Compte rendu

Commission spéciale
chargée d’examiner
le projet de loi
confortant le respect
des principes de la République

– Audition de M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics              2

– Présences en réunion.................................13

 

 

 

 

 

 


Lundi
11 janvier 2021

Séance de 17 heures 20

Compte rendu n° 24

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de
M. François de Rugy, président


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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D’EXAMINER
LE PROJET DE LOI CONFORTANT
LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE

Lundi 11 janvier 2021

La séance est ouverte à dix-sept heures vingt.

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La commission spéciale procède à l’audition de M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.

 

M. le président François de Rugy. Mes chers collègues, si le projet de loi que nous étudions peut sembler éloigné du domaine des comptes publics, il a en fait des implications directes pour l’administration du budget. Plusieurs articles prévoient le renforcement de contrôles exercés par le ministère chargé des comptes publics, notamment sur le financement des associations cultuelles et les financements étrangers.

C’est pourquoi nous avons convié le ministre délégué en charge des comptes publics à participer à une séance au format inhabituel, consistant en une série de questions et de réponses de trois minutes chacune.

M. Florent Boudié, rapporteur général. Monsieur le ministre délégué, le projet de loi instaure l’obligation d’une déclaration préalable du caractère cultuel des associations qui se constituent sur le fondement de la loi de 1905. À l’heure actuelle, ces associations doivent demander un rescrit fiscal pour bénéficier des avantages liés au statut cultuel. Le nouveau dispositif est-il de nature à sécuriser les droits des associations cultuelles et l’appréciation de leur statut par l’administration fiscale ?

Plusieurs cultes souhaitent que les exonérations fiscales au bénéfice de ces associations soient portées de 66 % à 75 %. Quelle est votre appréciation à ce sujet ?

S’agissant des financements étrangers, pensez-vous utile d’étendre le contrôle des relations entre les cultes et les États étrangers en interdisant la cession de lieux de culte à des États ou des personnes morales ou physiques étrangères ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. L’objectif de la déclaration préalable du caractère cultuel est de mieux encadrer les associations dont le statut est mixte, entre loi 1901 et loi 1905. Cette procédure permettra de mieux apprécier le statut de l’association, mais il ne s’agit pas d’un contrôle a priori : nous sommes dans le domaine du droit déclaratif. En cas de contrôles a posteriori, la situation sera plus claire pour l’application du droit.

Le taux de droit commun des réductions d’impôts liées aux dons aux associations est de 66 %, et un taux renforcé s’applique à quelques exceptions. La position du ministère des comptes publics n’est pas déterminée par l’objet cultuel, sportif ou culturel des associations, mais concerne les dépenses fiscales de manière générale. À de rares exceptions près, notamment les déductions « Coluche », dont le plafond a été relevé dans la dernière loi de finances, nous sommes défavorables à la création de nouvelles dépenses fiscales, quel qu’en soit l’objet.

Nous n’avons pas étudié, à ce stade, la question de la cession de bâtiments appartenant à des associations – notamment cultuelles – au profit de personnes morales ou privées étrangères. Nous l’expertiserons d’ici l’examen du texte en séance publique pour déterminer s’il existe des enjeux particuliers – je sais que des élus locaux peuvent être opposés à de telles cessions.

M. Éric Poulliat, rapporteur thématique. Les associations sont préoccupées par les articles 10, 11 et 12 du projet. Comme l’a indiqué le Haut Conseil à la vie associative dans l’avis rendu sur ce projet de loi, elles ne comprennent pas bien la relation entre ces dispositions et la lutte contre le séparatisme. Dans quelle mesure le renforcement des contrôles, notamment sur les fonds de dotation et les appels à la générosité du public, conforte-t-il le respect des principes républicains ?

Pourriez-vous préciser si les mesures portant sur les agréments, les fonds de dotation ou le mécénat s’appliqueront de la même façon aux associations loi 1901, loi 1905 et loi 1907 ?

Il semble que la sanction de l’obligation de déclarer le montant global des dons donnant lieu à réductions d’impôt, créée par l’article 11, ne soit pas clairement identifiée. Pourriez-vous la préciser ?

M. le ministre. Les articles 10, 11 et 12 seront appliqués avec prudence, l’objectif n’est pas d’en faire une application au bulldozer.

L’immense majorité des associations ont une activité conforme à leurs statuts et aux principes de la République. Néanmoins, certaines d’entre elles peuvent être utilisées comme des outils de financement d’entreprises terroristes, d’apologie du terrorisme ou de lutte contre les principes de la République. L’application de ces articles dépassera certainement le cadre de la lutte contre le séparatisme, mais lorsqu’une association est utilisée pour mener des opérations de blanchiment ou de recel, même sans lien avec une entreprise séparatiste, c’est une violation des principes de la République. L’utilisation de l’avantage fiscal procuré par le don à ces associations pour financer des activités qui, sans être séparatistes, peuvent être illicites, est contraire aux principes républicains.

Ces dispositions s’appliqueront selon exactement les mêmes modalités pour les associations loi 1901, loi 1905 et loi 1907.

S’agissant des reçus fiscaux et des dons, les associations décident elles-mêmes si elles relèvent des dispositions législatives qui ouvrent le droit à la déduction fiscale. Le seul moment où nous connaissons la réalité de leur activité, en ce qui concerne cette déduction, c’est lorsqu’elles demandent un rescrit. Nous recevons 6 700 demandes de rescrit par an : c’est beaucoup en valeur absolue, mais très peu au regard du nombre d’associations.

Le contrôle ne peut se faire qu’a posteriori et il est encadré, car la loi ne permet que de vérifier si le nombre de reçus fiscaux délivrés et leur montant cumulé correspondent au montant des dons déclarés. Nous ne pouvons pas nous intéresser au respect des statuts et à l’objet de l’association, ni contrôler le respect des trois critères qui fondent la déduction : une gestion désintéressée, un cercle étendu de bénéficiaires et une activité non lucrative.

Nous souhaitons que les associations soient tenues de déclarer le nombre des reçus qu’elles ont délivrés et leur montant total, et qu’elles le fassent apparaître dans leurs comptes. Nous ne demandons pas aux associations de déclarer le nom des donateurs, qui peuvent avoir envie de rester discrets – c’est légitime. Nous pourrons aussi vérifier que l’activité de l’association est conforme aux trois critères de déductibilité et à son objet social. Dans des cas extrêmement rares, cette disposition permettra de mener des contrôles.

Actuellement, l’administration peut suspendre les avantages fiscaux lorsqu’une association, en tant que personne morale, est condamnée pour abus de confiance ou escroquerie. Nous proposons d’ajouter à cette liste les condamnations pour terrorisme, recel, blanchiment, ainsi que les condamnations pour les deux délits créés dans ce projet de loi : mise en danger de la vie d’autrui ou menaces et pressions sur les agents publics.

Le montant de la sanction en cas de non-respect de l’obligation de déclaration est très bas. Nous pourrons en discuter. L’enjeu est de fixer un montant proportionné à la vie de l’association. Il ne faudrait pas qu’une association tout à fait désintéressée qui aurait oublié de faire une déclaration se trouve condamnée à une amende extrêmement forte et pénalisante. Nous devons trouver l’équilibre pour que la sanction soit dissuasive tout en restant proportionnée.

M. Sacha Houlié, rapporteur thématique. Des associations philosophiques ou cultuelles nous ont déclaré ne pas voir l’intérêt de la disposition relative aux immeubles de rapport bien que, pour ma part, j’y voie un intérêt certain. Pensez-vous qu’il faut plafonner l’avantage accordé, s’agissant des immeubles de rapport, pour éviter que les associations cultuelles ne se transforment en promoteurs ? Faut-il également compléter cette disposition pour y intégrer les baux emphytéotiques administratifs et leur cession ou leur prolongement ?

L’article 35 du projet de loi instaure un droit d’opposition de l’administration aux financements étrangers, mais limite son champ d’application aux seules associations loi 1905. Or le séparatisme peut également être encouragé par des associations culturelles ou sportives, ou d’autres associations loi 1907 ou loi 1901. Pensez-vous qu’il serait judicieux d’élargir le droit d’opposition aux financements étrangers à toutes les associations ? Le cas échéant, quels moyens nouveaux seraient attribués à Tracfin pour procéder à ces contrôles ? Car il ne suffit pas de créer des procédures, il faut y consacrer des moyens.

M. le ministre. Notre choix est d’imposer les cessions des immeubles de rapport en appliquant les règles classiques pour les revenus immobiliers des associations. Cette imposition à un taux forfaitaire s’appliquera aux personnes morales constituées sous forme d’association, quelle que soit la loi auxquels leurs statuts sont rattachés. Nous avons préféré cette solution à un plafonnement.

Nous n’avons pas inclus les baux emphytéotiques dans le projet de loi, mais nous sommes prêts à le faire car il pourrait être utile d’instaurer un parallélisme des formes avec les cessions classiques.

Nous avons choisi de faire porter l’obligation de déclarer les financements étrangers sur les associations cultuelles pour deux motifs.

Dans l’immense majorité des cas que nous avons identifiés, notamment grâce au travail de Tracfin, les financements étrangers répondant à des visées séparatistes sont dirigés vers des associations cultuelles. Cela n’enlève rien à la nécessité d’être attentif à l’utilisation des ressources – d’origine étrangère ou pas – d’autres types d’associations.

Par ailleurs, nous ne souhaitons pas emboliser le système. Il faut en effet des moyens pour effectuer ces contrôles. Les moyens de Tracfin sont renforcés depuis plusieurs années : la loi de finances pour 2021 prévoit une hausse de ses effectifs de cinq équivalents temps plein et il y a aussi un investissement important dans l’intelligence artificielle et le traitement des données, pour permettre à Tracfin d’être efficace. Le nombre d’assujettis et de déclarations de soupçons remontant à Tracfin augmente de manière importante chaque année. Le traitement de ces informations dépend presque autant de l’expertise humaine que de la technologie permettant de les trier et de les recouper.

La même raison nous a amenés à faire porter l’obligation de déclaration sur les dons supérieurs à 10 000 euros. Sur les douze derniers mois, s’agissant des financements étrangers de projets cultuels, le don unitaire le plus bas que nous avons repéré s’élève à 75 000 euros. La moyenne de ces dons est de 700 000 euros, car il s’agit principalement de financements pour la construction de bâtiments. C’est par souci d’efficacité que nous proposons de fixer le seuil de déclenchement de l’obligation de déclaration à 10 000 euros.

M. Charles de Courson. Le quatrième alinéa de l’article 10 prévoit : « L’administration contrôle sur place, en suivant les règles prévues au présent livre, la régularité de la délivrance des reçus [...]. » Qu’entendez-vous par contrôle de régularité ? L’inspecteur des impôts devra-t-il vérifier que le montant figurant sur les reçus correspond à celui effectivement versé à l’association, ce qui paraît normal, ou devra-t-il contrôler que l’association utilise ces fonds dans le respect des principes républicains ? Dans ce cas, on transforme la fonction d’inspecteur des impôts en y ajoutant le contrôle du respect de l’objet social de l’association.

S’agissant de l’article 11, quel sera l’intérêt pour l’administration fiscale que les associations lui adressent le montant global des dons et versements ? Si nous souhaitons être efficaces, il faut prévoir la transmission par des moyens informatiques de la liste des donateurs, en incluant des références permettant à l’administration fiscale de vérifier les montants qui ont été déclarés au titre de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur la fortune immobilière.

S’agissant des immeubles de rapport, ne faut-il pas inclure dans le texte les droits immobiliers, dont les baux emphytéotiques font partie ?

M. le ministre. Votre question sur les droits immobiliers rejoint celle posée par Sacha Houlié. Nous allons l’étudier en vue de la séance : il me semble intéressant d’intégrer toutes les formes de cession ou de mise à disposition.

La régularité de la délivrance des reçus sera examinée au fond, pour vérifier que le montant des dons inscrit sur le reçu correspond au montant des dons versés et que l’association respecte bien les trois critères – non-lucrativité, gestion désintéressée et cercle étendu de bénéficiaires – qui permettent la remise de reçus ouvrant droit à cette déduction fiscale. Il s’agira d’une vérification allégée, mais si des irrégularités dans la comptabilité sont constatées à cette occasion, une procédure de contrôle plus approfondi, s’apparentant à un contrôle fiscal, pourra être ouverte.

L’article 11 prévoit que l’association informera l’administration fiscale du montant total des dons perçus et du nombre de reçus correspondant. C’est pour préserver l’anonymat des donateurs que nous ne demandons pas la transmission de leur liste.

Actuellement, l’administration ne connaît pas le montant total des dons perçus par une association. L’ouverture des droits à la déductibilité est faite pour chaque contribuable par la demande de déduction d’impôt dans sa déclaration de revenus, charge à lui de conserver le reçu en cas de contrôle sur la réalité de cette déduction. L’association ne fait pas cette démarche.

Cette disposition nous permettra d’obtenir des informations utiles, notamment sur la part du financement par dons, subventions ou cotisations d’adhésion de telle ou telle association. Nous ne disposons pas de ces éléments, qui peuvent constituer des indices d’enjeu fiscal.

Autre intérêt, indirect, si une association se soustrait à cette obligation, elle fera naître des soupçons qui pourront aboutir à un contrôle.

M. Alexis Corbière. Les exonérations fiscales pour l’ensemble du mouvement associatif sont estimées à 2,5 milliards d’euros. Pouvez-vous indiquer quelle part revient aux associations cultuelles ? Combien coûtent les déductions au bénéfice de ces associations, sachant qu’au regard de la loi de 1905, on peut considérer qu’il s’agit d’un financement public des cultes ? J’ai cru comprendre que c’était difficile à établir d’une manière détaillée, en l’absence de transmission d’informations en la matière, mais vos services peuvent‑ils nous donner une idée des proportions ?

De quels moyens de contrôle disposera l’administration pour apprécier le caractère cultuel d’une association ? Une charte d’engagements réciproques entre l’État, les collectivités territoriales et les associations a déjà été signée en 2014 : est-ce que certaines associations ont été sanctionnées et ont perdu leurs subventions en raison du non-respect de cette charte ? Disposez-vous d’éléments justifiant un durcissement du dispositif actuel, ou bien n’existe-t-il aucun élément probant et significatif pour considérer que cette charte est insuffisante et qu’il est nécessaire de prévoir un contrat d’engagement républicain ? Selon Mme Schiappa, ce contrat aurait même force de loi, ce qui est un peu étonnant.

Concernant les baux emphytéotiques, ne pensez-vous pas qu’il s’agit parfois d’une pratique pouvant s’apparenter à un financement public du culte, notamment lorsque le montant de ces baux est symbolique ? Ces baux emphytéotiques permettent parfois à des associations cultuelles peu fortunées, qui mettent du temps à rassembler des fonds, de bénéficier d’un terrain, mais certaines pratiques peuvent être discrétionnaires et discutables.

M. le ministre. La jurisprudence est assez fournie sur le sujet des baux emphytéotiques. Un certain nombre de tribunaux ont considéré que des baux trop avantageux étaient assimilables au financement d’associations cultuelles et ont remis en cause la mise à disposition de terrains en vue de la construction de bâtiments cultuels. Cette jurisprudence me semble fournir un encadrement suffisant, mais nous sommes prêts à étudier s’il est possible d’apporter des améliorations d’ici à l’examen du texte en séance publique.

C’est l’autorité préfectorale, donc le ministère de l’intérieur, qui est en charge de la reconnaissance du caractère cultuel d’une association. Vous comprendrez que par respect des périmètres ministériels, je ne me prononce pas, d’autant que je connais mal cette procédure, m’étant concentré sur les aspects fiscaux lors de la préparation de ce texte.

S’agissant de la part des déductions d’impôts dont bénéficient les associations cultuelles, c’est justement ce que nous cherchons à savoir. Les associations n’ont pas à déclarer le montant total des dons qui font l’objet d’un reçu fiscal, ce qui nous interdit de savoir à quelles associations profitent les dons qui font l’objet de déductions. Il faudrait que nous ayons connaissance, pour chaque contribuable demandant une déduction d’impôt, de l’identité de la structure à laquelle il a fait un don. Mais aujourd’hui, les contribuables ne sont plus tenus de fournir les reçus des dons, ils doivent simplement les garder en cas de contrôle.

Je peux indiquer que la dépense fiscale au titre des dons versés aux associations s’est élevée à 2,4 milliards d’euros en 2019, dont 950 millions au bénéfice des entreprises et 1,45 milliard pour les particuliers. Mon sentiment personnel est que l’essentiel des dons aux associations cultuelles est le fait de particuliers, mais nous ne pourrons connaître la part exacte de ces dons qu’une fois que le projet de loi aura été adopté par le Parlement, si vous en décidez ainsi. Aujourd’hui, nous sommes incapables de le savoir précisément.

Mme Fabienne Colboc. La durée du contrôle des organismes à but non lucratif prévu par l’article 10 est limitée à six mois. Cette durée est-elle spécifique à cette procédure, ou s’agit‑il du droit commun ?

L’obligation de confidentialité qui s’impose aux professionnels assujettis lorsque Tracfin exerce le droit d’opposition prévu à l’article 46 ne risque-t-elle pas de les priver d’un moyen de défense si leur responsabilité était engagée par un client ? La rédaction proposée pour cet article 46, très large, élargit considérablement les prérogatives de Tracfin. N’est-ce pas donner trop de pouvoir à ce service ?

M. le ministre. La durée de six mois est spécifique à ce texte, elle n’est pas de droit commun. Nous avons décidé d’adapter la durée au fonctionnement des structures concernées, qui sont des personnes morales.

L’article 46 élargit effectivement la capacité d’intervention de Tracfin. Aujourd’hui, lorsqu’un assujetti – une banque, dans le cas le plus courant – fait une déclaration de soupçon auprès de Tracfin concernant une opération qui lui semble litigieuse, Tracfin peut recourir, contre cette opération, à son droit d’opposition. Mais si le titulaire du compte, une association dans le cas dont nous discutons, multiplie le nombre d’opérations litigieuses, la banque devra faire autant de déclarations de soupçons, et Tracfin autant de déclarations d’opposition. Le droit d’opposition est utilisé de manière très parcimonieuse par Tracfin, généralement en coordination avec la justice, avec pour objectif la saisie ou le gel des avoirs.

Nous proposons que pendant dix jours, pour les opérations susceptibles de faire l’objet de déclarations de soupçon – en cas de financement du terrorisme ou d’évasion fiscale, par exemple – Tracfin dispose d’un droit d’opposition globale, afin de ne pas lui imposer une procédure différente pour chaque opération. Nous pourrons ainsi sécuriser le patrimoine concerné dans l’attente d’un gel ou d’une saisie des avoirs.

Je précise que si des transferts font l’objet d’un blocage dans le cadre du droit d’opposition, pendant dix jours, une association ou une autre structure – cela ne concerne pas que les associations – ayant des salariés et souhaitant payer l’URSSAF, par exemple, ne connaîtra pas d’opposition sur ce type d’opérations. Le blocage porte sur les transactions litigeuses.

L’anonymat et la discrétion sont des éléments très importants. Si un client est informé par son interlocuteur bancaire que Tracfin a décidé d’appliquer son droit d’opposition, il saura évidemment qu’il fait l’objet d’une mesure de surveillance, ou d’une enquête, et ce sera de nature à l’inciter à s’organiser différemment.

Nous aurons l’occasion, d’ici à la séance, de proposer au Parlement un amendement permettant d’exonérer de sa responsabilité un assujetti de Tracfin dans le cadre de ce droit d’opposition global à des opérations litigieuses. Cela répondra à votre préoccupation, à laquelle nous sommes attentifs.

M. Robin Reda. Merci de vous prêter à ce jeu de questions et de réponses, monsieur le ministre délégué.

Je voudrais revenir sur l’article 10, qui tend à renforcer, sur le plan procédural, le contrôle fiscal des organismes sans but lucratif : un contrôle sur place sera créé. Conformément à la procédure habituelle, le contrôle sera annoncé, en amont, aux associations concernées. Puisqu’il s’agit d’un contrôle de base, si je puis dire, sur la non-lucrativité et l’existence d’un cercle étendu de bénéficiaires, on pourrait imaginer un contrôle de type douanier, qui serait immédiat et pourrait ensuite conduire à un contrôle fiscal.

Je reprends un peu une question posée par Charles de Courson : cela pourrait-il s’accompagner d’un contrôle d’opportunité sur les dépenses effectuées par les associations, pour vérifier leur conformité aux principes républicains ?

On ne peut pas s’empêcher de penser que la question des moyens est centrale. Or je ne suis pas certain que vous ayez apporté des réponses très rassurantes sur l’augmentation de ceux de Tracfin, compte tenu des ambitions du projet de loi. Pourriez-vous être plus précis sur ce point ?

M. le ministre. Ce sera un contrôle fiscal classique, suivant les règles de procédure habituelles, notamment l’envoi d’un avis de contrôle à l’association concernée, qui aura le droit de se faire assister d’un conseil et d’avoir un débat contradictoire avec le vérificateur. Le contrôle sur place permettra de consulter tous les documents utiles et de réaliser certaines vérifications. Il y aura une information sur le résultat du contrôle, même en l’absence de discordances, et sur la possibilité de présenter des observations ou de former un recours hiérarchique. Cela peut sembler extrêmement protecteur, mais c’est précisément l’objectif : il s’agit de respecter les droits de tous les contribuables, même si nous savons que cela peut amener l’association contrôlée à savoir qu’elle fait l’objet d’une enquête ou d’une surveillance particulière.

Les agents du fisc ne pourront pas réaliser un contrôle de l’opportunité des dépenses, mais ils pourront vérifier, sur place et à l’occasion de la consultation des pièces, s’il y a bien une concordance entre les dépenses réalisées et l’objet de l’association, tel qu’il a été déclaré.

Tracfin renforce ses moyens. Par ailleurs, nous veillons à ce que la réorganisation de la direction générale des finances publiques (DGFiP) ne s’accompagne pas d’une diminution des moyens consacrés aux contrôles. Les récents résultats en la matière démontrent que cet objectif est tenu.

Un contrôle de type douanier ne collerait pas, si je puis dire. Il existe en la matière un pouvoir de contrôle particulier, sur le fondement du code des douanes. Les contrôles possibles, notamment des perquisitions, des vérifications ou la fouille de véhicules, reposent sur la constatation de faits. La DGFiP ne peut pas s’appuyer sur ce code – ce n’est pas dans son champ de compétences.

M. François Pupponi. L’article 10 va dans le bon sens. Il faut que les associations déclarent les reçus qu’elles ont remis aux contribuables, mais une amende de 150 euros pour non-déclaration ne les y incitera pas. Celles qui ne posent pas de difficultés le feront, mais celles qui ne veulent pas dire la réalité des choses... Je comprends ce que vous avez dit tout à l’heure : on ne doit pas surtaxer une petite association qui n’a pas déclaré, mais il faut faire en sorte qu’il y ait une sanction plus importante pour celles qui ne le font pas pour des centaines de milliers d’euros de dons. La difficulté est que si les vérificateurs n’ont pas de liste, ils n’iront pas faire des vérifications auprès d’une association qui n’a pas déclaré avoir reçu des dons : il faudra qu’ils aient été informés par d’autres biais.

Il ne s’agira pas d’une vérification fiscale. En revanche, le vérificateur pourra décider de réaliser, dans le cadre du contrôle prévu à l’article L. 14 A du livre des procédures fiscales, une vérification de la comptabilité, ce qui est positif. J’ai échangé avec vos services sur un point dont il faudra s’assurer : si l’agent veut faire une vérification de la comptabilité, je pense qu’il n’aura pas accès aux documents mentionnés à cet article. Il pourrait y avoir un problème sur le plan technique.

Beaucoup de représentants des cultes nous ont dit que le Gouvernement voulait inciter leurs associations à aller vers la loi de 1905 mais que les avantages fiscaux qui lui sont liés n’étaient pas assez attractifs et qu’ils en resteraient donc à des associations loi 1901, quand elles existent actuellement. Par ailleurs, ils ont souligné qu’ils étaient déjà presque soumis aux contraintes prévues par le projet de loi. Je comprends la volonté de votre ministère de ne pas augmenter les dépenses publiques, mais les responsables des cultes nous ont tous dit que s’il n’y avait pas un avantage fiscal plus important, ils en resteraient à des associations loi 1901. Il ne faudrait pas priver le texte de son intérêt en l’absence d’avantages supplémentaires.

S’agissant des financements étrangers, nous savons très bien que les réseaux auxquels nous voulons nous attaquer sont souvent hors du champ de la loi de 1905 : ils utilisent des associations loi 1901 qui ne demandent jamais de financements publics, parce qu’ils reçoivent des financements privés. Ne seriez-vous pas favorable à ce que toutes les associations qui touchent des fonds de l’étranger, quelles qu’elles soient – relevant de la loi de 1901 ou de celle de 1905 –, soient obligées de faire une déclaration ? On saurait alors qui est financé de cette manière.

M. le ministre. Nous pourrons regarder d’ici à la séance publique la question portant sur l’article L. 14 A du livre des procédures fiscales – mes services m’ont averti du dialogue engagé avec vous à ce sujet.

S’agissant de l’amende, non pénale, j’ai indiqué que le but est de ne pas fixer un montant fatal pour des associations de petite taille qui auraient simplement manqué à leur obligation de déclaration. Il serait intéressant d’avoir un dispositif proportionné, mais ce n’est pas simple : nous visons des personnes morales qui ont toutes le même statut mais pas nécessairement la même existence, la même nature, dans la réalité. Il faut aussi préciser qu’il y aura une amende supplémentaire, en soi très faible – elle sera de 15 euros – mais applicable pour chaque omission ou inexactitude dans la déclaration : cela permettra d’aller au-delà de 150 euros.

L’absence de déclaration peut être un motif de contrôle. Cela permettra, y compris à la suite d’un regroupement d’informations, comme vous l’avez suggéré, de réaliser un contrôle sur place qui n’est pas possible aujourd’hui et qui est intéressant.

Par ailleurs, nous prévoyons que les associations bénéficiant de dons venant de l’étranger seront tenues non seulement d’établir une liste des donateurs mais aussi d’obtenir une certification par un commissaire aux comptes. C’est une disposition importante. Les commissaires aux comptes font partie des assujettis qui ont l’obligation de faire des déclarations de soupçon. Vous direz sans doute que certaines associations n’auront pas recours à une certification mais elles se placeront ainsi dans une situation délictuelle.

S’agissant du contrôle et de la déclaration des dons venus de l’étranger pour les associations loi 1901, au même titre que les associations loi 1905, je redis que nous souhaitons éviter un phénomène d’embolie. Des dispositions qui existent déjà peuvent répondre à votre attente : le droit d’opposition de Tracfin, sur la base d’une déclaration de soupçon, s’applique à toutes les associations, quel que soit leur statut, et à toutes les personnes physiques ou morales, c’est-à-dire à l’ensemble de celles et ceux qui peuvent avoir accès à un compte bancaire ou à des instruments financiers.

M. François Pupponi. Et s’agissant des avantages fiscaux pour les associations loi 1905 ?

M. le ministre. Je répète que le ministère des comptes publics s’inscrit plutôt dans une logique de stabilité des dépenses fiscales.

Mme Cécile Untermaier. Merci, monsieur le ministre délégué. Je vous souhaite, ainsi qu’à l’ensemble de votre équipe, une bonne année 2021.

Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) a insisté ce matin sur l’utilité, pour son culte, de pouvoir mutualiser les donations des fidèles pour acquérir des biens permettant de financer un secrétariat ou des imams, ce que la loi ne prévoit pas. Considérez‑vous que cela mériterait une analyse ? Nous ne pouvons pas faire une telle proposition par amendement, en raison de l’article 40 de la Constitution, mais elle me paraît intéressante.

L’article 6 tend à instaurer un contrat d’engagement républicain qui a beaucoup fait parler de lui. Il s’imposerait à toutes les associations, qu’elles soient sous l’empire de la loi de 1905 ou de celle de 1901 – j’aimerais en avoir confirmation car il y a des interrogations sur ce point –, dès lors qu’on souhaiterait bénéficier du dispositif financier prévu par l’article 9-1 de la loi du 12 avril 2000. Considérez-vous qu’il serait utile que nous apportions des précisions, dans la loi, en ce qui concerne la transparence des subventions attribuées à des associations par l’État ou par les collectivités locales ? J’y serais, pour ma part, favorable.

S’agissant de la certification des comptes, dont vous avez parlé, sachez que beaucoup d’associations cultuelles s’inquiètent du coût que cela pourrait occasionner pour celles qui sont de petite taille et n’ont pas beaucoup de moyens. Peut-on imaginer un dispositif permettant d’atténuer la pression financière ? Beaucoup de ces associations disent qu’il s’agit davantage, dans ce projet de loi, de renforcer les contrôles, ce qu’on peut tout à fait concevoir, que de lutter contre l’islamisme radical, alors que c’était l’objectif premier.

Enfin, peut-on raisonnablement penser que les associations qui demanderont une subvention et souscriront un contrat d’engagement républicain sont celles que nous souhaitons éliminer en raison de leur comportement funeste pour notre société ?

M. le ministre. Le contrat d’engagement vaudra rappel des principes républicains, notamment celui de la laïcité, à toutes celles et ceux qui interviennent dans le champ public, et pas seulement aux acteurs dont on imagine qu’ils pourraient suivre une logique séparatiste ou agressive par rapport au modèle républicain et aux valeurs que nous défendons.

Je découvre la prise de position du président du CFCM en même temps que vous l’évoquez. Je regarderai la question d’un peu plus près : je ne sais pas y répondre pour l’instant, et je suis tout à fait preneur des éléments que vous auriez à ce sujet.

Je confirme que l’article 6 concernera toutes les associations – il n’y a pas de renvoi spécifique aux lois de 1901, 1905 ou 1907.

Nous demandons que les comptes soient certifiés dès lors que la liste des donateurs devra être publiée – en cas de dons supérieurs à 10 000 euros. Nous nous éloignons donc de la taille des associations pour lesquelles vous craignez une charge trop importante. S’agissant des associations cultuelles percevant des dons issus de l’étranger, le montant minimum des dons que nous avons constatés s’élevait à 75 000 euros et les dons moyens à 700 000 euros, ce qui laisse quand même de la place pour un travail de certification, et le justifie même.

J’ai du mal à comprendre – j’en suis désolé – la question portant sur la transparence, pour une raison toute simple : les subventions des collectivités locales sont attribuées sur la base de délibérations, qui sont des actes publics. Il n’existe pas nécessairement un recueil spécifique, comportant une liste des subventions versées à des associations, mais il y a une délibération dans chaque cas. Pour le monde sportif – ce sont mes souvenirs de maire qui reviennent –, des tableaux recensent les associations bénéficiaires et les financements attribués. Les délibérations assurent une forme de transparence. Vous pourriez faire des propositions en la matière, bien sûr, mais cela me semble relever d’une question d’organisation plus que de droit : les modalités de décision me paraissent déjà garantir la transparence.

M. Pierre-Yves Bournazel. Je voudrais revenir sur l’article 35, relatif au contrôle des financements étrangers des associations cultuelles, à partir de 10 000 euros, et sur la question de l’extension du dispositif aux associations loi 1901. Il y a, dans certaines d’entre elles, des problèmes concernant la laïcité et la radicalisation de certains cadres. Il me semble important d’insister sur ce point.

Que se passera-t-il concrètement si une même personne décide, à l’étranger, de faire quinze dons de 9 500 euros ? Quels seront les contrôles possibles ? Quel est le travail prévu pour que l’esprit de cet article ne soit pas contourné ?

M. le ministre. Votre second point concerne un sujet auquel nous avons pensé. Même si je ne dis pas que ce n’est pas possible, nous n’avons pas constaté de telles situations. Il existe, par ailleurs, une forme de traçabilité des flux financiers qui nous amènerait à regarder le sujet.

Nous pensons que le risque est minime dans la mesure où, s’agissant des associations cultuelles, les montants concernés sont élevés : le don unitaire le plus bas que nous avons constaté était de 75 000 euros, je le répète, et la moyenne, toujours pour les dons unitaires, s’élevait à 700 000 euros. Par ailleurs, la moyenne du total perçu était de 1,15 million d’euros. L’importance de ces montants rend, peut-être, encore plus difficile une manœuvre de contournement.

Pour ce qui est de la question relative aux associations loi 1901, c’est le risque d’embolie et la volonté d’assurer la fluidité de la gestion qui nous ont conduits à ne pas les intégrer dans le dispositif. Je vois, au fil des interventions, qu’il y a un débat sur ce point. Nous regarderons la question, en croisant les éléments dont nous disposons, notamment au niveau de Tracfin, pour voir s’il est utile ou non d’élargir le dispositif et, si c’est le cas, à partir de quel seuil. Nous n’avions pas considéré que c’était un aspect prégnant, car les difficultés que nous connaissons en lien avec ce type de financement concernent essentiellement des associations ayant un caractère cultuel.

J’ajoute que le seuil de 10 000 euros s’appréciera d’une façon cumulative, par rapport à l’ensemble des dons reçus, ce qui est un moyen de limiter les tentatives de contournement.

M. le président François de Rugy. Lorsqu’un projet de loi est présenté, vous le savez d’expérience, notamment parce que vous avez été député, une partie du débat porte sur la nécessité d’adopter un nouveau texte – tout existerait déjà et il suffirait d’appliquer la loi... En l’occurrence, on évoque souvent Tracfin : ce serait le bon outil pour détecter les financements étrangers susceptibles de poser un problème en ce qui concerne les cultes. Considérez-vous, en tant que ministre, qu’il est nécessaire de se doter de nouveaux outils juridiques pour aller plus loin et pour éviter les contournements des contrôles financiers, étant entendu, comme nous l’avons toujours dit, qu’il n’est pas question de supprimer purement et simplement tous les financements étrangers ?

J’imagine que, pour être diplomate, vous ne nous donnerez pas une liste précise des pays d’où proviennent principalement les financements étrangers : pouvez-vous, néanmoins, nous indiquer quelques grandes lignes ? Vous avez seulement évoqué les montants. Par ailleurs, quels sont les cultes plus particulièrement concernés ? Nous avons posé la question à leurs représentants. Certains d’entre eux nous ont dit que leur culte ne bénéficiait pas du tout de financements étrangers – ainsi, le culte catholique financerait plutôt des activités à l’étranger, au Vatican et dans le cadre de missions dans d’autres pays. Pouvez-vous dire ce qu’il en est ?

Je voudrais aussi vous interroger sur la question de l’argent sale. Existe-t-il aussi un financement des cultes par ce biais ? Beaucoup de nos concitoyens, mais aussi des élus locaux, se posent cette question. Il peut y avoir de sérieuses interrogations, sur le terrain, quant à l’utilisation d’argent provenant d’activités illégales, notamment des trafics, au profit d’associations cultuelles ou d’activités liées à des cultes.

M. le ministre délégué. Ma réponse à la première question relève de l’évidence : nous pensons que nous avons besoin d’outils supplémentaires pour mieux contrôler à la fois les recettes et les dépenses, notamment par rapport au champ et à l’objet des associations, et pour prévenir des entreprises ayant un caractère séparatiste ou bien – c’est la question de l’élargissement des dispositions qui a été posée tout à l’heure – des activités de blanchiment ou de recel, contraires, en soi, aux principes moraux sur lesquels est fondée la déductibilité fiscale. Nous sommes absolument convaincus de l’utilité des dispositions figurant aux articles 10, 11 et 12 mais aussi à l’article 9, relatif aux fonds de dotation. Quant aux articles 30 à 35, qui sont portés, si je puis dire, par le ministère de l’intérieur, et qui ont des conséquences sur le plan de la comptabilité et des financements, nous leur trouvons beaucoup d’intérêt en matière de régulation.

S’agissant de l’origine des financements, il est difficile de répondre à votre question, à la fois parce que certaines informations, concernant des dossiers qui ont pu faire l’objet d’articles de presse ou d’une médiatisation, sont classifiées – il faut le dire très clairement – et surtout parce que l’absence de données dont nous souffrons, notamment le fait qu’il n’y a pas de déclaration du montant total des dons reçus, y compris de l’étranger, nous empêche d’avoir une vision très claire. D’après les flux que nous avons constatés, les pays d’où viennent les financements sont surtout situés au Maghreb, au Proche-Orient et au Moyen-Orient, notamment dans le golfe Persique. Ce n’est pas très surprenant, même si nous n’avons qu’une connaissance parcellaire de la réalité, je le répète, sur la base des constatations faites par Tracfin : ces flux vont, pour l’essentiel, à des projets de construction de monuments cultuels liés à la religion musulmane. Cela s’explique aussi – je suppose que vous en avez mille fois débattu – par des considérations historiques, comme la mise à disposition, en 1905, de bâtiments pour certaines religions et non pour d’autres.

L’argent sale n’est pas l’élément le plus facile à retracer, par définition. Nous visons essentiellement à éviter le financement d’activités, sur notre sol, qui seraient contraires aux principes républicains. Nous savons évidemment que de l’argent sale peut être versé à des associations, cultuelles ou non. S’agissant des faits dont nous avons eu connaissance, cela concerne plutôt des relations de proximité – ce ne sont pas forcément des financements étrangers –, même si nous ne sommes pas en mesure d’identifier la provenance de l’argent : nous pouvons identifier un fonds de dotation ou une fondation, mais pas nécessairement l’origine des fonds dont bénéficient des organismes qui financent des activités sur notre territoire. Ce n’est pas évident à contrôler dans ce type de dossiers, mais les choses sont plutôt assez locales.

M. le président François de Rugy. S’agissant de ces financements locaux, ou de proximité, considérez-vous que le travail de recoupement et de connexion entre votre administration, celle du budget, et le ministère de l’intérieur, pour les enquêtes policières et judiciaires, fonctionne bien ? Le renforcement des contrôles portant sur le financement des associations cultuelles ou culturelles permettra-t-il d’assurer de meilleurs recoupements afin de mieux lutter contre les financements issus d’activités illégales ?

M. le ministre. Il peut exister des financements, quelle que soit leur origine – au-delà de la question des activités illégales –, qui ne sont pas déclarés, notamment aux frontières – on ne les passe pas avec des liquidités sans les déclarer, selon la loi. Nous mobilisons les douanes, Tracfin et les services fiscaux. Il y a beaucoup d’échanges d’informations et une forte coopération entre nos services, ceux du ministère de l’intérieur, notamment au niveau des préfectures et des services de renseignement, et ceux du garde des sceaux, pour donner des suites judiciaires à chaque fois que c’est nécessaire. Tracfin est ainsi amené à transmettre régulièrement des dossiers au parquet en vue de suites judiciaires.

Nous avons récemment lancé, avec le garde des sceaux et le ministre de l’intérieur, des travaux visant à renforcer encore les liens entre nos administrations et à garantir un suivi des signalements. Je précise, à cet égard, qu’il existe un droit de communication entre les préfets et la DGFiP, ce qui est important pour les échanges et la coordination. Nous travaillons sur toutes les possibilités d’enrichissement et de partage des informations, dans le respect, naturellement, de certaines dispositions relatives à la nature des fichiers et des informations partagées. La coopération est à un très bon niveau – je crois que nous n’avons, les uns et les autres, que des motifs de satisfaction – même si cela ne signifie pas qu’on ne peut pas l’améliorer. Il y a, en tout cas, une volonté et une vraie habitude en la matière.

M. le président François de Rugy. Merci beaucoup pour vos réponses.

La séance est levée à dix-huit heures vingt.

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Membres présents ou excusés

Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République

Réunion du lundi 11 janvier 2021 à 17 heures 20

Présents.  Mme Caroline Abadie, Mme Géraldine Bannier, M. Florent Boudié, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. François Cormier-Bouligeon, M. Charles de Courson, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, Mme Laurence Gayte, Mme Florence Granjus, Mme Marie Guévenoux, M. Sacha Houlié, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Valérie Oppelt, M. Éric Poulliat, M. François Pupponi, M. Robin Reda, M. François de Rugy, Mme Cécile Untermaier, M. Philippe Vigier