Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Examen de la proposition de loi visant à atténuer les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur générées par Parcoursup (n° 4588) (Mme Karine Lebon, rapporteure)              2

 Présences en réunion................................18


Mardi
23 novembre 2021

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 16

session ordinaire de 2021-2022

Présidence de
M. Bruno Studer,

Président
 

 


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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 23 novembre 2021

La séance est ouverte à dix-sept heures vingt.

(Présidence de M. Bruno Studer, président)

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La commission examine la proposition de loi visant à atténuer les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur générées par Parcoursup (n° 4588) (Mme Karine Lebon, rapporteure).

M. le président Bruno Studer. Nous examinons la proposition de loi visant à atténuer les inégalités d’accès générées par Parcoursup. Ce texte est inscrit à l’ordre du jour de la journée réservée au groupe de la Gauche démocrate et républicaine, le 2 décembre prochain.

Mme Karine Lebon, rapporteure. La loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, dite loi ORE, a été l’un des premiers textes examinés par notre commission en début de législature. À quelques semaines de la fin de nos travaux, il est apparu nécessaire au groupe GDR de proposer un temps de réflexion commune sur l’application de cette loi, et ce pour trois raisons.

Tout d’abord, le contexte de l’enseignement supérieur a évolué. L’augmentation de la démographie étudiante s’est poursuivie sans effort de financement proportionnel, entraînant une hausse du nombre de filières en tension. Les conséquences directes de ces évolutions ont été une sélectivité croissante pour l’accès aux études supérieures, un allongement du temps d’attente des candidats pour l’obtention d’une affectation, ainsi qu’un accroissement du niveau de stress ressenti par les élèves et leur famille.

Ensuite, le cadre juridique a connu des changements. La réforme du baccalauréat général a conduit à la disparition des traditionnelles filières économique et sociale, littéraire et scientifique au profit de combinaisons d’enseignements optionnels et de spécialités variées. De plus, à la suite de contentieux engagés par des associations étudiantes mais aussi de l’appropriation, par les différents acteurs, de la plateforme Parcoursup, le contenu de celle-ci s’est progressivement enrichi.

Enfin, les premières années d’application de la loi ORE ont permis de mettre au jour des dysfonctionnements et des effets inégalitaires dans le déroulement de la procédure Parcoursup : opacité des modalités de sélection entraînant des inégalités d’accès à l’information amplifiée par l’accroissement des offres d’accompagnement privé ; utilisation d’un critère tiré du lycée d’origine des candidats pouvant conduire à avantager des établissements déjà socialement favorisés ; défaillance du service public d’orientation supposé accompagner au mieux l’ensemble des élèves dans ce moment déterminant de leur parcours de vie.

Avec le groupe GDR, nous avons conçu cette proposition de loi comme un point d’étape. Nous sommes convaincus que notre service public d’éducation et d’enseignement supérieur aurait besoin d’être réformé en profondeur, notamment par le biais d’un investissement financier massif. Il permettrait d’accompagner l’évolution de la démographie étudiante et de concrétiser le rôle d’ascenseur social de l’école, pilier de notre pacte républicain. Une telle réforme, que nous appelons de nos vœux, conduirait du reste à la suppression de Parcoursup. Tel n’est toutefois pas l’objet du présent texte.

Celui-ci a été conçu dans une démarche d’ouverture et de consensualisme. Nous nous sommes appuyés, d’une part, sur des travaux de tous horizons – rapports de la Cour des comptes, du Centre national d’études des systèmes scolaires, du comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale – et, d’autre part, sur l’ensemble des acteurs intéressés à la question de la transition entre le secondaire et le supérieur : les lycéens et leurs parents, les étudiants, les enseignants, les directeurs d’établissement de l’enseignement supérieur.

Il ressort de cette démarche des soutiens, toujours quasi unanimes, aux modifications que cette proposition de loi se propose d’apporter pour corriger les dysfonctionnements et les effets pervers les plus patents du système Parcoursup qui jouent en défaveur des enfants des classes sociales les plus défavorisées ou des enfants qui ne peuvent bénéficier d’un accompagnement parental. C’est dans cette même démarche d’ouverture que j’invite chacune et chacun d’entre vous à se placer pour examiner ce texte.

Le premier correctif que nous souhaitons apporter vise à mettre un terme à une pratique de sélection qui s’est développée depuis le déploiement de la plateforme et qui consiste à introduire, dans le cadre de l’examen des candidatures par les formations, un critère tiré du lycée d’origine des candidats. Cette pratique a été vertement dénoncée par les acteurs de terrain que nous avons pu rencontrer, au premier rang desquels les lycéens, les étudiants mais aussi les enseignants du second degré. Le Défenseur des droits a également souligné, dans une décision du 18 janvier 2019, qu’un tel critère avait un caractère potentiellement discriminatoire. Cela doit d’autant plus nous alerter que notre système éducatif s’illustre par sa propension à reproduire fortement les inégalités sociales.

Cette proposition pourrait faire naître deux séries d’objections, que je souhaite ici anticiper. En premier lieu, l’anonymisation du lycée empêcherait de prendre en compte les pratiques de sur et de sous-notation de certains établissements, ce qui conduirait à avantager ou désavantager les élèves concernés. Cette objection doit être dépassée, pour deux raisons liées l’une à l’autre. D’abord, le directeur général de l’enseignement scolaire nous a affirmé, au cours de son audition, que la réforme du baccalauréat allait conduire à un mouvement d’harmonisation des pratiques de notation, au moins s’agissant des bacheliers généraux. De plus, cette harmonisation, appelée de leurs vœux par de nombreux acteurs que nous avons entendus, sera encouragée par l’anonymisation du lycée dans Parcoursup.

En second lieu, certains auditionnés nous ont alertés sur le fait que ce critère du lycée d’origine pouvait être utilisé dans le cadre de dispositifs visant à favoriser l’égalité des chances. Notre proposition n’a bien entendu jamais eu pour objet d’empêcher ceux-ci de fonctionner. J’ai ainsi déposé un amendement visant à préciser que l’anonymisation s’exercera sans préjudice de la possibilité de faire apparaître, sur la plateforme, les informations nécessaires au bon fonctionnement de ces dispositifs.

Le deuxième correctif que nous apportons est relatif à l’amélioration de la transparence du système Parcoursup. De l’avis général des personnes auditionnées, les informations disponibles sur Parcoursup ont été amplement complétées au cours des premières années de fonctionnement de la plateforme. Nous souhaitons poursuivre ce mouvement nécessaire vers plus de transparence, à plusieurs titres. Il s’agit d’abord de demander aux formations de publier leurs critères et modalités d’examen des candidatures au titre de l’année en cours en amont de l’ouverture de la plateforme, alors que ces informations ne sont actuellement disponibles que pour l’année précédente. Dans cette mesure, les candidats pourront se faire une idée précise de la manière dont leurs mérites seront appréciés par les commissions d’examen des vœux (CEV).

Cela ne signifie pas pour autant que nous souhaitons revenir sur le principe du respect du secret des délibérations des jurys : l’obligation de communication ex ante des modalités de sélection, notamment au moyen de traitements automatisés, n’a pas vocation à figer les délibérations des membres des CEV, qui pourront toujours procéder à des classements des candidatures « à la main », en se fondant entre autres sur des éléments du dossier non résumables par un indicateur chiffré, comme les lettres de motivation. Ainsi, le dispositif envisagé propose de maintenir la faculté, pour tout candidat, de réclamer la communication des motifs pédagogiques ayant fondé la décision prise sur sa candidature après réception de celle-ci. Ce maintien est introduit par voie d’amendement.

Il est également question de tirer toutes les conséquences de la réforme du baccalauréat général, qui a conduit à la disparition des traditionnelles filières économique et sociale, littéraire et scientifique au bénéfice de combinaisons d’enseignements de spécialité et optionnels. Au cours des auditions, il est apparu clairement que les combinaisons retenues seraient déterminantes pour l’accès à certaines formations du supérieur. Nous proposons donc que ces formations aient l’obligation de rendre publiques les combinaisons qu’elles entendent privilégier.

Conséquence immédiate du point précédent : dans la mesure où ces combinaisons sont choisies par les élèves en fin de classe de seconde, mais également parce que les projets d’orientation doivent se construire dans le temps long, nous souhaitons que l’ensemble des informations que nous avons abordées soient rendues publiques, non au bénéfice des seuls élèves de terminale, mais à tous. Cette précision est apportée par voie d’amendement. Du reste, une telle publication permettra également aux étudiants en réorientation de se préparer au mieux.

Notre proposition de loi met également en lumière deux difficultés, afin d’alerter et de faire réagir les acteurs concernés, au premier rang desquels les ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur.

La première concerne l’augmentation du nombre de formations en tension, pour lesquelles la demande excède fortement les capacités d’accueil. L’augmentation de la démographie universitaire, non accompagnée de moyens suffisants, induit qu’un nombre croissant de filières non sélectives en droit deviennent sélectives en fait. Il en ressort un affaiblissement du principe selon lequel l’obtention du baccalauréat donne droit à un accès à l’enseignement supérieur. La présente proposition de loi propose un cadre pour permettre aux établissements d’agir en concertation avec le rectorat.

La seconde tient aux capacités d’accueil en section de technicien supérieur (STS) et en institut universitaire de technologie (IUT) pour les bacheliers professionnels et technologiques. La situation de ces élèves nous préoccupe particulièrement car nous ne sommes pas en mesure de leur proposer des études supérieures en adéquation avec leur formation. La politique des quotas n’y suffit toujours pas, les capacités des IUT n’étant pas suffisantes pour les accueillir sur l’ensemble du territoire.

Enfin, la proposition de loi entend consacrer le principe d’un accompagnement personnalisé à l’orientation pour tous les élèves à partir de la classe de seconde, qui permettra de préparer au mieux la procédure Parcoursup. Si des mesures ont été prises en début de quinquennat en ce sens, au travers du plan Étudiants – semaines de l’orientation, 54 heures annuelles dédiées à l’orientation, etc. –, le constat unanimement dressé par les acteurs de terrain est celui d’une mise en œuvre très inégale en fonction des établissements. Les différentes auditions que nous avons menées ont prouvé combien les enfants des classes sociales les plus défavorisées étaient les moins bien accompagnés dans ce parcours d’orientation et d’utilisation de la plateforme Parcoursup. Il est temps de se doter d’une politique publique forte de l’orientation pour que tous les enfants de la République soient accompagnés dans leurs choix.

La présente proposition de loi n’a pas vocation à renverser le système Parcoursup. Dans une logique constructive et dans l’attente d’une réforme de grande ampleur, elle souhaite simplement en gommer les effets les plus inégalitaires et améliorer son fonctionnement. Dans cette mesure, elle pourrait être largement soutenue, par-delà les clivages politiques.

Mme Anne Brugnera (LaREM). Le groupe La République en marche partage totalement l’objectif d’atténuer les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur ; nous y travaillons d’ailleurs depuis le début de ce mandat. Toutefois, nous ne sommes pas d’accord avec l’intitulé de cette proposition de loi, qui précise que ces inégalités seraient « générées par Parcoursup ».

Parcoursup est un outil créé par la loi « orientation et réussite des étudiants » pour remplacer l’outil précédent, Admission Post-Bac, dit APB, qui dysfonctionnait et générait une sélection par tirage au sort pour les formations les plus demandées. Parcoursup est une plateforme nationale permettant à tout lycéen, apprenti ou étudiant en réorientation, de connaître les formations d’enseignement supérieur et leurs caractéristiques, de déposer des vœux d’entrée dans ces formations, de prendre connaissance des réponses apportées à ses vœux et de répondre aux propositions d’admission transmises par la plateforme. Parcoursup a ainsi facilité l’accès de tous à l’enseignement supérieur et à ses 19 500 formations labellisées.

Les inégalités d’accès se créent en amont de l’entrée en études supérieures : elles se forgent dès l’enfance. Nous avons travaillé durant tout ce mandat à les réduire et à lutter contre les inégalités de destin. Avec le parcours des 1 000 premiers jours, le plan de lutte contre la pauvreté, le dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseau d’éducation prioritaire REP et REP+, nous luttons pour apporter plus aux enfants qui ont moins et, ainsi, donner à tous les mêmes chances de réussite.

De même, nous avons légiféré pour rendre l’école obligatoire dès 3 ans et diminuer les effectifs en grande section de maternelle, afin que les enfants les plus défavorisés bénéficient d’un apprentissage plus précoce du langage et de la vie en collectivité. Concernant le collège et le lycée, nous avons amélioré le système éducatif, notamment ses dispositifs d’orientation, avec par exemple les troisièmes « prépa-métiers », que nous avons créées dans la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et qui rencontrent beaucoup de succès. Avec les nombreuses mesures relevant du ministère de l’éducation nationale que nous avons adoptées – cordées de la réussite, mentorat, réforme du lycée professionnel, réforme du baccalauréat –, nous combattons les inégalités de destin.

Nous avons également amélioré ce moment important qu’est l’entrée dans l’enseignement supérieur. Tout d’abord, en mettant en œuvre une plateforme présentant toutes les formations existant en France, nous avons ouvert le champ des possibles de nos jeunes. En y explicitant les attendus de chaque formation, nous avons montré à ceux qui croyaient certaines formations inaccessibles qu’ils pouvaient légitimement candidater et être sélectionnés. J’en veux pour preuve les résultats de l’entrée à Sciences Po Paris dans l’outil Parcoursup, l’an passé, qui montrent une hausse de 45 % du nombre de lycées de provenance des jeunes sélectionnés : c’est bien l’entrée dans Parcoursup qui a diversifié l’origine des lycéens accédant à Sciences Po Paris.

La loi « orientation et réussite des étudiants » a aussi créé un accompagnement en première année. Le fossé entre le lycée et les études supérieures pouvant être grand, cet accompagnement personnalisé proposé aux jeunes qui en ont besoin permet de réduire le taux d’échec.

Voilà les quelques raisons pour lesquelles nous nous opposerons à cette proposition de loi. Si nous partageons l’objectif de réduction des inégalités d’accès à l’enseignement supérieur, nous ne partageons pas le constat que celles-ci seraient générées par Parcoursup. Nous n’approuvons donc pas les solutions que vous proposez. L’examen des articles nous permettra de démontrer que Parcoursup, dont les règles de fonctionnement visent à garantir la liberté d’accès, la transparence, la non-discrimination, l’égalité de traitement des candidats et l’équité de la procédure, est un outil efficace et robuste, qui s’est amélioré au fil des ans et des retours d’expérience et qui continuera à s’améliorer.

M. Frédéric Reiss (LR). Réduire les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur générées par Parcoursup est un objectif louable de la part du groupe GDR. L’on se souvient en effet des bugs de Parcoursup, en mai 2019 ; à cela s’ajoutent des inégalités récurrentes, non seulement dans l’accès à l’enseignement supérieur, mais aussi dans l’accès à des informations claires pour nos étudiants.

Le Gouvernement répète à l’envi que le nouveau Parcoursup est un processus plus humain que l’ancien, alors que le raccourcissement du calendrier et le peu de transparence des algorithmes inquiètent les étudiants. Il faut se rendre à l’évidence : certains d’entre eux se retrouvent dans des filières qui ne les attiraient pas vraiment. Comme ils sont invités à exprimer jusqu’à dix vœux, y compris des sous-vœux et parfois même des vœux d’apprentissage, il y a malheureusement des erreurs d’aiguillage.

Le groupe LR partage les observations formulées par la Cour des comptes dans son rapport de février 2020 : celle-ci suggère l’anonymisation du lycée d’origine, tout en insistant sur une mesure de pondération de l’écart entre les résultats au bac et les notes du contrôle continu.

L’information des élèves est évidemment fondamentale pour une bonne orientation. Ces derniers ont accès, pour chaque formation, au taux d’admission des candidats dans tel ou tel établissement, à la série du bac souhaitée ou à la part des boursiers. En revanche, ils ne connaissent pas les attentes précises pour les différentes formations ni les critères des algorithmes, lesquels sont parfois locaux. Lors de la mission flash que nous avions menée avec Géraldine Bannier sur les spécialités de première, nous avions déjà alerté sur ce point. En effet, les attendus des formations supérieures sont déterminants dans le choix des lycéens en première et en terminale, et, du fait de la disparition du groupe classe, ce ne sont pas les deux professeurs principaux qui pourront distiller les bons conseils en matière d’orientation.

La Cour des comptes propose de rendre publics les critères de sélection et de créer un outil d’aide à l’orientation permettant d’analyser les classements. Aussi ne faut-il pas s’étonner que certains élèves aient recours à du coaching privé. Si les 54 heures inscrites dans l’emploi du temps étaient effectivement consacrées à l’orientation, nous n’en serions probablement pas là.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’appuie largement sur le rapport de la Cour des comptes mais cite aussi le Défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l’homme ou un rapport sénatorial sur l’égalité des chances. Le constat est implacable : 67 % des enfants de cadres obtiennent un diplôme de l’enseignement supérieur post-licence, contre seulement 16 % des enfants d’ouvriers. Cela montre que l’ascenseur social est en panne.

Si, au sein du groupe LR, nous partageons le diagnostic sur les inégalités d’accès au supérieur, nous sommes beaucoup plus réservés sur les dispositifs proposés, qui sont contraires à notre vision de l’enseignement supérieur. J’ai bien noté vos arguments, madame la rapporteure, mais l’anonymisation pure et simple du lycée d’origine ne nous convient pas, pas plus que les critères de détermination des capacités d’accueil mentionnant des taux de pression, ce dernier critère étant jugé non fiable par la Cour des comptes.

Enfin, accueillir tous les candidats venant de l’enseignement professionnel et technologique en STS ou en IUT ne nous semble pas raisonnable. Une évaluation des candidatures, des critères de mérite et l’élaboration d’une doctrine fixant d’une manière concertée les capacités d’accueil pour l’ensemble des formations du supérieur nous semblent plus acceptables. Le groupe Les Républicains s’abstiendra donc sur cette proposition de loi.

Mme Géraldine Bannier (Dem). La proposition de loi du groupe GDR, avec ses deux axes – amélioration de la transparence de Parcoursup et renforcement de l’aide à l’orientation et à l’information des étudiants –, entend s’attaquer à un problème d’envergure : l’inégalité d’accès sociale et territoriale des lycéens aux études supérieures – objectif somme toute louable.

Il est vrai que les chiffres sont sévères : selon le rapport de 2017 de l’Observatoire des inégalités, si 30 % des jeunes âgés de 18 à 23 ans ont des parents ouvriers, ils ne constituent que 11 % des étudiants de l’enseignement supérieur, et le chiffre tombe à 6 % des effectifs des classes préparatoires. On connaît aussi le chiffre décevant de la promotion 2019-2020 à l’ENA, où un seul élève sur quatre-vingt-deux est fils d’ouvrier.

Au-delà de Parcoursup, qui a mis fin à l’improbable système APB de tirage au sort et permis, en 2019, l’acceptation de 21 % de boursiers en plus en phase principale par rapport à l’année précédente, c’est le système global qui doit être revu, car il n’encourage pas la mixité sociale dès le plus jeune âge. Il faudrait surtout éviter qu’il y ait d’un côté les bons établissements et, de l’autre, les moins bons. Nous avions d’ailleurs voté, lors de l’examen de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, un amendement visant à l’amélioration de la mixité sociale au sein des établissements en concertation avec les collectivités territoriales. C’est un levier majeur, le premier, pour corriger les inégalités de destin liées à l’origine sociale que de travailler partout, dans chaque établissement, qu’il soit privé ou public, à un objectif de mixité sociale, dès lors que la démographie locale ou l’adaptation des transports le permet. Un excellent élève provenant d’un établissement moins performant en comparaison d’autres, a tout le potentiel nécessaire pour rattraper très vite son retard d’acquisition et doit pouvoir avoir la même chance d’intégrer un établissement coté, même s’il n’a pas bénéficié d’un aiguillage précoce et réfléchi par des proches aguerris au système scolaire. Le second levier à actionner est celui de la lutte contre l’autocensure. Nous devons poursuivre notre action en ce sens, notamment grâce aux Cordées de la réussite mises en place entre les établissements d’enseignement pour garantir l’égalité des chances.

L’anonymisation du lycée d’origine nous paraît être une idée intéressante puisqu’elle permettrait d’éviter que d’excellents établissements fassent leur marché d’abord et avant tout auprès d’établissements tout aussi cotés. Sans être tout à fait défavorables à ce point précis, nous émettons des réserves sur les reproches faits à la nouvelle plateforme quant au fait qu’elle pérennise les inégalités sociales et territoriales dans l’accès des étudiants aux études supérieures. De fait, Parcoursup a permis d’aller plus loin dans la transparence, avec la publication de l’algorithme et des attendus de formation par les établissements d’enseignement supérieur, et fournit également des instructions strictes à ces derniers concernant l’obligation de non-discrimination et d’égalité de traitement.

Les données de Parcoursup pour 2021 nous rappellent que près de 95 % des bacheliers, quel que soit leur établissement d’origine, accèdent à l’enseignement supérieur et que la mobilité progresse de manière générale, notamment chez les élèves boursiers. On constate aussi de nets progrès dans l’accès à certaines formations d’excellence. Les écoles nationales vétérinaires et Sciences Po Paris affichent respectivement un taux d’élèves boursiers de 12 % et 13 %, en forte hausse par rapport aux années précédentes, avec une ouverture plus large aux lycéens de toutes les régions. Tout cela va dans le bon sens.

Ainsi, pour le groupe Démocrates, l’outil Parcoursup est loin d’être le problème à l’origine de l’inégalité des chances dans l’accès à l’enseignement supérieur. Nous voterons donc, malgré son objet louable, contre la proposition de loi.

Mme Sylvie Tolmont (SOC). Si le portail APB n’était pas satisfaisant, la plateforme Parcoursup ne l’est pas davantage et elle ne répond pas aux promesses de son cahier des charges. C’est le constat qui vous a amenée, madame la rapporteure, à nous présenter cette proposition de loi.

Dans leur rapport d’information sur l’évaluation de l’accès à l’enseignement supérieur, publié en juillet 2020, nos collègues Régis Juanico et Nathalie Sarles ont souligné que Parcoursup n’est qu’une plateforme d’affectation, dont le premier objectif est quantitatif, puisqu’il s’agit de faire accéder la plus grande proportion possible de candidats à l’enseignement supérieur, au détriment d’une approche plus qualitative.

Or, vous l’avez dit, les inégalités sociales et territoriales pèsent lourd, tout au long du parcours scolaire et au moment de l’accès à l’enseignement supérieur, y compris dans les filières non sélectives. Les enfants d’ouvriers représentent 12 % de l’ensemble des étudiants, alors que les ouvriers représentent 21 % de la population active ; 67 % des enfants de cadres obtiennent un diplôme de l’enseignement supérieur au-delà de la licence, et 16 % seulement des enfants d’ouvriers. Nous partageons donc votre constat, madame la rapporteure : Parcoursup est un facteur aggravant des inégalités.

Tout d’abord, les modalités d’orientation n’assurent pas un égal accès de tous les lycéens aux informations permettant de faire un choix éclairé, comme le regrette la Commission nationale consultative des droits de l’homme. En maintenant une certaine opacité sur les critères de sélection et les algorithmes, Parcoursup favorise les enfants des familles les mieux informées, très bien intégrées au système scolaire et sachant trouver l’information. Les procédures d’affectation sont anxiogènes pour 82 % des lycéens et elles sont perçues comme arbitraires par 61 % d’entre eux.

La Cour des comptes souligne que le lycée d’origine reste un critère de sélection pour 20 % des établissements d’enseignement supérieur, ce qui crée une discrimination selon le lieu de vie. Elle rappelle également que le manque de moyens consacrés à l’orientation des élèves et le non-respect du nombre d’heures dédiées à celle-ci ne permettent pas d’assurer le niveau d’information nécessaire pour garantir l’égalité d’accès à une formation supérieure. Ainsi, 30 % des lycéens n’ont pas été accompagnés du tout durant tout le processus d’inscription sur Parcoursup, depuis la formulation jusqu’à la confirmation de leurs vœux, et plus d’un tiers des élèves n’ont pas rencontré d’intervenants extérieurs, qu’ils soient universitaires ou professionnels, au cours de l’année scolaire 2018-2019.

Or la réforme du baccalauréat, avec l’introduction des enseignements de spécialité, a considérablement compliqué les choses. Elle oblige, plus que jamais, les élèves à faire les bons choix de spécialités en amont, c’est-à-dire dès la fin de la seconde, s’ils veulent intégrer la formation de leur choix, sans forcément connaître les critères de sélection. Là encore, ce nouveau système favorise les élèves issus des familles les mieux informées, qui vont jusqu’à faire appel à des organismes privés pour bénéficier d’un accompagnement.

Au-delà de ces défauts structurels, le problème de fond, c’est que l’enseignement supérieur n’est toujours pas en mesure d’accueillir la totalité des candidats, toujours plus nombreux, dans les filières de leur choix. Comme le constate Thibaut Boncourt, président de la commission d’examen des vœux Parcoursup de la licence de sciences politiques de l’université Paris 1-Panthéon Sorbonne, Parcoursup visait simplement à rendre l’éviction d’une partie des candidats plus acceptable, en écartant l’injustice du tirage au sort.

La Cour des comptes note que l’on n’a pas créé de places supplémentaires dans les filières les plus demandées. La situation est particulièrement préoccupante pour les bacheliers professionnels et technologiques, qui se dirigent vers des filières exclusivement sélectives, marquées par un manque structurel de places. En huit ans, le nombre de bacheliers professionnels est passé de 120 000 à 180 000 environ, et seules 9 000 places supplémentaires ont été créées en première année de brevet de technicien supérieur (BTS). Il est donc nécessaire de sortir de la logique actuelle et d’abandonner un dispositif qui consiste seulement à gérer des listes d’attente, à partir d’un algorithme qui décide seul de l’orientation de chacun et qui abîme le sentiment de reconnaissance sociale en donnant à des milliers de jeunes l’impression de ne pas trouver leur juste place dans la société.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que souscrire à l’objectif de votre proposition de loi, madame la rapporteure, et nous la voterons.

M. Grégory Labille (UDI-I). Le 25 octobre, le site de L’Étudiant commençait un article consacré au bilan de Parcoursup en 2021 par une phrase assez évocatrice : « Pour réussir sur Parcoursup, il vaut mieux être un bon élève et préparer un bac général. » Ces mots témoignent d’une réalité que de nombreux jeunes ont vécue cette année encore : l’orientation est un long parcours, qui peut être semé d’embûches si l’on ne rentre pas dans certaines cases.

Je remercie donc nos collègues du groupe GDR de profiter de leur journée de niche parlementaire pour mettre sur la table un sujet qui concerne chaque année plus de 700 000 jeunes et, à travers eux, plus de 700 000 familles. Il est vrai que certains chiffres, pour l’année 2021, sont assez surprenants. Par exemple, il a fallu attendre le 4 août pour que 90 % des bacheliers sans mention aient une réponse, alors que la même proportion des bacheliers ayant obtenu une mention très bien l’avait reçue dès le 17 juin. Le 1er juillet, 79 % des bacheliers généraux avaient reçu une réponse, mais seulement 48 % des bacheliers professionnels. À cette même date, les places en BTS, pourtant très courtisées par ces mêmes bacheliers professionnels, étaient les moins pourvues. Ce que ces chiffres mettent en lumière, c’est que Parcoursup fait davantage attendre les étudiants ayant obtenu de moins bons résultats et ceux qui s’orientent vers les filières que l’on aurait tendance à considérer comme moins prestigieuses. Pensez-vous, madame la rapporteure, qu’il serait nécessaire de rétablir une hiérarchie dans les vœux ?

Pour en revenir au cœur de cette proposition de loi, même si mes propos ont été assez critiques jusqu’ici, il faut reconnaître, comme le fait la Cour des comptes, que la plateforme Parcoursup a succédé au très décrié système d’admission post-bac, notamment en raison du tirage au sort, et qu’elle a permis, dans un premier temps, de remettre de l’ordre et de donner des résultats satisfaisants pour une bonne partie des élèves.

L’article 1er s’inspire directement de l’une des recommandations de la Cour des comptes, puisque vous proposez d’anonymiser le lycée d’origine de l’élève, mais vous ne reprenez pas la seconde partie de cette recommandation, qui prévoit de « lui substituer une mesure de l’écart entre les résultats au baccalauréat et la notation au contrôle continu ». Une telle disposition serait pourtant de nature à garantir une certaine équité dans l’appréciation des dossiers. Je souscris à votre demande d’une plus grande transparence, s’agissant des critères retenus ou des spécialités favorisées par les établissements, même si je m’interroge sur la nécessité d’inscrire ces éléments dans la loi.

Votre texte soulève un problème essentiel : nos lycéens ne sont pas suffisamment accompagnés dans leur choix d’orientation. D’ailleurs, la véritable inégalité de Parcoursup concerne surtout l’accès à l’information, qui n’est pas la même en fonction de l’établissement et de la qualité de l’accompagnement à l’orientation. Je partage, à cet égard, la réflexion qu’avait faite ma collègue Agnès Thill à l’occasion de la mission flash qu’elle a conduite, avec Bertrand Bouyx, sur les spécialités en terminale dans le cadre de la réforme du baccalauréat. La disparition du groupe classe pose de nombreux problèmes et le manque de psychologues de l’éducation nationale, élément clé de l’orientation des élèves, se fait terriblement ressentir.

Si je souscris à l’ambition de ce texte d’assurer une orientation plus juste, il me semble que les cartes sont surtout entre les mains des ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’espère qu’ils entendront une partie de nos revendications.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Vous avez dit, madame Bannier, que les inégalités sociales et scolaires, qui sont fortement corrélées dans notre pays, préexistaient à Parcoursup, et que cette plateforme n’est donc pas à l’origine de ces inégalités. C’est une évidence, mais Parcoursup, en organisant et en entérinant ces inégalités, les aggrave.

Chez ceux de nos collègues qui s’opposent à notre proposition de loi, dont l’objet, je le rappelle, est d’atténuer les effets de sélection et le caractère arbitraire de Parcoursup, je vois une forme de renoncement, et même une dénégation du droit de toutes et tous d’étudier à l’université. Parce que les moyens fournis par le ministère de l’éducation nationale et par celui de l’enseignement supérieur et de la recherche ne sont pas à la hauteur, parce que l’on manque de places à l’université, on semble se faire à l’idée que l’ère de la sélection est venue et que ce n’est pas un problème si des dizaines de milliers de jeunes ne peuvent pas accéder à l’enseignement supérieur ou y poursuivre leurs études, alors que c’est leur souhait.

Nous, nous ne renonçons pas, nous considérons qu’étudier est un droit et que l’État doit mettre tous les moyens en œuvre pour garantir ce droit. Je tiens à apporter mon soutien à toutes celles et tous ceux qui se retrouvent sans affectation ou qui ont dû renoncer à la voie qu’ils avaient choisie. Au lieu de créer de nouvelles places à l’université, ce gouvernement a choisi de renoncer, en actant ce manque de places et en organisant une sélection généralisée sur la plateforme d’inscription Parcoursup, à partir de critères et d’algorithmes opaques. Le bilan, c’est qu’à la rentrée 2021, près de 22 000 bacheliers n’ont pas trouvé de place dans l’enseignement supérieur, et qu’un certain nombre d’étudiants en licence n’en ont pas trouvé en master.

Cette proposition de loi du groupe GDR vise à contrer – modestement – les conséquences désastreuses de cette plateforme inique. Je remercie la rapporteure pour son travail, qui vise à assurer aux étudiants la jouissance du droit à l’enseignement, qui est inscrit dans notre Constitution. Parcoursup a remplacé le tirage au sort par la sélection des candidats sur des critères que nous jugeons arbitraires. L’établissement d’algorithmes opaques porte atteinte au principe d’égalité, et c’est ce que l’article 1er s’efforce de corriger.

Parcoursup a également renforcé les inégalités en faisant reposer le choix des étudiants sur des stratégies scolaires qui nécessitent des ressources. Ceux qui sont le plus touchés par cette mesure sont les élèves issus des classes populaires, car la France est le pays où les inégalités sociales et scolaires sont les plus corrélées. À force d’accroître la complexité des codes scolaires, on laisse de côté celles et ceux qui ne les maîtrisent pas. Or ce sont majoritairement des élèves des classes populaires.

Oui, Parcoursup accentue et va continuer d’accentuer les inégalités, puisqu’il organise la sélection. Dans le cadre de notre niche parlementaire, nous n’avons pas les moyens de proposer 20 milliards de plus pour l’université et la recherche, mais nous essayons au moins de réduire la sélection et l’arbitraire.

M. Maxime Minot. Nous sommes nombreux dans cette commission à dénoncer, année après année, les difficultés liées à la plateforme Parcoursup. Cette proposition de loi, qui vise à atténuer les inégalités créées par ce parcours du combattant, a donc tout son sens. Notre collègue Frédéric Reiss a fort bien résumé la position de notre groupe et montré quels sont, de notre point de vue, les avantages et les inconvénients de ce texte.

Vous proposez, à l’article 2, de renforcer l’aide à l’orientation des élèves. Il faudra nécessairement recruter des personnels pour permettre à chaque établissement de remplir ses obligations. Avez-vous pu évaluer le coût de cette mesure avec précision ?

Mme Sylvie Charrière. Madame la rapporteure, vous constatez des inégalités territoriales dans l’offre du service public de l’orientation. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 décembre 2018 a confié aux régions la compétence d’organiser des actions d’information sur les métiers et les formations. Un cadre national de référence a d’ailleurs été signé par l’État et les régions en mai 2019. Avez-vous pu échanger avec l’Association des régions de France pour faire le point sur la mise en œuvre de cette nouvelle compétence et sur les stratégies que les régions ont adoptées : plateforme numérique, visites d’entreprises, de lycées professionnels, ambassadeurs, mécénat, immersion ? Avez-vous pu participer sur le terrain à des actions concrètes proposées par les régions ?

Les régions ayant la compétence économique, le lien avec le monde professionnel semblait aller de soi. Quelles seraient vos préconisations pour que la découverte du monde professionnel et des formations s’intensifie ?

Mme Emmanuelle Anthoine. À l’issue de la phase principale de Parcoursup, plus de 90 000 candidats étaient toujours en attente d’une proposition d’affectation dans l’enseignement supérieur, soit plus de 10 % des postulants. Cette situation reste insatisfaisante ; elle traduit l’existence d’inégalités d’accès à l’enseignement supérieur, provoquées par Parcoursup. Les bacheliers issus de filières professionnelles et technologiques sont particulièrement concernés. Ils représentaient en effet, au terme de la procédure, l’essentiel des 239 lycéens restés sans proposition d’affectation. Il semble que le nombre de propositions faites aux candidats ait diminué. En effet, 9 000 candidats de moins se sont vus proposer une inscription cette année. Pourtant, le nombre de candidats total sur la plateforme a diminué de 1,8 % – soit 15 000 bacheliers.

Face à cette réalité, il est nécessaire de veiller à ce que les capacités d’accueil permettent une intégration suffisante de ces lycéens dans l’enseignement supérieur ; c’est ce que propose l’article 1er. Mais les universités ont-elles des moyens suffisants pour augmenter leurs capacités d’accueil et éviter que des lycéens ne se retrouvent sans proposition d’affectation ?

Mme Karine Lebon, rapporteure. Que les choses soient claires : je ne regrette certainement pas le bon vieux temps d’APB. Nous sommes au moins tous d’accord là-dessus.

Nombre d’entre vous ont fait des remarques sur le titre de cette proposition de loi. Ce qui compte, c’est son contenu, et nous serions tout à fait favorables à une modification de son titre par voie d’amendement, dans la mesure où nous partageons le même objectif, celui de réduire les inégalités.

Le système devrait être revu en profondeur, c’est notre conviction, mais nous n’avons pas les moyens de le faire avec une proposition de loi déposée dans le cadre d’une niche parlementaire. Nous nous contentons donc, ici, de faire ce que nous pouvons.

Monsieur Labille, la hiérarchisation des vœux a effectivement été demandée par les syndicats étudiants et nous y serions tout à fait favorables. Quant à la deuxième partie de la recommandation de la Cour des comptes, c’est une disposition très technique que nous ne pouvions pas inscrire dans la loi : voilà pourquoi nous ne l’avons pas fait.

Madame Faucillon, vous avez parlé à juste titre des « codes » scolaires. Des remontées nous ont été faites à ce sujet, y compris de la part des entreprises de coaching qui fleurissent sur le marché de l’orientation. Elles nous ont dit que même les fils de médecin ont du mal à s’y retrouver dans les spécialités, depuis la réforme des études de médecine. C’est la preuve qu’il faut communiquer bien en amont, afin d’expliciter ces codes.

Monsieur Minot, cette proposition de loi n’est pas gagée, elle n’entraînera pas de coût supplémentaire, car tous les dispositifs sont déjà prévus dans la loi : ce sont les 54 heures annuelles et les deux semaines dédiées à l’orientation.

Madame Charrière, nous n’avons pas pu auditionner l’Association des régions de France, mais il ne m’a pas échappé que cette compétence échoit désormais aux régions. J’ai pu assister à des actions concrètes et même en proposer certaines, sur le thème de l’égalité entre les femmes et les hommes, dans le rapport d’information sur les stéréotypes de genre que j’ai réalisé avec un collègue de la majorité, M. Gaël Le Bohec. Mais il n’empêche que les mesures prévues par la loi, notamment les 54 heures dédiées à l’orientation, doivent s’appliquer. C’est là-dessus, sur le service public d’orientation existant au lycée, que porte cette proposition de loi.

Madame Anthoine, dans l’idéal, nous souhaiterions donner davantage de moyens aux universités pour qu’elles puissent accueillir plus d’étudiants, mais nous n’avons pas les moyens de le faire dans cette proposition de loi. Nous avons toutefois demandé des informations sur les formations en tension.

La commission passe à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Amélioration de la plateforme Parcoursup

Amendement AC5 de la rapporteure.

Mme Karine Lebon, rapporteure. Selon la Cour des comptes, 20 % des formations non sélectives ont érigé le lycée d’origine en critère complémentaire d’examen des candidatures qui leur sont adressées. Le Défenseur des droits l’a indiqué dans une décision du 18 janvier 2019 et certains d’entre nous l’ont rappelé au cours de la discussion générale, l’utilisation d’un tel critère fait courir un risque de discrimination. De plus, elle peut contribuer à entretenir les inégalités présentes dans notre système scolaire, en avantageant les élèves issus de lycées ayant une bonne réputation.

Par cet amendement, je propose une rédaction plus opérationnelle de l’article 1er, qui tend à rendre anonyme le lycée d’origine dans Parcoursup. Je propose néanmoins de préciser que cette anonymisation s’exercera sans préjudice des mécanismes de promotion de l’égalité des chances mentionnés à l’alinéa 3 du I de l’article L. 612‑3 du code de l’éducation.

Mme Anne Brugnera. Dans Parcoursup, un certain nombre de données sont déjà anonymisées, notamment le nom, le prénom et l’âge, l’adresse pouvant être conservée pour certains dispositifs, par exemple les aides à la mobilité ou à l’internat. En outre, les établissements qui participent à la procédure nationale Parcoursup signent une charte de procédure assortie d’une note de cadrage, qui fixe des obligations de non-discrimination. Certes, on me répondra peut-être qu’elles ne respectent pas nécessairement la charte qu’elles ont signée... En tout cas, nous faisons confiance aux professionnels, qui sont très impliqués, même si certains d’entre eux peuvent faire des recherches sur les lycées d’origine. L’indication du lycée d’origine est d’ailleurs utile pour les Cordées de la réussite. Elle permet aussi d’aller chercher des profils que l’on n’aurait pas remarqués autrement.

Surtout, la mise en place de Parcoursup a été suivie par une autre réforme, celle du baccalauréat, qui introduit notamment une part de contrôle continu. La mise en adéquation de ces deux réformes se poursuit, et nous sommes à cet égard au milieu du gué. Avant d’envisager l’anonymisation du lycée d’origine, il convient de progresser en matière d’harmonisation des notes obtenues au contrôle continu. Nous voterons donc contre l’amendement.

Mme Géraldine Bannier. Je l’ai indiqué lors de la discussion générale, le groupe Démocrates est plutôt favorable à cette idée. Nous allons donc voter pour l’amendement, même si nous voterons contre l’article 1er.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC6 de la rapporteure.

Mme Karine Lebon, rapporteure. Afin d’améliorer la transparence, l’amendement vise à préciser que les critères faisant l’objet d’une communication auprès des candidats sont ceux qui concernent l’année en cours. Actuellement, seuls ceux relatifs à l’année précédente sont divulgués.

M. Fabien Di Filippo. Ce que vous avez dit à propos des critères de sélection est très juste, madame la rapporteure, et je vous remercie de mettre au cœur du débat ce sujet très préoccupant pour les lycéens, dont les deux tiers sont stressés par la procédure Parcoursup, un tiers d’entre eux se disant tout bonnement perdus. Cela donne l’impression que leur avenir se joue à la roulette russe ! Vous soulignez à raison l’opacité des algorithmes. En outre, on contraint les lycéens à formuler des vœux multiples, pour qu’ils aient une solution de repli, mais ils ne sont pas nécessairement motivés par toutes ces formations. Au milieu de l’été dernier, hélas, 15 % des lycéens se sont retrouvés sans savoir ce qu’ils feraient à la rentrée. Les écoles ou cursus étrangers en font d’ailleurs un argument publicitaire : « n’attendez pas Parcoursup, venez chez nous ! »

Ce n’est pas sans lien avec l’échec de la réforme du lycée général : les établissements proposent des options différentes, retiennent des critères variables et ne notent pas de la même manière le contrôle continu. Au milieu de tout cela, les jeunes sont complètement perdus. Il est urgent d’agir, car on est en train de gâcher les parcours d’études de nombreux jeunes, parfois des plus méritants. Il n’est pas concevable que les algorithmes introduisent ainsi une part de hasard.

Mme Anne Brugnera. La transparence est un objectif primordial, assigné à l’outil Parcoursup et affiché comme tel. À cet égard, beaucoup de travail a été fait et Parcoursup a été amélioré chaque année.

Dans la procédure Parcoursup, contrairement à ce que nous venons d’entendre, ce n’est pas l’algorithme qui affecte et ce n’est pas la machine qui décide. La procédure de sélection des candidatures et de réponse aux candidats relève de commissions d’examen des vœux, composées de professionnels de l’enseignement supérieur.

Les informations relatives aux algorithmes de présélection sont désormais rendues publiques. Vous demandez en outre, madame la rapporteure, que les critères exacts de sélection des candidats soient fournis en amont du processus.

Saisi à ce sujet, notamment par un syndicat étudiant, le Conseil constitutionnel a rendu en 2020 une décision très claire, que tous connaissent et appliquent. Aux termes de cette décision, les dispositions relatives à la procédure Parcoursup sont conformes à la Constitution. Sont fournis et connus en amont les attendus de chaque formation – nationaux et locaux –, les critères généraux d’examen des candidatures, la capacité d’accueil, le rang du dernier admis dans chaque formation, autant d’éléments qui permettent aux jeunes de se positionner et de formuler leurs vœux en toute connaissance de cause. Après le processus de sélection, chaque candidat a la possibilité de demander, à titre personnel, les critères et modalités d’examen de sa candidature ainsi que les motifs de refus. Élément nouveau cette année, chaque formation doit désormais fournir un rapport d’examen des vœux, qui est rendu public. Environ 10 000 rapports de cette nature sont disponibles sur la plateforme Parcoursup. Nous pensons qu’il n’est pas nécessaire de revenir sur le dispositif résultant de la décision du Conseil constitutionnel.

Mme Karine Lebon, rapporteure. Les critères actuellement communiqués aux candidats concernent l’année précédente. Lors d’une des auditions que j’ai organisées – je sais que vous avez assisté à certaines de mes auditions mais j’ignore si vous avez pu assister à celle-ci –, les dirigeants d’établissements nous ont dit que leurs critères changeaient d’année en année. Autrement dit, les candidats qui postulent sur Parcoursup se fondent sur des critères obsolètes, ce qui pose un vrai problème. Allons-nous maintenir une telle inégalité ?

Mme Anne Brugnera. Les critères généraux peuvent certes changer, mais ils sont publiés chaque année. Par ailleurs, comme l’ont très justement écrit nos collègues Nathalie Sarles et Régis Juanico dans leur rapport relatif à l’accès à l’enseignement supérieur remis au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, si l’on allait plus loin dans la transparence, on figerait complètement le processus de sélection, qui ne reposerait plus in fine que sur l’examen des notes ; il ne serait plus possible de prendre en considération la lettre de motivation, le parcours de l’élève et les appréciations. Je ne voudrais pas paraître trop négative, mais on risquerait d’en revenir à la procédure APB.

Mme Karine Lebon, rapporteure. Je répète ce que j’ai dit dans mon intervention liminaire : « Cela ne signifie pas pour autant que nous souhaitons revenir sur le principe du respect du secret des délibérations des jurys : l’obligation de communication ex ante des modalités de sélection, notamment au moyen de traitements automatisés, n’a pas vocation à figer les délibérations des membres des CEV, qui pourront toujours procéder à des classements des candidatures “à la main”, en se fondant entre autres sur des éléments du dossier non résumables par un indicateur chiffré, comme les lettres de motivation. Ainsi, le dispositif envisagé propose de maintenir la faculté, pour tout candidat, de réclamer la communication des motifs pédagogiques ayant fondé la décision prise sur sa candidature après réception de celle-ci. »

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC9 de la rapporteure.

Amendement AC7 de la rapporteure.

Mme Karine Lebon, rapporteure. Parcoursup est critiqué pour son manque de transparence : si l’algorithme national est public, un régime de publicité dérogatoire prévaut en ce qui concerne les modalités de traitement et d’examen des candidatures au niveau local par les commissions d’examen des vœux. L’amendement vise à préciser que les établissements d’enseignement supérieur publient chaque année, avant l’ouverture de la procédure nationale de pré-inscription, les critères et modalités de sélection qu’ils comptent utiliser pour l’examen des candidatures. Cette information serait destinée non seulement aux candidats, mais aussi aux tiers. Il s’agit de permettre aux futurs candidats de réaliser des choix d’orientation éclairés, notamment en matière de filières et de combinaison d’enseignements.

M. Fabien Di Filippo. Je soutiens Mme la rapporteure à ce sujet. Je le redis, la réforme du lycée pose des problèmes. Auparavant, il existait des filières très lisibles ; chacun savait vers quoi elles menaient et, dès lors, dans quoi il s’engageait. Désormais, la combinaison des options joue un rôle très fort. En outre, notre collègue de la majorité l’a elle-même reconnu, les critères de sélection peuvent changer tous les ans. Or les lycéens construisent souvent leur parcours sur trois ans, à partir de la seconde. Compte tenu de la complexité des algorithmes et des critères de sélection, on risque de les prendre à revers, de les disqualifier, de les détourner de leur vocation initiale. Il faudrait tout de même prêter une attention particulière à cette question, car on déconstruit des parcours en plein milieu de ceux-ci, une fois que les choix ont été faits.

M. Philippe Berta. Les diplômes de l’enseignement supérieur sont évalués tous les cinq ans par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Tel a été le cas en 2021 pour le diplôme dont je suis responsable. Au début de chaque période de cinq ans, je dois définir les critères de sélection. Ceux-ci sont adressés aux établissements, qui les mettent à la disposition des élèves. Ils sont valides pour cinq ans, et ne sont donc pas modifiables chaque année.

Mme Karine Lebon, rapporteure. Je précise que le rapporteur public du Conseil d’État a invité le législateur à se prononcer pour que les critères soient communiqués en amont.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC8 de la rapporteure.

Mme Karine Lebon, rapporteure. Cet amendement va dans le même sens que l’amendement AC7.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’amendement de précision AC10 de la rapporteure.

Elle rejette ensuite l’article 1er.

Article 2 : Amélioration du processus d’information et d’orientation des candidats à l’enseignement supérieur

Amendement AC11 de la rapporteure.

Mme Karine Lebon, rapporteure. Par cet amendement, nous souhaitons préciser que l’accompagnement personnalisé de chaque élève se fait en amont des choix qu’il devra opérer lors de la procédure Parcoursup. L’accompagnement à l’orientation doit être mis en place dès la classe de seconde. De ce point de vue, Parcoursup arrive trop tard.

Mme Cécile Rilhac. Il va de soi que l’accompagnement à l’orientation doit se faire dès la classe de seconde, et c’est déjà le cas. Il y a certainement des choses à améliorer au sein de chaque établissement scolaire, en lien avec les régions – compétentes en la matière, Sylvie Charrière l’a rappelé –, mais cela n’a pas trait à la plateforme Parcoursup.

Mme Karine Lebon, rapporteure. Je l’ai dit, et le problème a été soulevé lors des auditions, Parcoursup arrive trop tard. Si l’on n’indique pas aux lycéens dès la classe de seconde les enseignements de spécialité qu’il est nécessaire de suivre pour intégrer telle ou telle formation supérieure, des portes se ferment à eux. D’où le présent amendement.

Mme Anne Brugnera. La plateforme Parcoursup présente des conseils sur le choix des spécialités et du bac. Elle est accessible en ligne à tout moment à toute personne qui le souhaite. On peut travailler sur Parcoursup dès la seconde, et certains enseignants le font.

Mme Karine Lebon, rapporteure. Les élèves ont bien sûr accès à cette information, mais elle leur demeure souvent opaque. M. Di Filippo l’a relevé, nombre d’entre eux se disent perdus. Ne soyons pas naïfs : un élève qui ne bénéficie d’aucun accompagnement et n’a pas le soutien d’une personne possédant les codes nécessaires – Elsa Faucillon et moi l’avons dit – se retrouve complètement démuni.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette ensuite l’amendement rédactionnel AC12 de la rapporteure.

Amendement AC13 de la rapporteure.

Mme Karine Lebon, rapporteure. Cet amendement tend à préciser que les attendus exacts de chaque formation, notamment les enseignements de spécialité du baccalauréat conseillés pour y accéder, sont portés à la connaissance des candidats. Cela reviendrait à assouplir le dispositif proposé dans le texte. L’amendement vise en outre à déplacer la disposition au I de l’article L. 612‑3 du code de l’éducation, subdivision relative aux caractéristiques des formations.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette ensuite l’article 2.

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté. En conséquence, en application de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique se déroulera sur la base du texte initial de la proposition de loi.

M. le président Bruno Studer. Mes chers collègues, nous nous retrouverons demain matin pour l’examen de la proposition de loi de notre collègue Erwan Balanant visant à combattre le harcèlement scolaire.

 

La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 23 novembre 2021 à 17 heures 15

Présents.  Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Delphine Bagarry, Mme Géraldine Bannier, M. Philippe Berta, M. Bertrand Bouyx, Mme Anne Brugnera, Mme Céline Calvez, Mme Sylvie Charrière, Mme Jacqueline Dubois, Mme Elsa Faucillon, Mme Albane Gaillot, M. Raphaël Gérard, Mme Valérie Gomez-Bassac, Mme Danièle Hérin, M. Yannick Kerlogot, M. Grégory Labille, Mme Anne-Christine Lang, Mme Karine Lebon, Mme Sophie Mette, M. Maxime Minot, Mme Maud Petit, M. Pierre-Alain Raphan, M. Frédéric Reiss, Mme Cécile Rilhac, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Sylvie Tolmont

Excusés.  M. Bernard Brochand, M. Stéphane Claireaux, Mme Fabienne Colboc, M. Luc Geismar, Mme Annie Genevard, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Josette Manin, Mme Béatrice Piron, Mme Muriel Ressiguier, M. Bertrand Sorre, Mme Agnès Thill

Assistait également à la réunion.  M. Fabien Di Filippo