Compte rendu

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

– Table ronde réunissant M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), M. François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), et Mme Sabine Basili, présidente de la commission des affaires économiques de l’Union des entreprises de proximité (U2P) et vice-présidente de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB)              2


Vendredi
26 février 2021

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 7

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de
Mme Laurence Maillart‑Méhaignerie,
Présidente

 


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La commission spéciale a auditionné, dans le cadre d’une table ronde, M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), M. François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), et Mme Sabine Basili, présidente de la commission des affaires économiques de l’Union des entreprises de proximité (U2P) et vice-présidente de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB).

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir, dans le cadre d’une table ronde, des représentants d’organisations d’employeurs qu’il nous a semblé important d’entendre, car beaucoup de mesures du projet de loi qui nous est soumis sont susceptibles d’avoir des conséquences importantes pour les entreprises.

Ce projet de loi, qui trouve son origine dans les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, a pour objectif de réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030. Les mesures structurantes qu’il prévoit ne permettront d’atteindre cet objectif que si elles sont mises en œuvre par tous les acteurs concernés : les citoyens, les collectivités publiques et les entreprises. Nous sommes donc très intéressés par votre analyse de ces mesures. Vous semblent-elles aller dans le bon sens ? Formulez-vous des recommandations ?

M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Je souhaite, en préambule à notre analyse de fond du projet de loi, aborder plusieurs points concernant la méthode qui a présidé à son élaboration.

D’abord, sans revenir sur le principe d’une Convention citoyenne pour le climat, le MEDEF n’est pas vraiment à l’aise avec l’idée du tirage au sort. Nous pensons que c’est au Parlement de fabriquer et de voter la loi. C’est pourquoi cette table ronde est importante.

Ensuite, certains articles du projet ne font pas référence au cadre européen alors que des directives sont en cours de préparation. Il importe pourtant d’observer une certaine cohérence, car la France, même si elle est en avance, doit être alignée avec ses voisins.

Le projet de loi doit également être cohérent avec le droit interne, qui a été enrichi de plusieurs textes dans le domaine environnemental ces dernières années : loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC), loi « Énergie climat », loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM) et loi d’orientation des mobilités (LOM). Des dispositions de la loi AGEC par exemple, dont certains décrets d’application n’ont d’ailleurs pas encore été publiés, traitent ainsi des mêmes sujets que le projet de loi dit « climat et résilience ». Les entreprises sont prêtes à se transformer, mais la direction de cette transformation doit être claire.

Enfin, l’étude d’impact du projet de loi a été jugée insuffisante par le Conseil d’État – ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il observe une telle insuffisance. Nous partageons cet avis, d’autant que les diverses auditions des partenaires sociaux et des entreprises menées dans le cadre de cette étude nous ont semblé extrêmement brèves. Le travail de votre commission n’en prend que plus d’importance.

Nous ne pouvons que partager l’objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre – il n’y a pas beaucoup de patrons d’entreprise climatosceptiques –, mais il ne peut pas être atteint par cette seule loi. Le MEDEF est même convaincu que, sans un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, il ne pourra l’être qu’au détriment de l’emploi. Au cours des dernières années, l’industrie française a baissé ses émissions de plus de 20 % mais l’empreinte carbone de notre pays a augmenté, tout simplement parce que nous avons délocalisé nos émissions de CO2. Le MEDEF a, depuis que j’ai été élu, changé de cap pour prendre vigoureusement position en faveur de la taxe carbone. Malheureusement, nous sommes encore loin d’avoir convaincu nos homologues européens et je suis très inquiet quant à la possibilité même de mener au niveau européen des expérimentations par secteur sur la taxe carbone. Ce n’est certes pas l’objet de cette audition, mais je voulais faire passer ce message important.

Du point de vue de sa philosophie, ce projet de loi nous apparaît positif. Le mouvement de protestation des gilets jaunes contre la taxe sur le carburant, qui est à l’origine de la création de la Convention citoyenne pour le climat, a montré que la transition ne se fera pas sans les consommateurs. À cet égard, les mesures prévoyant l’affichage des scores carbone sur les produits, même si elles sont perfectibles, permettent d’envoyer un signal important aux consommateurs. Si ceux-ci ne nous suivent pas, les entreprises pourront toujours verdir leurs process et leurs produits, le problème restera.

La transition énergétique se caractérise par la formidable révolution des métiers et des compétences qu’elle va entraîner. Certains métiers et certaines entreprises risquent de disparaître, notamment au niveau local. Sans un volet particulier sur la transformation des compétences, on passera à côté.

Concernant la rénovation énergétique, la méthode retenue de privilégier l’accompagnement plutôt que d’user de la contrainte nous semble la bonne.

Enfin, nous nous réjouissons que, dans le domaine de la publicité, le texte se fonde sur des engagements volontaires. Cela nous semble important à un moment où les médias sont déstabilisés par les GAFA, qui ne seront pas soumis à cette loi.

J’en viens à quelques points d’inquiétude et d’attention.

S’agissant de l’artificialisation des sols, nous partageons l’objectif de « zéro artificialisation nette », sachant tout de même qu’il faut distinguer entre l’artificialisation liée à l’industrie, celle liée au commerce et celle liée aux logements. Dans l’industrie, il est possible d’atteindre zéro artificialisation nette dans un délai raisonnable du fait de la tendance au compactage des sites industriels, qui libère du terrain. L’exemple du site historique de PSA à Sochaux Montbéliard est significatif : sa surface initiale de 230 hectares a été réduite de plus de 50 % au fil des ans alors que ses capacités de production ont été maintenues. Pour les sites commerciaux, l’objectif semble aussi atteignable, mais il faut gérer cette ambition au plus près des territoires : certaines zones ont besoin de se développer en raison de la croissance de leur population alors que d’autres n’ont pas ce besoin. En revanche, dans le domaine du logement, l’objectif de compactage de la surface occupée par les logements va à l’encontre de l’aspiration de nos concitoyens à vivre en habitat individuel. En outre, il faut prendre en compte les dynamismes démographiques, qui sont inégaux selon les zones. Sans compter que la construction de logements neufs reste inférieure aux besoins, estimés à 500 000 logements.

Le délit d’écocide est également une source d’inquiétude parmi nos adhérents. La plupart d’entre eux, notamment dans le secteur industriel, n’ont retenu du projet de loi que ce terme, l’interprétant comme : « L’économie, ça tue ». Cette interprétation est sans doute plus émotionnelle que rationnelle, mais ce terme laissera des traces dans les entreprises. Il est donc important que les remarques sévères du Conseil d’État sur la rédaction de cet article soient prises en compte afin de garantir une certaine sécurité juridique. Or, en prévoyant un nouveau délit de mise en danger reposant uniquement sur l’existence d’un risque, l’article ne nous semble pas aller dans ce sens.

L’éventualité de la création d’une nouvelle écotaxe ravive les souvenirs brûlants et les polémiques associés à la taxe carbone sur le carburant. Ce n’est pas une bonne idée de la relancer, même si nous en comprenons l’idée. L’histoire montre que ce n’est pas en taxant le transport routier qu’on peut développer la multimodalité. Notre pays connaît un énorme problème de fret ferroviaire. C’est en le développant en quantité et en qualité que nous pourrons faire migrer les volumes de fret du transport routier vers le transport ferroviaire.

Nous sommes favorables au développement de l’économie circulaire, mais il faut être raisonnable et opérationnel, par exemple en matière de recyclage du verre. Des dispositions existent déjà dans la loi AGEC et il vous faudra veiller à ce que les nouvelles que vous voterez s’inscrivent sur la même ligne.

Nous sommes d’accord pour développer la vente en vrac, mais il faut, là aussi, être réaliste. Aujourd’hui, le vrac représente 0,75 % dans les commerces alimentaires ; il ne passera pas à 20 % d’un coup de baguette magique, simplement parce que la loi le décrète. Il pose des problèmes d’hygiène et opérationnels, et les consommateurs ne suivent pas toujours.

Parmi les mesures concernant la consommation, nous sommes favorables à l’affichage du score carbone, dont il est très important qu’il soit harmonisé au niveau européen, notamment au regard de la mesure et du système d’affichage. Si ces derniers sont différents de ce que prévoit la directive en préparation, la vie des industriels et des consommateurs deviendra impossible. On pourrait se retrouver avec deux scores carbone pour un même produit dont l’emballage est utilisé dans plusieurs pays.

Pour conclure, je souhaite insister sur l’importance du dialogue social. Nous sommes favorables à ce que le comité social et économique (CSE) puisse évaluer les conséquences environnementales de la politique des entreprises, mais il ne faut pas que cela soit systématique – certaines mesures qui lui sont soumises n’ont pas de conséquences environnementales. La semaine dernière, le MEDEF a pris l’initiative d’envoyer aux autres partenaires sociaux, qui ont donné leur accord, des thèmes de négociation parmi lesquels figure la transition climatique dans les entreprises, sous l’angle du quotidien des salariés, donc de la mobilité, de l’alimentation, entre autres. Nous prendrons donc la balle au bond dans les entreprises.

M. François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Sur beaucoup de points, nous partageons le même angle de vue que le MEDEF. La CPME a toujours été très en amont dans le domaine du développement durable. Nous disposons ainsi d’une commission spécialisée qui siège depuis des années et, en décembre 2017, nous avons signé une belle délibération commune avec les partenaires sociaux présentant notre doctrine de déploiement de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) dans les PME.

Nous partageons, bien sûr, l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et nous réjouissons de l’élan que donne ce projet de loi aux efforts en ce sens. Mais entre la volonté et ce que l’on peut faire, il y a toujours une distance pas toujours facile à calibrer. Il ne faudrait tout de même pas oublier que les entreprises, notamment les plus petites d’entre elles, sont extrêmement fragilisées par la période que nous traversons. Attention, donc, à ne pas les mettre à genoux par des mesures trop contraignantes. Outre la fragilité du tissu économique, nous observons également qu’il y a un décalage entre le calendrier fixé pour la réalisation des objectifs et les possibilités, notamment technologiques, d’y parvenir.

À l’instar du MEDEF, nous souhaitons attirer l’attention de votre commission sur la visibilité que peuvent avoir les entreprises de leur environnement législatif. Plusieurs lois ont récemment été adoptées dans le domaine qui nous occupe aujourd’hui, dont tous les décrets n’ont pas encore été publiés : outre les lois ÉGALIM et AGEC, citons aussi la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ÉLAN). Essayons donc d’éviter la boulimie réglementaire !

Nous déplorons également l’absence de concertation avec les partenaires sociaux et les branches professionnelles directement concernées, certainement due à la mise en place de la Convention citoyenne, sur laquelle nous exprimons beaucoup de réserves. C’est peut-être là une des raisons pour lesquelles le texte peine à trouver son équilibre.

Le Conseil d’État a souligné la qualité plus que discutable de l’étude d’impact. Elle nous paraît également perfectible.

Le terme d’« écocide », qui a fait les gros titres des journaux, est malheureux en ce qu’il fait de l’écologie un danger plus qu’une opportunité. Le contexte économique, écologique et social dans lequel doit évoluer l’entrepreneur, qui prend des risques, est déjà bien complexe ; en associant judiciarisation et objectifs ambitieux de transition énergétique, on contribue malheureusement à faire de ce texte une loi négative. L’article 68 a déjà fait l’objet d’aménagements, mais des éclaircissements doivent encore y être apportés, notamment sur la notion d’intentionnalité. Les sanctions sont extrêmement sévères si l’intention de nuire à l’environnement est en fait un geste malheureux.

Sur le titre Ier « Consommer », la mesure concernant l’affichage environnemental nous apparaît un peu prématurée puisque tous les décrets d’application de la loi AGEC, dont l’élaboration avait été précédée d’une forte concertation avec les acteurs, n’ont pas encore été publiés.

Je ne suis pas un spécialiste du vrac, mais l’étude d’impact nous semble très légère. Je note simplement que le développement de la pratique du click and collect dans la restauration entraîne celui des emballages individuels, même s’ils sont recyclables, mouvement totalement contraire à l’objectif d’atteindre 20 % des surfaces de vente consacrées au vrac d’ici à 2030. En outre, un tel objectif demande des investissements considérables pour les petits commerces.

La France excelle dans le domaine du recyclage du verre : elle traite 87 % du verre consommé dans le pays, et beaucoup de collectivités territoriales et d’acteurs privés ont déjà réalisé des investissements lourds pour assurer ce recyclage. La mise en place de la consigne des emballages en verre demandera des investissements supplémentaires irréalisables pour beaucoup de petites entreprises. Les spécialistes et les acteurs de ce secteur ne comprennent donc pas cet objectif.

La consultation du CSE prévue dans le titre II « Produire et travailler » est une bonne chose, mais elle doit se faire à périmètre constant. Les représentants du personnel doivent déjà suivre une formation obligatoire de cinq jours pour les missions confiées au CSE et nous venons de signer un accord national interprofessionnel (ANI) dans le domaine de la santé au travail prévoyant cinq jours supplémentaires de formation, soit un total de dix jours. De plus, à chaque renouvellement du CSE, tous les quatre ans, les formations doivent être refaites. Si la loi ajoute de nouvelles contraintes sur le volet écologique, il faudra dédier à temps plein un nombre important de salariés à faire autre chose que de parler vraiment de l’entreprise.

Le titre II traite aussi de la question des marchés publics. En la matière, il faut, bien sûr, encourager les entreprises vertueuses de l’économie circulaire et d’autres domaines, mais nous pensons que les entreprises doivent être évaluées à travers le prisme de la RSE, car elle permet d’évaluer la démarche globale de l’entreprise. Nous défendons donc l’idée de la reconnaissance de labels sectoriels par filière RSE. Si l’évaluation se fait par rapport à tel ou tel critère environnemental, on risque malheureusement d’exclure les petites entreprises de marchés publics. Certaines PME spécialisées travaillent en effet sur l’ensemble du territoire, mais elles n’auront jamais la possibilité d’ouvrir une agence dans chaque département. Pour autant, elles ont une démarche globale qui peut être tout à fait vertueuse en matière environnementale.

Sur le titre III « Se déplacer », nous appelons votre attention sur la nécessité d’une étude d’impact approfondie. Ce titre prévoit l’interdiction ou la réglementation de l’accès des véhicules polluants aux villes de plus de 150 000 habitants d’ici au 31 décembre 2024. Comment le commerçant qui va vendre ses produits sur le marché en camionnette pourra-t-il la changer pour un véhicule qui peut coûter de 50 000 à 150 000 euros ? C’est un investissement que beaucoup de petits commerçants ne pourront se permettre et, même s’ils le pouvaient, l’offre de véhicules propres adaptés à leur activité peut être inexistante. Le risque d’aller trop vite avec cette mesure est de voir des petits commerçants déposer le bilan.

Toujours sur le titre III, et plus spécifiquement sur les transports routiers, nous estimons que la suppression progressive de l’avantage fiscal sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) participe d’une vision trop franco-française de ces questions alors que le prisme européen est essentiel pour ne pas courir le risque de voir la France traversée demain uniquement par des camions étrangers.

Enfin, nous partageons l’objectif de réduire par deux le rythme d’artificialisation des sols, mais il faut souligner que le commerce et les services marchands n’y contribuent qu’à hauteur de 5 %. Nous recommandons une gradation dans la mise en place du dispositif prévu par la loi pour atteindre cet objectif, afin de tenir compte de l’évolution démographique des territoires et notamment des zones commerciales périurbaines.

Mme Sabine Basili, présidente de la commission des affaires économiques de l’Union des entreprises de proximité (U2P). Nous partageons de nombreux points soulevés par MM. Geoffroy Roux de Bézieux et François Asselin, mais je souhaite exprimer nos particularités. L’U2P est depuis longtemps impliquée dans la transition écologique et nous mesurons les enjeux du développement durable. Le recyclage, la gestion performante des déchets, la rénovation énergétique, l’utilisation de véhicules respectueux de l’environnement sont autant de sujets que nous traitons à la fois de façon transversale et au sein de commissions spécialisées.

Nous partageons les objectifs affichés par le projet de loi, mais nous souhaitons qu’ils soient associés aux enjeux économiques, notamment ceux liés à l’emploi. Les petites entreprises que nous représentons prennent de plus en plus la mesure de la responsabilité qui est la leur dans la diminution, à l’échelle des territoires, des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation d’énergie. Elles prennent également de plus en plus conscience des atouts dont elles disposent en tant que petites entreprises de proximité, tant en matière de développement des circuits courts que d’emploi de matériaux locaux et biosourcés. Il importe toutefois que le projet de loi tienne compte des contraintes et des caractéristiques des petites entreprises afin d’éviter que des milliers d’entre elles ne disparaissent pour n’avoir pas pu résoudre l’équation de développement durable que la loi leur imposerait. Nous y serons vigilants.

Comme le MEDEF et la CPME, nous estimons que l’étude d’impact est insuffisante. Il nous semble que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre auraient dû être plus précisément estimés pour chaque mesure par rapport aux contraintes imposées aux entreprises. Nous regrettons également que, dans le processus d’élaboration du texte, la consultation d’une convention composée de citoyens tirés au sort ait été privilégiée par rapport à la concertation avec les organisations professionnelles.

Ce projet de loi intervient dans un contexte de crise sanitaire dont les effets sont dévastateurs pour la grande majorité de nos entreprises et tout particulièrement pour les plus petites d’entre elles. Nous veillerons à ce que les entreprises ne soient pas encore davantage fragilisées par des contraintes écologiques fortes, même si, bien sûr, nous soutenons les efforts de préservation de notre planète.

Notre organisation rejoint plusieurs des points soulevés par le Conseil national de la transition écologique (CNTE) dans son avis et soutient, avec d’autres organisations professionnelles et des organisations environnementales, la valorisation des productions locales et nationales afin de permettre aux petites entreprises de se développer.

Quelques articles du projet de loi ont plus particulièrement retenu notre attention. Sur le titre Ier « Consommer », l’obligation d’affichage environnemental à destination du consommateur est certes vertueuse, mais elle pourrait se révéler un vrai casse-tête en termes d’organisation, de coûts et de ressources humaines pour de petites entreprises ou des entreprises artisanales qui développent des produits uniques ou en petites séries. S’agissant de cette contrainte, nous serons vigilants pour les petites entreprises.

Le développement de la vente en vrac est tout aussi important et vertueux, mais nous considérons que les critères d’application définis par le projet de loi ne peuvent concerner de nombreuses épiceries de quartier qui ont une surface de vente inférieure à 400 mètres carrés et ne fonctionnent pas en libre-service.

Au sein du titre II « Produire et travailler », nous partageons les objectifs poursuivis par l’article 15 sur l’inclusion de critères environnementaux dans l’attribution des marchés publics. Nous appelions d’ailleurs de nos vœux la prise en compte de critères tels que les moindres déplacements ou l’utilisation de matériaux biosourcés pour les travaux. Cependant, nous craignons que cette disposition n’entraîne davantage de contraintes administratives pour des entreprises qui ne disposent ni de la structure ni des ressources en temps et en argent pour obtenir les labels. Le label reconnu garant de l’environnement (RGE) dans le bâtiment va certes dans le bon sens en termes de protection des entreprises et des particuliers, pour autant, il complexifie la vie des entreprises et leur impose des démarches administratives et de formations coûteuses. Il faudra prévoir des aménagements.

Les articles 16, 17 et 18, qui lient l’emploi et la transition écologique, vont dans le bon sens, dès lors que les discussions se passent au niveau de la branche professionnelle. La majorité de nos entreprises comptent moins de 11 salariés et n’ont donc pas de CSE. Pour ces entreprises, la négociation paritaire se fait au niveau de la branche professionnelle. Néanmoins, l’introduction de considérations environnementales dans les discussions avec les salariés est une mesure de bon sens, qui permet de responsabiliser tant le patronat que les salariés, qui contribuent par leur implication dans ces enjeux au développement économique de l’entreprise.

L’article 17, qui prévoit l’inclusion de personnes qualifiées dans le domaine de la transition écologique dans la composition des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP), ne nous pose pas de problème à partir du moment où l’équilibre existant au sein de ces instances n’est pas rompu.

Nous regardons favorablement l’article 18 qui confie aux opérateurs de compétences (OPCO) une mission d’information et de soutien aux petites entreprises sur les enjeux liés à l’environnement.

Nous partageons les craintes exprimées par M. Asselin concernant les échéances fixées dans le titre III « Se déplacer » pour la mise en place dans les villes de plus de 150 000 habitants de zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Nous partageons les objectifs fixés par ces dispositions, mais elles risquent, à nos yeux, de limiter l’activité économique d’un grand nombre d’entreprises. Non seulement, l’offre de véhicules utilitaires propres n’est actuellement pas suffisante, mais les entreprises doivent se voir proposer des moyens pour pouvoir renouveler leur parc de véhicules. De surcroît, l’accès des consommateurs aux villes concernées, et donc aux entreprises et aux commerces qui y sont localisés, se trouvera également limité. Il faudra donc travailler sur tous ces aspects.

Le titre IV « Se loger » est consacré à la rénovation globale. C’est une idée que nous partageons avec le Gouvernement, encore faudrait-il que les moyens de nos concitoyens soient adaptés à ces enjeux. La rénovation énergétique globale d’un logement représente souvent un budget conséquent et tous les ménages ne peuvent la financer en une seule fois pour atteindre les objectifs de performance énergétique. Nous préconisons de définir des parcours de rénovation sur des délais raisonnables, accompagnés d’aides de l’État en plus des aides déjà existantes.

L’U2P et la CAPEB souhaitent proposer un amendement prévoyant des groupements momentanés d’entreprises (GME), car une rénovation globale efficace demande la coordination du travail de plusieurs entreprises. De tels groupements permettraient aux entreprises de répondre à la demande des clients de bénéficier d’une offre globale par l’intermédiaire d’un interlocuteur unique. Ils permettraient, en outre, de pallier l’insécurité juridique actuellement attachée à la solidarité des entreprises travaillant ensemble sur un même chantier de rénovation. Cette solidarité oblige, par exemple, les entreprises de maçonnerie et de menuiserie à répondre solidairement aux conséquences d’une erreur de l’entreprise de plomberie ayant causé un sinistre sur le chantier. Il nous paraît préférable que chaque corps de métier puisse assumer, par le biais de son assurance, la responsabilité qui lui incombe.

Enfin, nous estimons que l’objectif de réduction du rythme d’artificialisation des sols fixé par l’article 47 va dans le bon sens, mais nous serons vigilants sur le risque d’un retour des grandes surfaces en centre-ville. Il ne faudrait pas que, afin de préserver les sols situés à la périphérie des villes où ces grandes surfaces sont aujourd’hui implantées, les commerces de proximité, qui se sont à nouveau développés en centre-ville grâce à des mesures de soutien, se trouvent menacés par la concurrence déloyale de la grande distribution.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il est fondamental pour notre commission spéciale d’entendre les organisations représentatives des employeurs, car les émissions de gaz à effet de serre sont largement issues des activités humaines dans le cadre des entreprises agricoles, industrielles, commerciales et de service. Les entreprises détiennent, en outre, une grande partie des solutions, grâce à leurs efforts de recherche et d’innovation, aux nouvelles technologies qu’elles développent, aux modes d’organisation du travail qu’elles pratiquent, à la formation des salariés qu’elles assurent et à la gestion de leurs déplacements ou encore à la rénovation de leurs parcs d’activité. La stratégie de transition écologique est pilotée par l’État – personne ne le remet en cause –, mais sa mise en œuvre passe par les collectivités territoriales et par les entreprises. Sans les entreprises, pas de transition.

Bien sûr, celles-ci n’ont pas attendu ce projet de loi pour agir. Non seulement, elles y sont obligées par la législation environnementale, mais elles prennent aussi d’elles-mêmes des initiatives, étant de plus en plus conscientes de leur impact et cherchant à le réduire. Des organisations telles que le Mouvement des entrepreneurs sociaux ou l’Association des entrepreneurs pour la biodiversité témoignent de cette prise de conscience. Toutefois, en vous écoutant, je me suis demandé si vous aviez pris la mesure du défi auquel nous faisons face. La trajectoire que nous nous sommes fixée est très ambitieuse et l’opinion publique nous demande d’aller plus vite et plus loin. Vous nous avez certes accordé un satisfecit sur certains articles, mais sur d’autres, vous vous demandiez comment faire moins ou comment aller plus lentement. Avec tout le respect que j’ai pour vous, je n’ai pas entendu beaucoup de propositions de votre part pour aller plus loin.

Vous avez tous souligné que le projet de loi est examiné dans un contexte de crise. Je ne pense pas que ce contexte puisse servir d’excuse pour repousser la mise en œuvre de la transition écologique, mais celle-ci nécessite des investissements que les entreprises doivent avoir la capacité de consentir. De ce point de vue, dans quelle mesure devons-nous tenir compte de cette crise ?

Tout ne doit pas être dicté par la loi. Les entreprises devraient, sous la pression de leurs clients, de leurs salariés ou de leurs actionnaires, agir fortement pour le climat. Or ce n’est pas ce que nous avons constaté. Quels engagements les filières pourraient-elles donc prendre outre ceux que leur impose la loi ?

Estimez-vous que l’accompagnement des entreprises, notamment des PME et des TPE, par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), la Banque publique d’investissement (BPI), la Banque des territoires ou les services économiques des régions est suffisant ?

S’agissant de l’artificialisation des sols, loin de nous l’idée de bloquer les implantations, bien au contraire. Les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) doivent les permettre et les anticiper. Ne pensez-vous pas que les entreprises détiennent des capacités de densification ?

Mme Aurore Bergé, rapporteure sur le titre Ier. Je partage votre point de vue sur la nécessité d’une meilleure coordination entre la loi AGEC et ce projet de loi, et celle de la publication des décrets d’application avant que nous continuions à légiférer sur de nouveaux chapitres – nos engagements en seront d’autant plus clairs.

En matière de publicité, nous avons à faire, dans cette loi, des arbitrages entre l’extension de certaines interdictions et la confiance accordée aux secteurs professionnels en matière d’autorégulation ou de corégulation. Des engagements volontaires ont été pris par les filières de la communication et des médias, et par les annonceurs eux-mêmes. Pouvez-vous préciser ces engagements ? Le choix de la régulation imposerait de se doter d’outils de contrôle efficaces. Quels seraient les bons outils, selon vous ?

Quel est votre avis précis sur l’article 7, qui traite de la réglementation dans les vitrines des commerces de proximité ?

Vous avez été nombreux à évoquer la consigne du verre, objet de l’article 12. Si cet article n’était pas suffisamment efficace ou probant, quelles solutions alternatives proposeriez-vous ?

Dans la lignée des remarques du rapporteur général, quelles sont les propositions que vous souhaitez défendre, en particulier s’agissant de l’impact écologique du numérique et du e-commerce ? Que proposez-vous pour éviter une surréglementation ou des asymétries de réglementation vis-à-vis de nos industriels et de nos économies ?

Mme Cendra Motin, rapporteure sur le titre II. Je ne reviens pas sur les propos du rapporteur général, avec lesquels je suis d’accord. Nous avons tous à cœur, Madame Basili, d’accompagner, de défendre et de protéger nos PME, qui constituent le cœur de notre économie et sont les meilleures représentantes de notre tissu économique. En ce qui concerne la commande publique, je suis très attentive à ce que les décisions prises dans ce texte ne les mettent pas en difficulté ; je souhaite, au contraire, qu’elles soient mises en avant. Je suis à l’écoute de vos propositions pour favoriser l’accès de nos PME et TPE à la commande publique, qui constitue un levier économique pour nos territoires et un levier de transformation publique, par le biais de l’exemplarité de l’État. La commande publique ne juge pas les entreprises ; elle souhaite seulement les aider à faire différemment et à se transformer.

La formation constitue un enjeu capital, pour notre économie, pour vos entreprises et pour vos salariés. Comment pourrions-nous vous aider à réussir cette transformation des métiers, au-delà des prérogatives dévolues aux OPCO ? Quelles sont vos préconisations ?

L’investissement des entreprises constitue un levier crucial pour la transition écologique. Monsieur Roux de Bézieux, accepteriez-vous l’idée de lier les moyens financiers des grandes entreprises à leurs engagements environnementaux, notamment au sein des déclarations de performance extra-financière (DPEF) ?

M. Erwan Balanant, rapporteur sur le titre VI. La question de l’écocide a effectivement suscité plus d’émotion que de rationalité. Un travail mutuel de compréhension est nécessaire, entre les enjeux de développement des entreprises et la volonté des citoyens de préserver notre environnement. Nous y parviendrons collectivement si nous mettons en place des règles précises et claires, qui ne peuvent faire l’objet d’interprétations divergentes. Des règles juridiques très solides sont nécessaires. Le texte a été beaucoup transformé, ce qui pourrait être à l’origine de quelques risques, pour les entreprises en particulier.

Les partenariats pourraient être renforcés entre les services administratifs de l’État, vos entreprises et la justice spécialisée que nous avons créée au mois de décembre. Ne vous semblerait-il pas être un parfait compromis que ceux qui trichent et ne respectent pas nos normes et nos règles doivent être sanctionnés ? Voilà qui est simple, et il faut maintenant que les règles soient aussi extrêmement précises et claires. Chaque entreprise doit pouvoir être accompagnée dans son développement et dans sa compréhension des normes. On peut reconnaître un droit à l’erreur en cas de non-compréhension d’une norme, mais les citoyens ne peuvent accepter un droit à l’erreur après une pollution. Je suis sûr que nous pourrons trouver un équilibre.

M. Guillaume Gouffier-Cha (LaREM). Je tiens à remercier, au nom du groupe La République en Marche, l’ensemble des responsables des organisations patronales auditionnés cet après-midi. Leur discours est engagé, même si je rejoins les propos du rapporteur général. Nous souhaiterions connaître vos propositions pour renforcer ce texte, et ainsi atteindre l’objectif de la neutralité carbone d’ici à quelques années.

En matière d’artificialisation des sols, quels sont les secteurs qui, selon vous, sont engagés dans un objectif de zéro artificialisation, et quels sont ceux qui rencontrent des difficultés ? Comment pourrions-nous les accompagner ?

Quelles mesures très concrètes pourraient concourir à une meilleure association de nos TPE et PME à la commande publique en matière de transition écologique ?

Les zones à faibles émissions mobilité vont s’installer progressivement. À partir de cette année, les voitures de catégorie Crit’Air 4 seront concernées en Île-de-France, les voitures de catégorie Crit’Air 3, en juin 2022. Les moyens mis en place pour accompagner nos concitoyens et nos entreprises sont-ils suffisants pour relever le défi des ZFE-m ? Si tel n’était pas le cas, comment pourrions-nous renforcer ces dispositions ?

Mme Marguerite Deprez-Audebert (Dem). Selon le groupe MoDem et Démocrates apparentés, beaucoup de vos observations sont frappées au coin du bon sens, puisque vous êtes tous les jours au cœur de la vraie vie économique.

Les articles 16 à 18 du projet de loi sont consacrés à l’accompagnement des entreprises dans la transition écologique. Concrètement, il s’agit de baisser leurs émissions de gaz à effet de serre et d’améliorer la prise en compte des effets de la transition écologique sur l’évolution des emplois et des activités.

Selon l’étude d’impact, la transition écologique aurait des effets sur l’emploi parce que la baisse des émissions de gaz à effet de serre favoriserait la relocalisation de certaines activités. Néanmoins, elle présenterait un risque pour les PME, qui ont moins de capacité à anticiper les changements et à transformer leurs activités. Compte tenu de ces interrogations, comment évaluez-vous les dispositifs retenus par le projet de loi ? Est-il nécessaire de renforcer le soutien aux PME dans leur adaptation à la transition écologique ?

Le projet de loi vise à renforcer la prise en compte des enjeux environnementaux au sein des entreprises. Ainsi, il attribue de nouvelles compétences au CSE. Sur le plan sanitaire, le CSE exerce, depuis le 1er janvier 2020, les missions du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) au sein des entreprises. Toutefois, la santé et l’environnement sont étroitement liés, comme la crise de la covid-19 le rappelle avec virulence. Étant donné ce lien entre santé et environnement, l’inclusion des enjeux environnementaux dans le champ des compétences du CSE vous semble-t-elle cohérente ?

M. Jean-Marie Sermier (LR). Dans ce texte sur le climat, j’avais le sentiment qu’il fallait plutôt parler de réduction des émissions de gaz à effet de serre que d’augmentation des taxes. C’est l’inverse qui se produit. Concernant l’article 30 et les poids lourds, nous sommes bien conscients qu’il nous faut trouver des solutions. Toutefois, au lieu de faire des propositions sur l’hydrogène, l’énergie électrique ou le biocarburant, on se contente de prévoir une taxe supplémentaire en 2030, puisque le remboursement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sera supprimé. Concernant l’artificialisation des sols, il en va exactement de même. Je ne vois aucun encouragement à densifier les centres-villes ou les centres-bourgs. Il n’est question que d’interdits.

Avez-vous le sentiment que cette loi est insuffisante en matière d’aides et d’encouragement ? La R&D est-elle suffisante pour accompagner ce mouvement de transition, qui nécessite une grande intelligence et beaucoup d’ingénierie ? Dans l’ensemble, pensez-vous que nous arriverons à travailler avec d’autres pays européens ? Nous représentons 0,8 % des émissions de gaz à effet de serre de la planète, ce qui implique de travailler avec nos amis européens pour diminuer ces émissions. Avez-vous des échanges avec vos homologues européens pour trouver des solutions ?

Mme Chantal Jourdan (SOC). La transition écologique va déboucher sur la transformation du travail. Dès 2015, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) publiait un rapport sur l’emploi dans la transition écologique ; il insistait déjà sur le besoin de renforcer la prise en compte du volet emploi-formation de la transition écologique dans les différentes branches. Aujourd’hui, il rappelle la nécessité d’activer le plan de programmation de l’emploi et des compétences (PPEC). Cette question est particulièrement importante dans des domaines tels que la rénovation énergétique, qui dépendra de la capacité des entreprises à répondre concrètement aux attentes, et donc à disposer de travailleurs formés.

Lors d’échanges récents avec les représentants du secteur, la question de la formation nous a semblé encore assez peu évoquée. Les chiffres indiquent cependant plusieurs dizaines, voire centaines de milliers d’emplois potentiellement créés dans les différents secteurs, ce qui représente donc autant de besoins de formation. Par ailleurs, d’autres secteurs devraient aussi diminuer le nombre de leurs emplois ou les transformer.

Les besoins en la matière sont-ils bien identifiés, tant qualitativement que quantitativement ? Des secteurs sont-ils prêts à anticiper les changements ? Comment expliquer la lenteur des changements observés jusqu’à présent ? Est-ce dû à un manque de visibilité ? Comment accélérer le PPEC et planifier ses étapes ?

Mme Valérie Petit (Agir ens). Je partage avec M. Roux de Bézieux l’idée d’une nécessaire meilleure évaluation, en amont comme en aval, des impacts sociaux, économiques et environnementaux des mesures prises. Le groupe Agir ensemble fera des propositions en ce sens, pour que nous disposions de clauses de revoyure. La loi doit s’ajuster aux réalités du terrain et aux contraintes des acteurs économiques, pour – soyons optimistes – éventuellement accélérer.

Je partage également le souci de l’alignement avec le cadre européen. Lors de la révision de la directive sur la publication d’informations extra-financières (NFRD), j’espère que nous verrons le MEDEF et d’autres organisations patronales prendre leur bâton de pèlerin pour défendre une finance plus durable et des entreprises plus responsables. L’enjeu est colossal ! Nous, parlementaires, serons soucieux de rester alignés sur le cadre européen et la position de la France. Je soutiens également la création d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

La faiblesse de l’investissement public ou privé en faveur du climat est réelle, tout comme est grande la faiblesse de l’investissement dans la R&D sur le climat. Quels sont vos positions, vos analyses et vos éventuels engagements pour réorienter et augmenter l’investissement dans ce domaine ?

Je crois au marché et aux mécanismes de marché. L’une des clefs pour atteindre les objectifs très élevés en matière de réduction des émissions de gaz à effets de serre est de disposer de mécanismes de compensation plus efficaces. Ces mécanismes nous permettront d’être à la fois exigeants quant aux objectifs et de donner aux entreprises une liberté et une autonomie suffisantes pour imaginer les stratégies les plus pertinentes. Que pensez-vous, par exemple, de la proposition de mon groupe, Agir ensemble, de créer avec les collectivités, les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) régionales des marchés verts, qui permettent notamment d’échanger des quotas de gaz à effet de serre et de biodiversité ? Ainsi, les PME et les ETI, qui n’ont pas à disposition les mécanismes perfectionnés des entreprises du CAC 40, pourraient aussi contribuer et être accompagnées dans la transition écologique.

M. Geoffroy Roux de Bézieux. Monsieur Cazeneuve, je vous trouve sévère avec les entreprises françaises. Il suffit de lever le nez et de les comparer aux entreprises des autres pays pour constater que les entreprises françaises en particulier, et européennes en général, sont plutôt en pointe dans leurs engagements pour le climat. Certes, on peut toujours faire plus, mieux et plus vite, mais en attendant, la Chine, l’Inde et la Turquie continuent à ouvrir des centrales à charbon. Nous devons nous assurer de ne pas être les seuls à agir.

Le MEDEF a lancé deux coalitions sur des engagements volontaires d’investissements pour le climat. Lors de la REF 2020, ex-université d’été du MEDEF, qui s’est tenue fin août, nous avons annoncé plus de 60 milliards d’euros d’investissement de la part de 100 grandes entreprises. Nous espérons, en août 2021, augmenter substantiellement les montants investis et le nombre d’entreprises parties prenantes. La deuxième coalition, act4nature, porte sur la biodiversité. Elle est plus large, inclut plus de pays et de PME, également sur le modèle de l’engagement volontaire.

Je pensais avoir fait des propositions. Au risque de me répéter, j’insiste : la mère de toutes les propositions est le mécanisme d’ajustement carbone. Si, en Europe, nous n’arrivons pas à taxer les produits entrants plus polluants, nous n’y arriverons pas. Par exemple, le ciment est l’une des industries les plus émettrices de CO2. On peut désormais produire des ciments avec moins de 50 % d’émissions de CO2, qui coûtent entre 20 % et 25 % plus cher. Or toute entreprise du bâtiment ne peut pas augmenter ses prix de 30 % ; elle ne peut pas dire au consommateur final, à l’acheteur d’un bien immobilier, que, le ciment étant plus vert, la maison est plus chère. Si les cimentiers se lancent dans une telle production, les entreprises se fourniront en ciments produits ailleurs, dans des conditions de production et d’émission de CO2 plus mauvaises au regard de l’environnement.

J’ai pris mon bâton de pèlerin, mais pour le moment, en Europe, c’est business, d’un côté, et climat, de l’autre. Quelques petits pays moins industrialisés et importateurs bloquent le système. Nous avons besoin de vous, de l’ensemble des groupes parlementaires, notamment au Parlement européen, pour que les députés européens agissent. Ce mécanisme est vital pour l’industrie française. J’assume ce côté monomaniaque et j’insiste : c’est la seule condition nécessaire pour encourager la transition écologique.

Concernant l’artificialisation des sols, la densification est en marche dans l’industrie, mais pas encore dans le commerce, le problème principal étant le logement. On aurait besoin de schémas régionaux d’allocation des surfaces foncières. C’est un travail qu’on ne peut pas faire de manière centralisée et qui demande de définir la bonne granularité – au niveau des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) ou plus large ? En tout cas, on ne peut pas décider depuis Paris des pourcentages de surfaces supplémentaires disponibles pour chacun des domaines d’activité, du commerce, de l’industrie et du logement. Cela ne fonctionnerait pas.

Beaucoup d’efforts ont été consentis par les annonceurs en matière d’engagements volontaires à diminuer les publicités pour les produits les plus polluants, notamment dans l’automobile. Nous sommes favorables à cette diminution : c’est la bonne méthode. Cependant, la confiance n’excluant pas le contrôle, les organismes pertinents doivent effectuer des vérifications, et non les entreprises elles-mêmes. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a, me semble-t-il, un rôle à jouer pour mesurer chaque année cette réduction.

L’article 7 sur la publicité dans les vitrines nous pose un problème un peu philosophique. Si l’on peut comprendre qu’il n’est pas forcément judicieux de voir des publicités lumineuses dans les vitrines vingt-quatre heures sur vingt-quatre, l’interdiction à l’intérieur d’un magasin va à l’encontre de la liberté d’entreprendre. La mesure ne nous paraît pas pertinente.

Quant à la consigne sur le verre, la filière a pris un engagement volontaire pour atteindre 100 % de verre recyclé dans dix ans – on en est actuellement à 87 %. Je parle avec précaution, car je ne suis pas un spécialiste de la question, mais peut-être serait-il possible d’accélérer le mouvement. En tout cas, il faudra s’appuyer sur la filière.

En matière de formation, nous sommes face à d’immenses changements dont nous ne mesurons certainement pas tous l’ampleur. La difficulté n’est pas tant d’établir une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) nationale de manière macroéconomique. Un cabinet de conseil saurait facilement établir avec PowerPoint, par exemple, que 200 000 emplois disparaîtront dans le domaine de la sous-traitance automobile et que 200 000 seront créés dans la filière du recyclage. La difficulté se trouve au plus près du terrain. Les 200 salariés des Fonderies du Poitou, à Ingrandes près de Châtellerault, qui fabriquent des carters pour moteurs diesel, ont-ils une chance de se reconvertir dans des nouveaux métiers pas trop loin de leur lieu de vie, alors que leur deuxième partie de carrière est déjà entamée ? C’est là la vraie difficulté à laquelle nous sommes collectivement confrontés. Sans doute ne sommes-nous pas, aujourd’hui, à la hauteur des exigences. Il s’agit d’un défi collectif, autant pour les collectivités locales, que pour l’État, les entreprises et les organismes de formation. Les filières sont certes impliquées, mais le travail ne peut pas se faire à ce seul niveau, puisque certaines, comme la filière automobile, seront destructrices nettes d’emplois et que d’autres seront créatrices nettes – en espérant que le solde de cette transition soit bien positif avec des créations nettes d’emplois.

Je n’ai pas tout à fait compris la question de Mme Motin sur les moyens financiers. Je peux dire que les investissements en faveur de la transition énergétique vont croissant dans les entreprises, mais certainement pas assez rapidement. Produire vert et de manière décarbonée coûte souvent plus cher. L’investissement n’est donc pas immédiatement rentable, du moins aux bornes de l’entreprise, même s’il l’est au regard de la société. Cela nous ramène aux discussions sur les signaux prix, et comment faire pour qu’une entreprise soit récompensée de son investissement par les externalités positives qu’elle va créer en produisant de manière décarbonée.

Concernant l’écocide, la part d’émotion est effectivement très grande et, malheureusement, les chefs d’entreprise ne liront pas le texte. Je ne suis pas sûr, du reste, que les citoyens lisent beaucoup les lois. J’espère que nous trouverons collectivement un compromis pour montrer qu’il s’agit non pas d’une chasse aux sorcières contre les industriels, mais bien de punir seulement le délit intentionnel de pollution. Il est très important de conserver la mise en demeure dans le texte : il s’agit moins d’un droit à l’erreur que d’un droit à rectification en cas de mise en demeure.

La densification dans l’e-commerce est difficile avec la multiplication des entrepôts logistiques. On ne peut empêcher le développement de l’e-commerce. D’ailleurs, les mêmes citoyens qui prônent le verdissement de l’économie commandent aussi sur internet. Les externalités négatives de l’e-commerce sur l’écologie sont bien réelles, à commencer par le carton non recyclé et les transports générés. Il faut trouver les moyens de les compenser.

S’agissant des ZFE-m, je suis un peu dans une situation de conflit d’intérêts, car j’ai une entreprise qui fabrique des triporteurs électriques : j’aurais presque intérêt à encourager à fond le développement des ZFE-m ! Il s’agit à nouveau d’une question de vitesse. Pour les livraisons en ville, on ne peut pas simplement passer du blanc au noir, comme l’a très bien dit Mme Basili.

Nous sommes favorables au rôle du CSE. Dans le courrier que j’ai adressé aux organisations syndicales et patronales, j’ai proposé que les CSE abordent les questions de nutrition et de mobilité.

Je suis d’accord avec M. Sermier concernant l’article 30 : on peut toujours taxer les poids lourds – on le fait d’ailleurs depuis longtemps –, et pourtant la part du trafic routier dans le trafic total de marchandises augmente. C’est bien que cela ne fonctionne pas ! Nous ne développons pas notre fret ferroviaire parce que l’offre de la SNCF est très mal adaptée aux besoins des entreprises. Vous nous demandez tous des propositions, mais ce n’est pas aux entreprises privées de s’immiscer dans la gestion de la SNCF. L’offre de celle-ci est inadaptée, en conséquence de quoi les entreprises surutilisent le transport routier.

La recherche et développement dans les technologies vertes n’est certainement pas suffisante. Le sera-t-elle jamais ? Un mouvement important est clairement engagé. Voyez Total, qui bascule d’un modèle d’énergéticien fossile à celui d’énergéticien pluri-énergie. C’est bien la technologie qui rendra possible la transition énergétique, car c’est la technologie qui permet de produire autant avec une moindre consommation d’énergie. Je vous dis cela sans être pour autant un partisan de la décroissance. Je suis partisan d’une croissance sobre, c’est-à-dire d’une croissance raisonnée, modérée dans sa consommation de ressources limitées, qu’il s’agisse des sources d’énergie ou des métaux rares. La technologie rend cela possible.

À propos de l’Europe, je suis sérieusement inquiet. Mme Ursula von der Leyen a inscrit un Green Deal à son programme, et voyez mes homologues européens ! En France, on se plaint beaucoup du MEDEF, mais vous pourriez avoir bien pire ! Il en va de même pour les gouvernements de certains petits pays. L’Europe va rencontrer une grande difficulté collective à lancer cette transition.

Madame Jourdan, vous avez raison d’employer le terme de « transformation », car cette transition va au-delà des changements qui accompagnent habituellement le développement de nouvelles filières, avec leurs destructions ou créations d’emplois. Les changements en question sont plus structurels. Dans dix ou quinze ans, il n’y aura plus de sous-traitants automobiles de moteurs thermiques, et cela concerne des centaines de milliers d’emplois. Pour des transformations aussi fondamentales, nos outils ne sont certainement pas à la hauteur.

Concernant les mécanismes de compensation, je ne peux pas commenter vos propositions, Madame Petit : je ne les ai pas lues, je vous prie de m’en excuser. Néanmoins, tout ce qui consiste à donner un signal prix intelligent aux consommateurs et aux producteurs, qui est à la fois prévisible et raisonné, va dans le bon sens. Les signaux prix ne peuvent pas changer constamment, et c’est une des difficultés de la politique environnementale. Un chef d’entreprise raisonne sur des périodes d’investissements de trois, quatre ou cinq ans, il a donc besoin de visibilité. À cet égard, l’exemple suédois est très intéressant. La Suède est le pays qui a le plus décarboné son industrie grâce à une trajectoire du prix du carbone pertinente et quasiment inchangée depuis 1993 – elle a dû être modifiée seulement une fois. Cette stabilité permet aux industriels et aux acteurs économiques de prévoir leurs investissements dans le temps long, car ces derniers ne deviennent rentables qu’au bout de cinq ou dix ans. Voilà le type de démarche que nous soutenons.

Mme Cendra Motin, rapporteure sur le titre II. Je souhaiterais que vous puissiez répondre, même si ce n’est pas immédiatement, à ma proposition, car le sujet mérite toute notre attention. Les grandes entreprises, soumises à l’obligation de déclaration de leur performance extra-financière, produisent chaque année un rapport spécifique sur le sujet. Ce rapport pourrait intégrer plus de données financières permettant d’évaluer si les budgets alloués à l’atteinte des objectifs environnementaux et sociaux déclarés sont suffisants. Ainsi pourrait-on évaluer l’ambition des entreprises à partir de ces déclarations.

M. Geoffroy Roux de Bézieux. C’est une perspective que l’on voit se dessiner vers un reporting extra-financier plus large. Cependant, sur ce point aussi, il faut arriver à établir des normes européennes. J’appelle votre attention sur la volonté des États-Unis d’imposer une norme américaine mondiale, comme pour les IFRS (International financial reporting standards) dans la norme comptable, ce qui me semble assez dangereux. Sans répondre directement à votre question, il y a tout de même un lien. Nous pourrons en parler dans un autre cadre.

M. François Asselin. Un entrepreneur qui se désintéresserait aujourd’hui de la transition écologique serait aussi fou qu’un entrepreneur qui n’aurait que faire d’internet. En vingt-huit années d’exercice dans les PME, j’ai connu l’époque où l’on s’interrogeait sur la pertinence de la transformation numérique des entreprises. Aujourd’hui, on ne se pose plus la question. Je peux donc vous rassurer, mesdames, messieurs les députés, vous avez en face de vous des acteurs totalement persuadés que ne pas inclure dans le modèle économique et la stratégie de son entreprise, quelle que soit sa taille, la transformation écologique, c’est tout simplement mourir ! Il s’agit d’une question majeure et donc, ne vous inquiétez pas, nous partageons les mêmes objectifs.

Je me permets d’évoquer mon cas personnel, car il me semble illustratif. Je dirige une entreprise de charpente et de menuiserie bois spécialisée dans la restauration du patrimoine. Il y a une vingtaine d’années, d’une manière volontaire, nous nous sommes engagés, avec une trentaine de PME, dans deux démarches de labellisation, Charpentes 21 et Menuiseries 21, garantissant la transformation de bois écocertifiés. À l’époque, cette démarche était très novatrice, avec également la valorisation et le traçage des déchets et, du point de vue social, l’amélioration des conditions de travail, en atelier comme en chantier, de l’ensemble de nos collaborateurs. En vingt ans, jamais un seul de mes clients, privés ou publics, ne m’a interrogé sur ces démarches. Le seul retour que j’ai eu est que j’étais toujours trop cher – ce qui ne m’a pas empêché de rester vivant économiquement. Le jour où les critères de RSE prendront la première place, surtout dans la commande publique, alors s’installera une chaîne vertueuse qui, du fournisseur au client, en passant évidemment par l’entreprise, participera à décarboner notre économie. Car cela demande une vision globale de l’entreprise.

Vous nous demandez des propositions. La délibération commune sur la RSE dans les TPE-PME, que la CPME a signée avec les partenaires sociaux en 2017, affirme que la RSE doit être une démarche volontaire et sectorielle. Nous travaillons actuellement avec une trentaine de branches professionnelles pour faire en sorte que la RSE soit solide, reconnue par le comité français d’accréditation (COFRAC), qui est lui-même reconnu par l’État. Dans l’idéal, puisque les critères RSE des entreprises sont vérifiés tous les ans, le simple fait de s’en prévaloir sur un champ référentiel particulier aux directions régionales du territoire – direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) ou DREAL –, devrait éviter le déclenchement d’un second contrôle. Outre que cela ne coûterait pas un euro à l’État, cela serait une reconnaissance pour les entreprises vertueuses et encouragerait les entreprises qui le sont moins à s’engager dans ces démarches vertueuses. Voilà comment la CPME conçoit l’engagement d’une entreprise, en confiance, dans sa transformation écologique et sociale. C’est une proposition très concrète : si cette loi réaffirmait la position de labels sectoriels RSE solides, ce serait un signal tout à fait positif envoyé aux acteurs économiques.

La commande publique est effectivement incontournable. L’acheteur public doit examiner la démarche globale de l’entreprise. S’il la regarde à travers un seul prisme, il évaluera mal la qualité de l’acteur économique. Encore faut-il que l’acheteur, qu’il soit privé ou public, ait cette compétence d’évaluation. L’allotissement est essentiel, car il favorise l’accès des TPE et PME à la commande publique. La massification des achats est catastrophique dans le temps. On a vu comment de grands services de l’État avaient massifié des opérations de maintenance qui ont abouti à ce que des agents parcourent 200 kilomètres pour entretenir un bâtiment public. C’est une ineptie écologique : non seulement cela coûte très cher, mais le service n’est pas de qualité et l’impact carbone est très mauvais.

La CAPEB et l’U2P veulent faire une proposition sur les groupements momentanés d’entreprises (GEM) solidaires. Je me permets de sonner l’alerte. Dans le bâtiment, les clients demandent à voir un responsable. Si, demain, il n’y en a plus ou si la responsabilité est complètement diluée entre les acteurs, la tentation de l’acheteur, privé ou public, sera de se tourner vers l’entreprise générale. De facto, toutes les PME seront exclues. La qualité d’un GME tient au choix des bons partenaires, et ce choix nous appartient. Si on veut éviter la clause de solidarité, l’acheteur préférera s’orienter vers une entreprise générale qui assumera complètement la prise de risque.

Pour ce qui est de la formation, effectivement, les employés des Fonderies du Poitou risquent de se trouver dans une situation très compliquée. Cette mutation industrielle ne sera ni la première ni la dernière, mais elle ira plus vite que par le passé. Reste que, dans l’exercice classique de notre activité, nous avons déjà entamé nos mutations. Dans mon bureau d’études de menuiserie, j’ai commencé à recruter des personnels compétents pour réaliser des calculs énergétiques, car mes clients demandaient non seulement des renseignements sur les essences et la qualité de mes menuiseries bois, mais exigeaient aussi des garanties sur leur performance énergétique. En tant que menuisier, si je n’élargissais pas ma compétence à la capacité énergétique du matériau bois, je passais à côté d’un marché. Les entreprises s’adaptent en fonction de la demande du marché ; en amont, dans les filières de formation, les évolutions de la transformation énergétique sont déjà prises en compte, et les entrepreneurs savent que s’ils ne tiennent pas compte de ces évolutions, ils passeront à côté de nouveaux marchés. Il ne faut donc pas être trop inquiet.

En revanche, je vous signale un vrai problème, que je rencontre dans toutes les PME de 50 à 300 salariés. J’ai fait évoluer mes salariés vers de nouvelles techniques, je leur ai fait passer des sauts technologiques grâce à des plans de formation. Or, depuis la dernière réforme de la formation professionnelle continue, la mutualisation des fonds pour les PME de 50 à 300 salariés a disparu. Nous continuons à payer la formation, mais nous avons perdu le retour sur investissement, car il a été orienté vers le plan d’investissement dans les compétences (PIC). Ce plan est certes utile, mais moi, patron de PME, je n’ai plus ce levier à disposition pour engager des plans de formation. C’est là un problème majeur, notamment eu égard aux défis de transformation des métiers qui nous attendent.

Monsieur Balanant, mettre en place une justice spécialisée ne me rassure pas tellement. Dans notre beau pays de France, l’administration est formée pour contrôler et sanctionner, très peu pour accompagner. Dans le champ environnemental, nous, patrons de PME, sommes livrés à nous-mêmes. Dans tous les domaines, la réglementation est foisonnante – en matière d’environnement, n’en parlons pas ! En l’espèce, la situation ne risque pas de s’améliorer. Qui va nous accompagner pour savoir si nous respectons la loi ou la bonne réglementation ? Le pays compte 1,8 million de TPE-PME d’au moins un salarié ; ce ne sont ni l’ADEME ni les services régionaux qui pourront s’adresser à l’ensemble de ces entreprises. Nous-mêmes, CPME et organisations professionnelles patronales, essayons de jouer notre rôle. Cependant, le droit à l’erreur ne s’applique pas en matière de sécurité et de santé. Je ne vois pas pourquoi, en matière environnementale, il en irait autrement. Voilà ce qui m’inquiète, tout en étant tout à fait d’accord avec vous : celui qui abîme l’environnement de manière délibérée doit être sanctionné. Pour autant, n’allons pas exposer à des risques juridiques ceux qui ne demandent qu’à bien faire.

La question environnementale doit évidemment être abordée au sein du CSE. Une démarche RSE implique nécessairement toutes les parties prenantes, y compris les représentants du personnel, par le biais du CSE. Il n’y a donc pas de problème. Toutefois, n’allons pas ajouter au CSE une mission qui dépasserait ses capacités.

Mme Sabine Basili. L’U2P représente des entreprises de petite taille. Nous analyserons donc les mesures à travers le prisme de la complexification des démarches qu’elles entraîneront pour elles. Je vous invite à reprendre la consigne validée par l’Europe de « penser petit d’abord ». Si, dans une loi, une mesure contraignante est pensée pour une petite entreprise, elle est plus facilement applicable aux grandes que l’inverse. Tel est notre mot d’ordre.

Nos propositions vont donc porter sur les concertations locales, sur la mutualisation de solutions, pour éviter des casse-tête tels que la mise en place d’un site de e-commerce par une seule toute petite entreprise. Il en va de même pour les marchés publics.

Je ne souhaite pas entamer un débat sur la solidarité et les GME, car ce n’est ni le lieu ni le moment. La clause de solidarité est souvent très handicapante pour les petites entreprises dont le GME solidaire est attaqué. Les entreprises se retrouvent souvent dans une situation catastrophique. Si l’une d’entre elle a failli, elle entraîne souvent deux ou trois autres entreprises dans sa chute, ce qui est dramatique. Nous pourrons rediscuter dans d’autres enceintes de cette clause, qui doit être évidemment encadrée et nous l’envisageons plutôt pour les petits marchés de particuliers que pour les grands marchés publics. Le groupement d’entreprises permet aussi de gagner en qualité, de gérer les interfaces entre les corps de métiers et les malfaçons. La rénovation énergétique est le domaine même où du travail performant est possible, en gérant et en coordonnant le travail des entreprises.

La mutualisation est une démarche gagnant-gagnant pour les petites entreprises. Il faudrait sans doute envisager un accompagnement en ce sens.

La concertation avec les organisations professionnelles est essentielle, tout comme la concertation locale avec les petites entreprises et les élus locaux, sur certaines dispositions, comme la publicité dans les vitrines. Il faut que le maire puisse exercer ses prérogatives de police, et que les solutions soient envisagées au cas par cas, car toutes les entreprises sont différentes et la loi, souvent rude, s’applique parfois sans discernement.

Nous n’avons abordé qu’un petit nombre de sujets, et les articles du projet de loi sont nombreux. Nous sommes donc à votre disposition pour vous adresser notes et documents afin d’enrichir votre réflexion.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Madame, messieurs, je vous remercie. Nos rapporteurs n’hésiteront pas à vous solliciter. Les échanges sont toujours bienvenus.

 

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