Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 Audition, conjointe avec la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, sur la place des énergies renouvelables (EnR) dans le mix électrique              2

– Information relative à la commission....................26

 


Mardi
26 octobre 2021

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 7

session ordinaire de 2021-2022

 

Coprésidence
de Roland Lescure,
Président, puis de Mme Annaïg Le Meur, Vice-présidente, et de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie,
Présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire


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La commission a auditionné, conjointement avec la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, sur la place des énergies renouvelables (EnR) dans le mix électrique.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’entendre, dans le cadre d’une réunion conjointe de la commission du développement durable et de la commission des affaires économiques, Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, sur la place des énergies renouvelables (EnR) dans le mix électrique.

Cette question essentielle fait l’objet de débats récurrents dans notre enceinte. En juin dernier, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) a publié un rapport d’étape de son étude sur l’évolution du système électrique, intitulé Futurs énergétiques 2050. Hier, nous avons eu connaissance des dernières conclusions de RTE, qui a analysé six scénarios relatifs au mix de production et de consommation électrique permettant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. À l’évidence, cet objectif implique une profonde transition énergétique, quelle que soit l’hypothèse retenue.

Tous les scénarios prévoient une augmentation de la part de l’électricité dans la consommation énergétique et une croissance des énergies renouvelables dans la production d’électricité. Ils diffèrent toutefois s’agissant de la filière nucléaire et de la place relative, à terme, des diverses énergies renouvelables (EnR) dans le mix électrique.

Les décisions que nous prendrons en matière de mix électrique seront structurantes pour notre politique énergétique. Elles ne doivent bien sûr pas occulter les efforts à consentir en matière de sobriété et de recherche d’efficacité énergétique. Un équilibre doit être trouvé, qui soit à la fois ambitieux, pour tenir nos objectifs, et réaliste.

M.  Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques. Madame la ministre, nous avions eu le plaisir de vous recevoir, au sein de la commission des affaires économiques, en septembre 2020 et en février 2021. Voilà près de cinq ans que nous travaillons ensemble sur les questions énergétiques. Le premier texte que nous avons examiné, dès la rentrée de 2017, a été le projet de loi visant à mettre fin à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures ; la loi fut promulguée en décembre de la même année.

Depuis, ces questions énergétiques ont été examinées, à de nombreuses reprises, par la commission des affaires économiques et la commission du développement durable, ainsi que par le Parlement dans son ensemble. Dans la loi relative à l’énergie et au climat, dite « énergie et climat », et, plus récemment, lors des travaux sur la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « climat et résilience » menés par la commission spéciale présidée par Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, la question du mix énergétique a été au cœur des préoccupations.

Madame la ministre, nous sommes donc très heureux de vous entendre sur ce sujet important et sur le rapport publié hier par RTE.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. La transition écologique et l’évolution du mix énergétique sont des sujets qui nous occupent de manière récurrente depuis le début du quinquennat. Nous vivons en la matière un moment inédit, d’abord en raison des progrès réalisés ces dernières années. La compétitivité des énergies renouvelables n’a cessé de progresser. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les tarifs de soutien à l’énergie solaire ont baissé de 40 % en cinq ans et ceux de l’éolien terrestre de 20 % en trois ans. C’est aussi un moment inédit du fait de l’urgence climatique qui se fait chaque jour plus menaçante. Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) l’a encore rappelé dans son rapport publié en août dernier et nous en avons vu, ces derniers mois, de nombreuses manifestations.

Nous connaissons un moment historique et sommes au début d’une décennie décisive, où les oppositions s’éveillent, se cristallisent et s’intensifient, en particulier sur le sujet des énergies renouvelables. Parce que nous franchissons un cap, les interrogations se multiplient. Certaines sont tout à fait légitimes et méritent une réponse ; d’autres consistent à polémiquer inutilement.

Hier, RTE a rendu public son rapport Futurs énergétiques 2050. Demandé il y a deux ans par le Gouvernement, il présente plusieurs options d’évolution de notre système électrique pour atteindre la neutralité carbone en 2050, objectif sur lequel nous nous sommes engagés dans les accords de Paris.

Je suis venue mettre ces sujets à plat. Permettez-moi de rappeler le cadre dans lequel je m’exprime.

Ma responsabilité de ministre en charge de l’énergie, c’est d’abord que les Françaises et les Français soient correctement alimentés en électricité, en gaz et en carburant, et ce, à un prix raisonnable. Ma responsabilité, c’est aussi de décarboner nos modes de vie et de nous faire sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. La France, comme l’ensemble des pays européens, est confrontée à une forte hausse des prix de l’énergie du fait de la vigueur de la reprise économique mondiale et d’un contexte inédit, jamais observé dans l’histoire gazière européenne, affectant le prix de gros du gaz dont les évolutions influencent le prix de gros de l’électricité.

Face à cette situation exceptionnelle, nous avons pris des mesures pour protéger nos concitoyens. Le Gouvernement a annoncé le versement d’un chèque énergie de 100 euros à 6 millions de ménages modestes et a décidé de bloquer les tarifs réglementés du gaz à leur niveau du 1er octobre 2021.

Je tiens à rappeler que les consommateurs français bénéficient d’un cadre plus protecteur que nos voisins grâce à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) qui permet d’aligner le coût d’une partie de la fourniture sur le coût de revient du nucléaire. Malgré cela, la hausse du prix du gaz aurait pu conduire à une progression de plus de 15 % des tarifs de l’électricité d’ici à 2022. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé de limiter cette augmentation à 4 %, notamment en baissant la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE). Je me réjouis que l’Assemblée nationale ait validé cette mesure lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF), la semaine dernière. Ce bouquet tarifaire protégera efficacement nos concitoyens face à l’inflation, en particulier pour leurs dépenses de chauffage cet hiver.

Le Gouvernement a également réagi à la hausse du prix du carburant. Comme le Premier ministre l’a annoncé la semaine dernière, nous allons mettre en place une indemnité inflation de 100 euros, au bénéfice de toute personne gagnant moins de 2 000 euros net par mois, soit 38 millions de Français.

Ces mesures exceptionnelles ne changent rien à notre politique énergétique de long terme. Au contraire, la situation actuelle nous conforte dans notre volonté de mettre fin à notre dépendance aux énergies fossiles. C’est pourquoi j’ai annoncé la prolongation du barème du bonus écologique et de la prime à la conversion jusqu’au 30 juin 2022, afin de continuer à encourager le passage à la voiture électrique.

Au-delà de la situation conjoncturelle, nous avons une responsabilité historique sur le plan énergétique puisque nous nous sommes engagés, par l’accord de Paris, à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Cela implique de sortir au plus vite des énergies fossiles. Or, aujourd’hui encore – je le rappelle parce qu’on a tendance à l’oublier –, les deux tiers de notre consommation d’énergie finale reposent sur le pétrole et le gaz, ce qui est colossal.

Comment réduire efficacement nos émissions de gaz à effet de serre ? Le rapport de RTE apporte plusieurs réponses dépourvues d’ambiguïté. Il souligne d’abord la nécessité de poursuivre nos actions en matière d’efficacité énergétique. Pour atteindre la neutralité carbone, nous devons réduire notre consommation d’énergie d’au moins 40 % d’ici à 2050. C’est un objectif exigeant mais indispensable. Nous nous sommes déjà engagés dans cette voie, au moyen, par exemple, de la massification de la rénovation énergétique des logements, grâce à MaPrimeRénov’ et au lancement de France Rénov’ qui simplifiera les démarches de nos concitoyens. Nous avons également renforcé les exigences en matière d’économies d’énergie pour les bâtiments neufs dans le cadre de la réglementation RE2020.

Les travaux menés par RTE indiquent que dans tous les cas, on ne pourra atteindre la neutralité carbone sans électrifier de nombreux usages, qu’il s’agisse de la mobilité, du chauffage ou de l’industrie. Il faudra, par exemple, cesser d’employer des carburants fossiles et passer à la voiture électrique. Tous les scénarios de RTE concluent à une hausse de la consommation d’électricité d’ici à 2050 comprise entre 15 et 60 %, malgré des efforts substantiels de sobriété, en fonction des hypothèses sur la réindustrialisation de notre pays.

Nous sommes à la croisée des chemins. Deux voies s’offrent à nous. La première consisterait à répondre à cette demande d’électricité en ayant recours au pétrole et au gaz, ce qui représenterait un immense retour en arrière, totalement incompatible avec nos objectifs de neutralité carbone. La seconde voie nous conduit à développer massivement les énergies décarbonées, en particulier renouvelables. C’est ce que je défends ; c’est le projet du Gouvernement.

D’ici à 2035, le parc nucléaire historique constituera le socle de notre production d’électricité décarbonée, même si sa part dans le mix électrique a vocation à décliner progressivement, au rythme des mises à l’arrêt des réacteurs. À court et à moyen termes, il est indispensable de développer de manière très volontariste toutes les énergies renouvelables pour atteindre nos objectifs climatiques. En toute hypothèse, nous n’aurons pas le temps de mettre en service de nouveaux réacteurs nucléaires avant 2035, même si nous le décidions immédiatement.

Réduire notre consommation d’énergie fossile et déployer dans les quinze prochaines années les véhicules électriques, l’hydrogène ou les pompes à chaleur, tout en accueillant de nouvelles activités industrielles, exige un développement massif des énergies renouvelables. Ce choix, j’en suis consciente, demande du courage. C’est loin d’être l’option de la facilité, mais les travaux de RTE confirment qu’il n’y a pas d’autre solution. Ceux qui s’y opposeront fragiliseront notre sécurité d’approvisionnement et nous empêcheront d’atteindre la neutralité carbone en 2050, comme nous nous y sommes engagés.

J’entends les critiques au sujet de l’éolien, mais je tiens à souligner un point que l’on a souvent tendance à oublier. Produire de l’énergie n’est jamais neutre : cela a des conséquences, cela façonne les territoires. J’en ai fait très jeune l’expérience, dans le bassin minier. La production d’énergie renouvelable ne fait pas exception. Mais s’il faut opter entre d’un côté, l’impact du charbon, du pétrole et du gaz et, de l’autre, celui des éoliennes et des panneaux solaires, le choix est vite fait – ce qui ne signifie évidemment pas que le développement des énergies renouvelables doit se faire de manière anarchique. Pour atteindre la neutralité carbone d’ici à trois décennies, nous devons développer massivement ces dernières, le solaire, bien sûr, mais aussi l’éolien terrestre et maritime.

Vous le savez, les objectifs de notre programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) sont ambitieux : nous devons passer de 20 % d’électricité produite par les énergies renouvelables aujourd’hui à 40 % en 2030. Le Gouvernement soutient cette évolution par un financement sans précédent de plus de 6 milliards d’euros par an. Nous développons d’abord l’énergie photovoltaïque, qui a atteint une capacité de production de 12 gigawatts (GW) en 2021. Nous devons tripler notre capacité en sept ans, car notre PPE prévoit une capacité d’au moins 35 GW en 2028. Des signaux positifs confirment déjà que nous avons enclenché une dynamique : la capacité d’installations raccordées a augmenté de plus de 1,3 GW en à peine six mois, soit plus que chaque année pleine depuis 2012. Nous poursuivons sur cette lancée en simplifiant, en soutenant financièrement et en libérant tous les potentiels d’installation photovoltaïque.

Pour l’éolien, le débat public est souvent virulent et parfois biaisé par des contrevérités : je me suis beaucoup battue, ces derniers mois, pour démonter les fausses informations. Cela étant, les projets éoliens doivent être exemplaires. C’est pourquoi, début octobre, j’ai annoncé avec la filière dix mesures pour un développement responsable et maîtrisé de l’éolien. La capacité installée de l’éolien terrestre est d’environ 17 GW, pour un objectif de 35 GW en 2028. Nous devons donc doubler notre capacité en huit ans.

Ce choix a été soigneusement réfléchi, pensé et soupesé. Développer l’éolien est nécessaire pour tirer parti des ressources en vent de notre pays, les deuxièmes d’Europe, et pour disposer d’une énergie compétitive, d’un coût de moins de 60 euros par mégawattheure (MWh) pour l’éolien terrestre. J’en profite pour rappeler que l’Allemagne a cinq fois plus d’éoliennes au kilomètre carré que la France, le Danemark, trois fois plus, et le Royaume-Uni, près de deux fois plus.

L’éolien en mer fait aussi l’objet d’oppositions, alors que notre mix électrique à quinze ans nécessite un développement massif de cette filière. C’est pourquoi, afin de répondre aux craintes qui peuvent s’exprimer, nous allons consacrer 50 millions d’euros à un programme d’étude sur l’ensemble des façades maritimes. Nous allons parallèlement créer un observatoire national de l’éolien en mer qui sera chargé de mettre à la disposition de tous l’ensemble des connaissances scientifiques disponibles sur les effets des parcs éoliens en mer sur la biodiversité.

L’accélération indispensable du déploiement des énergies renouvelables suppose d’en créer les conditions d’acceptabilité en évitant une concurrence destructrice avec l’usage agricole des terres, en limitant les effets en termes d’artificialisation et sur la biodiversité, et en s’assurant d’une bonne intégration paysagère. Chaque projet de développement d’énergies renouvelables devra impérativement s’inscrire dans une vision territoriale et associer les parties prenantes locales. C’est le sens des décisions que nous avons prises ces derniers mois. Dans la loi « climat et résilience », nous avons créé les comités régionaux de l’énergie, étendu les obligations d’installation de panneaux photovoltaïques sur les toitures ou encore accru le rôle des communes en amont des projets éoliens.

Peut-être allez-vous me demander quel scénario je choisis parmi ceux proposés par RTE ? Mon rôle de ministre en charge de l’énergie est de faire en sorte que la discussion repose sur des fondements solides. Le débat, que j’ai appelé de mes vœux lorsque j’étais députée, va enfin pouvoir se tenir sur des bases objectives et robustes. Il ne s’agit pas, dès aujourd’hui, de choisir l’un des scénarios publiés hier. Chacun de ceux-ci constitue une voie pour atteindre la neutralité carbone en 2050, avec ses avantages et ses inconvénients. Nous devons tous nous en emparer pour comprendre quels enseignements on peut tirer de cette étude, dans son ensemble, et quels enjeux économiques, sociétaux, environnementaux et techniques sont associés à chacun des scénarios.

D’ores et déjà, des décisions claires ont été prises : réduire nos consommations, développer les EnR et moderniser notre système électrique en développant sa flexibilité. Audelà, RTE nous fournit une boussole pour relever le défi aussi ambitieux que stimulant de la neutralité carbone, un défi comme nous n’en avons pas connu depuis un demi-siècle en matière énergétique, qui suppose une mobilisation générale, forte et rapide. Je veux rappeler que le Parlement sera pleinement associé à la construction de notre politique énergétique, puisqu’une loi de programmation sur l’énergie et le climat sera débattue au premier semestre 2023. Nous étions nombreux dans cette salle à l’appeler de nos vœux.

Tel est, mesdames et messieurs les députés, le cap que le Gouvernement se fixe. L’objectif est clair : atteindre la neutralité carbone en 2050, ce qui nécessite dès à présent une mobilisation forte et déterminée. L’heure de la responsabilité a sonné. Nos énergies ne sont pas un sujet anecdotique ; notre modèle énergétique est indissociable de la société que nous voulons construire demain. Il y va du monde que nous voulons laisser à nos enfants, à nos petits-enfants et à ceux qui habiteront la Terre après nous. Il s’agit, quelles que soient les options retenues, d’un grand plan industriel mobilisateur et fédérateur, notamment pour la jeunesse, comme la France a su en faire par le passé. Ce qui est en jeu, dans les prochaines décennies, c’est la compétitivité de l’économie française, la création d’emplois qualifiés, une réelle souveraineté énergétique et notre capacité à réussir dans la lutte contre le changement climatique.

M. Jean-Charles Colas-Roy (LaREM). Au nom de La République en Marche, je salue le travail des équipes de RTE, qui ont œuvré pendant deux ans pour élaborer ces prévisions remarquables et établir la synthèse des 4 000 contributions des différents acteurs.

Depuis 2017, les scénarios de RTE ont évolué. Il y a quatre ans, les prévisions de consommation à l’horizon 2050 étaient relativement plates ou constantes. Aujourd’hui, quels que soient les scénarios, on prévoit une augmentation de 15 à 50 % de la part de l’électricité dans notre consommation d’énergie en 2050. Cette évolution s’est reflétée sur nos politiques publiques : notre objectif, en termes d’émissions de gaz à effet de serre, est passé du facteur 4 à la neutralité carbone. Nous avons inscrit cette dernière dans la loi « énergie et climat », en 2019 ; elle doit nous conduire à diviser nos émissions par six ou par huit.

Pour cela, nous électrifions les usages et nous encourageons le remplacement des véhicules thermiques par des véhicules électriques. Dans le bâtiment, nous éradiquons les chaudières au fioul au bénéfice de l’électrification et des pompes à chaleur. La réindustrialisation massive participe de cette politique de responsabilité. Nous réinstallons des modes de production en France, ce qui est bon pour l’emploi local et pour l’empreinte carbone, grâce à notre mix décarboné. À cela s’ajoute l’investissement massif dans l’hydrogène, à partir d’électricité décarbonée.

Madame la ministre, comment intégrer les nouveaux scénarios de RTE dans la préparation de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et dans les concertations qui s’ouvrent sur la future PPE ? Vous avez rappelé que les objectifs de cette dernière seront définis par la loi et non plus par le décret, ce dont nous sommes très fiers, au sein de la majorité.

Quel regard portez-vous sur ceux, nombreux, qui décrédibilisent le rapport de RTE, parce qu’il ne leur plaît pas ?

La recommandation n° 18 du rapport de RTE invite à la mobilisation générale. Pour sa part, notre majorité promeut l’efficacité énergétique, le développement du renouvelable et l’investissement dans le nucléaire. Comment aller le plus loin possible en ces matières ?

M. Emmanuel Maquet (LR). Madame la ministre, les annonces du Président de la République ainsi que le récent rapport de RTE ont dû vous mettre particulièrement mal à l’aise. En effet, il y a encore quelques mois, vous ne trouviez pas de mots assez durs pour dénoncer le nucléaire et ses dangers ; vous affirmiez qu’il fallait absolument en sortir. Aujourd’hui, vous êtes au pied du mur. Le plus responsable des scénarios proposés par RTE privilégie le nucléaire, puisque ce dernier présente le bilan carbone le plus cohérent avec nos objectifs de décarbonation. Nous sommes impatients de vous entendre sur cette expertise claire de RTE qui démontre les erreurs d’analyse des précédents gouvernements, mais également du gouvernement actuel.

Depuis dix ans, notre pays fait fausse route. En développant l’éolien tous azimuts et en fermant Fessenheim, nous dégradons notre bilan carbone. Fin août 2019, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) confirmait qu’il n’avait plus l’intention de construire le réacteur nucléaire de quatrième génération ASTRID, ce qui aurait pourtant permis la « fermeture » du cycle du combustible nucléaire. ASTRID était présenté comme un isogénérateur, c’est-à-dire capable de régénérer les déchets. Hélas, le recyclage à l’infini du combustible nucléaire n’est, semble-t-il, plus une priorité. Comment expliquez-vous cette décision incompréhensible sur le plan écologique ? Le nucléaire apparaît pour tous les scientifiques sérieux comme la solution au réchauffement climatique. Il est dommage que l’idéologie nous ait fait tant de mal.

Une politique globale en matière d’énergie renouvelable ne peut plus s’incarner dans l’énergie éolienne. Le rapport de RTE en prend acte, qui indique, page 46, que l’acceptation de l’éolien et du solaire est une problématique d’intégration dans le cadre de vie avant d’être environnementale. Les habitants des territoires concernés sont majoritairement opposés à l’implantation d’éoliennes. Vous devez les entendre.

Nous vous proposons de développer prioritairement, en vous en donnant enfin les moyens, la méthanisation, la géothermie et l’énergie marémotrice. L’usine de la Rance reste un exemple unique de ce que nous aurions dû développer. Des projets existent outre-Manche, d’une capacité de production équivalente à plusieurs réacteurs nucléaires ; chez nous, rien.

Enfin, gel des tarifs, chèque carburant, indemnité inflation : le Gouvernement multiplie les mesures pour tenter de limiter la flambée des prix de l’énergie. Celle-ci résulte certes de la hausse du coût de l’énergie, mais aussi des taxes liées aux tarifs de rachat des énergies renouvelables, lesquelles représentent plus d’un quart de la facture d’énergie. Loin des postures et des approches idéologiques, nous souhaitons vous entendre sur ces différents sujets.

M. Bruno Duvergé (Dem). Le rapport de RTE Futurs énergétiques 2050 nous appelle instamment à réduire notre consommation d’énergie par une meilleure efficacité énergétique et une plus grande sobriété. Il nous annonce aussi que notre production d’électricité devra substantiellement augmenter pour se substituer aux énergies fossiles. Pour produire cette électricité de façon décarbonée, il faudra au moins autant de nucléaire et beaucoup plus d’éolien et de solaire.

Il est possible d’augmenter notre production d’énergie éolienne, mais les modalités de ce développement sont à revoir. Dans les Hauts-de-France, la puissance éolienne installée est quasiment égale à la puissance de la centrale nucléaire de Gravelines, soit respectivement 5,2 et 5,5 GW. La semaine dernière, 50 % de l’électricité ont été fournis, dans la région, par le seul éolien ; la production issue de l’énergie éolienne y a excédé de 25 % la consommation. C’est un motif de satisfaction, mais les paysages de la région sont saturés et la population manifeste une hostilité grandissante. Le développement parfois anarchique de l’éolien dans les HautsdeFrance peut devenir un mauvais exemple et décourager la conduite de projets sur le territoire national.

Nous devons également nous pencher sur la faiblesse de notre stratégie de stockage. Si nous atteignons des niveaux de production d’électricité éolienne intéressants, notre incapacité à stocker les surproductions ne nous permet pas de tirer tous les avantages de cette énergie. C’est pourquoi il nous faut définir une stratégie de stockage ambitieuse et rapide. Comme le souligne le rapport de RTE, il ne faut plus considérer nos barrages uniquement comme des producteurs d’énergie, mais également comme des systèmes de stockage capables de réutiliser l’énergie produite. Une privatisation de nos barrages risquerait d’en limiter le développement comme moyen de stockage. En outre, il faut accélérer le développement de la filière hydrogène, moyen de stockage très complémentaire de l’éolien.

Madame la ministre, comment envisagez-vous de surmonter les deux freins à la transition énergétique que sont l’acceptation de l’éolien et la question du stockage ?

M. Dominique Potier (SOC). Le rapport de RTE est bienvenu aux yeux des membres du groupe Socialistes et apparentés. Il importe en effet de disposer de plusieurs scénarios et d’asseoir le débat démocratique sur des bases scientifiques. Nous affirmons notre confiance dans ce processus.

Nous sommes attachés au développement des énergies renouvelables pour sortir le plus rapidement possible du fossile et nous admettons le besoin d’une transition passant par le fissile. Dans le cadre de cette transition, nous avons besoin de sortir de ce que vous qualifiez vous-même de « situation anarchique », faite de controverses et d’enlisement dans des querelles locales. Il nous faut réaffirmer le rôle de l’État régulateur, capable de trancher scientifiquement sur des sujets aussi importants que la biomasse, nos besoins de sécurité alimentaire, la protection de la biodiversité locale dans le cadre du développement du photovoltaïque, de l’hydroélectricité et de la micro-hydroélectricité, la préservation de la grande biodiversité grâce à la lutte contre le dérèglement climatique, ou la sauvegarde de la forêt, qui doit être conciliée avec l’exploitation de la ressource en bois. Sur tous ces sujets, il n’y a pas de doctrine scientifique qui fasse autorité et nous aide à organiser le débat citoyen dans les territoires. Les querelles s’enveniment et affaiblissent les projets.

Mme Claudia Rouaux et moi-même vous avons signalé, à plusieurs reprises, que la spéculation avait cours dans le domaine de la méthanisation, ce qui est en totale contradiction avec le bilan écologique de ces installations. Pourquoi refusez-vous le principe d’un régime d’autorisation, autrement dit d’une certification garantie par l’État ? Il y a beaucoup d’argent public et beaucoup de plus-values dans certaines EnR, mais peu de contrôle. Sans partage de la valeur, sans contrôle de l’État, sans répartition entre le privé, l’État et les collectivités, nous allons dans le mur. Il faut ouvrir la voie. Nous avons besoin de vivre cette épopée collectivement.

Mme Valérie Petit (Agir ens). Je salue la méthode suivie et me félicite que la décision politique s’appuie sur des faits scientifiques, ce qui nous prémunit contre les idéologies et garantit un débat démocratique.

Le rapport de RTE est intéressant, parce qu’il propose six scénarios pour nous permettre d’atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Le premier est le plus ambitieux en matière d’énergies renouvelables et fait l’objet d’une étude de l’institut négaWatt dans son rapport intitulé La transition énergétique au cœur d’une transition sociétale. Plutôt optimiste, négaWatt parie à la fois sur un investissement massif dans les EnR et un changement positif de nos comportements, un véritable changement de société. De fait, de nombreux Français sont prêts à faire cet effort de sobriété.

Que pensez-vous du rapport de négaWatt ? Il me paraît riche d’enseignements, comme chacun des six scénarios de RTE. Ils ne sont pas exclusifs mais complémentaires, négaWatt faisant des propositions précises sur les changements d’usages et de comportements. Comment soutenir davantage les Français qui sont prêts à faire, plus tôt que d’autres, un grand pas en avant, dans le respect des libertés et le souci de la prospérité économique et de la justice sociale ?

Mme Sophie Métadier (UDI-I). Le marché de l’électricité est entièrement interconnecté sur notre territoire comme à l’échelle européenne. Sommes-nous coordonnés avec nos partenaires pour faire face, en particulier, à l’intermittence des EnR ? Pour ce qui est de nos installations de production, quelles anticipations fait-on en ce qui concerne le changement climatique et la baisse des ressources en eau ? Je pense notamment à l’hydroélectricité et au refroidissement des centrales nucléaires.

Vous avez annoncé des mesures en faveur du développement des éoliennes. Vous nous avez dit que chaque région pourrait être force de proposition sur la composition de son mix d’énergies renouvelables et, ainsi, privilégier le photovoltaïque et le biogaz, ou l’hydraulique et l’éolien, en fonction de ses atouts et de ses contraintes. J’en conclus que vous considérez qu’il existe bien des solutions de remplacement viables et pérennes à l’éolien terrestre dans nos territoires ruraux.

Les porteurs de projet devront désormais solliciter l’avis du maire et y répondre de façon motivée. S’agit-il d’un avis conforme, devant être suivi, ou d’un avis simple à ranger dans les oubliettes des dossiers ? Quelles sont les modalités d’association prévues avec les communes riveraines ?

Enfin, vous avez déclaré : « Pour poursuivre un développement maîtrisé et responsable de l’éolien en France, il est indispensable que l’implantation d’un parc ne soit plus subie mais bien voulue par les territoires ». Dès lors, comment expliquer que votre ministère ait saisi le Conseil d’État au sujet du projet éolien de La Chapelle-Blanche-Saint-Martin et de Vou, dans le Sud de la Touraine, contre lequel habitants et élus luttent depuis près de dix ans ? Vous avez en effet contesté la décision de la cour administrative d’appel de Nantes qui a annulé le permis d’exploiter attribué à la société Volkswind, du fait notamment de la présence de cigognes noires placées sur la liste rouge des espèces menacées en France. Cette question touche à la biodiversité mais aussi au consentement des riverains.

Mme Sylvia Pinel (LT). La flambée des prix de l’énergie nous rappelle que notre dépendance aux énergies fossiles n’est plus tenable. Non seulement elle constitue une menace pour l’environnement, mais elle nous place en situation de vulnérabilité face aux chocs de prix et aux ruptures d’approvisionnement. Nos concitoyens et nos entreprises, qui voient leur facture exploser, en sont les premières victimes.

Dans ce contexte, la transition bas carbone n’est plus seulement un choix, mais une nécessité. Il reste toutefois à s’accorder sur ses modalités et son calendrier. Le rapport présenté par RTE me conforte dans l’idée que la neutralité carbone nécessitera un déploiement significatif des énergies renouvelables et un maintien de notre capacité de production nucléaire. Même si vous ne nous direz pas aujourd’hui quel scénario retient particulièrement votre attention, pouvez-vous nous indiquer à quelle échéance le Gouvernement présentera son choix ? Est-il prévu de consulter la Représentation nationale ?

Par ailleurs, tous les scénarios européens prévoient un fort développement du solaire photovoltaïque, et ceux envisageables pour la France n’y font pas exception. Quelle stratégie le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour relocaliser la production du solaire en France ? Comment sécuriser la chaîne d’approvisionnement ? Comment favoriser l’acceptabilité des EnR sur tout le territoire ?

Le nucléaire assure la production de la majorité de l’électricité décarbonée en France mais les centrales sont vieillissantes. Au-delà du milliard d’euros prévu dans le cadre de France 2030 pour les SMR (Small Modular Reactors), allez-vous affecter des crédits supplémentaires au grand carénage du parc existant ? Des investissements sont-ils envisagés dans de nouvelles centrales, et quand cela sera-t-il annoncé ?

Enfin, le rapport de RTE estime qu’accélérer la réindustrialisation du pays en électrifiant les procédés augmente la consommation d’électricité mais réduit l’empreinte carbone. Plutôt que de pénaliser les filières industrielles au risque de favoriser les concurrents internationaux moins regardants sur la question environnementale, allez-vous accentuer l’effort de recherche pour développer des solutions de remplacement aux hydrocarbures ? Je pense en particulier au développement de l’hydrogène.

Mme Danièle Obono (FI). Quel que soit le scénario de transition ou de bifurcation, qu’il soit proposé par RTE ou par négaWatt, le développement massif de l’investissement dans les énergies renouvelables est une constante. Pourtant, votre bilan ne laisse pas apparaître cet effort. Les chiffres clés des énergies renouvelables pour 2020 publiés par votre ministère témoignent de l’écart entre l’objectif affiché de 23 % et vos résultats, les énergies renouvelables ne représentant que 19 % de la consommation finale brute d’énergie. La France se classe ainsi au dix-septième rang de l’Union européenne.

Le projet de budget pour 2022 consacre une baisse du soutien aux énergies renouvelables. Les crédits alloués au programme 345 « Service public de l’énergie » sont inférieurs à ceux annoncés en juillet. Vous justifiez cette baisse par la hausse des prix de l’énergie, alors que le maintien des crédits aurait permis de rattraper une partie du retard accumulé. L’investissement dans les énergies renouvelables est-il, à vos yeux, tributaire du prix de l’énergie ouvert à la concurrence ?

Le candidat-Président Macron a annoncé, dans le cadre du pompeux plan « France 2030 », que 1 milliard d’euros serait dévolu au nucléaire, contre 500 millions d’euros aux énergies renouvelables. Cela constitue-t-il, à votre sens, la composition rêvée du mix électrique ? Nous sommes ici, semble-t-il, les seuls favorables à une sortie du nucléaire, non pas en cinq ans, comme certaines caricatures le prétendent, mais à l’horizon 2050, ainsi que le propose, notamment, le scénario de négaWatt. Toutefois, pour pouvoir atteindre cet objectif, il aurait fallu engager suffisamment les travaux.

Selon négaWatt, le déploiement des énergies renouvelables pourrait créer 90 000 emplois d’ici à 2030, et au moins 135 000 en 2040. Alors qu’il faut planifier ce développement et en définir les modalités, l’État se sépare d’Egis, la Caisse des dépôts et consignations souhaitant céder la majorité de son capital. Il s’agit pourtant d’une entreprise en pointe dans ce secteur, dont le chiffre d’affaires – 1 milliard d’euros – la classe au vingttroisième rang mondial. Nous pensons que la puissance publique ne peut se passer de ce genre d’expertise. Quelle est votre position sur ce sujet ?

M. Hubert Wulfranc (GDR). La stratégie nationale bas carbone vise à ce que la France retrouve la consommation d’énergie qui était la sienne à la fin des années 1960, d’où les obligations d’efficacité énergétique et la nécessité de la sobriété. Cela implique une croissance considérable de la production électrique mais également de la biomasse produite sur le territoire national, ce à quoi nous souscrivons. Le rapport affiche un deuxième objectif, que nous reprenons à notre compte : faire revenir la part de l’industrie manufacturière dans le PIB à celle des années 2000, ce qui suppose une trajectoire d’appel à l’électricité supérieure aux scénarios jusqu’alors envisagés dans la SNBC – 750 au lieu de 650 térawattheures (TWh).

Dans un scénario de réindustrialisation intense, le maintien du parc nucléaire couvrirait 45 % des besoins, ce qui appelle un effort significatif en faveur des EnR, en particulier du solaire photovoltaïque. Ce scénario, qui va dans le bon sens, pose la question encore inexplorée des investissements pluriannuels dans le nucléaire et les EnR pour adapter et sécuriser installations et réseaux, au travers de la recherche et développement. Ces questions ne sont pas résolues, notamment concernant l’hydrogène vert.

Pour tout cela, il faut piloter et gouverner à long terme, pour investir, entretenir et distribuer, ce qui appelle une maîtrise de la politique publique, laquelle renvoie à un débat politique.

Mme Barbara Pompili, ministre. Monsieur Colas-Roy, effectivement, nous ne sommes plus dans le contexte antérieur aux accords de Paris et à la SNBC. Nous devons diviser au minimum par 6 nos émissions de gaz à effet de serre, contre un facteur 4 auparavant. Il est bon que RTE rebatte les cartes et propose des scénarios tenant compte de cette nouvelle donne.

Vous le savez, la SNBC et la PPE sont révisées tous les cinq ans. Leur prochaine révision, en 2024, sera, pour la première fois, précédée de l’adoption d’une loi de programmation qui fixera les priorités d’action de la politique climatique et énergétique nationale. Ce sera notre cadre, qui sera débattu démocratiquement. Cette loi, qui doit être adoptée avant le 1er juillet 2023, occupera une bonne partie du début du prochain quinquennat.

Le ministère mènera, du 2 novembre 2021 au 15 février 2022, une première phase de consultation volontaire du public qui aura pour objet de recueillir les avis sur les grandes orientations de la politique climatique. La campagne électorale qui suivra permettra à chacun d’exprimer ses préférences.

Parallèlement, des travaux techniques sont engagés avec les parties prenantes sur les enjeux climatiques et énergétiques, au-delà du seul sujet de l’électricité. Ils fourniront des éclairages, utiles à la préparation de la future loi de programmation, concernant les leviers de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le devenir des différents vecteurs énergétiques et de leurs infrastructures, qu’il s’agisse du gaz ou des carburants, la mobilisation de ressources comme la biomasse, les dynamiques sectorielles à lancer, etc. Bien entendu, si le choix est fait de lancer un nouveau programme de construction de réacteurs nucléaires, une concertation, encadrée par la loi, sera menée par la Commission nationale du débat public (CNDP).

Certains s’emploient en effet à décrédibiliser le rapport de RTE. C’est dangereux car, s’ils parvenaient à leurs fins, on ne pourrait plus se fonder sur quoi que ce soit et on en reviendrait à des débats dogmatiques et idéologiques. Une instance reconnue pour sa compétence et son indépendance a conduit une expertise. Pendant deux ans, 4 000 contributions ont été apportées, des échanges ont eu lieu avec toutes les parties prenantes, notamment les industriels, les représentants d’organisations non gouvernementales (ONG) et les régulateurs. Ce travail sérieux, documenté et transparent, qui cite ses sources, doit servir de base à un débat excluant les positions qui ne mènent nulle part. Nous travaillons pour les trente ans à venir ; nous réfléchissons à l’adoption de mesures très coûteuses qui engageront l’économie et la compétitivité de notre pays et nous permettront de respecter nos engagements internationaux. Je ne vois pas ce que cherchent ceux qui décrédibilisent ce travail, sinon revenir aux dogmes. Qu’ils prennent leurs responsabilités et qu’ils les assument face aux électeurs et à nos concitoyens !

De même, certains font état d’un travail caché sur un « nouveau nucléaire » ; quelqu’un, qui me déçoit par son incompétence et sa dérive complotiste, l’a écrit sur les réseaux sociaux. Il suffirait à ces gens de s’informer en consultant la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui est un document public. À la page 163, il est indiqué qu’afin de préparer toutes les solutions possibles, une étude sera menée pour déterminer quels seraient le coût et les exigences technologiques d’un éventuel programme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Tout cela est public. Il n’y a aucun complot. Un débat de cette importance mérite un peu plus de sérieux. Les personnes qui s’expriment ainsi me déçoivent énormément.

Monsieur Maquet, cinq des six scénarios de RTE retiennent l’hypothèse du recours au nucléaire : deux prévoient l’utilisation des capacités de production nucléaires actuelles jusqu’à leur terme et trois envisagent la construction de nouveaux réacteurs – le scénario maximaliste, qui soulève un certain nombre de questions, allant jusqu’à une part de 50 % de nucléaire dans notre mix électrique.

Nous n’avons pas attendu RTE pour savoir que l’éolien soulevait des problèmes d’acceptabilité. Il n’en reste pas moins que, comme l’indique le rapport, page 27 : « Respecter les objectifs climatiques passe […] nécessairement par un développement de l’éolien ». Il faut cesser les guerres de religion. On a besoin de pousser les curseurs de toutes les énergies renouvelables.

Le rapport prend peu en compte l’énergie marémotrice et d’autres, tout aussi intéressantes, parce que ces types de production d’électricité ne sont pas matures. Ils font l’objet de recherches. À l’heure actuelle, on n’a aucune certitude sur leur capacité à répondre, à l’échelle industrielle, à nos besoins d’électricité. Les rapports de RTE se fondent sur les énergies matures que sont l’éolien terrestre, l’éolien offshore y compris l’éolien flottant, qui en représente une petite part – le solaire et l’hydroélectricité.

Je rappelle que le projet ASTRID avait pour objet de créer un démonstrateur industriel de réacteur de quatrième génération permettant d’aller encore plus loin dans le traitement et le recyclage du combustible nucléaire usé, afin de réduire notre consommation d’uranium naturel. Dans le cadre de la PPE, le Gouvernement a acté que le besoin d’un démonstrateur industriel était moins urgent. Il ne l’a pas supprimé, mais ce n’était plus la priorité, parce que les ressources en uranium naturel sont abondantes, disponibles à bas prix et devraient le rester jusqu’à la deuxième partie du XXIe siècle. De surcroît, la recherche conduite depuis vingt ans sur les déchets radioactifs montre que les réacteurs de quatrième génération ne font pas disparaître le besoin d’une solution de stockage des déchets, alors que c’était l’objectif initial.

Au regard de ces deux constats et de son coût de plusieurs milliards d’euros, le projet ASTRID a été suspendu fin 2019. Cependant, le Gouvernement poursuit sa stratégie de traitement et de recyclage qui repose, à court terme, sur l’usage du MOX et son extension aux réacteurs de 1 300 mégawatts (MW), plus récents, ainsi que, à moyen terme, sur le multirecyclage dans les réacteurs de générations actuelles, voire, à long terme, sur le multirecyclage de quatrième génération.

S’agissant des déchets, je rappelle que les plans France Relance et France 2030 prévoient des investissements massifs car, face à cet inconvénient bien connu du nucléaire, nous n’avons pas encore trouvé les solutions optimales. Des études sont engagées. Dans le cadre du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, l’entreposage à sec et d’autres techniques ont été envisagés.

Certes, les taxes représentent, en France, une grande partie de la facture énergétique, mais leur part dans le prix des carburants se situe dans la moyenne des pays européens. À ma connaissance, aucun, ou quasiment aucun autre pays européen n’a adopté de mesures pour aider ses concitoyens à franchir le cap de la hausse du prix des carburants.

Monsieur Duvergé, concernant l’éolien, je suis d’accord sur le fait que nous pâtissons d’erreurs commises par le passé. Les mesures que j’ai annoncées visent à identifier les meilleures solutions en associant davantage les élus, au premier chef les maires, et les populations qui vivent au plus près des lieux d’implantation des éoliennes. Il y a eu des manquements, mais il y a aussi de nombreux territoires abritant des parcs d’éoliennes où tout se passe très bien, comme j’ai pu le constater lors de mes déplacements. J’ai demandé aux préfets d’identifier les zones où il est possible – ou, a contrario, inenvisageable – d’implanter des éoliennes. Je leur ai demandé de considérer plusieurs aspects : en dehors du vent, il s’agit, par exemple, de la présence de radars militaires ou de questions sensibles comme le trop-plein d’éoliennes à certains endroits ou la présence de zones patrimoniales remarquables. Cette cartographie offrira plus de visibilité sur ce qu’il est possible de faire sur tel ou tel territoire.

Dans la loi « climat et résilience », nous avons souhaité que chaque région fasse ses propositions sur les moyens d’atteindre les objectifs nationaux de la PPE. Bien évidemment, si leurs solutions respectent les feuilles de route, nous les validerons ; nous n’allons pas nous amuser à essayer de trouver autre chose.

Nous avons demandé aux porteurs de projets et aux représentants de la filière éolienne de rendre cette dernière plus transparente et d’apporter aux maires des réponses argumentées. L’avis du maire est un avis simple, parce que nous souhaitons agir en coconstruction. Cela ne peut pas être tout ou rien, blanc ou noir. Puisqu’il n’y a pas d’autre choix que de développer les énergies renouvelables, nous devons trouver ensemble les meilleures solutions. Je crois au dialogue. Il est nécessaire d’anticiper et d’avoir un peu de visibilité. Le fait que les développeurs éoliens proposent en priorité aux citoyens et aux collectivités concernés de participer, en particulier sur le plan financier, aux projets, est un facteur d’acceptabilité. L’implication des citoyens est un gage de réussite. Je ne veux pas que la parole des maires ait un effet tel qu’ils se trouvent « coincés » par des pressions très lourdes, dans un sens ou dans l’autre, alors que l’éolien, c’est aussi la participation à un projet global et à des enjeux nationaux.

Concernant le stockage, la loi « climat et résilience » prévoit le lancement d’appels d’offres. Nous préparons un décret en ce sens, mais des capacités existent déjà.

Nous consacrons 7 milliards d’euros au développement de l’hydrogène.

S’agissant des barrages, il faut tenir compte du fait que le changement climatique fait baisser le niveau des eaux. Nous devrons tenir compte, dans la conception des installations, de la diminution des étiages des cours d’eau et dans les barrages.

Je suppose que l’évocation d’une privatisation des barrages était une boutade. Aucune privatisation n’est prévue. Les concessions resteront des concessions et la propriété de l’État.

Monsieur Potier, en ce qui concerne le rôle régulateur de l’État, j’ai indiqué comment nous allions organiser le débat préalablement à toute décision.

Nous avons évolué au sujet de la méthanisation. Nous avons connu des incidents dans cette filière, notamment des pollutions accidentelles et des relargages de biogaz. Nous savons aussi qu’en raison de la faiblesse de leurs revenus, certains agriculteurs pourraient être tentés de développer les intercultures, qui pourraient devenir des cultures principales, pour faire de la méthanisation. Nous y sommes attentifs.

Trois arrêtés publiés le 30 juin dernier fixent des obligations plus rigoureuses pour le suivi des quantités d’intrants ou de digestats stockées, les températures aux différentes étapes du processus et la maintenance. La prévention des nuisances olfactives a aussi été renforcée. La distance minimale avec les tiers passe de 50 à 200 mètres pour les méthaniseurs soumis à autorisation ou enregistrement au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), et à 100 mètres pour les méthaniseurs soumis à déclaration. Une obligation de couverture des digestats liquides et solides est ajoutée. L’approvisionnement des méthaniseurs a été pris en compte dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) : une limite était déjà fixée, à l’époque, à 15 % d’approvisionnement par des cultures alimentaires. Le contrôle de cette limite sera renforcé grâce à l’application de la directive européenne du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables. Les cultures intermédiaires utilisées par les installations de méthanisation de grande taille devront obligatoirement être certifiées.

Comme pour les autres filières de production d’énergie à partir de la biomasse, une attention est portée au bilan global de la méthanisation en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Dans le cadre de la transposition de la directive de 2018, afin d’éviter le recours à des pratiques qui remettraient en cause ce bilan, des dispositifs de soutien seront conditionnés, pour les moyennes et grandes installations, à la démonstration d’une réduction effective des émissions de gaz à effet de serre. Ce critère permettra de limiter le recours à des transports de biomasse sur de longues distances, susceptibles de remettre en cause l’intérêt environnemental de la méthanisation.

Madame Petit, vous mettez en regard le premier scénario de RTE avec le rapport de négaWatt qui avance des chiffres de production électrique comparables, quoique légèrement inférieurs. Je veux saluer les travaux menés de longue date par négaWatt. Leur rapport enrichit le débat et soulève quelques questions. L’association estime que l’on peut recourir massivement aux énergies renouvelables sans aucun apport de nucléaire, c’est-à-dire en fermant les centrales nucléaires existantes et en n’en créant pas de nouvelle. Cela exige le respect de certaines conditions : beaucoup de sobriété, beaucoup plus d’énergies renouvelables à brève échéance et un travail approfondi sur la flexibilité. Cela fait beaucoup de préalables, que l’on doit être sûr de pouvoir respecter.

Le pari le plus difficile à tenir, à mon sens, est celui qui porte sur un changement profond de la société. Pour ce qui est de la sobriété, les scénarios de négaWatt vont très loin en matière de logement, de mobilité et d’alimentation, puisqu’ils prévoient, par exemple, que l’on mangera deux fois moins de viande en 2050. Est-il raisonnable de penser que l’on atteindra ces objectifs sans se donner une marge de flexibilité ? C’est une question qui mérite d’être débattue. Peut-on postuler la généralisation du télétravail ? Peut-on tabler sur une diminution d’un certain pourcentage du nombre de voitures en France ? Peut-on établir toutes nos projections et programmer tous nos investissements sur cette base ?

Le besoin de réindustrialisation qui rend nécessaire une augmentation de la consommation d’électricité est dicté par la volonté de réduire notre empreinte carbone globale. Autrement dit, nous voulons rapatrier des industries qui opèrent dans des pays bien plus émetteurs de gaz à effet de serre que le nôtre. Comment rendre compatibles ces différents paramètres ? Je ne suis pas sûre que tout le monde ait apporté une réponse à ces intéressantes questions de société.

Madame Métadier, cette évolution implique une plus grande confiance dans les interconnexions européennes. Nous sommes très interconnectés, ce qui nous protège. Nous sommes importateurs nets environ quarante jours par an. Compte tenu des évolutions annoncées, nous le serons probablement plus longtemps, ce qui implique une plus grande flexibilité du réseau, au prix d’investissements lourds. Selon le rapport de RTE, accroître la flexibilité implique la construction de nouvelles centrales à gaz qui seront alimentées, espéronsle, par de l’hydrogène.

J’ai toujours été une grande défenseuse de ce genre de scénarios, mais, dès lors que l’on vise une division par six – et non plus par quatre – de nos émissions de gaz à effet de serre, ils demandent plus d’efforts. Sommes-nous capables collectivement de faire ce pari, et veut-on le faire ? Quels moyens se donne-t-on à cette fin ? Sommes-nous prêts à accepter la fin de l’habitat individuel ? Il me semble que cela fait débat.

Madame Pinel, les crédits étant prévus pour le grand carénage, il n’est pas besoin de financements supplémentaires.

Le Gouvernement se laisse quelques semaines pour choisir un scénario, mais nous entendons réagir vite, comme le demande RTE. On peut penser que d’ici à la fin de l’année, le Président de la République ou le Gouvernement s’exprimera sur le sujet.

Madame Obono, le plan France 2030 prévoit d’investir 500 millions d’euros dans la recherche et développement en vue de trouver des solutions de remplacement aux EPR, notamment par les SMR, et 500 millions d’euros pour l’important sujet des déchets, ce dont je me réjouis. Les investissements prévus par France 2030 pour les EnR portent sur les nouvelles technologies. En revanche, pour ce qui concerne le développement proprement dit des renouvelables, l’État investit actuellement entre 5 et 6 milliards d’euros par an. Par ailleurs, quand vous parlez du budget, vous oubliez de dire que nous sommes en train d’élargir les guichets. La filière des énergies renouvelables me remercie pour le travail que nous sommes en train d’effectuer sur le photovoltaïque, l’éolien, etc. Je n’ai pas l’impression qu’elle se plaigne du soutien du Gouvernement.

M. Michel Delpon. Le dernier rapport de RTE place enfin l’hydrogène au cœur de la stratégie française relative aux énergies renouvelables. De fait, l’hydrogène vert, ou bas carbone, est un levier de stockage flexible. Toutefois, les contraintes réglementaires pesant sur toute la chaîne doivent être assouplies afin d’accélérer son déploiement. Comment éviter l’excès de régulation et les taxes qui pourraient compromettre le développement de la filière, laquelle concernera plus de cent métiers, dont certains seront nouveaux, et de nombreux emplois pour nos territoires ruraux, tout en procurant une autonomie énergétique ? Il faut conserver en France ce savoir-faire et cette avancée technologique et en maîtriser les postes clés. Pour ce faire, il convient d’investir dans des formations nouvelles, car nous manquons déjà d’ingénieurs qualifiés. Arrêtons de financer les énergies fossiles !

Mme Anne-Laure Blin. Madame la ministre, je suis ravie de vous entendre dire qu’il faut que les gens se parlent. Cela doit être le cas pour le mix énergétique comme pour d’autres sujets. Nous n’avons pas toujours l’occasion de vous entendre et surtout d’obtenir des réponses à nos courriers.

L’application de la loi en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) pose des problèmes aux collectivités territoriales. Le transfert de compétences opéré avant 2024 engendre des dépenses considérables et aura des répercussions sur les ménages et les entreprises. Pouvez-vous nous fournir des précisions sur l’entretien des digues de la Loire ?

Par ailleurs, dans le cadre de l’application de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi « AGEC »), vous avez signé un décret qui met en grande difficulté les producteurs de fruits et légumes de France. L’interdiction des emballages plastiques qui s’appliquera à compter du 1er janvier 2022 risque de mettre leur filière en porteàfaux et de les placer en difficulté financière. Ils seront victimes d’une distorsion de concurrence absolue à l’échelle européenne.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je vous rappelle qu’il s’agit d’une audition sur le mix électrique français.

Mme Florence Lasserre. La petite hydroélectricité est un sujet central pour la production d’énergie renouvelable, au Pays basque comme ailleurs. Pas moins de 25 000 moulins à eau pourraient être relancés sur le territoire français. Les projets de petite hydroélectricité ont une grande signification sur le plan local et bénéficient d’un large appui des populations, contrairement à d’autres sources d’énergie. Toutefois, ce potentiel est trop souvent bloqué par des freins administratifs. Sur bon nombre de territoires français, rouvrir une petite centrale de production constitue un véritable parcours du combattant qui conduit souvent à l’abandon des projets, alors que pour augmenter massivement la production d’énergie renouvelable, aucune solution de production ne doit être écartée. Je suis ravie de l’avoir entendu dans votre bouche. Comment comptez-vous mettre fin à ces freins administratifs et donner à la petite hydroélectricité la place qu’elle mérite dans votre mix électrique ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. À l’heure où nous devons réduire notre consommation globale d’énergie et où les besoins en électrification augmentent, tout reste à faire pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles, décarboner notre mix énergétique et garantir le pouvoir d’achat des ménages fragilisés par la hausse exponentielle des prix de l’énergie. Les conclusions de l’étude de RTE sont bienvenues pour écrire le futur électrique de notre pays, mais imposent la conduite de programmes ambitieux d’investissement industriel bas carbone et en direction des énergies renouvelables. Comment parvenir à produire 40 % de l’électricité grâce aux énergies renouvelables en 2030 ?

Il faut accorder une place plus importante à l’hydroélectricité. À cet égard, je déplore que l’article sur le suréquipement que nous avions adopté dans la loi « énergie et climat » soit largement sous-utilisé.

M. Guy Bricout. Quel sera le rythme de développement des énergies renouvelables d’ici à 2035 ? Quelles sont les projections de votre ministère en matière de biogaz, de géothermie, de biocarburant et de bois-énergie ? Où en est le développement de systèmes hybrides à source d’énergie renouvelable permettant un couplage des sources d’approvisionnement pour contourner la difficulté de l’intermittence ?

Vous n’avez de cesse d’insister sur l’accélération du développement de l’éolien. Or, un rapport de votre ministère sur la stratégie nationale bas carbone publié en mars 2020 indiquait que la diminution, à un niveau de 50 %, de la part du nucléaire dans la production d’électricité obligerait à construire vingt centrales à gaz d’ici à 2027.

Enfin, je ne partage pas votre point de vue sur le rôle du maire, car j’estime que celuici doit pouvoir décider de l’implantation, ou non, d’une éolienne sur le territoire de sa commune.

M. Anthony Cellier. Il nous faut éviter de tomber dans le travers classique de l’opposition entre l’éolien et le nucléaire et lancer la mobilisation générale en faveur des EnR, qu’il s’agisse de l’éolien terrestre, de l’éolien offshore ou du photovoltaïque, et du nucléaire existant et à venir. Dans ce temps contraint, face aux murs climatiques et énergétiques que nous devrons franchir, comment mobiliser les forces vives de notre pays, notamment en matière de formation aux métiers de l’énergie ?

M. Vincent Rolland. Vous avez exclu la privatisation des barrages, ce dont je me réjouis, mais qu’en est-il de la remise en concurrence des concessions exigée par Bruxelles ? En France, 150 concessions hydroélectriques arrivent à échéance. Pour ma part, je suis défavorable à l’intervention de Bruxelles dans la production hydroélectrique française ; il y va de la souveraineté nationale.

Les industries hyper électro-intensives, dont une grande part des coûts de production provient de l’électricité, sont en attente de tarifications particulières. Quel engagement le Gouvernement est-il prêt à prendre en ce sens ?

Enfin, il serait souhaitable que la commission du développement durable vous auditionne au sujet du loup, car celui-ci décime les troupeaux et empêche le pastoralisme.

M. Philippe Bolo. Madame la ministre, si je dis « transition énergétique », « souveraineté énergétique », « économie circulaire » et « soutien à l’économie rurale », vous aurez compris que je parle de la méthanisation. L’État a été au rendez-vous en soutenant la filière, ce qui a permis de l’amorcer et de la structurer, mais les freins et les ambiguïtés demeurent, cristallisés autour d’un changement de logique. Nous sommes passés d’une activité de complément de revenus et de gestion des déchets organiques à la diversification économique, par l’introduction de cultures énergétiques destinées à l’approvisionnement des méthaniseurs. Cette dérive contrarie le développement de la méthanisation. Le modèle reste à définir, à soutenir et à pérenniser. Audelà des mesures de régulation, comment préserver le modèle le plus vertueux en faisant intervenir les collectivités où cohabitent les deux modèles ? Celles-ci sont capables d’identifier et de soutenir une méthanisation à la française, qui conjugue complément de revenus et traitement des déchets organiques, et qui soit compatible avec la gestion d’un foncier de plus en plus rare, tout en permettant l’installation des jeunes agriculteurs.

Mme Sandrine Le Feur. Les six scénarios développés par RTE ménagent une place croissante au photovoltaïque dans notre mix énergétique, ce qui soulève la question des surfaces disponibles pour le développer. Le monde agricole est en effet confronté à une demande croissante d’exploitation du foncier à cette fin. L’agrivoltaïsme n’entraîne pas un conflit d’usage direct, dans la mesure où il est possible de cultiver ou d’élever sous les installations solaires. Cela étant, le photovoltaïque présente un caractère stratégique et peut conduire à une modification du plan local d’urbanisme (PLU), lequel participe d’une dynamique d’artificialisation des sols. La stratégie de transition énergétique française prend-elle en compte cette évolution ? Comment entend-elle valoriser l’agrivoltaïsme ? Quels gardefous instituetelle pour éviter l’augmentation du prix du foncier, garantir la disponibilité de celui-ci et lutter contre l’artificialisation des sols ?

M. Fabien Di Filippo. En 2018, alors que M. Nicolas Hulot occupait votre fonction, nous avions eu des discussions approfondies sur la programmation pluriannuelle de l’énergie ; je répétais, réunion après réunion, qu’elle était irréaliste. Aucun scénario ne prévoyait d’augmentation de la consommation d’énergie. Même M. Jean-Bernard Lévy, présidentdirecteur général du groupe EDF, vous avait fait remarquer cette incongruité. Reconnaissez le changement de pied de la majorité et donnez-nous quitus d’avoir eu raison et de vous avoir alertés très tôt. Pour autant, la question n’est pas réglée. Si nous voulons une énergie bon marché, une économie compétitive et la réindustrialisation du pays, vous ne pouvez pas vouer aux gémonies le nucléaire pour les années qui viennent.

Mme Barbara Pompili, ministre. Monsieur Delpon, le Gouvernement est animé d’une réelle volonté de mettre le paquet en faveur de la production d’hydrogène décarboné en France, contrairement à d’autres pays qui développent une stratégie de production extérieure et d’importation. Nous avons un grand programme d’électrolyseurs, auquel le plan de relance affectera 2 milliards d’euros dans les deux prochaines années. Au total, 7,4 milliards d’euros auront été consacrés au développement de la filière d’ici à 2030 dans le cadre de ce plan. Notre stratégie d’accélération repose sur une approche systémique. Nous allons développer une filière française de premier rang sur la chaîne de valeur. Le marché est estimé à 15,5 milliards d’euros et le nombre d’emplois directs et indirects pourrait atteindre 100 000 d’ici à 2030. Nous voulons faire émerger une production d’hydrogène décarboné à hauteur de 6,5 GW de puissance installée d’ici à 2030.

Deux appels à projets ont déjà été lancés, depuis le lancement de la stratégie nationale. Pas moins de vingt-trois dossiers ont été présélectionnés dans le cadre de l’appel à projets « écosystème territoriaux hydrogène », pour un montant net de 164 millions d’euros, ce qui représente des investissements cumulés de 490 millions d’euros. Le troisième relevé est très riche, puisque les services de l’Agence de la transition écologique (ADEME) et de l’État sont en train d’examiner une soixantaine de nouveaux projets. Un deuxième appel à projets issu du nouveau programme d’investissements d’avenir (PIA4), intitulé « Briques technologiques et démonstrateurs hydrogène », doté d’un fonds de 350 millions d’euros, a déjà permis de contractualiser trois projets pour un montant de 19 millions d’euros d’aides cumulées, sur un total d’investissements de 153 millions d’euros. Le projet important d’intérêt commun européen (IPCEI), qui porte sur des projets interconnectés avec les pays voisins et est doté de 1,5 milliard d’euros en provenance du plan de relance, est en cours d’élaboration avec nos partenaires. Quinze projets français ont été pré-notifiés à la Commission européenne le 31 août dernier. Les axes privilégiés par le projet français sont les électrolyseurs, la mobilité lourde et la décarbonation de l’industrie.

Par ailleurs, nous préparons deux mesures de soutien spécifique pour compenser les coûts d’exploitation de l’électrolyse qui sont sensiblement plus élevés que ceux de l’hydrogène fossile. Un premier dispositif prévu pour le secteur du raffinage a déjà été inséré dans la loi de finances pour 2021. À partir de 2023, l’hydrogène renouvelable qui sera utilisé pour le raffinage, en France, des produits pétroliers et des carburants générera des crédits qui permettront de réduire la taxe relative à l’incorporation des énergies renouvelables. Cette aide pourra représenter jusqu’à 7 euros par kilogramme d’hydrogène. Un deuxième mécanisme de soutien à la production d’hydrogène décarboné, prévu par l’ordonnance du 17 février 2021 relative à l’hydrogène, est en cours de préparation.

En outre, pour garantir la cohérence des actions, une task force interministérielle associe mon ministère, le ministère de l’économie, des finances et de la relance et le secrétariat général pour l’investissement (SGPI). Nous souhaitons lancer tous les appels à projets, détecter les problèmes et les résoudre, de façon coordonnée. Je sais que vous y serez très attentifs et nous signalerez les moindres freins qui pourraient apparaître.

Madame Blin, si vous n’obtenez pas de réponses à vos questions, vous avez raison de le signaler. Je mets un point d’honneur à répondre à tous les parlementaires. Nous répondrons à vos questions sur la GEMAPI, l’entretien des digues de la Loire et le décret sur les plastiques.

Madame Lasserre, l’hydroélectricité fait partie de notre patrimoine et des outils de notre mix électrique. La petite hydroélectricité, qui présente de l’intérêt sur certains territoires, ne doit pas être écartée, mais elle ne résoudra pas nos problèmes à elle seule. C’est un appoint utile, même si l’on connaît son impact sur les milieux aquatiques, auquel nous devons être attentifs – on me le dit souvent pour l’éolien, mais c’est aussi le cas pour l’hydroélectricité. L’effet cumulatif des seuils, même faibles ou récents, peut constituer une pression importante pour la qualité des eaux et la survie des espèces aquatiques. On doit en tenir compte.

Mon ministère a institué plusieurs dispositifs de soutien à la petite hydroélectricité, sous forme d’obligations d’achat ou de compléments de rémunération de l’électricité produite, pour les installations sur des sites nouveaux ou sur des barrages existants. Ces dispositifs visent à favoriser les projets les plus vertueux sur le plan environnemental, grâce à la prise en compte du critère écologique dans la notation. Il existe également une réglementation exigeante mais proportionnée. Avant de créer une nouvelle installation ou d’effectuer des modifications substantielles, il faut obtenir une autorisation environnementale, ce qui permet de s’assurer que les effets négatifs demeurent à un niveau acceptable. Enfin, la loi « climat et résilience » prévoit des dispositions pour accompagner le développement de la petite hydroélectricité dans le respect de nos objectifs écologiques.

Madame Battistel, je vous apporterai une réponse dans les plus brefs délais concernant le suréquipement.

Monsieur Guy Bricout, je prends acte de notre désaccord sur l’avis des maires.

Le rapport de RTE est très documenté sur les différents types d’énergies renouvelables et la production intermittente d’électricité. Il répond à une grande partie des questions que l’on se pose sur des énergies qui ne se pilotent pas aussi facilement que le nucléaire et qui ont besoin de flexibilité et d’adaptations. L’étude montre qu’à certaines conditions, on peut faire beaucoup de renouvelable. Même dans le scénario le plus ambitieux sur le plan de l’énergie nucléaire, le fameux N03, la filière ne pourrait pas assurer plus de 50 % de la production d’électricité à l’horizon 2050 ; si l’on ne veut pas que les 50 % restants soient issus d’énergies fossiles, on ne peut que se tourner vers le renouvelable. J’insiste sur la nécessité d’un lancement rapide du renouvelable. Que tous ceux qui prétendent qu’il ne faut pas le faire nous disent comment respecter les objectifs de l’accord de Paris et répondre à la demande d’électricité de nos concitoyens. Si l’on ne fait pas plus de 50 % de renouvelable, c’est soit le black-out, soit le nonrespect des objectifs de l’accord de Paris.

Monsieur Cellier, des fonds du plan de relance sont destinés à favoriser la formation dans la filière nucléaire et dans celles qui entretiennent un lien avec elle ; à titre d’exemple, nous avons besoin de soudeurs. Des dispositions de la loi « climat et résilience » concernent la formation professionnelle, puisque nous créons une forme de démocratie sociale de l’écologie. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences a été adaptée à la lutte pour le climat. Le comité social et économique (CSE) prend en compte l’écologie. Enfin, dès l’école primaire et la formation initiale, l’éducation au développement durable incite à se tourner vers les besoins de demain.

Monsieur Rolland, s’agissant de la remise en concurrence des concessions de barrages, la question n’est pas de savoir si nous sommes dépendants ou non de Bruxelles. Nous sommes en négociation sur un paquet global au sujet de l’ARENH, qui prendra fin en 2025. Que se passera-t-il après ? Ce dispositif n’est pas parfait, mais il est protecteur. Comment le concilier avec la législation européenne sur les aides d’État ? La réorganisation d’EDF est un autre sujet de débat que nous avons avec la Commission. La question des concessions fait partie de ce paquet. Nous ne souhaitons pas que les concessions soient relancées. Parce que nous avons des positions fortes, les négociations prennent du temps. Nous aurons à en reparler lors du prochain quinquennat.

J’ai reçu, avec la secrétaire d’État Mme Agnès Pannier-Runacher, les représentants des entreprises électro-intensives. Nous leur avons proposé des solutions et nous continuons à travailler avec eux, parce qu’ils ont des problématiques spécifiques que nous avons identifiées.

Vous pourrez m’interroger sur le loup à un autre moment. Je me suis déjà exprimée à de nombreuses reprises sur le sujet mais je suis à la disposition de la commission si elle souhaite à nouveau m’entendre.

Monsieur Bolo, nous devons assumer deux constats concernant la méthanisation. D’une part, elle peut constituer un complément de revenus pour nos agriculteurs, ce qui est une bonne chose à partir du moment où cette pratique est encadrée. D’autre part, elle est un moyen de nous faire sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. On aura encore besoin de gaz pendant un certain temps, notamment pour les logements alimentés par le gaz naturel. La méthanisation nous aidera à basculer du gaz naturel au biogaz, qui est bien moins émetteur de gaz à effet de serre. Dans une période de transition écologique où nous devons réduire notre dépendance au gaz naturel – dont le prix, par ailleurs, est en forte hausse –, le biogaz peut être une solution intéressante. Nous avons déjà pris une réglementation qui vise à éviter les effets d’aubaine ou les effets de bord. La naissance de la filière, qui nécessitera certainement des adaptations, est une chance dont nous devons nous saisir.

Madame Le Feur, nous sommes au début de l’agrivoltaïsme, dont les développements sont intéressants. Nous allons les regarder de près. Cela fait partie des solutions mentionnées dans le rapport de RTE.

Le photovoltaïque présente en effet un risque d’artificialisation des terres et peut entraîner une hausse du prix du foncier. Nous nous efforçons d’orienter les investissements vers le foncier dégradé. Nous étudions la possibilité d’un soutien, à l’image d’un fonds « friches », afin qu’il soit avantageux d’aller vers ces sols. Nous avons besoin de garder des sols pour notre agriculture.

Monsieur Di Filippo, pourriez-vous préciser votre question ?

M. Fabien Di Filippo. Pour les acteurs économiques et la population qui voient augmenter les prix de l’énergie, il est difficile de savoir sur quel pied danser. D’un côté, vous avez fermé la centrale de Fessenheim et vous sembliez vouloir en fermer d’autres ; d’un autre côté, le Président de la République a radicalement changé de discours. On est loin de la politique défendue par M. Nicolas Hulot qui annonçait l’implantation de nouveaux EPR. Quelles garanties peut-on avoir que le coût de l’électricité en France restera parmi les plus bas d’Europe, ce qui est l’un des rares avantages comparatifs qui nous reste ?

Mme Barbara Pompili, ministre. Le rapport de RTE est plutôt rassurant sur les points que vous exposez. Les différents scénarios – hormis deux d’entre eux, que l’on peut qualifier d’« extrêmes » –, sont pleinement compatibles avec la PPE et les objectifs de la SNBC, y compris avec le calendrier de fermeture des réacteurs. RTE invite aussi à réfléchir au choix qui serait le plus intéressant d’un point de vue économique. Nous devons également considérer le fameux effet « falaise ». Les réacteurs de 900 mégawatts ont quasiment tous été construits en même temps, comme ceux de 1 300 mégawatts. Si l’on n’échelonne pas la fermeture de ces réacteurs, on risque de devoir en arrêter un grand nombre simultanément. Or, on ne dispose pas d’équipes et de compétences en nombre suffisant pour ce faire. L’échelonnement, que préconisent les gens sérieux, permettrait de trouver une solution dans l’hypothèse où un réacteur ne pourrait pas fonctionner aussi longtemps que prévu, par exemple parce que la visite décennale montre qu’il serait risqué ou coûteux de le prolonger. Cela offre un peu de sécurité. C’est pourquoi la PPE a espacé la fermeture des réacteurs.

RTE propose d’autres options que nous allons étudier. L’intérêt du travail de l’expert est d’ouvrir des possibilités puis de laisser le choix aux responsables politiques, qui doivent l’assumer.

Quant aux coûts, RTE est également rassurant. Les experts estiment que tous les investissements que nous allons réaliser aboutiront à une hausse limitée à 15 % du coût de l’électricité, alors même que nous n’aurons plus besoin de financer l’achat du carburant ou du fioul. Dans ses projections, RTE estime que la facture énergétique de nos concitoyens restera sensiblement identique à celle d’aujourd’hui. C’est une excellente nouvelle, car cela signifie que l’on peut parvenir à la neutralité carbone par des chemins soutenables.

Mme Sandra Marsaud. Le déploiement nécessairement significatif des énergies renouvelables soulève d’abord un enjeu d’acceptabilité ; vous parlez même de coconstruction. Dans cette perspective, l’État doit soutenir une stratégie paysagère de projets de territoires. En mai 2019, Mme la ministre Emmanuelle Wargon avait lancé une réflexion, au sein de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages, en vue d’articuler politique énergétique et politique du paysage. Il est nécessaire de réaliser une planification territoriale. À cet égard, pourquoi ne pas relancer les zones de développement éolien (ZDE) d’une autre manière et ne pas rendre obligatoires les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) pour chaque territoire ?

M. Jean-Luc Fugit. J’évoquerai deux sources d’énergie en lien avec la ruralité et le monde agricole : la méthanisation et l’agrivoltaïsme, indispensables à la transition énergétique et qui constituent un atout pour l’autonomie énergétique des territoires.

La méthanisation et la production de biogaz sont une filière mature mais sous tension, encadrée par une réglementation de plus en plus contraignante, dans un climat crispé sur les enjeux d’acceptabilité. Des propositions ont été formulées, en juillet 2020, dans un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) dont j’étais co-rapporteur, ainsi que dans un rapport sénatorial de septembre dernier. Que pensezvous du développement de cette filière ? Votre ministère suit-il les travaux de recherche sur la microméthanisation ? Je pense au projet européen DECISIVE, qui constitue une solution intéressante pour les milieux urbains et la valorisation des biodéchets.

Comment travaillez-vous avec le ministère de l’agriculture sur l’agrivoltaïsme ?

Mme Sophie Panonacle. Une éolienne offshore posée sur le fond de la mer ou flottante bénéficie de vents plus fréquents, plus forts et plus réguliers qu’à terre. Nul n’ignore que l’éolien représente le plus fort potentiel de développement d’énergie en milieu marin pour la décennie à venir. De même, nous savons que la France bénéficie du deuxième gisement d’éolien en mer en Europe, après la Grande-Bretagne. Mais à la suite de plusieurs auditions d’acteurs, interrogés dans le cadre de la « MariTeam », un doute est apparu sur les objectifs de puissance installée. La PPE prévoit 2,4 GW à l’horizon 2023, alors qu’au mieux, nous arriverions, dans le cadre de l’appel d’offres 1, à 1,5 GW de capacité installée grâce aux parcs de Saint-Nazaire, Fécamp, Saint-Brieuc et aux fermes pilotes, et à 5 GW à l’horizon de 2028. Si nous mettions en service les parcs issus des appels d’offres 1, 2 et 3, nous pourrions atteindre 3,5 gigawatts de capacité installée. Pouvez-vous confirmer ou infirmer ces prévisions ? Le cas échéant, comment atteindre ces objectifs ?

M. Stéphane Buchou. J’évoquerai aussi l’acceptabilité des énergies marines renouvelables (EMR). Vous avez parlé de concertation, de dialogue, de co-construction et d’anticipation. Toutefois, on dit souvent « oui » aux EMR, mais chez les autres ! Je le vois dans ma circonscription, en ce qui concerne le parc éolien offshore situé entre les îles d’Yeu et de Noirmoutier. Le Gouvernement peut-il apporter des garanties pour nous permettre d’atteindre les objectifs fixés ?

Je veux aussi vous alerter sur les difficultés que l’on rencontre pour installer des parcs photovoltaïques sur les sites dégradés des territoires insulaires.

M. Damien Adam. Pour les consommateurs français, les prix de l’électricité ont augmenté de 50 % en dix ans. Le rapport de RTE évoque les coûts complets annualisés en 2060 des différents scénarios présentés, qui varient de 59 à 80 milliards d’euros. Pouvez-vous nous indiquer le coût complet annualisé du parc actuel des énergies qui composent notre mix et nous dire quelles seraient les trajectoires de prix payés par les consommateurs en 2060, étant rappelé qu’une part sera nécessairement liée à la fiscalité et aux taxes sur le coût de l’électricité ?

S’agissant du coût du MWh pour un EPR 2.0, EDF annonçait, il y a quelques mois, un prix pouvant atteindre 65 euros. Pouvez-vous le confirmer ou bien des études complémentaires seront-elles demandées ?

Mme Pascale Boyer. De nombreuses collectivités, à l’image des communautés de communes du département des Hautes-Alpes, souhaitent apporter leur contribution au développement des énergies renouvelables. Toutefois, dans nos territoires de montagne, les infrastructures ne sont pas toujours adaptées. La réalité du terrain, l’éloignement de certaines communes et la centralisation des points de raccordement rendent souvent très difficile le développement de projets. Des solutions intermédiaires induisent un surcoût parfois très élevé. Des mesures de soutien, tant dans le domaine de l’ingénierie que sur le plan financier, peuventelles être envisagées pour aider les collectivités à développer les énergies renouvelables ?

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. Madame la ministre, deux tiers de l’énergie consommée dans nos bâtiments répondent à des besoins de chaleur. Le secteur du bâtiment représente la moitié de l’énergie finale consommée en France. Quelle sera la place donnée aux EnR thermiques pour réduire les besoins électriques pour le chauffage des bâtiments ?

Jusqu’à présent, la répartition des investissements en matière de recherche et développement était très favorable au nucléaire ; les EnR n’en représentaient que 40 %. Où en est-on aujourd’hui ?

M. Yves Daniel. La question de l’acceptabilité électrise nos concitoyens. Dans vos dix propositions, figure trop peu la question des nuisances sanitaires. Nous vous avons sollicitée pour travailler davantage avec vous, en plus des groupes d’étude existants. Nous voulons évoquer de manière plus concertée les freins au déploiement de l’éolien et déminer le terrain pour assurer son développement harmonieux.

Mme Barbara Pompili, ministre. Madame Marsaud, je suis tout à fait d’accord avec vous : il faut mener une réflexion sur les territoires. À cet égard, les CRTE peuvent être un bon outil. Le Premier ministre tient, à juste titre, à les déployer dans l’ensemble du pays, car ils offrent une vision globale de la transition écologique, au-delà de la seule question de l’énergie.

Nous avons mis un terme aux ZDE, car elles étaient fragiles juridiquement et suscitaient de nombreux recours. Nous voulons éviter de commettre les mêmes erreurs tout en continuant à nous inspirer de la philosophie de ce dispositif. Nous entendons poursuivre notre objectif global en le déclinant dans les territoires. À cet égard, les comités régionaux de l’énergie joueront un rôle pivot et structurant, dans la mesure où ils seront notamment composés de représentants des collectivités. Dans l’attente de la prochaine PPE, les régions ont tout loisir d’utiliser leur schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Je rappelle que les élus auront à répondre de ce qu’ils font et de ce qu’ils ne font pas devant les électeurs, devant nos concitoyens et, surtout, devant leurs enfants.

Monsieur Fugit, le Gouvernement partage l’analyse de l’OPECST sur la place de l’agriculture dans le développement de la production d’énergie renouvelable, dès lors qu’il est maîtrisé et ne crée pas d’effets indésirables pour l’agriculture et l’environnement. Des mesures proposées par l’OPECST sont déjà appliquées. Ainsi, la loi « climat et résilience » a accru les aides au raccordement des installations de méthanisation aux réseaux de gaz naturel, par une augmentation du plafond de réfaction des coûts de raccordement. Par ailleurs, l’obligation de certification des installations de méthanisation de grande taille améliore la traçabilité des intrants. Les trois arrêtés du 30 juin 2021 fixent des obligations plus rigoureuses en termes de suivi des installations de méthanisation.

Cela étant, le Gouvernement ne retiendra pas l’ensemble des propositions de l’OPECST. En particulier, la transformation de l’hydrogène en méthane de synthèse par méthanation ne constitue pas une priorité de la stratégie française, car l’utilisation de l’hydrogène sous sa forme pure permet une meilleure valorisation.

Le Gouvernement suit attentivement les innovations de nature à faciliter le développement de la méthanisation, mais la micro-méthanisation en milieu urbain peut présenter des risques et doit être encadrée. Les structures de méthanisation sont des installations classées pour la protection de l’environnement. Elles doivent respecter des prescriptions dont certaines sont difficilement compatibles avec une implantation en milieu urbain.

L’agrivoltaïsme est une technologie vertueuse. Mon ministère soutient ces projets au travers de l’appel d’offres spécifique pour les projets innovants. Trois périodes se sont succédé depuis 2017 ; une quatrième est en cours.

Madame Panonacle, il n’est pas facile de créer des éoliennes de mer, mais nous en aurons effectivement besoin. RTE propose, de manière ambitieuse, d’en installer entre 2 000 et 4 000 selon les scénarios, ce qui constituerait un saut quantitatif considérable. Par conséquent, les projets déjà lancés doivent voir le jour. Nous comptons sur l’énergie qu’elles produiront, notamment pour assurer l’autonomie énergétique de la Bretagne.

Nous tirerons des enseignements du rapport de RTE pour faire des propositions de modification de la PPE. Cela fait l’objet de discussions au sein du Gouvernement et avec le Président de la République, qui déboucheront peut-être sur des annonces. Vous avez raison : il faut porter une attention particulière au développement des énergies renouvelables marines.

Monsieur Buchou, comme vous l’avez rappelé, on dit souvent oui aux EMR, mais chez les autres. Toutefois, l’électricité, on en veut bien chez soi ! Nous avons besoin d’une mobilisation générale. J’essaie de faire autant de pédagogie que possible, parce que ce sont des sujets complexes. Le rapport de RTE nous permettra d’engager des débats sur nos territoires pour faire comprendre que nous ne développons pas la production d’énergie renouvelable pour le plaisir mais afin de répondre à des problématiques graves.

Des appels d’offres nous permettront de couvrir la période 2021-2026 grâce au lancement de nouveaux projets éoliens terrestres, photovoltaïques et hydroélectriques, pour un total d’au moins 25 GW, en complément de ce que nous ferons pour les énergies marines.

Madame Boyer, s’agissant du soutien en ingénierie, les collectivités savent qu’elles peuvent faire appel à des services de l’État ou des établissements comme l’ADEME ou le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) pour instituer des CRTE ou lancer des projets particuliers. Il n’est pas question de laisser les maires ou les présidents d’agglomération sans solution quand ils ne disposent pas déjà de cette ingénierie.

Madame Meynier-Millefert, les EnR thermiques font assurément partie du bouquet dont nous avons besoin, et le Gouvernement les soutient. Nous appuyons le développement des pompes à chaleur, des réseaux de chaleur, de la biomasse, etc. Le rapport de RTE considère d’ailleurs ces sources d’énergie comme des compléments nécessaires.

Au-delà de l’aide que nous apportons déjà, France 2030 prévoit 500 millions d’euros pour la recherche et développement dans le domaine des nouvelles technologies de l’énergie renouvelable.

Monsieur Daniel, comme pour beaucoup d’installations ayant des incidences sur la santé, nous examinons l’effet éventuel des éoliennes dans le cadre du plan national santéenvironnement cher à Mme Toutut-Picard, présidente du groupe santé environnement (GSE), que je salue.

Le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et les organes d’inspection de mon ministère et du ministère de l’agriculture ont été saisis, le 9 juin 2020, au sujet du fameux parc éolien des Quatre seigneurs, sur lequel l’attention s’était focalisée. Un rapport fait à la demande du préfet de la région des Pays-de-la-Loire et rendu public en février 2021 recommande de conduire un test d’arrêt momentané du parc éolien et de son raccordement au réseau de distribution d’électricité, pendant dix jours, selon un protocole précis, en prenant en compte une série d’indicateurs. L’exploitant du parc et le dernier éleveur présent sur le site avaient donné leur accord, avant l’été, pour la réalisation du test, qui devait avoir lieu à l’automne. Entre-temps, ce dernier éleveur, M. Potiron, a assigné Enedis en justice pour réclamer des expertises, ce qui a ajourné le test.

La mission d’inspection préconise également un renforcement du rôle du GSE. Celuici propose notamment son expertise aux éleveurs qui suspectent une influence parasite des phénomènes électriques sur les performances de l’élevage, en lien avec une source électrique extérieure, comme des éoliennes situées à proximité d’une exploitation. À la suite de cette recommandation, les ministères ont de nouveau saisi leur inspection générale pour une mission complémentaire visant à faire des propositions sur l’évolution souhaitée du GSE.

Enfin, les conclusions de l’expertise de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), qui vise à évaluer l’imputabilité des troubles constatés au fonctionnement des éoliennes, sont attendues dans les prochaines semaines.

Monsieur Adam, je vous communiquerai les coûts complets actuels annualisés. Le coût du mégawattheure des EPR 2.0 a déjà suscité des polémiques auxquelles j’ai répondu précédemment. La PPE a prévu une étude sur les coûts du nouveau nucléaire, pour le cas où il serait décidé de construire de nouveaux réacteurs. Un rapport, qui se fonde sur une étude prospective d’EDF et sur des travaux complémentaires réalisés à l’initiative de mon ministère et du ministère de l’économie, des finances et de la relance, est en cours de finalisation pour vérifier et évaluer ces coûts. Cette expertise sera rendue très prochainement pour éclairer le débat et apporter des réponses aux questions que vous posez. Les premiers résultats de ce rapport ont été communiqués à RTE, afin qu’il puisse l’utiliser pour élaborer ses projections et ses scénarios.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Merci beaucoup, madame la ministre, pour vos explications, vos réponses détaillées et vos convictions partagées.

 

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Information relative à la commission

En application de l’article 13 de la Constitution, la commission des affaires économiques sera amenée à donner son avis sur la candidature de Mme Laurence Borie-Bancel, dont la nomination aux fonctions de présidente du directoire de la Compagnie nationale du Rhône est envisagée par le Président de la République. Cette audition aura lieu mardi 2 novembre 2021. Conformément aux dispositions de l’article 29-1, alinéa 2, de notre Règlement, Mme Marie-Noëlle Battistel (groupe « Socialistes et apparentés ») est désignée rapporteure sur cette proposition de nomination.

 


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 26 octobre 2021 à 18 h 05

Présents.  M. Damien Adam, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie BeaudouinHubiere, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Bolo, M. Jean-Luc Bourgeaux, Mme Pascale Boyer, M. Anthony Cellier, M. Yves Daniel, M. Nicolas Démoulin, M. Fabien Di Filippo, M. Olivier Falorni, Mme Laurence Gayte, M. Guillaume Kasbarian, M. Luc Lamirault, Mme Célia de Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, Mme Sylvia Pinel, M. Dominique Potier, M. Vincent Rolland, M. Robert Therry, Mme Corinne Vignon

Excusés.  Mme Delphine Batho, Mme Anne-France Brunet, M. José Evrard, Mme Christine Hennion, M. Mounir Mahjoubi

Assistait également à la réunion.  Mme Danièle Obono