent pourront effectuer, sur les biens situés en France, un prélèvement compensatoire équivalent à ce qu’ils auraient reçu si la loi étrangère applicable prévoyait un mécanisme de réserve héréditaire.

Ces dispositions expriment des valeurs politiques et culturelles fortes et traduisent nos principes républicains : la liberté, puisque la réserve héréditaire protégera les enfants des pressions que les parents pourraient exercer sur eux en échange d’un héritage ; l’égalité, puisqu’elle assurera une égalité minimale au sein de la fratrie et limitera le risque de discrimination entre enfants en raison de leur sexe ou de leur filiation ; la fraternité, puisqu’elle est une expression de la solidarité familiale, qui constitue d’ailleurs l’un de ses fondements. Un prélèvement compensatoire ne pourra pas être imposé juridiquement sur des biens situés à l’étranger, mais il sera toujours possible de poursuivre sur le plan pénal un recel successoral si le défunt a soustrait une partie de ses biens pour les transférer à l’étranger.

S’agissant des pensions de réversion, nous sommes conscients de la difficulté qu’engendre l’article 15 pour les femmes, qui ne sont pas toujours informées de la situation et en sont elles-mêmes victimes. Il est prévu qu’il s’applique aux pensions de réversion liquidées à compter de la publication de la loi.

Ce même article respecte les dispositions spécifiques à Mayotte en matière de polygamie et ne remet pas en cause celles des conventions internationales qui prévoient la répartition des pensions de réversion entre plusieurs conjoints survivants. Parmi les pays signataires de telles conventions figurent l’Algérie, le Bénin, le Cameroun, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Togo et, jusqu’à la convention signée avec la France en juin 2003, la Tunisie. Les dispositions de ces conventions internationales signées par la France n’ont évidemment pas vocation à être remises en cause.

À propos du certificat de virginité, j’ai conscience que l’entourage peut parfois faire pression sur les jeunes femmes pour l’obtenir, ce qui relève déjà de la contrainte. Quant à envisager une sanction, il faudrait en étudier la faisabilité avec le ministère de la justice.

Concernant le mariage, comme toutes les questions ayant trait à l’égalité entre les femmes et les hommes, sachez que je serai attentive à toutes les suggestions que vous pourriez émettre.

M. Éric Poulliat, rapporteur thématique. À l’article 6, le contrat d’engagement républicain énumère les principes formant un cadre dans lequel les associations doivent s’inscrire, parmi lesquels figure le principe d’égalité « notamment entre les femmes et les hommes ». Doit-on se réjouir de cette précision ou regretter de devoir encore l’apporter ?

En vertu d’une logique coercitive, le non-respect de ce principe entraînerait la restitution des subventions. Concrètement, comment contrôler l’effectivité de l’égalité femmes‑hommes, qui nous est si chère, sachant que la confusion est souvent faite entre égalité et parité ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. J’espère que cette égalité est chère au cœur de tous, car c’est l’objectif du Président de la République que de faire en sorte que, dans notre pays, les femmes et les hommes soient également considérés. Nous avons certes énormément progressé ces dernières années, mais, sur le terrain, on se rend compte qu’il reste malheureusement beaucoup à faire. Les femmes sont encore victimes de nombreuses discriminations, que ce soit en matière de salaire, de violences ou du sexisme qu’elles subissent dans l’espace public.

C’est en poursuivant la transformation de notre société et en créant une véritable culture de l’égalité que nous parviendrons à faire évoluer les mentalités et à atteindre l’égalité réelle que nous appelons de nos vœux. La diffusion d’une telle culture constitue, avec la lutte contre les violences physiques et pour l’émancipation économique, l’un des trois principaux objectifs que nous nous sommes fixés en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

Nous avons mis en place plusieurs outils interministériels afin de nous assurer que chaque politique publique mise en œuvre prenne en compte, lorsque cela est pertinent, l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est notamment le cas du service national universel (SNU) et des quatre-vingts projets de cités éducatives, dont plus de la moitié comprend des dispositifs qui lui sont dédiés.

La culture de l’égalité doit se construire dès le plus jeune âge, tant à l’école maternelle qu’à la maison. C’est la raison pour laquelle nous avons également signé avec d’autres ministères une convention pour l’égalité entre les filles et les garçons dans les politiques éducatives. Que ce soit dans les médias, dans la justice, la santé ou le sport, je m’attache à ce que cette dimension de l’égalité soit présente en permanence : si on ne la nomme pas, elle n’existera pas, tant elle n’est pas encore entrée dans les esprits.

Pour toutes ces raisons, il est important que les associations, au moment où elles se forment comme dans toutes leurs activités, promeuvent cette égalité entre les femmes et les hommes. Il ne me semble tout simplement pas possible que celles qui estiment que la femme n’est pas l’égale de l’homme reçoivent une subvention.

Mme Anne Brugnera, rapporteure thématique. Je travaille avec Éric Poulliat sur le sujet du sport. Compte tenu de la nécessité de développer l’éthique dans le milieu sportif, l’article 25 prévoit que les associations sportives agréées signeront un contrat d’engagement républicain et que les fédérations sportives engageront un travail sur le même thème. Que conseilleriez-vous d’inscrire dans ce contrat pour aider le monde du sport à progresser en matière de respect des principes de la République et de protection des mineurs, également visée à l’article 25 ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. Effectivement, cet article institue un régime de contrôle avec une obligation, pour les fédérations agréées et délégataires, de souscrire un contrat d’engagement républicain se référant aux principes de liberté, d’égalité entre les femmes et les hommes, de fraternité, de dignité de la personne et de sauvegarde de l’ordre public. Il me paraît sain de veiller ainsi au respect des valeurs de notre République et de vérifier l’absence de dérive : on ne saurait accepter qu’une association ou une fédération sportive puisse bénéficier d’argent public alors même que son activité ou ses projets sont contraires aux principes de notre République, et notamment au principe d’égalité entre les femmes et les hommes.

Il s’agit de lutter contre l’existence de structures sportives qui, au nom d’une certaine idéologie, n’acceptent pas la présence des femmes en leur sein ou, parfois, la stigmatisent. Le sport joue un rôle tout à fait fédérateur et promeut des valeurs de solidarité, d’acceptation et de respect de l’autre ; il n’y a donc aucune raison pour que cette culture de l’égalité n’y soit pas véritablement prise en considération.

Extrêmement sensible à ces questions, je suis heureuse qu’elles figurent dans le projet de loi. L’objectif du dispositif est d’empêcher que les femmes renoncent à pratiquer le sport qu’elles aiment en club faute de s’y sentir à l’aise, comme certaines me l’ont confié. Les femmes comme les hommes, les jeunes filles comme les jeunes hommes doivent pouvoir accéder au sport en toute sécurité et en toute égalité.

Mme Laetitia Avia, rapporteure thématique. Tout acte, toute agression, verbale et parfois physique, est un coup de canif porté à notre pacte républicain et crée un terreau fertile sur lequel fleurit le séparatisme. La lutte contre la haine en ligne, au cœur du plan national de lutte contre le racisme et contre l’antisémitisme présenté par le Premier ministre, entend, à travers des mesures de régulation des réseaux sociaux, améliorer la modération de ces derniers. Les torrents de haine dont ont récemment été victimes April Benayoum et la jeune mannequin Christelle Yambayisa démontrent l’urgence d’agir à l’encontre de sites qui n’ont d’autre but que de véhiculer la haine la plus crasse visant toute personne en raison de sa couleur de peau, de son origine, de sa religion ou de son orientation sexuelle – nous connaissons désormais tous le site Démocratie participative.

La délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), placée sous votre autorité, a engagé nombre de procédures à l’encontre de ce site miroir, qui réapparaît régulièrement alors même qu’il a été bloqué à plusieurs reprises. Afin que nous puissions mesurer l’opportunité des dispositions de l’article 19, pourriez-vous nous préciser combien d’actions ont été engagées et combien de fois ce même site a été bloqué ?

Les actes et propos racistes sont encore plus violents lorsqu’ils sont le fait de personnes assurant une mission de service public, qui sont censées incarner l’État et se comporter en hussards de notre République en portant ses valeurs. Êtes-vous favorable à la création dans notre droit d’une circonstance aggravante lorsque des injures à caractère haineux sont proférées par des personnes dans l’exercice de leur mission de service public ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. Je sais combien ces questions sont chères à votre cœur. Il importe de les traiter de manière très volontariste.

Dans notre pays des droits de l’homme, les propos haineux, sous quelque forme qu’ils soient proférés, sont simplement intolérables. Les personnes exerçant une mission de service public doivent donner l’exemple ; elles doivent constituer un repère de ce qui peut se faire et de ce qui ne peut pas se faire. Nos agents publics sont les garants de l’application de nos principes républicains, il n’est donc pas acceptable qu’ils puissent commettre des actes racistes dans l’exercice de leurs fonctions. Cela va à l’encontre de toutes les règles.

Le code pénal prévoit une incrimination spécifique pour les actes discriminatoires lorsqu’ils sont commis par des agents publics dans l’exercice de leurs fonctions. Évidemment, je suis, par principe, favorable à en faire une circonstance aggravante et disposée à travailler avec vous, en lien avec la Chancellerie, pour étudier la faisabilité de son introduction dans le code pénal.

Grâce au travail remarquable de la DILCRAH, d’autant plus dans un contexte de crise de nature à exacerber les tensions, le site Démocratie participative a été bloqué à neuf reprises sur décision de justice. Le 3 décembre dernier, la fermeture du site a été ordonnée en raison de deux publications consécutives à l’attentat qui, au Niger, avait coûté la vie à huit personnes, dont six travailleurs humanitaires français, le 9 août 2020. Le tribunal judiciaire de Paris a fait valoir que la menace que faisaient peser sur l’ordre public ces publications qui, en des termes très violents, exhortaient à la haine, en valorisant par les mots et par les images un passage à l’acte terroriste, n’était tout simplement pas acceptable.

Les sites miroirs, la communication de la haine, du racisme, de l’antisémitisme, des LGBT-phobies et de toutes les discriminations, qui deviennent communes à la faveur de l’anonymat que procure internet, doivent absolument cesser. Je me réjouis que nous nous saisissions de ces problèmes à bras-le-corps, avec la procédure prévue dans le projet de loi pour lutter contre ces phénomènes.

M. Pierre-Yves Bournazel. Partout dans la société, sur les réseaux sociaux, dans les entreprises, les associations, les services publics, les écoles, la formation au principe de laïcité et à la lutte contre les discriminations est un projet essentiel pour que nous fassions société, que nous fassions nation, et que les principes de la République résistent aux outrances et aux attaques politiques et religieuses radicalisées, aux extrémismes de toute obédience.

La formation à la laïcité doit permettre à chacun de comprendre qu’elle est un principe de liberté – liberté de conscience, de croire ou de ne pas croire, d’évoluer de l’athéisme ou de l’agnosticisme à une croyance – et un principe de protection de cette liberté. La formation à la lutte contre les discriminations doit viser autant le racisme, que l’antisémitisme et la LGBT‑phobie, la haine de l’autre en général. Comment mettre en place ces formations, notamment à destination des encadrants qui forment régulièrement nos jeunes et nos moins jeunes dans tous les pans de la société ?

Quelles actions comptez-vous amplifier pour compléter notre législation et accompagner des politiques publiques extrêmement énergiques ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. On ne naît pas haineux, on le devient au contact de son entourage, à la maison, à l’école ou dans l’espace public. Il est essentiel de nous assurer que, dès le plus jeune âge, nos enfants apprennent que la différence peut être belle, qu’elle peut enrichir et qu’il n’y a pas de place, dans notre pays, pour le racisme, l’antisémitisme ou les LGBT-phobies. Il y a, en revanche, de la place pour l’égalité, la considération et le respect des autres.

L’école est le lieu par excellence du partage de ces valeurs. Beaucoup d’associations témoignent de l’accueil tout à fait positif qu’elles reçoivent dans les écoles lorsqu’elles s’y déplacent. Elles se réjouissent des questions tout à fait inclusives que la jeunesse leur pose. Il y a quelques mois, une étude a montré que les deux sujets dont celle-ci veut aujourd’hui s’emparer sont l’environnement et les inégalités – c’est le signe qu’elle est parfaitement au fait des discriminations. Quand les jeunes n’en sont pas eux-mêmes victimes, leurs camarades le sont : ils sont tout à fait conscients que cela n’est pas normal.

La DILCRAH est déjà très fortement engagée dans le domaine de la formation des jeunes et des moins jeunes au sein des établissements, publics et privés. En outre, de nombreuses associations luttent aujourd’hui contre le racisme. SOS Racisme, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) et l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), notamment, interviennent régulièrement au sein des établissements scolaires afin d’échanger avec notre jeunesse sur la laïcité et le respect de l’autre. Il faut les renforcer. Je sais que Jean-Michel Blanquer est très sensible à cette question, et que c’est au sein des écoles, et dès le plus jeune âge, que nous pourrons la faire progresser.

Dès mon arrivée au ministère, j’ai rencontré toutes les associations de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les formes de discrimination. J’ai également travaillé avec les entreprises sur les discriminations, à l’embauche ou dans le déroulement des carrières, qui peuvent exister en leur sein et dont certaines sont conscientes. Quant à nous, nous devons nous montrer tout à fait exemplaires. Nous allons donc faire en sorte de soumettre les entreprises et établissements, du public comme du privé, à des obligations de formation afin que tout le monde sache ce qu’il est permis de faire et ce qu’il n’est pas permis de faire. Il nous faut lutter contre ces biais, parfois complètement inconscients, et contre ces préjugés mortifères pour notre société : ils blessent notre vivre ensemble et touchent à la dignité des individus.

La formation et la sensibilisation, dans le public et dans le privé, dès le plus jeune âge et tout au long de la vie, sont donc absolument essentielles.

M. Charles de Courson. Êtes-vous favorable à ce que ceux qui demandent à une jeune femme de produire un certificat de virginité soient sanctionnés, et pas seulement ceux qui le délivrent ? L’état du droit le permet-il actuellement ? Des médecins qui délivreraient des certificats de virginité pour protéger les femmes concernées seront-ils sanctionnés ?

Du fait de son alinéa 2, l’article 15 est largement vidé de tout contenu puisqu’il ne s’appliquerait que « sous réserve des engagements internationaux de la France ». Or treize ou quatorze conventions internationales concernent des États dans lesquels la polygamie est légale et qui prévoient des règles différentes. La sagesse ne commanderait-elle pas qu’une disposition législative interdise au Gouvernement de signer des conventions ne respectant pas le principe selon lequel on ne peut avoir qu’une seule épouse à la fois ? À défaut d’une telle disposition législative, vous engagez-vous, et si oui dans quel délai, à dénoncer toutes ces conventions ou leur partie concernant les pensions de réversion pour les polygames ?

J’ai été étonné d’entendre une de vos collègues prétendre que la polyandrie n’existait pas dans le monde. Hélas si ! Au Népal par exemple, elle a été interdite en 1981, et à Mayotte en 2010, mais les unions précédentes perdurent. Pourquoi n’avez-vous pas prévu une disposition-balai dans l’article 14 ?

Ne pensez-vous pas que l’article 13 est quasiment inapplicable ? Les conflits de juridiction entre le droit français et celui de l’autre pays concerné seront souvent insolubles, comme nous l’ont dit les représentants du notariat – je pourrais citer quantité de cas. Et, entre nous, il suffit de délocaliser ses biens pour contourner cet article.

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. Défendre l’égalité entre les femmes et les hommes, c’est défendre l’égalité autant pour les hommes que pour les femmes. Il me semble important de considérer toutes les situations d’inégalité de la même façon. Il est vrai que la question de la polyandrie n’a pas été traitée. Peut-être est-ce parce que le nombre de cas est infime, mais il faut le faire, parce qu’il faut toujours aller dans le sens de l’égalité. Nous pourrons peut-être discuter ensemble d’un amendement.

Les jeunes femmes qui demandent un certificat de virginité le font généralement sous la pression de leur famille ou de leur future belle-famille, guidées par des croyances patriarcales bien ancrées. L’inconvénient d’une incrimination spécifique pour les demandeurs réside principalement dans le fait qu’elle ciblerait ces jeunes femmes, qui pourraient se trouver dans une situation extrêmement difficile si elles ne produisaient pas de certificat. Bref, la pénalisation pèserait sur les personnes qu’on cherche à protéger. C’est la raison pour laquelle nous avons écarté cette solution du projet de loi.

Merci, à ce propos, d’avoir posé la question sur le signalement systématique. Les médecins sont directement concernés par cette affaire, leur responsabilité est engagée. De la même manière que nous devons nous assurer que les jeunes femmes ne seront pas des victimes collatérales, nous devons analyser la responsabilité des médecins.

S’agissant de la réserve héréditaire, les jeunes filles doivent avoir les mêmes droits que les jeunes hommes. Le projet de loi doit empêcher les inégalités qui sont advenues par le passé et qui ne sont plus acceptables dans notre pays. Nous devons protéger les jeunes filles sur notre territoire, et leur part de réserve héréditaire doit leur revenir.

Lorsque vous avez parlé d’avoir « une seule épouse à la fois », j’ai souri jaune, car on sait bien les injustices que peuvent recéler ces situations. Même s’il y a heureusement peu de cas dans notre pays, il faut faire en sorte qu’ils disparaissent, tout en s’assurant qu’il n’y aura pas de conflit avec les conventions internationales en vigueur, car cela serait contreproductif. Nous devons travailler sur ces sujets éminemment importants, car, même si ces situations sont peu fréquentes, elles peuvent être dramatiques.

Mme Caroline Abadie. Le Président de la République, dans un discours aux Mureaux, a dressé un état des lieux du terrorisme, de l’islamisme radical et des inégalités sociales encore persistantes dans notre pays, dont se nourrissent justement les extrémismes. Le projet de loi fournit un arsenal législatif complet pour lutter contre le séparatisme, islamiste ou autre. Certains ont regretté de ne pas y trouver de mesure claire pour lutter contre les inégalités sociales. Quelles sont les actions de votre ministère en la matière ? La mission d’information sur l’émergence et l’évolution des différentes formes de racisme, dont je suis la rapporteure, a souvent entendu saluer le dédoublement des classes de CP et de CE1, pour ne citer que cette mesure emblématique du quinquennat, mais bien d’autres choses ont été faites, même si le Président de la République reconnaît lui-même qu’il reste du chemin. C’est un sujet auquel le groupe de La République en marche est très attaché. Pour votre part, aurez-vous besoin d’un véhicule législatif particulier pour prendre certaines mesures, et si oui, quand ?

L’aspect répressif de ce projet de loi n’a échappé à personne, avec, par exemple, le non-renouvellement des titres de séjour en cas de non-respect des lois de notre République. Que fait votre ministère pour les femmes victimes de violences physiques ou psychologiques visées par le chapitre sur la dignité humaine ? Certaines mesures dites répressives du texte peuvent d’ailleurs être envisagées comme sauvegardant les libertés et promouvant l’égalité des chances. Les dispositions visant à éviter la déscolarisation des jeunes filles en sont l’exemple le plus frappant.

Lors de votre venue devant la mission d’information, madame la ministre, nous avions parlé des discriminations volontaires et involontaires. J’ai relevé depuis, dans le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme et dans des auditions d’associations, que certaines communes font parfois, volontairement ou non, de l’obstruction à l’inscription à l’école : leurs demandes de justificatifs deviennent vite insurmontables pour certaines familles roms ou migrantes. Nous avons encore un taux alarmant de déscolarisation des enfants vivant dans des squats : 80 %. Que pensez-vous de l’idée d’imposer aux communes des formalités harmonisées, avec un nombre limité de pièces justificatives ? Cela aurait toute sa place dans ce texte.

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. Merci du travail essentiel que vous accomplissez avec la mission d’information sur le racisme. Ce sera une aide précieuse pour notre action en matière de discriminations.

Je considère que réaffirmer les principes républicains est un levier de lutte contre les discriminations, pour plusieurs raisons. Le principe de non-discrimination est, par essence, rattaché au respect de la dignité humaine. Lutter contre les discriminations, c’est aussi lutter contre les atteintes à la dignité de la personne. Je n’y vois qu’une approche universaliste, républicaine et respectueuse de nos droits et de nos libertés fondamentales. Lutter, par exemple, contre la discrimination en raison des convictions religieuses, c’est aussi réaffirmer la liberté de conscience. Je pense donc qu’il n’y a aucune opposition entre les deux, mais de la complémentarité, qui sera un formidable levier pour améliorer l’égalité dans notre pays et nous permettre de bien vivre ensemble.

S’agissant de l’école, je rappelle que l’instruction dès 3 ans est, dans notre pays, une obligation républicaine. L’éducation est un droit pour les enfants. Laisser un enfant sans savoir pour des raisons administratives serait terrible. Dans ces cas précis, il incombe aux maires de trouver des solutions. C’est ce qu’ils font dans la plupart des cas : avec un peu de bon sens, on y arrive. Et refuser une scolarisation au motif de l’origine de l’enfant ou de son lieu de résidence expose la municipalité à des poursuites pour discrimination. L’Association des maires de France travaille à ces questions et apporte déjà des solutions. La concertation est toujours un bon moyen d’avancer, et le refus délibéré n’est certainement pas acceptable.

L’égalité des chances est un sujet éminemment important, surtout dans des périodes aussi troublées que celle que nous vivons, et nous y travaillons avec l’ensemble de mes collègues du Gouvernement, à commencer par Jean-Michel Blanquer et Élisabeth Borne. Plusieurs mesures ont été annoncées par le Président de la République, qu’il est nécessaire d’enrichir encore. Mais qu’il faille un projet de loi spécifique d’ici au terme du mandat reste à déterminer. La loi ne fait pas tout, la bonne volonté fait beaucoup. Si nous faisions déjà appliquer parfaitement les nombreuses dispositions existantes, nous ferions beaucoup pour l’égalité des chances dans notre pays.

Mme Perrine Goulet. J’ai été heureuse de vous entendre défendre l’égalité autant pour les hommes que pour les femmes. Dans le cas de certaines pratiques traditionnelles, religieuses ou sociétales, on se rend compte que notre pays n’est pas tant que cela celui des droits de l’homme et de l’égalité entre les citoyens.

Pour mon groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés, je suis chargée des articles 13 à 17 relatifs à la dignité humaine. S’agissant des tests de virginité, il serait intéressant d’essayer de trouver un levier pour atteindre l’entourage, qui fait souvent pression sur la jeune fille. Celle-ci n’est d’ailleurs pas toujours envoyée chez le médecin : on sait que le test peut être fait au cours de cérémonies traditionnelles, avec les anciennes de la communauté. Seriez-vous favorable à la pénalisation de ceux qui pratiquent eux-mêmes ces tests de virginité ?

Certains mariages forcés ont pour but d’obtenir la nationalité française. Accepteriez‑vous de durcir la procédure d’octroi de la nationalité par mariage pour l’aligner sur celle de la naturalisation, qui impose aux personnes concernées de démontrer leur assimilation à la communauté française et leur insertion ? Le maire de Bron nous a parlé de réunions de préparation au mariage avec l’ensemble des mariés, qui permettent de détecter certaines choses, et d’une charte de bon déroulement du mariage laïc. Qu’en pensez-vous ?

Concernant la polygamie, d’après l’étude d’impact, certains pays européens, comme la Suède, valident dans leur état civil les unions polygames conclues à l’étranger. Par le biais de la libre circulation européenne, la France peut donc voir arriver des foyers polygames de nationalité européenne. L’article 14 du projet de loi modifie l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui liste les étrangers qui ne peuvent pas faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Les ressortissants européens figurent sur cette liste. Seriez-vous d’accord pour les en retirer ? Par ailleurs, l’OQTF s’appliquera-t-elle à tout le monde ou seulement au mari ? Et si les femmes sont autorisées à rester, qu’en sera-t-il de la garde des enfants ? C’est une question fondamentale.

S’agissant des pensions de réversion, le projet de loi propose qu’elles ne soient octroyées qu’à un seul conjoint survivant, mais sous réserve des engagements internationaux de la France. Ceux-ci, ainsi que M. de Courson l’a dit, sont nombreux, ce qui limite fortement la disposition. Est-il envisageable de supprimer cette réserve ? Une remise en cause de ces accords bilatéraux est-elle prévue ?

Par ailleurs, les dispositions concernant la réserve héréditaire ne pourront jouer que si la loi étrangère ne connaît aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants. Ne serait-il pas plus efficace, pour qu’elles soient plus largement appliquées, d’enlever cette clause et de permettre à tout moment à quelqu’un qui est lésé par une succession de demander réparation en France ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. Difficile de répondre à toutes ces questions en trois minutes. Je vous propose d’approfondir cela par la suite.

Les tests de virginité, quelle que soit la manière dont ils sont pratiqués, sont ce qu’il y a de plus humiliant pour une femme et ne servent à rien. Mais il est parfois difficile de lutter contre les us et coutumes. Je me suis déjà exprimée sur la sanction de l’entourage : je crois qu’il ne faut pas d’incrimination pour l’instant, parce que ce serait dangereux pour les jeunes femmes concernées. Nous sommes au début d’un processus, et je crois beaucoup à l’éducation, à la formation, à la sensibilisation. Je veux croire que le premier pas qu’opère ce texte avec la pénalisation des professionnels de santé va faire réfléchir beaucoup de gens, et nous donnera le temps de faire progresser la sensibilisation, d’expliquer pourquoi cela ne sert à rien. Peut-être faudra-t-il aller plus loin ensuite, afin de protéger les victimes de ces tests, mais, pour l’instant, je pense que c’est prématuré.

S’agissant des pensions de réversion, nous sommes bien conscients des difficultés que peut poser l’article 15, ne serait-ce que parce que les femmes ne sont pas toujours informées du fait qu’elles sont lésées. L’article doit s’appliquer aux pensions liquidées à partir de la publication de la loi, et respectera les dispositions spécifiques à Mayotte en matière de polygamie ainsi que les conventions internationales signées par la France. Il faut échanger avec les pays concernés, mais il n’y aura pas de dénonciation des accords signés, dont les dispositions n’ont pas vocation à être remises en question.

Les dispositions concernant la réserve héréditaire sont un outil de lutte contre les discriminations, que je ne peux évidemment que soutenir. Ainsi les enfants déshérités par un parent pourront-ils faire effectuer sur les biens situés en France un prélèvement compensatoire équivalent à ce qu’ils auraient pu percevoir si la loi étrangère applicable disposait d’un mécanisme de réserve héréditaire. Il me semble évident qu’il faut donner une suite favorable à cet article, toujours pour protéger nos valeurs fondamentales de liberté, d’égalité et de fraternité.

M. Boris Vallaud. Pourquoi ne pas avoir élargi le contrat d’engagement à d’autres personnes morales, comme les fondations, fonds de dotation, sociétés civiles, sociétés commerciales qui peuvent recevoir des aides publiques ? Et pourquoi n’y a-t-il rien dans cette loi, même si vous expliquez que tout ne se fait pas par le législatif, sur la lutte contre les discriminations ou sur la mixité sociale dans l’habitat et dans l’éducation, alors que des expérimentations avaient été engagées en la matière fin 2015 et début 2016 ?

Sur la réserve générale de polygamie, je n’ai pas bien compris s’il y aurait ou non renégociation des conventions internationales de sécurité sociale. Au final, combien de personnes l’article 15 concernera-t-il ?

Ne craignez-vous pas que l’interdiction des certificats de virginité conduise un certain nombre de jeunes filles à des examens extra-médicaux sauvages, susceptibles d’atteindre leur santé ? Comment les en prémunir ?

Enfin, voici ce qu’on lit à la page 136 de l’étude d’impact, à propos des successions testamentaires régies par une loi étrangère : « Si les raisons du choix n’apparaissent pas clairement dans le testament qui institue légataire universel le fils en déshéritant la fille, devrait présumer que le testateur de religion musulmane opère une discrimination là où le testateur américain ne ferait qu’exprimer sa liberté testamentaire. » J’aimerais m’assurer qu’il n’y a pas là, outre une faute de grammaire, une faute politique.

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. Aucune renégociation des conventions internationales n’est prévue, il faut que ce soit très clair. Par ailleurs, je vous accorde que cette loi, qui peut paraître répressive, doit absolument avoir un volet social très important. Nous n’avions d’ailleurs pas attendu, et travaillons déjà depuis plusieurs années sur de nombreux sujets.

Ainsi, 100 000 missions de service civique supplémentaires vont être proposées, et la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal a prévu 300 000 nouvelles offres de formation pour les néo-bacheliers et les jeunes qui poursuivent leurs études. Des réflexions sont en cours avec son ministère pour promouvoir la diversité sociale et territoriale dans les grandes écoles et les universités. Par ailleurs, l’emploi est un vecteur très important dans l’égalité des chances. Des aides exceptionnelles ont été proposées aux entreprises et 490 000 jeunes en apprentissage avaient été recrutés fin 2019. C’est un niveau historique, qu’il faut maintenir. Sans compter les campus d’excellence ou les cordées de la réussite, le mentorat, destiné à aider les jeunes issus des quartiers défavorisés à acquérir les codes, le langage nécessaires pour pouvoir pénétrer le monde de l’emploi, ou encore les internats d’excellence, dont un par département devrait être installé d’ici à la fin 2022.

Toutes ces mesures doivent donner davantage de chances à ceux qui en ont peu aujourd’hui. Dans la fonction publique, car l’État se doit d’être exemplaire sur ces sujets, Amélie de Montchalin a annoncé l’ouverture, dès 2021, de voies d’accès spécifiques et sélectives pour les candidats de condition modeste à l’entrée dans les écoles de service public comme l’École nationale d’administration ou l’École nationale de la magistrature. Dans le privé, le dispositif des emplois francs permet de lutter contre les discriminations à l’embauche qui minent certains quartiers.

Mais on ne parle souvent que des difficultés, d’un point de vue victimaire. Je veux dire qu’il y a de très belles choses, de très beaux talents qui émergent dans ces quartiers. Je crois beaucoup au rôle de modèle et à la représentativité positive de cette jeunesse, qu’il faut mettre en avant.

Enfin, nous sommes en train de travailler sur trois sujets importants. D’abord, toutes les personnes qui sont l’objet d’une discrimination, en raison de leur handicap, de leur lieu d’habitation, de leur couleur de peau ou de quoi que ce soit d’autre, doivent pouvoir s’exprimer sur une plateforme dédiée et être entendues. Tous les citoyens français pourront aussi s’exprimer sur cette question et comprendre non seulement ce que subissent les personnes discriminées, mais aussi pourquoi il est important de s’emparer du sujet. Et puis nous allons instaurer un index de la diversité afin de permettre aux entreprises d’évaluer leur situation en la matière et de nous rendre compte des actions qui doivent être menées pour donner davantage de place à ceux qui aujourd’hui n’en ont pas beaucoup. Toutes ces mesures montrent à quel point nous sommes engagés sur cette fameuse jambe gauche de notre action.

Quant aux questions techniques que vous avez posées, monsieur Vallaud, je propose que les membres de mon équipe vous contactent ultérieurement pour y répondre de façon satisfaisante. Mais pour ce qui est des contrats d’engagement, je tiens à dire que je crois dans le travail des associations, de l’État et des entreprises : c’est ce triptyque qui fera que ces contrats fonctionneront. Quant à l’interdiction du certificat de virginité qui pourrait conduire de jeunes personnes à le demander ailleurs, encore une fois, je crois énormément à la sensibilisation du cercle familial sur le sujet de l’atteinte à la dignité humaine : l’apprentissage sera toujours plus efficace que la sanction.

M. le président François de Rugy. C’était le mot de conclusion. Merci pour toutes ces réponses, qui éclairent non seulement le texte mais son contexte.

 

La séance est levée à seize heures dix.

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Membres présents ou excusés

Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République

Réunion du lundi 11 janvier 2021 à 15 h 05

Présents.  Mme Caroline Abadie, M. Saïd Ahamada, Mme Stéphanie Atger, Mme Laetitia Avia, Mme Géraldine Bannier, Mme Anne-Laure Blin, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Anne Brugnera, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. François Cormier-Bouligeon, M. Charles de Courson, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, Mme Isabelle Florennes, Mme Laurence Gayte, Mme Perrine Goulet, Mme Florence Granjus, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Valérie Oppelt, M. Frédéric Petit, M. Éric Poulliat, M. François Pupponi, M. Julien Ravier, M. François de Rugy, M. Boris Vallaud