Compte rendu

Commission d’enquête
chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France
et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament

– Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co-président de La Fabrique de l’Industrie, accompagné de M. Vincent Charlet, délégué général de La Fabrique de l’Industrie et de Mme Sonia Bellit, cheffe de projet              2

 Présences en réunion..............................14

 


Mercredi
29 septembre 2021

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 5

session ordinaire de 2021-2022

Présidence de
M. Guillaume Kasbarian,
président

 


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Commission d’enquÊte chargÉe d’identifier les facteurs qui ont conduit À la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de dÉfinir les moyens À mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du mÉdicamenT

Mercredi 22 septembre 2021

La séance est reprise à 16 heures 20.

(Présidence de M. Guillaume Kasbarian, président de la commission)

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La commission d’enquête chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament procède à l’audition des représentants de La Fabrique de l’industrie.

M. Guillaume Kasbarian, président de la commission d’enquête. Nous recevons une délégation de la Fabrique de l’industrie, laboratoire d’idées créé en 2011 et financé par plusieurs fédérations professionnelles, à savoir l’Union des industries et des métiers de la métallurgie, le Cercle de l’industrie, le Groupe des fédérations industrielles, rejoints depuis par le Groupe des industries métallurgiques et le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales.

Nous avons donc le plaisir de recevoir :

– M. Louis Gallois, co-président de La Fabrique de l’industrie, qui est notamment ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement et à ce titre auteur en 2012 du rapport Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, et président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée ;

– M. Vincent Charlet, délégué général de La Fabrique de l’industrie ;

– Mme Sonia Bellit, cheffe de projet.

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, Madame et Messieurs, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

M. Louis Gallois, M. Vincent Charlet et Mme Sonia Bellit prêtent serment.

M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co-président de La Fabrique de l’Industrie. Souhaitez-vous que j’insiste particulièrement sur les causes de la désindustrialisation ou sur les remèdes à y apporter ?

M. Guillaume Kasbarian, président de la commission d’enquête. Nous ne vous imposons aucun thème pour votre exposé liminaire et les interventions de notre rapporteur et de nos collègues orienteront probablement davantage le débat.

M. Louis Gallois. Bien qu’il soit complexe à établir, le diagnostic n’est pas inutile. La désindustrialisation française s’est produite au rythme le plus élevé des pays avancés et ce phénomène doit nous interpeller. Il n’existe pas une cause unique, mais des causes multiples.

Les charges ont largement pesé sur les industries. Bien que de nombreuses actions aient été menées depuis 2012 et jusqu’au dernier plan de relance pour réduire ces charges, elles restent probablement supérieures aux charges appliquées chez nos principaux concurrents européens.

La seconde cause avancée réside dans la solidarité du tissu productif. Le meilleur exemple de solidarité – peut-être, d’ailleurs, l’unique exemple – est celui de l’industrie aéronautique.

L’accrochage entre la recherche et développement (R&D) et l’industrie représentait une vieille carence française qui a pesé dans le passé, mais pèse moins dorénavant parce que des efforts ont été apportés au rapprochement de l’industrie et de la recherche. Cependant, nous subissons un héritage de séparation et d’absence de dialogue qui a été une des causes de certaines de nos difficultés.

La bureaucratie est trop lourde. Le délai d’obtention d’une autorisation d’implantation d’une usine est trop long.

L’instabilité de la réglementation financière et fiscale s’avère dirimante. Chaque année, le crédit d’impôt recherche (CIR) génère un débat, au demeurant parfaitement légitime. Pour autant, du point de vue des industriels, ce débat signifie que le CIR n’est jamais considéré comme définitivement stabilisé. Dès lors, la décision de localisation de leurs capacités de recherche doit tenir compte de cette incertitude, renouvelée chaque année.

Le dialogue social est insuffisant. Nous sommes à la veille de transformations très profondes de notre industrie et nous aurons besoin d’un dialogue social, de partenaires qui se parlent plus qu’ils ne le font actuellement, et dans une recherche de perspectives communes. Dans l’industrie automobile, le virage de la voiture électrique nécessite et nécessitera un dialogue social intense parce qu’il ne se produira pas sans de profondes difficultés sociales.

Enfin, je pense que nous avons géré la macroéconomie sans mesurer son impact sur l’industrie. Dans les années quatre-vingt-dix, alors que l’Allemagne devait payer sa réunification, l’accrochage du franc au deutsche mark s’est traduit par des taux d’intérêt extrêmement élevés. Ce phénomène a beaucoup pesé sur l’industrie française qui était plus endettée que l’industrie allemande. Nous avions signé les accords de Maastricht ; comme les Allemands avec les « réformes Hartz », il nous appartenait d’en tirer les conséquences. À l’inverse, nous avons imposé les trente-cinq heures qui ont accru les charges des entreprises. Si la politique macro-économique était parfaitement justifiable, nous n’en avons pas tiré les conséquences dans notre politique industrielle. Nous l’avons payé cher et la décennie 2000 a été terrible et particulièrement traumatisante pour l’industrie.

À partir de 2010, la préoccupation industrielle est remontée grâce à l’initiative du Président Nicolas Sarkozy de lancer le grand emprunt et la création des pôles de compétitivité, à la suite du rapport de M. Christian Blanc. Nous avons alors pris conscience que nous étions au bord du gouffre. Cette initiative s’est concrétisée en différentes étapes : le pacte de compétitivité, le pacte de responsabilité, les lois sur le code du travail, la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite « loi PACTE » et le plan de relance. Nous avons manifestement changé de braquet ; c’était urgent et nécessaire.

Alors, comment vont s’articuler dorénavant la relocalisation, la souveraineté, la transition énergétique ? Comment l’industrie française peut-elle en tirer le meilleur ? Cela s’avérera d’autant plus complexe que nous partons avec un handicap, à savoir que la base industrielle française est désormais rétrécie. Elle représente 10 % du produit national brut (PIB) versus 20 % en Allemagne. La valeur ajoutée de l’industrie française représente le tiers de la valeur ajoutée de l’industrie allemande, soit moins que l’industrie italienne.

Quels sont alors nos objectifs en matière industrielle ? La France affiche des coûts élevés et elle restera un pays à coûts élevés, à l’instar de l’ensemble des pays avancés. Je pense donc qu’il serait vain de nous battre uniquement sur les coûts. Nous sommes d’autant plus sensibles aux coûts que notre industrie se situe sur la moyenne gamme, celle qui expose le plus à la concurrence des pays hors d’Europe. La force de l’industrie allemande réside dans son positionnement sur le haut de gamme, sur des produits qu’on n’achète pas en fonction de leur prix, mais en fonction de leur réputation, de leur qualité et de leur technologie. Il importe que nous nous écartions de cette nasse.

Dès lors, la relocalisation ne doit pas consister à revenir à l’industrie telle que nous la pratiquions il y a vingt ans, mais à construire l’industrie de demain.

Cette industrie française devra être technologique et elle nécessitera de faire progresser notre effort de recherche qui est actuellement insuffisant.

Cette industrie devra être numérisée et il est essentiel de convaincre et d’aider les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) à s’engager dans la numérisation.

Cette industrie devra être écoresponsable. D’une part, cela signifie que les processus de production et les produits devront être écoresponsables et faiblement émetteurs de dioxyde de carbone (CO2). Il en résultera donc une problématique de compétitivité en raison des investissements et des surcoûts que l’accès à l’écoresponsabilité générera. L’Europe devra alors se doter d’un ajustement aux frontières. D’autre part, l’écoresponsabilité imposera de s’orienter vers des produits qui bénéficieront à l’avenir d’un monde moins gaspilleur, plus économe en ressources et moins émetteur de CO2. Cela concerne la santé, l’agroalimentaire, les plastiques biodégradables, les systèmes de régulation électrique, les matériaux isolants ou encore les nouveaux matériaux, liste à laquelle j’ajouterai le nucléaire, bien qu’on puisse en débattre.

À cette industrie technologique, numérisée et écoresponsable s’arrime la souveraineté. Cela ne signifie pas que nous devenions totalement autonomes et indépendants ; c’est impossible. Toutefois, il nous appartient de redevenir relativement autosuffisants sur un certain nombre de produits et sur d’autres, de créer les conditions de sorte à ne pas être dans des dépendances excessives. À titre d’exemple, je suis surpris que notre pays, qui dispose d’un massif forestier extrêmement important, doive faire face actuellement à une pénurie de bois. L’Europe subit également les conséquences de quarante ans de sous-investissements dans le domaine des semi-conducteurs. En définitive, il conviendra de cartographier cette souveraineté avec différents degrés et de regarder comment nous protéger de pénuries.

Au-delà, l’Europe s’engagera-t-elle dans le grand processus de régionalisation dans lequel les États-Unis et la Chine se sont engagés en internalisant de nouveau sur leurs continents ou bien resterons-nous le « ventre mou » du commerce mondial ? C’est une vraie question.

Il importe que l’Europe développe une puissante politique de recherche parce que la technologie deviendra absolument décisive à l’avenir. Les grands thèmes de la recherche sont identifiés et il est essentiel que nous soyons présents.

Il importe également que l’Europe fasse évoluer sa politique de concurrence, ce qui est en cours.

Enfin, il importe que l’Europe développe une politique européenne des compétences. J’en profite pour évoquer un point qui me taraude, à savoir la diminution des mathématiques dans le secondaire. Nous asséchons le vivier dans lequel nous cherchons les ingénieurs et les titulaires de brevets de technicien supérieur (BTS) : il convient d’y être vigilant. Cependant, le problème des compétences est plus vaste et je trouve que le gouvernement actuel a beaucoup agi dans ce domaine.

Nous devons nous appuyer sur une énergie compétitive. Le nucléaire n’est pas le moindre de nos atouts et il serait absurde de ne pas valoriser nos atouts.

Je pense qu’il est nécessaire de réfléchir aux dispositifs de l’État, à la manière de gérer. De nombreuses initiatives positives sont engagées, mais il serait souhaitable de les piloter d’une manière mieux organisée. Je serais donc favorable à la création d’un ministère de l’industrie, de l’énergie et de la recherche technologique. Il n’est pas souhaitable de gérer l’énergie uniquement à l’aune de préoccupations environnementales. Il est essentiel de tenir compte également des aspects d’indépendance nationale, de compétitivité de l’industrie, de défense des filières d’excellence dans notre pays. La recherche technologique doit être très associée à l’industrie.

À titre personnel, je pense qu’il conviendrait de prendre exemple sur les Sud-Coréens et sur leur performance. Ils ont inventé une planification qui engage l’action publique. Si nous voulons que l’industrie et que les industriels se mobilisent, il est capital qu’ils sachent où veut aller l’État. Je suis convaincu qu’il est possible de mettre en œuvre une planification de l’effort public en faveur de l’industrie et de la recherche.

M. Guillaume Kasbarian, président de la commission d’enquête. Votre intervention était passionnante. Vous avez été synthétique et vous nous avez livré de nombreuses informations dans le temps imparti. Je vous remercie pour votre message sur la bureaucratie puisque, effectivement, elle constitue un sujet majeur. La loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite « loi ASAP », a grandement simplifié les processus d’installation des sites industriels et son application commence à porter ses fruits puisque nous avons constaté l’année dernière un record d’installations de sites industriels avec plus de 190 installations. Nous pouvons donc nous en réjouir collectivement.

M. Gérard Leseul, rapporteur. Vous portez votre regard sur l’industrie depuis de nombreuses années et vous en avez été un des acteurs principaux. Depuis la publication de votre rapport sur la compétitivité de l’industrie française le 5 novembre 2012, estimez-vous que des mesures positives ont été prises ?

Sur la base de vos propositions, quel bilan dresseriez-vous de l’efficacité des outils développés tels que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), le pacte de responsabilité et de solidarité, la création de la Banque publique d’investissement (Bpifrance) et des pôles de compétitivité?

Enfin, comment jugez-vous l’efficacité des mesures prises depuis le début de ce quinquennat et notamment le remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), la réforme de la fiscalité du capital et l’engagement de la baisse des impôts de production ?

M. Louis Gallois. Je considère que de nombreuses actions ont été engagées, notamment en comparaison de la décennie précédente, jusqu’en 2010. Je crois que le Président de la République Nicolas Sarkozy a vraiment pris conscience de la situation en 2010, à l’issue de la crise. J’aurais dû évoquer cette crise que nous avons gérée assez remarquablement à court terme. Cependant, contrairement aux Allemands, nous n’avons pas mis le chômage partiel en place. Dès lors, les industries ont réduit leurs emplois et ont perdu des compétences.

À partir de 2010, des actions ont été initiées. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) n’a pas eu d’effet sur l’emploi massif, mais il a amélioré la capacité d’investissement des entreprises. Dans les années qui ont suivi, nous avons constaté que l’investissement des entreprises se redressait parce que leurs marges avaient augmenté. Les entrepreneurs ne souhaitent pas s’engager s’ils ne sont pas capables de dégager une rentabilité suffisante pour justifier leurs investissements.

Le CICE s’est depuis transformé en allégement de charges. Les entreprises y ont toutefois perdu six milliards d’euros.

La diminution des impôts de production était nécessaire et cette démarche engagée était courageuse.

Le pacte de responsabilité a également représenté plusieurs milliards d’euros. Il a été utile puisque nous constatons que l’industrie n’a plus perdu d’emplois en 2017, 2018 et 2019, que de nouveaux sites industriels ont été créés et que l’investissement s’est maintenu.

Malgré ces initiatives positives, nous ne rattraperons pas notre retard avant dix ou vingt ans. Nos concurrents progressent rapidement. En Allemagne, des usines neuves sortent de terre sur tout le territoire. C’est impressionnant et légèrement déprimant pour un Français. Quant à la Chine, elle peut construire des usines en trois mois, expropriation comprise. Les autres avancent et il nous appartient de faire en sorte d’avancer plus rapidement qu’eux.

L’effort de recherche représente un point clé. Il s’élève actuellement à 2,2 % du PIB : il se répartit pour 1,4% à l’industrie et pour 0,8 % au public, où il était de 1,3 % en 1995, soit une diminution de dix milliards d’euros chaque année qui s’accumulent). Il convient de revenir à un effort d’environ 3 % du PIB, soit vingt milliards d’euros par an, à l’instar de l’Allemagne et des États-Unis. En Corée du Sud et en Israël (où la recherche est très liée à la défense), l’effort de recherche atteint 4,5 % du PIB.

Il convient également de poursuivre l’effort de diminution des charges et de mettre en place des systèmes qui évitent aux propriétaires de perdre le contrôle de leur entreprise, tout en augmentant leurs fonds propres. De nombreux industriels ne souhaitent pas augmenter leurs fonds propres, parce qu’ils craignent de perdre le contrôle de leur entreprise. Je souhaiterais que l’assurance-vie soit orientée vers le financement des investissements, mais les compagnies d’assurances sont réticentes et les épargnants préfèrent que leur argent soit placé en bons d’État français ou allemands. Il faut dans le même temps que les entreprises acceptent d’ouvrir leur capital.

Je ne crois pas que la transformation de l’ISF en IFI ait drastiquement modifié la donne. Il est possible que cela ait évité à certains de se délocaliser ou de délocaliser leur fortune, mais je ne suis pas sûr que cette démarche ait produit un impact direct sur l’investissement. J’avais suggéré de maintenir l’ISF et de le supprimer uniquement pour les placements à risque qui reposent sur des actions, comme les plans d’épargne en actions (PEA). En revanche, je ne m’oppose pas à la taxation de la rente assurance-vie en euros et de la rente immobilière. Par ailleurs, l’IFI taxe la rente immobilière, mais j’aurais souhaité que la rente financière soit également taxée afin de favoriser la prise de risque financière.

M. Gérard Leseul, rapporteur. Vous avez, à juste raison, évoqué la restauration de la marge et de la rentabilité des entreprises. Quel partage de cette valeur ajoutée proposeriez-vous à la Nation ? Quel type de gouvernance suggèreriez-vous au gouvernement ?

Vous avez mentionné la planification de l’action publique mise en œuvre par la Corée du Sud. Selon vous, quels avantages la création d’un ministère de l’industrie, de l’énergie et de la recherche technologique présenterait-elle ? Quels organismes de planification et d’expertise et quels moyens conviendrait-il de rassembler ?

M. Louis Gallois. Le partage de la valeur ajoutée constitue une question d’actualité puisqu’une pression s’exerce actuellement en faveur de l’augmentation des salaires. À titre personnel, je pense que les marges des entreprises ont été rétablies très rapidement après la crise, en grande partie grâce à l’action du gouvernement. Comme il existe une certaine pression de l’inflation, je ne suis pas sûr qu’il ne faille pas faire un peu d’augmentation de salaires, , en fonction, bien sûr, des possibilités de chaque entreprise parce que cela impacte la compétitivité. Toutefois, il convient d’être vigilant, car je rappelle que nous avons souffert au cours de la décennie 2000-2010 d’augmentations de salaire nettement supérieures aux augmentations de salaire allemandes. L’écart créé à cette époque entre l’Allemagne et la France est imputable pour les deux tiers aux salaires et pour un tiers aux charges. Néanmoins, nous pouvons observer une certaine reprise de l’inflation qui me paraît permettre une revalorisation des salaires selon la situation de chaque entreprise.

M. Guillaume Kasbarian, président de la commission d’enquête. Au sujet du niveau des salaires, des actions ont été menées depuis 2017 afin de diminuer la fiscalité. Le gouvernement a rendu cinquante milliards d’euros aux Français, répartis pour moitié aux entreprises et pour moitié aux ménages. Il est probable également que, face à la diminution du chômage et aux difficultés de recrutement qu’elles rencontrent, les entreprises soient contraintes d’augmenter les salaires afin d’attirer des talents.

M. Louis Gallois. Vous avez raison. Le pouvoir d’achat a globalement été maintenu, voire augmenté. Le mouvement des gilets jaunes a conduit le gouvernement à débloquer seize milliards d’euros qui ont amélioré les basses rémunérations et soutenu le pouvoir d’achat, à l’exception de celui des 10 % les plus pauvres de la population, ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté et ne bénéficient pas de l’augmentation de la prime d’activité.

Néanmoins, la pression s’exerce et les industriels devront y répondre. Certes, dans certains secteurs, les difficultés de recrutement conduiront à une légère augmentation des salaires. Toutefois, la pression actuelle devra trouver une contrepartie.

J’ai proposé qu’un tiers des membres du conseil d’administration soit constitué de représentants des salariés. Notre pays n’est pas prêt à s’aligner sur le modèle de codétermination allemand, soit 50 % de représentation des salariés. Les organisations syndicales et patronales ne sont pas prêtes. Pour autant, je pense que la présence de salariés dans les conseils d’administration constitue un élément extrêmement utile, mais qui nécessitera un bon niveau de consensus. Les salariés connaissent bien l’entreprise et ils la vivent de l’intérieur. En outre, c’est pour eux une formidable occasion de voir comment s’élabore la stratégie d’une entreprise. Il me semble normal que cette partie prenante essentielle que représentent les salariés puisse s’exprimer sur les orientations de l’entreprise. Ce serait donc un moyen d’améliorer la compréhension mutuelle et de sortir de ce dialogue social un peu corseté et théâtral dans lequel nous évoluons trop souvent.

Je suis favorable à un ministère de l’industrie et de l’énergie, parce qu’il n’est pas souhaitable de dissocier les problèmes industriels des problèmes énergétiques. Je prône un ministère de l’industrie de plein exercice, fort, qui dispose de compétences larges. Je lui associe la recherche technologique parce qu’elle s’articule pleinement avec l’industrie. Des organismes tels que le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le Centre national d’études spatiales (CNES), l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA), trouveraient leur place dans un ministère de l’industrie.

La planification coréenne ne suppose pas la mise en œuvre d’un gros appareil. Les Sud-Coréens choisissent une priorité. En 2010, ils ont opté pour la « Corée verte ». En 2000, alors qu’ils avaient du retard dans le domaine, ils ont priorisé l’électronique et créé des entreprises de rang mondial telles que Samsung et LG. Aujourd’hui, nous dépendons de leurs semi-conducteurs. La Corée du Sud est le pays du monde le plus converti à internet. Pourtant, son dispositif est simple : un débat politique est engagé sur la priorité et lorsqu’elle est identifiée, elle est prise en charge dans l’appareil d’État par un ministre qui en a la responsabilité. Un conseil du plan, présidé par le Président de la République, se réunit régulièrement et scande l’effort public, fixe des objectifs et élabore des calendriers. Force est de constater que le système fonctionne bien.

Il ne serait pas impossible de traduire ce dispositif en France. Il s’agirait d’organiser un débat au Parlement sur les priorités et d’en retenir un nombre limité, comme le développement de l’industrie française, d’élaborer des lois de programmation cohérentes dans des domaines comme la recherche, les compétences et l’énergie, de confier le projet au Haut-commissaire au plan et de réunir régulièrement un conseil du plan présidé par le Président de la République. Dans un pays comme la France, il est nécessaire que le portage politique soit extrêmement fort.

Mme Marie Lebec. Il est intéressant que vous estimiez que les entreprises et les industries doivent devenir écoresponsables. Nous avons cherché à développer ce positionnement dans le plan de relance et dans la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi climat et résilience », en insistant sur l’avantage compétitif induit.

Quel regard portez-vous sur le plan de relance, en particulier sur ses volets compétitivité et transition écologique ? Le voyez-vous comme un accélérateur de la transformation industrielle ?

Le plan d’investissements complémentaires sera présenté à l’occasion du prochain projet de loi de finances (PLF). Selon vous, dans quels secteurs les investissements seraient-ils les plus porteurs pour la France ?

Les tensions sur les matières premières sont un défi pour notre industrie qui rencontre de sérieuses difficultés d’approvisionnement. Cette situation risque de générer des tensions internationales. Qu’en pensez-vous ?

M. Louis Gallois. Le plan de relance me semble satisfaisant et utile. Un tiers des crédits, soit 30 milliards d’euros, est alloué à l’industrie et cette proportion reconnaît une priorité à l’industrie puisque l’industrie représente 10 % du PIB.

Si nous nous orientons vers un choix de technologies majeures, il me paraîtrait souhaitable qu’elles soient confiées à des opérateurs tels que le Centre national d’études des télécommunications (CNET) pour les télécommunications, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) pour le nucléaire, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) pour l’intelligence artificielle. Il est probablement nécessaire de soutenir les secteurs de l’intelligence artificielle, de l’ordinateur quantique, des réacteurs à neutrons rapides – même si je ne suis pas sûr de réunir large consensus sur ce point.

S’agissant des tensions sur les matières premières, il importe de rechercher des solutions alternatives à nos approvisionnements actuels. Le monde entier subit actuellement une augmentation des coûts des matières premières. Sans être un spécialiste, je pense que cette situation est provisoire parce qu’elle est due à la conjonction des reprises aux États-Unis et en Chine qui ont un fort impact sur la demande de matières premières. Le redémarrage de la construction aux États-Unis a préempté la quasi-totalité du bois canadien et a créé une pénurie dans d’autres parties du monde. J’avoue être plus inquiet quant à la pénurie de semi-conducteurs qui risque de durer et qui génère des dégâts dans l’industrie automobile et chez ses sous-traitants.

M. Gérard Leseul, rapporteur. Il est compréhensible que nous ne disposions pas des matières premières que nous ne produisons pas. En revanche, 30 % du bois de chêne produits en France est exporté et n’est pas réintroduit dans la filière. Ces mécanismes ne sont pas vertueux.

M. Louis Gallois. Je partage totalement votre diagnostic. Il est absolument aberrant que nous ne disposions pas d’une filière bois forte en France alors que notre massif forestier est extrêmement important.

M. Éric Girardin. Vous avez indiqué que le CICE avait eu un effet sur le redressement des marges des entreprises. J’ai été intervenant indépendant en fusions, acquisitions et transmissions d’entreprises, et j’ai constaté que lorsqu’il a été mis en place, il a indéniablement évité des faillites d’entreprise.

L’allégement de charges a dynamisé l’accompagnement des entreprises en matière de restitution de marge et de rentabilité parce qu’il a été réalisé en temps réel.

S’agissant des salaires, des actions ont été menées et elles vont dans le bon sens, notamment l’abandon de cotisations chômage et maladie qui a restitué du pouvoir d’achat. Ce n’est probablement pas suffisant dans la hiérarchie de fabrication des salaires et notamment lorsqu’on compare les revenus des personnes qui bénéficient des prestations chômage en inactivité avec ceux des personnes payées dans les plus basses catégories salariales. C’est un des relais de la reprise de l’activité, notamment dans l’industrie, car nous rencontrons un problème de captation d’emplois dans les métiers industriels. Nous le constatons sur le terrain et sur les territoires.

En regard de votre diagnostic, selon vous, comment pouvons-nous nous préserver de certaines pénuries ?

Par ailleurs, ne pensez-vous pas qu’il faut croire avant tout aux vertus de la production industrielle pour entamer un véritable processus de reconquête industrielle ?

M. Louis Gallois. Je crois aux vertus de la production industrielle : je suis un productiviste impénitent, bien que ce terme soit devenu extrêmement sulfureux. Cependant, je ne revendique pas n’importe quelle production et pas dans n’importe quelles conditions. Je pense que nous sommes sur terre pour produire de la richesse. C’est essentiel parce que si nous ne produisons pas de richesse nous rencontrerons des difficultés à la redistribuer.

La transformation du CICE en allégement de charges présente en effet l’avantage du temps réel.

S’agissant des salaires, l’effort ne pourra pas indéfiniment porter sur la dépense publique ou sur les finances publiques. L’allègement de charges, donc la réduction des recettes, représente une dépense publique. Il convient donc d’identifier des marges de manœuvre dans la comptabilité des industriels ou dans la comptabilité des entreprises qui permettraient à certaines d’entre elles d’augmenter les salaires, ce qui au demeurant, les rendrait plus attractives.

Je ne suis pas capable de répondre à votre question relative aux matières premières. Je pense qu’il importe de réaliser une cartographie des différentes ressources dont nous avons prioritairement besoin et progressivement, soit d’étudier des alternatives à ces ressources soit de les diversifier et de constituer des stocks. Il s’agit en fait d’établir une cartographie de notre souveraineté.

Je suis préoccupé par la faible attractivité des métiers industriels alors que ce sont des métiers que je juge intéressants. Lorsque j’ai visité les chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire, j’ai constaté que l’essentiel du personnel qui travaille sur les bateaux est constitué de salariés détachés. Pourtant, les métiers de ces chantiers sont nobles, comme la soudure et l’électricité, ce ne sont pas des métiers pénibles ou dont l’image est dégradée. Ce constat me perturbe. Comment attirer les jeunes vers ces métiers ?

M. Frédéric Barbier. Vos propos relatifs à l’industrie automobile, à la transition vers le véhicule électrique, sont très préoccupants. Les organisations syndicales de l’industrie automobile ont connu des situations tellement contrastées qu’elles sont désormais aguerries. Elles sont très responsables et il est possible de dialoguer avec elles. La transition vers le véhicule électrique nécessitera moins de main-d’œuvre et il me semble nécessaire d’engager le plus rapidement possible un dialogue de sorte à préparer les salariés à cette situation future.

Les semi-conducteurs sont essentiellement fabriqués à Taïwan. Nous entretenons des relations commerciales avec la Chine et les relations de la Chine avec Taïwan sont complexes. Il me paraît néanmoins essentiel d’engager une discussion avec l’entreprise Taïwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) et avec Taïwan parce que nous ne pouvons pas nous permettre que le fonctionnement au ralenti de notre industrie automobile perdure sur l’année 2022.

S’agissant de l’industrie pharmaceutique, l’Europe dispose de très grands laboratoires comme Roche ou Novartis qui sont alimentés par la sécurité sociale des pays d’Europe. Il est capital de relocaliser la fabrication des molécules et des produits.

M. Louis Gallois. Je pense que Stellantis gérera la transition vers les véhicules électriques. En revanche, je suis davantage préoccupé par l’avenir des sous-traitants et fournisseurs tels que l’usine Bosch de Rodez, GMS à Guéret, les fonderies, qui seront directement impactés par cette transition. La transition vers l’électrique supprimera environ cent mille emplois dans la filière et l’électrification en créera entre vingt et vingt-cinq mille. Le solde négatif sera extrêmement important. Il importe d’anticiper la situation et, au-delà de la question des compétences, de résoudre les problèmes de formation et de mobilité parce que des usines disparaîtront et d’autres seront créées ailleurs. La mobilité dépend également des marchés immobiliers qui diffèrent d’une région à l’autre. L’économiste Jean Pisani-Ferry a affirmé que la transition sera brutale et il importe donc de nous y préparer.

S’agissant des semi-conducteurs, il faut une industrie européenne du semi-conducteur. L’Europe dispose de deux fabricants, Infineon Technologies et STMicroelectronics, dont il serait peut-être possible de dynamiser le développement en les aidant à investir, ce qui n’exclut pas le dialogue avec les Taïwanais.

M. Guillaume Kasbarian, président de la commission d’enquête. La question de la mobilité est en effet prégnante parce que nos territoires accusent des différences de taux de chômage très importantes. Certaines régions peinent à recruter alors que d’autres ne proposent pas d’emplois.

M. Jean-Marc Zulesi. La mobilité a fait l’objet de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, que nous avons portée avec la ministre Mme Elisabeth Borne, et de la « loi climat et résilience » qui vise à lutter contre le constat selon lequel un quart de nos concitoyens refuse une offre d’emploi ou une formation faute de solution de mobilité. Il convient donc d’appliquer rapidement ces différents dispositifs.

Le slogan « Airbus de la batterie » est souvent évoqué. Pensez-vous qu’une collaboration franco-allemande dans ce domaine soit pertinente ?

La Fabrique de l’industrie a publié une note très intéressante relative aux enseignements à tirer des territoires labélisés « Territoires d’industrie ». Pourriez-vous partager ces enseignements de sorte que nous en tirions des propositions visant à améliorer ce dispositif ?

M. Louis Gallois. Le partenariat franco-allemand sur les batteries prend forme. Il se concrétisera par un accord de financement entre les deux pays et par la construction de deux grandes usines, l’une en France et l’autre en Allemagne. Il existe déjà la technologie de Saft, dont TotalEnergies est la société-mère. Mercedes a également rejoint ce projet qui prend de l’ampleur et me semble très intéressant. Nous devrions disposer d’une belle entreprise franco-allemande de batteries. Total obtiendrait 40% du capital et le reste du capital serait réparti à égalité entre Stellantis (30 %) et Mercedes (30 %).

Les Territoires d’industrie relèvent d’une initiative très intéressante qui permet d’associer le dynamisme des territoires et l’initiative publique. La préoccupation du dynamisme local, la qualité des projets présentés, l’entente entre les différents acteurs du territoire, c’est-à-dire les entreprises, les pouvoirs publics, les collectivités locales, constituent des facteurs pris en compte de façon plus prégnante. Je ne suis pas un décentralisateur forcené, mais je crois en l’énergie des territoires et je pense que l’action publique y trouve un support remarquable.

Il importe de valoriser ces territoires d’industrie en y installant des centres d’apprentissage, des instituts universitaires de technologie (IUT) et des services publics qui fonctionnent, comme les maternités et les moyens de transport. L’action publique est extrêmement importante mais elle n’a d’impact que si elle s’appuie sur le dynamisme des territoires.

La Fabrique a réalisé une analyse économétrique sur les facteurs de bonne santé des territoires. La moitié de ces facteurs sont objectifs. L’autre moitié réside dans le climat local, l’entente entre les acteurs. Dans le bassin de Saint-Nazaire, quand des industriels ont rencontré des difficultés liées à la crise, d’autres industriels qui avaient de la charge ont embauché provisoirement des personnels des premiers qui ont ensuite pu retourner dans leur entreprise d’origine. C’est ce que j’appelle « l’énergie concrète » et c’est très important.

M. Jacques Marilossian. Afin de redresser l’industrie, vous préconisez notamment la diminution des charges et des impôts de production ainsi que des investissements publics supplémentaires. Cela signifie donc une diminution des recettes et une augmentation des dépenses. Où trouver l’argent, si ce n’est en augmentant la dette publique ? Il semble que ce problème ait empêché les gouvernements précédents d’agir. Quelles sont vos recommandations afin d’éviter ce piège un peu mortifère?

M. Louis Gallois. Je préconise une planification. Faut-il diminuer les impôts de production ou augmenter l’effort de recherche ? Il convient de définir des priorités et, à mon avis, la recherche constitue une priorité.

Je ne suis pas favorable à une diminution de charges tous azimuts. J’ai regretté que les baisses de charges soient limitées aux bas salaires et j’aurais préféré qu’elles portent sur les salaires intermédiaires car il existe d’autres dispositifs pour les bas salaires. Cette décision n’a pas réellement stimulé l’emploi.

Les choix à opérer doivent être éclairés par un débat au Parlement, notamment, et par l’élaboration de lois de programmation.

M. Philippe Berta. Le médicament constitue un facteur central de notre développement économique et de notre effort de recherche. Il dépend du ministère de la Santé et, dès lors, il est perçu uniquement en termes de coûts.

Vous avez insisté sur l’importance du pilotage et la recherche fait toujours l’objet d’un pilotage complexe. Pouvez-vous préciser votre idée à ce sujet ?

M. Louis Gallois. Le médicament est en effet perçu comme un coût. Or il n’est pas uniquement un coût. Les hôpitaux achètent pour dix-huit milliards d’euros de médicaments par an, ce qui donne une idée du marché. Donner une priorité aux industriels français serait contraire aux règles communautaires, mais je pense qu’il est possible de progresser dans le domaine de la santé, pour stimuler l’industrie de la santé. Le médicament représente aussi une industrie. Il serait donc souhaitable de construire un appareil de production et de l’intégrer au prix du médicament.

Certes, vous m’accuserez encore de vouloir augmenter la dépense publique, mais le constat que nous posons est dirimant pour la sécurité sociale. Pour autant, nous ne pouvons pas déplorer le manque de médicaments et de vaccins si nous ne stimulons pas cette industrie, si nos prix ne permettent pas de financer la recherche et l’investissement de l’industrie. À défaut, la fabrication est délocalisée.

M. Gérard Leseul, rapporteur. Je vous remercie pour vos propos et pour leur fidélité aux propositions que vous aviez formulées dans votre rapport paru en 2012.

Dans votre proposition n° 13, vous traitiez du rôle de pilotage du développement économique confié aux régions qui devait induire une concertation entre les différents services de l’État.

Votre recommandation n° 9 confiait un rôle important à la Banque publique d’investissement (Bpifrance). Pourriez-vous expliciter cette suggestion en la rapportant notamment au domaine du médicament ?

M. Louis Gallois. Je persiste à penser que les régions ont vocation à développer l’économie. C’est d’ailleurs assez largement le cas. Elles associent proximité et hauteur de vue, ce qui leur permet d’être des opérateurs intéressants. Elles sont plus proches et entretiennent un contact plus direct avec le tissu économique et industriel que l’État. Les régions peuvent donc tenir un rôle vraiment très utile dans le développement économique du pays. Si les grands problèmes, les grandes filières et les grandes technologies relèvent de la responsabilité de l’État, l’animation des territoires, l’animation de la vie économique, la formation, le développement des compétences, de l’apprentissage, sont du ressort des régions.

Je considère que Bpifrance représente un succès. Certes, il est toujours possible d’ergoter, notamment quant à l’insuffisance de la prise de risques. Le taux de défaillance de ses prêts est d’ailleurs extrêmement faible, ce qui pourrait signifier qu’elle « ne prête qu’aux riches ». Honnêtement, cette critique est vraiment très secondaire.

En effet, Bpifrance a créé un marché de l’innovation et du financement des jeunes pousses (start-ups). Bpifrance a animé les fonds d’investissement de sorte à soutenir le développement des start-ups en France et à assurer leur financement de façon de plus en plus efficace. Elle a créé un effet d’entraînement : quand Bpifrance rentre dans un fonds, d’autres investisseurs la rejoignent. En outre, Bpifrance tient un discours global très optimiste dont la France a besoin.

Bpifrance est actionnaire de plusieurs grandes entreprises pour le compte de l’État. Elle est un actionnaire de qualité. Contrairement à l’État, elle est très centrée sur les affaires économiques Quand il est actionnaire et opérateur de ses actions, l’État est toujours tiraillé entre différentes préoccupations telles que la politique de l’emploi, la politique de l’environnement, etc., qui induisent les contradictions naturelles de l’action publique. La situation est plus simple pour Bpifrance puisqu’elle se consacre à la gestion économique. Au sein d’un conseil d’administration, ses administrateurs sont considérés au même titre que les autres. Cela ne les empêche pas de parler au nom de l’État, mais en pleine connaissance des contraintes économiques de l’entreprise. J’ai travaillé avec d’excellents administrateurs de Bpifrance chez PSA. M. Nicolas Dufourcq siège au conseil d’administration de Stellantis et je pense qu’il y tient un rôle très important pour dans la défense des intérêts de la France, mais il agit sur la base des intérêts économiques.

M. Guillaume Kasbarian, président de la commission d’enquête. Je vous remercie, M. le président Gallois, pour vos réponses et vos propos. Je vous propose éventuellement de compléter nos échanges, si vous le souhaitez ou si la Fabrique de l’industrie le souhaite, à travers des documents que vous pouvez adresser à notre secrétariat. Si vous estimez que nous avons omis des points essentiels, n’hésitez pas à compléter vos propos.

Quoi qu’il en soit, nous vous avons écouté avec le plus grand intérêt.

L’audition s’achève à 17 heures 30.

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Membres présents ou excusés

Commission d’enquête chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament

 

Réunion du mercredi 29 septembre 2021 à 16 h 20

Présents. - M. Frédéric Barbier, M. Jean-Noël Barrot, M. Philippe Berta, Mme Cécile Delpirou, M. Éric Girardin, M. Guillaume Kasbarian, M. Daniel Labaronne, Mme Marie Lebec, M. Gérard Leseul, M. Jacques Marilossian, Mme Cendra Motin, Mme Valérie Six, M. Jean-Marc Zulesi

Excusés. - M. Bertrand Bouyx, Mme Jennifer De Temmerman, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-Louis Touraine