Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Examen pour avis des articles 31 à 38, 57, 57 bis et 78, délégués, du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, pour lesquels la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République a sollicité l’avis de la commission des affaires sociales (n° 4406) (M. Didier Martin, rapporteur)              2

– Information relative à la commission.......................3

 Présences en réunion..................................4

 

 

 

 


Mardi
16 novembre 2021

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 14

session ordinaire de 2021-2022

Présidence de
Mme Fadila Khattabi,
Présidente
 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 16 novembre 2021

La séance est ouverte à 21 heures.

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La commission examine pour avis les articles 31 à 38, 57, 57 bis et 78, délégués, du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, pour lesquels la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République a sollicité l’avis de la commission des affaires sociales (n° 4406) (M. Didier Martin, rapporteur).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Chers collègues, nous examinons pour avis le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit « 3DS ».

La commission des lois a délégué l’examen des articles 31 à 38, 57, 57 bis et 78 à notre commission. Les amendements concernant les autres articles ne seront pas examinés par notre commission et doivent être déposés auprès des commissions compétentes. En conséquence, 27 amendements ont été déclarés irrecevables car ils portaient sur des articles n’entrant pas dans le champ de la saisine de notre commission. En outre, plusieurs amendements ont été déclarés irrecevables au titre des articles 40 et 45 de la Constitution, dans une proportion relativement inférieure à celle observée généralement. En conséquence, 116 amendements sont en discussion.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis. « Si nous sommes ensemble aujourd’hui, ce n’est pas pour ajuster une nouvelle fois les lois de décentralisation aux réalités contemporaines ou pour chercher à expliquer aux Français en quelque sorte que leur vie devrait se plier à nos organisations administratives et institutionnelles (…), c’est bien plutôt pour refonder le rôle de l’État et des collectivités territoriales dans la vie quotidienne des Françaises et des Français et adapter ce rôle aux transitions que notre pays doit affronter. » Ces mots prononcés par le Président de la République lors de la Conférence nationale des territoires en juillet 2017, reflètent fidèlement l’ambition de ce texte et, en particulier, des articles dont l’examen revient à la commission des affaires sociales.

Le projet de loi « 4D », devenu « 3DS » – différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification –, est le produit d’une réflexion au long cours, engagée dès le début du quinquennat. Il apporte des réponses aux besoins de proximité et d’efficacité exprimés par les élus et les citoyens. De plus, la crise sanitaire que nous traversons a démontré toute l’utilité de la collaboration entre l’État territorial et les collectivités pour conduire des politiques publiques sanitaires et économiques efficaces. Le présent projet de loi va dans ce sens en permettant de rapprocher les acteurs publics territoriaux des administrations déconcentrées de l’État, de renforcer leurs liens fonctionnels et de faire vivre la démocratie locale en relation avec l’action de l’État.

La commission des affaires sociales s’est vue déléguer par la commission des lois, saisie au fond, l’examen des articles 31 à 38, 57, 57 bis et 78 du projet de loi adopté par le Sénat en première lecture, le 21 juillet 2021. Ces dix-huit articles, issus pour près de la moitié d’initiatives de sénateurs, soucieux d’enrichir un texte déjà dense à son dépôt, touchent à de nombreux sujets liés à la santé et à la cohésion sociale. La commission reprendra sans doute à son compte plusieurs modifications introduites dans le texte au Sénat, mais elle sera nécessairement conduite à s’interroger sur le bien-fondé de certaines évolutions souhaitées par nos collègues sénateurs.

Les articles délégués à la commission des affaires sociales touchent d’abord aux questions de santé. L’article 31, traduisant l’un des engagements pris par le Gouvernement à l’occasion du Ségur de la santé, transforme le conseil de surveillance des agences régionales de santé (ARS) en conseil d’administration, dans le but de faire une plus grande place aux élus locaux dans la conduite des politiques de santé à l’échelon territorial. Cette réforme répond à une réelle attente des élus locaux. Le Sénat a apporté de nombreuses modifications à cet article, bouleversant les équilibres actuels. Je vous proposerai donc de revenir sur plusieurs d’entre elles. Il ne me semble par exemple pas pertinent de confier la présidence du conseil d’administration conjointement au préfet de région et au président du conseil régional ni de charger ce conseil d’administration d’approuver le projet régional de santé.

L’article 32, qui sécurise juridiquement la possibilité pour les collectivités territoriales de soutenir financièrement les programmes d’investissements des établissements de santé publics et privés, revêt une importance capitale. Les auditions d’associations d’élus locaux ont confirmé leur attente très forte en la matière. Le Sénat a souhaité encadrer strictement le dispositif proposé par le Gouvernement car il craignait un possible désengagement de l’État. Cette crainte doit être dissipée : l’État continuera d’exercer sa compétence régalienne dans le domaine de la santé. Cet article n’a d’autre objet que de permettre aux collectivités volontaires de participer au financement des investissements des établissements de santé.

L’article 33 a vocation à renforcer le maillage sanitaire du territoire en permettant aux collectivités gestionnaires de centres de santé de recruter le personnel – professionnels médicaux, auxiliaires médicaux et personnels administratifs – et de l’affecter à l’exercice des missions de ces centres. En consacrant une pratique existante, cet article la clarifie et la sécurise.

L’article 34 précise la compétence détenue par les départements pour promouvoir l’accès aux soins de proximité et gérer l’ouverture de centres de santé et, d’autre part, pour participer à la politique publique de sécurité sanitaire, par l’intermédiaire des laboratoires d’analyses départementaux.

Les articles 57 et 57 bis ont pour objet de favoriser la coopération sanitaire transfrontalière, la crise sanitaire ayant clairement démontré la nécessité de progresser dans ce domaine. Enfin, le Sénat a ajouté cinq articles au volet santé du projet de loi qui, pour l’essentiel, me semblent aller dans le bon sens.

Le deuxième volet de la partie du texte que nous examinons concerne la cohésion sociale et la solidarité. L’article 35 du projet de loi prévoit un dispositif d’expérimentation, pour les départements volontaires, de la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) et du revenu de solidarité outre-mer (RSO). Une telle mesure, qui a déjà été décidée en Guyane, à Mayotte et à La Réunion, répond à une demande formulée par le conseil départemental de Seine-Saint-Denis. Le Premier ministre a répondu favorablement, en octobre 2020, en déclarant que « l’on ne peut pas continuer à faire peser sur le contribuable local une dépense de solidarité nationale ». Une telle expérimentation devrait permettre de soulager significativement les départements les plus en difficulté. Il est indispensable que ce dispositif, également prévu à l’article 12 du projet de loi de finances pour 2022, entre en vigueur au plus vite. C’est pourquoi je proposerai un amendement visant à mettre en cohérence les deux articles et à parfaire la mesure d’expérimentation.

L’article 36 confie au département la compétence de coordination du développement de l’habitat inclusif et d’adaptation du logement au vieillissement de la population. Nous proposons de rétablir la compétence du département sur ce dernier point, tout en reprenant de nombreux ajouts du Sénat relatifs à l’habitat inclusif.

L’article 37 ouvre aux communautés urbaines et aux métropoles la possibilité de créer un centre intercommunal d’action sociale (CIAS) – celle-ci n’est actuellement ouverte qu’aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération. Ce dispositif ne bouleverse pas la répartition des compétences au sein du bloc communal et offre des garanties suffisantes aux communes membres de ces établissements.

Enfin, l’article 38 du projet de loi, qui visait à transférer aux départements la compétence de la tutelle des pupilles de l’État, ne nous a pas semblé faire l’unanimité au cours des auditions que nous avons menées. Nous ne proposerons donc pas de rétablir cet article supprimé en commission des affaires sociales par le Sénat.

S’agissant du volet relatif à la cohésion sociale, le Sénat a adopté plusieurs articles additionnels. Parmi ceux-ci, l’article 36 bis A vise à pérenniser l’expérimentation lancée en 2017 et consistant à autoriser les résidences universitaires à louer leurs logements vacants pour de courtes durées à des publics prioritaires. Cela nous paraît particulièrement bienvenu. En revanche, nous reviendrons sur l’article 35 bis portant sur le renforcement des contrôles de la situation des bénéficiaires du RSA par le conseil départemental car il est superfétatoire, contrevient à la volonté de simplifier le parcours des allocataires et contribue à les stigmatiser.

Enfin, l’article 78 permet à chacune des régions d’outre-mer de créer un établissement public industriel et commercial (EPIC) en matière de formation professionnelle afin d’harmoniser le déploiement des organismes publics de formation.

Les articles du projet de loi « 3DS » soumis à notre examen comportent de nombreuses avancées concrètes pour la vie quotidienne de nos concitoyens. Ils préservent aussi un équilibre subtil entre le principe de la reconnaissance de la diversité des territoires et celui du respect du principe d’égalité, si chers à notre pays.

Mme Véronique Hammerer (LaREM). À l’issue du grand débat national, le Président de la République a annoncé le lancement d’un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire. Nous y sommes, avec ce projet de loi à la fois dense et ambitieux qui nous revient du Sénat. Ses dispositions, qui ont trait à diverses politiques publiques – formation professionnelle, éducation, environnement, logement, urbanisme, solidarités, transports et santé –, concernent le quotidien de nos concitoyens, affectent leur vie et celle de leurs proches. Nous devons leur garantir des règles claires et efficaces.

Nous soutiendrons les enrichissements apportés par le Sénat, comme la meilleure représentation des usagers, notamment les personnes en situation de handicap, au sein des conseils territoriaux de santé et dans les contrats locaux de santé. Nous avons également travaillé sur le financement des établissements de santé par les collectivités territoriales ou encore en faveur d’une meilleure coopération transfrontalière pour tirer les enseignements de la crise sanitaire.

De même, nous avons voulu répondre aux aspirations actuelles dans le domaine de la perte d’autonomie. En matière d’habitat inclusif, nous confions au département une compétence de coordination, en particulier dans le cadre de la conférence des financeurs. Nous irons plus loin avec le financement de frais d’ingénierie par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et en levant les freins au développement des habitats alternatifs en outre-mer. Toutes ces mesures répondent aux aspirations de nos concitoyens en favorisant les liens sociaux de proximité, essentiels dans les territoires ruraux.

Je défendrai un amendement à l’article 37 visant à appeler la vigilance sur la nécessaire préservation des centres communaux d’action sociale et à éviter leur fermeture systématique ; ces centres exercent des missions d’accueil, d’information et d’orientation au plus près des citoyens. Ce texte est très attendu par les collectivités, et je suis persuadée que nous allons pouvoir l’enrichir au cours de nos débats.

M. Thibault Bazin (LR). Loin d’être le nouvel acte de la décentralisation annoncé par le Président de la République, une réponse au mouvement des gilets jaunes, le présent projet de loi se limite à une série de mesures concrètes relatives à l’organisation des collectivités territoriales. La rapporteure du texte au Sénat a regretté un inventaire à la Prévert et pointe un excès de timidité remarquable. On se demande où est passé l’élan réformateur !

S’agissant des questions relatives à la santé, la modification la plus notable opérée par le Sénat concerne la coprésidence des agences régionales de santé par le préfet et le président de région. Le texte initial prévoyait en effet une réforme a minima de la gouvernance des ARS alors que la crise sanitaire a mis en évidence les lacunes de l’organisation actuelle. Les sénateurs ont également prévu une consultation des associations représentatives d’élus locaux avant la fixation par décret des missions spécifiques des délégations départementales des ARS. Enfin, ils ont souhaité que les représentants des groupements des collectivités territoriales soient inclus dans le conseil administration. En dépit de ces ajustements, le volet relatif à la santé semble bien maigre. Ce n’est pas un véritable nouvel acte de décentralisation.

Concernant la cohésion sociale, l’expérimentation de la recentralisation du RSA concerne avant tout la Seine-Saint-Denis, alors que d’autres départements auraient été intéressés. Le calendrier envisagé pose également problème car la navette parlementaire n’aura pas encore pris fin à la date prévue pour l’entrée en vigueur de ce dispositif. Enfin, le défi de l’habitat inclusif ne peut être relevé sans une clarification, qui devait être apportée par la loi « grand âge et autonomie » ; malheureusement, elle a été reportée par le Gouvernement. Le volet relatif à la cohésion sociale ne répond donc pas aux attentes exprimées lors du mouvement des gilets jaunes.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Les articles dont notre commission est saisie comportent des dispositions très différentes : gouvernance des ARS, financement des établissements de santé par les départements, participation de ceux-ci à la politique de sécurité sanitaire, développement de l’habitat inclusif et adapté, centralisation de la gestion du RSA. Ces sujets, bien que divers, sont essentiels car ils concernent des réalités et des enjeux concrets pour nos territoires. Même si ce projet de loi arrive tard dans la législature, nous devons l’examiner avec acuité afin qu’il donne lieu à des avancées tangibles.

La réforme de la gouvernance des ARS constitue sans doute la mesure la plus emblématique du texte. Le dispositif proposé initialement par le Gouvernement allait dans le bon sens, mais le Sénat l’a dénaturé en confiant la coprésidence du conseil d’administration au président du conseil régional, alors que celui-ci n’a pas de compétence dans le domaine de la santé.

Par ailleurs, nous proposerons de définir le rôle des délégations départementales des ARS, qui ont montré leur efficacité et leur accessibilité pendant la crise sanitaire. En outre, pour poursuivre le développement de la démocratie sanitaire, chère au MODEM, nous proposerons de revenir sur la disposition du Sénat qui prive les parlementaires d’une présence au sein des conseils de surveillance des établissements publics de santé. Il s’agissait d’une avancée obtenue grâce à la mobilisation de l’ensemble des députés de notre commission dans le cadre de la proposition de loi de notre collègue Stéphanie Rist.

La partie du texte que nous allons examiner ce soir a pour ambition de consacrer le rôle des collectivités territoriales comme partenaires de l’État. C’est cette ambition qui animera notre groupe au cours de nos débats.

M. Joël Aviragnet (SOC). Notre appréciation, à la suite de la présentation du projet de loi « 3DS », peut se résumer en un mot : décevant. Ce texte contient certaines avancées bienvenues, comme l’article 31 réformant la gouvernance des ARS, ou encore l’article 36 bis permettant de loger temporairement des publics prioritaires dans des résidences universitaires inoccupées, grâce à un amendement défendu par les sénateurs socialistes.

Cependant, ce projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux. Nos territoires doivent être davantage écoutés par le pouvoir parisien. Nous attendions de ce texte une vision décentralisatrice ; or nous en sommes loin. Ainsi, l’article 32, qui permet aux collectivités locales de financer des établissements de santé, traduit en réalité votre double volonté de poursuivre le désengagement de l’État tout en continuant à casser notre État-providence. Les territoires les moins pourvus en établissements de santé sont aussi ceux dont les collectivités sont les moins bien dotées. De plus, comment envisager que les collectivités qui financent les établissements de santé ne soient pas associées à leur gouvernance ? Cela n’a pas de sens.

Je souhaite également exprimer notre inquiétude concernant l’article 39, qui risque de détériorer gravement les conditions de vie des mineurs non accompagnés. Cela irait à l’encontre du droit international, notamment de la Convention internationale des droits de l’enfant, portant une atteinte grave aux principes d’universalité des droits de l’enfant et de non-discrimination.

Enfin, nous vous invitons à supprimer l’article 35 bis, voté par la droite sénatoriale, qui renforce le pouvoir de contrôle du président du conseil départemental à l’égard des bénéficiaires du RSA. Cela ne nous semble en effet ni nécessaire ni approprié.

Le projet de loi « 3DS », dans ses volets relatifs à la participation à la sécurité sanitaire territoriale et à la cohésion sociale, n’est donc pas à la hauteur des enjeux, malgré quelques légères avancées.

M. Paul Christophe (Agir ens). Alors que s’ouvre aujourd’hui le congrès des maires de France, je ne doute pas que nos débats seront suivis de près par les élus locaux, qui sont en première ligne pour parcourir le dernier kilomètre de l’action publique. Notre responsabilité à leur égard est double : répondre à leurs attentes et veiller à ne pas introduire de nouveaux irritants dans les relations qui unissent l’État et les collectivités. Sur ce point, la règle d’or est que toute compétence nouvelle devra s’accompagner de moyens nouveaux.

Notre groupe se réjouit de la réforme de la gouvernance des agences régionales de santé proposée à l’article 31. Leur gestion de la crise sanitaire a mis en évidence les failles d’un système centré sur des acteurs régionaux, qui apparaissent de plus en plus éloignés des réalités locales. Le rapport de nos collègues Agnès Firmin-Le Bodo et Jean-Carles Grelier, présenté en juin dernier, allait précisément dans le sens du renforcement de l’échelon départemental.

Notre groupe est favorable à l’expérimentation de recentralisation du RSA prévue à l’article 35, sous réserve qu’elle s’inscrive dans le cadre d’une démarche volontaire. Le poids du RSA dans les finances de certains départements contraint fortement leur capacité à assurer des missions d’accompagnement vers l’emploi. Nous serons toutefois attentifs aux modalités de prise en charge de cette renationalisation, ainsi qu’aux mesures visant à garantir les objectifs d’insertion, qui sont indispensables.

Nous proposerons également de revenir sur l’article 31 bis, introduit par le Sénat, qui supprime la participation des parlementaires aux conseils de surveillance des hôpitaux. Tout comme celle des élus locaux, la présence des parlementaires est nécessaire pour consolider le dialogue entre professionnels de santé et élus.

Enfin, nous voterons avec conviction les articles 57 et 57 bis, qui visent à encourager les coopérations sanitaires transfrontalières – je salue à cet égard le travail de notre collègue Antoine Herth. Le débat permettra de revenir sur les autres points importants de ce texte mais, vous l’aurez compris, notre groupe votera en faveur de ce projet de loi.

Mme Valérie Six (UDI-I). Notre groupe se réjouit de l’examen de ce projet de loi.  Nous saluons le travail mené par les sénateurs pour enrichir ce texte, dans les limites prévues par la Constitution. Il a notamment amélioré la gouvernance des ARS. En revanche, nous regrettons que ce texte ne comporte aucune disposition sur la décentralisation de notre système de santé. Celui-ci devrait être géré par les régions, avec l’instauration d’un objectif régional de dépenses d’assurance maladie (ORDAM), à charge ensuite pour l’État de garantir un égal accès aux soins à l’ensemble de nos concitoyens.

De plus, le projet ne dit mot de l’accès aux soins, alors que les déserts médicaux s’étendent partout sur le territoire. Nous considérons que l’ouverture du numerus clausus devrait être assortie d’un encadrement de l’installation des médecins, afin d’assurer une meilleure répartition de l’offre de soins. Notre groupe défendra des amendements en ce sens lors de l’examen du texte en séance.

Concernant la simplification, la crise sanitaire a démontré que notre système de soins pouvait fonctionner en allégeant considérablement les démarches administratives des professionnels et en leur rendant du temps médical. Rappelons que, selon l’INSEE, 34 % des postes à l’hôpital en France seraient des emplois non-soignants, contre 25 % en Allemagne ou en Espagne. Nous regrettons que rien ne figure dans ce texte sur ce sujet.

M. Jean-Hugues Ratenon (FI). Le projet de loi prévoit de transformer le conseil de surveillance des agences régionales de santé en conseil d’administration, ne modifiant cependant qu’à la marge sa composition et ses attributions. Nous sommes surpris car l’enjeu essentiel est celui de l’égal accès de tous les usagers à des soins de qualité. Les agences régionales de santé ont besoin d’être adaptées aux enjeux des territoires pour être plus efficaces.

Le texte prévoit également de supprimer la participation des parlementaires au conseil de surveillance des établissements publics de santé. Où est la logique, sachant que les projets de fermeture et de restructuration sont discutés en conseil de surveillance et sont des enjeux d’intérêt national ?

De plus, le projet de loi laisse la possibilité aux collectivités territoriales de soutenir financièrement les programmes d’investissement des établissements de santé publics et privés. Ce n’est pas à eux de pallier les insuffisances de l’État, alors même que l’hôpital public est à bout de souffle. Cette disposition provoquera une hausse des inégalités puisque seules les collectivités les plus riches auront les moyens de se doter d’établissements à l’équipement de pointe.

Pour compenser la reprise des dépenses de RSA, l’État procède à la reprise des ressources liées au financement du RSA. Mais si ces recettes ne sont pas suffisantes pour couvrir l’intégralité des dépenses, le Gouvernement envisage de s’octroyer d’autres recettes départementales. Ce que vous appelez un gain pour les départements n’est que la fin d’un accroissement de la perte. De plus, suspendre le versement du RSA si le bénéficiaire refuse ou n’a pas les moyens de communiquer les documents demandés n’est pas acceptable. Dans les outre-mer comme dans l’Hexagone, l’illettrisme et l’illectronisme sont des fléaux touchant beaucoup de personnes. Comment communiquer les informations demandées en pareil cas ? Suspendre le RSA est une double peine au regard de celle qu’ils subissent déjà.

En dépit de quelques avancées minimes, ce projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux.

Mme Jeanine Dubié (LT). Le groupe Libertés et Territoires craint que ce projet de loi très attendu ne permette pas le choc de décentralisation nécessaire pour améliorer les relations entre l’État et les collectivités territoriales. C’est particulièrement vrai s’agissant des politiques sanitaires et sociales. La crise sanitaire l’a rappelé : les départements et le bloc communal ont été en première ligne dans la réponse apportée à l’épidémie de covid.

En 2019, notre groupe avait présenté cinquante propositions pour une nouvelle étape de la décentralisation, appelant à mieux répartir les compétences des collectivités. Ainsi, l’ensemble de la solidarité nationale devrait revenir au département, ce qui n’empêcherait pas le financement du RSA par l’État. Toutefois, il faut faire attention aux modalités de rétro-compensation prévues par le projet de loi de finances dans le cadre de l’expérimentation de la recentralisation, qui sont source d’inquiétude.

Le principe est le même s’agissant de la politique de l’autonomie. Nous déplorons l’abandon du projet de loi « grand âge et autonomie », qui aurait pu être l’occasion de refonder nos politiques d’accompagnement. Le présent projet de loi se limite malheureusement à un article sur l’habitat inclusif.

En matière de politique territoriale de santé, là aussi, ce n’est pas satisfaisant. Les prérogatives des ARS sont très nombreuses, ce qui explique en partie le manque de réactivité et des incompréhensions régulières avec les usagers et les élus locaux. Ce projet de loi engage une réflexion sur la gouvernance des ARS mais nous appelons à aller plus loin, notamment en renforçant les missions des délégations départementales des ARS. La modification opérée par le Sénat pour instaurer une coprésidence paraît aller dans le bon sens.

Les apports du Sénat sont, pour la plupart, les bienvenus, comme le soutien strictement volontaire des collectivités au financement des établissements de santé. Nous proposerons en revanche de rétablir la possibilité pour les parlementaires de siéger au sein du conseil de surveillance des établissements.

Enfin, le projet de loi n’aborde pas spécifiquement la question de la désertification médicale, qui est une préoccupation croissante. Les élus locaux devraient être davantage associés aux décisions. D’une manière générale, proximité et adaptation devraient être les maîtres mots de notre action. De ce point de vue, ce texte manque d’ambition.

M. Pierre Dharréville (GDR). Je m’abstiendrai de faire un commentaire général sur l’ensemble du projet de loi, lequel soulève toutefois un certain nombre d’inquiétudes. Il s’inscrit en effet dans la foulée des lois votées lors de la précédente législature, qui ont créé un certain nombre de problèmes et affaibli la démocratie à l’échelon communal.

Nous nous opposons à la disposition permettant aux collectivités territoriales de financer les établissements de santé. Cela risque de renforcer un certain nombre d’inégalités entre territoires, alors que le financement des établissements de santé doit relever de l’échelon national pour garantir l’égalité d’accès aux soins et à la santé. Ce texte suit une logique libérale, avec un désengagement de l’État. Cet article nous semble très dangereux pour le droit à la santé dans notre pays.

Nous ne comprenons pas bien ce que l’article 39 vient faire là. En prévoyant un recours obligatoire au traitement automatisé pour l’évaluation de la minorité et de l’isolement des mineurs non accompagnés, il durcit les mesures, et parfois les non-mesures, adoptées à l’égard de ces mineurs. Nous sommes donc plutôt réservés sur les dispositions qui nous sont proposées, certaines étant parfois sans grande portée.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Ma question porte sur l’article 37. Si la création d’un centre communal d’action sociale (CCAS) est obligatoire dans les communes de plus de 1 500 habitants, elle est facultative pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Disposez-vous de chiffres concernant la création de CIAS par les communautés d’agglomération ? L’échelon de la communauté urbaine et de la métropole semble peu adapté pour un centre intercommunal d’action sociale, dont l’objectif est d’apporter une action sociale de proximité. De fait, les métropoles ne semblent pas avoir exercé la compétence facultative de l’action sociale. Quels sont les fondements d’une possible création d’un CIAS au sein des communautés urbaines et des métropoles ? Des demandes ont-elles été émises en ce sens ?

M. le rapporteur. Je serai bref et concis car nous retrouverons tous les points évoqués au fur et à mesure de l’examen des amendements. Je remercie tous ceux qui ont exprimé un jugement sur ce texte ; pratiquement tous ont salué les avancées obtenues, même si elles sont apparues minimes aux yeux de certains. Le Gouvernement s’est montré clair : il ne s’agit pas du Grand soir de la décentralisation mais d’une adaptation visant à déconcentrer certaines fonctions et à simplifier des procédures.

La santé est une compétence régalienne de l’État. Le Gouvernement la conduit et la décentralise. De nombreuses collectivités cofinancent déjà des projets, à différents titres : l’innovation et la formation pour les régions, la proximité pour les communes. Le projet de loi vise donc à sécuriser et à donner une base légale à ces interventions existantes.

Nous aurons à débattre de la présence des parlementaires dans les instances des établissements de santé ; je vous proposerai un amendement sur ce point. Nous aurons aussi à parler de la représentation des parlementaires dans les conseils d’administration des ARS. J’aurai là encore des propositions à vous faire.

Enfin, j’étais un petit peu surpris d’entendre parler de certaines initiatives, par exemple l’ORDAM : j’ai l’impression que nous ferions là un très grand pas en avant dans la décentralisation. N’oublions pas que l’État, qui est présent dans les territoires et dans les régions à travers le préfet de région et les délégations déconcentrées, gère, maîtrise et oriente des fonds nationaux. Il n’est pas question de revenir sur ce point : l’État ne peut pas et ne doit pas se désengager. Ce n’est pas parce que les agences sont dites régionales que, d’un seul coup, le préfet de région devrait plier sous les injonctions d’élus régionaux. Leurs avis et leurs préconisations doivent être pris en compte. Ainsi, ils interviennent pleinement dans l’élaboration des contrats locaux de santé, qui sont pris en considération dans l’élaboration du schéma régional de santé.

Voilà les quelques éléments très généraux que je voulais apporter en réponse aux interventions que nous venons d’entendre.

TITRE IV

LA SANTÉ, LA COHÉSION SOCIALE, L’ÉDUCATION ET LA CULTURE

 

Chapitre Ier

La participation à la sécurité sanitaire territoriale

Article 31 (art. L. 1432-1, L. 1432-2, L. 1432-3, L. 1442-2 et L. 1442-6 du code de la santé publique) : Réforme de la gouvernance des agences régionales de santé

Amendement AS176 de M. Didier Martin.

M. le rapporteur. Il vise à supprimer la disposition introduite par le Sénat selon laquelle les missions des délégations départementales des agences régionales de santé seront déterminées par décret, après consultation des associations représentatives d’élus locaux. Il ne fait pas de doute que la revalorisation de l’échelon départemental des ARS est une nécessité.

Pour autant, la définition d’un cadre réglementaire, par essence rigide, n’apparaît pas opportune. À ce jour, les délégations départementales remplissent des missions hétérogènes, dictées par les spécificités des territoires et les besoins très divers de leurs populations. La solution proposée par le Sénat risque d’entraver leur capacité d’adaptation et leur réactivité. Le Gouvernement a fait savoir, lors de l’examen du texte au Sénat, qu’il était favorable à l’élaboration d’un document souple, comme une charte. Concomitamment, les rapporteurs de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de l’Assemblée nationale sur les ARS appelaient de leurs vœux l’établissement, par le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales, d’un cadre de référence arrêtant un modèle cible de répartition des missions et des compétences entre les délégations départementales et le siège des ARS.

Il existe donc des pistes alternatives à l’uniformisation souhaitée par les sénateurs. Ce sont elles qu’il faut explorer aux fins de dynamiser et d’améliorer la qualité de l’action des ARS au plan local, tout en conservant aux antennes départementales la marge de manœuvre dont elles ont besoin.

M. Thibault Bazin. Je m’interroge, monsieur le rapporteur, sur votre volonté de rechercher un consensus avec le Sénat dans la mesure où, dès l’examen du premier article soumis à notre commission, vous proposez un amendement visant à supprimer un alinéa. Celui-ci prévoit pourtant de consulter les associations représentatives d’élus locaux : quel message souhaitez-vous envoyer, alors que le congrès des maires se réunit cette semaine ? Je comprends que, pour des raisons d’efficacité ou de fidélité au texte du Gouvernement, vous vouliez revenir à la version initiale, mais je pense que votre amendement ne répond pas à la question de la consultation des institutions représentatives des locaux, laquelle me paraît être une bonne chose.

M. Guillaume Chiche. Ce texte de décentralisation suscite beaucoup d’attentes chez les élus locaux. Lors de la crise sanitaire, les ARS ont tenté, sous l’égide des préfets, d’associer les élus locaux à leur action, au travers de leurs associations représentatives. Organiser la consultation de ces associations va dans le bon sens et répond pleinement à l’objectif du texte que nous étudions ce soir.

M. le rapporteur. La consultation des élus locaux existe et existera encore davantage à l’avenir. Il faut veiller à conserver de la souplesse dans l’établissement des missions des délégations départementales pour être en mesure, demain, d’assurer une variabilité territoriale.

M. Thibault Bazin. Comme l’a montré la gestion de la crise sanitaire à l’échelon territorial, le fonctionnement des ARS s’apparente à une boîte noire. Qu’en transparence, un décret affiche leurs missions va plutôt dans le bon sens, d’autant plus que l’article 31 vise à améliorer la gouvernance et le rôle des agences dans la gestion sanitaire de notre pays. Leur laisser trop de latitude pourrait être contreproductif. On pourrait en arriver à se demander à quoi elles servent ! En outre, prévoir une consultation des associations représentatives d’élus locaux me semble aller dans le bon sens.

M. Bernard Perrut. Comment et sur la base de quel texte sont définies aujourd’hui les compétences des délégations départementales ? Comment pourraient-elles être améliorées en lien avec les élus locaux ? Pendant la crise sanitaire, les ARS ont joué un rôle très différent d’une région à l’autre. Comment apporter des améliorations au fonctionnement des ARS en tenant compte des besoins locaux – départements urbains ou ruraux, question des déserts médicaux, etc. ?

Mme Jeanine Dubié. Vous auriez pu, monsieur le rapporteur, réécrire l’alinéa 2 au lieu de le supprimer, car, comme nous avons pu le constater lors de la crise sanitaire, il faut renforcer l’échelon départemental. Cela doit être une priorité et un choix politique. Avec l’instauration des grandes régions, les ARS sont trop éloignées des différents territoires et ne peuvent conduire les nécessaires actions de proximité.

Lors des auditions réalisées dans le cadre du rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) sur la question, on a bien vu que lorsque le directeur général d’une ARS avait une attitude claire de délégation et de déconcentration de ses pouvoirs au niveau départemental, cela fonctionnait bien. Dans le cas contraire, ça cafouille.

Le groupe Libertés et Territoires ne votera donc pas cet amendement de suppression.

M. Thomas Mesnier, rapporteur général. La crise a montré à quel point les délégations départementales des ARS étaient efficaces et engagées : la question de leur utilité ne se pose donc pas, cher collègue Bazin. En revanche, fixer leurs compétences et leur champ d’action par décret n’est pas opportun car cela les empêcherait de gérer ce qui n’y figurerait pas. Cela les priverait d’une souplesse fort nécessaire sur le terrain pour s’adapter aux spécificités locales et mettre en œuvre des politiques diverses. Enfin, les élus locaux sont d’ores et déjà associés par l’intermédiaire des contrats locaux de santé et les conseils territoriaux de santé qui se tiennent à chaque fois en leur présence – il y a même des parlementaires.

Alors que les outils permettant de travailler avec les ARS, en lien avec les attentes des élus, des patients et des soignants, sont en place, il serait contreproductif de fixer et de rigidifier par décret les missions des délégations départementales.

J’apporte par conséquent un franc soutien à l’amendement du rapporteur.

M. le rapporteur. Les communes travaillent très positivement aux déterminants de santé. Les départements ont un rôle phare concernant les établissements médico-sociaux et les EHPAD (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), comme les régions en matière de formation et d’innovation. Les délégations départementales, quant à elles, agissent en fonction de l’appréciation de leur direction générale. La proximité, objectif partagé par tous, y compris par le Gouvernement, doit être mise en œuvre. Ainsi, les contrats locaux de santé sont élaborés au plus près du territoire et nourrissent les schémas régionaux de santé.

Graver dans le marbre, par décret, le fonctionnement et la composition des délégations départementales ne permettra pas de répondre à la grande variabilité territoriale des situations, d’un département à l’autre. Il faut donc laisser à la direction générale de chaque ARS le soin d’adapter chacune de ses délégations départementales, avec toute la souplesse nécessaire : tel est le sens de cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS100 de Philippe Vigier.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il s’agit de préciser le rôle essentiel d’interface des délégations départementales et du délégué départemental, entre le directeur général et les élus locaux. La mesure n° 33 du Ségur de la santé précise du reste l’intention de renforcer le niveau départemental et l’association des élus.

M. le rapporteur. Je l’ai dit, les missions des délégations départementales ne doivent pas, selon moi, figurer dans le décret. A fortiori, les inscrire dans la loi ne me semble pas opportun. Avis défavorable, donc.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS148 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Il s’agit de compléter la composition du futur conseil d’administration des ARS en y intégrant des organisations représentatives des professionnels de santé, des établissements sanitaires et médicaux-sociaux.

M. le rapporteur. Cette précision relève a priori non pas de la loi mais du règlement. Je considère en outre qu’il n’est pas souhaitable que les organisations représentatives siègent au sein du conseil d’administration : ces prestataires de services ne doivent pas être prescripteurs et exécuteurs.

D’autres instances sont efficaces et très utiles pour associer les professionnels de santé à l’élaboration des documents relatifs à la politique de santé. Si l’amendement n’était pas retiré, j’y serais défavorable.

M. Thibault Bazin. Je rappelle que l’article 31 est le premier du chapitre Ier, intitulé « La participation à la sécurité sanitaire territoriale ». La crise de confiance et de recrutement que traversent nos établissements sanitaires et médico-sociaux, comme la crise de vocation chez les professionnels de santé, militent en faveur de l’association de leurs organisations professionnelles. Celle-ci est même essentielle pour reconstruire une politique sanitaire territoriale.

Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que cette précision relève du niveau réglementaire. Or il me semble que nous avons déjà voté des dispositions similaires dans d’autres textes. Votons l’amendement et nous verrons en séance ce qu’en dit le Gouvernement.

M. le rapporteur. Je rappelle que le Conseil constitutionnel a jugé en novembre 2015 que le principe même de l’existence des délégations départementales des ARS revêtait un caractère réglementaire et non législatif.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS45 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. L’amendement vise à améliorer la coordination entre l’échelon départemental des ARS et les conseils départementaux, en proposant que le délégué départemental de l’ARS présente annuellement un bilan de son activité au président du conseil départemental. Nous avons repris le dispositif prévu pour les préfets qui, chaque année, présentent devant les présidents de conseil départemental le rapport d’activité des services de l’État.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait : l’article L. 1434-15 du code de la santé publique prévoit d’ores et déjà que pour assurer une bonne coordination de l’action des collectivités territoriales et des ARS, les élus – président du conseil régional, président du conseil départemental, présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, maires – sont concertés sur l’organisation territoriale au moins une fois par an par le directeur général ou le directeur de la délégation départementale de l’ARS.

M. Thibault Bazin. Il s’agit ici non pas de concertation mais de la transmission d’un rapport d’activité de l’ARS aux élus du département concerné.

Compte tenu de l’imbrication des différentes politiques médico-sociales et des liens extrêmement forts entre l’ARS et le conseil départemental, ce document permettrait de rendre compte de ce qui a été fait et, conformément à l’ambition de votre texte, d’asseoir la participation du département à la sécurité sanitaire territoriale

Mme Jeanine Dubié. Il n’est pas question de concertation. On a coutume de dire que le directeur général de l’ARS est le préfet sanitaire de la région concernée. S’il paraît logique que le représentant de l’État dans le département, le préfet, présente un rapport d’activité des services de l’État, pourquoi ne pas le faire dans le champ sanitaire, dans lequel l’État est représenté par le délégué départemental de l’ARS ? Ainsi, l’ensemble des politiques de l’État seraient présentées au président du conseil départemental.

M. Philippe Vigier. Vous nous dites, Monsieur le rapporteur, que l’amendement est satisfait. Or nous constatons dans la pratique qu’un tel bilan n’est pas communiqué chaque année au département, alors que de nombreuses compétences en la matière sont partagées. Les politiques de santé ne sont pas l’apanage exclusif de l’État. S’agissant des nouvelles gouvernances, nous devons être en mesure d’être plus efficaces. Enfin, ce serait un signe de la mise en réseau de tous les acteurs que l’on tente de mettre en place, notamment avec le Ségur de la santé.

M. le rapporteur. Ce bilan est publié et public : s’il n’est peut-être pas officiellement présenté, il est donc consultable. Le président du conseil départemental peut donc s’en saisir, le commenter et organiser un débat le concernant.

Par conséquent, si l’amendement n’était pas retiré, j’y serais défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS144 de M. Joël Aviragnet.

Mme Gisèle Biémouret. Cet amendement prévoit que les délégués départementaux des ARS sont nommés après avis du président du conseil départemental. La pandémie de covid-19 a montré la nécessité d’un travail conjoint entre les ARS et les conseils départementaux.

M. le rapporteur. Il y a confusion des genres. Les ARS sont en effet des émanations de l’État et agissent en fonction d’objectifs nationaux. Les départements n’ont donc pas à interférer dans la désignation de leurs délégués départementaux. Ce serait aller beaucoup trop loin. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS177 de M. Didier Martin.

M. le rapporteur. Il s’agit de revenir sur la modification effectuée par le Sénat consistant à donner au futur conseil d’administration des ARS le pouvoir d’approuver le projet régional de santé (PRS) plutôt que d’émettre un avis sur celui-ci, comme c’est le cas à l’heure actuelle.

Le PRS définit, en cohérence avec la stratégie nationale de santé et dans le respect des lois de financement de la sécurité sociale, les objectifs pluriannuels de l’ARS dans ses domaines de compétences. S’il est arrêté par le directeur général, il fait toutefois l’objet d’un certain nombre de consultations préalables, la conférence régionale de la santé et de l’autonomie, les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie, le préfet de région et les collectivités territoriales de la région émettant un avis simple sur ledit projet.

Parce qu’il est l’outil stratégique de la politique de santé déclinée à l’échelon régional, politique qui relève de l’État, parce qu’il constitue le cadre de référence de l’action de l’ARS, elle-même chargée par la loi de définir et de mettre en œuvre un ensemble coordonné de programmes et d’actions concourant à la réalisation des objectifs préalablement définis, le PRS doit être arrêté par le directeur général de l’ARS au titre de ses fonctions de police sanitaire.

Confier au conseil d’administration le soin d’approuver ou de rejeter le projet régional de santé heurterait ces principes qui sous-tendent l’architecture de la politique sanitaire de notre pays.

Je propose donc de supprimer l’alinéa 4.

M. Thibault Bazin. Cet alinéa est très important puisqu’il prévoit que le directeur général de l’ARS arrête le PRS : les sénateurs proposent, ce qui paraît logique, qu’il soit arrêté après délibération du conseil d’administration. Sinon à quoi ce dernier servirait-il ?

Une telle étape me paraît fondamentale pour recréer de la confiance et asseoir la participation des collectivités locales à la sécurité sanitaire territoriale.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS178 de M. Didier Martin.

M. le rapporteur. Il s’agit de supprimer l’alinéa 7, c’est-à-dire la disposition, introduite par le Sénat, suivant laquelle le futur conseil d’administration des agences régionales de santé (ARS) sera composé à parts égales de représentants de l’État, de membres des conseils et conseils d’administration des organismes locaux d’assurance maladie, de représentants des collectivités territoriales et des usagers.

Il ne paraît pas opportun d’introduire dans la loi une précision de cet ordre, le détail de la composition du conseil de surveillance aujourd’hui, et du conseil d’administration demain, relevant du domaine réglementaire. Il convient de prendre garde à ne pas figer les choses dans la loi de façon à préserver les possibilités d’ajustement.

La politique sanitaire est une compétence de l’État et il est légitime, par conséquent, qu'il puisse être majoritaire au sein du conseil d’administration des ARS, bras armé de cette politique.

M. Pierre Dharréville. La politique sanitaire est effectivement une compétence de l’État : il faudra aller au bout de cette logique pour l’article 39.

M. Thibault Bazin. La crise des gilets jaunes a mis en évidence le besoin de recréer du lien localement.

À parts égales ne veut pas dire que la représentation de l’État est diminuée, dans la mesure où certains élus locaux sont également représentants de l’État. Si on veut bien poursuivre la déconcentration, on ne semble pas prêt à franchir un pas de plus en matière de décentralisation.

Comment la participation à la sécurité sanitaire territoriale sera-t-elle concrètement assurée ? Il nous faut inventer un système paritaire entre l’État et les collectivités locales, ce qui obligerait sur le plan local à une discussion en vue de trouver un terrain d’entente. La santé, qui est une compétence de l’État – nous ne le nions pas –, doit nous rassembler. Une représentation à parts égales irait dans le bon sens.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Les Républicains poussent à la décentralisation et proposent que siègent à parts égales l’État et les collectivités. Le moment est historique !

Cela revient à nier le rôle régalien de l’État dans la santé, dont le budget que nous votons notamment dans cette salle est ensuite décliné au niveau régional. Nous soutiendrons donc bien évidemment la suppression de l’alinéa.

M. Thibault Bazin. Vous promettez un acte de décentralisation. Or le texte ne répond pas à cette promesse. S’agissant du conseil d’administration d’une ARS, un système paritaire n’enlèverait rien à l’État. Il ne perdrait pas sa compétence en matière de politique sanitaire. Ce ne sont pas les collectivités locales qui voteront le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

En revanche, si l’État est représenté de façon disproportionnée, c’est à lui-même, et non aux collectivités qu’il parlera. Il faut améliorer le dispositif en renforçant le dialogue avec l’échelon local qui doit être représenté à parts égales.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS67 de Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. La santé est une compétence de l’État et des Gouvernements. Les députés, en particulier les commissaires aux affaires sociales, votent tous les ans un PLFSS mais ne savent pas très bien ce qu’il devient ensuite.

Avec ce texte, nous avons l’occasion de faire en sorte qu’un ou deux députés siègent au sein du nouveau conseil d’administration des ARS. Une telle mesure n’enlèverait rien à personne et améliorerait la cohérence de notre action. Nous aurions une meilleure visibilité sur les conséquences de nos votes sur le terrain et sur les besoins des élus locaux.

L’argument selon lequel nous serions trop nombreux et qu’il serait trop compliqué de désigner deux parlementaires ne tient pas. Des désignations se font d’ores et déjà aujourd’hui dans telle ou telle structure en toute simplicité et de façon efficace.

M. le rapporteur. Les parlementaires ne sont pas déconnectés des problématiques sanitaires territoriales : ils siègent notamment dans les conseils territoriaux de santé, participent au diagnostic territorial et connaissent les besoins sanitaires et médico-sociaux de la population. Nous avons en outre l’intention de rétablir leur présence au sein des conseils de surveillance des établissements de santé. Les parlementaires disposent donc de nombreuses possibilités pour participer au débat sur les politiques de santé.

Le Sénat, dans sa sagesse, a considéré qu’il n’était pas nécessaire que des parlementaires siègent au sein du conseil d’administration. Il se refuse d’ailleurs à choisir, ne serait-ce qu’à l’échelon départemental, un sénateur parmi d’autres. Effectivement, la désignation de deux parlementaires, un député et un sénateur, dans une grande région qui en compte plusieurs dizaines, constituera un problème, d’autant que leur appréciation sera différente selon qu’ils appartiendront à la majorité ou aux oppositions.

Je rappelle que le projet de loi est inspiré par la volonté d’introduire les élus locaux au sein des conseils d’administration des ARS. Il n’a pas vocation à modifier les grands équilibres des forces en présence.

Pour toutes ces raisons, je vous propose, chère collègue, de retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Thomas Mesnier, rapporteur général. Je m’inscris tout d’abord en faux contre l’affirmation selon laquelle une fois le PLFSS voté, on ne saurait pas ce qu’il devient. On vote en effet, chaque année, la partie rectificative des comptes de l’année précédente, et l’exercice clos de l’année n–2. Fondamentalement, quand on vote le budget de la sécurité sociale, on a donc une bonne vision de ce qui a été réalisé sur les deux exercices précédents. Tout est largement documenté dans les annexes. Je vous encourage d’ailleurs à voter ma proposition de loi organique qui permettra de disposer au printemps d’une loi de règlement de la sécurité sociale sur l’exercice clos, et donc d’un temps dédié pour en débattre.

Pour le reste, comment en Nouvelle-Aquitaine, pourrait-on désigner deux parlementaires représentatifs et de la majorité et de l’opposition pour siéger au sein du conseil d’administration ? Je rappelle que la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a prévu la présence de parlementaires au sein des conseils territoriaux de santé. Il faut s’emparer davantage de cette disposition.

En outre, alors que la proposition de loi de notre collègue Stéphanie Rist a permis d’ouvrir aux parlementaires les portes des conseils de surveillance des établissements, le Sénat a supprimé la disposition dans ce texte – mais je crois que vous avez l’intention de la rétablir, monsieur le rapporteur.

Ces différentes mesures constituent autant de leviers pour assurer la présence et l’information des parlementaires sur la déclinaison locale de ce qu’ils votent au niveau national.

Si elle est louable, l’intention de notre collègue ne permettrait pas d’atteindre l’objectif qu’elle se fixe. Je voterai donc contre cet amendement.

M. Philippe Vigier. Je n’ai pas été convaincu par les nombreux arguments avancés par le rapporteur général.

Chaque fois qu’une occasion de renforcer les pouvoirs du Parlement se présente, il faut s’en saisir. C’est notre boulot : le travail du Parlement, c’est de légiférer, mais surtout de contrôler. La loi de règlement que vous évoquez ne nous éclairera pas sur les interventions du fonds d’intervention régional (FIR) ou sur les plans d’investissement que nous découvrons après-coup.

Cela étant comment désigner deux parlementaires ? Je vous renvoie aux fameuses commissions d’attribution de dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Savez-vous combien de parlementaires y siègent au regard des attributions du préfet ? C’est totalement discrétionnaire. Chaque fois que nous baisserons la garde, nous perdrons.

Enfin, M. le rapporteur pour avis vient d’évoquer la sagesse du Sénat ; que n’en a-t-il pas tenu compte s’agissant d’une disposition précédente qui me paraissait très équilibrée…

M. Bernard Perrut. Certaines réponses ont été apportées à ma question concernant les modalités de désignation des parlementaires : comment en désigner deux, dans des régions qui sont immenses ? Toutefois, si nous retenions cette idée, il faudrait aller plus loin et préciser que ces parlementaires doivent être membres de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, de manière à s’assurer qu’ils seront compétents sur le fond. En outre, ils pourraient soumettre, une fois par an, des propositions à la commission des affaires sociales, laquelle serait en mesure de produire un rapport sur l’application des dispositions que nous votons ici. Ainsi, votre amendement prendrait tout son sens, madame Iborra : il lierait notre commission à l’action menée sur le territoire.

Mme Jeanine Dubié. La question de la désignation est un faux problème : à chaque début de législature, l’Assemblée nationale désigne des députés qui la représentent dans de nombreux organismes. Ainsi, elle est représentée par deux députés dans le comité de massif de chaque région concernée – la majorité a d’ailleurs eu l’élégance de ne désigner que des membres des groupes qui la composent, l’opposition devant se contenter des suppléances… En outre, les sénateurs sont aussi des parlementaires.

La seule question à se poser est donc la suivante : veut-on que les parlementaires soient représentés au sein du conseil d’administration des ARS ? Si la réponse est oui, nous pourrons proposer une nouvelle rédaction de l’amendement en vue de la séance publique, afin de préciser que l’Assemblée nationale désigne des députés élus dans la région.

M. Thibault Bazin. Nous sommes au cœur du défi posé par la crise des gilets jaunes : comment rétablir la confiance, le lien entre le niveau national et le niveau local, entre les décisions et leur application sur le terrain ? La question se pose pour les élus nationaux – les parlementaires –, mais elle peut aussi se poser pour les élus locaux dans le cadre de leurs rapports avec les représentants de l’État, notamment l’ARS. Certains d’entre eux sollicitent l’agence de leur région et nous disent n’avoir aucun retour de sa part.

Madame Iborra, il serait utile de proposer une nouvelle rédaction de votre amendement, ne serait-ce que par courtoisie vis-à-vis de nos collègues sénateurs. Il me semble que nous devrions reprendre la formule retenue pour les agences de l’eau ou les commissions de dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) : cela permettrait de prendre en compte les deux chambres et de respecter la parité entre la majorité et l’opposition.

Mme Monique Iborra. Vous avez raison, monsieur Perrut, les députés de la commission des affaires sociales sont ceux qui siégeraient le plus volontiers au conseil d’administration d’une ARS – je ne suis pas sûre que le sujet intéresse les députés de la commission des affaires économiques, par exemple.

Par ailleurs, je ne veux pas contrarier notre rapporteur général, qui réalise un important travail lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), mais je ne suis pas d’accord avec lui : nous n’avons pas un retour exhaustif de ce que nous votons. Sur le terrain, je m’aperçois souvent que ce que nous avons voté n’est que partiellement mis en œuvre, voire n’est pas mis en œuvre du tout ! On se demande parfois où passent les masses financières en question.

Il ne s’agit pas d’être des censeurs, mais de suivre attentivement l’application des mesures que nous votons à l’Assemblée et d’assurer une cohérence entre ces mesures et notre présence sur le terrain, parmi les élus locaux – j’y insiste.

Dès lors que j’accepte de préciser que les parlementaires désignés doivent être membres de la commission des affaires sociales et que les modalités de leur désignation ne soulèvent aucun problème, je ne vois aucune raison de s’opposer à cet amendement. Je suis prête à améliorer sa rédaction ; je le retire donc et le redéposerai en séance publique.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AS41 de Mme Jeanine Dubié, AS58 de M. Thibault Bazin, AS78 de Mme Isabelle Valentin, AS97 de Mme Josiane Corneloup et amendement AS81 de M. Jean-Hugues Ratenon (discussion commune).

Mme Jeanine Dubié. L’amendement AS41 vise à garantir la présence d’un représentant d’une collectivité ou d’un groupement de collectivités des zones de montagne au sein du conseil d’administration des ARS. Ce représentant serait désigné par les membres élus du comité de massif prévu à l’article 7 de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne.

Pourquoi une telle demande ? Le présent projet de loi est notamment relatif à la différenciation. Or deux lois prennent en compte la différenciation des territoires : la loi de 1985 précitée, dite loi montagne, et celle du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne. Pour donner corps et sens à la notion de différenciation, il serait donc normal que les collectivités de montagne disposent d’un représentant au sein des ARS.

Enfin, ces territoires ont un climat et une géographie particuliers et il est parfois difficile d’y assurer le maintien et le fonctionnement correct des installations sanitaires – on le constate, par exemple, pour les hôpitaux.

M. Jean-Hugues Ratenon. Notre amendement reprend une proposition de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM) qui vise à garantir la présence d’un représentant d’une collectivité de zone de montagne au sein du conseil d’administration de l’ARS lorsque la région comporte une telle zone. Ce représentant serait désigné par les membres élus du comité de massif prévu à l’article 7 de la loi du 9 janvier 1985 précitée.

Les déserts médicaux gagnent du terrain en France, particulièrement dans certaines zones peu denses ou difficiles d’accès, comme certaines zones montagneuses, dont les spécificités ne sont pas suffisamment prises en compte dans les orientations des ARS. C’est pourquoi nous proposons que ces territoires soient mieux représentés au sein des agences.

Il s’agit cependant d’un amendement de repli, car nous sommes contre les ARS, structures technocratiques dont les objectifs sont essentiellement financiers.

M. le rapporteur. Mis à part celui de M. Ratenon, qui vise explicitement les régions dans lesquelles se trouve une zone de montagne, les amendements s’appliqueraient au conseil d’administration de toutes les ARS, ce qui n’est pas possible. Il est nécessaire de conserver une certaine souplesse afin que la composition des collèges de représentants soit adaptée aux spécificités, notamment géographiques, de la région. Enfin, la composition du conseil de surveillance et, demain, du conseil d’administration relève du domaine réglementaire. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le rapporteur pour avis, il existe un comité de massif dans chacun des massifs français, de métropole ou d’outre-mer. Chaque comité peut donc désigner un représentant. Du reste, ces comités sont concernés par l’ensemble des politiques publiques dans les territoires de montagne.

M. le rapporteur. Les collectivités territoriales pourront tenir compte de cette spécificité et désigner un représentant du massif dans le collège idoine.

M. Philippe Vigier. Cet amendement vise à mettre en œuvre la différenciation territoriale, dans l’esprit du présent projet de loi.

M. Bernard Perrut. Pourquoi mettre en avant certaines zones plutôt que d’autres ? Les déserts médicaux ne sont pas l’apanage de la montagne, par exemple : certaines zones urbaines très importantes connaissent aussi ce type de difficultés. Dès lors, ne serait-il pas préférable de viser les « zones particulièrement en difficulté » ?

M. Pierre Dharréville. Le débat est intéressant, car il met en évidence un défaut patent de démocratie sanitaire. L’ARS est le lieu où se prennent, dans le domaine de la santé, la plupart des décisions qui ont un impact sur nos vies quotidiennes. Des demandes émergent, qui ont pour objectif de faire progresser la démocratie sanitaire, réduite à la portion congrue. En réalité, c’est le fait majoritaire qui s’applique au Parlement lors du vote du PLFSS, et encore : en pratique, c’est l’exécutif qui décide.

Je ne suis pas sûr que le projet de loi nous permette de répondre à cette question, mais il nous faut l’aborder de front.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS113 de M. Cyrille Isaac-Sibille et amendement AS42 de Mme Jeanine Dubié (discussion commune).

M. Cyrille Isaac-Sibille. Par l’amendement AS113, nous proposons qu’un représentant des communes de moins de 2 000 habitants et un représentant des communes comprenant entre 2 000 et 3 500 habitants siègent au sein du conseil d’administration des ARS. S’il est important que les parlementaires soient représentés, il est également fondamental que les maires des petites communes, souvent confrontés à des problèmes de sous-densité médicale, aient leur mot à dire.

Mme Jeanine Dubié. Il s’agit de prévoir la présence d’un représentant des communes de moins de 3 500 habitants dans le conseil d’administration des ARS.

M. le rapporteur. Pourquoi pas les cités lacustres ou les zones défavorisées ? Il ne serait pas raisonnable d’alourdir la liste des représentants, même s’il est tout à fait légitime que ces territoires fassent valoir leurs particularités et leurs différences. Défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Puisque les élus des grandes collectivités siégeront au conseil d’administration de l’ARS, il serait normal que ceux des petites communes y siègent également.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS147 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Il s’agit de garantir la représentation, dans le quatrième collège du conseil d’administration des ARS, d’une part, des personnes en situation de pauvreté ou de précarité, d’autre part, des personnes vivant dans les déserts médicaux. Ces personnes sont en effet les plus éloignées de notre système de santé, dont elles subissent les inégalités les plus criantes. Il est donc légitime qu’en raison de leurs besoins particuliers, elles soient représentées au conseil d’administration de l’ARS, au même titre que les personnes âgées, les personnes handicapées ou les patients.

M. le rapporteur. Les représentants des associations d’usagers, qui œuvrent dans le domaine de la qualité des soins et de la prise en charge des malades et siègent au conseil d’administration, peuvent parfaitement être sensibilisés aux questions de l’insuffisance de l’offre de soins et de la difficulté d’accès aux soins et porter la voix des personnes que vous évoquez en toute légitimité. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Joël Aviragnet. J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur pour avis. Mais rien ne garantit que les personnes vivant dans des territoires sous-médicalisés et qui sont en grande difficulté pour avoir accès aux soins seront représentées. Or je ne suis pas certain qu’on accorde toujours à ces questions, qui peuvent être victimes d’une forme d’oubli ou de non-reconnaissance, l’importance qu’elles ont sur le terrain. Sur les sites internet des ARS, on trouve parfois le nom de médecins partis à la retraite depuis cinq ans !

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS82 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Jean-Hugues Ratenon. Il s’agit de démocratiser la définition de la politique sanitaire, en octroyant une place, au sein du conseil de surveillance des ARS, à des citoyens tirés au sort.

M. le rapporteur. Le collège des usagers doit être représentatif ; le tirage au sort ne paraît pas souhaitable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS29 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Il s’agit de compléter la composition du conseil d’administration des ARS – mais n’est-ce pas plutôt un conseil de surveillance ? –, en y ajoutant la présence de représentants des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). En effet, dans un contexte de désertification médicale, les sapeurs-pompiers jouent un rôle essentiel dans l’offre de soins de premier recours. Il paraît donc légitime qu’ils disposent d’une voix délibérative au sein des ARS.

M. le rapporteur. Nous avons une différence d’appréciation. Je ne nie pas le rôle essentiel des sapeurs-pompiers dans la prise en charge en urgence de nos concitoyens, mais il ne me paraît pas souhaitable qu’ils aient voix délibérative dans les orientations de la politique de santé.

M. Guillaume Chiche. Quel est l’objectif poursuivi ? Nous discutons ici de sécurité sanitaire territoriale. Nous venons d’examiner des amendements, issus de tous les rangs de la commission, qui visent à améliorer la représentativité du conseil d’administration des ARS en y intégrant les usagers, les élus des petites communes, ceux des communes rurales exposées à la désertification médicale, les professionnels de santé, les agents des SDIS… Et, à chaque fois, on nous répond qu’il n’y a pas lieu d’élargir la représentativité de ce conseil d’administration ! Si l’on veut que les orientations définies par les ARS soient en prise avec la réalité des territoires, il faut que les forces vives de ces territoires puissent s’exprimer, à défaut de pouvoir délibérer.

Mme Gisèle Biémouret. Je suis étonnée de la réponse du rapporteur pour avis. Compte tenu de l’importance des sapeurs-pompiers dans le domaine du secours à la personne et du transport des malades dans les territoires ruraux, il ne me paraît pas normal que l’on exclue les SDIS du conseil d’administration des ARS.

M. Pierre Dharréville. Mes collègues ont raison, les pompiers jouent un rôle dans l’organisation des secours, si ce n’est dans celle des soins. En outre, la portée des délibérations d’un organe tel que le conseil d’administration est assez faible, puisque nous avons repoussé des amendements visant à leur donner un rôle plus important. La décision finale appartiendra toujours au directeur de l’ARS et au ministre. Les SDIS pourraient apporter un éclairage intéressant. Quel risque prendrait-on à les faire participer aux discussions ?

M. le rapporteur. Les sapeurs-pompiers sont présents au sein des conférences régionales de la santé et de l’autonomie (CRSA) et donnent donc des avis sur la définition des objectifs et des actions des agences régionales de santé. Ils sont également présents au sein des comités départementaux de l’aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires (CODAMUPS-TS) et donnent leur avis sur l’organisation de la permanence des soins et des interventions d’urgence. Ils s’expriment donc et leur expertise, leur professionnalisme, leur connaissance du terrain sont pris en compte.

Par ailleurs, je le répète, monsieur Chiche, le conseil d’administration délibérera, mais on ne lui demandera pas d’approuver le budget et les orientations de l’agence, fixés par le directeur général de l’agence.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS149 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Il s’agit de compléter la composition du futur conseil d’administration des ARS en y intégrant un collège composé de professionnels de santé. Celui-ci compléterait ainsi les quatre collèges existants, qui représentent respectivement l’État, les organismes de l’assurance maladie, les collectivités et les usagers. En effet la fusion des anciennes institutions sanitaires au sein des ARS a eu tendance à renforcer l’image de pesanteur et de lourdeur technocratique. L’amendement permettrait de rapprocher les agences des acteurs de terrain et d’en finir avec l’éloignement continu de ces agences des professionnels de santé. Il est clair que ces derniers étant chargés d’appliquer les décisions prises par les ARS, il serait plus opérationnel qu’ils puissent participer aux décisions elles-mêmes.

M. le rapporteur. L’expertise des professionnels de santé sur l’état de santé des populations, les besoins et les parcours de santé est précieuse. C’est la raison pour laquelle ils siègent au sein des conférences régionales de la santé et de l’autonomie et dans les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), et participent à l’élaboration des contrats locaux de santé. Le conseil d’administration de l’ARS, bras armé de la politique de santé nationale, doit tenir compte de leur avis, mais ils ne sauraient être associés au conseil d’administration. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS179 de M. Didier Martin et AS170 de Mme Véronique Hammerer.

M. le rapporteur. Il s’agit d’abord de revenir sur la composition du conseil d’administration des ARS telle que prévue par le Sénat, qui a souhaité confier sa présidence conjointement au préfet de région et au président du conseil régional. Il ne paraît pas souhaitable de maintenir cette coprésidence : le préfet a autorité pour présider les débats, en faire la synthèse et, avec l’avis du directeur général, fixer les grandes orientations. Il peut y avoir des différences d’approche entre deux personnes et une coprésidence ne permettrait pas un arbitrage satisfaisant. Au contraire, elle pourrait être source de divergences.

Il s’agit ensuite d’assurer une représentation équilibrée des différentes strates de collectivités territoriales, en prévoyant quatre – et non trois – vice-présidents du conseil d’administration, trois d’entre eux étant désignés parmi les représentants des collectivités territoriales : région, département et bloc communal.

Mme Véronique Hammerer. Mon amendement vise également à rédiger ainsi l’alinéa 11 : « b) Le huitième alinéa du même I est complété par une phrase ainsi rédigée : “Celui-ci est assisté de quatre vice-présidents, dont trois désignés parmi les membres mentionnés au 3° du présent I.” ; ».

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’amendement AS146 de M. Joël Aviragnet tombe.

Amendement AS44 rectifié de Mme Jeanine Dubié et sous-amendement AS192 de M. Didier Martin.

Mme Jeanine Dubié. Il s’agit de confier une mission supplémentaire au conseil d’administration des ARS, celle de dresser un état régulier de la désertification médicale dans la région et d’émettre des propositions visant à lutter contre ce phénomène. De plus en plus de territoires, et pas seulement en milieu rural, sont touchés par la désertification médicale, laquelle est une source d’inquiétude pour les populations locales et nuit à l’attractivité des territoires.

M. le rapporteur. Je souscris pleinement à cette proposition. Une des principales missions des ARS est d’établir une cartographie des zones sous-médicalisées afin de mesurer les inégalités sociales et territoriales du territoire régional.

Mon sous-amendement vise simplement à substituer aux mots : « délégués départementaux de l’État » les mots : « délégations départementales de l’agence », plus adaptés.

Mme Jeanine Dubié. Je suis d’accord : la rédaction de mon amendement peut être améliorée.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 modifié.

Après l’article 31

Amendement AS48 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement, issu du rapport de la mission d’information sur l’amélioration de la prise en charge des patients atteints de la maladie de Lyme, que j’ai menée avec Nicole Trisse et Vincent Descoeur, vise à compléter le code de la santé publique, afin de préciser que les ARS veillent à l’information des usagers, à la qualité des mesures de prévention et à la mise en place du parcours de soins gradué dans le cadre de la politique nationale de lutte contre les maladies vectorielles à tiques. À cet effet, elles devraient également nommer un référent en charge de cette problématique.

M. le rapporteur. Je salue le travail que vous avez réalisé avec nos collègues sur la maladie de Lyme, transmise par les tiques, qui n’a pas encore livré tous ses secrets, surtout dans ses formes chroniques. Cependant, votre amendement est satisfait, puisque les ARS sont chargées de l’observation et de la surveillance de l’état de santé de la population, mais également de la prévention, du suivi des endémies, des maladies chroniques et de la douleur, ainsi que de l’organisation des parcours de santé. Au demeurant, il me semble trop ciblé ; on pourrait multiplier les amendements de ce type afin de viser d’autres pathologies, parfois endémiques et préoccupantes. Je vous demanderai donc de bien vouloir le retirer. À défaut, mon avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS119 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Nous proposons qu’en cas d’état d’urgence sanitaire, le directeur général de l’ARS rende compte tous les quinze jours devant le conseil d’administration de celle-ci des actions menées dans ce cadre. Un des enseignements de la crise sanitaire, documentés dans le rapport Firmin Le Bodo-Grelier précité, est que l’articulation entre ARS, d’une part, collectivités territoriales, offreurs de soins en ville et en hôpital et patients, d’autre part, est perfectible. Or cette articulation pourrait être améliorée si un conseil de crise sanitaire était créé au sein de chaque ARS.

M. le rapporteur. On peut comprendre cet amendement, marqué au fer rouge par l’actualité. Mais il aboutirait à soumettre le directeur général de l’ARS à une pression forte – et peut-être excessive – alors qu’en cas de crise sanitaire et d’endémie, les décisions relèvent de l’autorité ministérielle. Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS117 de M. Joël Aviragnet.

Mme Gisèle Biémouret. Il s’agit de transformer l’avis consultatif de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA) sur le projet régional de santé en un avis conforme. Il est essentiel que la voix de l’instance de démocratie sanitaire régionale compte quand elle se prononce sur le projet régional de santé, document stratégique majeur produit et mis en œuvre pendant quatre ans par l’ARS.

M. le rapporteur. L’avis consultatif me semble suffisant. La stratégie politique de santé est déclinée à l’échelon régional, mais elle relève pleinement de l’État. Un avis conforme n’est pas souhaitable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS118 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Nous proposons que la conférence régionale de la santé et de l’autonomie donne un avis consultatif sur la politique d’investissement de l’ARS territorialement compétente, notamment sur l’utilisation du fonds d’intervention régional (FIR), et que le directeur général de l’ARS fournisse une réponse motivée s’il va à l’encontre de cet avis.

En effet, le FIR représente environ 2,5 % de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), proportion amenée à augmenter avec l’intégration dans le FIR des crédits d’investissement et de reprise de la dette annoncés dans le cadre du Ségur de la santé. Il est donc essentiel que l’instance de démocratie sanitaire régionale soit consultée.

M. le rapporteur. La CRSA rend déjà un avis sur les orientations et la mise en œuvre de la stratégie régionale d’investissement dans le système de santé ainsi que sur les orientations stratégiques annuelles d’utilisation du FIR. Votre amendement est donc satisfait.

M. Joël Aviragnet. Il me semble qu’il ne l’est pas totalement, car l’avis de la CRSA ne porte pas sur l’utilisation des fonds du Ségur de la santé. Peut-être interprété-je mal les textes, mais il me semble qu’il y a là un trou dans la raquette. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

M. le rapporteur. L’application régionale du Ségur de la santé fera forcément l’objet de discussions.

M. Joël Aviragnet. L’avis de la CRSA portera donc également sur le Ségur de la santé ?

M. le rapporteur. Je le pense, oui.

M. Joël Aviragnet. Mais vous n’en êtes pas certain.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS32 de M. Bernard Perrut et AS171 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Bernard Perrut. Nous proposons que l’État, à travers les ARS, prenne en compte les projets des territoires dans l’élaboration de son projet régional de santé. Le dialogue et la cohérence du développement sanitaire des territoires s’en trouveraient renforcés.

Ces derniers assument en effet – la crise sanitaire l’a illustré – un rôle déterminant de coordination des différents acteurs locaux. Ils sont des acteurs incontournables des politiques publiques de santé, en particulier dans le champ de la prévention, dont on sait qu’elle contribue à limiter les dépenses de santé. Ils promeuvent des actions concrètes et directes, dans le champ de leurs compétences, en faveur du bien-être physique, social et mental de leurs populations. Enfin, ils ont la capacité d’intervenir sur l’ensemble des déterminants sociaux et environnementaux de santé.

C’est pourquoi nous proposons de compléter l’article L. 1434-1 du code de la santé publique par les mots suivants : « Il tient notamment compte des contrats locaux de santé existants sur le territoire régional ».

M. Jean-Louis Touraine. De même que celui de M. Perrut, mon amendement AS171 vise à préciser que le projet régional de santé tient compte des contrats locaux de santé qui existent sur le territoire régional. Pendant la crise sanitaire, les territoires ont montré leur capacité à assumer un rôle majeur de coordination entre les différents acteurs de la santé. En outre, ils peuvent être à l’initiative d’actions concrètes dans le champ de leurs compétences, en particulier dans le domaine de la prévention, qu’il convient de développer dans notre pays et dans les territoires.

M. le rapporteur. Il s’agit d’une proposition intéressante, et j’y donne un avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS43 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Il tend à préciser expressément que le schéma régional de santé comprend un programme relatif à la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé, afin d’améliorer les dispositifs en la matière. Actuellement, il s’agit d’un objectif du projet régional de santé, mais non d’une composante à part entière. L’élaboration d’un tel programme permettrait une meilleure évaluation des politiques menées par l’ARS en matière d’accès et de recours aux soins sur l’ensemble du territoire qu’elle couvre.

M. le rapporteur. Votre demande est en grande partie satisfaite : l’objectif de réduction des inégalités sociales et territoriales en matière de santé est pris en considération au moment de la rédaction du projet régional de santé. Je vous invite à retirer votre amendement, sans quoi mon avis sera défavorable.

Mme Jeanine Dubié. Il s’agit effectivement d’un objectif du projet régional de santé, mais non d’une composante à part entière listée dans le code de la santé publique. C’est pourquoi je maintiens mon amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS120 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Il vise à ce que les ARS veillent, par l’intermédiaire du schéma régional de santé, à la cohérence du développement des maisons de santé et des centres de santé sur le territoire. Certes, c’est déjà le cas, du moins en Occitanie. Néanmoins, des collectivités territoriales tentent de pallier le manque de professionnels de santé en investissant dans ce type de structures, au détriment parfois de la cohérence de leur implantation. En vertu de cet amendement, les ARS auraient une obligation de moyens et de résultats dans ce domaine.

M. le rapporteur. Les ARS veillent déjà à la répartition territoriale de l’offre de prévention et de promotion de la santé sur le territoire, tant pour les établissements de soins que pour les établissements médico-sociaux, afin de satisfaire les besoins de santé de la population. Vous semblez dire qu’il y a une séparation, voire une étanchéité, entre ces structures. Les centres de santé doivent transmettre à l’ARS un projet de santé attestant leur exercice coordonné. Ils doivent conclure avec elle un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens préalablement à la réception de toute aide financière. Des règles analogues s’imposent aux maisons de santé. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 31 bis A (art. L. 1434-10 du code de la santé publique) : Renforcement de la participation des usagers dans les conseils territoriaux de santé et dans les contrats locaux de santé

Amendement AS122 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Dans le même esprit que précédemment, il vise à garantir la représentation, au sein du conseil territorial de santé, des personnes vivant dans les déserts médicaux identifiés par l’ARS. Il est nécessaire que les problèmes propres à ces territoires soient relayés dans les ARS à tous les niveaux.

M. le rapporteur. L’article 31 bis A, ajouté par le Sénat, prévoit que le conseil territorial de santé « garantit en son sein la participation des usagers ». Cette disposition a une portée générale et il n’y a pas d’obstacle à ce que les représentants des usagers comprennent des personnes résidant dans les déserts médicaux. Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.

M. Joël Aviragnet. L’article mentionne les usagers en général. Or il faudrait garantir la participation des usagers directement confrontés aux difficultés d’accès aux soins. Les usagers qui vivent dans des territoires particulièrement défavorisés, qu’il s’agisse de banlieues ou de campagnes où l’on manque de médecins, ne relaieront pas les mêmes questions que les usagers résidant dans les centres-villes. Il faut que ces questions soient relayées d’une manière ou d’une autre.

La commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 bis A sans modification.

Après l’article 31 bis A

Amendements identiques AS34 de M. Bernard Perrut et AS111 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Bernard Perrut. La santé mentale est un élément essentiel de la santé, qui nécessite une action coordonnée de l’État, des autorités sanitaires, des associations et des collectivités. Elle constitue plus que jamais une urgence pour l’ensemble des acteurs publics et appelle une approche collective et ambitieuse ainsi qu’un dialogue stratégique renforcé.

Le dialogue entre les ARS et les territoires s’appuie sur les contrats locaux de santé, outil contribuant à une bonne territorialisation des politiques sanitaires et à leur bonne articulation avec les projets locaux. Partout en France, des territoires ont pris des initiatives locales pour soutenir les populations, notamment les plus fragiles et les plus précaires, souvent très jeunes, qu’il s’agisse d’étudiants ou même de mineurs.

Par cet amendement, nous demandons que les contrats locaux de santé comportent obligatoirement un volet relatif à la santé mentale, afin que les enjeux en la matière soient systématiquement pris en considération. À plusieurs reprises, notre commission a jugé que la santé mentale constituait l’un des axes majeurs de la santé globale des populations et une urgence collective. Inscrivons cette dimension dans les contrats locaux de santé.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Mon amendement est identique à celui que Bernard Perrut a très bien défendu à l’instant. Rappelons que le suicide est la première cause de mortalité chez les personnes âgées de 15 à 35 ans. La santé mentale, déterminant majeur de la santé, est souvent le maillon faible de notre système de soins. Il importe qu’elle soit abordée dans les contrats locaux de santé. Cet amendement est soutenu par l’association France urbaine.

M. le rapporteur. Vous avez tout à fait raison, la santé mentale est un enjeu majeur, qui doit être pris en compte dans les politiques de santé conduites au niveau local. Néanmoins, je considère que c’est déjà le cas : les actions tendant à mettre en œuvre le projet territorial de santé mentale font l’objet d’un contrat territorial de santé mentale conclu entre l’ARS et les acteurs du territoire. À l’instar du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales du Sénat, je pense qu’il faut laisser les collectivités se saisir de ce dispositif si elles ne l’ont pas encore fait. Je vous invite donc à retirer vos amendements.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je retire mon amendement.

M. Bernard Perrut. Je retire moi aussi mon amendement, mais à regret, car c’était l’occasion de manifester notre cohésion sur un sujet souvent évoqué par les différents groupes politiques et par notre commission, notamment dans ses rapports. La santé mentale nous concerne tous et c’est une priorité, mais cela n’apparaîtra pas dans le texte.

Les amendements sont retirés.

Amendement AS123 de M. Joël Aviragnet.

Mme Gisèle Biémouret. Par cet amendement, nous demandons que les contrats locaux de santé soient signés en priorité dans les déserts médicaux identifiés par l’ARS. Ce serait logique, car les contrats locaux de santé doivent en principe se concentrer sur les problèmes de santé propres à certains territoires. Or les difficultés d’accès aux soins accentuent les problèmes de santé.

M. le rapporteur. Le but des contrats locaux de santé est précisément de réduire les inégalités sociales et territoriales de santé et de mettre en œuvre les solutions appropriées. On ne peut que souscrire à vos propos, madame Biémouret, mais votre proposition n’a pas véritablement de portée normative. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement AS104 de M. Jean-Pierre Cubertafon.

Article 31 bis B (art. L. 5511-2-2 [nouveau] du code de la santé publique) : Modification des règles relatives à la création d’officines de pharmacie à Mayotte

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 bis B sans modification.

Article 31 bis (art. 199 quindecies, 199 sexvicies, 1391 B bis et 1414 B du code général des impôts et art. L. 6143-5 du code de la santé publique) : Suppression de la possibilité ouverte aux parlementaires de siéger au conseil de surveillance des établissements publics de santé

Amendements de suppression AS49 de Mme Jeanine Dubié, AS56 de M. Cyrille Isaac-Sibille, AS124 de M. Joël Aviragnet et AS157 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

Mme Jeanine Dubié. Dans le cadre de la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, nous avions adopté une disposition permettant aux parlementaires de participer avec voix consultative aux réunions du conseil de surveillance des établissements publics de santé situés dans leur circonscription ou leur département. Mon amendement vise à supprimer l’article 31 bis, qui revient sur cette avancée. Autrement dit, il s’agit de maintenir le droit en vigueur.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Stéphanie Rist, j’avais défendu l’amendement permettant cette représentation des parlementaires. Il importe de revenir sur la suppression envisagée par le Sénat. Je crois comprendre que M. le rapporteur pour avis y est favorable.

Mme Gisèle Biémouret. Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis, la santé est un domaine régalien : c’est l’État qui décide. Les députés votent le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), notamment le financement des hôpitaux. C’est pourquoi leur présence dans les conseils de surveillance est importante.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Pour avoir siégé il y a trois semaines dans le conseil de surveillance de l’hôpital de ma circonscription, j’ai pu mesurer à quel point la présence des parlementaires était appréciée par les directeurs d’hôpitaux. Il serait complètement ubuesque de revenir sur cette possibilité. Je souhaite moi aussi supprimer l’article 31 bis.

M. le rapporteur. Sur le fond, je suis bien évidemment favorable à la présence des parlementaires dans les conseils de surveillance des établissements publics de santé de leur territoire, d’autant que leur mode de désignation est relativement simple. Je suggère néanmoins le retrait de ces amendements de suppression au profit de l’amendement suivant, qui tend à supprimer uniquement le premier alinéa de l’article. En effet, l’alinéa 2, qui corrige des références au sein du code général des impôts, présente un intérêt.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS9 de M. Yannick Kerlogot.

M. Yannick Kerlogot. Il vise à supprimer le premier alinéa de l’article 31 bis. Agnès Firmin Le Bodo vient de l’indiquer, nous sommes déjà plusieurs députés à siéger de manière volontaire et avec voix consultative dans les conseils de surveillance des établissements publics de santé de nos territoires respectifs, ainsi que la loi Rist nous y a autorisés.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 bis modifié.

Article 32 (art. L. 1422-3, L. 1423-3 et L. 1424-2 [nouveaux] du code de la santé publique) : Participation des collectivités territoriales au financement du programme d’investissement des établissements de santé

Amendements de suppression AS22 de M. Pierre Dharréville et AS125 de M. Joël Aviragnet.

M. Pierre Dharréville. Nous sommes favorables à ce que les collectivités territoriales participent davantage à la définition du projet territorial de santé, mais refusons que l’on s’engage plus avant dans une logique de financement des établissements de santé par les collectivités ; le financement doit rester une prérogative nationale. Or l’article 32 va dans cette direction. Non seulement c’est tout à fait inutile, mais cela risque en outre d’être préjudiciable à l’égalité d’accès à la santé et de susciter une concurrence entre les territoires, laquelle n’est jamais, nous le savons, une bonne solution en matière de santé.

M. le rapporteur. Les établissements de santé sont financés par le budget de l’État. Il s’agit en l’espèce d’une participation financière volontaire des collectivités ; il n’y aura aucune obligation en la matière. En réalité, certaines collectivités concourent déjà au financement des établissements de santé, dans les Bouches-du-Rhône, dans le Nord, en Normandie ou ailleurs, et sont attachées à cette participation. Or elles sont dans une situation fragile, car certaines de leurs décisions pourraient être déférées au juge administratif et, in fine, annulées par le Conseil d’État. Il faut leur donner la possibilité d’apporter ces financements en toute sûreté. Je suis défavorable aux amendements de suppression.

M. Guillaume Chiche. L’article 32 vise à autoriser les communes et leurs groupements, les départements et les régions à concourir volontairement au financement des investissements des établissements de santé publics, mais aussi des établissements de santé privés d’intérêt collectif et privés. Dans nos territoires, notamment ruraux, qui souffrent de la désertification médicale, les collectivités font tout ce qu’elles peuvent pour favoriser l’implantation de professionnels, de structures et d’équipements de santé. Dès lors, si nous autorisons par la loi le financement de structures privées par les collectivités territoriales, celui-ci deviendra la norme. Compte tenu de la pénurie de structures et d’équipements, les collectivités vont se livrer concurrence, prendre part à un jeu vicié consistant à déployer force moyens pour attirer chez elles de nouveaux équipements. Une telle compétition entre les territoires, au bénéfice des acteurs privés, n’est ni logique ni rationnelle. C’est pourquoi je soutiens les amendements de suppression. S’ils ne sont pas adoptés, je soutiendrai les amendements qui visent à exclure les acteurs privés du champ d’application de l’article 32.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS180 de M. Didier Martin.

M. le rapporteur. Il vise à rétablir la rédaction initiale des alinéas 4, 7 et 10 de l’article 32 : les collectivités territoriales « peuvent participer au financement du programme d’investissement des établissements de santé ». Cette formulation garantit déjà le caractère facultatif de la participation financière. Je tiens à prévenir d’éventuelles erreurs d’interprétation : on doit comprendre qu’il s’agit d’une participation volontaire et facultative ; cette possibilité n’a pas vocation à susciter une attente systématique de la part de l’État pour le maintien de certains établissements.

M. Pierre Dharréville. Vous proposez de supprimer le terme « volontairement » introduit par le Sénat, tout en précisant qu’il s’agira bien d’une participation volontaire. Soit. Nous ne sommes pas là pour faire du style.

Reste que votre amendement tend à supprimer un autre membre de phrase, « en ce qui concerne les équipements médicaux », ce qui a sans doute davantage de portée : si je comprends bien, cela vise à élargir le champ de la participation financière.

M. le rapporteur. Vous êtes attentif, monsieur Dharréville, et j’aurais effectivement dû préciser ce point dans ma présentation de l’amendement. Le Sénat a limité le champ aux investissements dans les équipements médicaux. Or certaines collectivités souhaitent participer au financement d’investissements immobiliers, par exemple un centre de soins ou un centre de formation. Les établissements peuvent aussi faire appel à un cofinancement des collectivités pour la formation ou l’innovation, étant entendu que la démarche des collectivités doit toujours être volontaire.

M. Guillaume Chiche. Vous apportez des garanties concernant le caractère facultatif et volontaire de la participation financière des collectivités, mais je maintiens ma position : en situation de pénurie, les collectivités chercheront à être aussi attractives que possible, et les acteurs de santé, singulièrement les acteurs privés, poseront comme condition sine qua non à leur installation une participation des collectivités, sans quoi ils iront dans un autre territoire. Les élus locaux se démènent pour obtenir l’implantation de structures de santé dans leur territoire ; ils emploient tous les moyens possibles et imaginables – vous le savez d’autant mieux que vous êtes aussi, pour certains, des élus locaux. Donner aux collectivités la possibilité de concourir au financement des structures de santé, même sur une base volontaire et facultative, cela reviendra en réalité à les mettre dans l’obligation de cofinancer ces structures, singulièrement lorsqu’il s’agit d’entités privées. Or je ne pense pas que telle est la vocation des deniers publics.

M. Pierre Dharréville. C’est effectivement une modification assez substantielle : nous allons ouvrir grand la porte à la marchandisation de la santé. Auparavant, l’ARS jouait un rôle de prescription et de régulation pour l’implantation de certains équipements, rôle parfois critiquable d’ailleurs – il y a quelques années, dans ma circonscription, un équipement a été attribué non pas à l’hôpital public mais à une clinique privée voisine, ce qui était à mes yeux discutable. Désormais, comment les choses vont-elles fonctionner ? Va-t-on dire aux élus locaux que, s’ils veulent eux aussi tel ou tel équipement, ils n’ont qu’à le payer ? Est-ce là la manière dont on discutera du schéma d’organisation de la santé dans les territoires ? Cela mérite tout de même que l’on y regarde d’un peu plus près !

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS19 de M. Emmanuel Maquet et AS102 de M. Jean-René Cazeneuve tombent.

Amendements identiques AS24 de M. Pierre Dharréville et AS61 de M. Guillaume Chiche, amendement AS130 de M. Joël Aviragnet (discussion commune).

M. Pierre Dharréville. Les amendements identiques, évoqués par Guillaume Chiche, visent à limiter au service public le périmètre des interventions financières des collectivités territoriales. Ainsi, l’argent des collectivités ne servirait pas d’autres fins que la défense du service public de la santé.

M. Guillaume Chiche. Il s’agit effectivement des amendements que j’ai mentionnés précédemment.

M. Joël Aviragnet. L’amendement AS130 vise à restreindre la cible des concours financiers des collectivités territoriales aux établissements de santé publics et privés à but non lucratif – à l’exclusion, donc, des établissements de santé privés à but lucratif.

En l’état de l’article 32, une collectivité territoriale pourrait verser une contribution, donc de l’argent public, pour financer l’investissement d’un établissement de santé privé à but lucratif. Le risque serait à terme que ces établissements, en finançant une part croissante de leurs investissements grâce à des concours financiers publics, baissent leurs tarifs, ce qui accroîtrait la concurrence pour les établissements publics et privés à but non lucratif. Ce risque doit être écarté en interdisant le concours financier d’une collectivité territoriale à une opération d’investissement réalisée par un établissement de santé privé à but lucratif.

M. le rapporteur. Aux termes du code de la santé publique, les établissements de santé privés d’intérêt collectif et privés peuvent exercer des missions de proximité ; assurer le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes enceintes ; mener des actions de prévention et d’éducation à la santé ; délivrer des soins, le cas échéant palliatifs, avec ou sans hébergement, sous forme ambulatoire ou à domicile ; participer à la coordination des soins en relation avec les membres des professions de santé exerçant en pratique de ville et les établissements et services médico-sociaux ; participer à la formation, à l’enseignement universitaire et post-universitaire, à la recherche et à l’innovation en santé. Ces établissements peuvent être appelés à assurer, en tout ou partie, la permanence des soins.

À mon sens, il n’y a donc pas lieu de les exclure du champ d’application de l’article 32, dont l’objet est de conférer une base légale à la participation financière facultative et volontaire des collectivités au programme d’investissement des établissements de santé publics et privés. Je suis donc défavorable à ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS181 de M. Didier Martin.

M. le rapporteur. Il vise à revenir sur le principe de la spécialisation des investissements susceptibles d’être financés en partie par les départements et les régions, spécialisation établie au regard des compétences de ces deux catégories de collectivités.

La commission des affaires sociales du Sénat a jugé pertinent de limiter le champ d’action légitime de chaque catégorie de collectivités. À cette fin, elle a prévu que l’action des départements se concentrerait sur les établissements de proximité et que celle des régions, en cohérence avec leurs compétences en matière de recherche et de formation, privilégierait les établissements de rang régional ou national.

Cette spécialisation établie par les sénateurs ne me paraît pas souhaitable et ne repose sur aucun motif véritablement convaincant. Elle rigidifierait le dispositif et pourrait pénaliser certains établissements de santé. Il faut laisser aux collectivités la possibilité et la liberté d’investir et de cofinancer les établissements de toutes catégories. Je rappelle à titre d’exemple qu’un centre hospitalier universitaire (CHU) a également un rôle d’hôpital de proximité pour la population avoisinante.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS126 de M. Joël Aviragnet.

Mme Gisèle Biémouret. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à circonscrire les concours financiers versés aux établissements de santé par les départements aux projets d’investissement relevant d’une compétence pour laquelle le département est chef de file. Si cet amendement est adopté, les départements pourront investir uniquement dans des opérations ayant un lien avec l’action sociale, l’autonomie ou la solidarité dans les territoires.

M. le rapporteur. Cela rejoint la discussion précédente. Votre proposition ne va pas dans le sens de la liberté d’intervention des collectivités. Il me paraît tout à fait naturel et légitime que les collectivités et leurs groupements qui le souhaitent puissent participer au financement d’investissements des établissements de santé sans que l’on spécialise ou que l’on cible leur intervention en fonction d’éventuelles relations ou équivalences. Avis défavorable.

Mme Jeanine Dubié. On revient en partie sur la suppression de la clause de compétence générale des départements. On permet de nouveau aux collectivités locales d’intervenir pour l’exercice de compétences qui ne sont pas les leurs.

M. le rapporteur. Vous n’avez pas tort…

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS151 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Signé par les députés lyonnais, il vise à préciser que la métropole de Lyon peut elle aussi participer au financement du programme d’investissement des établissements de santé publics, privés d’intérêt collectif et privés. Le texte mentionne les « communes et leurs groupements ». Cela inclut-il la métropole de Lyon, collectivité nouvelle qui a remplacé la communauté urbaine de Lyon et, sur le territoire de celle-ci, le département du Rhône ? Si tel est le cas, je retirerai l’amendement.

M. le rapporteur. Vérification faite auprès du Gouvernement, la métropole de Lyon dispose des mêmes droits et est soumise aux mêmes obligations que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Elle est donc incluse dans le champ d’application de l’article 32. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je ne suis pas vraiment convaincu, car la métropole de Lyon est non pas une intercommunalité, mais une collectivité de plein exercice. Dans tous les textes, si la métropole de Lyon est concernée, on le précise.

M. le rapporteur. Nous avons interrogé le Gouvernement sur ce point très précis et, conformément à notre intuition de non-juristes, l’amendement est satisfait. Vous pouvez me faire confiance à cet égard.

L’amendement est retiré.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement AS127 de M. Joël Aviragnet.

Amendement AS128 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. C’est un amendement de repli, qui vise à garantir la participation, au conseil de surveillance de l’établissement de santé, des élus des collectivités territoriales ayant versé des concours financiers. En l’état de l’article 32, la collectivité financerait l’investissement mais ne siégerait pas au conseil de surveillance. Elle ne pourrait donc pas prendre part à la définition des orientations stratégiques de l’établissement, ni au suivi du bon emploi de ses concours financiers.

M. le rapporteur. Aux termes de l’article L. 6143-5 du code de la santé publique, siègent au conseil de surveillance des établissements de santé des représentants des collectivités territoriales, de leurs groupements ou de la métropole, désignés en leur sein par les organes délibérants, parmi lesquels figurent le maire de la commune siège de l’établissement principal et le président du conseil départemental. Pour les établissements de ressort régional et interrégional, le conseil de surveillance comprend un représentant du conseil régional siège de l’établissement principal. Il ne paraît ni nécessaire ni pertinent de modifier la composition du collège des représentants des collectivités territoriales. Si un membre supplémentaire devait être désigné, cela remettrait en cause l’équilibre des forces en présence, tel qu’il résulte de l’article précité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement AS129 de M. Joël Aviragnet.

Amendements AS131 de M. Joël Aviragnet et AS152 de M. Jean-Louis Touraine (discussion commune).

M. Joël Aviragnet. Aux termes de l’amendement AS131, le Gouvernement remettrait au Parlement un rapport d’information faisant le bilan de l’ensemble des concours financiers versés aux établissements de santé par les communes et leurs groupements, les départements et les régions et évaluant leur impact sur les inégalités d’accès aux soins et sur la qualité et la sécurité des soins. Dans un contexte de désertification médicale et de difficultés d’accès aux soins, un tel rapport serait opportun.

M. Jean-Louis Touraine. Par l’amendement AS152, je demande que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de quatre ans, un rapport d’évaluation du dispositif de participation des collectivités territoriales au financement des programmes d’investissement des établissements de santé. Il s’agit de vérifier qu’il contribue effectivement à l’amélioration de la situation dans les territoires, et ainsi de rassurer.

M. le rapporteur. Monsieur Aviragnet, je vous suggère de retirer votre amendement au profit de celui de M. Touraine, qui est sous-tendu par un objectif similaire mais rédigé dans des termes plus neutres.

M. Joël Aviragnet. L’important est qu’un tel rapport soit rédigé. Je retire mon amendement sans aucune difficulté.

L’amendement AS131 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS152.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 32 modifié.

 

 

 

La séance s’achève à minuit.

 

 

 

 


Information relative à la commission

 

La commission a nommé M. Sébastien Jumel rapporteur sur la proposition de loi pour une santé accessible à tous et contre la désertification médicale (n° 4589).


Présences en réunion

Réunion du mardi 16 novembre 2021 à 21 heures

 

Présents. – M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Gisèle Biémouret, M. Guillaume Chiche, M. Paul Christophe, Mme Josiane Corneloup, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Perrine Goulet, Mme Véronique Hammerer, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Monique Limon, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, M. Bernard Perrut, Mme Michèle Peyron, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Mireille Robert, Mme Valérie Six, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Isabelle Valentin, Mme Michèle de Vaucouleurs, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier

 

Excusés.  Mme Justine Benin, M. Jean-Carles Grelier, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Nadia Ramassamy, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, M. Boris Vallaud

 

Assistait également à la réunion. M. Yannick Kerlogot