Compte rendu

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte
contre le dérèglement climatique
et renforcement de la résilience
face à ses effets

– Discussion générale sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (n° 3875 rect.) (M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général, M. Damien Adam, M. Erwan Balanant, Mme Aurore Bergé, M. Lionel Causse, Mme Célia de Lavergne, Mme Cendra Motin, M. Mickaël Nogal et M. JeanMarc Zulesi, rapporteurs)              2


Lundi
8 mars 2021

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 14

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de
Mme Laurence Maillart‑Méhaignerie,
Présidente

 


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La commission spéciale entreprend la discussion générale sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (n° 3875 rect.) (M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général, M. Damien Adam, M. Erwan Balanant, Mme Aurore Bergé, M. Lionel Causse, Mme Célia de Lavergne, Mme Cendra Motin, M. Mickaël Nogal et M. Jean-Marc Zulesi, rapporteurs).

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente. Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, pour commencer l’examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Je rappelle que notre commission spéciale a procédé à plusieurs auditions dans le cadre de ses travaux préalables et a entendu des représentants de la Convention citoyenne pour le climat, du Conseil économique, social et environnemental, du Haut Conseil pour le climat, des ONG et des organisations d’employeurs et de salariés. Nous avons également entendu cinq ministres dans le cadre de séances de questions cribles, dont Mme Barbara Pompili.

Je tiens également à saluer le travail essentiel effectué par notre rapporteur général et nos huit rapporteurs thématiques, qui ont également mené un très grand nombre d’auditions dans un temps particulièrement contraint. Je tiens aussi à saluer le travail colossal réalisé par les administrateurs de notre assemblée, sans oublier nos conseillers de groupe politique et nos collaborateurs.

S’agissant de l’organisation de nos travaux, la séance de cet après-midi, qui sera levée à 19 heures 30, est réservée à la discussion générale sur le projet de loi ; nous poursuivrons ce soir à 21 heures et enchaînerons avec l’examen des articles.

Comme vous le savez, un très grand nombre d’amendements a été déposé – plus de 5 200. Certains ont déjà été déclarés irrecevables par le président de la commission des finances au titre de l’article 40 de la Constitution ; c’est en particulier le cas de ceux qui créent des charges, et qui ne peuvent être gagés.

S’agissant de l’irrecevabilité au titre de l’article 45 de la Constitution, qui concerne les « cavaliers législatifs », je tiens à rappeler quelques éléments utiles pour dissiper certains malentendus, voire, pour éviter de mauvais procès. Ce contrôle de recevabilité n’est ni un instrument de censure, ni une sanction arbitraire, il n’est pas nouveau et doit s’appliquer de la même manière à tous les textes.

L’article 45 de la Constitution et l’article 98 du règlement de l’Assemblée nationale disposent que les amendements doivent présenter un lien avec le texte déposé. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est sans équivoque, comme lui-même l’a rappelé dans sa décision du 21 mars 2019 : la seule finalité du texte déposé ne peut suffire à justifier l’existence de ce lien, qui doit nécessairement être apprécié au regard du contenu précis des articles.

Cette vigilance dans le contrôle de recevabilité des amendements doit permettre de garantir la cohérence et la qualité des lois et de prévenir la multiplication des censures prononcées par le Conseil constitutionnel : je pense notamment à la loi d'accélération et simplification de l'action publique (ASAP), dont près d’un article sur cinq a été censuré car considéré comme autant de « cavaliers législatifs » ; vingt-trois articles ont également été censurés dans la loi EGALIM pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dix-neuf articles dans la loi ELAN portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, et vingt‑quatre dans la loi PACTE relative à la croissance et la transformation des entreprises.

Le Président de l’Assemblée nationale a d’ailleurs tenu à rappeler en décembre 2020 dans un courrier adressé à l’ensemble des députés la nécessité de respecter une « stricte et vigilante application de l’article 45 de la Constitution » en tenant compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Dans l’appréciation de cette recevabilité, je suis donc tenue par le contenu des soixante-neuf articles du projet de loi qui, il est vrai, a trait à de très nombreux domaines de la vie quotidienne et comporte des mesures très diverses quoiqu’elles soient souvent de nature sectorielle et rarement transversales, comme l’ont notamment compris les citoyens de la Convention citoyenne pour le climat. Cela est d’ailleurs normal car il s’agit de décliner concrètement, dans la loi, des mesures précises de transition écologique et climatique. C’est sur cette base que ce contrôle a été effectué, en toute impartialité mais selon les principes d’usage : lorsqu’un doute pouvait exister sur l’existence d’un lien, même indirect, entre un amendement et le texte déposé, il a toujours bénéficié à son auteur et l’amendement a été jugé recevable.

Je précise enfin que Mme la ministre assistera à nos travaux.

Nous en venons, sans plus attendre, à la discussion générale.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Je tiens tout d’abord à saluer la mémoire d’Olivier Dassault. Nous partageons toutes et tous, au-delà des clivages politiques, le souvenir d’un collègue engagé, d’un député exigeant, d’un homme qui avait plusieurs cordes à son arc. Comme vous, j’ai une pensée particulière pour sa famille et pour ses proches.

Olivier Dassault était aussi un « bosseur » infatigable qui ne se laissait pas détourner des dossiers ni de l’ordre du jour. Je crois qu’il n’aurait pas voulu qu’une ministre diffère plus longtemps son propos devant les représentants de la nation.

Nous nous apprêtons à écrire une nouvelle page de l’histoire de notre pays. Oui, ce qui nous rassemble ici, vous et moi, est tout simplement inédit, comme l’a été l’exercice démocratique dont résulte ce projet de loi.

Pendant dix-sept mois, cent-cinquante citoyens tirés au sort – employés, agriculteurs, retraités, lycéens, infirmiers, médecins, professeurs, chefs d’entreprises et, même, publicitaire et pilote de ligne –  ont été mis devant les faits : les principaux constats scientifiques sur le réchauffement climatique ont été partagés avec eux ; les mécanismes qui le sous-tendent leur ont été expliqués par des experts reconnus. On a donné à cent-cinquante citoyens, en peu de temps, les clefs nécessaires à la compréhension d’un phénomène complexe, d’un processus qui place une hypothèque sérieuse sur l’avenir de nos enfants et de notre propre espèce et dont, paradoxalement, nous sommes les principaux acteurs.

Avec le mandat qui leur était confié – proposer les mesures permettant de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre dans notre pays d’ici 2030 dans un esprit de justice sociale – on leur a en quelque sorte demandé de définir ce que la philosophe Corine Pelluchon décrit comme « une nouvelle manière d’exister », c’est-à-dire, d’intégrer les limites de la planète dans un nouveau projet de société.

On pourra débattre à l’envi sur le besoin de faire appel à cette Convention, les modalités d’organisation, le choix de faire voter les citoyens… N’est-ce pas là une dangereuse remise en cause de la démocratie représentative ? Clairement, non ! Nous pouvons être collectivement fiers de la Convention citoyenne pour le climat car former des citoyens pour leur permettre de mieux prendre part à la vie de la cité, c’est la vocation émancipatrice de la République. La beauté, la puissance de la République, c’est aussi offrir un cadre qui permet de répondre par le débat, par le consensus, aux principales questions qui travaillent notre société. Soyons clairs, cette expérience de démocratie participative ne peut en aucun cas se substituer aux institutions de notre République, ni au Parlement, ni au Gouvernement. C’est ici que la nation se retrouve pour décider de son être. C’est ici que naissent les grandes lois qui changent le pays et c’est ici que nous construisons la République écologique de demain.

Par l’ampleur des enjeux qu’il recouvre, par son esprit visant à changer concrètement la vie quotidienne des Françaises et des Français, ce projet sera, j’en suis certaine, une pierre majeure de cet édifice. Il ne s’agit plus seulement d’embarquer cent-cinquante citoyens dans la transition écologique mais 67 millions de Françaises et de Français. Qui plus est, nous devons le faire dans un cadre contraint car le moindre recul nous éloignera de la trajectoire de l’Accord de Paris.

Je sais que nous partageons toutes et tous les mêmes sens de l’urgence, l’urgence d’aller au-delà des grandes règles, des grands principes proclamés puis oubliés, des grands objectifs, l’urgence pour que l’écologie s’incarne dans la vie quotidienne des Françaises et des Français, pour dessiner un chemin où la somme des actions individuelles et collectives, des transformations, petites ou grandes, construira une France écologique et résiliente. Telle est précisément l’ambition de ce projet de loi, celle-là même dont nous témoignons depuis le premier jour du quinquennat.

Certains diront que l’on pourrait aller plus vite, plus loin ; d’autres, au contraire, qu’il faut arrêter d’em…bêter les Français. Moi, je ne crois pas à l’écologie du tout ou rien : je crois à ce qui est concret, à la construction d’un changement durable, à une écologie qui transforme le pays en profondeur pour le plus grand bien et la santé des Français, pour notre cadre de vie, pour des activités économiques renouvelées. Lorsque je relis une nouvelle fois ce projet, je trouve que la volonté de transformer la vie des Français, l’ambition écologique, l’esprit de la Convention y sont bien présents.

Avec cette loi, l’école de la République formera les éco-citoyens du XXIe siècle. Chacun aura accès à une information sérieuse pour faire des choix de consommation éclairés. C’est tout le sens du titre I, « Consommer ».

Avec cette loi, notre économie accélérera sa décarbonation. La transition écologique entrera au cœur des entreprises à travers les instances de représentation des salariés. La commande publique prendra une nouvelle dimension pour accroître le verdissement de l’économie. Le développement des énergies renouvelables s’inscrira mieux à l’échelle de chaque territoire pour renforcer l’acceptabilité des projets. Voilà les enjeux du titre II, « Produire et travailler ».

Avec cette loi, la transition vers les nouvelles mobilités sera encore plus rapide. Les zones à faibles émissions pour les villes de plus de 150 000 habitants permettront enfin de mettre un terme au modèle du « tout voiture » au profit d’une bonne articulation entre parkings relais, transports en commun et vélo. Avec bons sens, nous arrêterons de prendre l’avion lorsqu’il existe une alternative ferroviaire en moins de 2 heures 30. Ce sont les objectifs du titre III, « Se déplacer ».

Avec cette loi, nous mettrons enfin un terme à une aberration en divisant par deux le rythme d’artificialisation des terres. Chaque année, 20 000 à 30 000 hectares disparaissent. Nous éradiquerons également les passoires thermiques d’ici 2028 et leur mise en location en accompagnant les propriétaires. Ce sont deux caractéristiques essentielles du titre IV, « Se loger ».

Avec cette loi, notre modèle agricole et alimentaire se transformera plus rapidement au profit d’une agroécologie qui irriguera nos territoires. Nous réduirons notre utilisation d’engrais azotés. Nous nous donnerons les moyens de renforcer la lutte contre ce que l’on appelle la déforestation importée. Une alimentation plus saine et plus équilibrée sera encouragée. C’est le projet du titre V, « Se nourrir ».

Avec cette loi, ceux qui porteront atteinte à l’environnement seront punis plus sévèrement, c’est le cap que dessine le titre VI.

Oui, nous enclenchons un bouleversement culturel !

J’entends bien la « petite musique »… Telle proposition ne devrait pas être intégralement appliquée ou pas comme ceci, pas comme cela ; mais gouverner, c’est faire des choix, c’est assumer en responsabilité les enjeux divers, complexes, d’une société moderne, c’est construire un chemin pour transformer le pays, c’est aller vers un objectif mais en garantissant toujours l’acceptabilité et l’application des mesures proposées. C’est peu dire que la tâche est difficile mais je pense que nous y sommes arrivés, que nous avons trouvé ce chemin de crête. Au-delà des notes, des moyennes, des barèmes, c’est bien ce qu’il faut voir.

Bien sûr, cette loi ne peut pas être prise isolément et s’inscrit dans la dynamique de ce que nous avons réalisé à l’échelle de ce quinquennat avec des textes qui font évoluer notre modèle de société – loi énergie-climat, loi d’orientation des mobilités, loi anti-gaspillage et pour une économie circulaire, loi agriculture et alimentation – avec des actions sur le plan réglementaire – interdiction des nouvelles chaudières au fioul en 2022 – avec des décisions courageuses pour renoncer à de grands projets dépassés –  Notre-Dame des Landes, Europa City ou Montagne d’Or – avec la mobilisation de moyens financiers – je songe aux 30 milliards du plan de relance spécifiquement consacrés au verdissement de notre économie – en menant un combat encore plus vigoureux sur le plan européen et international pour être à l’heure aux grands rendez-vous de cette année afin de renforcer le marché carbone européen et de promouvoir un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union.

Ce projet de loi complète l’arsenal écologique de la France, amplifie nos efforts et, surtout, créera un « effet boule de neige » catalyseur.

Une partie des effets d’un texte aussi ambitieux peut certes être quantifiée. Des zones à faibles émissions ? 4,5 millions de tonnes de CO2 en moins d’ici la fin de la décennie. La fin des passoires thermiques ? 2 millions de tonnes de CO2 en moins. Je pourrais continuer… Néanmoins, l’écologie, c’est beaucoup plus qu’une affaire d’additions et de tableaux. Qui peut quantifier la transformation profonde de la vie de nos concitoyens que nous cherchons à engager ? Combien de tonnes de CO2 en moins grâce à des publicités promouvant le covoiturage ou la réparation ou grâce à l’éducation à l’environnement, qui influence durablement les choix de consommation de millions de Français ?

Je crois profondément que cette loi remet la France en cohérence avec elle-même, avec ce que nos concitoyens ressentent, avec ce que nous ressentons. Vous le savez comme moi, vous le voyez dans vos circonscriptions : depuis des décennies, notre pays vit sur une idée fausse : on construit toujours plus, toujours plus loin, en éliminant toujours plus de terres agricoles et d’espaces naturels ; on étend les villes, on éloigne les Français les uns des autres, on allonge les distances, on enferme nos concitoyens dans la dépendance à la voiture pour leur dire, après, qu’elle pollue. Bref : on crée consciencieusement les conditions pour distendre et rompre le lien social.

Alors, regardons la réalité en face ! Donner aux consommateurs les informations nécessaires pour qu’ils puissent faire un choix éclairé, pour choisir ce qu’ils veulent manger : c’est du bon sens ! Ne pas prendre l’avion quand une alternative ferroviaire existe : c’est du bon sens ! Ne plus faire de centres commerciaux au milieu des champs : c’est du bon sens ! Punir plus fermement ceux qui attentent gravement à l’environnement et pénalisent l’avenir de nos enfants : c’est du bon sens ! Alors, oui, cette loi nous donne les éléments qui permettront enfin de renverser ce modèle ! Nous allons non seulement protéger la planète et préserver la nature qui nous entoure mais, aussi, reconstruire notre vivre ensemble.

Voilà un héritage qui fera date dans l’histoire de notre pays ! Ce texte ambitieux, concret, de terrain, gardien de l’esprit de la Convention citoyenne, appartient désormais aux représentants de la nation que vous êtes. À vous de l’enrichir, de le préciser, de le compléter ! À vous d’aller plus loin ! Je tiens toutefois à le dire : j’ai bien la « louable intention » de ne pas soutenir ce qui tendrait à réduire son ambition parce que c’est une question d’exigence, de cohérence et de responsabilité. Nous le devons aux femmes et aux hommes qui ont donné de leur temps pour répondre à l’appel du Président de la République. Nous le devons à notre planète, à notre pays, à nos concitoyens, aux futures générations. Vous pouvez compter sur moi pour maintenir ce cap ambitieux et être à vos côtés pour enrichir ce projet fondamental.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous commençons l’examen d’un projet de loi très attendu. Je présenterai le contexte qui a présidé à l’élaboration de ce projet ainsi que ses grandes lignes ; mes collègues rapporteurs thématiques, qui ont accompli un énorme travail que je tiens à saluer, vous décriront les dispositifs des titres dont ils ont la charge et vous feront part de leurs propositions de modifications.

En signant l’Accord de Paris, la France s’est engagée à diviser par six ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. La loi du 17 août 2015 de transition énergétique pour la croissance verte a fixé un objectif de diminution de 40 % des émissions en 2030 ; la neutralité carbone, quant à elle, devra être atteinte en 2050 conformément à la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.

Le texte que nous présente le Gouvernement vise à ce que notre pays respecte ses engagements internationaux mais, aussi, à l’endroit des générations futures. Au-delà de la vision et de la stratégie de long terme, il s’appuie sur une approche pragmatique, sectorielle et à 360°. Son mérite principal est d’inviter les citoyens, les professionnels, les élus des collectivités territoriales et les associations, dans tous les domaines, à relever un défi qui nous concerne tous.

La législation environnementale a longtemps été une législation de protection et d’interdiction dans le but de préserver l’environnement alors que la dégradation du climat doit beaucoup à nos modes de vie. Le projet de loi part d’une logique sociétale : il fait entrer l’écologie dans la vie quotidienne des Français. Il en appelle, en quelque sorte, à une mobilisation générale !

À ceux qui diront qu’il manque d’ambition, je répondrai qu’il comprend des mesures que seule la France défend sur le plan européen, qu’il faut du temps pour modifier les comportements, que l’éducation, la formation et l’accompagnement sont autant de clés pour la réussite de la transition écologique, même si déjà trois Français sur quatre sont acquis à un mode de vie plus sobre.

À ceux qui diront que ce texte va trop loin, trop vite, je rappellerai les derniers rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ou de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité, qui sont très alarmants et évoquent une accélération du réchauffement climatique : les cinq dernières années sont les plus chaudes observées depuis 1850. Autant dire que nous n’avons pas droit à l’échec…

Depuis le dépôt du projet de loi, le 10 février dernier, une polémique est née à la suite du décalage entre les propositions de la Convention citoyenne pour le climat et le contenu du texte. Elle n’a rien de surprenant, certains ayant vu dans la Convention un instrument de démocratie directe, ce qu’à mon sens elle n’était pas : la démocratie directe suppose des mécanismes très précis, le plus souvent inscrits dans les Constitutions, comme le référendum d’initiative populaire ou l’initiative directe des lois. La Convention citoyenne n’entrait pas dans ce cadre : ce fut une instance de consultation et non de décision. Son formidable travail doit d’ailleurs être reconnu à sa juste valeur tant les citoyens qui y ont siégé ont pris la mesure de la gravité des enjeux. Le Gouvernement a ensuite traduit ses propositions sur le plan réglementaire, dans le plan de relance et dans le projet de loi dont le Parlement est saisi.

Je rappelle que le Parlement est souverain et que c’est à nous, maintenant, de prendre le relai. Notre travail se fonde sur le projet qui nous est soumis et non sur les propositions de la Convention. Évidemment, nous avons porté la plus grande attention aux mesures qu’elle a proposées et, à l’initiative de notre présidente, la commission spéciale a procédé à l’audition de certains de ses membres. Mes collègues rapporteurs et moi-même avons par ailleurs mené ces dernières semaines des centaines auditions pour recueillir l’avis du plus grand nombre possible d’acteurs. De très nombreux députés y ont participé, ce qui montre combien nous accordons au texte l’intérêt qu’il mérite et que nous ne fonctionnons pas en vase clos. Même si l’on peut comprendre une certaine déception, les membres de la Convention peuvent être fiers. Quel autre exemple, dans notre longue histoire démocratique, d’une concertation aussi large ayant abouti à une loi aussi ambitieuse ?

Ce texte amplifie l’ensemble de l’action environnementale conduite sous la présente législature avec les lois EGALIM du 30 octobre 2018, ELAN du 23 novembre 2018, Énergie et climat du 8 novembre 2019, Orientation des mobilités du 24 décembre 2019 et, enfin, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) du 10 février 2020. Elles ont toutes des objectifs spécifiques mais supportent toutes une vision écologique.

Avec constance, la majorité, n’a jamais cessé de prendre en compte l’écologie dans toutes ses dimensions, depuis la préservation de la nature jusqu’à ses différents aspects économiques et sociaux : nos modes de consommation, la production, les mobilités, le logement, l’agriculture et l’alimentation. La prise en compte de l’écologie s’étend ainsi graduellement, parfois par l’expérimentation, à des pans de plus en plus vastes de notre société.

Ce texte sera jugé sur un unique critère : celui de son efficacité. Il devra donc être appliqué le plus rapidement possible après sa promulgation. Nos travaux ont néanmoins montré que de nombreuses questions restaient en suspens pour rendre ces mesures opérationnelles. Par exemple, les représentants des collectivités territoriales nous ont fait part de leurs interrogations sur plusieurs articles et leurs difficultés à les appliquer. Nos travaux doivent permettre d’apporter cette clarification.

La transition écologique exige un montant considérable d’investissements de la part des collectivités publiques, des entreprises et des ménages. Pour ceux d’entre eux dont les revenus sont les plus modestes, nous avons toujours affirmé que la transition écologique implique la justice sociale : de trop faibles revenus empêchent en effet de procéder à une rénovation thermique, d’acquérir un véhicule électrique ou d’accéder à une alimentation de qualité. Cette recherche de justice sociale ne doit pas laisser de côté nos compatriotes d’outre-mer, dont je rappelle qu’ils vivent dans des territoires qui émettent très peu de carbone mais qu’ils sont les principales victimes du réchauffement climatique en raison de catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et virulentes.

Même si nous ne discutons pas d’une loi budgétaire, nous devrons préciser lors de nos débats les moyens publics mobilisés pour accompagner tous les Français, toutes les entreprises, toutes les collectivités locales.

Cette loi, qui s’inscrit dans le temps long puisque nous légiférons pour la France de 2050, qu’elle propose une vision et indique une trajectoire, comporte également des dispositifs très concrets pour notre vie quotidienne, lesquels doivent permettre de réduire dès demain nos émissions de gaz à effet de serre.

Cette loi fait confiance aux Français et aux entreprises, elle les responsabilise, elle s’appuie sur l’intelligence collective ; elle est exigeante mais elle compte sur leur engagement avant de songer aux sanctions.

Cette loi, enfin, fait une large part aux collectivités territoriales, dont le rôle est renforcé.

C’est avec intérêt, conviction et enthousiasme que les membres de la commission spéciale travailleront, comme en témoignent les milliers d’amendements qui ont été déposés. Je suis persuadé que les groupes politiques sauront s’écouter, travailler ensemble et se rassembler autour de l’objectif central du projet. En tous cas, tel est l’état d’esprit des rapporteurs.

J’apporte mon plein soutien à ce texte, que je trouve équilibré, que nous allons améliorer et qui répond magistralement au défi fondamental de notre temps.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour le titre Ier. La Convention citoyenne pour le climat fait suite à une interrogation fondamentale : après la colère suscitée par la taxe carbone et face à l’urgence du dérèglement climatique, comment associer les Français aux décisions qui les concernent directement et qui ont des conséquences sur leur vie quotidienne ? C’est à cette question que les membres de la Convention se sont employés à répondre. L’enjeu, pour nous, est de parvenir à réconcilier plusieurs visions.

Tout d’abord, réconcilier la démocratie délibérative et la démocratie représentative. On dit notre démocratie fatiguée, la confiance, largement érodée. Il n’est pas possible de laisser entendre que ces deux processus démocratiques seraient concurrents. Pendant nos auditions, nous nous sommes efforcés de conforter, de renforcer, de mettre en perspective, de mesurer les conséquences économiques, sociales et sociétales des propositions formulées.

Ensuite, réconcilier écologie et économie, agriculture et industrie. Nos entreprises, grands groupes et TPE, ETI et PME, nos artisans et commerçants, nos agriculteurs sont et doivent être des alliés dans la lutte contre le dérèglement climatique. Personne ne gagnerait à alimenter la défiance. Nous sommes ici les représentants des Français et de personne d’autre. Nous ne légiférons ni sous la contrainte, ni sous la menace mais en liberté et en responsabilité.

Réconciliation, enfin, pour répondre aux fortes attentes de nos concitoyens, qui nous veulent à la hauteur de leur exigence, qui souhaitent que nous leur donnions les moyens de faire entrer l’écologie dans leur vie quotidienne, une écologie d’action, ni punitive, ni dogmatique.

Le titre Ier révolutionnera notre façon de consommer, le préalable à ces changements profonds étant une meilleure information pour nous tous, en tant que citoyens et consommateurs, une information pour éclairer nos choix, pour sensibiliser, pour responsabiliser.

À l’issue d’expérimentations, l’article 1er vise à rendre obligatoire un affichage environnemental. Pour respecter le souhait de la Convention citoyenne, un accent particulier porte sur les émissions de gaz à effet de serre mais nous devons aller plus loin en élargissant les critères pris en compte afin d’expliciter les autres conséquences environnementales. C’est notamment le cas pour les produits agricoles, sylvicoles et agroalimentaires. Demain, cet affichage environnemental devra être clair, lisible, facilement déployable pour les grands groupes comme pour les PME.

Les articles 2 et 3 s’adressent directement à ces futurs citoyens et consommateurs que sont les élèves et les étudiants.

L’article 2 inscrit l’éducation à l’environnement et au développement durable dans les objectifs fondamentaux et les missions du service public de l’enseignement pour donner une base légale à la démarche transversale déjà engagée. Cette « éducation à » devra être déclinée dans toutes les filières, à tous les niveaux, dans toutes les disciplines où cela s’avère pertinent.

Chaque établissement est déjà doté d’un comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté dont l’article 3 étendra les activités aux questions d’environnement.

Le titre Ier traite aussi des enjeux liés à la publicité.

Celle-ci joue un rôle de prescription essentiel, suscite des tendances et devance les attentes des consommateurs comme le prouvent les investissements massifs en faveur des véhicules électriques ou hybrides : s’ils ne représentent que 16 % des ventes de véhicules en France, une publicité télévisuelle sur deux leur est consacrée en matière automobile. La publicité est aussi un levier essentiel de financement de la création, de l’information et de nos médias – à moins que nous ne souhaitions qu’il dépende uniquement des GAFA.

Mesure sans précédent depuis la loi Évin adoptée il y a vingt ans : l’article 4 opère un véritable changement de paradigme en interdisant la publicité en faveur des énergies fossiles, directement responsables du dérèglement climatique.

L’article 5 vise à réduire de manière significative la publicité audiovisuelle en faveur des produits et services ayant des conséquences négatives sur l’environnement. Il instaure un dispositif de co-régulation reposant sur des codes de bonne conduite, sur le modèle de ce qui a déjà été fait récemment en matière de publicités alimentaires. Ces codes transcriront les engagements figurant dans un « contrat climat » conclu, d’une part, entre les filières, les annonceurs et les médias et, d’une part, le CSA. Les engagements présentés par les filières communication sont clairs : chaque métier intègrera les objectifs de l’Accord de Paris dans sa politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre et en reconnaîtra le caractère essentiel. Le Parlement doit pouvoir encadrer, mesurer et contrôler les engagements qui seront pris.

Le titre Ier confie en outre de nouveaux pouvoirs aux maires en matière de régulation de la publicité. L’article 6 décentralise ainsi le pouvoir de police de la publicité en le leur confiant, que la commune dispose ou non d’un règlement local de publicité. Ces dispositions permettent une meilleure adaptation des politiques publiques aux spécificités locales et à la réalité des territoires.

L’article 7 vise l’encadrement des publicités et enseignes situées à l’intérieur des vitrines de nos commerçants, dont il convient de garantir la liberté et le droit de propriété tout en nous préservant des atteintes manifestes à l’environnement. Je vous proposerai de préciser le champ de cet article sur les enjeux de pollution lumineuse.

L’article 8 entend mettre fin à une pratique qui paraît aujourd’hui anachronique : les publicités tractées par avions. Il renforce les sanctions prévues en cas d’interdiction de ces vols, interdiction prévue par décret. Je considère qu’il convient d’accélérer le déploiement de cette mesure en interdisant les avions publicitaires dès la promulgation de la loi.

Après l’autocollant « Stop pub » collé sur les boites aux lettres, l’article 9 instaure le dispositif « Oui pub », à titre expérimental et pour une durée de trois ans. Il conviendra de laisser aux collectivités la possibilité de prévoir des exemptions pour certains secteurs, je pense notamment aux domaines culturel, de la presse ou de la restauration.

L’article 10 interdit la distribution gratuite d’échantillons en l’absence de demande du consommateur. Il permettra ainsi de limiter le gaspillage lié à la distribution et de réduire les déchets.

Enfin, nous débattrons des articles 11 et 12 relatifs à la vente des produits sans emballage primaire, en vrac, et à la consigne des emballages en verre. L’article 11 fixe un objectif ambitieux d’affectation à la vente en vrac de 20 % de la surface de vente des commerces dont la surface est supérieure à 400 mètres carrés à l’horizon de 2030. Je proposerai une rédaction plus volontariste en transformant la portée de cet article pour qu’il devienne normatif. Nous fixerons un cap et, pour l’atteindre, nous ouvrirons des options aux professionnels concernés.

L’article 12 prévoit que l’obligation d’instaurer une consigne pour réemploi des emballages en verre pourra être généralisée, au plus tôt, le 1er janvier 2025. Je sais qu’il suscite beaucoup d’inquiétudes mais sa rédaction sera améliorée en précisant la nécessité d’un bilan environnemental global positif, notamment, en matière de transports.

Je suis consciente des attentes suscitées par ce texte, tout comme des inquiétudes qu’ont formulées des partenaires sociaux ou des acteurs économiques.

La lutte contre le dérèglement climatique est un enjeu collectif qui nous dépasse et qui doit se faire « avec » et non « contre » : avec les entreprises, avec les industriels, avec les artisans et commerçants, avec les agriculteurs, avec les Français et avec les parlementaires.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour le titre II. Le titre II du projet de loi porte sur des sujets variés et nombreux mais qui participent tous d’un même objectif : faire évoluer notre manière de produire et de travailler afin d’aller vers une société plus respectueuse et plus consciente de l’environnement qui l’entoure. Nous défendions déjà cette ambition lors du vote de la loi PACTE, qui a modifié l’article 1835 du code civil, en permettant aux entreprises de faire état de leur raison d’être dans leurs statuts.

Nous avons aujourd’hui l’occasion de poursuivre ce travail à travers le titre II du projet de loi, qui vise à accompagner de manière très concrète nos entreprises, pour qu’elles continuent à s’investir dans la transition écologique. Ce titre place donc les enjeux liés au changement climatique au cœur de notre économie. Il est en effet question de verdir notre économie, d’anticiper les conséquences de la transition écologique sur le monde du travail, de protéger les écosystèmes et la biodiversité, et de favoriser le développement des énergies renouvelables. Le titre II comporte également une réforme du code minier, que présentera mon collègue Damien Adam. Je suis pour ma part honorée de pouvoir traiter de l’aboutissement de ces travaux dans le cadre de nos débats.

Les premiers articles du titre II visent à favoriser une production plus respectueuse de l’environnement. Dans le droit-fil des obligations que la loi AGEC a instaurées pour les équipements électriques et électroniques ou le matériel médical, l’article 13 rend obligatoire la mise à disposition de pièces détachées pour de nouvelles catégories de produits du quotidien, les vélos et les outils de bricolage et de jardinage motorisés. Il s’agit à la fois d’allonger la durée de vie de ces produits et de favoriser l’essor des filières de réparation, qui constituent un pilier de la transformation de notre modèle économique. Cela permettra également de limiter les déchets liés aux produits que l’on jette, faute de pouvoir les réparer.

Le verdissement de l’économie passe aussi par une politique nationale de recherche soucieuse des enjeux climatiques. L’article 14 aligne la stratégie nationale de recherche pour la rendre compatible avec la stratégie nationale bas carbone, clé de voûte en matière de fixation des objectifs de réduction des gaz à effet de serre.

Les pouvoirs publics ont également un rôle majeur à jouer dans la construction d’une économie plus respectueuse de notre environnement. C’est pourquoi l’article 15 dispose que les marchés publics devront obligatoirement prévoir un critère d’attribution et des conditions d’exécution, basés sur des considérations environnementales. C’est un signal fort, qui permettra de poursuivre le travail en cours pour favoriser une commande publique plus responsable. De nombreux outils existants permettront aux acheteurs et aux entreprises de s’approprier ces nouvelles obligations, comme les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER).

Le titre II a également pour ambition d’adapter l’emploi à la transition écologique. Les salariés sont directement concernés et, parfois, affectés par les conséquences de cette nécessaire transition. Il est donc primordial à la fois d’anticiper de telles conséquences et de permettre aux salariés de se former aux métiers de demain. L’article 16 prévoit que les négociations relatives à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences devront notamment permettre de répondre aux enjeux de la transition écologique. De plus, les comités sociaux et économiques des entreprises seront désormais consultés sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise, tant dans leurs attributions générales que lors des consultations récurrentes. Sur chaque item qui fait actuellement l’objet d’une information consultation récurrente, l’employeur devra présenter les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise.

Le projet de loi renforce aussi le rôle des organismes qui accompagnent les salariés dans leur parcours professionnel, sur les adaptations liées à la transition écologique. L’article 17 modifie la composition des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle, afin de leur adjoindre des personnes qualifiées dans le domaine de la transition écologique.

L’article 18 confie une nouvelle mission aux opérateurs de compétences (OPCO), qui accompagnent les entreprises, notamment les plus petites d’entre elles, en matière de formation professionnelle. Ils auront désormais une mission spécifique d’information et d’accompagnement des entreprises dans leur projet d’adaptation des compétences à la transition écologique. Au cours des auditions, il est apparu qu’il s’agissait déjà d’une réalité pour la quasi-totalité des OPCO, qui s’adaptent aux besoins et aux évolutions des branches qu’ils accompagnent.

Au chapitre III du titre II, il est question d’un enjeu majeur de notre siècle, celui de la protection des écosystèmes et en particulier, à l’article 19, des espaces aquatiques. L’eau est un élément précieux dont la gestion et les usages sont primordiaux pour notre survie. Or les changements climatiques ont un effet de plus en plus visible et inquiétant sur cette ressource. Dans la lignée des Assises de l’eau et afin d’aider ceux qui ont en charge ce patrimoine naturel, le texte précise la notion de respect des équilibres naturels. Il réaffirme la capacité de résilience des écosystèmes aquatiques, la nécessité de leur préservation ainsi que leur rôle essentiel dans la reconquête de la biodiversité.

Enfin, le chapitre IV aborde le sujet de la production d’énergies renouvelables, en l’ancrant dans les territoires et en rendant les citoyens et les entreprises acteurs de la transition énergétique. Il implique tout d’abord les régions dans le déploiement des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie en matière d’énergies renouvelables dans les territoires, et en définissant avec chacune d’entre elles les objectifs que son potentiel lui permet d’atteindre. Il propose pour cela d’intégrer ses objectifs de production d’énergies renouvelables au schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Ils viendront ainsi compléter les nombreux sujets connexes tels que la maîtrise et la valorisation de l’énergie, la lutte contre le changement climatique, la pollution de l’air, qui donnent à la région un rôle central d’aménagement du territoire. Le texte donne également la parole aux élus des façades maritimes en matière d’éolien en mer.

L’article 23 vise à développer des communautés d’énergies renouvelables et des communautés énergétiques citoyennes, deux nouvelles formes de coopération entre citoyens, TPE, PME et collectivités locales, afin de produire de l’énergie verte, de se poser des questions sur les impacts environnementaux de la production et de la consommation d’énergie, et de prendre conscience collectivement de ce qui peut être fait pour mieux produire et moins consommer.

Enfin, toujours dans le registre de la production locale d’énergie et d’économie des ressources, il est proposé de baisser le seuil à partir duquel il sera obligatoire d’équiper le toit de certains bâtiments professionnels de panneaux photovoltaïques ou de végétation. En diminuant de moitié l’emprise minimale au sol et en élargissant la mesure aux bâtiments abritant des activités de commerce de gros, on touchera 1,5 à 1,8 million de mètres carrés de toiture chaque année. Je proposerai d’aller plus loin en étendant encore le champ des bâtiments concernés, afin de maximiser l’effet de cette mesure.

Si les sujets balayés par le titre II de ce projet de loi sur le dérèglement climatique et la résilience sont si différents, c’est que le dérèglement climatique affecte tous les secteurs et que les solutions pour y faire face sont multiples. Imaginer une économie plus responsable, un capitalisme plus durable, accompagner les salariés dans les transitions et les impliquer dans les enjeux que cela représente pour la société, dessiner des territoires résilients et construire des solutions de proximité, protéger toujours la biodiversité, voilà les enjeux auxquels ce texte répond, par des mesures concrètes et pragmatiques.

M. Damien Adam, rapporteur pour les articles 20 et 21 du titre II. C’est peu dire que la réforme du code minier qui nous est présentée dans ce projet de loi était attendue. Depuis l’annonce d’une première réforme en 2009 et plusieurs projets abandonnés lors des précédents quinquennats, il aura fallu attendre douze ans pour qu’une réforme en profondeur du code minier soit examinée. Il y avait urgence tant ce code, dont la dernière modification substantielle date de 1994 était obsolète. Surtout, il ne répondait plus à nos attentes, sociales et environnementales. C’est d’ailleurs la principale raison pour laquelle cette réforme a été intégrée au projet de loi.

Si la Convention citoyenne pour le climat n’a pas traité spécifiquement la question des mines, elle a cependant recommandé un moratoire sur l’exploitation industrielle, minière en Guyane, dans la proposition PT 8.1 - Protection des écosystèmes et de la biodiversité. Il reste que le renforcement de la prise en compte des enjeux environnementaux aux articles 20 et 21 du projet de loi contribuera à l’atteinte des objectifs fixés par la Convention.

L’arrivée de cette réforme dans notre assemblée a été unanimement saluée par l’ensemble des acteurs auditionnés, ainsi que par un grand nombre de parlementaires. Nombre d’entre nous attendent beaucoup de cette réforme, qui touchera directement les activités minières passées, présentes ou futures de nombreux territoires de métropole et d’outre-mer. Cet accueil favorable est aussi le résultat d’une longue concertation sur un préprojet, menée depuis 2018 avec l’ensemble des parties prenantes – collectivités, industriels, associations et ONG.

L’article 20 inscrit dans la loi, sans attendre, plusieurs mesures visant à renforcer l’encadrement des travaux miniers et leur arrêt. Tout d’abord, il étend la liste des intérêts protégés par les travaux miniers à la santé publique, notamment. Cette mention est capitale car elle permettra de mieux prendre en compte la santé des populations riveraines des sites, qu’ils soient fermés ou encore en activité. L’article systématise également une nouvelle participation du public aux décisions relatives à l’arrêt des travaux et à leur suite. Cette étape permettra au public d’éclairer le préfet sur les enjeux locaux, et favorisera une meilleure acceptation du processus d’arrêt de l’activité minière.

L’article 20 tend ensuite à rapprocher le droit minier des exigences applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), afin d’intégrer des garanties fortes concernant l’après-mine. Il étend ainsi à trente ans la police résiduelle des mines, qui permet aux préfets d’obliger l’ancien opérateur à intervenir en cas de menace survenant après la fin de son activité. Il s’agit surtout de prolonger la responsabilité des anciens opérateurs, au-delà de la clôture de la procédure d’arrêt des travaux, ce qui les incitera à se montrer plus responsables en amont de la fin des travaux. Cette mesure permettra de mieux prévenir les affaissements de terrain, l’accumulation de gaz dangereux, ou tout autre risque affectant les divers intérêts protégés par le code minier.

Lors des auditions, un débat a émergé sur le point de départ de ce délai trentenaire : doit-il commencer immédiatement à la déclaration d’arrêt des travaux par l’exploitant, qu’on appelle AP1, ce qui n’inciterait pas les industriels à réaliser rapidement les travaux de remise en état, ou après la validation par l’administration que l’ensemble des travaux de fin d’activité ont bien été exécutés (AP2), alors que ces travaux peuvent prendre plusieurs années ? Je proposerai par voie d’amendement une réponse de compromis, à même de satisfaire l’ensemble des parties prenantes, en faisant démarrer le délai trentenaire lors de l’AP2 par principe, avec la possibilité de se référer à l’AP1 si l’exploitant a respecté les délais de réalisation des travaux.

Enfin, l’article 20 donne la possibilité au préfet ou au ministère public et au liquidateur d’ouvrir une action en responsabilité à l’encontre de la société mère, dont la filiale aurait fait défaut, parce que la société a volontairement laissé en péril une filiale pour se désengager de ses responsabilités. Cette mesure permet à l’État de retrouver un responsable dans l’après-mine.

Outre ces mesures, qui entreront en application dès la promulgation de la loi, l’article 20 organise une réforme en profondeur du code minier par ordonnance. Cette réforme devrait modifier deux tiers du code actuel. Si certains acteurs auditionnés souhaitent qu’elle aille plus loin, ou moins loin, selon les points de vue, tous reconnaissent ses grandes avancées en matière environnementale, notamment.

Le premier point de l’ordonnance vise à doter la France d’une véritable stratégie minière. De nos jours, l’activité minière y est assez limitée : en dehors de l’or en Guyane et du nickel en Nouvelle-Calédonie, qui dispose de son propre code minier, et hors hydrocarbures, nous n’exploitons plus que le sel, les calcaires bitumineux et la bauxite en métropole. L’exploitation des granulats marins est également modeste, avec 5 millions de tonnes récoltées par an. La géothermie profonde se développe toutefois.

Le développement des technologies numériques, des énergies renouvelables, des nouvelles mobilités ou de tous les nouveaux usages, génère des besoins de plus en plus massifs en ressources minérales parfois rares. Devant ces besoins, les industriels n’ont aujourd’hui pas d’autre choix que de se tourner vers la production de pays non européens, comme la Chine, dont les exigences environnementales et sociales sont sans comparaison avec les nôtres. L’enjeu est double : garantir notre approvisionnement et notre souveraineté en ressources minérales stratégiques sans dépendre de puissances étrangères et tout en maintenant notre haut niveau d’exigence environnementale. Il est en effet bien plus favorable pour notre planète d’extraire les ressources en France, dans les conditions françaises et pour un usage européen, que de les importer d’autres continents.

La réforme prévoit donc que la France définit des orientations nationales de gestion et de valorisation de ses ressources minières, en se fondant sur un recensement des substances présentes dans les sols français. À ce sujet, les services ministériels m’ont indiqué que l’inventaire des ressources nationales datait déjà de plusieurs années. Dans ce contexte, et au vu des enjeux, il me semble indispensable de relancer le recensement du potentiel minier de notre pays dans l’objectif d’une valorisation des ressources raisonnée et responsable. Cette politique minière devra bien sûr donner la priorité au recyclage des matières et à l’optimisation des technologies consommatrices de ces minéraux, en cohérence avec l’ensemble des politiques que nous menons par ailleurs. En ce sens, le code minier a bien vocation à s’inscrire dans l’objectif de transition écologique qui est le nôtre.

J’en viens maintenant à la meilleure prise en compte des enjeux environnementaux, point central de la réforme. La plus importante de ces innovations sera la prise en compte de tous les enjeux et de tous les intérêts à protéger, à chacun des stades de la vie juridique du titre minier, avec une analyse environnementale, économique et sociale au moment de l’octroi de l’extension ou de la prolongation d’un titre minier, ce qui ce qui n’est pas prévu aujourd’hui. Les collectivités territoriales seront informées dès la réception d’une demande de titre ou au plus tard à la publication de l’avis de mise en concurrence. Le demandeur devra par ailleurs mettre à disposition du public son dossier de candidature, ainsi que ses réponses écrites aux avis des conseils avant l’ouverture des procédures de participation prévues.

L’article 21 évoque également la possibilité de créer une commission de suivi d’un projet minier, sur laquelle le préfet pourra s’appuyer lorsqu’un site présentera des nuisances, dangers et inconvénients majeurs.

La seconde innovation de la réforme est de doter l’administration des outils juridiques pour refuser un projet minier qui menacerait l’environnement, la santé publique ou d’autres intérêts protégés par le code minier. Aujourd’hui, l’administration n’en a pas la faculté. En dehors de cas bien identifiés par quelques lois, la menace qu’un projet de recherches ou d’exploitation pourrait représenter pour l’environnement ne saurait constituer un motif légitime pour refuser une demande de titre minier, quelle que soit sa gravité. Ce ne sera plus le cas grâce à cette loi : l’autorité administrative pourra refuser un projet en cas de doute sérieux, notamment en matière de conséquences environnementales.

En outre, je voudrais vous convaincre que le code minier entre pleinement dans la modernité. Par exemple la réforme vient désigner l’hydrogène comme une substance de mines, offrant ainsi un cadre juridique protecteur pour l’activité de son stockage souterrain. Cette mesure s’inscrit pleinement dans la logique de transition écologique voulue par ce projet de loi, d’extraire les ressources d’avenir et d’accélérer le développement des technologies pour demain.

Par ailleurs, je souhaiterais évoquer un point plus technique de la réforme, celle de l’évolution du droit de suite : contrairement au droit actuel, le titulaire du titre de recherches, inventeur d’un gisement, n’obtiendrait plus automatiquement permis d’exploiter sous la seule condition de présenter les capacités techniques et financières.

Après avoir tenté de dresser les principales orientations de la réforme du code minier, je ne doute pas que l’examen des amendements nous permettra d’avoir un débat riche et approfondi sur ces sujets.

M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour le titre III. Permettez-moi avant tout de saluer le travail et l’investissement des citoyens de la Convention citoyenne pour le climat et en particulier de ceux qui ont œuvré dans le groupe « Se déplacer ». Fruit de ces travaux, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a été déposé sur le bureau de notre Assemblée, afin de traduire ses propositions d’ordre législatif. Comme mes collègues l’ont déjà exprimé, je souhaite moi aussi qu’au cours des prochaines semaines, le débat parlementaire l’enrichisse et renforce sa portée.

Le projet de loi part du constat de la nécessité d’agir face aux changements climatiques et à leurs conséquences. Il nous rappelle que l’action de la France se place dans le cadre des engagements ambitieux pris par l’Union européenne pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Après la loi énergie climat, mais aussi la loi d’orientation des mobilités et la loi anti-gaspillage et économie circulaire, le projet de loi climat et résilience constitue un nouveau volet de la politique française face au défi climatique. Il engage une transformation profonde de l’ensemble des secteurs, pour répondre à l’impératif de réduction des émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Le titre III « Se déplacer », dont j’ai l’honneur d’être rapporteur, y est tout particulièrement consacré.

Le chapitre Ier renforce le développement de mobilités durables, ce qui passe par un objectif intermédiaire d’interdiction des voitures thermiques les plus polluantes d’ici à 2030. C’est un jalon important, qui nous permettra d’atteindre plus aisément l’objectif de fin de vente des véhicules utilisant des énergies fossiles en 2040, prévu par la loi d’orientation des mobilités.

Le contenu des plans de mobilité en matière d’organisation du stationnement est également étendu pour favoriser l’intermodalité. Je proposerai au cours de nos débats d’enrichir le texte avec des propositions relatives à l’équipement des parcs de stationnement en bornes de recharge et des parkings-relais en stationnements sécurisés pour vélos car le vélo a toute sa place dans le texte.

Enfin, l’instauration de zones à faibles émissions mobilité dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants, le renforcement des mesures qui y sont applicables et l’obligation d’expérimenter des voies réservées aux abords de ces zones constituent des éléments essentiels de la lutte contre la pollution atmosphérique.

Le chapitre II vise à réduire l’incidence du transport routier de marchandises sur l’environnement. Cela se traduit par un objectif de suppression de l’avantage fiscal sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), dont bénéficient les transporteurs de marchandises sur le gazole routier à l’horizon 2030. Toutefois, malgré mon investissement depuis quatre ans pour relancer le fret ferroviaire, je souhaite affirmer devant vous que la transition énergétique passera par le camion vert. Le transport routier de marchandises est un secteur stratégique et vital, qui contribue à l’indépendance et à la souveraineté économique de la France. C’est pour cette raison que l’accompagnement des transporteurs français dans la transition est primordial, pour leur permettre de faire face à la concurrence européenne, ce qui nécessite des aides des pouvoirs publics et une harmonisation au niveau européen. Nous avons commencé à le faire, notamment avec le plan de relance, continuons !

Pour que l’effort de réduction des émissions ne pèse pas uniquement sur les transporteurs, l’article 33 oblige les entreprises « chargeurs » à effectuer le reporting des émissions générées par le transport de leurs marchandises. Ces entreprises devront établir un plan d’action pour réduire les émissions liées au transport. Convaincu que les différents modes de transports ne s’opposent pas, mais se complètent, je veillerai à ce que ces plans prévoient le recours au ferroviaire et fluvial.

Dans le chapitre III, le choix a été fait d’élargir les comités des partenaires des autorités organisatrices de mobilité à des habitants tirés au sort, et de modifier ces modalités de fonctionnement. Cela s’inscrit dans une volonté d’associer davantage les citoyens à l’élaboration des stratégies de mobilité.

Enfin, l’objectif de neutralité carbone nécessite de limiter la croissance du trafic aérien et les émissions de ce secteur. C’est ce que prévoit notamment le chapitre IV. La suppression des lignes aériennes lorsqu’il existe une alternative en train de moins de deux heures trente, et l’interdiction de la construction ou de l’extension d’aéroports permettront d’atteindre cet objectif. Le mécanisme de compensation carbone des émissions des vols domestiques constitue également un outil innovant dont il sera nécessaire de mesurer les effets à plus long terme dans la réduction globale des émissions du secteur.

Je suis convaincu que nous aurons des débats riches et de qualité, car nous partageons tous le même objectif : réduire largement les émissions de gaz à effet de serre du secteur, tout en préservant la compétitivité du transport français et en accompagnant nos concitoyens vers des mobilités plus propres et plus durables.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour les chapitres Ier et II du titre IV. J’ai l’honneur d’être rapporteur des chapitres Ier et II du titre IV du projet de loi, qui portent sur les enjeux relatifs à la rénovation énergétique des logements et la réduction de la consommation d’énergie. C’est pour moi une fierté, et je suis particulièrement heureux de poursuivre de cette façon mon engagement pour le logement.

Un mot sur la méthode, d’abord : mes collègues l’ont rappelé, ce projet de loi constitue un exercice novateur et inédit. Je veux ici saluer les 150 citoyens de la Convention citoyenne pour le climat, qui ont travaillé pendant un an pour proposer au législateur des mesures pour lutter contre le dérèglement climatique, dans un esprit de justice sociale. Je salue tout particulièrement ceux du groupe « Se loger » que j’ai pu entendre en audition et rencontrer à plusieurs reprises. Nous sommes aujourd’hui appelés à prendre le relais de la convention. C’est un bel exercice pour la démocratie représentative.

Sur le fond, le logement est l’un des axes essentiels sur lesquels il nous faut travailler pour avancer sur les enjeux climatiques et atteindre notre objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030 et la neutralité carbone d’ici à 2050. Les chiffres sont connus : le secteur du bâtiment représente 45 % de la consommation d’énergie dans notre pays et un quart des émissions de gaz à effet de serre. Améliorer la performance énergétique et environnementale du bâti constitue donc un volet majeur pour accélérer la transition écologique. Ces questions se situent à la croisée de problématiques environnementales bien sûr, mais aussi sanitaires, sociales et économiques.

Face à ce constat, je veux d’abord rappeler que nous ne partons pas de rien. Les objectifs que nous nous sommes fixés sont ambitieux : la stratégie nationale bas carbone prévoit que l’ensemble du bâti atteigne un seuil de basse consommation pour 2050, ce qui implique un rythme de 500 000 rénovations de logement par an.

Pour répondre à ces objectifs, nous nous sommes attachés, tout au long de cette législature, à accompagner la montée en puissance de la rénovation énergétique. Je pense ici à la loi ELAN, qui a notamment permis des avancées majeures sur le volet tertiaire, à la loi relative à l’énergie et au climat, ainsi qu’à la loi visant à lutter contre le démarchage téléphonique, qui permet de renforcer la lutte contre l’écodélinquance.

Sur le plan de l’accompagnement financier, au côté des programmes de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et des certificats d’économies d’énergie, le plan France relance permet la montée en charge et la généralisation du dispositif MaPrimRenov’. Elle s’applique à 150 000 logements cette année ; l’objectif est de quadrupler le nombre de ses bénéficiaires l’année prochaine.

Des réformes d’ordre réglementaire comportent également des progrès considérables, comme l’entrée en vigueur depuis quelques mois de la réglementation environnementale 2020, l’interdiction des chaudières au fioul et la réforme du diagnostic de performance énergétique (DPE).

Beaucoup a été fait, mais, nous en sommes bien conscients, beaucoup reste à faire. C’est tout l’objet du chapitre Ier du titre IV du projet de loi, qui s’articule autour de quatre axes.

Premièrement, l’article 39 donne une assise législative aux étiquettes du DPE. Il s’inscrit dans le cadre de la réforme du DPE par voie réglementaire, qui poursuit un double objectif de fiabilisation et de prise en compte des enjeux environnementaux et climatiques du DPE. L’article 39 traduit cette nouvelle ambition.

Deuxièmement, le projet de loi prévoit de nouveaux outils pour favoriser la rénovation énergétique en copropriété. C’est l’objet des articles 40 et 44. L’article 40 prévoit notamment la généralisation du DPE collectif pour les copropriétés d’ici à 2024, avec un délai supplémentaire prévu pour les plus petites d’entre elles. L’article 44 instaure une obligation de réaliser dans l’ensemble des copropriétés un projet de plan pluriannuel de travaux, et réforme le fonctionnement du fonds de travaux, pour le corréler de façon plus directe au plan pluriannuel de travaux. Conjuguées à la réforme du DPE, l’instauration du DPE collectif et celle du projet de plan pluriannuel de travaux constituent des avancées essentielles pour répondre à la problématique du vieillissement du parc des copropriétés et favoriser la rénovation énergétique.

Troisièmement, nous franchissons une nouvelle étape dans la lutte contre les passoires thermiques, avec les articles 41 et 42 du texte. Les passoires thermiques constituent un non-sens écologique et une aberration économique et sociale. On en dénombre aujourd’hui 4,8 millions dans l’ensemble du parc, dont 1,8 million dans le parc locatif. L’article 41 généralise le blocage de l’augmentation des loyers des passoires énergétiques en allant plus loin que les avancées déjà permises par la loi énergie et climat. L’article 42 interdit la location des passoires thermiques à compter de 2028, en faisant entrer ces dernières dans le champ des logements indécents.

Le quatrième volet concerne la modernisation du service public de la performance énergétique. L’article 43 du projet de loi remplace ainsi les plateformes territoriales existantes par des guichets et rehausse le rôle du service public de la performance énergétique en matière d’accompagnement. Cet article participe à la mise en place d’un triptyque qui me tient particulièrement à cœur en matière de rénovation : une bonne information disponible sur l’ensemble du territoire, un plan de financement le plus clair possible, et un accompagnement par des professionnels tout au long de ce parcours difficile.

Quant au chapitre II du titre, il concerne la diminution de la consommation d’énergie et vise plus particulièrement à introduire des mesures pour interdire le chauffage en extérieur. Il serait surprenant de tolérer de telles pratiques, au moment où nous fixons des objectifs ambitieux pour le climat, qui s’inscrivent dans une volonté commune de réduire notre impact sur l’environnement. Mais je crois aussi que nous devons faire preuve de bon sens dans un contexte où la crise sanitaire a profondément heurté le secteur des cafés et restaurants, auquel l’ensemble des Français sont profondément attachés.

Je suis fier de ce texte et du travail déjà réalisé. Je suis heureux que nous accélérions aujourd’hui, dans le sens de la transition écologique, car l’urgence climatique s’impose à nous tous.

M. Lionel Causse, rapporteur pour les chapitres III à V du titre IV. Le projet de loi prolonge et renforce l’action qu’a eue cette majorité pour changer en profondeur notre rapport à l’environnement. Par son ambition, il permettra d’enclencher la transition écologique dont notre Terre a besoin dans l’ensemble des pans de notre quotidien. C’est un pas de plus vers une production et une consommation plus vertueuses, des déplacements davantage respectueux de l’environnement, des logements et des villes plus vertes, et une alimentation plus durable.

Au-delà de la véritable portée de ce texte, il s’agit également d’un exercice démocratique inédit, puisqu’il allie la participation des citoyens à la représentativité du Parlement. C’est une première mondiale, qui permet d’envoyer un signal fort de renouvellement de nos pratiques démocratiques. Encore une fois, et avec fierté, la France est au rendez-vous sur le sujet. Pour ces raisons, je suis particulièrement heureux et fier des avancées que nous soutenons dans la partie de ce texte consacrée à la lutte contre l’artificialisation des sols, dont je suis le rapporteur.

L’extension des zones imperméabilisées, l’étalement urbain, le mitage des espaces ruraux, le bourgeonnement désordonné des zones d’activités en périphérie des villes constituent autant de dynamiques caractéristiques du développement de nos espaces de vie ces cinquante dernières années. Loin d’être entièrement négatives, elles ont été synonymes de développement et de confort, pour des millions de nos concitoyens. Il ne faut pas l’oublier ou renier notre passé. Nous pouvons toutefois constater les conséquences néfastes auxquelles a parfois conduit ce modèle d’urbanisation. Les préconisations de la Convention citoyenne pour le climat sont le signe d’une prise de conscience généralisée de la nécessité d’une urbanisation plus maîtrisée et plus ordonnée. Il ne s’agit pas d’être dans la décroissance ou de souhaiter revenir en arrière, ni d’avoir moins d’ambition. Au contraire, il nous en faut davantage car il est plus difficile de bien construire en consommant moins d’espace nouveau, que de s’étaler sans faire attention à ce qui nous entoure. Il faut vivre mieux, plus proche, plus à pied. Pour cela, il nous faut être plus exigeants avec nous-mêmes, construire plus dense et concevoir une densité qui ne rime pas avec inconfort.

Cette voie ouvre des possibilités très riches car l’urbanisation que j’ai décrite s’est accompagnée notamment de la dévitalisation des centres-villes et du dépérissement de certaines de nos moyennes et petites villes. Notre majorité œuvre depuis quatre ans à faire revivre ces lieux, par des outils concrets comme les opérations de revitalisation des territoires ou la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, qui mène les actions Petites villes de demain et Cœur de ville.

Le projet de loi affermit nos réalisations et pousse encore plus loin nos ambitions collectives. Il grave ainsi dans la loi l’objectif de réduction par deux de l’artificialisation des sols dans la décennie à venir par rapport à celle qui vient de se clore. C’est un objectif indéniablement ambitieux, qui limitera la capacité des collectivités à ouvrir toujours plus d’espace à urbaniser. En même temps, ces collectivités sont accompagnées, par le biais de nombreux outils qui existent, pour densifier et améliorer le bâti existant. Cet objectif sera celui de chaque région de l’Hexagone, qui veillera ensuite à assurer une répartition équilibrée de l’effort sur son territoire dans le cadre de ses démarches de planification et en fonction des situations des bassins de vie.

Les objectifs seront ensuite déclinés dans les documents d’urbanisme, afin d’encadrer la façon dont les collectivités ouvrent des espaces à l’urbanisation. Notre objectif est non pas tant d’empêcher la consommation des sols que de la rendre intelligente, proportionnée et adaptée aux besoins. C’est pourquoi nous renforcerons en même temps les outils de mesure et d’analyse de l’artificialisation. Avec le même objectif de rendre plus adaptée notre urbanisation, nous veillerons à limiter l’implantation en périphérie de ville de grandes surfaces commerciales, très consommatrices d’espace, qui impliquent un grand nombre de déplacements fortement polluants. Il ne s’agit pourtant pas de décourager le commerce et, lorsque la nécessité en sera démontrée, des solutions pourront être adaptées en fonction des besoins locaux.

Cette décision permettra aussi bien de protéger les espaces naturels, agricoles et forestiers, que de revitaliser nos centres-villes. Là où cela est pertinent, nous souhaitons inciter les collectivités à procéder à des opérations de densification. C’est pourquoi l’État mènera ces actions en premier lieu dans les grandes opérations d’urbanisme qu’il accompagne.

Le texte contient aussi des mesures pour enrichir la connaissance qu’ont les collectivités de leur parc foncier et les outils dont ils peuvent disposer pour mener des opérations de requalification, notamment sur les friches d’activité, lorsqu’elles pèsent sur la reconversion et le développement des villes. Ces dispositions viennent renforcer l’action dans ce sens, qui a été impulsée par le plan de relance et le fond friches.

En même temps que cette action, qui vise à mieux maîtriser la croissance urbaine, le texte contient des mesures qui renforcent nettement la protection des espaces naturels. C’est le cas de l’inscription dans la loi de la stratégie nationale des aires protégées, qui fixe l’ambition de protéger 30 % de notre territoire à long terme. Les moyens dont disposent les départements pour protéger les espaces naturels sensibles seront également confortés.

Enfin, la France comporte de nombreuses façades maritimes. Le projet de loi contient aussi des dispositions essentielles pour la protection de nos espaces littoraux. Face au phénomène de l’érosion côtière que je perçois déjà dans ma circonscription des Landes, nous proposons, avec le Gouvernement, une gamme d’instruments aux élus pour protéger leur population et prévenir les effets néfastes de ces évolutions. C’est un sujet essentiel qui, en tant qu’élu landais et président du groupe d’études sur le littoral me touche particulièrement. J’ai été très heureux de constater le dynamisme du Gouvernement à ce sujet. Ceci nous permettra de nous adapter concrètement au mouvement actuel du trait de côte et à ceux attendus dans le siècle avec la montée des eaux. C’est donc un plaisir d’inscrire dans la loi ce que nous avons travaillé avec l’ensemble des acteurs et députés mobilisés sur ce sujet depuis des années.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris je crois réellement dans ce texte qui, tout en étant général par sa portée, vise avec pragmatisme et précision les combats que nous devons mener pour mettre en place une écologie du quotidien. Les débats s’annoncent riches, parfois mouvementés et intenses, mais nous devons être au rendez-vous que nous nous sommes fixé avec les citoyens et la planète.

Mme Célia de Lavergne, rapporteure pour le titre V. Le titre V traite de la question vitale de l’agriculture et de l’alimentation, sous l’angle du climat. L’agriculture est une contributrice importante des émissions de gaz à effet de serre, à hauteur de 19 %, mais elle est aussi une source importante de solutions. Elle est un secteur essentiel en matière de stockage de carbone, les sols constituant le principal puits de carbone, avec les forêts et les océans. Au cours des dernières décennies, répondant à une demande sociétale croissante, l’agriculture française a entamé sa transition agroécologique et nous devons saluer les efforts déjà engagés.

Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir à la source de l’alimentation, là où tout commence : notre territoire, nos terroirs, nos champs que nos agriculteurs et nos paysans travaillent avec ardeur et engagement. Inlassablement, depuis des siècles, ils nous nourrissent et, en même temps, répondent aux attentes sociétales croissantes en matière de qualité d’environnement. Ils connaissent le changement climatique ; ils le vivent de manière de plus en plus prégnante. Ils savent donc l’impérieuse nécessité de se transformer.

Si nos paysans n’ont eu de cesse de s’adapter, leur rémunération n’a pas suivi. Elle a même baissé depuis plus de trente ans. L’an passé, 22 % des agriculteurs n’ont déclaré aucun revenu. D’après l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), c’est la profession qui travaille le plus et qui gagne le moins. Malheureusement, toutes catégories socioprofessionnelles confondues, elle présente aussi le taux de suicide le plus élevé.

Nous devons assurer cette rémunération aux agriculteurs – avant tout pour eux, car c’est une question de dignité humaine, mais également pour la souveraineté alimentaire de notre pays, alors que la moitié des agriculteurs devront passer le relais à la nouvelle génération au cours des dix prochaines années, ainsi que pour le climat, car toutes les études montrent qu’un paysan qui gagne bien sa vie est plus enclin à modifier ses pratiques. Une juste rémunération des agriculteurs est donc un gage de réussite pour nos objectifs climatiques.

Depuis ma nomination comme coordinatrice des états généraux de l’alimentation en 2017, je n’ai eu de cesse de penser que le consommateur est un facteur très puissant de transformation, incitant à une juste répartition de la valeur entre les acteurs de la chaîne alimentaire. Je suis persuadée que les choses évolueront de par la volonté du consommateur. Nous devons envisager la création d’un indicateur permettant d’évaluer rapidement, pour chaque produit alimentaire, la rémunération qui revient au producteur agricole – une sorte de « Rémunéra-Score », sur le modèle du Nutri-Score, qui permettrait aux consommateurs d’effectuer des choix responsables et éclairés tout en incitant les industriels et distributeurs à respecter les producteurs et à les rémunérer davantage.

Venons-en aux articles du titre V. Il y en a huit, qui forment un ensemble cohérent. Permettez-moi de saluer ici le travail des membres du groupe « Se nourrir » de la Convention citoyenne, avec qui nous avons eu des échanges constructifs.

Les articles 61 et 65 font des objectifs nationaux en matière de climat une sorte de chapeau de nos politiques publiques dans les domaines de l’agriculture, de la nutrition-santé et de l’alimentation. Ainsi, l’article 61 instaure une stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat : c’est une mesure ambitieuse, qui va au-delà de la proposition formulée par la Convention. L’article 65 s’empare de la politique agricole commune (PAC) et du plan stratégique national qui la décline en France. Il vise à rendre ce plan compatible avec quatre de nos stratégies nationales – la stratégie nationale bas-carbone, la stratégie nationale pour la biodiversité, la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée et le plan national santé environnement. Cet article 65 incarne l’ambition générale du titre V et traduit bien sa philosophie : l’agriculture, l’alimentation, la santé des hommes, la santé animale et la santé de la planète forment un tout indissoluble. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics d’agir sur l’ensemble, dans une démarche cohérente et ambitieuse.

Permettez-moi à présent de vous dire dans quel état d’esprit j’aborde l’article 59, qui prévoit l’expérimentation d’une alternative végétarienne quotidienne dans nos cantines. Loin des polémiques stériles, des oppositions de principe et des débats éruptifs auxquels nous avons assisté dans les médias, je souhaite dépassionner la discussion et déconstruire les idées reçues, les idées fausses, afin que notre assemblée puisse débattre et légiférer paisiblement.

Il n’est nul besoin d’opposer viande et repas végétarien – les éleveurs eux-mêmes ne le font pas. Le repas végétarien n’est pas exclusif, il n’est pas l’apanage d’un parti. Au contraire, il appartient à tous, et surtout aux Français de plus en plus nombreux qui le consomment occasionnellement, comme un autre menu. Ma conviction est simple : il est nécessaire de mettre dans nos assiettes à la fois de la viande de meilleure qualité, produite en France – ce qui n’est pas le cas habituellement –, et des repas à base de protéines végétales, d’œufs et de produits laitiers de qualité. Cessons d’opposer les deux ! Toutes les personnes auditionnées sont d’accord sur ce point. Ne suscitons pas ici de polémique inutile.

On observe que 5 % des Français sont végétariens – ils sont 12 % chez les 18‑24 ans – tandis que 20 % se disent flexitariens, alternant volontairement repas carnés et assiettes végétariennes. L’attente sociétale est là ; nous sommes en retard pour y répondre. Qui plus est, ce sera bon pour l’environnement. Pour statuer, nous devrons cependant attendre la séance, car M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation, s’est engagé à fournir l’évaluation de l’expérimentation prévue par la loi ÉGALIM d’ici là.

L’article 60 conforte et accélère la structuration des filières agricoles par la restauration collective, engagée par l’article 24 de la loi ÉGALIM pour la restauration publique et étendue ici aux restaurants d’entreprises. Je vous proposerai également d’élargir la liste des produits éligibles.

Le projet de loi contient en outre une disposition essentielle à notre action de lutte contre le dérèglement climatique, visant à limiter l’apport d’engrais azotés minéraux, à l’origine de 42 % des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture. L’article 63 définit une trajectoire de réduction des émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote, tandis que l’article 62 prévoit le paiement d’une redevance sur ces engrais en cas de non-respect de la trajectoire pendant deux années consécutives.

L’article 64 contient des dispositions relatives à la lutte contre la déforestation importée. L’article 66 porte sur le commerce équitable. Nous y reviendrons.

Le titre V n’épuise pas le sujet de la transition de notre agriculture et de notre alimentation vers un autre modèle, plus respectueux de l’environnement, de la santé et des producteurs. Il pose cependant des jalons essentiels pour atteindre nos objectifs en matière de climat. Il témoigne d’une ambition réelle pour notre agriculture, dans la droite ligne des travaux que nous avons menés depuis le début de la législature.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour le titre VI. Bâtir un autre modèle de société est un formidable défi. Imaginer de nouveaux modes de consommation, de nouvelles méthodes de production, développer l’économie circulaire et l’énergie renouvelable sont des chantiers sur lesquels les pouvoirs publics et les acteurs privés doivent se concentrer de manière plus ambitieuse. C’est à cette mission que les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat devaient s’atteler.

Une société repose sur des normes que, collectivement, nous mettons en place. Le droit, instrument de nos choix sociétaux, reflète alors notre relation aux biens et à autrui.

Les membres de la Convention citoyenne ont souhaité introduire dans notre arsenal législatif un crime d’écocide. Dans leur objectif 7.1 « Légiférer sur le crime d’écocide », ils en proposent la définition suivante : « Constitue un crime d’écocide, toute action ayant causé́ un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées ».

Il y a quatre ans, lorsque j’ai commencé à travailler sur le droit de l’environnement, j’ai été, comme eux, très attiré par cette idée de créer un crime punissant les pollutions graves et irrémédiables. Toutefois, en approfondissant ce concept intellectuellement stimulant et en lisant de nombreux travaux, dont ceux du professeur Laurent Neyret, auteur de réflexions nourries sur le sujet, j’ai dû me rendre à l’évidence : la création de ce crime soulève encore de nombreuses interrogations. Nous rentrerons sûrement dans le détail et aurons des débats passionnés au cours de nos travaux, notamment lors de l’examen des amendements. Mais il y a un premier point qui fait quasiment l’unanimité et qui ressort des auditions que nous avons menées : le crime d’écocide doit être envisagé dans une perspective transnationale et supranationale. Aujourd’hui, son insertion dans le droit de l’environnement ne présenterait aucun intérêt.

Je sais que le constat est sévère. Pour autant, le souhait de la Convention citoyenne est légitime, et je pense que nous le partageons tous au sein de notre commission : nous devons mieux protéger nos écosystèmes et notre nature.

Nous pouvons constater que ni l’inflation réglementaire, ni l’explosion normative n’ont permis d’empêcher les atteintes à la nature ou d’atténuer la détérioration d’écosystèmes vivants. Nous avons des normes, des règlements, mais notre modèle juridique est-il suffisamment protecteur ? Est-il efficace ? Peut-il être compris par l’ensemble des acteurs économiques, associatifs, des pouvoirs publics et des citoyens ?

Le titre VI contient des propositions intéressantes permettant de combler les lacunes de notre droit. Ses dispositions s’inscrivent surtout dans une démarche globale et dans un chantier en cours.

En décembre 2020, lors de l’examen du projet de loi relatif au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, nous avons bâti une partie des fondations de ce chantier. Des juridictions spécialisées en matière d’environnement ont été créées : dans le ressort de chaque cour d’appel, un tribunal judiciaire sera désigné pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits environnementaux. Des conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP) pourront désormais être conclues en matière environnementale. Les inspecteurs de l’Office français de la biodiversité (OFB) se voient attribuer des compétences de police judiciaire. Toutes ces mesures étaient très attendues par l’ensemble des acteurs du secteur.

Le texte que nous examinons aujourd’hui va plus loin et prévoit trois nouvelles dispositions. L’article 67 crée un délit de mise en danger de l’environnement. L’article 68 renforce les délits de pollution, allant jusqu’à créer un délit d’écocide, et prévoit une gradation des peines encourues suivant la gravité des faits et le niveau d’intentionnalité. Enfin, l’article 69 donne au tribunal la possibilité d’imposer à une personne condamnée la restauration d’un milieu naturel. Nous aurons des débats nourris autour de ces trois articles, qui nécessiteront indéniablement un travail de réécriture pour répondre aux remarques formulées tant par le Conseil d’État que par les personnes auditionnées durant nos travaux préparatoires. Il nous faudra cependant respecter l’équilibre général du texte et résoudre une équation simple : nous devons mieux protéger l’environnement et offrir aux acteurs économiques un cadre juridique fiable.

L’ensemble des acteurs judiciaires que nous avons interrogés, qu’ils soient magistrats, avocats ou représentants d’ONG, nous ont fait part du même constat : le droit pénal de l’environnement manque de cohérence et de lisibilité. Il se caractérise en effet par une grande fragmentation sectorielle et textuelle. Les infractions sont disséminées dans au moins cinq codes – le code de l’environnement, le code forestier, le code rural et de la pêche maritime, le code minier et le code pénal. Il n’existe pas à ce jour d’infraction générale. Les qualifications pénales se réfèrent, par des jeux de renvois, à de multiples articles répartis dans le code de l’environnement. Il arrive même que d’éminents spécialistes se perdent dans le dédale de ce code ! Il existe enfin un grand nombre d’infractions comportant, dans leurs éléments constitutifs, des conditions d’illicéité par rapport à une norme administrative. Multiplier les règles de droit inapplicables ne suffira donc pas : c’est une réorganisation substantielle de nos codes qui devra être menée. Un tel travail ne pourra être accompli dans le cadre de ce projet de loi, mais nous devons nous y engager.

Nous avons à relever un défi philosophique. Nous devons changer notre rapport à la nature et à l’environnement, et abandonner cet orgueil humain qui nous amène à considérer que nous sommes détachés du monde naturel. L’Assemblée générale des Nations unies nous invite, dans un rapport de 2011, à ne plus considérer notre planète comme un objet inanimé exploitable mais comme notre foyer commun.

Notre société ne peut plus ignorer les enjeux de la nouvelle relation que nous devons construire avec les écosystèmes vivants et la nature. Elle ne peut plus s’organiser sans tenir compte de la place de la nature, de son droit à exister, à se régénérer et à s’épanouir. En ce sens, nous devons bâtir un nouveau modèle vertueux et tenir compte, dans chacune des actions que nous allons mener, de notre rôle de tuteur et de protecteur de la nature.

Ouvrir la voie à de nouvelles dispositions juridiques, les réorganiser et créer des instances spéciales de protection de la nature permettra à la France, pionnière des libertés fondamentales, de prendre part à cet effort collectif et de répondre à cette exigence éthique de préservation de l’environnement. Si nous allons au bout de ce chantier, nous protégerons efficacement nos ressources et saisirons notre dernière chance de léguer aux générations futures une planète harmonieuse et saine.

Mme Marie Lebec (LaREM). Le projet de loi dont nous nous apprêtons à débattre constitue une innovation, tant par son mode d’élaboration que par les mesures qu’il contient. Il a permis d’allier démocratie participative et démocratie représentative. Il traduit l’ADN de notre majorité en matière d’écologie – une écologie concrète, qui fait le pari de l’ingéniosité française – et rappelle toute l’importance que nous donnons à cette politique publique depuis le début du quinquennat. Il montre enfin que la transition écologique n’est pas un combat qui se mène seul, mais qu’il est nécessaire que les citoyens, les acteurs privés, les associations et les collectivités territoriales s’engagent ensemble en faveur d’un nouveau modèle.

La transformation écologique est au cœur de toutes nos politiques depuis 2017. Nous avons mis fin aux activités les plus carbonées et investi massivement dans les transports du quotidien, particulièrement dans le train. Nous avons soutenu les ménages dans cette transition en leur accordant une prime à la conversion des véhicules, des primes à la rénovation thermique des bâtiments, ou encore des aides à l’utilisation du vélo. Des centaines de milliers de Français ont déjà bénéficié de chacun de ces dispositifs. Grâce au plan de relance, la transformation écologique est désormais passée à une autre échelle : l’ensemble des 100 milliards d’euros du plan sont orientés vers la décarbonation de l’économie et de la société. Un changement de modèle est à l’œuvre. Par sa politique climatique, la France donne le ton en Europe et dans le monde. Les résultats sont là : dès 2019, c’est-à-dire avant la crise, la France a réduit de 1,7 % ses émissions de gaz à effet de serre. Beaucoup parlent et s’agitent ; quant à nous, nous agissons.

Cette ambition écologique aurait pu connaître un coup d’arrêt brutal du fait de la défiance exprimée à l’encontre des mesures fiscales environnementales – le mouvement des gilets jaunes nous a rappelé que l’écologie ne pouvait progresser si elle n’était pas acceptée par la population. Le Président de la République a eu le courage de définir une nouvelle approche, créant la Convention citoyenne pour le climat afin de favoriser le dialogue, de rechercher le consensus et de faire progresser la société.

Fruit de cette démarche inédite, le présent projet de loi permet de maintenir le cap de la transformation écologique. Ce n’est ni une loi d’incantation, ni une loi de punition : c’est une loi d’actions concrètes. Notre groupe en soutiendra les trois axes : des mesures puissantes d’orientation et de planification écologiques contre l’artificialisation des sols, pour la transition des transports terrestres et aériens, ou encore pour la rénovation des logements qualifiés de passoires thermiques ; des outils très concrets offerts aux maires et aux collectivités locales en faveur de la préservation de la qualité de l’air en zone urbaine et de l’aménagement vertueux des territoires ; des mesures et des indicateurs visant à mieux informer les consommateurs et à encourager l’évolution des comportements. La transformation ne se décrète pas : elle s’opère au quotidien, sur le terrain.

Ce texte sera-t-il modifié par les parlementaires ? Bien entendu, et les députés de La République en marche y prendront toute leur part. La Convention citoyenne n’avait pas vocation à se substituer à la représentation nationale. Je salue d’ailleurs le travail considérable réalisé par le rapporteur général et les rapporteurs thématiques. Près de 370 acteurs de la société – représentants des collectivités locales, des organisations syndicales et patronales, acteurs économiques, associations environnementales, experts – ont été auditionnés dans le cadre de la préparation de nos débats. Cette exigence d’écoute des forces vives du pays est le socle du travail parlementaire ; elle est nécessaire pour éclairer nos décisions. Quand les grandes centrales syndicales nous alertent quant aux conséquences sociales de certains articles, quand les collectivités soulignent les difficultés concrètes que posera la mise en œuvre de certaines dispositions, nous devons prendre en compte leurs remarques dans nos réflexions. Les députés de La République en marche ont largement participé à ces auditions et seront au rendez-vous des débats. Nous voulons voter une loi ambitieuse.

Ce texte permettra-t-il d’atteindre notre objectif de diminution de 40 % des rejets de gaz à effet de serre d’ici à 2030 ? Oui, associé évidemment à toutes les mesures déjà prises en faveur du climat, issues des travaux de la Convention, qu’elles aient été intégrées dans le plan de relance ou qu’elles relèvent du niveau réglementaire. Arrêtons de faire croire qu’une loi ou une disposition unique pourrait opérer à elle seule une transformation complète de la société.

Historiquement, notre pays est pionnier dans l’aéronautique, l’automobile et le ferroviaire. Nous sommes très nombreux à n’avoir jamais pensé voter un jour la suppression des lignes aériennes en France, la fin de l’extension des aéroports ou l’arrêt de l’artificialisation des sols pour certaines activités. Et pourtant, nous le ferons, car nous savons que le plan de relance prévoit des investissements exceptionnels pour la transition de ces secteurs, que les industriels se sont lancé des défis et ont fixé des objectifs avec l’État, et que l’avion décarboné est un horizon à leur portée.

L’écologie de la décroissance n’est en aucun cas le modèle que nous défendons. Avec le plan de relance, ce projet de loi constitue une opportunité pour accélérer la diffusion des technologies décarbonées, prendre une longueur d’avance au niveau international et renforcer l’attractivité de notre territoire. Ce texte nous aidera à tenir nos engagements climatiques ; il amplifiera la transition écologique dans la société et orientera notre économie vers la décarbonation. Économie et écologie sont compatibles. Nous ne cessons d’œuvrer dans ce sens.

M. Jean-Marie Sermier (LR). Nous pensons tous à Olivier Dassault, qui nous a brutalement quittés hier. C’était un député de conviction et un chef d’entreprise exemplaire. Il était surtout d’une grande humanité.

Madame la ministre, je vous parlerai avec mon cœur. L’urgence climatique est le défi de notre siècle, qui devra également être relevé par les prochaines générations. Il doit mobiliser tous les gouvernants, tous les responsables de toute la planète. Rien ne se fera sans une ambition commune, rien n’avancera sans que nous soyons d’accord sur l’essentiel.

Notre famille politique de la droite et du centre a ouvert le chemin, en France plus qu’ailleurs. En 2002, à Johannesburg, le président Jacques Chirac soulignait déjà cette urgence : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Par cette phrase, il rappelait l’importance d’une ambition écologique digne de ce nom. Nous avons ensuite inscrit le principe de précaution dans la Constitution et organisé le Grenelle de l’environnement, qui a débouché sur un certain nombre de textes fondamentaux. Ces dernières années, ces derniers mois, notre groupe parlementaire a continué ce travail : il a mené des auditions, organisé des colloques, participé à des forums. Aujourd’hui, le groupe Les Républicains est prêt à prendre toute sa place dans ce débat très important. Mais nous n’avons pas le droit de jouer avec la peur des gens, avec la peur des prochaines générations. Notre famille politique sera force de proposition pour un développement respectueux de la planète, assis sur un développement économique et un bien-être général permettant d’allier progrès social et ambition pour la planète. Non à la décroissance, oui au développement durable ! Au sein de cette commission spéciale ou siègent de nombreux membres de la commission du développement durable, nous savons ce que cela veut dire.

Madame la ministre, vous avez dit tout à l’heure qu’une page de l’histoire se tournait. Nous considérons, pour notre part, que ce sont plutôt quelques pages qui s’ajoutent dans le code de l’environnement. Force est de constater que nous ne sommes pas à la hauteur des attentes. Certes, vous avez fixé un certain nombre d’objectifs que nous approuvons. Vous appelez au développement d’un transport qui ne pollue pas : qui peut être contre ? La destination est importante, mais l’essentiel est de déterminer le chemin qui permettra de l’atteindre. Trop souvent, malheureusement, nous ne voyons pas le chemin que vous auriez dû nous montrer. Vous apportez toujours la même sempiternelle réponse – la taxation, la répression –, alors que la technologie et l’inventivité auraient dû être les maîtres-mots de ce projet de loi. Nous souhaitions voter une loi pour moins de CO2, mais vous nous proposez une loi pour plus de taxes.

Prenons l’exemple des transports. Vous ne prévoyez aucune mesure en faveur des biocarburants, aucune mesure en faveur du secteur fluvial. Que deviendra le véhicule automobile pour la famille ? Comment allons-nous faire en sorte que les camions roulent plus propre ? Vous ne prévoyez rien sur l’avitaillement, rien sur l’hydrogène. Combien coûteront, demain, les camions roulant à l’hydrogène ou à l’énergie électrique ?

En matière de logement, la notion importante est celle du reste à charge. Il ne doit pas être trop élevé afin que tous les propriétaires, y compris ceux dont les revenus sont modestes, puissent rénover leur logement et réduire la consommation énergétique des passoires thermiques.

Venons-en aux énergies renouvelables. À chaque fois que nous augmentons la production de ce type d’énergie, nous réduisons en réalité la production d’énergie nucléaire : cela ne diminue donc en rien les émissions de gaz à effet de serre, et cela ne change rien pour le climat.

Au cours de nos débats, nous parlerons également de l’alimentation. Il ne s’agit pas d’adopter des mesures théoriques telles que l’obligation de proposer un repas végétarien dans les cantines. Nous aurions préféré que vous nous soumettiez une proposition pour mieux manger – pour manger de la viande française, de meilleure qualité. Malheureusement, le projet de loi ne contient aucune mesure en ce sens.

Finalement, nous sommes loin de cette grande ambition. Nous constatons avec regret que les 150 membres de la Convention citoyenne ont eux-mêmes considéré que ce texte n’était pas au rendez-vous – ils lui ont parfois donné la note de 2,5/10 ou 3,5/10. Espérons toutefois que le débat parlementaire nous permette de l’enrichir. Vous pouvez compter sur le groupe Les Républicains pour obtenir des avancées en matière d’environnement et voter des dispositions respectueuses du développement durable.

Mme Florence Lasserre (Dem). Le groupe MODEM et démocrates apparentés se félicite que nous commencions nos travaux sur ce projet de loi visant à donner corps aux conclusions de la Convention citoyenne pour le climat. De cet exercice inédit de démocratie participative, qui aura duré neuf mois, sont sorties 149 propositions visant à atteindre, d’ici à 2030, une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, dans un esprit de justice sociale. De ces propositions présentées au Gouvernement avant l’été, le Président de la République en a retenu 146.

Trente-neuf mesures ont déjà été reprises par le Gouvernement dans le cadre du plan de relance. Onze autres ont fait l’objet de dispositions spécifiques dans la loi de finances pour 2021. En outre, une vingtaine de mesures ont déjà été adoptées par le Parlement dans le cadre d’autres textes. Quelques autres ont un horizon d’application difficile à déterminer, dès lors qu’elles relèvent du niveau international ou communautaire et que ces sujets appellent une gouvernance mondiale, dès lors que la France ne peut lutter seule contre les dérèglements climatiques et le réchauffement planétaire.

Le présent projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets vise à donner une traduction concrète aux quarante-six dernières recommandations du rapport de la Convention citoyenne. Il propose des solutions pragmatiques et non uniquement idéologiques pour favoriser la résilience et protéger nos ressources naturelles.

Pour autant, notre groupe s’attachera tout au long des débats à ce que les mesures visant à atteindre nos objectifs de réduction des gaz à effet de serre n’augmentent pas le poids de la fiscalité qui pèse actuellement sur les ménages, et à ce que leur impact sur l’emploi soit à tout le moins neutre, voire positif grâce à l’apparition de nouveaux métiers que nous essayons d’imaginer – je pense par exemple aux personnes chargées de piloter et de coordonner les interventions des différents artisans appelés à réaliser les travaux de rénovation globale d’un bâtiment. Nous veillerons à soutenir, chaque fois que cela sera nécessaire, les solutions permettant d’accompagner tout un chacun dans le dernier kilomètre de la transition écologique. Nous veillerons également à proposer aussi souvent que possible des dispositifs innovants, au service d’une meilleure décentralisation des politiques publiques environnementales, afin que chaque territoire puisse être acteur de cette transition.

Pour le groupe MODEM et démocrates apparentés, ce projet de loi est crucial : il nous donne l’opportunité d’apporter la touche finale aux textes que nous avons adoptés depuis le début de cette législature – la loi ÉGALIM, la loi ÉLAN, la LOM, la loi AGEC. Il est clair pour tout le monde que le texte soumis aujourd’hui à l’examen de notre commission s’inscrit dans la continuité des efforts que nous avons collectivement réalisés, ces dernières années, en amont des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, pour tendre vers une législation favorable à l’environnement. Ce projet de loi nous donnera par exemple l’occasion d’approfondir le dispositif d’affichage environnemental voté dans la loi AGEC, d’améliorer l’offre de parkings relais prévue dans la LOM, de revenir sur la qualité et la composition des repas servis dans la restauration collective votées dans la loi ÉGALIM, mais aussi de reparler de l’encadrement des loyers et des mesures en faveur de la rénovation énergétique prévues dans la loi ÉLAN. Notre groupe souhaite que ce texte s’inspire de nouveaux comportements individuels qui nous permettront d’aller plus vite et plus loin qu’aucune autre loi ne le ferait. Ce projet de loi doit constituer la dernière brique de l’édifice que nous avons pensé et bâti, au cours de la présente législature, en faveur d’une écologie de solutions – et non d’une écologie d’incantations – appelée à rentrer définitivement dans le quotidien de chacun.

M. Guillaume Garot (SOC). Nous sommes plusieurs, dans cette salle, à entamer l’examen de ce texte avec un sentiment d’inachevé. À la lecture des soixante-neuf articles du projet de loi et des 600 pages de l’étude d’impact, c’est la déception qui l’emporte. Chacun connaît les zones à faibles émissions mobilité pour la qualité de l’air ; nous nous trouvons ici face à un texte à faible ambition pour le climat. Bien sûr, il n’est pas question de tout rejeter en bloc, car certaines mesures vont dans le bon sens, mais je suis frappé par l’écart entre l’emphase qui caractérise votre communication – vous avez parlé, madame la ministre, d’une « nouvelle page de l’histoire de notre pays » et de la « République écologique » – et la réalité des mesures contenues dans ce texte, qui souffre à nos yeux de trois insuffisances fondamentales.

Premièrement, ce projet de loi ne nous permettra pas d’atteindre nos objectifs pour le climat. Ce n’est pas moi qui le dis ; je me fais l’écho de tous ceux qui se sont exprimés, ces dernières semaines, pour nous rappeler à l’ordre – le Conseil d’État, le Conseil économique, social et environnemental, le Haut Conseil pour le climat, la Convention citoyenne pour le climat, et même le cabinet de conseil Boston Consulting Group (BCG). Tous font le même constat : nous sommes très loin de poser le jalon nécessaire pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Pour notre part, nous allons défendre, tout au long des débats, des mesures réellement fortes et efficaces. Nous demandons par exemple un véritable encadrement de la publicité. Nous souhaitons que, dès 2022, les produits reconnus comme les plus polluants – je pense notamment à certaines catégories d’automobiles – soient purement et simplement interdits. Quant à l’interdiction, en 2028, de la mise en location des passoires thermiques, c’est-à-dire des logements classés F et G, nous souhaitons qu’elle s’applique réellement et directement, au lieu d’être soumise à une intervention du juge. Nous demandons en outre un moratoire quant à l’installation d’entrepôts de e-commerce de plus de 3 000 mètres carrés. Je pourrais encore citer d’autres de nos propositions.

Deuxième insuffisance de ce texte : les moyens qu’il prévoit ne sont pas suffisants pour tenir les ambitions annoncées. Vous dites constamment qu’il ne faut pas aller trop vite, à cause du risque d’inacceptabilité sociale ou économique des mesures proposées – comme s’il fallait toujours envisager l’action publique comme une source de restrictions, de privations, de punitions. Si nous voulons véritablement que ce texte soit suivi d’effet, que l’ambition soit à la hauteur de ce que nous souhaitons, nous devons y mettre les moyens. Nous consacrons bien des moyens à la relance économique… Que faisons-nous par exemple pour intensifier dans la durée – je ne parle pas seulement de la période du plan de relance – les aides et les dispositifs d’accompagnement à la transition dans le secteur des transports ou dans le secteur agricole ? Que faisons-nous pour inciter les ménages à remplacer leurs véhicules anciens par des véhicules moins polluants ? Nous proposons, pour notre part, un prêt à taux zéro garanti par l’État. Que faisons-nous, enfin, pour que les collectivités locales soient responsabilisées financièrement et non simplement juridiquement ? Elles méritent mieux que de récupérer les dossiers qui fâchent, comme celui de l’écotaxe confié aux régions.

La troisième insuffisance de ce texte est sans doute la plus grave, la plus sérieuse à nos yeux : c’est l’absence de justice sociale. Nous pourrions faire de la lutte contre le changement climatique un vrai levier de justice sociale et d’égalité entre les territoires. Nous soutiendrons un moratoire quant à la fermeture des lignes de desserte fine du territoire. Nous défendrons l’expérimentation d’un dispositif « territoires zéro faim » et, plus largement, l’engagement d’une réflexion sur une couverture alimentaire universelle. Nous demanderons une réduction à 5,5 % de la TVA sur les billets de train.

Nous sommes loin de la grande loi attendue dans le pays. Il ne s’agit pas de reprendre à la virgule près les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, mais d’assumer nos responsabilités. À nous d’être à la hauteur de l’ambition fixée par les 150 citoyens de cette Convention ! Pour le moment, nous n’y sommes pas. Mais nous avons cinq semaines, en commission et en séance publique, pour faire de ce texte la grande loi climat dont notre pays a envie et, surtout, dont il a besoin.

M. Antoine Herth (Agir ens). Ce projet de loi, associé aux autres grands textes sur l’écologie que sont la loi AGEC, la LOM, la loi ÉGALIM et le projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement, constituera l’une des grandes avancées de ce quinquennat pour répondre au défi climatique.

Avec ma collègue Valérie Petit, je tiens à rappeler les objectifs du groupe Agir ensemble s’agissant de ce projet de loi : nous entendons consolider les ambitions de ce texte tout en améliorant l’efficacité et le réalisme des mesures qu’il contient. Pour ce faire, pétris des valeurs libérales et sociales qui nous animent, nous mènerons quatre combats : l’évaluation, la compensation, la protection de la biodiversité et la justice sociale.

Notre premier combat est donc celui de l’évaluation de l’impact des mesures. Dans ce domaine, une loi d’adaptation au changement climatique doit donner l’exemple. Ainsi, nous défendons une évaluation rigoureuse de l’impact social, économique et territorial des mesures clés de ce projet de loi et demandons au Gouvernement de revenir devant le Parlement pour ajuster éventuellement ces mesures, sur la base des évaluations qu’il aura réalisées. Comme le souligne le Haut Conseil pour le climat, il s’agit aussi d’envoyer un signal fort quant à la réforme des pratiques institutionnelles et de moderniser la façon dont l’exécutif pilote la loi et rend des comptes au Parlement et aux citoyens, en le rendant plus sensible à la réalité du pays et aux capacités effectives des Français.

Notre deuxième combat est celui de la compensation et des moyens donnés aux acteurs économiques et territoriaux pour atteindre les objectifs ambitieux que le Président de la République a fixés, et qu’il a rappelé à l’occasion des cinq ans de la COP 21. Le Parlement devra renforcer certaines dispositions du projet de loi, en veillant au caractère opérationnel des mesures proposées, voire hausser le niveau d’ambition dans les domaines qui le méritent.

Le groupe Agir ensemble estime que, pour tenir les objectifs de la France en matière de climat et de neutralité carbone, le projet de loi doit perfectionner les mécanismes de compensation, tant en matière de décarbonation qu’en matière de lutte contre l’artificialisation des sols. Il faut fixer des objectifs ambitieux aux entreprises, aux agriculteurs et aux collectivités, tout en leur laissant suffisamment de liberté et en développant des mécanismes efficaces, afin qu’elles composent leur stratégie propre. C’est dans cet esprit que nous imaginons la création des marchés régionaux, qui offriraient des mécanismes de compensation adéquats aux différents acteurs. Notre groupe a déjà fait des propositions dans le cadre du plan de relance : création d’un fonds souverain et citoyen d’investissement de l’économie verte, pacte vert, création de marchés régionaux de compensation de l’artificialisation des sols et des émissions de gaz à effet de serre.

Notre troisième combat est celui de la biodiversité, qui ne doit pas être la grande oubliée de ce projet de loi. Le combat pour le climat et la réduction des gaz à effet de serre est planétaire et demande de gros efforts à nos concitoyens. Il est important, mais ne doit pas faire oublier le combat quotidien, concret, pour la préservation et la restauration de la biodiversité. Cette dernière est en effet fondamentale : elle est source de solutions pour lutter contre le réchauffement climatique. C’est pourquoi notre groupe portera des mesures fortes de protection des forêts urbaines, ou encore d’intégration de la nature dans tous les projets d’aménagement venant densifier l’habitat en ville.

Mais il ne faut pas opposer villes et campagnes, métropoles et monde rural. Au contraire, ce texte doit contribuer à bâtir un consensus autour de ce qu’on pourrait qualifier de « relation émotionnelle » à la nature, qui tend à diverger entre des ruraux, qui contribuent à façonner leur environnement, et des urbains, qui y voient avant tout un poumon vert vital en ces temps de pandémie.

Dans le même esprit, par leurs fonctions, les agriculteurs détiennent certaines clés de la biodiversité et de la maîtrise des gaz à effet de serre, mais il ne faut pas trop tirer sur la corde en multipliant les règles et les contraintes ou, tout simplement, en leur faisant porter des aspirations disproportionnées, alors que les contreparties se font attendre et restent souvent du domaine du vœu pieux. Ainsi la meilleure rémunération annoncée dans EGALIM se heurte-t-elle aux négociations avec la grande distribution, qui n’ont jamais été aussi tendues.

Notre quatrième combat est celui de la justice sociale, puisque nombre de mesures – comme la rénovation énergétique – vont demander des efforts importants à nos concitoyens, notamment les plus modestes. De même, la nécessaire mise en place des zones à faibles émissions (ZFE) doit impérativement s’accompagner d’un effort accru pour offrir une alternative crédible en matière de transports collectifs et décabornés aux habitants des zones rurales qui dépendent exclusivement de leur voiture pour leur vie quotidienne et pour accéder aux services publics. Avec Valérie Petit, nous rappelons la pertinence des mécanismes de revenu universel, que nous avons déjà défendu.

Le groupe Agir ensemble est attaché à la décentralisation et la confiance faite aux élus locaux pour réussir ce pari historique de la transformation de notre économie et de nos modes de vie. Nous serons également attentifs au renforcement des dispositions applicables aux outre-mer, qui font face à des enjeux spécifiques.

Enfin, fidèle à son investissement dans le développement, notre groupe portera des amendements pour soutenir la coopération avec les pays du Sud et consolider les engagements de la France en matière d’aide aux pays en développement – notamment africains. Ils doivent être nos partenaires privilégiés, y compris dans la lutte contre le réchauffement climatique.

M. François-Michel Lambert (LT). En préambule, je salue la mémoire d’Olivier Dassault. Beaucoup peut être dit contre l’homme ; je retiendrai la chance de l’avoir rencontré. Si nous ne partagions pas les mêmes idées politiques, nous partagions la même idée du sens de l’engagement politique.

Pour en revenir au projet de loi, souvenez-vous, il y a près de deux ans, le Président de la République, ébranlé par la crise des gilets jaunes, nous faisait part de sa volonté de remettre le climat au cœur de notre projet national. Certains observateurs complaisants parlaient de virage écologique.

Les optimistes se sont mis à espérer : espérer que cent cinquante citoyens pourraient être plus forts que les arbitrages ministériels – ces arbitrages qui ont eu raison du ministre Hulot – et plus forts que les renoncements. Leur espoir s’est nourri de l’engagement du Président de la République à traiter les propositions des citoyens « sans filtre », énième promesse non tenue alors que ce projet de loi constitue la dernière chance d’infléchir le cours du quinquennat, de mettre les actes en adéquation avec les grands objectifs inscrits dans nos lois – diminuer de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, et je ne parle pas de l’objectif européen.

La présentation du projet de loi a entériné l’échec de cette majorité : tous les observateurs le disent, si ce texte est adopté en l’état, nous aurons seulement accompli la moitié des efforts, qui vont en outre être renforcés. Les membres de la Convention se sont montrés critiques sur le sort réservé à leurs propositions, à juste titre.

Parlons tout d’abord des oublis. La fiscalité environnementale a été écartée alors qu’elle constitue un levier essentiel de la transition écologique. La lutte contre la pollution plastique n’est abordée qu’au travers du développement du vrac. Le phénomène est clairement sous-estimé : d’ici 2050, il y aura plus de plastique en mer que de poissons. La mer Méditerranée ne risque-t-elle pas de mourir sous ce plastique ? Autre angle mort, la gestion de l’eau. Hormis l’article 19, qui relève de l’incantation, votre texte ne propose aucune mesure pour réguler les usages de l’eau ou traiter les nouveaux polluants – médicaments ou microplastiques. Tout est occulté. De trop nombreuses mesures se limitent à des expérimentations ou prévoient des dérogations. En conséquence, on multiplie les dispositions non normatives ou celles prises par ordonnance, loin du concret.

Outre ces lacunes, je m’inquiète de votre vision descendante et centralisatrice. Le groupe Libertés et territoires est convaincu que la préservation des écosystèmes, le défi du changement climatique et les enjeux écologiques et environnementaux nécessitent un changement de paradigme dans le déploiement des politiques publiques, loin de la France centralisatrice. Il faut donner aux territoires, engoncés dans le centralisme jupitérien, les moyens de mettre en œuvre des politiques adaptées. Les enjeux ne sont pas les mêmes à Hazebrouck ou à Bonifacio. Il faut une écologie des territoires. Nous devons avancer dans cette France aux mille fromages.

Pourtant, votre texte impose des réponses nationales aux problématiques locales. S’agissant de la lutte contre l’artificialisation, nous partageons votre volonté de mettre fin à la bétonisation incontrôlée. Toutefois, en imposant uniformément une réduction de moitié de la consommation d’espaces, vous oubliez les dynamiques démographiques propres à chaque territoire. En outre, vous exposez certains territoires en forte croissance à une explosion du mal-logement et au blocage de projets d’urbanisme pourtant essentiels. Je rappelle que la France connaît une croissance démographique de 200 000 habitants par an, soit un million le temps d’un quinquennat – plus que la ville de Marseille.

Vos propositions concernant l’aménagement du territoire sont lacunaires : que faites-vous pour faciliter le confort de vie de nos concitoyens, réduire les temps de trajet et repenser notre organisation territoriale ? Il faut que qu’ils puissent accéder à l’habitat, l’emploi, l’éducation, la santé, les loisirs au sein de leur bassin de vie. Ainsi les territoires seront-ils 100 % accessibles, ce qui limitera la mobilité contrainte, une des principales causes des gaz à effet de serre.

Quant au recours abusif aux décrets et aux ordonnances concernant l’artificialisation, la rénovation énergétique, la réforme du code minier ou encore l’adaptation des territoires littoraux au recul du trait de côte, il témoigne d’une vision centralisatrice, voire d’une forme de mépris du Parlement, bien loin de l’écologie en partage que nous devons porter.

Pour autant, nous ne rejetons pas en bloc le projet de loi. Certains articles vont dans le bon sens et rejoignent des propositions que je porte depuis longtemps, comme le verdissement de la commande publique à l’article 15. Je proposerai d’aller encore plus loin.

Même si 63 % de nos amendements ont été jugés irrecevables, ceux que nous défendrons s’inscriront tous dans cette dynamique : pousser plus loin l’ambition de ce texte afin de permettre à notre pays de rattraper son retard dans la transition bas-carbone, en faisant confiance à la France des différences, à la France des territoires, loin d’un centralisme néfaste. Au vu de la gouvernance depuis 2017, j’ai quelques doutes…

M. Thierry Benoit (UDI-I). J’ai peu connu le député Olivier Dassault mais, étant député depuis trois législatures, je l’ai beaucoup observé. Au-delà de son joli parcours d’élu local, de parlementaire et de son histoire familiale, faite de capitaines d’industrie française, j’ai beaucoup de respect pour l’homme, que je voyais souvent lors des questions au Gouvernement et qui représentait une forme de classe et d’élégance à la française. Je tenais à faire part de mes sentiments attristés à sa famille, mais aussi à ses collègues députés du groupe Les Républicains.

Madame la ministre, il vous revient donc la responsabilité de remettre l’ouvrage sur le métier concernant la trajectoire dite « écologique ». Nous avons tous en tête les mouvements sociaux de novembre 2018 qui ont conduit le Gouvernement à suspendre cette trajectoire. Je parle de « trajectoire » car c’était le terme employé par votre prédécesseur, François de Rugy. Au plus fort de la crise sociale, lors des questions au Gouvernement, il avait indiqué que le Gouvernement la maintiendrait.

Au-delà de la trajectoire écologique – dont les Français comprennent les implications fiscales – nous devons avoir en tête la nécessaire trajectoire humaine et sociale. Si nous voulons que votre projet, amendé par nos propositions, soit accepté par la majorité de nos concitoyens, encore faut-il que personne ne se sente méprisé ou humilié. En 2018, la grogne, la colère et la révolte de certains de nos concitoyens étaient consécutives à des décisions qui visaient toujours les mêmes, souvent les plus faibles, celles et ceux qui travaillent dur ou ont de faibles ressources : limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure (km/h), renforcement des radars sur les routes, projet de taxation carbone du carburant, renforcement du contrôle technique des voitures, décision de suppression des chaudières au fioul à moyen terme qui touchaient nos concitoyens ruraux, non dotés d’autres formes d’énergie. Les propositions que nous allons faire doivent donc s’adosser à des mesures alternatives, sinon vous ne pourrez embarquer le plus grand nombre.

Je vous souhaite, madame la ministre, le succès de Jean-Louis Borloo lorsqu’il a fait voter à la quasi-unanimité à l’Assemblée nationale les lois du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite Grenelle I, et du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle II. Ce succès est en grande partie lié à sa personnalité. Madame Pompili, je souhaite que vous puissiez mettre suffisamment d’huile dans les rouages de nos débats pour éviter les blocages. J’aimerais que le groupe UDI-I puisse voter ce texte car, lorsque Jean-Louis Borloo a créé l’UDI, c’était pour en faire un parti proeuropéen, un parti à la fibre humaine et sociale très forte, mais aussi – et c’était en 2012 – un parti dont l’écologie était le fil conducteur du projet politique.

C’est pourquoi Guy Bricout et moi-même, qui représentons le groupe UDI au sein de cette commission spéciale, nous efforcerons d’être raisonnables, constructifs, fédérateurs tout en étant pragmatiques car l’écologie ne doit pas être uniquement conceptuelle, mais aussi opérationnelle.

Mme Mathilde Panot (FI). Voici venu le temps du bulletin de fin d’année, celui que l’on redoute et qui ne trompe pas : la Convention citoyenne a collé à votre projet de loi un 3,3/10 sur la reprise de ses mesures et une note de 2,5/10 sur le texte final. Les citoyens l’ont souligné : vous n’avez pas respecté la consigne ! Non seulement parce que leurs propositions ont été une à une sabordées, alors qu’elles devaient être reprises « sans filtre » – je cite le Président de la République – mais surtout parce que votre texte ne permettra pas d’atteindre la baisse espérée de 40 % des émissions de gaz à effet de serre.

En conseil de classe, vous avez répondu qu’il fallait prendre en compte le contrôle continu, car seul l’ensemble de vos mesures permettrait d’atteindre l’objectif de 40 %. Allons donc voir le reste du bulletin. Quelles appréciations peut-on y lire ? « Les résultats sont insuffisants. Emmanuel et son gouvernement déroulent le tapis rouge à Amazon, réintroduisent les néonicotinoïdes, refusent d’interdire le glyphosate, signent des accords de libre-échange à la récréation, donnent de l’argent de poche au secteur de l’aérien et de l’automobile sans contrepartie. Ils promeuvent le nucléaire auprès de leurs camarades, affaiblissent le droit de l’environnement, abandonnent le fret ferroviaire, multiplient les contournements autoroutiers, sabrent dans les effectifs du ministère de la transition écologique et détruisent les services publics, comme celui de l’Office national des forêts… Emmanuel et son Gouvernement présentent également de sérieux problèmes de discipline : ils trichent ! Ils baissent les objectifs de budget carbone pour 2023 dans la stratégie bas-carbone, passant de - 2,3 % à - 1,5 %, pour mieux se féliciter d’être à - 1,7 % en 2019 ! Mais surtout, Emmanuel et son Gouvernement sont très dispersés, refusent catégoriquement d’écouter en classe les remarques de l’opposition et de la société civile, jouent les durs à la pause en frappant et en gazant leurs petits camarades. »

Je suis navrée, madame la ministre, mais, même lorsqu’il s’agit du contrôle continu, vous n’atteignez pas la moyenne. C’est une véritable déception car Emmanuel Macron était pourtant très motivé au début de l’année et nous disait au sujet de la Convention citoyenne : « tout, dans cette aventure démocratique et humaine, constitue une première mondiale, autant par son ambition que par son ampleur. En neuf mois, la Convention citoyenne a renouvelé de manière inédite les formes de la démocratie et bousculé le système. Et si cette expérience est une réussite, c’est avant tout par la qualité du travail que vous avez produit. »

Tout ça… pour ça. Celui qui s’autoproclamait premier de la classe, champion de la Terre, tête d’ampoule de l’écologie, se révèle plutôt un cancre du climat. Il faut dire que tout au long de l’élaboration de leur devoir, Emmanuel et son Gouvernement ont eu de mauvaises fréquentations. On leur a soufflé que la taxe sur les dividendes « freinerait l’investissement », que l’interdiction de la publicité sur les produits polluants ou de malbouffe « entraverait la liberté », que la fin des vols intérieurs pour les trajets de plus de quatre heures lorsqu’une alternative en train est possible « ferait s’effondrer le secteur », que l’obligation de rénovation thermique des bâtiments « découragerait les propriétaires » et leur meilleur ami, Amazon, les a dissuadés de prendre en compte les entrepôts d’e-commerce dans leur moratoire « au nom de l’emploi », bien qu’Amazon détruise plus d’emplois qu’il n’en crée.

Attention aux bavardages avec les lobbys, madame la ministre ! Ils perturbent la classe – ou plutôt l’intérêt général – et c’est à cause d’eux que l’on se retrouve avec un texte lacunaire, dans lequel trois quarts des mesures de la Convention citoyenne ont été piétinées. Des lacunes, comme l’absence scandaleuse de mesures sur les forêts, comme l’interdiction des coupes rases ou le renforcement des moyens de l’Office national des forêts, formulées pourtant par la Convention citoyenne. Rien non plus sur l’eau, bien commun essentiel à la vie. Nos amendements sur ces sujets ont été jugés irrecevables, c’est-à-dire mis à l’écart du débat démocratique ; c’est honteux ! Il faudrait m’expliquer comment les forêts et l’eau n’ont pas de lien avec un texte qui traite du climat.

En définitive, d’aucuns vous diraient de vous rattraper au prochain trimestre, de poursuivre vos efforts et, pourquoi pas, de redoubler. Sauf que le dérèglement climatique est en marche, et que notre temps est compté. Vous êtes de ces élèves qui choisissent leurs matières, et celle que vous préférez, c’est la finance, la philosophie des patrons et celle des multinationales. Ce que vous appelez l’écologie du concret et du progrès n’est rien d’autre que le service après-vente du libéralisme : repousser les échéances le plus loin possible, ne pas brusquer les industriels, miser sur leur bonne volonté pour nous sortir de l’impasse, et surtout, ne pas remettre en question le système économique qui nous mène au désastre. Avez-vous un seul exemple dans le monde où la politique de la caresse a fait ses preuves ?

Ce dont notre pays a besoin, c’est d’une bifurcation écologique et solidaire. Pas d’un maigre virage verdâtre qui ne trompe personne. Pour cela, nous devons engager une rupture avec nos modèles de production et de consommation, planifier la reconversion des secteurs polluants et repartir des besoins de nos concitoyens, car il n’est pas d’écologie sans justice sociale.

Il vous reste à comprendre une chose : l’écologie est un champ de bataille. On ne peut venir contenter quelques-uns, quand notre responsabilité historique est d’éviter à toutes et tous les désastres climatiques. Il n’est pas de connivence avec les lobbys qui tienne quand il s’agit d’intérêt général. Entre les lobbys et la survie de l’espèce humaine et du vivant, il faut choisir.

M. Hubert Wulfranc (GDR). La transition écologique et solidaire est un sujet qui place la majorité dans une contradiction de fond : vous êtes adeptes d’une société libérale – ce n’est pas un jugement de valeur – et vous ne pouvez donc qu’être mis en difficulté permanente. Dès lors, vos politiques publiques en la matière entretiennent et accroissent les tensions avec et entre les Français. C’est d’ailleurs ainsi que votre décision abrupte de hausse de la taxe carbone a conduit à un mouvement social, la population ne pouvant plus supporter ces mesures qui accroissent les inégalités. Vous avez pensé surmonter cette défiance en mobilisant une Convention citoyenne pour faire des propositions.

Nouveau constat de désaveu au terme de vos arbitrages : le texte ne contient ni ambition, ni solidarité, pourtant indispensables pour mener à bien cette transition. En outre, vous vous êtes à nouveau attiré une certaine hostilité des élus locaux. Sans avoir été conviés à la concertation avec des citoyens, ils sont désormais chargés d’être les porteurs d’eau de vos mesures !

Le projet de loi que vous présentez est brouillon, source de nouveaux malentendus et, peut-être pire, de confrontations, alors que la transition écologique est indispensable, mais dans la justice sociale. Il s’agirait du texte du dernier kilomètre, de la dernière pièce du puzzle vertueux du monde d’après. Pourtant, rappelons-nous, la loi d’habilitation réformant le code du travail et la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, relative à la formation professionnelle, ont étrillé les droits des salariés et ne proposent aucune mesure pour requalifier ces derniers dans les métiers de demain. La pauvreté incommensurable du titre II du présent projet de loi témoigne d’ailleurs de votre retrait majeur sur cette question…

Souvenons-nous également de la loi ÉLAN, qui a déstabilisé notre système de logement social et a accentué le retrait de l’État de la politique de l’habitat, et de la LOM, qui a livré la SNCF à la concurrence et porte quotidiennement atteinte à la cohérence du réseau et des services publics territoriaux de transport ferroviaire. Enfin, la loi EGALIM, qui visait à assurer une rémunération juste à nos agriculteurs et l’accès pour tous à une alimentation de qualité, est un échec, et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) – entreprise de démantèlement de l’outil industriel EDF – toujours à l’ordre du jour.

Ce projet de loi du dernier kilomètre conduit notre pays à suivre, toujours et davantage, la logique des marchés et leur soi-disant autorégulation, pour être plus vert et plus social. C’est le fil rouge de votre projet de loi : pas de contraintes, pas d’obligation de résultat. Pourtant, tout démontre que les grandes entreprises et les banques du secteur privé continuent d’exploser leurs budgets d’émission de gaz à effet de serre, le dernier rapport d’OXFAM l’a encore illustré. Les plans de licenciements et de suppressions d’emplois s’y multiplient alors que l’État s’est engagé aux côtés de ces entreprises avec des dizaines de milliards d’euros, sans aucune contrepartie écologique et sociale.

Reste donc un projet de loi d’ajustement. Bien évidemment, certains sujets saillants parviennent à se frayer un chemin et, comme nos collègues de gauche, nous ferons des propositions, avec fermeté. Mais nous regrettons vivement que votre texte ne comporte pas d’engagements financiers de long terme et n’acte aucun impératif de justice sociale.

Nous nous inscrivons donc dans ce débat sans grandes illusions, tout en souhaitant que la fragilité du projet de loi ne soit pas source de nouvelles ruptures écologiques et sociales.

M. Vincent Thiébaut. Ce projet de loi s’inscrit dans une perspective d’ensemble. Je ne vais pas refaire la liste des mesures déjà portées par notre majorité : loi EGALIM, loi AGEC, loi relative à l’énergie et au climat, etc. En outre, nous sommes le premier pays au monde à avoir mis en place un budget vert, afin d’évaluer l’impact des dispositions que nous votons sur l’environnement. Nous portons aussi une ambition constitutionnelle.

Nous, parlementaires de la majorité, en sommes fiers. Je vous invite à revisionner l’audition de M. Canfin devant la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire : il soulignait que la loi AGEC était source d’inspiration au niveau européen. Nous serons également le premier pays au monde à imposer une compensation carbone aux compagnies aériennes, et un des premiers pays européens à interdire les passoires énergétiques. Cela déplaît peut-être à nos collègues, mais notre ambition est constructive et pragmatique.

Nous affichons donc cette ambition, déterminons les trajectoires, mais comment allons-nous évaluer la mise en œuvre de ces mesures, madame la ministre ? Comment y associer le Parlement ? J’en profite pour saluer l’amendement porté par la présidente et le rapporteur général pour y associer également le Haut Conseil pour le climat, créé durant ce quinquennat.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Madame la ministre, vous avez indiqué que le présent projet de loi était le fruit du travail des membres de la Convention citoyenne. Je persiste à émettre de grosses réserves sur ce mode de fonctionnement mais, quitte à aller au bout de cette démarche, pourquoi avoir autant retravaillé le texte ? Élaborer la loi relève de la compétence partagée entre le législateur et l’exécutif. Or, lorsque l’on vous écoute, il semble que les parlementaires prennent vos remarques comme des invectives qu’il faudrait suivre à la lettre.

Le législateur ne serait-il qu’une chambre d’enregistrement, chargé de valider des mesures que cent cinquante citoyens tirés au sort ont souhaitées et qui, au passage, n’apprécient que peu le rendu final si l’on se réfère aux notes qu’ils vous ont attribuées ? 3,3/10 pour la prise en compte de leurs propositions, vous conviendrez que c’est assez faible…

Ici, les parlementaires échangeront, débattront sur l’opportunité de certaines mesures. Avec les députés Les Républicains, nous nous attacherons à partager des arguments pour lutter efficacement contre le dérèglement climatique. Ne nous y trompons pas, ces questions ne doivent pas faire l’objet d’un quelconque rapport de force, comme on peut le lire dans la presse. Adopter des postures pour plaire à une partie de l’électorat ne fera pas avancer cette noble cause qui, au contraire, doit nous rassembler.

Je pense notamment à de grands thèmes, comme le vrac ou l’obligation de la consigne en verre. Derrière ces belles idées, il y a des réalités plus complexes, et loin d’être aussi vertueuses qu’on le pense ! Le bilan carbone de la consigne en verre serait désastreux si l’on s’en tient à nos modes de transport actuels. Et, s’agissant des transporteurs routiers, seule la taxation semble vous préoccuper. C’est bien dommage, mais nous en discuterons longuement, car vous l’aurez compris, nous aborderons l’examen de ce texte dans un état d’esprit constructif.

Mme Delphine Batho. En préambule, je transmets mes remerciements sororaux à Delphine Bagarry, qui a fait le choix de se désister pour me permettre d’être membre de la commission spéciale.

Tenons-nous en aux faits : l’année 2020 a été la plus chaude jamais enregistrée ; les canicules sont récurrentes en France depuis 2015 ; Météo France prévoit + 3,9 °C à la fin du siècle, et + 6 °C l’été si nous n’agissons pas maintenant. Les sécheresses, les inondations, la fonte des glaciers, le dépérissement des forêts, les tempêtes Alex ou Irma, en métropole ou en outre-mer, tout cela n’est que la bande-annonce… C’est désormais un enjeu de sécurité nationale.

En outre, la France ne respecte pas l’accord de Paris pour le climat puisqu’elle explose six des neuf limites planétaires qui conditionnent l’espace de sécurité dans laquelle la vie humaine a pu se développer sur terre. Selon le rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C, dit rapport du GIEC SR15, pour rester sous la barre des 1,5 °C de réchauffement global, les gaz à effet de serre doivent diminuer de 45 % entre 2010 et 2030. Ce n’est pas le défi des générations qui viennent, mais le nôtre !

En prend-on le chemin ? Le poids moyen des voitures augmente de dix kilogrammes par an depuis cinquante ans ; le trafic aérien double tous les dix ans ; l’empreinte du numérique augmente de 8 % par an ; les incitations à la surconsommation à coups de publicité – 1 200 à 2 000 messages publicitaires par jour – polluent nos cerveaux ; 6,7 millions de Français vivent dans une situation de précarité énergétique – réduire les inégalités et lutter contre le changement climatique sont donc une seule et même ambition.

Je rappelle ces faits car, permettez-moi de le dire, notre débat manque de gravité. Je rappelle ces faits car il ne s’agit pas d’un débat théorique sur le « juste milieu », entre ceux qui voudraient plus et ceux qui voudraient moins, mais d’une nécessaire efficacité, face à un compte à rebours terrible.

Ce projet de loi permet-il à la France de tenir ses engagements ? Non. Est-il fidèle aux conclusions de la Convention citoyenne pour le climat ? Non. En tant qu’écologiste, je suis en profond désaccord avec le modèle consumériste que ce texte tente de sauvegarde, et qui nous mène droit dans le mur.

Mme Valérie Beauvais. Nous traversons une crise sanitaire sans précédent dont les conséquences économiques, sociales et budgétaires sont très lourdes, et le seront davantage dans les mois et les années à venir. Pourtant, le Gouvernement ne trouve rien de mieux à faire que de soumettre à notre examen le présent projet de loi, alors même que, depuis 2017, nous avons examiné cinq projets de loi en lien avec l’économie et l’environnement : la loi EGALIM, la loi ELAN, la LOM, la loi énergie-climat et la loi AGEC, qui auraient dû permettre à notre pays de progresser en matière climatique, sur la mobilité ou encore le gaspillage alimentaire.

Ce nouveau texte nous propose de tout recommencer, alors même que certaines mesures votées ne sont pas entrées en vigueur, faute de décrets, et qu’elles semblent insuffisantes, si je me réfère au titre du projet de loi.

Le plus flagrant, ce sont les contraintes supplémentaires que devront supporter les entreprises déjà soumises à rude épreuve. Ainsi, à l’article 15, l’intégration de considérations relatives à l’environnement dans les conditions d’exécution d’un marché public va pénaliser les petites entreprises. L’article 16 renforce le rôle du comité social et économique et oblige les entreprises à l’informer de toute modification d’effectifs ou des modifications juridiques de l’entreprise.

Hélas, la liste n’est pas exhaustive puisque c’est un titre complet du projet de loi, le titre II, qui est consacré à des mesures hétéroclites : formation des salariés, développement des énergies renouvelables, protection des milieux aquatiques. Pourtant, vous ne vous préoccupez ni de la gestion de la ressource en eau, ni de réformer le code minier.

Ceux qui sont à l’origine du projet de loi – les membres de la Convention citoyenne – veulent nous contraindre à vivre dans une société aseptisée, en limitant nos déplacements, en nous obligeant à suivre des régimes alimentaires nouveaux, alors qu’ils prétendent défendre la liberté sur bien d’autres sujets. Madame la ministre, comment faire pour que la transition écologique et la protection de notre environnement ne soient pas synonymes de privation de nos libertés ?

M. Dominique Potier. On peut regarder le projet de loi « Climat » comme un clair-obscur : il y a un effet lampadaire, lié à sa mise en lumière, et des angles morts – des trous noirs et une part d’ombre.

Je ne reviendrai pas sur la mise en avant de la Convention citoyenne. Elle a été si forte que l’atterrissage ressemble un peu à une forme de mépris.

On n’en finirait pas si on se mettait à raconter – j’appelle d’ailleurs à faire un mémoire de sciences politiques à ce sujet – le rendez-vous raté qu’a été la loi ÉGALIM, après des États généraux de l’alimentation qui étaient un moment assez génial.

S’agissant de l’atterrissage difficile de la Convention citoyenne, comment de si belles idées peuvent-elles être finir par être ainsi abîmées ? Il faudra inventer, lors de la prochaine législature, le continuum démocratique entre la société civile, l’autorité scientifique, le Parlement et le Gouvernement qui n’a pas vu le jour sous les présidences de François Hollande et d’Emmanuel Macron. Une invention démocratique reste à faire sur ce plan.

Entre l’écueil que représentent les collapsologues et l’illusion des petits pas, il faut trouver un chemin. Nous essaierons humblement, avec le groupe socialiste, de travailler ensemble sur trois sujets, dans les limites très étroites que nous laisse l’examen de la recevabilité.

Il faut, tout d’abord, penser aux territoires et à la planète : on ne doit jamais penser franco-français, en se limitant à nos querelles picrocholines. Efforçons-nous d’élargir l’angle, en passant, par exemple, de la question du repas hebdomadaire végétarien à celle de la montée de la famine dans le monde en lien avec le changement climatique.

Il faut également penser au-delà du carbone – et on revient ainsi aux questions agricoles. L’obsession du carbone peut casser la sécurité alimentaire et la biodiversité, qui est notre assurance vie. Il va falloir penser globalement et se doter d’instruments pour y parvenir.

Enfin, on doit penser aux dimensions sociales et écologiques. La première cause du gaspillage des ressources, ce sont les inégalités. Celles qui existent en bas ont été rappelées – tout le monde ne peut pas accéder au même mode de vie. Mais il faut également souligner que, de l’autre côté, 1 % de l’humanité consomme actuellement plus de carbone que 50 % de l’humanité.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. L’examen de ce texte est un grand moment pour notre Assemblée et notre démocratie. Il s’agit, en effet, d’une étape importante pour un projet inédit où se rencontrent démocratie participative et démocratie représentative. À nous, maintenant, d’être à la hauteur des enjeux écologiques, économiques et sociaux, qui sont décisifs pour notre avenir. Nous devons, pour cela, faire le choix d’une écologie positive et incitative, d’une approche fondée sur des critères objectifs.

L’article 9 du projet de loi est particulièrement parlant. Cibler d’une manière disproportionnée les imprimés publicitaires reviendrait à soutenir la publicité numérique dont nous savons désormais qu’elle est polluante. L’empreinte carbone du numérique est une problématique dont le Gouvernement s’est saisi dans le cadre de la feuille de route intitulée « numérique et environnement ». Si nous ne verdissons pas le secteur du numérique, celui-ci représentera 7 % de nos émissions de CO2 dans vingt ans. Le papier, en revanche, est une matière végétale, écologique et recyclable. À partir de 2023, tous les prospectus et catalogues publicitaires seront imprimés sur du papier recyclé ou issu de forêts gérées durablement : une loi que nous avons votée le prévoit.

J’invite, chers collègues, à se référer au bon sens – vous avez eu raison d’insister sur ce point, madame la ministre – mais aussi à respecter l’esprit de cohérence dans lequel doit s’inscrire ce texte. Il faut faire preuve de cohérence avec l’objectif de neutralité carbone, avec la législation existant déjà en matière d’écologie et avec nos voisins européens, qui misent avant tout sur le renforcement de dispositifs similaires à « Stop Pub ».

M. Vincent Descoeur. La mission d’information sur la rénovation thermique des bâtiments, que j’ai eu l’honneur de présider et dont notre collègue, de la majorité, Marjolaine Meynier-Millefert était la rapporteure, a pointé du doigt l’inadéquation entre les objectifs ambitieux fixés dans le cadre de la lutte contre le changement climatique et les moyens disponibles : ces derniers sont insuffisants, malgré les efforts consentis dans le plan de relance.

L’ambition affichée se heurte à l’écueil du financement du reste à charge, qui est encore trop élevé pour une grande majorité des ménages, en particulier dans la perspective de rénovations globales. Si on ne parvient pas à faire la démonstration que le reste à charge sera couvert par les économies d’énergie réalisées et qu’il sera suffisamment lissé dans le temps pour être supportable, il y a tout lieu de craindre que nous ne pourrons pas convaincre nos concitoyens de s’engager dans des travaux de rénovation et d’adhérer à l’ambition nationale

La question des moyens mobilisables pour accompagner nos concitoyens et parvenir à une massification des travaux se pose d’une manière aiguë, de même que la question de la pérennité de ces moyens au lendemain du plan de relance. Il nous a été répondu que le Gouvernement avait confié une mission à Olivier Sichel, directeur de la Banque des territoires. Il est chargé de « piloter une task force » et de faire des propositions pour massifier le financement d’ici à la mi-mars. Si l’idée peut être jugée intéressante, convenez que le calendrier est pour le moins discutable. C’est faire peu de cas de la représentation nationale car nos travaux débutent avant que les conclusions de cette mission, portant sur la question centrale du financement, aient été rendues publiques. Par ailleurs, les amendements relatifs au financement, notamment celui du reste à charge, pourraient bien être écartés au titre de l’article 40 – je ne le souhaite pas, bien sûr, mais je le redoute.

Mme Chantal Jourdan. Je voudrais souligner, pour commencer, que ce n’est pas la « journée de la femme » aujourd’hui, mais la « journée internationale des droits des femmes » (Applaudissements sur divers bancs).

Alors que nous entamons l’examen de ce texte qui devait consacrer les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, le constat est inquiétant. Comme nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, le texte initial manque clairement d’ambition. Il ne permettra pas d’atteindre les objectifs fixés pour la réduction des émissions de CO2. Nous savons, bien entendu, qu’il forme un « paquet » avec des lois précédentes ou des dispositions réglementaires mais il est évident, lorsqu’on regarde l’ensemble, qu’il faut aller beaucoup plus loin.

Le groupe Socialistes et apparentés a souhaité adopter une position positive en déposant des amendements qui visent à renforcer le texte. Nous voulons l’améliorer, notamment en traitant des sujets qui ne sont pas abordés alors qu’ils nous semblent fondamentaux pour la lutte contre le changement climatique. La question du numérique, par exemple, nous paraît importante : ce secteur émettra près de 7 % des gaz à effet de serre dans vingt ans. L’éducation à la sobriété numérique est déjà indispensable. Une même attention doit être portée à la question des forêts et de la valorisation de leurs ressources. Nous regrettons l’irrecevabilité prononcée à l’égard de certains amendements.

Je tiens à mentionner un autre sujet qui nous paraît essentiel : celui de la formation et de l’adaptation de notre société aux évolutions des métiers. Il faut, en particulier, une préparation solide et sérieuse aux évolutions dans le secteur de l’emploi. En travaillant sur ce point, nous pourrons également nous assurer de répondre aux demandes exprimées par les Français dans des secteurs tels que la rénovation thermique, les énergies renouvelables et l’agriculture, qui doit être liée à son territoire.

M. Julien Aubert. Ce texte est né d’une crise : celle des gilets jaunes, ces Français qui en avaient marre des taxes et des normes. Le point d’arrivée est ce projet de loi, survenu au beau milieu d’une crise économique et sociale majeure, mais qui devrait faire plaisir à ceux qui trouvent que les ambitions de ce texte sont trop faibles. Je rappelle que les émissions de CO2 ont diminué de 7 % en 2020 au niveau global et de 15 % en France, pour un coût total de 194 milliards d’euros. Malheureusement, cela ne suffira pas à atteindre les objectifs de l’accord de Paris : il faudrait dix années de covid pour y arriver. J’invite à réfléchir aux ambitions que nous nous sommes fixées.

La crise sanitaire et économique est là, et il faut mesurer le texte à cette aune. Il créerait des taxes – l’écotaxe régionale ferait son retour, ainsi que le prévoit l’article 32, avec une subtilité consistant à se donner deux ans, histoire de sauter l’élection présidentielle – il paralyserait le bâtiment, avec l’objectif de zéro artificialisation nette qui aurait notamment des effets sur le monde rural, alors que le secteur de la construction connaît une baisse de l’activité de 15 %, il paralyserait l’industrie, avec l’épouvantail de l’écocide, alors que France Stratégie rappelle que la France a l’économie la plus désindustrialisée du G7, il paralyserait le secteur aérien, alors qu’Air France a perdu 67 % de ses passagers l’an dernier, ce qui est du jamais vu, et il paralyserait la location, avec les mesures concernant les passoires thermiques, alors que la Fondation Abbé Pierre explique que l’attribution des logements HLM a baissé de 20 % en 2020 et qu’il y a une hausse massive des sans-abri. Nous devons donc aborder ce texte avec prudence.

J’ajoute qu’il y a un problème d’ambition : vous proposez, en vrac, des mesures symboliques et idéologiques. Ne croyons pas que c’est Stop Pub, l’interdiction de la publicité par avion, les menus végétariens ou le vélo qui nous permettront de respecter l’Accord de Paris.

La méthode me pose également problème. La loi Évin et la prohibition ne sont pas mon modèle. Le tirage au sort et le sans-filtre, sachant que le filtre est le Parlement, ce n’est pas non plus mon modèle. Citons Hugo : « Le plus excellent symbole du peuple, c’est le pavé. On marche dessus jusqu’à ce qu’il vous tombe sur la tête. »

M. Gérard Leseul. Nous examinons enfin le projet de loi « Climat et résilience » qui nous met tous face à nos responsabilités pour préparer le monde dans lequel nous voulons vivre demain. Beaucoup de choses ont déjà été dites par Mme la ministre, les rapporteurs et les précédents intervenants sur l’ampleur du défi à relever, la gravité de la situation et surtout l’urgence d’agir fortement pour engager une réelle dynamique sociale et environnementale.

Je prendrai l’exemple concret du transport pour illustrer les limites du texte, qu’il faut dépasser. C’est le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre – il représente plus de 30 % du total dans notre pays, et les véhicules particuliers sont à l’origine de 60 % des émissions de dioxyde de carbone du transport routier. La conversion du parc automobile est un enjeu aussi bien économique et social qu’écologique. Il faut des réponses concrètes pour permettre à nos concitoyens de changer de modèle et de s’orienter vers des véhicules propres. Une articulation ambitieuse entre la prime à la conversion, un véritable prêt à taux zéro et le développement de la mobilité collective au quotidien est nécessaire.

Offrons à nos concitoyens une véritable alternative en assujettissant les transports en commun et les billets de train au taux réduit de TVA de 5,5 % tout en maintenant et en améliorant notre réseau de petites lignes, qui démontre, à l’heure de la transition, qu’il a une utilité renouvelée et même un caractère indispensable. Il faut revoir à la hausse nos investissements en matière de transport individuel et permettre un véritable report modal du transport de marchandises vers le ferroviaire. Les 650 millions d’euros du plan de relance ne suffiront pas. Par ailleurs, il est très surprenant que nous soyons l’un des plus faibles utilisateurs du fret fluvial alors que nous avons 8 500 kilomètres de voies navigables et le plus long réseau d’Europe.

Voilà quelques exemples concrets de leviers à utiliser pour réussir notre transition vers un modèle plus durable. Le groupe Socialistes et apparentés défendra une écologie de la raison et des solutions, sans renoncement aux libertés et sans surenchère punitive.

M. Hubert Wulfranc. Merci de me redonner la parole, madame la présidente. J’y vois une ouverture (Sourires). Je voudrais apporter à Mme Motin un éclairage sur ce que j’ai dit tout à l’heure. Cela me permettra d’enfoncer un peu le clou et de rejoindre Mme Jourdan à propos de la transition concernant les emplois et les métiers.

Selon la page 162 de l’étude d’impact, « l’instauration d’une taxe supplémentaire, aux seules actions de formation de salariés ou d’accompagnement d’entreprise confrontés à des enjeux de transition écologique, n’a pas été retenue ». On nous explique que « toute taxe supplémentaire aurait augmenté le taux de contribution des entreprises, équivalant à 1,68 % de la masse salariale annuelle pour les entreprises de plus de 11 salariés et à 1,23 % pour les entreprises de moins de onze salariés », soit un petit pactole de 9,6 milliards d’euros. On nous dit aussi que la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel avait réaffirmé que « la réaffectation des montants relatifs à la formation professionnelle devait être effectuée à ressources constantes, sans augmenter le poids des contributions ».

Vous ne prévoyez pas d’effort au sujet de cet enjeu majeur à la fois en matière économique et sociale et pour la transition écologique.

Mme Barbara Pompili, ministre. Merci pour ces nombreuses interventions. Je ne détaillerai pas tout – sinon, nous serons encore là dans quinze jours, sans même avoir commencé à examiner les amendements… J’aurai l’occasion de répondre précisément à toutes les questions au cours des débats.

Je remercie M. le rapporteur général ainsi que Mmes et MM. les rapporteurs pour leur énorme travail de préparation. J’ai bien conscience, pour avoir pratiqué cet exercice dans une vie précédente, de ce que cela implique – il faut essayer d’entendre tous les avis et de concilier les points de vue pour trouver des terrains d’atterrissage partagés. Je sais aussi ce que c’est d’avoir à gérer des milliers d’amendements dans un délai très court. Je voudrais saluer votre travail et l’esprit constructif qui prévaut. C’est très productif, et cela devrait nous permettre de faire de belles choses. Je n’irai pas plus loin, à ce stade, dans les réponses à vos interventions, mais je note que vous avez des propositions d’amélioration tout à fait intéressantes et pertinentes.

Merci à Marie Lebec pour le soutien du groupe La République en Marche. Elle a également souligné l’importance du travail préparatoire qui a eu lieu : le fait que 370 acteurs de la société ont été auditionnés, sous différentes formes, montre que le travail réalisé en amont de la Convention citoyenne et lors de la préparation du présent texte a été poursuivi à l’Assemblée. Cela permet d’avoir des propositions pour améliorer le projet de loi – des mesures concernant la planification, des outils concrets ou encore d’autres mesures, notamment des indicateurs, pour assurer un suivi de la loi. C’est tout à fait dans l’état d’esprit de ce que nous voulons.

Je relève aussi, avec grand plaisir, que je n’ai entendu dans cette salle, sur tous les bancs, qu’une volonté d’augmenter encore l’ambition du texte.

M. Erwan Balanant. Sauf peut-être chez M. Aubert.

Mme Barbara Pompili, ministre. Même chez lui. C’est quelqu’un de très ambitieux, je n’ai aucun doute là-dessus (Sourires).

Cela nous permettra d’avancer et de répondre à tous ceux qui disent que nous risquons, collectivement, d’être mangés par les lobbys, de réduire l’ambition du texte. Après vous avoir écoutés, je suis rassurée : ce texte ne pourra être qu’enrichi et amélioré. Mais je n’avais aucun doute sur ce point, vous n’avez fait que conforter cette certitude.

M. Sermier a parlé avec son cœur, comme toujours. Il nous a assuré que le groupe Les Républicains était prêt à jouer tout son rôle en tant que force de proposition au sujet de ce texte. Je suis évidemment très attentive à toutes les propositions que les groupes d’opposition pourront faire pour améliorer encore le projet de loi – vous le savez car nous avons déjà eu l’occasion de travailler ensemble. Il faudra également que je vous rassure sur certains points sur lesquels vous avez demandé des éclaircissements – vous pensez que nous n’avons pas encore tout dit, notamment en ce qui concerne les risques de taxation-répression de l’inventivité et du développement économique. Ne vous inquiétez pas : nous voulons que la transition écologique soit l’occasion de développer de nouvelles filières, de créer des emplois, de transformer des territoires. C’est aussi de cette manière que nous entraînerons tout le monde derrière nous. Des jeunes ont besoin d’avoir des perspectives. Ce qu’on fait en disant qu’on s’attaque au changement climatique permet aussi de leur redonner de l’espoir. On va relever le défi en leur proposant et en leur permettant de participer.

Merci à Mme Lasserre pour son soutien et pour celui du groupe MODEM. Je tiens à répondre tout de suite à la question de l’effet de la transition écologique sur l’emploi, qui a été posée par plusieurs d’entre vous. Il est, bien sûr, question de « transition », et toute transition fait des gagnants et des perdants. Néanmoins, on constate d’ores et déjà que la transition écologique est très pourvoyeuse d’emplois. Nous avons des chiffres sur les éco-activités : elles sont dynamiques et représentent près de 563 000 emplois en équivalents temps plein, soit 2,1 % de l’emploi total français. L’emploi dans l’économie verte a augmenté de près de 16,5 % entre 2008 et 2017, contre seulement 2 % dans l’ensemble de l’économie. L’emploi au sein des éco-activités augmente fortement depuis 2016 : la hausse était de 5,8 % en 2017 et de 4,4 % en 2018. Au-delà, la transition écologique favorise le verdissement de tous les emplois.

Les évaluations réalisées montrent que les politiques bas-carbone conduiront à une création nette de plusieurs centaines de milliers d’emplois, non délocalisables, d’ici à 2030. Des activités seront amenées à disparaître durant la transition, comme les centrales à charbon, et d’autres secteurs devront se transformer, et ils sont en train de le faire, par exemple ceux de l’automobile, de la construction et de l’agriculture, mais les pertes seront plus que compensées par le dynamisme de la création d’emplois directs dans les nouveaux secteurs de l’économie.

Notre rôle est de faire en sorte que les mutations soient accompagnées mais aussi anticipées pour qu’il n’y ait pas de territoires qui se retrouvent en difficulté – notamment ceux concernés par une seule activité. C’est tout le travail que nous avons à faire, à la fois en tant que législateur et en lien avec les territoires. Le travail portant sur les contrats de relance et de transition écologique peut notamment permettre d’accompagner les territoires, mais il y a beaucoup d’autres outils. C’est cela, pour moi, l’écologie des solutions.

On a toujours le sentiment d’inachèvement évoqué par M. Garot. C’est d’autant plus vrai que l’examen du projet de loi n’a même pas encore commencé… Je confirme que tout n’est pas achevé ou réglé à ce stade. Nous travaillons à un renforcement de l’expertise dans certains domaines pour améliorer le texte au cours de son examen au Parlement – je pense notamment à la publicité et à la rénovation des logements. Nous allons continuer et faire de ce texte une belle réussite.

Quant aux insuffisances qui ont été pointées, j’attends de chacun qu’il fasse des propositions. Nous les regarderons et nous essaierons d’apporter des améliorations. S’agissant des objectifs pour le climat, ce projet de loi ne doit pas être considéré isolément : sinon on n’a pas la vraie grille de lecture. Il faut regarder l’ensemble des mesures. Dans certains cas, c’est inachevé : je viens de le dire à propos de la rénovation des logements. Le bâtiment représente un quart de nos émissions de gaz à effet de serre. Il faut absolument accrocher à cette loi certaines mesures pour atteindre les objectifs. Je suis d’accord avec vous : sans cela, ce sera compliqué, notamment pour l’accompagnement personnalisé de ceux qui veulent s’engager dans une rénovation globale. Nous avons besoin de sortir des incantations et d’entrer dans le réel sur ce point. On peut fixer tous les objectifs qu’on veut, mesdames et messieurs les députés, mais si on n’arrive pas à les cranter dans le réel en accompagnant suffisamment les personnes, on se paie de mots, on se fait plaisir en votant : derrière, cela ne suit pas.

Les moyens sont-ils insuffisants ? Nous pourrons en débattre mais nous venons de mettre 30 milliards d’euros sur la transition écologique dans le plan de relance. La question est de savoir, notamment en ce qui concerne le logement, comment on fait pour continuer l’effort afin d’atteindre nos objectifs, notamment l’interdiction de la location des passoires thermiques. Je veux bien qu’on regarde tout mais il y a des moyens, notamment dans le plan de relance et dans le cadre d’autres mesures, fiscales ou en matière d’emploi.

Merci, monsieur Herth, pour les encouragements de votre groupe. Les propositions que vous avez faites à propos de l’évaluation me paraissent importantes. C’est un sujet dont nous discuterons beaucoup : de nombreuses propositions ont été faites de part et d’autre. Il faut trouver un atterrissage nous permettant de compléter l’évaluation parlementaire, à laquelle je suis attachée. C’est un aspect très important, qui fait partie de la mission des parlementaires : ils ne sont pas là seulement pour légiférer mais aussi pour contrôler. C’est absolument essentiel pour le respect de nos institutions et pour la démocratie.

S’agissant de la compensation, nous regarderons sur quelles propositions on peut avancer.

Vous avez dit que la biodiversité ne doit pas être la grande oubliée. La mission confiée aux membres de la Convention citoyenne était de travailler sur le climat. C’est pourquoi la question de la biodiversité a été moins regardée : elle n’était pas dans le mandat de départ. Il n’empêche que l’on ne peut plus séparer ces deux sujets, car ils sont intimement liés, on le voit de plus en plus. L’un a une influence sur l’autre. Les scientifiques constatent par ailleurs que les atteintes à la biodiversité peuvent aussi avoir des conséquences sur notre santé. La crise de la covid en est, malheureusement, le plus terrible exemple. Si cette crise nous permet au moins de comprendre qu’on ne peut plus faire n’importe quoi avec nos forêts, avec la déforestation d’une manière générale ou avec le trafic de certaines espèces, et si cela nous permet de prendre des mesures, notamment en ce qui concerne les chaînes d’approvisionnement commerciales et les stratégies de commande publique, ce serait très important.

Il a aussi été question de libertés publiques tout à l’heure. On voit malheureusement ce qui arrive quand on porte atteinte à la biodiversité et à notre santé : les questions de libertés se posent tout de suite. Tout est lié.

Nous allons, bien sûr, regarder les propositions que vous faites à propos de la biodiversité. Des mesures sont prévues dans le texte, notamment en ce qui concerne les espaces protégés et la déforestation. On pourra voir si on peut encore améliorer le projet de loi, sachant que tout n’y figure pas : nous prenons à côté beaucoup d’autres mesures, au niveau national ou international. Je pense notamment aux stratégies qui ont été présentées par le Président de la République lors du One Planet Summit, qu’il s’agisse des aires protégées ou de l’initiative Prezode, qui vise à mettre en place un réseau scientifique d’observation sur les questions de zoonose. Nous avons une stratégie globale.

Je rappelle à M. François-Michel Lambert que la loi AGEC a fixé des objectifs très ambitieux en ce qui concerne la pollution par les plastiques et que des textes d’application sont en train d’entrer en vigueur, notamment le fameux décret « 3R » sur les plastiques à usage unique. Nous pourrons entrer davantage dans le détail mais dire qu’on ne fait rien dans ce domaine me paraît un peu exagéré. Je crois que nous aurions tous intérêt à dire les choses telles qu’elles sont, pour voir ce qui va et ce qui ne va pas, en sortant des caricatures – car cela ne permet pas de débattre sereinement.

Ce que nous essayons de faire dans ce projet de loi est exactement l’inverse d’une vision descendante et centralisatrice. Nous donnons beaucoup de missions aux collectivités, nous leur faisons confiance, que ce soit pour la régulation de la publicité, la mise en place des zones à faibles émissions ou la déclinaison de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Nous voulons que les collectivités puissent s’emparer de certains outils, en fonction des spécificités de leur territoire. Je m’inscris donc complètement en faux contre l’idée qu’il y aurait une vision descendante. Nous souhaitons au contraire que le combat commun que nous menons puisse être adapté à chaque territoire. C’est la pensée écologiste de base : penser global, agir local.

Vous pouvez compter sur moi, monsieur Benoit, pour mettre de l’huile dans les rouages. Je suis sérieuse et très convaincue quand je dis que si on veut y arriver, il faut qu’on entraîne tout le monde. On n’arrivera jamais à le faire pour absolument tout le monde, mais on ne peut laisser personne penser qu’il serait exclu de la transition. Je suis écologiste depuis vingt ans, et je défends certaines mesures depuis des années, mais je me rends compte que si je le fais sans avoir réussi à mettre tout le monde autour de la table, pour qu’on parte ensemble, on n’y arrivera pas. Les gilets jaunes doivent tous nous interpeller.

C’est une question de méthode et non d’objectifs. Je serai toujours extrêmement ambitieuse en ce qui concerne les objectifs mais je crois qu’on n’aura pas de résultats si on ne travaille pas sur la méthode. Or il faut qu’on ait des résultats à la fin. Nos enfants nous regardent. Non, je ne réduirai pas l’ambition mais, oui, j’emploierai toutes mes forces pour réussir à avancer tous ensemble et pour faire en sorte que personne ne soit laissé sur le bord du chemin. Cela prendra peut-être un tout petit peu plus de temps, mais ce sera mieux, si on y arrive, que de prévoir des objectifs très forts et d’être obligé de revenir dessus. En revanche, il faut aller le plus vite et le plus loin possible tous ensemble. J’espère que nous y parviendrons en travaillant main dans la main. Je m’y emploierai et j’y passerai tout le temps qu’il faudra.

Mathilde Panot, nous serons récompensés grâce au contrôle continu : comme je le dis à ma fille, qui passe son bac cette année, ce n’est qu’à la fin que l’on sait si l’examen est réussi. Je suis persuadée que nous aurons les félicitations du jury !

Plus sérieusement, si des propositions concernant la forêt ne se retrouvent pas dans le projet de loi – notamment celles qui ont trait aux coupes rases, sujet qui est cher, à juste titre, à Anne-Laure Cattelot –, c’est parce que cette question n’est pas de nature législative. Par ailleurs, parmi les amendements déposés, certains ont dû être revus car ils ne prenaient pas en compte les diversités locales. Mais, avec Bérangère Abba et Julien Denormandie, nous vous présenterons le plus vite possible des éléments de réponse afin que vous puissiez en prendre connaissance pendant l’examen du texte et proposer des mesures complémentaires s’ils ne vous paraissent pas suffisants.

Au demeurant, la forêt, je le rappelle, est prise en compte dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Ainsi, le plan de relance consacre 300 millions à son adaptation. Quant à la stratégie nationale pour les aires protégées, instaurée dans le projet de loi, elle prévoit de mettre sous forte protection 250 000 hectares de forêt. Nous avons également pris bonne note de vos propositions concernant son rôle de puits de carbone, la diversification des essences ou la libre évolution. Nous prendrons le temps nécessaire pour élaborer, d’ici à la séance publique, les meilleures rédactions. Vous pouvez compter sur moi : nous trouverons des solutions aux problèmes de la forêt.

Si la politique de la caresse ne fonctionne pas, madame Panot, celle de la baffe n’est pas plus efficace. Nous allons donc tenter de trouver une solution intermédiaire.

Hubert Wulfranc, la transition écologique est solidaire par essence. Pour ma part, je n’ai pas perçu d’hostilité de la part des élus locaux, au contraire. Lors des nombreux échanges que nous avons eus avec leurs organisations, ils ont exprimé le souhait que nous clarifiions certains points du texte – ce que nous ferons par voie d’amendement – mais, dans l’ensemble, ils prennent acte de notre volonté de leur faire confiance. Certes, d’aucuns nous disent qu’ils seront attentifs aux moyens dont ils disposeront. Mais, des moyens, nous leur en donnons. Je sais qu’ils en ont besoin notamment pour le contrôle des zones à faibles émissions (ZFE) ; nous y travaillons.

Vincent Thiébaut, nous devrons avoir adopté, au terme de l’examen du projet de loi, un dispositif de suivi des mesures accepté par tous.

Sylvie Bouchet Bellecourt, sachez qu’en tant qu’ancienne députée, je suis extrêmement attachée au rôle du Parlement, lequel ne doit jamais être une chambre d’enregistrement. Vous pouvez compter sur moi pour être fidèle à cet état d’esprit et pour me déclarer favorable aux améliorations qu’il proposera. Je serai ainsi évidemment attentive aux apports de votre groupe.

Delphine Batho, vous avez rappelé des faits qui ne sont pas discutables. La question qui se pose est celle de savoir comment y faire face : on doit non seulement avoir une volonté politique de fer – volonté que nous partageons, me semble-t-il – mais aussi se donner les moyens de parvenir à ses objectifs. Nous pouvons avoir des divergences sur la méthode mais, comptez sur moi : tout ce que je peux faire, je le ferai. Et je vous demande de faire, de votre côté, tout votre possible pour m’y aider. Nous sommes, vous l’avez dit, dans le même bateau : nous réussirons ou nous nous planterons, tous ensemble. Mais si nous échouons, nous le paierons très cher.

Valérie Beauvais, si nous ne nous préparons pas au changement climatique, celui-ci aura pour conséquence de réduire beaucoup de nos libertés. Le pire serait que nos enfants n’aient plus de perspectives. Ne nous privons donc pas de la liberté de choisir notre avenir ; nous en avons encore le temps, même si nous ne pouvons déjà plus faire certaines choses. Moins on agira, plus on sera contraint par les événements. Mieux vaut donc anticiper et se préparer.

Dominique Potier, je suis d’accord avec vous : il faut penser le territoire et la planète, penser au-delà du carbone, penser le social et l’écologie. Nous partageons les mêmes objectifs. Encore une fois, discutons des moyens d’y parvenir !

Marguerite Deprez-Audebert, il est évident que l’empreinte carbone du numérique évolue. À ce propos, je le précise, toutes les mesures inscrites dans le projet de loi doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale. Si le numérique a une empreinte, le papier aussi ; si la consigne a une empreinte, l’absence de consigne également... L’Ademe effectue un important travail pour identifier celles des mesures que nous voulons mettre en œuvre qui sont intéressantes au plan environnemental. Ainsi, s’il se trouve que certains types de consigne en verre ne sont pas vertueux, il faudra y renoncer – c’est une évidence. De la même manière, l’expérimentation de nouvelles règles applicables à la distribution de publicités dans les boîtes aux lettres a pour objet de déterminer ce qui peut être intéressant au plan environnemental et ce qui ne l’est pas, ainsi que les conséquences d’une telle mesure sur l’emploi. Nous n’agissons pas de manière idéologique mais de façon concrète ; il s’agit de trouver les meilleures solutions. Certaines idées qui peuvent paraître bonnes au premier abord s’avèrent mauvaises lorsqu’on y regarde de plus près ; il faut savoir les abandonner. Par ailleurs, n’oublions pas que l’empreinte du numérique est liée, à hauteur de 75 %, à la fabrication des terminaux.

Vincent Descoeur, je vous remercie pour vos travaux sur la question de la rénovation thermique. Nous avons demandé à la mission Sichel de nous fournir des réponses avant l’examen du texte en séance publique afin qu’elles puissent éclairer nos débats. Quoi qu’il en soit, le projet de loi n’est qu’au début de son parcours législatif : il doit encore être examiné en séance publique puis il sera discuté au Sénat, avant une probable nouvelle lecture – à moins que nous ne parvenions à un accord avec le Sénat sur chaque article, ce qui serait formidable ! Nous aurons donc le temps de trouver des solutions, notamment en ce qui concerne le fameux reste à charge qui, je suis d’accord avec vous, est une question cruciale. Pour que les gens s’engagent dans la rénovation de leur logement, ils doivent pouvoir supporter ce reste à charge, quelle que soit leur situation financière.

Chantal Jourdan, j’ai évoqué la question de l’emploi tout à l’heure. Bien entendu, nos travaux ne se limitent pas au projet de loi : nous discutons également avec les partenaires sociaux. Élisabeth Borne réfléchit beaucoup à la question de la formation, notamment dans le cadre des métiers en transition. Le projet de loi trace des perspectives et des trajectoires, afin que les entreprises, en particulier celles du secteur de la rénovation des bâtiments, y voient clair et soient incitées à investir, à développer des compétences.

Julien Aubert, paralyser ? Non. Au contraire : agir, faire évoluer les choses ! Nous en rediscuterons.

Gérard Leseul, tout l’enjeu, en matière de mobilité comme dans les autres domaines abordés dans le texte, est de ne laisser personne sans solution. Chacun doit pouvoir se déplacer, où qu’il habite, quelle que soit sa situation sociale ou son état de santé. Ainsi, la personne à qui l’on demande de ne plus utiliser une voiture polluante doit avoir un éventail de solutions à sa disposition. C’est l’objet notamment de l’aide dont peuvent bénéficier ceux qui souhaitent changer de véhicule, y compris pour un véhicule d’occasion – car n’oublions pas que beaucoup de personnes n’ont pas les moyens d’en acheter un neuf – du développement des transports en commun – outre les crédits du plan de relance, le schéma d’infrastructures de la loi mobilité nous permet de hiérarchiser les travaux à venir – ou de la réflexion sur le fret.

En conclusion, je vous remercie beaucoup pour toutes vos contributions ; je souhaite que nos débats se poursuivent dans cet état d’esprit constructif.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je vous remercie. Nous nous retrouverons à vingt et une heures pour aborder l’examen des articles du projet de loi.

 

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