Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  Examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022 (n° 4482) ; examen et vote sur les crédits des missions :

Justice et sur l’article 44, rattaché (M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial)  3

Sport, jeunesse et vie associative (M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial)  10

–  Présences en réunion...........................16

 


Mardi
19 octobre 2021

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 7

session ordinaire de 2021-2022

 

 

Présidence de

 

Mme Marie-Christine Dalloz,

Secrétaire

 

 

 


  1 

La commission examine la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022 (n° 4482) et vote sur les crédits des missions.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Chers collègues, sitôt achevé l’examen en séance publique de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2022, notre ordre du jour appelle le début de l’examen de la seconde partie.

Avant d’en venir aux articles non rattachés, que nous aborderons le mercredi 3 novembre et le jeudi 4 novembre, nous devons examiner l’ensemble des trente-quatre missions du budget général, des deux budgets annexes et des treize comptes d’affectation spéciale et comptes de concours financiers, en vue des séances publiques qui débuteront dès lundi prochain, et ce jusqu’au mardi 9 novembre.

Au seuil des dix réunions de la commission des finances qui sont programmées jusqu’au vendredi 22 octobre après-midi, il est nécessaire de rappeler le contexte et les principes d’organisation de l’examen des crédits du PLF pour 2022.

Les commissions saisies pour avis se réunissent avant ou après notre commission, ce qui ne pose pas de problème dans la mesure où, pour le projet de loi de finances, c’est le texte du Gouvernement qui est examiné en séance publique et non de celui de la commission. Les commissions pour avis ont déjà auditionné les ministres ou le feront dans les prochains jours. Notre commission réservera bien sûr le meilleur accueil aux rapporteurs pour avis. Cela vaudra particulièrement dans le cas où les commissions pour avis se seront réunies avant la commission des finances, les amendements éventuellement adoptés par ces commissions sur les crédits ou les articles rattachés pouvant alors être présentés et défendus par les rapporteurs pour avis.

La discussion en commission des finances sera structurée autour des unités de vote de la discussion budgétaire que sont les différentes missions du budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux.

La parole sera donnée aux rapporteurs spéciaux, pour un propos liminaire d’une durée maximale de cinq minutes. En cas de binôme, si les deux rapporteurs souhaitent intervenir à ce stade, ils devront se partager ce temps de parole. Les rapporteurs pour avis, s’ils le souhaitent, pourront compléter ces interventions, à raison de deux minutes chacun.

Nous en viendrons ensuite aux crédits des différentes missions, avec l’examen d’éventuels amendements s’y rapportant.

Le rapporteur spécial donnera son avis sur les crédits, puis les groupes pourront intervenir pour une explication de vote. À raison de neuf groupes et quarante-neuf votes à émettre, il faudra que chacun adapte la durée de son intervention en fonction du déroulement de nos réunions. Ce qui aura été dit lors de la discussion des amendements permettra aussi à l’orateur du groupe d’être plus concis au moment de l’explication du vote.

Il nous restera alors à examiner d’éventuels articles rattachés ou amendements portant article additionnel rattaché.

Par ailleurs, il peut arriver que certains amendements que vous avez conçus comme visant à créer des articles additionnels rattachés à une mission aient été jugés comme des dispositions devant trouver leur place parmi les articles non rattachés. Il ne faut pas, dans ce cas, vous étonner que ces amendements ne soient pas appelés dans le cadre de l’examen des missions. Comme les années antérieures, leur examen interviendra lors de celui des articles non rattachés.

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La commission procède d’abord à l’examen des crédits de la mission Justice et de l’article 44 rattaché (M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial).

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. En 2022, la mission Justice bénéficiera de 12,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 10,7 milliards d’euros en crédits de paiement. Le projet de loi de finances respecte la trajectoire budgétaire prévue dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

S’agissant des effectifs du ministère de la justice, le projet de budget prévoit la création de 1 200 emplois supplémentaires, dont 720 en 2022 et 500 recrutements par anticipation fin 2021.

Ce projet de budget est positif, et l’on ne peut que s’en féliciter. La communication du Gouvernement est bien rodée : la trajectoire est respectée, et même plus que respectée, nous dit-il. Tous les signaux seraient donc au vert. Il ne resterait plus qu’à applaudir et à répéter que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

La réalité est un peu plus contrastée. Les crédits budgétaires ne font pas tout. Certes, le plein de carburant a été fait, le réservoir de l’avion se remplit, mais, pour opérer, un avion doit avoir un pilote poursuivant de véritables objectifs. En l’occurrence, beaucoup de choses restent largement perfectibles.

Concernant la justice judiciaire, les frais de justice, par exemple, s’élèveront à 648 millions d’euros en 2022, soit 150 millions d’euros de plus qu’en 2017. En outre, l’exécution est systématiquement supérieure à la prévision. Le ministère est-il donc capable de prévoir ? Y a-t-il un pilote dans l’avion ?

Concernant les délais de jugement, le bleu budgétaire laisse entrevoir, une fois n’est pas coutume, une amélioration, mais uniquement pour les procédures pénales. Des efforts importants restent à faire pour les procédures civiles. Le nombre de dossiers en instance devant les juridictions dépasse 1,1 million. De la même manière, de nombreux indicateurs sont supérieurs à leur niveau de 2019. Autrement dit, la situation a continué à se dégrader alors que les moyens ont augmenté. Quant aux greffes, le taux de vacance reste de 6 %, toutes catégories confondues, soit 1 335 postes vacants, dont 661 greffiers. Contrairement à ce qu’on essaye de nous faire croire, la situation demeure donc très tendue dans les tribunaux.

S’agissant de l’administration pénitentiaire, l’augmentation de la population carcérale depuis un an est préoccupante : on compte entre 200 et 300 détenus supplémentaires chaque mois. Le niveau record de 2019 sera bientôt atteint. Or rien n’est prêt pour réduire la surpopulation carcérale. J’alerte sur les retards du plan pénitentiaire depuis plusieurs années. Désormais, nous y sommes : le Gouvernement a officialisé le décalage des livraisons. Les 7 000 premières places, annoncées pour 2022, ne seront prêtes au mieux qu’en 2023 ou 2024 ; quant aux 8 000 autres places prévues pour 2027, on parle désormais de 2029. Or ces 15 000 places étaient annoncées par le président Macron pour le courant du quinquennat. Certes les crédits augmentent, mais encore faut-il piloter les investissements. Dans ces conditions, comment espérer une amélioration des conditions de détention ? Quant aux effectifs de l’administration pénitentiaire, il est vrai qu’ils progressent, mais il reste 1 300 postes vacants. Là aussi les choses peuvent donc être améliorées.

Concernant la transformation numérique du ministère de la justice, les crédits sont là mais les retards s’accumulent, et les outils de suivi et de pilotage sont bien trop faibles. La chancellerie n’a toujours pas de schéma directeur permettant d’indiquer l’état de l’exécution des crédits et l’avancement réel des projets, sans lequel l’accélération annoncée ne pourra tout simplement pas avoir lieu.

Enfin, concernant l’aide juridictionnelle, l’article 44 du projet de loi de finances prévoit une nouvelle augmentation de la rétribution des avocats. C’est tout simplement celle que M. le garde des Sceaux nous avait refusée l’année dernière. Nous avions, avec plusieurs d’entre vous, présenté des amendements allant dans ce sens à la suite des préconisations de la mission Perben. Nous avons eu raison un an trop tôt… Espérons que cela éclaire les débats que nous aurons en séance.

Vous l’aurez compris, il y a, d’un côté, de grandes annonces médiatiques de la part du Gouvernement et, de l’autre, un quotidien des justiciables et des personnels de justice qui peine à s’améliorer. Désormais, il faut des évolutions concrètes. Il y a du carburant dans l’avion, mais pas de pilote. Le diagnostic est sévère ; je vous propose donc de voter contre ce budget.

Article 20 et état B : Crédits du budget général

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette successivement les amendements II-CF291, II-CF299, II-CF294 et II-CF324 de M. Ugo Bernalicis.

Amendement II-CF369 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Luxembourg Leaks, Swiss Leaks, Football Leaks, Bahamas Leaks, Panama Papers, Pandora Papers : à chaque année son scandale d’évasion fiscale mêlant monarchies, hommes d’affaires, politiciens, grandes entreprises. Il est temps de se donner les moyens de lutter efficacement contre ce fléau propre à une élite détachée de la réalité.

L’objectif en lui-même fait consensus dans les différentes familles politiques. Par ailleurs, plusieurs rapports – notamment celui de la Cour des comptes et celui que Pierre Cordier et moi-même avions remis en 2019 – ont montré que les effectifs affectés à cette tâche, notamment ceux de la police financière, étaient trop faibles. Nous proposons donc d’augmenter le nombre de magistrats financiers, policiers, gendarmes et douaniers spécialisés. Lutter contre la délinquance financière est extrêmement complexe et chronophage. Cela nécessite une assistance internationale qui peut prendre beaucoup de temps.

L’amendement vise à créer un pôle de lutte contre la délinquance économique, financière et fiscale. Certes, des regroupements ont déjà été opérés, en particulier au sein de la police, mais il s’agirait ici d’une nouvelle entité dépendant du ministère de la justice. Cela permettrait d’envoyer un signal politique montrant que nous souhaitons accroître la lutte dans ce domaine et renforcer les sanctions pénales.

Le budget de la justice est en augmentation ; nous ne pouvons que nous en féliciter, car c’est ce que nous demandions année après année. Mais nous souhaitons que la justice économique et financière ne soit pas oubliée.

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Je vous rejoins en partie. Toutefois, les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), créées en 2004, regroupent déjà des magistrats du parquet et de l’instruction possédant une expérience en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière, qui bénéficient du soutien d’assistants spécialisés des douanes et des impôts et qui utilisent des moyens d’enquête innovants. Il est vrai que l’on peut s’interroger sur l’efficacité des JIRS et sur les moyens qui leur sont affectés. Cela dit, il vaudrait mieux les armer davantage plutôt que d’empiler les structures. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CF369.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette successivement les amendements II-CF333, II-CF305 et II-CF311 de M. Ugo Bernalicis.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis favorable à l’adoption des crédits de la mission Justice.

Tout en remerciant M. le rapporteur spécial pour son travail, je souhaiterais préciser – voire contrebalancer – certains de ses propos.

Il convient tout d’abord de se féliciter non seulement du respect de la trajectoire de la loi de programmation, mais même de son dépassement, car le fait est suffisamment rare pour être noté. Ce dépassement s’explique par le lancement des états généraux de la justice, ouverts hier par le Président de la République. Le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes fait apparaître des besoins supérieurs à ceux qui avaient été prévus au moment du vote de la loi de programmation ; dès lors, il est heureux que la majorité vote leur renforcement.

Y a-t-il un pilote à bord ? La réponse est oui. La vraie question est de savoir si, avec ces nouveaux moyens, la justice pourra répondre aux besoins de nos concitoyens.

Les délais de jugement se sont améliorés en matière pénale, grâce notamment à des recrutements opérés pour renforcer la justice de proximité. Il convient de s’en féliciter, loin de tout esprit de polémique. S’agissant de la justice civile, il est vrai que le stock d’affaires en instance demeure élevé, mais là aussi les moyens mis en œuvre doivent permettre d’y remédier.

En ce qui concerne le plan de transformation numérique, les enjeux sont là encore l’investissement et le pilotage ; vous avez raison de le souligner, monsieur le rapporteur spécial. Mais les investissements sont bien au rendez-vous. L’année 2022 doit ainsi permettre le déploiement de PORTALIS, de la procédure pénale numérique et de la deuxième version du logiciel de Chaîne applicative supportant le système d’information orienté procédure pénale et enfants (CASSIOPEE) dans les cours d’appel. Il faudra toutefois se donner rendez-vous dès le prochain Printemps de l’évaluation pour voir si cette transformation numérique suit le rythme attendu. Il appartiendra également au rapporteur spécial de la prochaine législature de se saisir de la question.

Là où se pose effectivement la question du rythme de l’investissement et du déploiement, c’est à propos du plan pénitentiaire. Quand il s’agit de construire des prisons, la réaction est toujours la même. Les gens disent : « Il en faut, mais pas chez moi. » Ainsi, dans ma circonscription, j’ai accompagné des maires Les Républicains qui ne souhaitaient pas – et à très juste titre, car la situation locale ne s’y prêtait pas – la construction d’une structure d’accompagnement à la sortie (SAS) et d’une maison d’arrêt. Je vous renvoie donc la question, monsieur le rapporteur spécial : comment accélérer le plan pénitentiaire une fois que nous y avons consacré les moyens nécessaires ?

Dans notre rapport relatif à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), Jean-Luc Warsmann et moi-même avions préconisé la rebudgétisation de l’organisme et sa transformation en un opérateur du ministère de la justice, ce qui est chose faite depuis le début de l’année 2021. Avez-vous pu étudier l’évolution du budget de cette agence en 2022 ? Ses moyens sont-ils à la hauteur de ses ambitions et de ses objectifs ?

Mme Bénédicte Peyrol (LaREM). Ce budget s’inscrit dans un contexte particulier : le Président de la République a ouvert hier les états généraux de la justice.

Tout en reconnaissant les aspects positifs du budget de la justice, notamment son augmentation, M. le rapporteur spécial a critiqué le discours du Gouvernement, qu’il jugeait trop optimiste. Or l’ouverture des états généraux traduit beaucoup d’humilité : cette initiative est une manière de reconnaître qu’il reste du chemin à parcourir, notamment dans la mise en œuvre des réformes entreprises, et que tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes – car nous ne sommes pas candides à ce point. L’objectif des états généraux est précisément de restaurer le pacte entre les citoyens, la nation et la justice, et de garantir l’efficacité du service public de la justice.

À cet égard, le chemin est long. La mise en œuvre des mesures que nous votons pose parfois problème, et nos concitoyens ont du mal à la percevoir. Je souhaite donc apporter mon témoignage de députée de l’Allier : une cité judiciaire va voir le jour à Cusset grâce à la loi de programmation pour la justice. Certes, cela prend du temps – la première pierre n’a pas encore été posée –, mais le projet est bel et bien lancé. En outre, nous sommes cohérents dans notre action : le plan de relance viendra financer la dépollution de friches, accompagnant ainsi la concrétisation de ce projet de cité judiciaire et des autres. Des comités de pilotage ont été installés. Je puis vous dire que les maires Les Républicains de Cusset, de Vichy et de Bellerive-sur-Allier sont ravis de voir arriver dans leur bassin de vie une cité judiciaire qui va changer l’existence des habitants.

Ce budget témoigne du fait qu’en quatre ans, nous avons agi. Le groupe La République en marche votera ces crédits, tout en sachant qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir – car, encore une fois, nous faisons preuve d’une grande humilité.

M. Patrick Hetzel (LR). Nous sommes un peu surpris du lancement des états généraux de la justice, six mois avant une échéance présidentielle et alors que nous avons déjà débattu de trois lois. Cela témoigne d’un certain nombre d’errements.

Les difficultés de la justice sont évidemment dues à un manque structurel de moyens. Malheureusement, ce quinquennat, malgré un léger effort, n’aura pas encore été celui qui aura permis à la justice de se redresser. Les grandes annonces médiatiques ne permettent en rien d’améliorer le quotidien des justiciables et des personnels de la justice. Le Gouvernement a beau scander des chiffres, la réalité est tout autre : les recrutements concernent des emplois précaires, l’essentiel du budget est dédié à l’administration pénitentiaire mais sans que les places supplémentaires promises aient été construites, et il y a toujours trop peu de magistrats. Sur le papier, les réformes menées par le Gouvernement sont importantes, mais sans moyens – notamment humains – pour les accompagner, il paraît évident qu’elles n’atteindront pas leurs objectifs.

Les points de vigilance sont nombreux : la mise en œuvre de la réforme de la justice pénale des mineurs pose question, la surpopulation carcérale augmente de nouveau de façon alarmante, la justice civile voit se constituer des stocks de dossiers de plus en plus importants et les délais de traitement s’accroissent. Tous ces éléments font de la justice la grande oubliée du quinquennat. Nos concitoyens s’interrogent d’ailleurs à ce propos. Le maillage territorial de l’accès au droit via les nouvelles maisons France services est largement insuffisant.

Il y a donc un décalage important entre le discours gouvernemental et la réalité que vivent les personnels du ministère de la justice et les justiciables. C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas ce budget.

M. Christophe Jerretie (Dem). Les observations de M. le rapporteur spécial se sont concentrées sur le respect de la loi de programmation. Or, comme l’a souligné M. le rapporteur général, nous lui conférons un supplément d’âme : l’augmentation sera de 33 % au total entre 2018 et 2022, au lieu des 24 % prévus à l’origine. Cette année, le budget augmente de 8 %, ce qui n’a rien d’anodin. Au cours de la législature, 7 400 emplois ont été créés, dont 720 en 2022, ce qui est remarquable. Cet effort, certes nécessaire, était quasiment inespéré.

Comme Bénédicte Peyrol, j’ai constaté une évolution sur le terrain : les tribunaux, par exemple, se sont remplis, notamment en raison du recrutement de greffiers supplémentaires. L’argent a donc bel et bien été distribué sur le terrain, et les dispositions votées ont été mises en œuvre.

S’il est vrai que le plan pénitentiaire enregistre du retard, le travail du personnel pénitentiaire, qui est difficile, a été revalorisé à hauteur de 22 millions d’euros.

Le groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés votera ces crédits.

Mme Claudia Rouaux (SOC). En matière de budget de la justice, la France comble lentement son retard sur ses voisins. Dans ce contexte, nous ne pouvons que nous satisfaire de l’augmentation de 8 % du budget de la justice, qui voit son enveloppe augmenter de façon substantielle pour la deuxième année consécutive. Pour cette raison, notre groupe votera ce budget.

Toutefois, des inquiétudes demeurent. Les violences intrafamiliales sont en train de devenir le premier motif d’intervention des forces de l’ordre, avec environ quarante-cinq interventions par heure. En dépit des efforts qu’elle a accomplis, la France reste en deçà de certains de ses voisins européens. Elle dépense trois fois moins pour protéger les femmes que l’Espagne – environ 5 euros par habitant en France contre 16 euros en Espagne. Les crédits restent insuffisants compte tenu de l’ampleur prise par les violences intrafamiliales depuis le début de la crise sanitaire.

Le délai moyen de traitement des procédures en matière criminelle stagne à quarante et un mois en 2020. Le constat est le même s’agissant des procédures civiles : le délai moyen devant la Cour de cassation est de dix-sept mois en 2020, alors qu’il aurait dû être limité à quinze mois et demi. En matière civile, l’objectif est de réduire les stocks de dossiers et d’améliorer les délais de traitement. Comment le Gouvernement compte-t-il faire concrètement, sachant que sur les 720 emplois équivalent temps plein (ETP) qui seront créés, seuls 40 le seront dans les services judiciaires pour renforcer l’équipe autour du magistrat et résorber la vacance d’emploi dans les greffes ?

Enfin, il est indispensable d’augmenter le plafond pour l’aide juridictionnelle, actuellement inférieur au SMIC, car c’est un véritable frein à l’égalité d’accès à la justice.

Mme Patricia Lemoine (Agir ens). Le groupe Agir ensemble salue l’augmentation globale de près de 8 % des crédits de paiement alloués à la mission Justice. Qu’il s’agisse de l’investissement informatique, de l’accès au droit et à l’aide juridictionnelle ou encore de l’administration pénitentiaire, tous les budgets sont en hausse.

La justice de proximité et le recours massif aux mesures alternatives sont des priorités pour lutter efficacement contre la délinquance au plus près des victimes. À ce titre, nous tenons à saluer le travail exceptionnel de l’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle (ATIGIP) pour faciliter le développement du travail d’intérêt général et du travail non rémunéré. L’extension de TIG360° et d’IPRO360° est un progrès considérable pour la justice du XXIe siècle.

En parallèle, pour tenir compte de la spécificité des territoires, la tenue d’audiences à juge unique sera favorisée, notamment par des audiences « foraines » dans les tribunaux de proximité. Le développement de ce type d’audiences va dans le bon sens.

Enfin, nous tenons à souligner l’accélération du plan de construction de 15 000 places de prison supplémentaires d’ici 2027, qui se traduit notamment par une augmentation de 14 % des crédits immobiliers pénitentiaires. Encore faut-il que des collectivités acceptent d’accueillir des prisons sur leur territoire !

Nous émettons une réserve concernant la hausse du nombre de postes, qui est limitée. Le projet de loi de finances ne prévoit en effet que cinquante magistrats, cinquante personnels d’encadrement et quarante-sept greffiers supplémentaires : c’est insuffisant au regard des besoins dans les tribunaux. Néanmoins, le groupe Agir ensemble votera les crédits de la mission.

M. Michel Castellani (LT). Je salue, au nom de mon groupe, la hausse significative du budget de la justice. Elle est bienvenue car les professionnels de la justice sont débordés, les délais de traitement des affaires sont beaucoup trop longs et les prisons font face à une surpopulation catastrophique.

S’il reste en deçà de la moyenne des pays de l’OCDE, ce budget comporte néanmoins plusieurs aspects positifs. Nous saluons en particulier la hausse des crédits dédiés à l’aide juridictionnelle, qui permet de faire face au relèvement de l’unité de valeur calculant la rétribution de l’avocat.

Nous sommes plus mesurés concernant les principales dépenses de ce budget, consacrées au plan de construction de 15 000 places de prison. La surpopulation carcérale reste un problème majeur. Nous aurions peut-être dû nous saisir de la baisse conjoncturelle liée à la crise sanitaire pour la restreindre structurellement en remodelant la politique carcérale. Ainsi, les peines alternatives doivent être davantage encouragées, par exemple le travail d’intérêt général, qui ne concerne pour l’instant que 7 % des peines prononcées. Je rappelle en outre l’absolue nécessité de rapprocher les détenus de leur famille afin d’éviter à tous une injuste double peine.

Enfin, les délais de traitement des affaires demeurent trop longs. Notre groupe ne peut qu’espérer que les récentes annonces du Président de la République lors des états généraux de la justice apporteront une solution. Mais force est de constater que la réforme n’aura pas de traduction budgétaire en 2022, ce qui est regrettable.

M. Ugo Bernalicis (LFI). « Budget historique », « hausse de 8 % deux années de suite »... Tout d’abord, l’année dernière, la hausse n’était que de 6,8 % : vous pouvez faire tous les arrondis qui vous arrangent, il est certain que ces hausses sont nécessaires – c’est même le minimum syndical ! Même avec ces deux hausses successives, la France dépense toujours moitié moins par habitant que l’Allemagne. Le fossé à combler est tellement énorme qu’à ce rythme, il faudrait 100 ans pour arriver au même niveau que nos voisins allemands. Or nous n’avons pas 100 ans pour régler le problème.

Le garde des Sceaux nous explique qu’il est très fier d’avoir obtenu une hausse de 8 % – pourquoi pas ? Mais quand il prétend ensuite que, grâce à ces 8 %, tout est réglé, que nous sommes à l’effectif cible et que la justice a les moyens de fonctionner, on croit rêver ! On ne vit pas dans le même monde judiciaire ! Les délais de traitement des dossiers, notamment en matière civile, sont proprement scandaleux, et c’est mépriser l’institution judiciaire que de prétendre y remédier avec des contractuels à qui l’on promet un renouvellement – éventuel – au bout de trois ans.

S’il y avait un peu plus de modestie dans l’expression de la majorité et du Gouvernement, nous pourrions éventuellement trouver cela intéressant. Toutefois, l’essentiel de la hausse est consacré à la création de places de prison supplémentaires, dont nous ne voulons pas parce que nous estimons que l’enfermement n’est pas la solution à tous les maux et constitue même le principal facteur de récidive. Cette hausse de budget aurait plus utilement financé des mesures qui sont si souvent plébiscitées, comme les mesures probatoires ou le travail d’intérêt général. Le compte n’y étant pas, nous ne voterons évidemment pas ce budget de la justice.

M. Jean-Paul Dufrègne (GDR). La publication, le 22 octobre 2020, du dernier rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) confirme la situation critique de la justice française, du point de vue budgétaire comme de ses moyens humains. En dépit d’une hausse continue depuis 2012, les efforts budgétaires sont insuffisants pour sortir la justice de la pénurie dans laquelle elle est plongée. Comme le souligne, l’ancien président du groupe de travail sur l’évaluation des systèmes judiciaires de la CEPEJ, Jean-Paul Jean, les budgets de la justice progressent régulièrement mais le retard historique est structurel.

Surtout, cette augmentation continue reste négligeable au regard de la richesse de notre pays : la France ne consacre que 0,2 % de son PIB au système judiciaire, contre 0,29 % au Pays-Bas ou 0,32 % en Allemagne. La France y consacre 69,50 euros par habitant, contre 130 euros pour l’Allemagne. Nous voterons contre ce budget.

Enfin, je souhaite indiquer à ma collègue de l’Allier, Bénédicte Peyrol, que la cité judiciaire à laquelle elle a fait allusion ne doit pas se faire au détriment des deux autres pôles judiciaires du département, notamment Moulins ! Il faut de la complémentarité et non de la concurrence.

Mme Émilie Cariou. Je salue la hausse du budget affecté au ministère de la justice, même si notre retard était tellement important que cela ne peut être qu’un début.

Je tiens à alerter sur les violences intrafamiliales. Des référents ont certes été déployés dans les départements mais dans ma circonscription, par exemple, il n’y a qu’un seul référent : je ne vois pas comment on peut régler des problèmes avec une seule personne, qui de plus n’est ni magistrat ni procureur.

La lenteur de la justice civile cause un réel préjudice aux justiciables et provoque des ralentissements à la chaîne dans la vie économique. Il faut donc s’attaquer à ce véritable problème.

Enfin, je regrette le rejet sec du rapporteur général concernant la hausse du budget affecté à la lutte contre la fraude financière, car cette justice-là rapporte beaucoup au budget de l’État. Le parquet national financier a ainsi prononcé une amende d’un milliard d’euros contre Google. Cela mériterait d’être examiné un peu plus en détail.

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Monsieur le rapporteur général, vous avez évoqué la difficulté de trouver des lieux d’implantation pour les prisons. J’ai eu l’occasion d’indiquer au garde des Sceaux que, dans ma circonscription, un centre de détention pouvait être agrandi et qu’un centre éducatif fermé pouvait être implanté. Or rien n’a été fait, alors que tous les élus y étaient favorables. Je peux vous trouver un certain nombre d’endroits où les élus sont également favorables à une telle implantation.

À partir de 2022, le budget de l’AGRASC, qui relevait précédemment du programme 166 Justice judiciaire, migrera vers le programme 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice. L’AGRASC est traditionnellement financée par les intérêts perçus sur le stock des avoirs confisqués et saisis, ainsi que par une fraction des produits des avoirs confisqués, dont le montant est plafonné à 1,3 million d’euros. Toutefois, la réalisation par l’agence de ses objectifs d’accélération du traitement des avoirs criminels saisis conduit mécaniquement à réduire le montant des intérêts perçus sur ces avoirs, et donc à diminuer les ressources de l’opérateur. En conséquence, à compter de 2022, les intérêts perçus sur le stock des avoirs saisis sont réaffectés à l’État et, en compensation des bonnes performances de l’agence, le plafond de la fraction du produit des avoirs revenant à l’agence est relevé à 9,9 millions d’euros. En outre, l’agence recevra une subvention pour charges de service public du programme 310 à hauteur de 8,9 millions d’euros en 2022. Comme en 2021, le plafond d’emplois de l’opérateur reste fixé à 45 ETP.

La commission adopte les crédits de la mission Justice non modifiés.

Article 44 : Revalorisation de l’aide juridictionnelle

La commission adopte l’article 44 non modifié.

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Elle examine ensuite les crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative (M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial).

M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Nous nous réunissons ce soir pour discuter du dernier budget du sport, de la jeunesse et de la vie associative de cette législature. Cette mission comprend trois programmes : le programme 219 Sport, le programme 163 Jeunesse et vie associative et le programme 350 Jeux olympiques et paralympiques 2024.

Avec 1,48 milliard d’euros, les autorisations d’engagement augmentent de 0,3 %, tandis que les crédits de paiement s’élèvent à 1,65 milliard d’euros, en hausse de 18,81 %. Cette hausse importante ne masque pas de mouvements contraires puisque les crédits de paiement des trois programmes sont concernés.

Près de 550 millions de crédits de paiement sont proposés pour le programme 219, soit 27 % de plus qu’en 2021. Ce sont 120,5 millions supplémentaires qui serviront principalement à financer le dispositif du Pass’sport, annoncé en mars dernier par le Président de la République et appliqué à la rentrée 2021. Cette allocation de 50 euros, qui s’adresse aux jeunes de 6 à 17 ans sous condition de ressource, est déjà un réel succès : 600 000 jeunes en ont bénéficié à la mi-octobre, un chiffre qui doit encore augmenter, le dispositif restant ouvert pour plusieurs semaines encore. Le niveau des licences en 2021 s’établit presque au niveau d’avant crise, avec une baisse limitée à 4,5 % par rapport à 2019.

La reprise d’une activité sportive est absolument nécessaire en cette période de sortie de crise, raison pour laquelle je me réjouis que le Pass’sport bénéficie, comme en loi de finances rectificative pour 2021, de 100 millions dans le budget de 2022. Les crédits supplémentaires serviront également au sport-santé et à l’intégrité dans le sport.

Ce sont 4,2 millions d’euros, soit un demi-million de plus qu’en 2021, qui permettront de poursuivre le déploiement de la stratégie sport-santé. À ce jour, 288 maisons sport-santé ont déjà été labellisées et 150 doivent l’être d’ici à la fin de l’année, l’objectif étant d’en avoir 500 en 2022. Enfin, 800 000 euros de plus sont destinés à la lutte contre les incivilités dans le sport.

L’Agence nationale du sport (ANS) voit aussi ses dotations budgétaires augmenter : 40 millions d’euros pour le sport pour tous et près de 90 millions au titre de la haute performance et du haut niveau, dans la perspective des Jeux olympiques de 2024, lui sont octroyés dans ce budget. Outre les crédits budgétaires, les plafonds des taxes affectées à l’agence sont maintenus à leur niveau de l’année passée – niveau qui avait été augmenté de 30 millions pour la taxe Buffet. Afin de traduire en loi de finances la création de 5 000 équipements sportifs de proximité annoncée par le Président de la République, un amendement sera déposé et, je l’espère, adopté en séance publique.

Près de 300 millions d’euros de crédits de paiement sont proposés sur le programme 350 Jeux olympiques et paralympiques. La société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) bénéficie d’une hausse de 37 millions d’euros de ses crédits pour poursuivre sa mission. L’État inscrit par ailleurs dans ce budget la première tranche de la contribution qu’il doit verser au comité d’organisation des Jeux olympiques (COJO), qui s’élève à 25 millions d’euros.

Le programme 163 Jeunesse et vie associative, enfin, est doté de plus de 772 millions, ce qui représente une hausse de 79 millions. Ces crédits supplémentaires permettront de financer le développement du service national universel (SNU), auquel 110 millions sont octroyés cette année. Après une année blanche en 2020 en raison de la crise sanitaire, ce budget vient confirmer la reprise du SNU, l’objectif étant d’accueillir 50 000 jeunes en 2022. Par ailleurs, 27 millions d’euros permettront de financer le nouveau dispositif du plan « 1 jeune, 1 solution », intitulé « 1 jeune, 1 mentor », destiné au développement du mentorat dans le parcours scolaire, le choix d’orientation et l’insertion professionnelle.

Je me réjouis également que le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), qui a été plébiscité au plus fort de la crise, soit cette année abondé à hauteur de 50,5 millions. Outre les 33 millions de crédits budgétaires, le fléchage des sommes sur les comptes en déshérence rapportera en effet 17,5 millions en 2022 – en vertu d’un amendement que nous avions voté il y a deux ans.

Enfin, près de 500 millions d’euros sont destinés au service civique, qui bénéficiera également de crédits du plan de relance. Comme en 2021, 200 000 jeunes volontaires devraient ainsi être accueillis en 2022.

Je vous propose donc, chers collègues, d’adopter les crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative.

Article 20 et état B : Crédits du budget général

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’an dernier, nombreux sont ceux qui s’inquiétaient de ce que l’ANS ne soit financée que par l’État. Qu’en est-il à présent ?

Bien que le montant des taxes affectées à l’ANS reste stable en 2022, le rendement de la taxe Buffet annoncé dans les voies et moyens n’est que de 40 millions d’euros, contre 74,1 millions l’an passé : pouvez-vous expliquer ce différentiel ?

Pouvez-vous nous donner votre avis sur le Pass’sport et sur sa reconduction en 2022, ainsi que sur les vacances apprenantes ?

Enfin, les travaux menés par la SOLIDEO ont-ils pris du retard du fait de la pandémie ou de la pénurie actuelle de matières premières ?

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Dans nos territoires, de nombreuses associations sportives, notamment celles qui associent sport et handicap, ont beaucoup de mal à obtenir des financements de l’ANS. C’est difficile à comprendre, quand on voit les crédits qui lui sont affectés. Je m’interroge par ailleurs sur le rendement de la taxe Buffet : je crains que les montants fléchés ne soient pas au rendez-vous. Sur le terrain, on a le sentiment que l’ANS ne fonctionne pas correctement.

Mme Bénédicte Peyrol (LaREM). Pour faire gagner du temps à tous, et parce que le rapporteur spécial fait partie du groupe La République en marche, je passe mon tour.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. On peut considérer que je me suis, moi aussi, exprimée au nom du groupe Les Républicains.

M. Christophe Jerretie (Dem). Les crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative témoignent d’un effort en faveur du monde associatif, du monde sportif et du monde du bénévolat. C’est un vrai engagement sociétal, qui est essentiel à la cohésion des territoires. Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés votera évidemment ces crédits. J’en profite pour saluer la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement, Mme Sarah El Haïry, qui met tout en œuvre pour faire vivre le monde associatif et le monde de la jeunesse.

Monsieur le rapporteur spécial, avez-vous une idée de ce que coûteront les 5 000 équipements sportifs de proximité ? Par ailleurs, que savez-vous du déploiement territorial du FDVA ?

Mme Claudia Rouaux (SOC). Vous nous présentez un budget en hausse de 0,3 %, mais cette hausse est essentiellement due à la mise en place du Pass’sport, qui s’avère décevante, à la montée en puissance du SNU, que nous contestons, et aux dépenses de la SOLIDEO.

Nous observons par ailleurs des failles dans le programme Sport. La sédentarité des jeunes constitue un enjeu majeur de santé publique, surtout après des mois de confinement. En 2017, la fédération française de cardiologie indiquait déjà qu’en quarante ans, les jeunes de 9 à 16 ans avaient perdu en moyenne 25 % de leurs capacités physiques. Dans leur rapport d’information sur l’évaluation des politiques de prévention en santé publique, Régis Juanico et Marie Tamarelle-Verhaeghe disent de la sédentarité qu’elle est une « bombe à retardement sanitaire ». Ils montrent que deux tiers des jeunes âgés de 11 à 17 ans sont dans une situation préoccupante, avec plus de deux heures de temps d’écran et moins de vingt minutes d’activité physique par jour. Dans ce contexte particulier, le retour au sport est un enjeu majeur pour la santé des jeunes et de tous les Français et nous regrettons que des crédits supplémentaires ne soient pas prévus pour les clubs et les équipements sportifs locaux, afin de promouvoir le sport jusque dans les territoires.

Notre groupe demandait le Pass’sport de longue date ; nous ne pouvons donc que nous réjouir de son introduction. Toutefois, les premiers chiffres font état d’une faible consommation du dispositif, avec 25 millions consommés sur les 100 millions investis. Le Pass’sport, sous-utilisé, doit être réaménagé.

La vie associative, enfin, a été durement touchée par la crise sanitaire : le 1,5 million d’associations purement bénévoles n’a pas pu bénéficier des mesures de droit commun et peinent à rebondir. La crise actuelle met à mal leur modèle de financement, qui repose à plus de 42 % sur la participation des usagers et qui dépend à 21 % seulement des subventions publiques. Il est donc indispensable que l’État prenne sa part de responsabilité en soutenant durablement tous ces acteurs. Cela suppose qu’il ne se contente pas du plan de relance et qu’il ne soutienne pas seulement les grandes associations.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre ce budget.

Mme Patricia Lemoine (Agir ens). Comme de nombreux secteurs, le sport a consenti des sacrifices majeurs pendant la crise. Le Gouvernement a su être au rendez-vous, avec les mesures d’urgence et de relance qui ont été particulièrement saluées par les acteurs du sport. Ce soutien se traduit directement dans les crédits alloués au ministère des sports, dont le budget est en constante augmentation depuis 2019 et qui atteindra le niveau historique de 987 millions en 2022.

Notre groupe tient à saluer : l’enveloppe de 122 millions du plan France Relance consacrée au sport, dont 30 millions soutiendront la création d’emplois dans le secteur des associations sportives ; la création du Pass’sport, qui s’adressait à près de 3,3 millions de familles à la rentrée sportive 2020, pour un budget de 100 millions d’euros ; l’investissement d’une partie des crédits supplémentaires dans les infrastructures des Jeux olympiques de Paris 2024, qui constitueront un événement majeur pour le rayonnement de la France. Nous tenons également à souligner la hausse de l’enveloppe destinée aux maisons sport-santé et des crédits consacrés à la lutte contre les violences sexuelles et les incivilités.

S’agissant du programme Jeunesse et vie associative, notre groupe se réjouit du renforcement des actions en faveur de l’engagement des jeunes et du soutien au tissu associatif. Le SNU est amplifié, en vue de sa généralisation : en 2022, au moins 50 000 jeunes volontaires seront accueillis, pour un budget de 110 millions d’euros.

Pour toutes ces raisons, le groupe Agir ensemble votera les crédits de cette mission, car nous considérons que ces augmentations vont dans le bon sens.

M. Michel Castellani (LT). Notre groupe salue la hausse des crédits du programme Sport, notamment les 100 millions dédiés au financement du nouveau Pass’sport, même si ce soutien budgétaire reste parfois sous-calibré et mal réparti au sein du monde sportif.

Du fait de la crise sanitaire, les associations sportives ont vu le nombre de leurs licenciés baisser de 30 %, ce qui a entraîné une diminution sans précédent de leurs ressources, et donc un affaiblissement du tissu associatif.

Le Pass’sport reste un dispositif complexe, puisque les associations sportives qui souhaitent en bénéficier doivent créer un compte spécifique géré par l’État, le compte asso. Cette barrière administrative fait renoncer nombre de clubs : sur 180 000, seuls 52 000 ont un compte asso. C’est regrettable, car le Pass’sport est un bon outil.

Notre groupe réitère également ses inquiétudes quant à l’insuffisance des moyens dédiés au sport dans un contexte marqué par la faiblesse des revenus liés aux droits de retransmission télévisée. L’an dernier, nous avions salué le relèvement du plafond de la taxe Buffet, affectée à l’ANS, mais nous continuons d’insister sur le sous-calibrage de cette affectation, dans la mesure où le rendement de cette taxe sera de 45 à 49 millions, et non de 74 millions.

Malgré les dispositifs mis en œuvre par le Gouvernement et les collectivités territoriales au plus fort de la crise, la situation reste fragile. Afin d’améliorer la lisibilité et l’efficacité des dispositifs, notre groupe appelle à un choc de décentralisation : il convient d’accorder une pleine compétence aux communes, aux départements et aux régions en matière de jeunesse et de vie associative.

Enfin, je voudrais profiter de cette intervention pour remercier une nouvelle fois Mme la ministre des sports d’avoir contribué à l’adoption de la loi visant au gel des matchs de football le 5 mai.

M. Alain Bruneel (GDR). Il faut relativiser la hausse du budget du programme Sport. Elle est, à périmètre constant, de 6 %, mais elle fait suite à des baisses drastiques en début de quinquennat, si bien que nous sommes toujours à des niveaux de crédits totalement insuffisants pour développer la pratique sportive en France. Nous déplorons, par ailleurs, la sous-dotation du Pass’sport.

Les déclarations que le Président de la République a faites lors de la réception des médaillés olympiques et paralympiques de Tokyo ont de quoi inquiéter sur le futur modèle sportif français. Il transforme le sport en une start-up vouée à la performance, qui se résume pour lui aux médailles olympiques et paralympiques. En dehors de cela, rien ne vaut pour lui. Il dit également vouloir concentrer les moyens sur quelques athlètes et quelques sports ayant un haut potentiel de médailles. Les autres sont tout simplement abandonnés.

Rappelons que nombre de sportives et de sportifs de haut niveau ne gagnent même pas le SMIC. C’est le modèle anglo-saxon qui l’inspire, avec un sport de haut niveau autonome, concentré sur quelques disciplines. Nous, nous prônons le modèle d’unité du sport français, avec un lien fort entre sport professionnel et sport amateur, entre sport de haut niveau et clubs de proximité. Ainsi, au-delà des débats budgétaires, nous avons aussi une opposition sur la manière de concevoir le modèle sportif français. Pour nous, c’est un service public, qui doit être performant à tous les niveaux.

S’agissant des crédits du programme Jeunesse et vie associative, nous réclamons depuis des années la montée en charge du fonds pour le développement de la vie associative. Nous rappelons notre opposition au SNU. Si nous soutenons le service civique, qui capte plus de 70 % des crédits du programme Jeunesse, nous alertons une nouvelle fois sur son dévoiement.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative.

M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Monsieur le rapporteur général, le groupement d’intérêt public qu’est l’ANS nous annonce un financement par mécénat de 3,4 millions d’euros. Par ailleurs, le groupe BPCE devrait investir 150 millions.

S’agissant de la SOLIDEO, elle a actualisé sa maquette financière, qui prend en compte la hausse des indices dans la construction. Il faudra toutefois suivre leur évolution.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur la taxe Buffet. L’année dernière, nous avons réussi à faire adopter un amendement historique. Il y a eu l’affaire Mediapro, mais il est clair que l’intégralité des recettes affectées au sport le seront effectivement.

Les vacances apprenantes ont été un nouveau succès ; elles ont bénéficié d’une partie des crédits qui n’avaient pas été consommés par le SNU.

Monsieur Bruneel, j’ai du mal à comprendre vos propos sur le modèle de la start-up. Le Président de la République a annoncé un plan de construction de 5 000 structures nouvelles, qui représentera 100 millions en crédits de paiement et 200 millions en autorisations d’engagement, voire 250 millions, si l’on y ajoute les crédits destinés à la rénovation énergétique. Il faut aussi prendre en compte tout ce qui a été fait dans le cadre du plan de relance. Chacun a pu constater ses effets dans sa circonscription, puisqu’il a financé à la fois la rénovation et la construction de gymnases et d’équipements sportifs.

M. Michel Lauzzana. Monsieur le rapporteur spécial, j’aimerais vous interroger sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : le sport à l’hôpital. La troisième orientation du programme Sport, qui consiste à « développer l’activité physique pour tous les publics » intègre-t-elle des actions pour favoriser le développement du sport à l’hôpital ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Je m’entretenais hier avec le président du club de football d’un petit village de mon département, qui compte 700 ou 800 habitants. Il a des difficultés, parce que les recettes du club, ce sont les ventes de calendriers, et qu’il n’en a pas vendu l’année dernière. Toutes ces petites structures, qui travaillent énormément avec les enfants, qui les accueillent les mercredis et les samedis, sont en grande difficulté et passent à côté des aides.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces questions lors de l’examen des crédits de la mission en séance publique.

La commission adopte les crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative non modifiés.

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Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mardi 19 octobre à 18 heures 30

 

Présents. - Mme Aude Bono-Vandorme, M. Alain Bruneel, Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. Michel Lauzzana, Mme Marie Lebec, Mme Patricia Lemoine, M. Patrick Loiseau, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Claudia Rouaux, M. Laurent Saint-Martin

Excusés. - M. Damien Abad, Mme Frédérique Lardet, M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva, M. Éric Woerth