Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Audition de Mme Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions, sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de la société en 2020              2

 Examen, au titre de l’article 88 du Règlement, des amendements déposés en séance publique :

 sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique (nº 4484) (Mme Florence Provendier, rapporteure)               26

 sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs (n° 4499) (Mme Géraldine Bannier, rapporteure)              26

  sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à créer un ticket restaurant étudiant (n° 4494) (Mme AnneLaure Blin, rapporteure)              26

 Présences en réunion................................27


Mercredi
6 octobre 2021

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 2

session ordinaire de 2021-2022

Présidence de
M. Bruno Studer,
Président
 

 


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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 6 octobre 2021

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Bruno Studer, président)

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La commission auditionne Mme Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions, sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de la société en 2020.

M. le président Bruno Studer. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir Mme Delphine Ernotte-Cunci, présidente-directrice générale de France Télévisions.

Madame la présidente-directrice générale, cette rencontre annuelle autour du bilan d’exécution du contrat d’objectifs et de moyens (COM) de l’entreprise est aussi pour nous l’occasion, avant l’examen du projet de loi de finances (PLF), de faire le point sur la situation de France Télévisions et sur les principaux défis et enjeux auxquels elle est confrontée. L’année 2020, placée sous le signe de la crise sanitaire, a été marquée par le succès de la chaîne France 4, désormais pérennisée, et par l’abandon du projet de holding France Médias au profit de contrats d’objectifs et de moyens élaborés sur une base commune au sein des sociétés de l’audiovisuel public. Nous avions largement échangé à ce sujet lors de notre réunion du 3 février, marquée – c’était une première – par l’audition commune des cinq présidentes et présidents de ces sociétés à l’occasion de l’examen de l’avis de notre collègue Florence Provendier sur les COM de nouvelle génération pour la période 2020-2022. Pourtant, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), dans son avis sur l’exécution de ces COM, fait état de l’arrêt des synergies entre France Télévisions et Radio France concernant la régionalisation. Ce ralentissement est-il exclusivement imputable à la crise sanitaire ?

La fermeture de France Ô est un autre marqueur important de l’année 2020 pour France Télévisions. Quel bilan pouvez-vous faire du pacte pour la visibilité des outre-mer ? Quand le pacte commun aux sociétés de l’audiovisuel public doit-il être signé ?

Au niveau mondial, la crise sanitaire s’est traduite par une forte croissance de la consommation délinéarisée de programmes audiovisuels, qui a très largement bénéficié aux opérateurs de plateformes. Les équilibres des marchés audiovisuels nationaux, européen
– échelle à laquelle vous êtes particulièrement active – et mondial en sont profondément transformés. Les acteurs doivent en permanence s’adapter à leurs évolutions très rapides. Dans le contexte du renforcement de ses principaux concurrents privés, France Télévisions a‑t-elle tous les atouts nécessaires pour se battre à armes égales dans le paysage médiatique de demain ?

Mme Delphine Ernotte-Cunci, présidente-directrice générale de France Télévisions. Je dresserai rapidement un bilan de l’activité intense de France Télévisions ces derniers mois, avant de partager avec vous les enseignements que nous en tirons. J’évoquerai ensuite les grands projets stratégiques qui mobilisent toute l’entreprise, car la période qui s’ouvre sera déterminante à bien des égards pour notre secteur.

La crise a démontré la capacité d’innovation de France Télévisions. Au cours des dix-huit derniers mois, et à chaque étape de la crise, l’entreprise n’a cessé d’innover, d’inventer et de créer. Nous n’avons eu qu’une seule question en tête : comment être plus utiles aux Français ? Lors du premier confinement, en mars 2020, nous avons créé en quatre jours, avec le ministère de l’éducation nationale, l’école à la maison sur France 4, pour permettre la continuité pédagogique et pour soulager les parents, dont la situation était alors difficile. Nous avons adapté au jour le jour nos grilles avec une offre d’information renforcée ainsi que du cinéma et de la culture pour offrir un espace de respiration à nos téléspectateurs.

En février, alors que le secteur culturel était sous cloche, nous avons lancé Culturebox pour donner aux artistes un espace d’expression. Créer de toutes pièces une chaîne en dix jours était un défi incroyable, qui a mobilisé tous les étages de la maison France Télévisions. Plus généralement, durant ces dix-huit mois, nous avons tous eu le sentiment de fonctionner en mode start-up. Les salariés ont fait preuve d’une capacité d’innovation et d’une agilité impressionnantes. Je salue leur engagement et leur grand professionnalisme.

Cette épreuve a démontré l’importance d’un service public audiovisuel fort. En tant que présidente du conseil exécutif de l’Union européenne de radio-télévision (UER), j’ai constaté, partout en Europe, à quel point les entreprises publiques ont joué un rôle pivot de lien social lorsque tout était paralysé. Ces derniers mois, nos liens avec les publics se sont d’ailleurs beaucoup renforcés et de nouveaux publics sont venus à nous. France Télévisions se porte bien ; 82 % des Français nous regardent chaque semaine, soit une augmentation de près de 10 points en deux ans. La saison dernière, la première chaîne du groupe, France 2, a réalisé sa meilleure part d’audience depuis plus de dix ans. De façon générale, les études soulignent une évolution très positive de notre image. Les publics perçoivent ce qui fait notre force et nous distingue, notamment sur les critères de la créativité et de la proximité. Cette capacité à inventer et à s’interroger sans cesse sur les besoins de nos publics et sur ce qui peut leur être utile est un acquis extrêmement fort de la crise et nous comptons poursuivre sur cette lancée pour continuer à faire de France Télévisions un service public utile.

Notre première exigence est d’être un média universel, qui s’adresse à tous. Le média télévisuel reste très puissant, puisque chaque Français regarde la télévision quatre heures par jour. Notre capacité à nous adresser à tous, en particulier aux plus jeunes, est notre plus grand défi pour les prochaines années. À cet égard, je voudrais saluer la décision de maintenir le canal 14 et remercier, au nom de toute la maison France Télévisions, tous ceux d’entre vous qui ont défendu la place d’une chaîne publique pour les enfants en journée et pour la culture et le spectacle vivant en soirée.

L’expérience acquise sur le canal 14 ces dix-huit derniers mois est précieuse. En janvier, nous allons lancer une nouvelle grille en journée pour les enfants en renforçant la présence des programmes éducatifs et en créant davantage de ponts avec notre plateforme éducative, Lumni. Deux ans après son lancement, Lumni, qui est une offre commune à l’ensemble des entreprises de l’audiovisuel public, est connue par une famille sur deux et par un élève sur deux, ce qui est exceptionnel dans l’univers numérique. Avec le lancement de Lumni Étudiant, il y a quelques jours, nous venons d’élargir son public. Cette offre est dédiée aux jeunes bacheliers. Il s’agit de les aider à s’orienter dans leurs études supérieures et de leur apporter un soutien dans leur vie quotidienne, par exemple pour se loger ou pour se soigner.

Je suis persuadée que les jeunes continueront à regarder nos programmes si nous traitons des sujets qui les interpellent et si nous leur donnons la parole. C’est tout particulièrement le cas de la question climatique, qui est la première préoccupation de nos jeunes publics. Nous venons ainsi de lancer une nouvelle offre numérique européenne avec nos partenaires allemands de la Westdeutschen Rundfunk (WDR), qui s’appelle NOWU. Il s’agit d’un média participatif qui met à la portée de tous des clés pour agir collectivement et individuellement en faveur de l’environnement.

Notre deuxième exigence est d’innover pour continuer à être un passeur culturel. Je pense notamment aux publics les plus éloignés des lieux de culture pour des raisons géographiques ou financières. Un tiers des Français ne se rend jamais au cinéma et ceux qui ne se rendent jamais au concert, au théâtre ou à un spectacle de danse sont encore plus nombreux. Notre rôle de passeur culturel est sorti largement renforcé de la crise. Grâce au maintien de Culturebox sur le canal 14, notamment, nous avons réalisé un grand saut quantitatif et qualitatif dans l’exposition de la culture et du spectacle vivant. Cette chaîne est devenue tous les soirs depuis huit mois la plus grande salle de spectacles de France. Elle est par ailleurs un espace de liberté pour les jeunes créateurs, que l’on n’a pas l’occasion de voir souvent à la télévision. Nous nous attachons à représenter toutes les disciplines, de la musique classique au street art. Culturebox est aussi un succès d’audience, puisque 13 millions de Français la regardent chaque semaine.

Au delà de Culturebox, c’est l’ensemble de notre offre, les magazines et les documentaires, qui joue un rôle prescripteur fort pour donner envie d’aller voir un film, un spectacle ou encore de lire un livre. Nous croyons aussi au rôle des séries pour faire découvrir des œuvres patrimoniales ou contemporaines – vous allez bientôt voir arriver sur vos écrans l’adaptation des Particules élémentaires de Michel Houellebecq et, en décembre prochain, à l’occasion du deux centième anniversaire de la naissance de Flaubert, une nouvelle adaptation de Madame Bovary.

Le troisième pilier du service public, c’est l’information. Nous sommes confrontés à des signaux inquiétants. Plus d’un Français sur deux déclare ne plus parvenir à se faire une idée claire de l’actualité. Trop d’informations contradictoires circulent, notamment sur les réseaux sociaux. Dans ce contexte, notre rôle est d’apporter de la clarté et des repères. France Télévisions est le groupe de télévision auxquels les Français accordent la plus grande confiance. Plus de 40 millions de téléspectateurs s’informent chez nous chaque semaine. Franceinfo est devenue la première offre numérique d’information en France et la chaîne dans laquelle les Français ont le plus confiance. Cette confiance est notre actif le plus précieux ; il faut l’entretenir.

Au delà de la grande variété de notre offre, nous produisons soixante-quinze heures d’informations chaque jour et nous agissons très concrètement pour lutter contre trois phénomènes majeurs : la défiance, la manipulation de l’information et la déconnexion.

Pour faire face à la défiance, d’abord, nous avons fait le pari de la transparence, par exemple en mettant en place le dispositif NosSources, que nous avons lancé en juillet dernier et qui donne accès, sur le site de Franceinfo, à toutes les sources utilisées par nos journalistes pour fabriquer leurs sujets, qu’elles soient scientifiques, historiques, économiques ou officielles.

Pour lutter contre la manipulation de l’information, ensuite, nous devons nous armer technologiquement. À cette fin, nous avons créé en septembre une nouvelle cellule interne, Les Révélateurs. Elle est composée de journalistes et d’experts en vérification d’images et de vidéos. Les deep fakes, ces vidéos qui falsifient totalement des discours, sont très difficiles à détecter. Elles sont pour France Télévisions la prochaine frontière en matière de manipulation de l’information et nous devons être prêts, notamment dans la perspective de l’élection présidentielle.

La déconnexion, enfin, est une forme de décrochage vis-à-vis de la vie démocratique. Pour y faire face, nous ouvrons nos antennes au débat. Nous veillons à ce que celui-ci soit pluraliste et apaisé, en essayant d’apporter du recul face à l’immédiateté de l’information et de la nuance face à l’agressivité qui règne sur certains plateaux. Franceinfo, notamment, dont l’audience progresse saison après saison, prouve tous les jours sa valeur ajoutée de service public. Si nous ne l’avions pas créée, elle manquerait dans le paysage audiovisuel.

Dans un monde médiatique en mouvement, nous devons aussi poursuivre la transformation de notre maison. Les piliers du service public que sont l’universalité, la culture et la formation sont des appuis très importants pour continuer à porter notre offre, mais nous sommes confrontés, comme beaucoup de médias de service public en Europe, à deux mouvements d’ampleur. Le premier est la fragmentation de la société, que toutes les études que nous menons étayent : beaucoup de nos concitoyens ne se sentent pas représentés dans les médias, n’ont pas confiance en l’avenir et ne croient plus en les institutions, notamment les médias. Le second phénomène est la vive concurrence des plateformes et la concentration qui est à l’œuvre dans le secteur des médias. Ces mouvements de fond nous incitent à poursuivre avec vigueur la transformation de France Télévisions, engagée depuis cinq ans.

La première transformation consiste à continuer de cultiver la proximité avec nos publics. Face à la fragmentation, notre premier devoir est de veiller à ce que chacun, où qu’il habite – dans un territoire rural ou dans une zone périphérique, en outre-mer ou en métropole –, se sente représenté dans nos offres.

C’est le sens du vaste chantier de transformation de nos offres de proximité. Nos 130 implantations sur le territoire sont à cet égard une force considérable. Aucun autre média ne dispose d’une telle force de projection. Plus de la moitié des salariés du groupe travaillent déjà dans les territoires, mais je suis convaincue que nous devons décentraliser France Télévisions encore davantage. Notre barycentre doit plus que jamais se déplacer de Paris vers les territoires, y compris les plus reculés.

Transformer France 3 en un véritable média de proximité est l’un des axes structurants de cette stratégie. Elle devient progressivement un réseau de chaînes régionales, plus qu’une chaîne nationale à décrochages locaux. En trois ans, nous avons déjà triplé le volume de décrochages locaux sur la chaîne en allongeant les journaux télévisés, en déployant les matinales communes avec France Bleu, en multipliant les prises d’antenne exceptionnelles pour couvrir des événements sportifs ou culturels. Cette évolution va d’ailleurs se traduire visuellement : d’ici à la fin de l’année, les téléspectateurs verront non plus le logo de France 3, mais celui de France 3 Bretagne ou de France 3 PACA.

Nous travaillons, enfin, à un véritable média numérique de proximité, qui permettra à chacun de retrouver les informations au plus proche de ses zones de vie, où l’on possède des attaches familiales, professionnelles ou affectives. Ce chantier structurant est devant nous et mobilisera toute l’entreprise. Il constitue une formidable occasion de renforcer notre coopération déjà intense avec Radio France.

Notre ambition consiste à donner une juste place à l’ensemble de nos concitoyens, hexagonaux comme ultramarins, et à tisser des liens entre eux. C’est le sens de l’engagement pris dans le cadre du pacte pour la visibilité des outre-mer, parce qu’ils sont uniques dans le secteur. Les progrès que nous avons réalisés sont réels et nous poursuivons dans cette direction. Ainsi, dans quelques semaines, notre semaine « Cœur outre-mer » sera de retour, pour mettre un coup de projecteur sur les territoires ultramarins. Nous nous préparons également à couvrir de façon approfondie les grands événements comme le référendum en Nouvelle-Calédonie, qui se tiendra le 12 décembre – s’il n’est pas repoussé.

Toucher tous les Français, notamment les plus jeunes, c’est aussi continuer à faire de France Télévisions un média global présent sur tous les écrans. La crise sanitaire a accéléré le développement des grandes plateformes : un foyer sur deux y accède quotidiennement. Ces usages s’intensifient et touchent toutes les générations. C’est le sens de la profonde transformation numérique que nous avons engagée depuis cinq ans. Sans les projets que nous avons réalisés avec les autres entreprises de l’audiovisuel public, comme Lumni ou Okoo, nous n’aurions pas pu réagir aussi vite que nous l’avons fait pendant le premier confinement. Nous avons été bien inspirés d’avoir accéléré tous ensemble la transformation numérique.

Pour ce faire, nous avons rationalisé l’organisation de France Télévisions dans ce domaine. Nous avons ainsi regroupé nos forces autour de deux matrices : francetvinfo.fr, qui est consultée chaque jour par 3 millions de Français, et france.tv, qui a connu une très forte croissance ces dernières années.

Entre 2018 et 2022, nos investissements dans le numérique ont doublé, pour atteindre environ 200 millions d’euros par an. Le site france.tv a vocation à devenir le premier point d’accès à nos contenus. Y recourir doit devenir un réflexe pour nos publics. Nous continuons à enrichir son offre pour en faire le premier catalogue gratuit de documentaires, de spectacles vivants, de séries et de films – depuis le début de l’année, nous avons considérablement renforcé l’offre de cinéma, y compris en intégrant des collections. Au total, 120 films de cinéma par an seront proposés sur france.tv, ce qui nous était auparavant impossible.

Pour rivaliser avec les plateformes, nous haussons aussi nettement notre niveau en matière de séries. Je vous invite à regarder, fin octobre, sur France 2, une formidable adaptation de Germinal. Elle a été réalisée dans le cadre de l’alliance avec nos collègues européens, en l’occurrence avec la Rai, le service public italien. Ces alliances entre médias de service public européens nous permettent de rentrer dans le jeu des superproductions de séries, qui ne doivent plus être le monopole des plateformes américaines. Cette montée en gamme est essentielle pour exporter des séries et faire rayonner la culture française à l’étranger, comme nous le faisons depuis longtemps avec le cinéma. En matière de séries, je note avec satisfaction qu’en 2020, sur les onze séries les plus exportées à l’étranger citées dans le rapport du Centre national du cinéma, neuf sont des programmes financés par France Télévisions.

Cette guerre des contenus avec les plateformes sera vaine si nous perdons la bataille de la visibilité. À cet égard, je me permets de vous alerter, car il y a urgence. Trois téléviseurs sur quatre vendus en France sont des appareils connectés, dont la télécommande présente une touche rouge permettant d’accéder directement à Netflix ou à Amazon Prime Video. La loi autorise désormais le CSA, et demain l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), à prendre toutes les dispositions pour assurer la visibilité des services d’intérêt général, lesquels ne se confondent pas avec le service public. J’espère que des mesures similaires à celles prises en Grande-Bretagne par l’Office of Communications (OFCOM) pour mettre en avant les services de la BBC, d’ITV et de Channel 4 seront rapidement prises en France.

Le paysage concurrentiel est enfin marqué par le projet de fusion entre TF1 et M6. Face à la forte concurrence des médias mondiaux, nous devons faire preuve de hauteur de vue. Je soutiens la logique qui préside à cette fusion, car je suis persuadée que nous gagnerons collectivement à ce que les médias privés locaux se portent bien et proposent des contenus de qualité. Il y va de la survie des médias nationaux face à une forme d’impérialisme culturel américain dans le secteur des contenus. Je plaide donc pour le renforcement des groupes privés nationaux, mais également pour celui de l’audiovisuel public.

France Télévisions a réalisé des efforts de productivité sans précédent dans l’histoire de l’audiovisuel public, voire du service public. Les effectifs ont diminué de près de 15 % ; nous travaillons, à périmètre constant, avec 1 500 salariés de moins qu’en 2012. Je vous laisse imaginer les efforts que cela représente pour l’ensemble des salariés de l’entreprise. Cette diminution de la masse salariale nous a permis de maintenir nos comptes en équilibre depuis 2015, malgré une baisse importante des ressources publiques – 160 millions d’euros nets en moins depuis 2018. Ces efforts de productivité, que beaucoup disaient impossibles, ont été permis par une profonde transformation de nos structures, qui s’est traduite par des fusions de services et par la réforme des moyens en termes de fabrication, ainsi que par la modernité et la maturité de l’ensemble des équipes. Ces réformes majeures sont désormais totalement effectives. Je tiens à saluer les efforts de l’ensemble du corps social de l’entreprise et à souligner que France Télévisions connaît son troisième plan social en dix ans. Ces plans sociaux ont été réalisés sans secousses majeures grâce à un dialogue social nourri.

Toutefois, se pose la question de l’après. La réforme de la contribution à l’audiovisuel public est plus que jamais nécessaire, mais il faudra attendre pour que le débat puisse être ouvert. Lorsqu’il le sera, nous rappellerons à quel point France Télévisions remplit des missions essentielles de lien social et d’accès à l’éducation et à la culture dans tous les territoires, notamment les plus reculés. Nous sommes le seul lieu de culture pour un nombre très important de foyers français. Partout en Europe, ces missions ne sont exercées que par le service public. Nous aurons notamment besoin d’un audiovisuel public fort dans la perspective des Jeux olympiques de Paris, en 2024, dont France Télévisions a acquis les droits de diffusion. C’est un événement planétaire qui placera la France au cœur de l’attention mondiale et nous comptons bien le servir avec force, pas seulement d’ailleurs durant les deux semaines de la compétition, mais durant les trois ans qui nous en séparent. Nous allons chercher à impliquer tous les Français dans cette aventure et à en faire une grande fête populaire pour faire briller le sport et l’image de la France.

J’espère avoir montré à quel point France Télévisions et l’ensemble de ses salariés étaient engagés pour défendre un service public exigeant, un service public qui instruit et qui rassemble, mais aussi qui innove, invente et se transforme tous les jours, avec pour seule boussole le service et l’utilité pour nos publics.

M. Cédric Roussel (LaREM). L’année 2020 a été particulièrement difficile pour le secteur audiovisuel. La crise sanitaire a bouleversé les programmes et renforcé les tendances profondes de numérisation des usages audiovisuels, mais, face à ces difficultés, le service public a joué tout son rôle. En premier lieu, il a soutenu l’éducation, avec la programmation d’un nouveau magazine éducatif, La Maison Lumni, diffusé auprès de 5,4 millions d’enfants. En second lieu, dans le domaine de la culture, il a servi de passeur, notamment avec Culturebox, et a élaboré un plan de soutien à la création audiovisuelle et cinématographique et au secteur culturel comprenant des aides à la trésorerie et à la finalisation des productions, une prise en charge de la moitié des surcoûts liés à la crise et une garantie d’exposition du cinéma français à travers la plateforme de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) de France Télévisions.

Néanmoins, concernant le sport, on note une baisse significative des dépenses de France Télévisions, liée à l’annulation et au report d’événements sportifs. Les dépenses pour le sport sont ainsi passées de 194 millions d’euros à 179 millions d’euros en 2020. Je souhaite donc savoir comment le groupe France Télévisions est resté malgré tout aux côtés des acteurs du sport français au cours de l’année 2020, marquée par la crise sanitaire.

Attaché à la mise en place d’un service public pour la diffusion du sport, notamment du football français, je suis favorable à titre personnel à des solutions permettant de donner davantage de moyens aux chaînes publiques. Je sais que vous êtes un fervent soutien de notre proposition d’autoriser les chaînes publiques à diffuser de la publicité après vingt heures pour les retransmissions sportives. Selon les études du CSA, en effet, seulement 5 % des événements sportifs sont diffusés en clair. À l’approche des Jeux olympiques de Paris en 2024, il nous faut réfléchir à recréer un équilibre entre le payant et l’exposition en clair du spectacle sportif. Ainsi, concernant l’année 2021, je souhaiterais également savoir quelles sont les premières tendances de dépenses du service public français en matière de sport.

Mme Frédérique Meunier (LR). Madame, je tenais tout d’abord à vous féliciter, ainsi que l’ensemble des personnels de l’audiovisuel public, car vous avez su vous adapter à cette crise sans précédent, qui, je l’espère, est en phase terminale. Vous avez su prendre des initiatives dans des délais très courts afin de répondre à des missions d’intérêt général, par exemple avec la mise en place, dès mars 2020, de la plateforme Lumni, cette école à la maison dédiée aux élèves, du primaire au lycée. Vous avez également su vous diversifier et répondre à de nouveaux besoins, notamment en lançant le 27 septembre la plateforme Lumni Étudiant, offrant ainsi des ressources numériques aux étudiants, dont la crise sanitaire a révélé la fragilité.

Avec la multiplication des offres d’information et la montée en puissance des réseaux sociaux, votre priorité est la lutte contre les fausses informations. L’information du service public se doit d’être, selon vos mots, une référence indiscutable de sérieux, de compétence et d’impartialité, grâce à des dispositifs tels que NosSources ou Les Révélateurs. Quel est le retour des journalistes, des experts et des auditeurs concernant leur efficacité ?

Quel est votre avis sur le projet de fusion entre TF1 et M6, alors que le budget sport de France Télévisions a connu une baisse significative et que ces deux sociétés souhaitent fusionner principalement pour renforcer leur position dans le domaine des retransmissions sportives ?

France Télévisions prépare une série d’action baptisée Cœurs noirs avec la plateforme Amazon Prime Video. Cette collaboration est pour le moins inattendue. Il semble par ailleurs qu’Amazon diffusera la série avant la plateforme Salto. N’est-il pas contradictoire de vous associer avec une grande plateforme de streaming et de ne pas avoir négocié la diffusion en même temps par les deux plateformes, alors que vous avez toujours voulu lutter contre l’hyperpuissance de ces plateformes ?

Vous occupez la fonction de présidente du conseil exécutif de l’UER. Avez-vous d’autres projets de rapprochement avec des services publics audiovisuels européens, outre celui que vous avez mentionné avec la WDR ?

Mme Sandrine Josso (Dem). L’an passé, à la même période, nous avions eu l’occasion d’échanger alors que vous veniez d’être reconduite dans vos fonctions par le CSA. Comme l’a fait le CSA, je salue votre capacité à assurer la continuité de vos antennes et à adapter la programmation face aux contraintes découlant de la situation sanitaire. Grâce à cela, la qualité et la spécificité du service public ont perduré.

Le rapport d’exécution du contrat d’objectifs et de moyens souligne que la réalisation de l’objectif 8 s’est traduite par des chiffres en nette progression. Par exemple, en matière de diversité, je note que la proportion de femmes parmi les réalisateurs des fictions de France Télévisions est passée, en à peine un an, de 20 % à 26 % et je salue votre intention d’atteindre 30 % l’an prochain. Le projet de loi relatif à la régulation et à la protection des œuvres à l’ère numérique va donner naissance à l’ARCOM, produit de la fusion entre le CSA et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI). Parmi les missions du futur régulateur, figure celle de veiller à garantir une représentation équilibrée de la diversité de la société française. Comment envisagez-vous la réalisation de cet objectif, en collaboration avec l’ARCOM ?

Plus globalement, que pensez-vous du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, adopté définitivement par le Parlement ?

Mme Michèle Victory (SOC). Je tiens à saluer à mon tour le travail formidable des équipes de France Télévisions qui, dans un contexte difficile, marqué par la baisse de leurs effectifs et un environnement particulièrement concurrentiel, ont continué d’assurer remarquablement leurs missions de service public au cours des derniers mois. Nos concitoyens doivent pouvoir compter sur un service public de qualité et le groupe a su prendre les initiatives nécessaires pour répondre à ses missions d’intérêt général. Le CSA le souligne d’ailleurs dans son avis sur les COM et les 8 % de spectateurs supplémentaires sont la preuve de la qualité de votre travail.

Cela dit, certains éléments nous inquiètent, car ils pourraient affecter durablement le groupe. Le CSA l’a rappelé : il est indispensable de sécuriser les financements de France Télévisions. Dans cette perspective, la suppression de la taxe d’habitation, et donc de la redevance qui y est associée, nous paraît être une véritable incohérence. Au moment où il est demandé à l’audiovisuel public d’être un vecteur de lutte contre la désinformation et de se montrer exemplaire en matière de pluralité et d’indépendance, est-il raisonnable de le priver d’un financement dynamique, transparent, équitable et justifiable ?

Comment le groupe France Télévisions peut-il faire face à la concurrence des géants des plateformes alors que le Gouvernement lui demande de faire des économies en permanence et que le budget 2022 ne prévoit pas d’amélioration ? Les réponses données inlassablement à cette question sont connues : gains de productivité, et donc diminution de la masse salariale, associés à une incitation à l’augmentation de la production des programmes. Sont-elles, à votre avis, les bonnes réponses ?

Le projet de fusion entre TF1 et M6 suscite de nombreuses inquiétudes en raison des risques de concentration qu’il peut entraîner dans l’information, la production et la publicité. Vous en avez parlé, mais j’aimerais que vous partagiez avec nous un avis plus détaillé. Dans cet environnement sous pression, comment envisageriez–vous de redéfinir le contrat d’objectifs et de moyens pour qu’il corresponde à ce que nous souhaitons pour le service public ?

M. Pierre-Yves Bournazel (Agir ens). Madame la présidente-directrice générale, merci à vous et à toutes les équipes de France Télévisions pour votre engagement. Le service public audiovisuel est important dans le monde actuel, face notamment à la désinformation. La crise sanitaire a montré que le service public audiovisuel était, sans comparaison possible, un instrument puissant de valorisation de notre modèle culturel, mais aussi un outil indispensable d’information pour le bon fonctionnement de la démocratie.

Le service public audiovisuel, c’est la diffusion d’informations précises, fiables et vérifiées et ce sont aussi des moyens pour lutter contre la diffusion de fausses informations. Quels sont les moyens dont vous disposez pour favoriser cette information précise, fiable et vérifiée à l’heure où la désinformation se répand non seulement par les réseaux sociaux, mais aussi, malheureusement, par d’autres chaînes d’information diffusant des émissions dans lesquelles sont tenus des propos qui ne sont pas vérifiés ?

L’objectif 6 du contrat d’objectifs et de moyens et l’étude de perception annuelle relative à la qualité de l’offre d’information de France Télévisions m’amènent à vous poser les questions suivantes : quelles conclusions pouvez-vous tirer de l’évolution de la situation en matière de confiance dans l’information délivrée par le service public ? Comment le service public de l’information va-t-il s’adapter à une campagne présidentielle marquée par une crise de confiance et durant laquelle le débat public risque d’être alimenté par de nombreuses fausses nouvelles ?

Mme Agnès Thill (UDI-I). Les Français, vous l’avez dit, font montre de défiance, dans un contexte marqué par la manipulation de l’information, mais aussi parce qu’ils ne se sentent pas toujours représentés.

Un des principes du service public audiovisuel est l’impartialité politique. Vous ne cessez de le rappeler, à juste titre, dans vos rapports et dans vos interventions. Or, si des sujets sont trop souvent présentés dans un sens, les Français peuvent ne pas se sentir représentés, ou même y voir une sorte de manipulation de l’information. Ce principe, pour être appliqué, nécessite exigence et fermeté. Moi-même, en tant que fonctionnaire d’État – j’étais directrice d’école –, j’étais tenue à la neutralité.

À ma connaissance, le CSA est un service public. La neutralité ne vaut pas seulement dans le domaine des croyances religieuses : elle s’applique également aux questions économiques et politiques. Elle concerne tout ce qui peut influencer. Or, force est de constater que certains de vos animateurs, chroniqueurs ou journalistes, payés par nos impôts, profitent de façon récurrente de la tribune qui leur est donnée par les chaînes et les radios du service public pour prendre des positions ouvertement politiques, à la limite du militantisme. Ces comportements peuvent varier ostensiblement, de l’hostilité patente à la bienveillance équivoque, en fonction des sujets abordés ou des personnalités invitées, remettant ainsi en cause le devoir de neutralité de France Télévisions et faisant fuir certains auditeurs. Dernier exemple en date : samedi dernier, Laurent Ruquier a prodigué des conseils de stratégie et de campagne à l’endroit d’un candidat déclaré à la présidentielle. Quelles sanctions avez-vous prises envers cet animateur ? Quelles mesures adopterez-vous à l’avenir pour que de tels comportements ne contreviennent plus à votre devoir de neutralité et que les deniers publics ne soient pas détournés pour constituer de l’argent de campagne ?

M. Michel Larive (FI). Depuis quatre ans, à chaque fois que nous nous retrouvons en auditions préparatoires du projet de loi de finances et que nous recevons Mme la présidente-directrice générale de France Télévisions, nous sommes plusieurs, au regard des budgets et des effectifs en baisse constante, à dresser le constat d’un service public audiovisuel en cours de démantèlement. Nous le déplorons chaque année, lors de l’audition sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions et nous le faisons à chaque fois lors de l’examen des crédits budgétaires alloués à la mission Médias, livre et industries culturelles, à laquelle est raccroché le détail du budget consacré aux avances à l’audiovisuel public.

Malgré ces alertes répétées, la situation empire. Le dernier communiqué de presse de la CGT France Télévisions est éclairant quant à l’état de délabrement du service public audiovisuel. La direction, rencontrant des difficultés pour atteindre ses objectifs de réduction de postes, n’hésiterait pas, selon les syndicats, à démanteler des secteurs entiers de l’entreprise. Ce fut le cas notamment lors du transfert de quatre-vingt-cinq salariés des émissions patrimoniales de France Télévisions vers France.tv Studio. Les syndicalistes dressent également le constat d’une augmentation exponentielle des licenciements pour inaptitude. Ils s’inquiètent de l’externalisation d’activités, de la pression accrue sur les équipes et de la dégradation des conditions de travail des salariés. Les conséquences directes d’une telle gestion sont la multiplication des alertes de santé et la recrudescence de l’absentéisme.

Face à cette situation, l’abandon du projet de transfert de salariés de France Télévisions vers sa filiale France.tv Studio est une nécessité impérieuse. Il est temps d’arrêter les externalisations d’emplois, dans l’activité numérique notamment, et de combler les postes vacants. Donnons également les moyens humains pour la régionalisation de France 3, notamment outre-mer et dans les territoires ruraux. Ce sont là les revendications claires et légitimes de vos salariés, à qui j’apporte mon plein et entier soutien. Êtes-vous disposée à les entendre ?

M. Bertrand Pancher (LT). Je souhaite, pour ma part, vous interroger sur la dégradation de la qualité du traitement de l’information dans notre pays. C’est insupportable ! Vous savez tout autant que nous comment cela fonctionne : un, on s’appuie sur l’agrégation des faits divers, le plus souvent des violences en série, qui sont le lot du quotidien ; deux, on en fait un sujet de société ; trois, on fait monter les audiences de personnages troubles ; quatre, on considère qu’ils sont incontournables dans la vie publique et, cinq, on constate, hébétés, que ces personnages sont devenus populaires. Vous démarquez-vous de ces pratiques et, si oui, comment ? Concrètement, pensez-vous avoir fait mieux que les autres médias s’agissant de l’apparition de personnages troubles comme Éric Zemmour ?

La régionalisation de France 3 est une très bonne évolution et le modèle que vous nous présentez est intéressant, mais il manque des moyens financiers. Que pensez-vous des perspectives de contractualisation avec les régions ?

Le secrétaire général de France Télévisions s’est récemment exprimé pour regretter le manque d’audience pour les sujets concernant l’Europe. Stéphane Leneuf anime sur France Inter l’émission Le téléphone sonne Europe. Le téléphone va-t-il sonner pendant la présidence française de l’Union européenne ?

Mme Elsa Faucillon (GDR). Je vous l’avais dit l’année précédente : je suis frappée par la faible riposte que vous opposez, en tant que présidente de France Télévisions, à l’augmentation de vos objectifs et à la baisse de vos moyens. Il est fou de voir à quel point vous acceptez cette situation !

Je pense que vous partagez l’idée selon laquelle la représentation de tous les citoyens à la télévision est une question démocratique. Or, le baromètre de la diversité, publié par le CSA, indiquait en 2017 que l’on pouvait entendre, sur les chaînes publiques et privées, 62 % de cadres supérieurs contre 3 % d’ouvriers. Le décalage de représentation s’est accentué : pendant la crise sanitaire, dans l’espace public, on voyait des femmes partout, aux caisses des supermarchés, dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), dans les hôpitaux ou dans les établissements d’éducation, mais, à la télévision, on ne voyait que des hommes prétendument experts. Avec d’autres, j’avais appelé ce phénomène le « coronaviril ». Les femmes ont été invisibilisées et continuent à l’être. Je fais le parallèle avec les classes populaires, car elles en font partie. Les classes populaires demeurent un non-sujet ou sont stigmatisées et dépréciées sur les chaînes de télévision. Les récits et les fictions forment nos imaginaires. Le service public a donc un rôle important à jouer pour valoriser les classes populaires. Dans un temps très lointain, il valorisait d’ailleurs certains métiers, comme les assistantes sociales, les éducateurs ou les enseignants. Je déplore qu’il n’assure plus ce rôle et vous interpelle à ce propos.

Mme Delphine Ernotte-Cunci. Monsieur Roussel, l’important décalage entre le budget du sport pour 2020 et celui pour 2021 s’explique par les Jeux olympiques : ils entraînent un besoin de financement important des droits de diffusion et il faut mobiliser des moyens importants pour permettre leur diffusion sur nos antennes.

Depuis le début de la crise, toutes les grandes compétitions se sont tenues, quoique de façon décalée pour certaines, comme Roland-Garros et les Jeux olympiques, et ont été diffusées sur nos antennes. L’appétence de nos publics pour le sport est considérable : les Jeux olympiques ont été regardés par 50 millions de Français, les Jeux paralympiques ont eux aussi attiré énormément de public et les scores d’audience de Roland-Garros ont atteint des niveaux supérieurs à ceux réalisés au cours des dernières années, alors même qu’Amazon en détenait les droits de diffusion en soirée.

Le problème réside non pas tant dans le soutien aux fédérations sportives que dans la très forte croissance du montant des droits de diffusion : ils sont quasiment multipliés par deux à chaque renégociation des contrats, alors que les moyens des diffuseurs n’augmentent pas dans les mêmes proportions – au contraire. En effet, le financement du service public par la redevance est en décroissance et TF1 et M6 font face à un marché de la publicité qui est dans le meilleur des cas stable, voire légèrement décroissant. Or les fédérations, pour des raisons que je respecte, nous mettent en concurrence avec les grandes plateformes américaines. Amazon a ainsi acquis les droits de diffusion de Roland-Garros et de la Ligue 1. Les droits sportifs croissent donc de façon exponentielle. Quelle en est la conséquence pour nos concitoyens ? Un spectacle sportif qui était gratuit devient payant. C’est une forme de privatisation du sport. Je suis favorable à ce que l’on renforce le dispositif s’agissant des grands événements sportifs : ces derniers doivent être diffusés gratuitement sur une chaîne publique ou sur une chaîne privée, afin de ne pas imposer un abonnement supplémentaire à nos concitoyens. Un fan de football, s’il veut pouvoir regarder tous les matchs, doit payer 100 euros par mois. C’est une question importante pour le sport français. Certes, un certain nombre de droits sont sécurisés dans le service public, notamment ceux des Jeux olympiques de 2024, précisément pour que ce moment d’exposition de la France soit diffusé gratuitement sur tous les supports – téléviseurs, mobiles et ordinateurs.

Vous avez été plusieurs à m’interroger sur la fusion entre TF1 et M6. J’y suis favorable, mais sans naïveté car je pose des caveats. La concurrence des médias internationaux, principalement américains, menace ce média particulier qu’est la télévision, qui est un mélange d’informations et d’émissions quotidiennes créant des liens avec le téléspectateur. Les usages évoluent. Certaines personnes n’ont plus de télévision et préfèrent piocher dans des catalogues de contenus en ligne comme YouTube plutôt que de regarder des émissions en direct. Nous respectons ce choix, bien entendu, mais la question qui se pose à nous est de savoir comment défendre le média télévisuel et la valeur de lien social quotidien et de proximité qu’il apporte à l’ensemble de nos concitoyens.

Je vais vous parler franchement : je préfère avoir des concurrents nationaux forts, comme TF1 et M6, diffusant des contenus de qualité. D’une part, c’est un défi positif ; d’autre part, cela montre que la télévision dans son ensemble, qui est gratuite, sait faire des choses formidables. Je comprends donc mes concurrents TF1 et M6 lorsqu’ils disent avoir besoin de joindre leurs forces, dans un contexte concurrentiel difficile, pour continuer à faire une télévision de qualité.

Par ailleurs, ce regroupement d’entreprises privées montre la nécessité de continuer à investir dans le service public. En effet, si deux groupes privés, dont personne ne met en cause la gestion, disent que les temps sont durs, ils le sont tout autant, a fortiori, pour le service public. Le privé et le public doivent faire face à l’inflation des droits sportifs, des coûts de production des séries et de l’information, notamment pour financer les enquêtes nécessaires à la vérification de la véracité de ce qui nous est présenté.

Ce projet de fusion est aussi porteur de menaces, car s’il aboutit à la création d’un très gros acteur privé, ce qui risque de tenir le service public à l’écart de l’acquisition des droits sportifs. Nous devons déjà faire face à la prédation des plateformes américaines, il ne faudrait pas y ajouter celle du secteur privé. Il faut également faire attention à la publicité. TF1 et M6 ont milité par le passé pour qu’il n’y ait plus de publicité sur France Télévisions. Même si nous pesons très peu dans ce marché – moins de 10 % –, il est important que nous continuions à diffuser de la publicité, non pas tant parce que cela nous rapporte de l’argent que parce que cela nous permet d’acquérir des droits sportifs. En effet, dans le coût de diffusion d’un événement sportif le soir, pour TF1 ou M6, il convient d’enlever les recettes provenant de la publicité, ce qui n’est pas le cas pour France Télévisions. C’est cet argument de logique économique qui appuie notre demande de diffuser de la publicité après vingt heures lors de la retransmission d’événements sportifs.

En ce qui concerne nos relations avec les plateformes, je suis intransigeante, mais cela ne m’empêche pas, quand les conditions sont intéressantes et respectent nos droits acquis, de travailler au cas par cas avec elles. Je privilégie systématiquement Salto mais celle-ci est une entreprise indépendante, qui décide librement d’investir dans tel ou tel projet. France Télévisions en est actionnaire, mais n’est pas décisionnaire.

Je privilégie aussi la coopération entre services publics. C’est dans cette perspective que j’ai créé il y a quelques années une alliance avec les Allemands et les Italiens pour produire de grandes fictions. J’ai parlé de Germinal, mais je pourrais aussi citer Le Tour du monde en 80 jours, qui sera programmé avant Noël, et d’autres grandes fictions sont prévues. Nous sommes en train d’étendre cette coopération aux fictions pour les jeunes publics. Nous cherchons également à créer une sorte de marché européen qui donnerait accès en préachat à l’ensemble des œuvres que nous finançons.

Nous pourrons donc être amenés à coopérer avec les plateformes américaines, mais de façon marginale par rapport au nombre de fictions que nous finançons chaque année.

L’UER, dont je suis la présidente, est la plus ancienne et la plus grande association de médias dans le monde. Elle regroupe plus d’une centaine d’entreprises qui représentent cinquante-six pays d’Europe continentale au sens large – puisque cela inclut la Turquie et la Russie –, ainsi que l’Algérie et Israël.

Cette association est d’abord une force pour soutenir ses membres et les valeurs d’indépendance, d’impartialité et de transparence du service public qu’ils défendent. Elle est aussi un outil de coopération. Cela fait maintenant plus de soixante ans que nous échangeons quotidiennement des sujets d’informations entre services publics. Nous venons d’ailleurs d’étendre ce partage d’informations traditionnel au numérique avec une nouvelle offre, intitulée « Vu d’Europe ». Il s’agit de partager le regard des journalistes d’autres pays de l’Union européenne sur l’actualité française.

L’UER permet également d’acquérir des droits sportifs pour l’ensemble de ses membres, ce qui nous donne une force de négociation plus importante. Nous partageons aussi des créations, qu’il s’agisse de fictions ou de documentaires.

Enfin, l’UER est une force de lobbying à Bruxelles. Elle soutient les actions des commissaires européens Thierry Breton et Margrethe Vestager pour défendre, face aux grands acteurs américains, l’espace numérique européen et une place plus équitable sur le marché pour l’ensemble des acteurs économiques en Europe, notamment dans le secteur des médias. La Commission européenne a d’ailleurs adopté d’importants textes en ce sens, comme le Digital Services Act et le Digital Markets Act.

Madame Josso, vous m’avez interpellée, à juste titre, sur les femmes réalisatrices et, plus généralement, sur la diversité. Je fais la distinction entre parité et diversité. Ce sont deux objectifs que nous poursuivons, mais il importe de les distinguer, sinon les femmes passent à la trappe. Nous avons pris des engagements dont la réalisation est régulièrement évaluée par le CSA. Certains de ces engagements concernent les femmes expertes. Nous avons multiplié par deux le nombre de femmes expertes en 2020 ; 49 % des experts invités sur nos plateaux sont des femmes. La télévision contribue à façonner l’imaginaire commun. Nous faisons donc attention à présenter dans nos fictions des héroïnes féminines positives en nombre important. Nous montrons des femmes de tous milieux, fortes et différentes.

Nous faisons également attention à la parité parmi les journalistes et les animateurs et à atteindre une juste représentation des femmes dans les postes créatifs, à la fois dans la maison France Télévisions et à l’extérieur, chez les producteurs qui travaillent pour nous. Nous avons commencé par les réalisatrices. L’objectif était d’atteindre 30 % en 2021 ; nous l’avons atteint dès 2020. Nous en sommes à 33 % de femmes réalisatrices et j’espère que nous progresserons encore d’ici à la fin de l’année. Nous poursuivons nos efforts pour assurer une meilleure représentation des femmes parmi les scénaristes. Nous discutons beaucoup de ces enjeux avec les associations militantes.

Les résultats de nos efforts en matière de parité commencent à se voir à l’antenne et les gens nous le disent. S’agissant de la diversité, en revanche, nous sommes loin du compte, même si nous avons progressé.

La diversité, telle que l’entendent nos téléspectateurs, est plurielle. Elle est géographique : parle-t-on autant des campagnes et des banlieues que des centres-villes et de Paris ? Les outre-mer sont-ils représentés ? Elle est sociale : parle-t-on autant des classes populaires que des classes supérieures ? Elle est celle de l’origine et de la couleur de peau. Elle est enfin celle de la différence, notamment du handicap. Comme pour la parité, nous avons fait le choix de la mesurer en nous appuyant sur les chiffres du CSA, notamment ceux qu’il publie dans son enquête sur la diversité, qui concerne tous les médias. Grâce à ces indicateurs, nous avons dressé un premier état des lieux de nos magazines, de nos antennes et nos fictions afin de nous fixer des objectifs de progression. Ces objectifs sont plus qualitatifs que quantitatifs, à la différence de la parité, dont l’objectif s’exprime facilement en chiffres, puisqu’il s’agit d’atteindre une représentation à parts égales des femmes et des hommes.

Faire progresser la diversité tient à cœur à toutes les équipes de France Télévisions, tant dans nos fictions ou documentaires qu’à l’intérieur même de l’entreprise. Mme Faucillon l’a souligné : on ne parle pas assez des classes populaires à l’antenne, mais elles ne sont pas non plus suffisamment représentées dans notre groupe. Je me suis associée à la « Classe alpha », qui résulte d’une initiative de mon collègue de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), Laurent Vallet. C’est une idée formidable. Je vous encourage à vous rendre à Bry‑sur‑Marne pour voir ce que les équipes de l’INA ont réalisé. La Classe alpha donne une occasion de se former aux métiers de l’audiovisuel à des jeunes en situation de rupture totale avec l’école, mais également, pour ne pas faire une classe ghetto, à des personnes en reconversion. J’ai ainsi croisé une jeune sage-femme qui souhaitait travailler dans l’audiovisuel. Ces jeunes ont suivi une formation qualifiante et ont tenu le coup jusqu’au bout, avec beaucoup de joie, d’ailleurs. Nous avons contribué à cette initiative en proposant des stages et des contrats de qualification et nous poursuivrons notre travail avec ces jeunes pour adapter la formation à nos propres besoins de recrutement. La diversité est un sujet très important, qui demande que l’on travaille sur ce qui se voit et sur ce qui ne se voit pas dans l’entreprise afin d’y améliorer la mixité sociale.

Comment faire face aux plateformes ? C’est une question centrale pour France Télévisions, madame Victory. En tant que présidente de l’UER, j’ai vu deux pays – la Finlande et la Suède – qui ont réussi à reprendre le leadership sur les plateformes américaines via le numérique. Deux pays sur les cinquante-six que compte l’UER, c’est peu, mais cela donne énormément d’espoir. La Finlande a été la première. Elle a investi massivement dans l’équivalent national de france.tv, qui a ainsi dépassé Netflix. La stratégie consistant à augmenter les investissements dans le numérique, qui est celle que suit France Télévisions, semble donc être la bonne. L’exemple de la Suède le confirme : l’équivalent suédois de france.tv touche davantage de Suédois que les chaînes publiques linéaires. Cette inversion entre le poids du linéaire et celui du numérique a été possible en Suède grâce à des investissements importants. Il faut donc continuer à investir, à la fois technologiquement dans l’expérience utilisateur, et dans les contenus mis à disposition sur les plateformes numériques.

J’ai déjà parlé des risques de la fusion entre TF1 et M6. Outre le risque de prédation des droits sportifs, existe aussi le risque de prédation des talents. Les groupes privés peuvent en effet offrir des salaires qui n’ont rien à voir avec ceux du public. Nous risquons donc de nous faire « piquer » des scénaristes, des comédiens, des animateurs ou des journalistes. Cette guerre des talents est déjà en cours avec les plateformes américaines. Des gens de chez nous, conseillers de programmes en fiction ou en documentaire ont été débauchés par les plateformes américaines, qui leur offraient un salaire trois fois supérieur à celui qu’ils touchaient chez France Télévisions. Nous ne pouvons pas nous aligner : nous ne gagnerons pas la guerre de l’argent.

M. Bournazel, entre autres, a beaucoup insisté sur la qualité de l’information, sur la confiance et sur la lutte contre les fausses informations. À France Télévisions, nous travaillons sur ces questions en relation avec nos partenaires de l’audiovisuel public : Radio France, par l’intermédiaire de Franceinfo, mais également France Médias Monde et l’INA. Ces relations se traduisent par des synergies, Franceinfo étant la première grosse synergie de l’audiovisuel public. Nous avons annoncé avec mes camarades Sibyle Veil, présidente de Radio France, Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde, et Laurent Vallet, président de l’INA, une nouvelle étape dans cette synergie autour de Franceinfo. Elle concerne précisément la vérification des informations et s’appuie sur deux piliers : l’Agence franceinfo, qui dépend de Radio France et irrigue l’ensemble des rédactions, et Les Révélateurs, qui dépend de France Télévisions et dont la mission est de vérifier les images et les vidéos. Cette vérification demande des technologies spécifiques, pour lesquelles nous nous appuyons beaucoup sur les chercheurs en intelligence artificielle de l’INA, dont la compétence est reconnue. Nous essayons donc de mutualiser nos compétences au service de la vérification des informations.

Ce travail réalisé en interne est diffusé auprès du public grâce à des émissions sur Franceinfo et des rubriques du journal de vingt heures dédiées à la vérification d’information. Le démontage de fausses informations pour aider le public à déchiffrer l’actualité prend du temps, car il est beaucoup plus facile d’affirmer n’importe quoi que de démontrer qu’une information est fausse.

Nous nous engageons également dans l’éducation à l’information et à l’image, car n’importe qui peut se faire piéger par une fausse information. Il est donc important d’apprendre à détecter une fausse information ou une fausse image afin de ne pas être manipulé. Cet engagement se traduit, dans le cadre de Lumni, par des programmes éducatifs mis à la disposition des élèves et des enseignants. Il se traduit, par ailleurs, par une « réserve citoyenne » composée de journalistes qui se rendent dans les classes pour expliquer et donner des exemples de manipulation de l’information, éveillant ainsi l’esprit critique des élèves.

Dénoncer les fausses informations, c’est comme remplir le tonneau des Danaïdes : plus on en dénonce, plus il s’en crée. Il faut donc rester modeste. Il importe également de faire preuve d’humilité en choisissant de ne pas publier une information dont on n’est pas complètement sûr. Parfois on se trompe ou on ne sait pas, et il faut aussi savoir le reconnaître. Cette posture morale est un moyen de rétablir la confiance.

C’est avec ce travail sérieux et humble que nous arriverons progressivement à faire croître la confiance de nos publics. Quand on interroge les Français sur leur confiance dans les médias – tous supports confondus : médias traditionnels et réseaux sociaux –, ce sont ceux du service public qu’ils placent en première position. La chaîne d’information du service public, Franceinfo, recueille une confiance beaucoup plus forte que ses pairs, car sa ligne éditoriale est celle d’un refus de la boucle et du buzz et privilégie le travail traditionnel du journaliste. Cette chaîne offre donc moins de spectacle télévisuel, mais davantage de décryptage, dans un climat plus apaisé.

Madame Thill, vous m’avez interrogée la façon dont France Télévisions assure le pluralisme – plus que la neutralité. Le CSA s’en assure, notamment en émettant des recommandations sur les temps de parole, et son rôle est encore renforcé en période électorale. Nous veillons à ce que toutes les tendances politiques soient justement représentées et que l’exposition de l’ensemble des candidats à la présidentielle soit équitable. Pour ce faire, nous ne comptons pas de la même manière le temps de parole d’un candidat qui s’exprime à trois heures du matin et celui d’un candidat qui s’exprime au journal de vingt heures. Cette première notion est donc d’abord assurée par une approche qualitative.

Nous veillons également à ce que tous les candidats soient traités équitablement dans chacune de nos émissions, dont certaines adoptent un ton calme, alors que d’autres choisissent un ton plus vif. Je ne peux pas reprocher à M. Ruquier d’avoir demandé à un candidat de gauche si l’union de la gauche était nécessaire : la question est posée à tous les candidats de gauche sur tous les plateaux de télévision. J’ajoute que M. Ruquier n’est pas journaliste, il anime une émission de divertissement. Je ne peux donc pas lui reprocher d’avoir des opinions politiques et de les exprimer dans le cadre d’une telle émission, tout comme le font ses invités ou alors on ne peut plus parler de rien dans les émissions de divertissement. En revanche, dans le cadre d’une émission politique animée par un journaliste, nous sommes vigilants quant à l’équité de traitement de tous les candidats.

La CGT est le premier syndicat de France Télévisions, je suis donc au courant du sujet évoqué par M. Larive. Je discute intensément avec l’ensemble des organisations syndicales. Je rappelle que France.tv Studio est une filiale à 100 % de France Télévisions. Il ne s’agit donc pas d’externalisation. Nous avons simplement cherché à regrouper toutes les activités de production au sein de la filiale de production, ce qui n’est pas illogique.

M. Larive m’a également interpellée sur l’absentéisme. L’entreprise France Télévisions a été exemplaire pendant la crise. Nous n’avons pas eu recours au chômage partiel, ce qui est normal, puisque nous sommes financés par l’argent public. Nous avons assuré le versement des salaires de tous les salariés, mais également des intermittents qui étaient planifiés avant que la crise ne se déclare. Nous avons créé un fonds de soutien. Il s’adresse non seulement aux intermittents, mais aussi aux petits producteurs qui avaient engagé des dépenses et se trouvaient dans une situation très difficile : nous avons pris en charge la moitié des surcoûts liés à la crise sanitaire. France Télévisions a donc eu une attitude responsable en soutenant ses salariés ainsi que l’ensemble du secteur. Dire cela, ce n’est pas faire de la propagande : le constat est partagé en interne.

Le télétravail forcé a créé des situations parfois très difficiles chez certains salariés. Notre accord relatif au télétravail a été modifié pendant la crise. Nous espérons désormais que tous les salariés reviendront travailler en présentiel. C’est la consigne donnée, en application stricte de l’accord de télétravail. Je ne crois pas à une entreprise totalement dématérialisée, où les équipes ne se réunissent pas. Nous sommes sur ce point parfaitement en adéquation avec la totalité des organisations syndicales. Je ne constate pas un accroissement de l’absentéisme par rapport aux périodes précédentes, mais nous sommes vigilants sur les cas individuels, car certains salariés peuvent se trouver dans une situation difficile. Nous sommes à la fois fermes sur le retour au travail en présentiel avec le maintien des gestes barrières et attentifs à la situation des salariés, qui sont restés dix-huit mois loin de leurs collègues, parfois dans un certain isolement.

Monsieur Pancher, la régionalisation de France 3 est une transformation majeure en direction de laquelle nous avons déjà réalisé de nombreuses avancées, notamment des contrats d’objectifs et de moyens avec de nombreuses régions, dont la Bretagne. Les objectifs assortis à ces contrats ne portent pas sur l’information, afin de ne pas courir de risque d’interprétation ou d’ingérence. Ces contrats permettent de réaliser des émissions spécifiques, en langue régionale comme en Bretagne, et même de créer des chaînes régionales de plein exercice, comme NoA en Nouvelle-Aquitaine. Nous écoutons les régions, les collectivités et les maires pour mieux comprendre ce qu’ils attendent des chaînes territoriales. Nous ferons un tour des régions afin de voir comment améliorer les dispositifs existants de contrats d’objectifs et de moyens.

Madame Faucillon, vous m’avez interpellée sur le fait que j’ai accepté les objectifs qui m’étaient assignés et les moyens qui m’étaient donnés. Permettez-moi de vous répondre avec humour que je suis très légaliste et que j’accepte les objectifs et les budgets votés par le Parlement.

Vous parlez du « coronaviril ». C’est une expression amusante, qui recouvre une certaine réalité. On nous a fait le reproche, à juste titre, d’avoir invité pendant la crise trop d’hommes sur nos plateaux. Cela dit, si on se contente de représenter la société telle qu’elle est, nous ne pourrons atteindre la parité. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ne compte qu’environ 20 % de femmes professeures de médecine, par exemple. Pour atteindre la parité et avoir une juste représentation des femmes sur les plateaux, le service public doit donc parfois essayer de corriger la réalité. Par conséquent, indépendamment des objectifs de parité qui nous sont assignés, que j’accepte et que je comprends, il faut qu’un vrai travail de mixité dans les postes à responsabilité soit réalisé dans notre pays. Pour reprendre l’exemple précédent, l’AP-HP compte 20 % de femmes parmi les professeurs de médecine, alors que les femmes représentent 75 % des étudiants en faculté de médecine.

La question de la redevance nous concerne à plusieurs titres. Pour l’instant, nous n’avons de visibilité sur notre financement que jusqu’à la fin de l’année 2022. C’est trop court : aucune entreprise ne peut être pilotée si l’on n’est pas en mesure d’estimer ses ressources à un horizon de deux ou trois ans. Une entreprise privée estime son chiffre d’affaires. Elle peut se tromper, mais elle a au moins une base pour travailler. Nous, nous n’en avons pas. Par ailleurs, la forme même de perception de la redevance est obsolète. D’abord, elle est attachée au poste de télévision alors que le poste de radio devrait être inclus, puisque la redevance finance également la radio. Cela peut induire nos concitoyens en erreur en les amenant à penser que la redevance ne finance que France Télévisions alors qu’elle finance aussi France Médias Monde, Radio France, l’INA et ARTE. Il faut donc moderniser l’assiette de la redevance. Ensuite, la perception est assise sur la taxe d’habitation, qui sera supprimée en 2023. Nous ne savons pas ce qui se passera après 2022.

On peut presque déterminer la nature d’un régime politique en fonction de la manière dont le service public est traité. Or l’un des principes essentiels est que le financement de l’audiovisuel public doit provenir d’une taxe affectée, qui ne dépend pas des alternances gouvernementales et qui assure à l’audiovisuel public une prévisibilité sur le moyen terme. Dans une démocratie saine, l’audiovisuel public doit bénéficier d’un financement indépendant. Nous sommes en fin de législature, il est donc trop tard pour discuter de ce sujet, mais il sera urgent pour la prochaine assemblée de s’en saisir.

M. Bertrand Pancher. Vous ne m’avez pas répondu sur le traitement des informations concernant l’Europe. Il est regrettable qu’une émission comme Le téléphone sonne Europe soit supprimée, alors que la France assurera bientôt la présidence du Conseil de l’Union européenne.

Mme Delphine Ernotte-Cunci. Le téléphone sonne Europe est une émission de Radio France, je ne peux donc pas vous répondre.

M. le président Bruno Studer. Nous recevrons bientôt Mme Sibyle Veil.

Mme Delphine Ernotte-Cunci. La télévision doit encore faire des efforts s’agissant du traitement des informations concernant l’Europe, mais je rappelle l’existence d’émissions telles que Nous, les Européens sur France 3 ou La Faute à l’Europe sur Franceinfo. Nous sommes un des rares médias en France – avec d’autres médias du service public – à avoir conservé des correspondants dans les grandes capitales européennes : Londres, Berlin, Rome et Bruxelles, dont le bureau sera renforcé à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Nous échangeons également avec d’autres médias européens des sujets produits par les rédactions. Nous avons récemment franchi une étape supplémentaire en échangeant des sujets numériques, ce qui a permis d’enrichir l’offre numérique de Franceinfo avec Vu d’Europe. On nous avait reproché de ne pas avoir retransmis le discours d’intronisation d’Ursula von der Leyen. Nous avons retransmis son discours sur l’état de l’Union – ce que nous sommes d’ailleurs les seuls à avoir fait.

La cinquième réunion du comité de suivi du pacte pour la visibilité des outre-mer s’est tenue lundi soir. Le comité est composé, entre autres, de députés et de sénateurs à la fois exigeants et justes, et j’en profite pour saluer M. Claireaux, dont les remarques très pertinentes nous aident beaucoup dans notre travail. Le pacte fixe des objectifs pour assurer une meilleure exposition des outre-mer sur l’ensemble des antennes linéaires et numériques du groupe France Télévisions. À la demande du comité de suivi, nous avons réalisé une enquête de perception de la visibilité des outre-mer sur nos antennes. Cette enquête montre que nous avons progressé mais qu’il y a encore du chemin à faire. Il faut encore davantage de sujets dans les journaux, de documentaires et de fictions consacrés aux outre-mer. Grâce à la mobilisation de l’ensemble des équipes, les sujets d’information sur les outre-mer ont été multipliés par deux et nous avons déjà diffusé trente-cinq grandes fictions au cours de cette année, alors que notre engagement était d’en diffuser douze. Nous avons donc dépassé les objectifs.

Il existe des synergies très importantes entre les sociétés de l’audiovisuel public. Ce que nous avons réussi à réaliser ensemble, en l’absence totale de gouvernance commune, est impressionnant : Franceinfo, Lumni, Culture Prime, la classe alpha de l’INA ou encore les matinales de France Bleu diffusées par France 3. Nous n’arrêtons pas de proposer de nouvelles synergies et d’enrichir celles qui existent et je ne parle pas des synergies invisibles, d’ordre technique et financier. Nos directeurs techniques se réunissent régulièrement pour traiter de cybersécurité, par exemple : nous avons beaucoup appris des expériences malheureuses de nos confrères dans ce domaine. Nous disposons également d’un centre de supervision commun, nous travaillons à l’amélioration de nos systèmes d’information communs, nous partageons des innovations technologiques. Ce maillage de synergie actives et vivantes continue de s’étendre. Cela concerne aussi les outre-mer : nos équipes de Malakoff sont à la disposition de Radio France pour produire des sujets radio, et nous réalisons pour France Médias Monde un journal des outre-mer, déjà présent sur France 3. Ces initiatives sont prises sans patron commun pour la gestion quotidienne, même si nous dépendons bien sûr du ministère de la culture et du Parlement. Les acquis de ces dernières années sont extraordinaires de ce point de vue.

Mme Cécile Rilhac. En mars 2020, le covid-19 a pris tout le monde de court et a bouleversé nos habitudes du jour au lendemain. Les entreprises, les administrations et les écoles ont rapidement dû s’adapter à cette situation inédite et soudaine. Les parents ont ainsi été très nombreux à télétravailler tout en assurant le suivi scolaire de leurs enfants. Les médias publics, à l’instar de France Télévisions, ont également bousculé leurs programmes afin de continuer à informer les citoyens et de s’adapter à leurs nouveaux besoins, en assurant la continuité pédagogique de l’enseignement à destination des jeunes ou en proposant des programmes culturels. Ainsi, la chaîne France 4 proposait tous les jours des contenus ludiques et éducatifs pour aider les enfants. Lors du second confinement, une nouvelle offre pédagogique numérique a vu le jour sur la plateforme Lumni. Cette plateforme regroupe plusieurs grands médias et se veut au service de l’éducation pour tous les élèves et étudiants ainsi que du personnel enseignant. En cette rentrée 2021, alors que tous les élèves ont retrouvé le chemin de l’école, quel premier bilan tirez-vous de ces nouveaux programmes et comment comptez-vous les pérenniser et même les développer vu l’importance et la place du numérique ?

Mme Delphine Ernotte-Cunci. Nous avons fait plusieurs expériences. Sur France 4. Nous avons fait la classe pendant que l’école était fermée. Cela a très bien fonctionné, puisque nous avons touché environ 1 million d’enfants chaque jour, mais nous nous sommes rendu compte qu’en dehors de ce moment très particulier où l’école était fermée, les programmes purement pédagogiques sur les antennes ne fonctionnaient pas. Au retour des vacances, en 2020, nous avons poursuivi les cours à la télévision, avant de constater que les enfants souhaitaient des programmes plus ludiques, dès lors qu’ils avaient retrouvé l’école. Nous avons donc pris le temps de travailler sur une nouvelle grille, qui entrera en vigueur en janvier. Nous avons collaboré avec le secteur de l’animation pour qu’il nous propose des projets à la fois ludiques et éducatifs. C’est un secteur vivace, créatif et puissant. L’animation française est de classe internationale et nous pouvons en être fiers. Nous avons également travaillé sur des émissions permettant de faire le lien avec le matériel éducatif de Lumni en s’appuyant sur des passeurs qui incarnent notre double mission de divertissement et d’éducation. Je pense à des émissions telles que C’est toujours pas sorcier ou Le Monde de Jamy. Ces émissions parlent aux enfants et leur font passer des messages. Nous allons également travailler sur la grille du week-end, qui aura sans doute une visée éducative plus importante : comme les enfants ne sortent pas de l’école ces jours-là, ils sont plus réceptifs aux émissions pédagogiques.

M. Jean-Jacques Gaultier. La régionalisation de France 3 est une bonne chose : il faut donner la priorité à la proximité, et il est bien de ne pas voir la même chose partout. Quelles sont les modalités et le calendrier de la montée en puissance de l’offre numérique partagée entre France 3 et France Bleu ?

À l’heure des box et des téléviseurs connectés, la télévision universelle et gratuite n’est plus le mode dominant. La question de la modernisation de la TNT se pose donc. Quelles sont vos attentes et, peut-être, vos regrets par rapport à la dernière loi, notamment en ce qui concerne la norme Hybrid Broadcast Broadband TV (HBBTV), c’est-à-dire les services interactifs avec les programmes ?

Vous voulez faire de France Télévisions un média universel pour tous diffusant une information de référence et de confiance. Vous avez raison. Je le dis souvent, il y a beaucoup de bonnes choses sur France Télévisions, mais il y a aussi parfois des dérapages qu’il faut signaler – « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » ! Je pense à cet animateur de France 2 qui fait de la propagande, qui a traité un candidat de « virus » et appelle à l’union des gauches et de l’extrême gauche. Il s’autoproclame représentant du camp du bien. Sans polémique excessive, pensez-vous que cela soit compatible avec les missions et la neutralité du service public, avec le débat apaisé et pluraliste et avec le recul et la nuance que vous appelez de vos vœux ?

Mme Delphine Ernotte-Cunci. Je me suis déjà exprimée à propos de cet animateur en répondant à Mme Thill.

Nous nous sommes interrogés sur la signification de la proximité pour nos téléspectateurs. La proximité, ce ne sont pas les modélisations sur lesquelles nous travaillons à France Télévisions ou à Radio France car il s’agit de la zone de vie dans laquelle nos téléspectateurs rayonnent, entre leur domicile et leur travail ou le magasin où ils font leurs courses. Or cette échelle individuelle ne peut être traitée par des médias de masse comme la radio ou la télévision, car il faudrait faire autant d’antennes que de citoyens. En revanche, grâce au numérique et à ses possibilités d’automatisation, nous pouvons travailler sur une offre paramétrable centrée sur la personne et sa zone de vie comprenant des documentaires, des informations et des services : numéros à appeler, météo, informations sur le trafic.

Il faut également continuer à travailler pour améliorer l’accessibilité de France 3. Certes, les opérateurs prennent en compte nos décrochages régionaux dans les box, mais cela va prendre du temps et je ne suis pas sûre que nous disposions de ce temps pour assurer une meilleure proximité à nos chaînes traditionnelles. C’est une avancée, mais je pense que nous aurions pu aller plus loin.

La TNT est le seul moyen pour nous d’avoir un accès direct aux téléspectateurs. Grâce à la TNT, nous ne sommes pas désintermédiés par un écran Samsung, par une interface Apple ou par une clé Google. La TNT est aussi économiquement intéressante. Je suis donc très favorable à sa modernisation et à l’introduction de l’interactivité afin d’étendre la gamme de services. Le direct n’est pas suffisant, car il ne correspond plus aux usages. Il faut aussi donner à tous l’accès à ces services et lutter à la fois contre l’exclusion géographique, qui ferme l’accès au numérique à ceux qui n’ont pas un débit suffisant, et contre l’exclusion sociale, car, même si les foyers français disposent en moyenne de six ordinateurs, certains foyers n’en ont qu’un seul. Nous avons vu ces deux formes d’exclusion lorsque les écoles étaient fermées. Je rappelle que notre rôle est de s’adresser à tous et donc d’investir dans un mode de distribution qui rende le numérique accessible à toute la population.

Mme Aurore Bergé. Je crois évidemment au service public de l’audiovisuel et à la nécessité de conforter ses moyens sur le long terme. J’ai plaidé avec d’autres, notamment avec M. le président, en faveur de l’universalisation de la contribution à l’audiovisuel public. Croire au service public de l’audiovisuel, c’est aussi croire à la singularité qu’il doit pouvoir réaffirmer, c’est-à-dire parler à tous. Quel niveau d’investissement envisagez-vous de consacrer aux programmes de flux ? Seront-ils en augmentation ? C’est grâce à ces programmes qu’il est possible d’affirmer une ligne éditoriale.

Ce qui s’est passé dans une émission de service public, avec un animateur qui est aussi producteur et qui est payé par les impôts des Français, n’est pas anodin. Ce même animateur aurait-il pu dire qu’il souhaite, pour « le bien des gens » – je reprends ses mots –, l’union des droites allant d’Éric Zemmour à Marine Le Pen, en passant par Les Républicains ? Resterait-il une seule seconde à votre antenne ? La réponse est non, et ce serait même souhaitable. Le rôle des journalistes est non pas de prendre position, mais d’éclairer sur les positions et de faire en sorte que chacun soit libre de choisir. L’audiovisuel public sort de son rôle lorsqu’il substitue une ligne militante à une ligne éditoriale indépendante et forte. C’est ce qui s’est exprimé et qui a choqué, quelles que puissent être d’ailleurs nos opinions.

M. Jean-Jacques Gaultier. Sur ce point, je constate que la même position a été exprimée par trois groupes différents !

Mme Delphine Ernotte-Cunci. Les programmes de flux sont au centre de notre offre de télévision. Pour beaucoup de téléspectateurs, nous sommes une télévision d’habitude, de rendez-vous quotidiens avec un animateur ou un journaliste pour une émission d’information, un magazine ou un jeu. Dans le contexte de réduction des moyens alloués à l’audiovisuel public, nous avons essayé de préserver au maximum l’investissement dans les programmes en travaillant sur les coûts de structure. Néanmoins, les programmes de flux se sont trouvés en tension ces dernières années, alors même que les investissements dans la création et dans le numérique ont augmenté. Nous devons faire attention, car ce sont les programmes de flux qui font la vivacité de notre offre et qui nous permettent de nous démarquer des offres des plateformes, qui comportent certes des programmes de flux, mais pas de rendez-vous quotidiens. Pour l’avenir, je ne sais pas quelle sera la tendance des investissements dans les programmes de flux après 2022, mais il faut les préserver et donc en préserver le financement et les budgets.

Si un animateur appelait à l’union des droites, cela ne me choquerait pas. Un animateur peut dire ce qu’il a à dire à partir du moment où on sait d’où il parle. L’animateur que vous visez n’est pas journaliste et ne prétend pas parler en cette qualité. Je vous rappelle que dans son émission ont été reçus successivement le Premier ministre, M. Zemmour, Mme Hidalgo et M. Mélenchon. Ce qui m’importe, c’est que les invités reçus dans cette émission soient représentatifs de la diversité des hommes et des femmes politiques et qu’ils soient traités de façon équitable. Cela a bien été le cas. Vous avez le droit de ne pas être d’accord avec cet animateur, mais je ne vois aucun problème déontologique dans son attitude.

M. Jean-Jacques Gaultier. L’émission dont nous parlons est une émission politique.

Mme Delphine Ernotte-Cunci. Non, ce n’est pas une émission politique, mais ce sont bien des personnalités politiques qui y sont invitées.

Mme Emmanuelle Anthoine. Les synergies entre les entreprises de l’audiovisuel public sont essentielles, car elles permettent de mutualiser les moyens, de partager les coûts et d’obtenir de meilleures audiences. Un exemple de ces synergies est l’expérimentation qui consiste à faire diffuser les matinales de France Bleu par France 3. Pourtant, le CSA observe que la collaboration entre France 3 et France Bleu, notamment pour le lancement d’une offre numérique de proximité, semble à l’arrêt. Au-delà de ces matinales communes, existe-t-il d’autres pistes de rapprochement entre France Bleu et France 3 ? Quand sera lancée une offre numérique conjointe de proximité ? Peut-on envisager un média global régional en rapprochant encore davantage les équipes de France Bleu et celles de France 3 ?

Mme Céline Calvez. Quelle est la place des femmes journalistes dans les postes à responsabilité au sein de la rédaction et des services éditoriaux ?

La frontière est trop floue entre les émissions d’information, les émissions politiques et les émissions d’infotainment pour que tous les téléspectateurs puissent faire la différence entre un animateur et un journaliste. Il me semble par ailleurs nécessaire de poursuivre la réflexion sur le décompte des temps d’antenne et sur la façon dont on explique aux téléspectateurs en quoi consiste cet exercice.

Mme Karine Lebon. Cette audition est l’occasion pour moi de saluer la réussite d’OPJ, un programme ultramarin de france.tv qui a battu des records d’audience avec plus de 4,5 millions de téléspectateurs, qui a créé de nombreux emplois locaux et qui a donné de la visibilité à La Réunion. Ce succès montre que le secteur audiovisuel ultramarin a de l’avenir et peut compter sur un vivier local. De futures initiatives concernant la création de séries ultramarines, mais aussi le financement des cinéastes locaux permettant la promotion de contenus en langue régionale, tel le créole, sont-elles envisagées ?

L’indicateur 8.1 du contrat d’objectifs et de moyens concernant l’égalité entre les femmes et les hommes, la représentation de la diversité et la visibilité des outre-mer montre que les chiffres de la visibilité ultramarine s’établissent à seulement 4 % et ceux relatifs au handicap à 0,7 %. Quelle stratégie comptez-vous mettre en place pour donner un véritable coup de fouet à ces chiffres ?

M. Pascal Bois. Concernant l’émission de samedi soir, je ne suis pas sûr moi non plus que tous les téléspectateurs fassent la différence entre un journaliste et un animateur de renom. La question de la déontologie peut donc se poser.

La télévision a joué un rôle fédérateur et a assuré la continuité pédagogique durant la crise sanitaire. Je tiens à féliciter l’ensemble de vos équipes. La télévision a également joué un rôle salvateur pour la culture et le spectacle vivant, notamment grâce à Culturebox. Pourriez‑vous apporter des précisions sur sa pérennisation en soirée, ainsi que sur le fil conducteur qui sera le sien pour les années à venir pour distinguer cette offre des contenus culturels présents dans le paysage audiovisuel français – je pense à ARTE, à la vidéo à la demande ou à Culture Prime ?

Mme Virginie Duby-Muller. Vous précisez dans le COM qu’afin d’améliorer la perception de son offre d’information, France Télévisions continue de déployer des initiatives renforcées pour lutter contre les infox. Pouvez-vous détailler ces initiatives ?

Culture Prime teste cette année des réseaux sociaux comme Instagram afin de toucher le public jeune. Les résultats de cette expérimentation indiquent-ils que vous y soyez parvenus ?

M. Stéphane Testé. Il y a trois ans, vous vous disiez prête à établir des partenariats respectueux avec les géants du streaming tels que Netflix ou Amazon. C’est désormais chose faite avec la série Cœurs noirs, en préparation, qui est le fruit d’un partenariat entre France Télévisions et la plateforme Amazon Prime Video. Il s’agit d’une première pour le groupe France Télévisions en dehors de son partenariat naturel avec le service français Salto. Pouvez‑vous nous en dire plus sur ce partenariat ? En appelle-t-il d’autres ou s’agit-il d’un cas isolé ?

M. Stéphane Claireaux. J’ai participé lundi au comité de suivi du pacte pour la visibilité pour les outre-mer, et c’est avec satisfaction, je tiens à le souligner devant mes collègues de la commission des affaires culturelles, que j’ai constaté le travail considérable de vos équipes pour améliorer la visibilité des outre-mer sur les chaînes et le réseau France Télévisions. La progression des sujets concernant l’outre-mer dans les éditions d’information du groupe est marquante, même s’il y a encore une marge de progression, notamment dans les séquences majeures des éditions de treize heures et vingt heures du journal télévisé de France 2. La présence en première partie de soirée de programmes liés aux outre-mer a été renforcée et l’investissement et la confiance de France Télévisions dans la fiction ultramarine est payante au regard des très bons résultats d’audience.

Au vu du succès auprès du public des productions ultramarines, quelles mesures pourriez-vous prendre pour permettre l’émergence de nouveaux talents ultramarins sur les chaînes nationales du service public et favoriser la création de véritables filières audiovisuelles dans mon territoire ? Comment comptez-vous équilibrer la représentation de nos différents outre-mer sur la chaîne Culturebox afin d’assurer une visibilité à des territoires qui, comme Saint-Pierre-et-Miquelon, disposent d’une offre culturelle plus modeste en nombre d’artistes et de productions, mais de très grande qualité ?

Mme Jacqueline Dubois. Ma question, qui pourra vous surprendre, concerne la santé des Français. Depuis plusieurs années, l’horaire des programmes de début de soirée des chaînes publiques nationales est progressivement retardé. Il est passé de vingt heures trente à vingt et une heures dix pour les films, les émissions de divertissement ou les documentaires. J’ai été interpellée à plusieurs reprises sur l’impact des grilles des programmes télévisuels sur la qualité du sommeil des téléspectatrices et des téléspectateurs et de leurs conséquences sur leur santé. On sait que le manque de sommeil agit sur nombre de paramètres biologiques favorisant l’apparition de maladies chroniques et de dépressions. Quel est votre avis sur ce sujet et comment pourriez-vous agir pour que les programmes de début de soirée cessent de reculer dans la grille horaire ?

Mme Delphine Ernotte-Cunci. Madame Calvez, l’index de l’égalité femmes‑hommes à France Télévisions s’établit à 94. Il ne peut atteindre le score de 100, car les dix plus hauts salaires sont majoritairement versés à des femmes – nous avons accru le nombre de femmes parmi les journalistes à l’antenne, métiers auxquels sont attachés les plus hauts salaires à France Télévisions. Nous sommes attentifs à la stricte égalité salariale et à l’égalité d’accès à des postes à responsabilité. Par ailleurs, le comité exécutif de France Télévisions est exactement paritaire et les comités de direction de mes équipes sont paritaires. Nous sommes vigilants sur les taux de féminisation à tous les niveaux de l’entreprise, mais cela reste un point difficile parmi les journalistes. Ce taux progresse parmi les rédacteurs en chef, mais nous ne renouvelons pas les postes tous les ans.

Madame Lebon, nous sommes très contents du succès d’OPJ. Cette série fait travailler des comédiens et des techniciens locaux et apporte donc une vraie plus-value au territoire. Nous avons d’autres projets sur l’outre-mer, notamment une belle fiction sur la reine Pomaré. Nous cherchons également à susciter des vocations chez les producteurs locaux et à étendre aux ultramarins des dispositifs mis en place en métropole pour la jeune génération. Je pense notamment au très beau dispositif inspiré des compagnons du tour de France et piloté par la Guilde des scénaristes, que nous avons annoncé au Festival de la fiction de La Rochelle. Il consiste en un système de compagnonnage : nous accueillons dans nos ateliers d’écriture des personnes récemment installées dans le métier de scénariste. Je pense également à la classe alpha.

Monsieur Bois, nous essayons d’offrir sur Culturebox la plus grande diversité possible de spectacles vivants, en termes de disciplines artistiques et de territoires. Nous avons d’ailleurs rendu compte au comité de suivi du pacte pour la visibilité des outre-mer des spectacles ultramarins diffusés sur Culturebox. Le site diffuse des lives et permet donc d’accueillir de nouveaux artistes dans des genres différents. Nous cherchons à maintenir un juste équilibre entre les disciplines artistiques et, à l’intérieur de ces disciplines, entre des spectacles plus contemporains et des spectacles plus installés afin de garantir une programmation éclectique aux téléspectateurs. L’éclectisme, le soutien aux jeunes artistes et aux arts émergents sont nos guides.

Madame Duby-Muller, j’ai dressé le panorama des initiatives prises au sein des rédactions ou par l’intermédiaire de coopérations avec l’audiovisuel public pour lutter contre les infox. Il s’agit de programmes visant à décrypter les manipulations de l’information, sous forme de rubriques rapides ou d’enquêtes plus longues, mais également de contenus éducatifs à destination des jeunes publics, à la fois via notre plateforme éducative Lumni et les journalistes de la réserve citoyenne qui se déplacent dans les classes avec nos collègues de l’audiovisuel public et travaillent sur des cas concrets avec les professeurs et leurs élèves. Ce dispositif vise à démonter les fausses informations et à contribuer à l’éducation aux médias et à l’image auprès des jeunes – et des moins jeunes.

Grâce à Culture Prime, qui fonctionne très bien, à Slash et à notre forte présence sur les réseaux sociaux, nous pouvons toucher tous les publics. Nous avons lancé à l’occasion de l’élection présidentielle, sur l’initiative d’équipes ultramarines, un programme sur TikTok appelé La République, c’est toi pour inciter les primo-électeurs à aller voter à la prochaine élection, en leur expliquant les enjeux de cette élection et ce que représente le vote et l’engagement citoyen. Nous avons choisi TikTok parce que c’est un média qui permet de parler aux jeunes qui auront bientôt 18 ans. Culture Prime, je le répète, est un énorme succès. Les sujets qui y sont publiés peuvent recueillir 1 million de vues. Ce succès passe sous les radars parce que nous sommes focalisés sur les émissions des antennes linéaires. J’ai parlé de NOWU, qui est une nouvelle plateforme destinée à inciter les jeunes à s’informer sur le climat et à s’exprimer. Je veillerai la prochaine fois à décrire un panorama plus complet de l’action du service public sur les réseaux sociaux.

Madame Dubois, nous avons essayé, pendant les confinements, de mettre en place des programmes de sport pour inciter les téléspectateurs à maintenir une activité physique, qui est importante pour la santé tant physique que psychologique. Nous diffusons également beaucoup d’émissions scientifiques et médicales. Nous parlons également de santé psychologique dans nos fictions, comme Mental, qui parle de la difficulté pour les adolescents d’affronter des problèmes psychologiques – un jeune sur deux y est confronté. Nous veillons aussi à faire la promotion de l’économie de temps d’écran. L’application Okoo, à destination des enfants, permet ainsi à leurs parents de choisir le temps pendant lequel l’enfant va rester devant l’application. Nous avons signé hier, avec plusieurs ministres, une charte pour promouvoir la modération numérique. Alertés par cette commission et son président, nous avons aussi beaucoup travaillé sur la pornographie en ligne et un certain nombre de documentaires et d’émissions ont été programmés pour alerter les parents sur la nocivité de l’accès trop facile à la pornographie.

Nous avons essayé de maintenir nos débuts de programme à vingt heures trente, mais nous avons dû nous aligner sur l’horaire plus tardif pratiqué par tous nos concurrents. Nous avons toutefois veillé à programmer entre la fin du journal et le début de la soirée de véritables contenus qui ne représentent pas une perte de temps. Ainsi, depuis trois ans, nous programmons un feuilleton quotidien, qui est suivi par 4 millions de personnes. Nous avons également rendu disponibles tous nos programmes de première partie de soirée dès six heures du matin sur notre plateforme numérique, donnant ainsi la possibilité aux téléspectateurs de regarder la fiction ou le documentaire de la soirée à l’horaire qu’ils souhaitent.

M. le président Bruno Studer. Permettez-moi, madame la présidente-directrice générale, de vous remercier pour cette dernière audition de la législature sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens. Je voulais vous dire à quel point j’ai apprécié de travailler en étroite collaboration avec vous et votre belle entreprise de service public. Je vous souhaite le meilleur pour les mois et les années qui viennent, parce que le meilleur de la France est indubitablement lié au meilleur du service public de l’audiovisuel.

*


Puis la commission examine, au titre de l’article 88 du Règlement, des amendements déposés en séance publique sur plusieurs propositions de loi.

 Proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique (nº 4484) (Mme Florence Provendier, rapporteure) :

La Commission a accepté les amendements figurant dans le tableau ci-après ([1]) :

 

N° Id

Ss-Amdt

Auteur

Groupe

Place

Alinéa

48

 

 

Mme PROVENDIER Florence

LaREM

PREMIER

2

31

X

X

Mme PIRON Béatrice

LaREM

PREMIER

4

54

 

31

Gouvernement

 

PREMIER

4

35

31

 

Mme PROVENDIER Florence

LaREM

PREMIER

4

50

31

 

Mme DESCAMPS Béatrice

UDI-I

PREMIER

4

36

 

 

Gouvernement

 

av 9

 

37

 

 

Gouvernement

 

10

3

49

 

 

Mme PROVENDIER Florence

LaREM

12

2

 

 Proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs (n° 4499) (Mme Géraldine Bannier, rapporteure)

La Commission a adopté neuf amendements de la rapporteure (n° 31 à l’article 1er et nos 32 à 39 à l’article 2).

Elle a ensuite repoussé, en application de l’article 88 du Règlement, tous les autres amendements déposés sur le texte en séance publique.

 

 Sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à créer un ticket restaurant étudiant (n° 4494) (Mme Anne-Laure Blin, rapporteure)

La Commission a accepté l’amendement figurant dans le tableau ci-après ([2]) :

 

Auteur

Groupe

Place

Alinéa

17

Mme COLBOC Fabienne

LaREM

Titre

-

La séance est levée à onze heures quarante-cinq.

______


Présences en réunion

Réunion du mercredi 6 octobre 2021 à 9 h 30

Présents.  Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Delphine Bagarry, Mme Géraldine Bannier, Mme Aurore Bergé, M. Bruno Bilde, Mme Anne-Laure Blin, M. Pascal Bois, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Bertrand Bouyx, Mme Anne Brugnera, Mme Céline Calvez, Mme Fannette Charvier, M. Stéphane Claireaux, Mme Fabienne Colboc, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Elsa Faucillon, M. Alexandre Freschi, M. Laurent Garcia, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Luc Geismar, Mme Valérie Gomez-Bassac, Mme Florence Granjus, M. Pierre Henriet, Mme Sandrine Josso, M. Yannick Kerlogot, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Karine Lebon, Mme Constance Le Grip, Mme Frédérique Meunier, Mme Cécile Muschotti, M. Bertrand Pancher, M. Guillaume Peltier, M. Pierre-Alain Raphan, M. Frédéric Reiss, Mme Cécile Rilhac, M. Cédric Roussel, M. Bertrand Sorre, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, Mme Sylvie Tolmont, Mme Michèle Victory, M. Patrick Vignal

Excusés. M. Yves Blein, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, Mme Brigitte Kuster, Mme Josette Manin, Mme Sophie Mette, Mme Maud Petit, M. Julien Ravier

Assistait également à la réunion. – M. Fabien Di Filippo

 

 


([1]) Les autres amendements étant considérés comme repoussés.

([2])  Les autres amendements étant considérés comme repoussés.