Compte rendu

Commission d’enquête relative
à la mainmise sur la ressource en eau
par les intérêts privés
et ses conséquences

– Table ronde « la gestion de l’eau à La Réunion : les représentants de l’État et des gestionnaires publics », réunissant M. Pascal Gauci, secrétaire général pour les affaires régionales de la préfecture de La Réunion, M. Philippe Grammont, directeur de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) de La Réunion, M. Faïçal Badat, directeur du développement durable des territoires de l’Office de l’eau de La Réunion, Mme Hélène Thébault responsable du service de lutte anti-vectorielle et M. Jérôme Benoît, coordonnateur de la cellule eaux d’adduction publique au sein de l’agence régionale de santé de La Réunion, Mme Sonia Albuffy, vice-présidente en charge de l’eau et de l’assainissement de la Communauté intercommunale de La Réunion Est (CIREST), M. Emmanuel Daesslé, directeur Eau et Assainissement de la Communauté d’agglomération du Sud de la Réunion et M. Patrick Pellegrini, directeur de la régie La Créole .              2


Jeudi
3 juin 2021

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 50

session ordinaire de 2020-2021

 

Présidence de
Mme Mathilde Panot,
présidente de la commission
 


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COMMISSION D’ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privÉs et ses consÉquences

Jeudi 3 juin 2021

La séance est ouverte à onze heures.

(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)

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Mme la présidente Mathilde Panot. Nous continuons nos auditions en tenant une seconde audition consacrée à l’eau à La Réunion, réunissant des représentants de l’État et des gestionnaires publics, avec :

– M. Pascal Gauci, secrétaire général pour les affaires régionales de la préfecture de La Réunion ;

– M. Philippe Grammont, directeur de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) de La Réunion ;

– M. Faïçal Badat, directeur du développement durable des territoires de l’office de l’eau de La Réunion ;

– Mme Hélène Thébault, adjointe au directeur de la veille et de la sécurité sanitaire et M. Jérôme Benoît, coordonnateur de la cellule eaux d’adduction publique au sein de l’agence régionale de santé de La Réunion ;

– Mme Sonia Albuffy, vice-présidente en charge de l’eau et de l’assainissement de la Communauté intercommunale de La Réunion Est (CIREST) ;

– M. Emmanuel Daesslé, directeur eau et assainissement de la communauté d’agglomération du sud de La Réunion ;

– M. Patrick Pellegrini, directeur de la régie La Créole.

Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de prendre le temps de répondre à notre invitation.

Comme nous sommes en période électorale, les représentants de l’État sont astreints à un devoir de réserve électoral. Cette table ronde n’aura donc pas vocation à s’intéresser à une collectivité territoriale ou à une autorité organisatrice des services en particulier, mais à la situation globale de l’eau à La Réunion.

Je vais vous passer la parole pour une intervention liminaire de cinq minutes environ, qui précédera notre échange sous forme de questions/réponses. Vous pourrez bien évidemment compléter vos déclarations par écrit. Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. Je vous rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter serment, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc mesdames et messieurs à lever la main droite et à dire « je le jure ».

M. Pascal Gauci, M. Philippe Grammont, M. Faïçal Badat, Mme Hélène Thébault, M. Jérôme Benoît, Mme Sonia Albuffy, M. Emmanuel Daesslé et M. Patrick Pellegrini prêtent serment.

M. Pascal Gaucin, secrétaire général pour les affaires régionales de la préfecture de La Réunion. Pour rappel, La Réunion fait partie des territoires pouvant connaître des apports pluviométriques très importants, avec 7 600 millions de mètres cubes par an, dont 4,5 millions de mètres cubes « efficaces » (hors effets de l’évaporation et de la transpiration). En parallèle, la demande, qui oscille entre 220 et 245 millions de mètres cubes par an, se répartit comme suit :

– eau potable : 70 % ;

– agriculture : 25 % ;

– industrie : 5 %.

L’écart entre la pluviométrie « efficace » et les besoins en eau est donc considérable. Il a même tendance à s’accroître.

En dépit de ces chiffres et des investissements considérables engagés par le département, qui a engagé le projet de bascule d’une partie de la ressource en eau de l’est vers l’ouest de l’île, un déficit de pluviométrie peut affecter certaines ressources en période de sécheresse. Ainsi, l’année 2020 a été la deuxième année la plus sèche observée depuis 49 ans, date des premiers relevés. Or ces difficultés peuvent être accentuées par des rendements de réseau insuffisants.

Les compétences liées à l’eau et à l’assainissement ont été très largement décentralisées. Depuis le 1er janvier 2020, le territoire de La Réunion compte cinq autorités organisatrices dédiées à l’eau potable et à l’assainissement, qu’il soit collectif ou pas, savoir la communauté d'agglomération du Sud (CASUD), la communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR), la communauté intercommunale de La Réunion Est (CIREST), la communauté intercommunale des Villes solidaires (CIVIS) et le Territoire de la Côte Ouest (TCO). La loi nᵒ 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a ainsi permis de simplifier le paysage institutionnel, puisqu’elles étaient par le passé :

– au nombre de 21 pour l’eau potable ;

– au nombre de 16 pour l’assainissement collectif ;

– au nombre de 19 pour l’assainissement individuel.

La montée en puissance des autorités organisatrices a bien évidemment été hétérogène : il n’en demeure pas moins que l’échelle intercommunale est la bonne, pour prendre en charge les compétences dans les domaines de l’eau et de l’assainissement et porter des politiques publiques cohérentes.

Plusieurs modes de gestion – régie et concession – cohabitent à La Réunion, et parfois même au sein d’une même autorité organisatrice. L’État n’intervient pas dans les choix qui sont opérés. Pour rappel, la base de données Système d'information sur les services publics d'eau et d'assainissement (SISPEA), qui intègre des notions de rendement, de tarif et de performance technique, n’a pas montré de corrélation évidente entre niveau de performance et mode de gestion.

Abordons, à présent, le plan Eau DOM. Si les compétences sont exercées par les collectivités, l’État ne peut pas se désintéresser d’un service aussi essentiel que l’est l’eau pour les citoyens. Le ministère de la Transition écologique et solidaire a ainsi initié, en 2013, le plan Eau DOM. Concrétisé en 2016, ce dernier a pour objectif d’améliorer la qualité du service rendu aux usagers, concernant l’organisation des services d’eau potable et d’assainissement au sein des départements d’outre-mer. Il s’agit ici de passer progressivement d’un financement au coup par coup à un nouveau mode de contractualisation global et pluriannuel, s’appuyant sur des contrats de progrès, lesquels emportent l’implication des autorités organisatrices de l’eau et de l’assainissement, ainsi que des membres de la conférence régionale des acteurs de l’eau (CRAE).

À La Réunion, le plan Eau DOM prend appui sur le plan eau potable initié par l’agence régionale de santé (ARS) Océan Indien. Sa mise en œuvre repose sur :

– une équipe projet : elle associe la DEAL et l’office de l’eau et assure l’animation du dispositif ;

– la conférence régionale des acteurs de l’eau (CRAE) : coprésidée par le préfet, le président du conseil régional et le président du conseil départemental, elle est une instance de pilotage, à laquelle l’ARS, les financeurs et les EPCI participent ;

– les contrats de progrès : ils sont passés entre les membres de la conférence des acteurs de l’eau et les collectivités en charge de l’eau et de l’assainissement.

La CRAE se réunit trois fois par an. Le 20 juin 2018, elle a validé le document stratégique de mise en œuvre du plan Eau DOM à La Réunion, lequel expose le contexte et les spécificités réunionnaises, en matière d’infrastructures et d’organisation. Il propose quatre orientations stratégiques, destinées à améliorer la qualité du service rendu à la population.

Toutes les intercommunalités ont effectué un diagnostic de l’ensemble des services dédiés à l’eau potable et à l’assainissement. Tous les contrats de progrès, en parallèle, ont été signés. Les travaux de rédaction associés ont permis d’estimer les besoins d’investissement à environ 1 milliard d’euros pour les 15 prochaines années. Bien évidemment, cette estimation regroupe les dépenses liées à :

– la recherche et la captation de nouvelles ressources ;

– la potabilisation et le traitement des eaux ;

– la réhabilitation et le développement des réseaux d’eau potable et d’eaux usées.

L’un des intérêts majeurs du plan Eau DOM renvoie à la construction collective d’une stratégie de service par collectivité, reposant sur des indicateurs de suivi. Les services ne sont alors plus simplement confrontés à ces choix (mode de gestion par exemple), mais sont également accompagnés. Les investissements prioritaires des cinq prochaines années sont, dans ce cadre, définis et partagés.

Les contrats de progrès ayant été signés, l’enjeu est désormais de suivre et de mettre en œuvre les actions identifiées, avec la mise en place de comités de suivi au plus près de chaque intercommunalité : il est à noter que ces derniers devront également assurer la mise à jour des fiches Actions et, le cas échéant, des prospectives financières. Il conviendra de veiller :

– à ce qu’ils disposent de marges de manœuvre suffisantes ; 

– à ce que s’opère un pilotage conjoint entre les présidents des collectivités ;

– à ce que les sous-préfets d’arrondissement puissent assurer le bon niveau de pilotage et de validation.

Par ailleurs, le plan de relance, qui n’est que conjoncturel, est une opportunité réelle pour accélérer un certain nombre de projets. Les travaux réalisés pour préparer les contrats de progrès permettent aux territoires de disposer de dossiers éligibles, mais également de dossiers prêts à être financés dans le cadre du plan de relance.

Pour la période 2021-2022, pas moins de 10,5 millions d'euros devraient, dans ce cadre, bénéficier à La Réunion : à date, environ 6,5 millions d’euros sont en passe d’être engagés. S’y ajoutent 3,5 millions d'euros liés à des projets préparés par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les services de l’eau.

Pour conclure, la déclinaison du plan Eau DOM constitue un outil puissant, qui permettra d’accompagner la montée en puissance des nouvelles autorités organisatrices de l’eau potable et de l’assainissement, et cela au bénéfice des habitants.

M. Faïçal Badat, directeur du développement durable des territoires de l’Office de l’eau de La Réunion. Lors de la réunion de travail du 20 mai, j’ai eu l’occasion de vous présenter les offices de l’eau en outremer et l’office de l’eau de La Réunion en particulier.

L’office de l’eau contribue au développement des services d’eau et d’assainissement sur le territoire de La Réunion, à travers :

– d’une contribution financière : depuis 2016, l’office de l’eau a apporté 50 millions d'euros à des projets en lien avec l’eau et l’assainissement. Les deux tiers de ce budget ont permis de répondre aux enjeux de sécurisation de l’approvisionnement en eau et d’amélioration de la qualité de l’eau distribuée. Le solde a été utilisé pour améliorer la maîtrise des pollutions, et notamment les dispositifs de collecte des eaux usagés. Au cours de l’exercice 2007-2015 ainsi, un important travail avait été fait sur les stations d’épuration : ces ouvrages étant désormais en place, il s’agissait d’y acheminer les eaux usées ;

– d’une expertise technique : celle-ci est liée à l’assistance technique promue par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques. L’idée est d’évaluer les systèmes d’assainissement collectifs (stations d’épuration et réseaux). Aujourd’hui, les techniciens de l’office de l’eau interviennent sur 8 à 10 stations d’épuration, qui ont une capacité nominale correspondant à environ 280 000 habitants. Ces interventions sont complétées par des bilans et des audits, qui sont transmis aux autorités organisatrices de l’eau et de l’assainissement, aux exploitants et aux services de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL), dont la police de l’eau ;

– d’une contribution en matière d’ingénierie territoriale : au sein de l’office de l’eau, des réseaux métiers ont été mis en place dès 2014 et 2015. Ils ont pour objectifs de consolider une culture collective, concernant les pratiques et les relations aux usagers, et de développer les compétences des services publics de l’eau et de l’assainissement. Trois thématiques sont aujourd’hui adressées, renvoyant à l’eau potable, à l’assainissement collectif et à l’assainissement non collectif. Il est envisagé d’en traiter de nouvelles dans un proche avenir, comme la gestion des eaux pluviales urbaines ou gestion des milieux aquatiques.

Aujourd’hui enfin, les autorités organisatrices de l’eau et de l’assainissement, les opérateurs et les services de l’État emploient une cinquantaine de personnes environ. La semaine dernière, une session de formation a été organisée : elle portait sur l’évaluation des délégations de service public (DSP).

Mme la présidente Mathilde Panot. Souhaitez-vous, Mme Albuffy, intervenir ?

Mme Sonia Albuffy, vice-présidente en charge de l’eau et de l’assainissement de la communauté intercommunale de La Réunion Est (CIREST). Non, avant toute chose, je souhaiterais entendre les autres intervenants.

M. Patrick Pellegrini, directeur de la régie La Créole. La régie La Créole est dotée de la personnalité morale et dispose d’une autonomie financière. Rattachée à la communauté d’agglomération du Territoire de la côte ouest (TCO) depuis le 1er janvier 2020, elle gère les services publics d’eau potable et d’assainissement collectif au sein des communes de Saint-Paul et des Trois-Bassins. Elle dispose de 55 000 abonnés, pour un territoire d’environ 110 000 habitants. Elle s’occupe des investissements, mais également de l’exploitation. Elle gère aussi les services publics d’assainissement non-collectif des cinq communes de la TCO. Enfin, elle emploie 170 salariés et génère un chiffre d'affaires annuel de 30 millions d'euros.

M. Emmanuel Daesslé, directeur eau et assainissement de la communauté d’agglomération du sud de La Réunion. Je n’ai pas prévu de prononcer une allocution liminaire. Bien évidemment, je me tiens à votre disposition pour répondre à l’ensemble de vos questions.

Mme la présidente Mathilde Panot. Selon l’ARS, 51 % de la population est alimentée en tout ou partie par une eau dont la qualité microbiologique n’est pas maîtrisée à tout moment et présente un risque sanitaire. Quelles en sont les raisons ? Que faites-vous pour y remédier ?

Mme Hélène Thébault, adjointe au directeur de la veille et de la sécurité sanitaire au sein de l’agence régionale de santé de La Réunion. L’ARS mène, pour le compte du préfet, un certain nombre d’actions sur l’île de La Réunion. Elle diligente, dans ce cadre, des contrôles sanitaires, lesquels ont mis en évidence une dégradation de la qualité de l’eau. Pour information, ils reposent, à La Réunion, sur 3 600 prélèvements par an, qui permettent d’analyser 120 paramètres. Ils concernent les eaux souterraines et superficielles, la production de l’eau (usines de traitement) et l’eau du robinet.

Comme mentionné précédemment, les contrôles sanitaires ont permis d’identifier des points de non-conformité périodiques ou chroniques, concernant la qualité de la ressource et la qualité de l’eau distribuée. In fine, environ 50 % des habitants de La Réunion accèdent à une eau qui n’est pas toujours conforme aux normes.

En conséquence, l’ARS a lancé d’une démarche d’évaluation des risques inhérents à l’eau potable au sein de l’ensemble des unités de distribution du département. Elle a également prévu de lancer une campagne de mesures complémentaires, aux fins d’identifier la présence, ou pas, de parasites intestinaux, parfois retrouvés dans les eaux superficielles.

La Réunion accuse, dans la mise en place des usines de potabilisation, un retard structurel. De surcroît, une large partie de la population est exposée à un risque microbiologique potentiel ou à un risque microbiologique avéré nécessitant des restrictions d’usage. Dans ce cadre, l’ARS et le préfet ont déployé le plan eau potable 2016-2022, dont l’objectif est de rattraper le retard susmentionné : 16 mises en demeure ont été prononcées par le Préfet. In fine, le plan s’est accompagné d’un volet financier, destiné à faciliter le rattrapage évoqué.

M. Jérôme Benoît, coordonnateur de la cellule eaux d’adduction publique au sein de l’agence régionale de santé de La Réunion. Le plan eau potable 2016-2022 n’est que le volet sanitaire du plan Eau DOM. Il a pour objectif de rattraper le retard structurel observé à La Réunion. Dans ce cadre, 16 des 24 communes ont fait l’objet d’un encadrement par un arrêté de mise en demeure. Des fonds européens ont été mobilisés pour accompagner les investissements des collectivités. L’office de l’eau accompagne les collectivités de moins de 5 000 habitants.

Enfin, des actions de communication et de sensibilisation ont été menées auprès des habitants, pour les sensibiliser aux risques sanitaires relevés. Dans ce cadre, un site Internet – eaudurobinet.re – a été créé.

Mme la présidente Mathilde Panot. Le retard structurel pointé est-il lié à un manque d’investissement ?

M. Jérôme Benoît. La mobilisation d’eaux de surface pour répondre à des besoins croissants nécessite la mise en place d’infrastructures de potabilisation : or ce principe n’a pas toujours été respecté, ce qui explique le retard observé. En pratique, les cas de non-conformité sont généralement liés aux fortes pluies. Les eaux souterraines, pour leur part, bénéficient d’une protection naturelle.

M. Emmanuel Daesslé. Pour information, La Réunion a connu, durant 20 ans, une croissance démographique supérieure à 2 % par an, laquelle a induit un développement urbain très rapide. Les communes, dans ce contexte, se sont concentrées sur le tirage des réseaux. Ces derniers, aujourd’hui, affichent des taux de rendement plutôt médiocres. Avec le plan Eau DOM et les subventions associées, les EPCI se sont engagés dans la construction d’unités de potabilisation, aux fins de résorber le retard structurel évoqué par l’ARS.

M. Patrick Pellegrini. Jusqu’aux années 2000, l’objectif était de permettre à chacun d’accéder à de l’eau, ce qui n’était pas toujours le cas dans les hauts de Saint-Paul par exemple. Par ailleurs, le prix de l’eau, à La Réunion, est inférieur de moitié à ce qu’il est au sein de la métropole. Néanmoins, le taux de pauvreté s’établit à 41 % environ. En parallèle, la consommation d’eau excède, à La Réunion, ce qu’elle est sur le territoire métropolitain. Par conséquent, la logique dite de « l’eau paie l’eau » ne peut pas être appliquée à La Réunion.

Enfin, l’île de La Réunion est montagneuse : pour amener de l’eau aux habitants en conséquence, il convient d’engager des investissements très lourds (ouvrage de pompage). Ainsi, la construction et l’exploitation du réseau sont plus couteuses à La Réunion qu’en métropole.

M. Faïçal Badat. Entre 2000 et 2020, La Réunion a gagné 140 000 habitants, ce qui est l’équivalent d’une ville comme Saint-Denis-de-la-Réunion. Dans les années 2000, la ressource en eau était encore préservée de certaines dégradations, ce qui est moins le cas aujourd’hui. À partir de 2008 de surcroît, il a fallu édicter, sur le plan des investissements, un certain nombre de priorités. Entre 2008 et 2014 par conséquent, l’attention s’est portée sur la capacité nominale de traitement des stations d’épuration, qui a ainsi été multipliée par 2,5.

M. Philippe Grammont, directeur de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) de La Réunion. Tant que le dispositif de gouvernance s’appuyait sur les communes, celles-ci recherchaient avant tout des ressources de proximité. Il couvre désormais une échelle intercommunale, ce qui devrait permettre :

– de mener des réflexions un peu plus larges ;

– de privilégier des ressources plus robustes ;

– de bénéficier de capacités financières supérieures.

Mme la présidente Mathilde Panot. Pourriez-vous nous dresser un bilan du projet du basculement des eaux ? Quels en ont été les impacts sur la ressource en eau disponible sur la côte est ? Quels en ont été les impacts environnementaux sur la côte ouest ? Le budget afférent à ce projet s’établit-il bien à 1 milliard d’euros ? Enfin, les représentants des associations nous ont indiqué qu’un rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) datant des années 80 critiquait la mise en œuvre du projet évoqué : en conséquence, pourquoi a-t-il été lancé ?

M. Faïçal Badat. Je n’ai pas connaissance du rapport susmentionné. Pour rappel, le projet Irrigation du littoral ouest (ILO) est porté par le département. À date, l’irrigation du territoire ouest est pleinement opérationnelle, ce qui permet de transférer de 20 à 22 millions de mètres cubes d’eau de la région est vers les secteurs irrigués de l’ouest. Elle a permis de mettre en culture 4 000 des 7 000 hectares initialement prévus.

De fait, le projet ILO est avant tout un projet d’irrigation agricole. Néanmoins, il permet également de sécuriser l’approvisionnement en eau brute d’un certain nombre de communes : Saint-Leu, Saint-Paul, Les Trois-Bassins.

Mme la présidente Mathilde Panot. Quels en sont les impacts sur la ressource en eau à l’est ?

M. Faïçal Badat. Certes, des prélèvements d’eau sont effectués à l’est. Cela étant, les dossiers afférents respectent les dispositions du code de l’environnement relatives à la protection des milieux.

En complément, le projet ILO fait l’objet d’un suivi environnemental, placé sous la responsabilité du département, en lien avec les services de l’État et d’autres acteurs de l’eau. Il doit être resitué dans un contexte plus global de difficultés croissantes d’accès à la ressource en eau. Depuis une dizaine d’années, les saisons des pluies ne permettent plus de reconstituer totalement cette dernière. Environ 3 à 4 des 7 milliards de mètres cubes de pluie qui tombent sur La Réunion se retrouvent dans les nappes et les rivières. En parallèle, les besoins (hors hydroélectricité) sont de l’ordre de 220 à 225 millions de mètres cubes, dont 145 millions de mètres cubes sont liés à l’eau potable. En pleine saison sèche enfin, il peut y avoir, ponctuellement, quelques difficultés : elles résultent pour l’essentiel de problèmes d’accessibilité, notamment liés à un manque d’infrastructures.

M. Philippe Grammont. Pour ma part, j’avoue ne pas non plus avoir connaissance du rapport du BRGM qui a été cité. Le basculement des eaux de l’est vers l’ouest de l’île est alimenté par des captages dans les ressources superficielles, mais également par des infiltrations qui se font directement dans les galeries.

Le captage dans les ressources superficielles est régi par des débits réservés, qui permettent de réguler les apports dans le milieu naturel. En pratique, les niveaux captés sont aujourd’hui très inférieurs aux débits autorisés. Si tel n’était pas le cas, les prélèvements dans le milieu naturel seraient bien évidemment arrêtés.

Quoi qu’il en soit, la bascule débattue ne pose aucune difficulté particulière. Elle permet, au-delà de l’irrigation, de sécuriser l’alimentation en eau potable de la côte ouest, laquelle est la plus peuplée : à défaut d’ailleurs, celle-ci rencontrerait de profondes difficultés en période d’étiage.

M. Pascal Gauci. Le projet évoqué est un outil d’aménagement du territoire. Au moment de son initiation dans les années 90, la partie est de l’île connaissait des déséquilibres majeurs. Depuis quelques années, elle est celle qui se développe le plus. Comme M. Grammont l’a rappelé, des gardes fous ont été mis en œuvre, pour que la partie est de l’île ne pâtisse pas du rééquilibrage débattu. En 2020 d’ailleurs, l’île de La Réunion a été confrontée à des difficultés importantes, non liées au basculement des eaux. Enfin, ce dernier a généré des effets très positifs.

M. Faïçal Badat. En complément, le département a œuvré pour que les trois grands périmètres irrigués – Bras de la Plaine, Bras de Cilaos et Irrigation du littoral ouest – soient interconnectés. Si l’un d’eux pâtissait d’une insuffisance d’eau, il pourrait récupérer une partie de ce qui lui manque sur les autres territoires irrigués, au nom d’une logique de gestion intégrée sur un territoire. 

Mme la présidente Mathilde Panot. Le basculement des eaux a permis d’irriguer 4 000 hectares. Parmi ces derniers, combien appartiennent à CBo Territoria ?

M. Faïçal Badat. Je me rapprocherai du département pour récupérer ces informations.

M. Patrick Pellegrini. Je n’ai pas non plus connaissance du rapport du BRGM qui a été évoqué. Le projet a fait l’objet de deux déclarations d’utilité publique en 1992 et en 2002 : aussi les débats ont-ils eu lieu, y compris devant le Conseil d’État. Il a également été autorisé au titre de la loi sur l’eau. En tout état de cause, il s’agit d’un projet structurant, qui permet d’interconnecter les ressources en eau.

En parallèle, la partie ouest de l’île continue à se développer. Toutes les ressources y ont déjà été utilisées. Le territoire de la commune des Trois-Bassins, comme celui de nombreuses communes de La Réunion, part de la mer pour aller jusqu’à des altitudes plus élevées : l’eau est remontée vers la chaîne de montagne, ce qui consomme beaucoup d’énergie. Grâce au transfert évoqué, il sera possible de procéder à des raccordements depuis la commune de Saint-Leu, ce qui permettra de sécuriser les approvisionnements des Trois-Bassins.

M. Olivier Serva, rapporteur. Que pensez-vous de l’action des différents acteurs de la gestion de l’eau – régie, département, office de l’eau et autorités organisatrices ?

M. Faïçal Badat. Comme cela a été rappelé en introduction, l’application de la loi NOTRe a permis de ramener de 21 à 5 les autorités organisatrices de l’eau et de l’assainissement. Celles-ci prennent aujourd’hui toutes la forme d’intercommunalités, ce qui me semble une échelle très pertinente, sur le plan des moyens, de capacités d’investissement et des prospectives.

Bien évidemment, d’autres acteurs participent à la gestion de l’eau à La Réunion, parmi lesquels :

– le département : il dispose de compétences en lien avec l’agriculture et, par extension, avec l’irrigation. Il intervient donc beaucoup dans l’aménagement du territoire ;

– la région : elle dispose également d’une compétence en matière d’aménagement du territoire, dans une optique essentiellement économique. Elle contribue, à travers la gestion du fonds européen de développement régional (FEDER) ou d’autres dispositifs, à l’émergence des projets portés par les autorités organisatrices ;

– des instances de gouvernance (comité de l’eau et de la biodiversité ou CRAE) : celles-ci réunissent l’ensemble des parties prenantes, avec l’idée de favoriser une certaine agilité (financements, appuis techniques, accompagnement des services publics de l’eau et de l’assainissement).

M. Pascal Gauci. Comme l’ont démontré les travaux relatifs aux contrats de progrès, le nouveau maillage a apporté une meilleure assise technique et financière et a permis de développer une vision à l’échelle d’un territoire plus vaste, évitant ainsi le morcellement qui était autrefois observé.

Par ailleurs, la conférence régionale des acteurs de l’eau rassemble les financeurs, les cinq EPCI, la région, le département et, bien évidemment, les services de l’État. Cela permet de mener des réflexions plus larges, en identifiant les points faibles à corriger. Cette structure, qui se réunit quatre fois par an, permet d’identifier ce qui fonctionne ou pas.

Enfin, les moyens financiers disponibles sont aujourd’hui conséquents, permettant de lancer des projets qui permettront de rattraper les retards qui ont été pris. Indépendamment des couleurs politiques, le mode de fonctionnement actuel me semble être très pertinent.

M. Philippe Grammont. Le comité de l’eau et de la biodiversité (CEB) s’occupe également des sujets débattus, à travers une approche multi-acteurs : en effet, il se compose de représentants des collectivités et des domaines, mais également de la société civile. Dans le cadre du projet de schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), il est prévu de constituer une commission dédiée à la ressource en eau : les différents acteurs du CEB pourront y participer.

Mme Hélène Thébault. La mise en œuvre de la loi NOTRe permet également à l’ARS de mieux accompagner les collectivités : en effet, celles-ci sont beaucoup moins nombreuses que par le passé, ce qui limite la dispersion.

M. Patrick Pellegrini. Je m’associe aux remarques des précédents intervenants. En pratique, les EPCI ont encore besoin de temps pour s’approprier pleinement leurs nouvelles compétences, notamment opérationnelles : celles-ci, en effet, leur ont été transférées en une journée, le 31 décembre 2019 au soir. À date de fait, les organisations des services des EPCI ne sont pas toutes homogènes. Pour qu’ils soient pleinement opérationnels en conséquence, il leur faudra un peu de temps.

M. Olivier Serva, rapporteur. Que pensez-vous du projet de schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux 2022-2027 ? Comment a-t-il été élaboré ? À partir de quelles hypothèses et avec quelles conclusions ?

M. Philippe Grammont. Le projet de SDAGE a été élaboré sous l’égide du comité de l’eau et de la biodiversité (CEB), qui est une assemblée pluraliste. Une fois que cette dernière l’aura adopté, il devra être validé par le préfet coordonnateur, qui joue le rôle d’autorité compétente.

Pour rappel, le CEB a demandé à une équipe projet – se composant de représentants de l’office de l’eau et de la DEAL – de travailler sur le projet de SDAGE. Dans ce cadre, différents documents ont été produits : ils donnent actuellement lieu à une consultation publique. Le projet de SDAGE a été élaboré en plusieurs étapes :

– l’adoption, par le CEB, des questions les plus importantes pour le bassin et du projet de calendrier de révision du SDAGE, en octobre 2018 ;

– l’élaboration, en 2018 et 2019, d’un état des lieux du bassin, qui a servi à la définition de la stratégie et à la rédaction du programme de mesures ;

– l’organisation, le 19 novembre 2019, d’un séminaire institutionnel rassemblant les membres du CEB ;

– l’organisation d’ateliers techniques destinés à travailler sur les orientations fondamentales du SDAGE ;

– l’organisation d’une réunion du CEB, aux fins de débattre de ces dernières ;

– l’organisation d’ateliers sectoriels territorialisés, c’est-à-dire à l’échelle de microrégions.

Enfin, le projet de nouveau SDAGE a été élaboré dans la continuité de son prédécesseur, qui couvrait la période 2016-2021.

M. Faïçal Badat. Le premier SDAGE dédié à La Réunion couvrait la période 1996-2001. Il s’accompagne d’un programme de mesures, qu’il ne faut pas négliger. Il constitue désormais un vrai document de planification dédié à la gestion de l’eau et des milieux aquatiques.

Le premier SDAGE prenait pour l’essentiel la forme d’un catalogue d’actions. Désormais, le SDAGE soutient une véritable réflexion, assise sur un état des lieux, avec :

– des approches quantitatives et qualitatives de la ressource en eau ;

– une approche du grand cycle de l’eau ;

– une approche du petit cycle de l’eau, qui revient sur les échanges induits par les usages.

In fine, le SDAGE a été élaboré par l’ensemble des parties prenantes du territoire, ce qui lui confère une vraie robustesse. Il nous appartiendra, dans les six prochaines années, de le décliner.

M. Emmanuel Daesslé. Je n’ai pas encore pris le temps d’analyser le SDAGE dans le détail. Par le passé, les financements disponibles n’étaient pas toujours en adéquation avec les orientations environnementales. Ainsi, les collectivités ne disposaient pas toujours des moyens requis pour financer certaines actions. De surcroît, existait souvent une discordance entre le SDAGE et les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) locaux : ainsi, il arrivait qu’une même zone s’assortisse objectifs opposés. Au sein des sous-régions de la même manière, existaient parfois des incohérences entre les SAGE et les schémas de cohérence territoriale (SCOT). Le travail de concertation mené avec l’ensemble des acteurs régionaux a probablement remis du lien dans la démarche.

M. Olivier Serva, rapporteur.  L’UFC – Que Choisir dénonce l’immobilisme de la Cise Réunion, qui continuerait à facturer et à distribuer de l’eau insalubre à plus de 80 000 personnes. Quel est votre sentiment sur le sujet ?

Mme Hélène Thébault. Les services de l’État et l’ARS sont en discussion avec les collectivités, qui sont responsables de la production et de la distribution de l’eau. C’est dans ce cadre que l’ARS a mis en place, avec la préfecture, le plan Eau potable : l’objectif est que plus aucun Réunionnais, à terme, ne soit exposé à une eau non-conforme aux normes. Enfin, l’ARS suit attentivement les mises en demeure et la gestion de l’eau avec les collectivités, et pas avec les exploitants et les distributeurs.

M. Olivier Serva, rapporteur. Les communautés d’agglomération sont-elles en mesure d’exercer des compétences en matière d’eau et d’assainissement ?

M. Emmanuel Daesslé. S’agissant de la CASUD, les compétences eau et assainissement ont été transférées depuis 2010. Cela s’est fait de manière relativement fluide, puisque les moyens humains des communes ont été transférés en parallèle.

Mme Sonia Albuffy. S’agissant de la CIREST, les compétences ont été transférées le 1er janvier 2020. Cette première année a été pour l’essentiel consacrée à la réalisation de diagnostics au sein des différentes communes. Initialement, aucun budget n’était disponible : depuis lors toutefois, des financements ont été obtenus. L’heure est à la réorganisation des équipes et au traitement des situations les plus urgentes. Quoi qu’il en soit, les marges de progression sont considérables. Aussi des progrès ne manqueront-ils pas d’être réalisés.

Je suis originaire de la Plaine des Palmistes, où l’eau est gérée en régie. J’ai pu constater que la cartographie du réseau demeurait assez méconnue : elle doit donc être mise à jour. Au sein des communes où l’eau est gérée via une délégation de service public (DSP) de la même manière, il est nécessaire d’élaborer un certain nombre de projets, qui seront lancés au fil du temps.

M. Olivier Serva, rapporteur.  Quel bilan tirez-vous de la DSP, qui correspond au mode de gestion privilégié par 80 % des communes de La Réunion ?

Mme Sonia Albuffy. Je représente une commune où l’eau est gérée en régie. Les régies souffrent d’un profond manque de moyens humains et matériels. De plus, les agents manquent de formation et de compétences. Au sein des communes de Salazie, Bras-Panon, Saint-André et Saint-Benoît à l’inverse, les interventions lourdes devant être effectuées sont prises en charge par des délégataires qui disposent des moyens humains et matériels requis.

M. Olivier Serva, rapportur. Quels sont, selon vous, les avantages d’une régie par rapport à une DSP ?

Mme Sonia Albuffy. Nos régies s’appuient sur des agents qui sont pour la plupart natifs de nos communes. Ils connaissent donc bien ces dernières et agissent très rapidement en cas de petites fuites. Malheureusement, leurs prédécesseurs ne leur ont pas transmis leurs connaissances des réseaux.

Pour résumer, les régies s’appuient sur des agents issus des territoires qu’elles couvrent, ce qui est un avantage. En revanche, ces derniers manquent de formation. De surcroît, les régies pâtissent d’un déficit de moyens.

M. Patrick Pellegrini. La problématique liée au manque de compétences se pose essentiellement au sein des régies de petite taille. Cela étant, certaines régies commencent à avoir une taille assez importante : cela leur permet de disposer de moyens humains et techniques pratiquement aussi performants que les délégataires.

M. Pascal Gauci. En pratique, certaines régies fonctionnent très bien, quand d’autres sont en difficulté. Il en va de même des DSP. À mon sens, le choix du mode de gestion dépend de la nature, de la taille, des moyens et des spécificités des territoires. Ainsi, un territoire rural peinera à composer avec une DSP.

M. Philippe Grammont. Les difficultés auxquelles certains territoires sont confrontés ne sont pas tant liées au mode de gestion qu’aux stratégies politiques conduites, notamment sur le plan des investissements.

Mme la présidente Mathilde Panot. Par ailleurs, comment contrôlez-vous les prélèvements directs effectués par les irrigants ? Quel est l’état des réseaux ? Quelles actions mettez-vous en œuvre pour lutter contre les fuites ?

M. Philippe Grammont. Le dispositif d’irrigation qui a été mis en place est à la fois structuré et centralisé par le département. La situation, à La Réunion, n’est pas comparable à celle observée au sein de certains départements métropolitains, où des masses d’eau font l’objet d’une succession de prélèvements opérés par des agriculteurs. Ainsi, la distribution s’opère à partir de la fourniture, par le département, en eau brute primaire. Les enjeux, de fait, sont très différents de ce qu’ils sont en métropole, où le contrôle des prélèvements individuels opérés par les agriculteurs constitue un impératif.

Par ailleurs, le taux de rendement moyen des réseaux s’établit à 61 % environ, ce qui plaide pour la réalisation d’investissements conséquents. Telle est d’ailleurs la philosophie portée par le plan Eau DOM et les contrats de progrès : en effet, ces derniers intègrent un programme pluriannuel d’investissements, notamment dédiés à la réhabilitation des réseaux.

Bien évidemment, les aides financières à disposition des collectivités constituent le nerf de la guerre. Le programme Recovery Assistance for Cohesion and the Territories of Europe (REACT-EU) devrait les aider à s’engager dans la réhabilitation des réseaux, qui est essentielle pour préserver la ressource : en effet, la réduction des pertes d’eau emporte une baisse mécanique des prélèvements.

M. Faïçal Badat. À La Réunion, le taux de rendement moyen des réseaux est compris entre 61 et 62 %, ce qui peut sembler assez faible par rapport à ce qui est observé en métropole. Cela étant, certains territoires communaux affichent un taux de rendement de plus de 75 %, quand ce dernier se limite, au sein d’autres secteurs, à 30 %.

En complément, l’office de l’eau, en dix ans, a consacré une trentaine de millions d'euros à la réhabilitation des réseaux d’eau potable. Il a permis de créer 280 à 300 km de canalisations et d’accroître le taux de rendement de cinq points de mémoire, ce qui n’est pas neutre.

Enfin, certaines communes, dont celle de Salazie, sont confrontées à des mouvements de terrain qui représentent quelques centimètres chaque année : or les tuyaux ne sont pas extensibles, ce qui crée une difficulté. 

Mme Sonia Albuffy. La commune de Salazie fait face à un problème de distribution d’eau brute aux agriculteurs, lesquels se connectent au réseau d’eau potable. En effet, le réseau de distribution d’eau brute n’est pas distinct du réseau de distribution d’eau potable.

M. Patrick Pellegrini. Le réseau d’eau potable constitue, à La Réunion, un enjeu majeur. Pour rappel, La Réunion, qui est un territoire montagneux, se caractérise par l’existence de pressions d’eau élevées, ce qui accroît le risque de fuites. De surcroît, les réseaux y sont très longs, avec des communes très espacées les unes des autres.

En complément, certains réseaux ont été posés il y a de nombreuses années. Ils reposent sur des tuyaux en Polyéthylène haute densité (PEHD) et en polychlorure de vinyle (PVC). Du fait de la pression de l’eau, mais également de la composition de cette dernière, qui comprend beaucoup de chlore, les fuites sont inévitables. À Saint-Paul, le taux de rendement s’établit aujourd’hui à 50 %. Les fuites n’affectent pas les tuyaux en eux-mêmes, mais les branchements, lesquels sont au nombre de 50 000. Pour y remédier, il convient de débloquer des moyens financiers considérables, excédant très nettement les 30 millions d'euros susmentionnés. Pour améliorer durablement la qualité de l’eau potable, il conviendra, en tout état de cause, de mobiliser des investissements conséquents.

Mme la présidente Mathilde Panot. Je vous remercie d’avoir pris le temps de participer à cette audition. Je vous invite à compléter, si vous le souhaitez, vos déclarations par écrit. Enfin, je vous souhaite une excellente journée.

La séance est levée à douze heures vingt-cinq.