Compte rendu

Commission
des affaires économiques

– Examen pour avis du projet de loi de finances pour 2022 (n° 4482) :

– mission « Économie » :

Avis Entreprises (Mme Anne-Laure Blin, rapporteure pour avis) 2

. Avis Industrie (M. Sébastien Jumel, rapporteur pour
avis) ........................................11

 

 

 

 


Mardi
19 octobre 2021

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 5

session ordinaire de 2021-2022

 

 

Présidence
de M. Mickaël Nogal,
Vice-président


  1 

La commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Anne-Laure Blin, les crédits du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie ».

Mme Anne-Laure Blin, rapporteure pour avis (Entreprises). Le programme 134 Développement des entreprises et régulations doit être jugé compte tenu des difficultés inédites et redoutables que traversent les entreprises françaises dans le contexte créé par l’épidémie de la covid-19. À l’aune des finalités que lui assigne la maquette budgétaire, on aurait pu s’attendre à ce que ce programme apporte en la matière une contribution décisive. Or, je l’avoue, je ne vois rien de tel dans les crédits et emplois que nous propose le Gouvernement.

Malheureusement, le constat n’est pas nouveau ! En conclusion de son avis budgétaire sur le projet de loi de finances initiale pour 2021, notre collègue Rémi Delatte avait déjà mis en lumière une discordance entre les moyens et les objectifs affichés. Il déplorait non seulement une maquette budgétaire insuffisante par son contenu, mais aussi et surtout une hausse trompeuse des crédits.

Je ne peux que renouveler ce diagnostic, au vu des deux constats développés dans la première partie de mon avis budgétaire.

Le premier concerne le périmètre du programme. Certes, avec près de 1 631 millions d’euros en crédits de paiement, les ressources budgétaires allouées dans ce cadre enregistrent une hausse de 31,88 % par rapport à la loi de finances initiale de 2021. Mais le programme 134 ne contient en réalité qu’une partie restreinte des moyens relatifs au développement des entreprises. Ainsi, le seul programme 363 Compétitivité de la mission Plan de relance dispose de 904 millions d’euros en autorisations d’engagement au titre du financement des entreprises, et 103 millions pour son action 03 Plan de soutien à l’export.

Le second constat porte sur la dynamique même des moyens du programme 134, qui ressort dans une large mesure d’un effet d’optique. De fait, la hausse très soutenue des crédits résulte, en réalité, de l’évolution du financement des compensations accordées à La Poste pour le service universel postal et ses missions d’aménagement du territoire. Le service universel donne ainsi lieu à l’inscription d’une dotation de 520 millions. En outre, la programmation budgétaire pour 2022 renforce la subvention accordée par l’État afin de remédier à l’insuffisance des ressources fiscales allouées au Fonds postal national de péréquation territoriale.

Pour le reste, l’impact des financements strictement dévolus au soutien des entreprises paraît incertain ou mérite d’être nuancé.

Il en va ainsi des dépenses fiscales. D’après le projet annuel de performances pour 2022, le programme 134 supporte soixante-cinq dispositifs. Leur montant prévisionnel s’élève à un peu plus de 20 milliards d’euros, contre 17 milliards en 2021. Je note que ce chiffrage – au demeurant non renseigné pour certains dispositifs – conserve une part d’imprécision.

S’agissant des actions budgétaires, chacun pourra convenir du caractère pour le moins contrasté de l’évolution des financements programmés.

J’attire ainsi votre attention sur la baisse très sensible des crédits demandés au titre de la compensation pour les sites très électro-intensifs. Dans le cadre de l’action 23 Industrie et services, il est prévu de lui allouer 344 millions d’euros. D’après les réponses du Gouvernement, cette budgétisation tiendrait compte d’une évolution des paramètres de calcul de compensation et s’inscrirait dans la perspective de l’entrée en vigueur de nouvelles lignes directrices européennes en 2022. La programmation budgétaire n’en aboutit pas moins à une réduction de 14 % de l’enveloppe consacrée à ce dispositif. Il conviendra d’en mesurer précisément les effets.

Par ailleurs, à l’échelle de l’ensemble du programme, l’analyse des documents budgétaires montre que la réduction du plafond d’emplois se poursuit : il est proposé d’autoriser un effectif maximal de 4 448 équivalents temps plein travaillés, contre 4 532 en loi de finances initiale pour 2021. Ce mouvement montre une stabilisation relative des emplois accordés à la direction générale des entreprises (DGE), alors que les précédents exercices se caractérisaient par des réductions d’effectifs assez sensibles.

Pour ce qui concerne les autorités administratives indépendantes et les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la programmation pour 2022 comporte quelques emplois supplémentaires, notamment au bénéfice de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.

Aussi, compte tenu des doutes qui pèsent sur son efficacité, je donnerai un avis défavorable à l’adoption des crédits et des emplois du programme 134.

Quant à la partie thématique de mon avis, j’ai choisi de la consacrer aux modalités d’accompagnement et de soutien auxquelles recourent les collectivités publiques.

Comme chacun le sait, cette politique s’appuie sur des instruments très divers et fait intervenir de nombreux acteurs aux échelons national et local. Mon évaluation porte sur les instruments et les circuits de financement de l’aide publique aux entreprises, notamment au regard des enseignements de la crise sanitaire. Beaucoup de questions demeurent quant à la pertinence des aides aux entreprises et à l’efficacité des procédures qui permettent d’y accéder. Sous réserve d’une évaluation plus précise, je souhaiterais avancer ici deux idées.

Premièrement, le soutien financier apporté aux entreprises par les collectivités publiques peut être considéré comme relativement important et diversifié. En pratique, il s’appuie sur une pluralité de dispositifs de nature à couvrir les besoins de financement des entreprises dans leur ensemble.

En 2021, les crédits des actions du budget général susceptible de bénéficier à l’ensemble des entreprises peuvent être évalués à 3,713 milliards d’euros en crédits de paiement.

En ce qui concerne les régions, les statistiques consolidées pour l’exercice en cours font état d’une dépense prévisionnelle de 3,2 milliards pour l’ensemble des collectivités.

S’agissant de l’État, les aides directes aux entreprises reposent sur les dépenses fiscales et sur quelques dispositifs circonscrits. Je pense ici au Fonds de développement économique et social, qui assure le financement de prêts aux entreprises en difficulté. En dehors des ressources procurées par le budget général, l’État s’appuie sur les outils et solutions de financement proposés par BPI France, voire, de manière plus indirecte, sur les outils de la Banque des territoires.

En ce qui concerne les collectivités territoriales, les dispositifs d’accompagnement et de soutien des entreprises peuvent également revêtir des formes relativement diverses. Les instruments utilisés varient ainsi suivant les collectivités, en conséquence de la répartition des compétences accentuée par la loi NOTRe, loi portant nouvelle organisation territoriale de la République de 2015. Leur multiplicité et l’importance des sommes parfois mobilisées témoignent d’un véritable engagement des régions, des intercommunalités et des communes. Il faut souligner l’apport substantiel des collectivités territoriales, qui ont pris des initiatives et fourni un concours utile à notre économie.

Ainsi, les régions ont engagé près de 2,6 milliards d’euros de dépenses exceptionnelles, dont 774 millions consacrés plus particulièrement au soutien à l’industrie, à l’artisanat, au commerce et aux autres services. Même si je n’ai pu disposer de chiffres consolidés, les auditions que j’ai réalisées et les témoignages du terrain – qui doivent correspondre à ceux que vous pouvez recueillir – montrent que d’autres échelons territoriaux, à l’exemple des intercommunalités, ont pu renforcer très sensiblement leurs interventions dans l’économie locale.

Il convient aussi de souligner les potentiels que recèlent les fonds d’investissement et les accords régionaux de relance. Sous réserve d’une évaluation, les fonds d’investissement semblent avoir contribué à la consolidation des fonds propres des entreprises grâce à des avances remboursables.

Si elle demande à être expertisée, l’émergence de nouvelles coopérations et d’adaptations de circonstance dans le contexte de la crise sanitaire mérite sans doute réflexion. Pour ce qui concerne l’État, la nécessité de créer des aides aux entreprises dans l’urgence a pu conduire – et c’est heureux ! – à un décloisonnement des services. Ont été notamment installées ou réactivées des cellules de veille censées apporter aux entreprises un accompagnement personnalisé, sous l’autorité des commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP). Mais rien ne permet aujourd’hui de conclure à l’efficacité du dispositif sur l’ensemble du territoire, et pour cause : les CRP et leurs adjoints sont à peine soixante-dix en métropole ! On peut dès lors s’interroger sur la pertinence de leur implantation, ainsi que sur leur capacité à se montrer réellement proactifs.

La seconde idée que je souhaite partager avec vous est que l’organisation des aides aux entreprises peut être considérée comme perfectible, dans son organisation comme dans sa gestion. Au-delà du niveau des ressources mobilisées, l’efficacité des dispositifs d’accompagnement et de soutien exige qu’ils soient lisibles et accessibles.

La réalisation de ces objectifs n’implique pas nécessairement une remise en cause du partage des compétences en matière de développement économique. Les régions s’emploient à devenir des interlocuteurs incontournables pour les entreprises et à prendre toute leur part dans le déploiement des dispositifs. En outre, des écosystèmes émergent à l’échelle locale qui peuvent avoir pour pivot un nombre croissant d’intercommunalités.

De mon point de vue, le véritable questionnement doit porter sur la place de l’État dans l’organisation de l’aide économique à l’échelle locale. L’année 2022 devrait voir l’achèvement de la réforme dite des pôles 3E. Cette réforme vise la réorganisation des services déconcentrés chargés du développement économique, qui relevaient des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, dans le cadre de la création des services économiques de l’État en région, les fameux SEER. Elle a abouti à une redéfinition du périmètre des missions et à un resserrement des effectifs – quelque 225 postes sur 420 sont supprimés. Je l’ai dit, la programmation budgétaire pour 2022 comporte une stabilisation du plafond d’emplois de la DGE. Néanmoins, même si les SEER se recentrent sur des fonctions de pilotage et n’assument pas la gestion des aides, je ne peux qu’appeler le Gouvernement à une grande vigilance quant aux moyens et missions qui leur seront confiés.

Au-delà des complexités de notre organisation administrative, l’empilement des dispositifs constitue le véritable écueil des politiques de soutien aux entreprises. Des élus locaux soulignent ainsi les difficultés que peut occasionner la juxtaposition des conventions et des dispositifs d’aide. En outre, la création de programmes de développement économique fondés sur le principe d’une géographie prioritaire ne simplifie pas nécessairement la perception des aides existantes.

C’est la raison pour laquelle je juge indispensable de renforcer les moyens dévolus à l’évaluation parlementaire de l’efficacité et du coût du soutien de l’État aux entreprises. Dans mon esprit, cette évaluation devrait porter sur les aides relevant des dispositifs expressément financés par le budget général, mais aussi sur celles accordées dans le cadre de partenariats et de programmes de développement locaux.

L’accompagnement des chefs d’entreprise constitue aujourd’hui un besoin clairement identifié. Organiser une communication efficace au sujet des aides existantes et des conditions nécessaires à leur obtention peut apporter une solution dans l’immédiat, mais, plus profondément, il convient de simplifier les formalités administratives incombant aux entreprises. À ce propos, les services ministériels m’ont confirmé qu’ils travaillaient toujours à la création et au développement de portails qui permettraient aux entrepreneurs de s’informer sur les démarches administratives ou de les accomplir en ligne, voire à la perspective d’un guichet unique par lequel on procéderait à distance à l’ensemble des formalités. Les guichets uniques, nous en entendons souvent parler, mais ils ne sont pas toujours mis en œuvre. Je ne peux donc qu’appeler le Gouvernement à concrétiser très rapidement ces projets. Mais il faut surtout faire œuvre de simplification pour accompagner les entreprises, au lieu de toujours les contraindre par de nouvelles normes.

En dernier lieu, je tiens à mettre l’accent sur l’importance des relais et de la coordination à l’échelle locale. La crise sanitaire a montré l’intérêt pour l’État de disposer de relais locaux, tant pour mettre efficacement en œuvre les mesures que pour informer le public. La puissance publique n’a pas besoin de se réinventer : au contraire, elle doit s’appuyer davantage sur les réseaux existants, notamment les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat. Il convient de tirer parti de leur proximité avec le terrain pour améliorer l’accès des entreprises aux dispositifs de soutien qui leur sont destinés. Une telle démarche pourrait justifier que l’État confie expressément aux réseaux, dans le cadre de leurs missions prioritaires, le soin d’informer leurs adhérents des aides aux entreprises.

Dans un même souci de publicité des politiques publiques, il conviendrait de mener des campagnes d’information à propos des outils et solutions de financement proposés par BPI France. Rien n’assure, en effet, que ces dispositifs jouissent d’une grande visibilité en dehors du cercle des clients et des partenaires souvent situés dans les grands pôles métropolitains – ce qui, en pratique, exclut les entreprises situées en zone rurale. C’est essentiel : le niveau d’information des entreprises dépend très souvent non seulement de leur taille mais aussi de leur situation géographique.

Enfin, nous devrions évaluer au plus vite l’apport des initiatives permettant de susciter des partenariats entre l’État, ses établissements, les opérateurs nationaux, les collectivités locales et les opérateurs économiques. Cela permettrait d’identifier un interlocuteur unique de l’État dans la conduite de projets de développement économique, alors qu’aujourd’hui, le sujet relève de plusieurs ministères concernés par les questions de ruralité, de tourisme ou d’agriculture.

Mme Corinne Vignon (LaREM). Depuis le début de la législature, notre majorité s’est engagée en faveur de la compétitivité des entreprises, notamment par le vote de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE), en 2019, et par le « quoi qu’il en coûte » annoncé par le Président de la République dès le début de la crise sanitaire – un mantra qui a permis le déploiement d’aides massives et le soutien aux entreprises.

Nous examinons ajourd’hui le dernier budget du quinquennat qui traduit une nouvelle fois les priorités du Gouvernement en matière d’aide aux entreprises. Ainsi, les crédits du programme 134 visent trois objectifs stratégiques.

Premièrement, ils servent à accompagner la numérisation des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). En juin 2021, près de 64 000 entreprises ont bénéficié du chèque numérique et près de 17 000 d’un diagnostic numérique et d’un plan d’action individualisé. Notre but est de poursuivre cet accompagnement afin que, en 2022, 110 000 entreprises reçoivent le chèque numérique et 30 000 un diagnostic numérique. L’objectif est de conduire les TPE (très petites entreprises), PME et ETI vers les technologies de l’industrie du futur.

Deuxièmement, nous continuons de soutenir les entreprises à l’export. En 2022, 85 millions d’euros seront attribués à Business France dans le cadre de la mission Économie pour accompagner le développement international des entreprises, favoriser leurs exportations et gérer le volontariat international en entreprise. Le plan de relance prévoit par ailleurs d’investir 14,8 millions d’euros de crédits de paiement dans un plan de soutien à l’export, afin de mieux accompagner les PME et ETI à l’heure où l’activité reprend sur certains marchés internationaux.

Troisièmement, nous investissons pour le futur. Ainsi, la mission Investissements d’avenir prévoit 418 millions d’euros afin d’aider les entreprises à relever les grands défis économiques que constituent pour elles l’innovation, l’investissement, l’évolution des modèles d’affaires, la structuration des filières, l’internationalisation ou encore le renforcement de la qualification des salariés.

Enfin, le Président de la République a annoncé des investissements en faveur des entreprises dans le cadre du plan France 2030.

Parce que notre volonté est de soutenir efficacement le tissu économique de notre pays, le groupe La République en Marche votera les crédits de cette mission.

M. Jérôme Nury (LR). Je tiens d’abord à remercier Mme Anne-Laure Blin pour son travail d’analyse pertinent. Comme pour de nombreuses autres, il faut souligner l’opacité de la présentation de cette mission, avec son capharnaüm de tableaux où l’on peine à retrouver le chiffre des montants véritablement dévolus à la mission concernée. Le fait que, comme l’an dernier, des crédits liés au sujet qui nous occupe se trouvent relever de la mission Plan de relance, dans le cadre du programme Compétitivité, ajoute à la confusion. Nous le disons souvent, plus de clarté dans la présentation et plus de logique dans la répartition des chiffres et des missions faciliteraient le travail des parlementaires, donc l’exercice de leur pouvoir de contrôle et d’amendement.

Sur le fond, la mission Économie est censée avoir pour objectif de favoriser un environnement propice à une croissance durable et équilibrée de notre économie, c’est-à-dire de favoriser l’emploi, la compétitivité et le développement des exportations tout en garantissant la sécurité des citoyens et des consommateurs.

À cet égard, deux sujets appellent mon attention. Le premier est le financement par l’État de 650 millions d’euros à verser à l’entreprise La Poste pour maintenir son activité d’intérêt général. Le Gouvernement justifie cette hausse de crédits par la baisse du volume de courrier et par la hausse du coût du service postal pour l’entreprise publique. Mais ce ferme soutien de la part de l’État devrait s’accompagner de la fixation de plusieurs objectifs aujourd’hui déficients. En premier lieu, il faut que les postiers et l’ensemble des personnels soient mieux considérés par l’entreprise, qui modifie missions, tournées et horaires sans se vraiment se soucier de leurs conditions de travail, ni de l’intérêt des usagers. Dans un contexte où le service postal est de plus en plus catastrophique, où les délais s’allongent – J+2 devient J+7–, où du courrier est perdu ou arrive à seize ou dix-sept heures en milieu rural, La Poste devrait être davantage contrôlée et encadrée par l’État, actionnaire et prescripteur du service public.

Deuxième sujet : la disparition du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC), qui se trouvait dans cette mission. C’est une véritable catastrophe pour nos commerçants, artisans et TPE ! L’État maintient la taxation des grandes surfaces mais n’en reverse pas le produit au commerce de proximité, comme c’était le système à l’origine. Alors que ce secteur aurait besoin de se moderniser, d’adapter ses offres pour lutter activement face à un e-commerce agressif, alors que les artisans et commerçants ont souffert de la crise sanitaire et qu’ils doivent aujourd’hui se relancer, l’État est totalement absent. L’outil FISAC ayant été supprimé par la majorité, les collectivités locales, départements, régions, intercommunalités se retrouvent seules pour accompagner les commerçants et artisans à travers les dispositifs collectifs que sont les opérations de restructuration de l’artisanat et du commerce – ORAC –, et les opérations collectives de modernisation – OCM.

Ce programme Développement des entreprises n’est donc pas satisfaisant, car il oublie des secteurs entiers de notre économie locale, notamment rurale, et ignore les artisans, les commerçants et les TPE. C’est pourquoi nous ne pourrons pas l’approuver.

Mme Marguerite Deprez-Audebert (MoDem). Je tiens d’abord à vous remercier, Madame la rapporteure, pour cette présentation très argumentée. Le soutien au développement des entreprises ainsi qu’à leur compétitivité, à la croissance et à l’emploi est, bien sûr, une priorité pour notre groupe. En témoigne la détermination avec laquelle nous avons participé, avec la majorité, à la mise en place de mesures d’aide aux entrepreneurs et aux salariés afin d’atténuer les effets de la crise sanitaire et économique. Ces efforts ont payé : le ministère de l’économie, des finances et de la relance a révisé à la hausse sa prévision de croissance, à 6,25 % du PIB, suivant ainsi les estimations de la Banque de France et de l’OCDE. L’année prochaine, la reprise se poursuivra et le taux de croissance devrait s’établir à 4 %.

Le programme Développement des entreprises et régulations s’inscrit dans cette dynamique. Il vise notamment à développer la compétitivité des entreprises et à établir un cadre propice à la croissance et à l’emploi. C’est la raison pour laquelle le groupe Démocrate se félicite particulièrement de la hausse de plus de 31 % des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de ce programme – c’est l’une des plus importantes de la mission Économie.

Le projet de loi de finances pour 2022 s’inscrit dans la continuité des budgets précédents, marqués par une croissance ininterrompue des financements inscrits au programme 134. Ce soutien ambitieux montre l’importance que nous accordons au soutien aux entreprises, outil crucial pour aider notre économie à exploiter pleinement son potentiel. Le groupe démocrate est donc favorable à l’adoption des crédits du programme Développement des entreprises et régulations.

Vous n’avez pas manqué de souligner dans votre rapport que la hausse observée doit être nuancée car elle est largement liée à l’action 04 Développement des postes, des télécommunications et du numérique. Ceci s’explique par la nécessité de maintenir le service d’acheminement universel assuré par La Poste. Après la crise de la covid-2019, il est essentiel de soutenir ce service d’intérêt général dont l’équilibre financier a été fortement dégradé par l’importante diminution des plis échangés pendant la crise sanitaire et économique, mais aussi par la baisse structurelle très sensible du volume de courrier, passé en quelques années de 18 à 5 milliards d’objets.

Un éventail plus large de mesures de soutien aux entreprises mérite d’être relevé. Je ne citerai que les 11,8 milliards d’euros du fonds de solidarité, dont 2 millions d’entreprises ont bénéficié, les 35 milliards d’euros du chômage partiel, qui ont aidé près de 8 millions de salariés, et les 140 milliards d’euros de prêts garantis par l’État.

Au-delà des mesures liées à la crise, il convient de mentionner les mesures fiscales à plus long terme que nous avons adoptées dès le début du mandat. Rendre la fiscalité plus avantageuse pour nos entreprises, c’est renforcer leur compétitivité et leur attractivité. Tel est l’objet de la baisse des impôts de production, à hauteur de 10 milliards d’euros, qui s’applique depuis cette année, ou encore de la réduction progressive de l’impôt sur les sociétés, qui devra converger vers la moyenne européenne dès l’année prochaine. Ces incitations fiscales nous aideront à atteindre nos objectifs.

Le Gouvernement s’est aussi engagé de manière particulièrement active au plan international et européen afin de défendre l’idée d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières européennes, ainsi que d’une taxation minimale des multinationales, qui a donné lieu à un accord au sein de l’OCDE. Ces avancées doivent nous permettre de mieux protéger les entreprises françaises face à la concurrence déloyale en matière fiscale et environnementale.

M. Olivier Falorni (LT). Pendant près de dix-huit mois, la covid-19 aura mis notre économie à rude épreuve.

Aujourd’hui, les perspectives s’améliorent – j’en veux pour preuve les prévisions des instituts, qui tablent sur une croissance de 6 % en 2021 et pour 2022. Pour nos entreprises malmenées par la conjoncture se profile enfin, nous l’espérons, la promesse de jours meilleurs.

Pour autant, plusieurs événements viennent ternir les perspectives de reprise : la disparition du fonds de solidarité au 1er octobre, puis le remboursement des prêts garantis par l’État pourraient avoir des conséquences importantes sur le tissu productif tricolore. La vigilance est de mise afin que les entreprises ne se trouvent pas d’ici quelques mois face à un mur de dettes.

Autre préoccupation exprimée par les acteurs économiques : le difficile approvisionnement en matières premières, à cause de la hausse des prix ou des pénuries. Il faut aller plus loin que les aménagements proposés par le Gouvernement à l’exécution des contrats publics et définir une véritable stratégie de sécurisation de la chaîne d’approvisionnement.

Quant au programme Développement des entreprises et régulations, en dépit de la hausse de ses crédits, force est de constater qu’il manque toujours d’ambition. Une part importante des crédits dédiés au soutien de l’économie n’y est pas inscrite mais se trouve dans le plan de relance.

La suppression du FISAC, en 2020, a contribué à vider le programme de sa substance. Le groupe Libertés et territoires est convaincu qu’il aurait fallu au contraire maintenir des aides directes aux commerces de proximité, gérées au plus près des réalités des territoires. Nous défendons également de longue date une égalité de traitement entre le commerce physique et le commerce en ligne, qu’assurerait notamment l’assujettissement des entrepôts de vente en ligne à la taxe sur les surfaces commerciales.

Le programme finance en outre les activités de la DGCCRF, responsable de la régulation concurrentielle des marchés, de la protection économique et de la sécurité du consommateur. Cette direction a su, à plusieurs reprises, démontrer le rôle déterminant de contrôle qu’elle joue dans l’économie. L’enquête qu’elle a menée en 2020 sur la vente en ligne a, par exemple, mis en lumière des manquements importants, plus de 60 % des produits testés présentant des anomalies. Afin de permettre à la DGCCRF de mener à bien cette mission de veille essentielle, il est nécessaire de préserver ses moyens. Or, les trois derniers PLF ont consacré une baisse de ses effectifs. Alors que nos TPE et PME s’efforcent de retrouver leur niveau d’activité d’avant la crise, il convient de les accompagner dans la relance, notamment en rétablissant une concurrence équitable avec le commerce en ligne.

M. Dino Cinieri. Je voudrais d’abord féliciter Mme Anne-Laure Blin pour la qualité de son rapport. Je partage l’appréciation de la rapporteure pour avis sur l’illisibilité du plan de relance et des dispositifs annoncés par le Président de la République, France 2030 et Territoires d’industrie. Les perspectives n’en sont pas claires. Le plan de relance est mal calibré, trop tardif et insuffisant pour protéger les plus fragiles ; les mesures destinées aux entreprises sont souvent compliquées. Comment le plan sera-t-il financé ? La Cour des comptes a fait part de ses inquiétudes en la matière. Notre collègue Éric Woerth, par ailleurs président de la commission des finances, redoute une bombe à retardement : le creusement d’une dette vertigineuse et l’incapacité de la rembourser, mais aussi de résister à d’autres crises.

Mme Michèle Crouzet. De manière générale, ainsi que Mme Marguerite DeprezAudebert et beaucoup d’autres collègues présents ici, je me félicite de la hausse des crédits alloués au programme 134.

Dans la seconde partie de votre rapport, vous vous interrogez, madame la rapporteure pour avis, sur les dispositifs de soutien aux entreprises. La plupart de vos remarques y sont assorties de questions. Vous soulignez le caractère éventuellement redondant des dispositifs de soutien aux entreprises, ainsi que des difficultés de gestion. Pourtant, vous écrivez que la direction générale des entreprises ne pointe aucun risque d’empilement des dispositifs, chacun d’entre eux répondant à un besoin spécifique. La Banque des territoires abonde dans ce sens. Quels sont donc les dispositifs d’aide à nos entreprises qui se recoupent trop pour être efficaces, et quelles sont les difficultés qu’elles rencontrent ? Surtout, que préconisez-vous pour y remédier ?

Mme Anne-Laure Blin, rapporteure pour avis. En premier lieu, je rappelle que nous sommes appelés à nous prononcer sur le programme 134, et non à analyser la politique économique du Gouvernement dans son ensemble – même si les deux sont liés.

On ne peut nier que l’augmentation des crédits de ce programme est essentiellement due à la hausse des moyens alloués à La Poste : c’est un fait incontestable, ce sont des chiffres. Cette hausse n’est pas destinée à accompagner une réforme des modalités de distribution ; le Gouvernement n’a aucunement l’intention de revoir les missions qui sont dévolues à La Poste. Le programme ne bénéficie donc d’aucune hausse substantielle de crédits. En revanche, il enregistre une baisse s’agissant des sites électro-intensifs. Les chiffres ne mentent pas.

Il n’y a aucune visibilité sur le moyen terme, aucune lisibilité sur l’articulation avec le plan de relance. Aucune perspective économique n’est donnée à nos entrepreneurs puisque les mesures prises dans le cadre du plan de relance ont vocation à s’éteindre l’année prochaine. C’est la raison pour laquelle l’exécutif et le Président de la République s’emploient à annoncer de nouveaux mécanismes, mais sans la moindre lisibilité pour nos entrepreneurs plongés dans le flou.

J’ai évoqué la direction générale des entreprises dans mon rapport car j’ai auditionné ses responsables. Dans la mesure où elle fait partie du ministère de l’économie, des finances et de la relance, elle n’est sans doute pas la mieux placée pour critiquer des dispositifs dont la mise en œuvre lui incombe. En revanche, dans d’autres auditions que j’ai menées, l’empilement des dispositifs de soutien a bien été relevé par plusieurs collectivités, élus locaux et entreprises.

Les montants ne sont pas en cause : je ne nie pas un certain investissement de l’État. Mais, pour améliorer l’environnement économique des entreprises, nous devons leur assurer – c’est notre rôle de parlementaires – une stabilité et des perspectives, ce que ce budget ne leur offre pas, faute de visibilité à long terme.

Vos discussions avec les chefs d’entreprise vous ont sans doute montré que le temps économique et le temps politique sont différents. Si nous voulons réindustrialiser nos territoires, c’est à nous qu’il appartient, au-delà des étiquettes politiques, de donner aux entreprises les moyens de se projeter vers l’avenir.

Nous ne pouvons pas nous contenter de saluer les importantes ressources octroyées par l’État. Notre rôle est d’évaluer les dispositifs existants et de proposer des améliorations. Nous devons savoir pourquoi ce qui a été possible lors de la crise ne l’était pas avant, et si ce le sera encore demain. Ainsi, le décloisonnement des services de l’État, heureuse conséquence de la crise, se poursuivra-t-il ? Nous devons simplifier la vie économique, ce qui suppose une réduction des normes et une lisibilité des mécanismes que l’on nous demande d’adopter, par exemple, dans un projet de loi de finances.

Les interventions des orateurs montrent bien que le budget présenté par le Gouvernement comporte certains écueils et certains oublis peu rassurants pour les entrepreneurs français.

C’est pourquoi, je rappelle mon avis défavorable à l’adoption des crédits du programme 134 et de la mission Économie.

 

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis (Industrie). Devant intervenir dans quelques instants en séance sur le projet de loi relatif au passe sanitaire, je vais vous présenter le plus brièvement possible les crédits consacrés à l’industrie et aux services, sur lesquels j’émettrai un avis défavorable – non par posture, mais parce que les auditions et les documents budgétaires m’y ont amené.

Je décerne quelques « bons » points dans mon rapport, par exemple concernant le maintien des dotations allouées à la surveillance du marché ou en faveur de certains centres techniques industriels, ainsi que des PME et des métiers d’art et du patrimoine. Mais je note que, du fait de la clôture parallèle des actions de politique industrielle, la mission Économie ne comportera quasiment plus de crédits soutenant directement le développement des TPE et des PME industrielles, ce qui, me semble-t-il, nuit à la clarté budgétaire.

La partie thématique de mon rapport s’intéresse aux moyens déployés par l’État pour soutenir notre tissu industriel face aux grandes mutations technologiques et écologiques actuelles et pour relancer l’industrialisation de notre pays.

L’industrie a en effet beaucoup régressé en France ces dernières années, bien plus que dans d’autres grands pays industrialisés, à l’exception du Royaume-Uni. En quarante ans, nous avons perdu la moitié de nos emplois – 2,2 millions – et 10 points de PIB. La part de l’industrie dans le PIB s’établissait ainsi à 13,4 % en 2018, contre environ 25 % en Allemagne, 19 % en Italie ou encore 16 % en Espagne.

Nous mesurons tous désormais les conséquences néfastes du déclin industriel, qu’il s’agisse du déficit commercial, des dégâts durables dans nos territoires, des dommages sociaux ou de la perte de souveraineté.

En effet, la crise a brutalement révélé l’ampleur de la dépendance de notre économie vis-à-vis des importations des pays tiers. Pour répondre aux besoins essentiels de la population française ou fournir les produits indispensables à l’activité de nos chaînes de valeur industrielles, il devient urgent de renforcer notre résilience, tout le monde en convient.

À ces enjeux de souveraineté et de préservation de l’économie et des emplois s’ajoute le défi majeur de la décarbonation. Je me suis particulièrement intéressé à l’un des piliers de l’industrie française, emblématique de la situation : la filière automobile.

Elle reste un acteur de poids de notre économie, mais elle a perdu plus de 120 000 emplois en quinze ans et ne représentait plus que 6,7 % de la production automobile européenne en 2016, contre 13,7 % en 2000. Elle a été particulièrement frappée par la crise sanitaire et reste aujourd’hui très ralentie par la pénurie de semi-conducteurs. L’usine emblématique de Sandouville en Normandie a ainsi cessé sa production pour les quinze prochains jours.

De manière plus fondamentale, la filière doit faire face aux bouleversements liés au remplacement de la motorisation thermique par l’électrique : 96 bassins d’emploi et 450 sites seraient affectés à court et moyen terme, et plus de 66 000 emplois menacés.

Elle doit également assumer ses choix, antérieurs et actuels : course aux volumes de production, reconversion dans le haut de gamme, construction de gros véhicules, négligeant les besoins de mobilité quotidienne de la population ainsi que les marchés des pays en voie de développement, qui ne passeront pas facilement à la voiture électrique.

L’industrie automobile doit surtout affronter l’exigence des actionnaires, et des taux de marge déraisonnables. Pendant la crise, les dividendes sont restés au rendez-vous chez certains. Malgré cela, certains groupes se sont désengagés auprès de nombreux sous-traitants, telle la Fonderie du Poitou, abandonnée par GMD. Cette stratégie s’est payée en centaines de milliers d’emplois pour notre économie et a entraîné la perte de savoir-faire précieux.

Dans son soutien à la filière automobile, le Gouvernement n’a malheureusement pas conditionné les aides publiques ni exigé de contreparties, se privant ainsi de la possibilité de contrôler, tant pour nous-mêmes que pour les salariés, leur utilisation. En dépit de la négociation d’un nouveau plan, certaines entreprises continuent d’organiser des suppressions d’emplois.

Devant ces constats, quelles sont les réponses de l’État ? Pour répondre à la dégradation de nos forces industrielles, le Gouvernement a commencé par renforcer les dispositifs des programmes d’investissements d’avenir (PIA), soutenant l’innovation et la modernisation des filières. Mais le levier d’action le plus substantiel restait les allègements de charges, avec, notamment, le remplacement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) par une baisse de cotisations sociales.

Le véritable basculement des interventions de l’État en faveur de l’industrie française date du plan de relance de septembre 2020. Force est de reconnaître que ce plan marque un retour inédit de l’État dans une politique industrielle.

En sus des nouvelles dépenses fiscales et des investissements des PIA3 et PIA4, l’État a en effet mobilisé plus de 4,5 milliards d’euros pour l’industrie, en soutien aux filières automobile, aéronautique et nucléaire, afin de moderniser les usines, décarboner les installations productives et favoriser les relocalisations.

Sans entrer dans le détail de la stratégie et des divers dispositifs, présentés dans mon avis, je cite néanmoins deux actions aux résultats prometteurs : le renforcement de l’enveloppe permettant à BPI France d’apporter sa garantie aux prêts des TPE et PME et le programme Territoires d’industrie, créé en 2018 mais consolidé par le plan de relance.

Parallèlement au programme national (Re)localiser, qui cofinance les projets d’augmentation ou de relocalisation des productions dans les secteurs considérés comme stratégiques pour notre pays, le dispositif Territoires d’industrie, mis en œuvre avec les collectivités locales, favorise une dynamique industrielle intéressante, grâce aux binômes élu-industriel formés dans chacun des 146 territoires labellisés. Plus de 1,37 milliard d’euros de soutien ont été apportés par l’État aux territoires d’industrie depuis 2018, et 569 millions par les régions. Sur la seule période 2020-2021, 1 416 projets ont été soutenus, développés à 84 % par des PME ou des ETI, ce qui a permis de créer ou de consolider 27 255 emplois. Ces dispositifs perdureront en 2022. L’enveloppe de Territoires d’industrie devrait même être complétée par 150 millions d’euros pour poursuivre cette dynamique.

Mais au-delà des moyens engagés, le pilotage manque pour une véritable stratégie de relance industrielle.

Il est à déplorer qu’aucun plan plus ambitieux en matière de renouveau industriel n’ait été sérieusement envisagé, visant à la fois une décarbonation générale et la relocalisation et le développement de véritables filières industrielles autour du renforcement de la fonctionnalité et de la répétabilité des composants.

Il faut déplorer également le manque de perspectives au-delà de 2022, malgré l’annonce du nouveau plan France 2030. Les 34 milliards d’euros évoqués non seulement ne sont encore qu’une promesse sans traduction budgétaire, mais risquent de n’être que du saupoudrage au regard des ambitions affichées. Et quelle est la stratégie au-delà des cinq ans de rallonge de France 2030 ? Une fois encore, l’État semble douter du rôle qu’il a à jouer dans la transformation et dans la reconquête de notre industrie.

Dans l’immédiat, plusieurs points pourraient être améliorés. Il faudrait d’abord obtenir des engagements précis des filières en matière sociale et environnementale, en contrepartie des fonds publics.

Par ailleurs, la multiplicité des dispositifs, gérés par des opérateurs différents, nuit fortement à leur lisibilité et à leur bonne connaissance par les TPE et PME, même si des efforts ont été accomplis pour faciliter le dépôt des dossiers. Je recommande donc de développer une information publique sur les dispositifs d’aides existants, au plus près des territoires, et d’uniformiser les guichets qui les distribuent pour plus de clarté et d’égalité de traitement.

Il serait également utile de réfléchir au type de soutien qui pourrait être apporté aux projets encore en gestation. Aucun dispositif d’incubation ne semble être proposé : cela devrait être aussi un objectif des politiques publiques.

Les collectivités territoriales sont en première ligne dans la reconquête industrielle. Or seul le programme Territoires d’industrie leur apporte un accompagnement actif.

Outre le fait que la multiplicité des dispositifs nuit aussi à leur examen par le Parlement, il faut noter que, si leurs gestionnaires suivent l’engagement des fonds et additionnent les résultats espérés, ils ne disposent pas nécessairement des instruments permettant de vérifier la réalité de ces résultats ni de mesurer leurs bénéfices pour la collectivité. Je recommande donc, pour le futur plan France 2030, d’utiliser des outils de suivi des résultats et d’évaluation a posteriori adaptés. En attendant, il me semble possible de créer un dispositif de mesure des résultats réels des soutiens publics apportés à l’industrie par les programmes en cours, notamment en termes d’emplois.

Enfin, il faut s’assurer que l’on tire tous les bénéfices possibles des investissements publics. Hormis les filières automobile et aéronautique, les aides de l’État ne sont pas subordonnées à la présentation d’une stratégie globale par les différentes filières industrielles, que ce soit en matière environnementale, sociale ou territoriale.

Je termine en soulignant trois problématiques non traitées, ou insuffisamment : l’accompagnement des entreprises en difficulté, le volet énergétique de la compétitivité prix de l’industrie et l’adaptation des emplois industriels.

Sur ce dernier chapitre, les moyens engagés par le plan de relance sont nettement insuffisants par rapport aux besoins, de conversion pour les uns, de formation des compétences recherchées par les autres. Le plan France 2030 pourrait renforcer les dispositifs, mais il se concentrerait sur les nouvelles filières : la réponse resterait donc partielle, et à nouveau provisoire.

La question des prix de l’énergie est un enjeu déterminant pour notre compétitivité : les prix de gros du gaz ont augmenté de 300 % en Europe depuis le début de l’année, et ceux de l’électricité ont plus que doublé. Loin de s’inverser, la tendance se creuse chaque jour davantage. Résultat, le surcoût pour les entreprises électro-intensives tournera autour de 1 milliard d’euros en 2021. C’est un risque essentiel qui reste, pour l’instant, un angle mort dans notre soutien à l’industrie.

Notre réflexion doit donc intégrer plus largement la politique énergétique : il y a urgence à mener une réflexion au niveau européen autant que national pour définir un mécanisme qui protège davantage l’activité industrielle, sans sacrifier l’incitation à décarboner nos usines.

M. Mickaël Nogal, président. Je rappelle aux millions de Français qui nous regardent sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale que les députés travaillent beaucoup, tant en séance publique, où est attendu M. Jumel pour l’examen du projet de loi sur le passe sanitaire, qu’en commission ou en circonscription.

M. Guillaume Kasbarian (LaREM). Le groupe La République en Marche pense que pour améliorer la compétitivité des entreprises françaises, il faut soutenir l’investissement et l’innovation des filières industrielles.

C’est exactement ce que nous faisons au travers de ce budget. Tout d’abord, nous soutenons les industries électro-intensives, avec 344 millions d’euros pour préserver leur compétitivité, et notre souveraineté s’agissant des matières premières. Nous dotons Business France de 85 millions d’euros pour accompagner les investissements étrangers en France. Nous finançons les pôles de compétitivité, avec 9 millions d’euros de crédits de gouvernance de l’État versés aux régions. Nous accompagnons la transition numérique des TPE et des PME, avec 9 millions d’euros pour favoriser leurs investissements dans la robotique. Les lauréats du concours French Tech tremplin recevront, eux, 1 million d’euros.

Au-delà de ces mesures, ce dernier budget est l’occasion d’observer certains résultats en matière de politique industrielle, à mettre en perspective avec les trente ou quarante dernières années et à comparer à 2017.

Le chômage devrait descendre à 7,6 %, ce qui n’était pas arrivé depuis treize ans. La France a connu plus d’ouvertures que de fermetures d’usines en 2017, 2018 et 2019. Et cela s’accélère, puisque 192 usines ont été créées au cours du seul premier trimestre 2021. La création d’emplois industriels est au rendez-vous : 80 000 postes sont ouverts dans l’industrie et attendent des candidats. Par ailleurs, 550 relocalisations ont été réalisées depuis un an dans les secteurs stratégiques, grâce à France Relance. La France est devenue la première destination européenne pour les investisseurs étrangers.

Voilà la réalité. Je salue les industriels et les salariés de l’industrie dont le travail remarquable est à l’origine de ces résultats : oui, nous pouvons être collectivement fiers de l’industrie française.

Notre groupe votera en faveur de l’adoption de ces crédits.

Mme Marguerite Deprez-Audebert (Dem). Vous avez mis en exergue, Monsieur le rapporteur pour avis, l’importance de l’industrie pour notre économie et comment le Gouvernement agit pour la réenchanter.

La réindustrialisation constitue un enjeu stratégique pour la France comme pour l’Europe : il s’agit non seulement d’une question de compétitivité et de balance commerciale, mais également d’indépendance en matière de maîtrise des chaînes d’approvisionnement, qu’il convient de renforcer.

Si nos dépendances ont été révélées de façon éclatante par la crise de la covid-19 et la hausse des prix des matières premières et de l’énergie, la prise de conscience des défis industriels ne date pas d’hier.

Grâce aux politiques d’attractivité et de compétitivité que nous menons depuis le début de la législature, nous avons pu mettre fin à la désindustrialisation qui touche depuis des décennies notre économie, plus particulièrement dans ma région des Hauts-de-France. En 2017, pour la première fois depuis l’an 2000, la France a pu se féliciter d’une augmentation de l’emploi industriel. Nous avons réussi à entretenir cette dynamique entre autres grâce à la mise en place du programme Territoires d’industrie en 2018, même si la crise sanitaire et économique a temporairement ralenti ces efforts.

Les dispositifs d’aide d’urgence, ainsi que le plan France Relance et les investissements prévus au titre du plan d’investissement France 2030 soulignent notre volonté de soutenir l’industrie. En effet, il est indispensable que notre pays comble les écarts encore trop importants – de 50 %, ce qui est colossal – en matière d’emplois industriels vis-à-vis de l’Allemagne et de l’Italie.

Le projet de loi de finances prévoit la stabilisation d’un grand nombre de dispositifs d’accompagnement financés par la mission Économie, dans l’action Industrie et services du programme 134. Or, ce ne sont pas les seules dépenses engagées par le Gouvernement au bénéfice de l’industrie.

Premièrement, des mesures fiscales ambitieuses, comme la baisse progressive depuis 2018 de l’impôt sur les sociétés ainsi que la transformation en 2019 du CICE en baisse pérenne de cotisations sociales, contribuent aussi bien à son attractivité qu’à sa compétitivité. Ces allègements fiscaux permettent à nos entreprises d’embaucher ou de former des salariés, de s’engager dans des trajectoires technologiques plus durables ou de s’orienter davantage vers des investissements productifs.

Il est donc nécessaire de poursuivre ces politiques en faveur de l’attractivité de notre industrie. En effet, pour que la réindustrialisation ait des effets durables, notre industrie doit faire la preuve de sa capacité à être rentable et compétitive, faute de quoi toute tentative de relocalisation pourrait être vouée à l’échec.

Deuxièmement, le plan de relance contient plusieurs dispositifs ayant pour but de soutenir le développement industriel en France, dont le guichet Industrie du futur, qui a consacré 706 millions d’euros à plus de 6 600 entreprises industrielles, ou les stratégies d’accélération pour l’innovation, qui ont mobilisé 3,75 milliards d’euros en faveur de 500 projets industriels.

Afin de pérenniser ces efforts, les plans France Relance et France 2030 prévoient des investissements massifs dans la transition écologique, la numérisation, le nucléaire et l’hydrogène pour renforcer l’innovation dans les secteurs d’avenir.

Néanmoins, la réindustrialisation ne se décrète pas : pour réussir, elle doit concilier l’intérêt industriel, commercial et socio-écologique, mais aussi la rentabilité, l’emploi et la compétitivité.

C’est la raison pour laquelle la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022 doit contribuer à la mise en cohérence, à l’échelle européenne, de la stratégie industrielle de la Commission européenne, du Pacte vert pour l’Europe et de la révision de la politique commerciale commune de l’Union.

Les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), tel le projet d’usine de batteries à Douvrin, dans mon département du Pas-de-Calais, constituent un bel exemple d’une coopération industrielle européenne qui repose sur le développement durable et le partage de la valeur entre États membres.

Les défis industriels auxquels nous faisons face ne peuvent être relevés que par un renforcement de notre compétitivité et de notre capacité d’innovation, dans un cadre européen cohérent qui tient également compte des impératifs écologiques et sociaux.

Face à ces défis, le groupe Démocrate est favorable à l’adoption des crédits de cette mission relatifs à l’industrie.

M. Olivier Falorni (LT). « Les 30 milliards d’euros du plan France 2030 achèvent la construction d’une fusée à trois étages » : c’est ainsi que le Gouvernement a présenté la succession de mesures prises depuis le début de la crise sanitaire. Nous considérons pour notre part que chacune des étapes aura eu ses faiblesses, qui risquent de mettre en péril, à terme, la capacité de la France à décoller et à renouer avec sa souveraineté industrielle.

S’agissant des mesures d’urgence, nous reconnaissons l’effort fait par l’exécutif pour amortir le choc économique tout en protégeant les salariés et les emplois, mais nous regrettons que la gestion de la crise ait été marquée par un très haut degré de centralisation et la faible place laissée aux initiatives locales.

Certaines de ces critiques valent également pour le plan de relance : si nous soutenons la baisse des impôts de production, qui redonnera de la compétitivité à nos industries, nous regrettons que le Gouvernement ait choisi de compenser la perte de recettes pour les collectivités territoriales plutôt que d’accroître leur autonomie fiscale.

Enfin, le Gouvernement souhaite, avec son nouveau plan d’investissement, faire émerger d’ici à 2030 les champions de demain dans les secteurs d’avenir. Là encore, cette démarche est empreinte d’une trop grande verticalité. Nous attendons d’ailleurs toujours des éclaircissements sur la gouvernance, et sur le pilotage de l’enveloppe de 30 milliards d’euros.

Par ailleurs, avant de mener des stratégies de moyen et de long terme, l’urgence est d’accompagner les entreprises dans leurs difficultés actuelles : elles sont nombreuses dans l’industrie, qui souffre en cette période de reprise d’une pénurie de certains matériaux et d’une hausse générale des prix.

Comme nos concitoyens, les industries voient leurs factures gonfler du fait de la hausse des prix de l’énergie, au point que certaines entreprises électro-intensives envisagent de ralentir leur activité. C’est pourquoi le groupe Libertés et territoires défend la possibilité de supprimer les taxes assises sur la fiscalité en matière énergétique.

Plus globalement, il regrette que rien ne soit prévu dans ce budget pour soutenir les entreprises face à ce nouveau défi. En effet, la mission Économie reste principalement centrée sur le mécanisme de compensation carbone des industries électro-intensives et néglige les autres dépenses d’intervention en faveur de l’industrie.

M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis. J’indique d’abord à M. Guillaume Kasbarian que les crédits de Business France n’étaient pas au cœur de mon avis budgétaire. Quant au solde net des créations d’emplois, les chiffres sont têtus : si l’on fait la différence entre les emplois industriels détruits et ceux qui ont été créés, on obtient un solde net de 10 000, et non de 80 000.

Les postes actuellement ouverts soulèvent la question de l’accompagnement des entreprises dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et des plans de formation de nature à combler le décalage entre l’offre et la demande.

En matière de souveraineté industrielle et de relocalisation, nous avons essuyé des échecs. Celui de Naval Group est un symbole fort de renoncement. Dans ce contexte, pour paraphraser un grand Président de la République, Jacques Chirac, « c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses ! ».

Nous pourrons donc, à la fin, dresser le bilan des leviers mobilisés au service de la politique industrielle et du recouvrement de notre souveraineté ; et peut-être le ferons-nous avec les salariés et leurs représentants, ainsi qu’avec les collectivités territoriales qui se mobilisent au quotidien.

M. Mickaël Nogal, président. Nous allons procéder au vote. Je rappelle les avis émis par les cinq rapporteurs pour avis de la mission Économie : Mme Barbara Bessot Ballot, MM. Antoine Herth et Éric Bothorel ont émis la semaine dernière un avis favorable; Mme Anne-Laure Blin et M. Sébastien Jumel ont émis cet après-midi un avis défavorable.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Économie non modifiés.


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 19 octobre 2021 à 18 h 10

Présents.  M. Damien Adam, Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Bolo, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Dino Cinieri, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, Mme Marguerite DeprezAudebert, Mme Stéphanie Do, M. Olivier Falorni, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, M. Luc Lamirault, Mme Annaïg Le Meur, M. Richard Lioger, Mme Graziella Melchior, M. Mickaël Nogal, M. Jérôme Nury, M. Robert Therry, Mme Corinne Vignon

Excusés.  Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Anne Blanc, M. Roland Lescure