Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  Suite de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022 (n° 4482) ; examen et vote sur les crédits des missions :

Direction de l’action du Gouvernement ; budget annexe Publications officielles et information administrative (Mme Marie‑Christine Dalloz, rapporteur spécial)              2

Investissements d’avenir (Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteur spécial) 6

Économie :

      Développement des entreprises et régulations ; compte spécial Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés (Mme Valéria Faure-Muntian et M. Xavier Roseren, rapporteurs spéciaux)              16

      Statistiques et études économiques ; Stratégies économiques ; compte spécial Accords monétaires internationaux (M. Philippe Chassaing, rapporteur spécial)              17

      Commerce extérieur (M. Fabrice Brun, rapporteur spécial).....19

Engagements financiers de l’État (Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale)  24

–  Présences en réunion................................30

 


Jeudi
21 octobre 2021

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 14

session ordinaire de 2021-2022

 

 

Présidence de

 

M. Éric Woerth,

Président

 

 

 


  1 

La commission poursuit l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022 (n° 4482) et vote sur les crédits des missions.

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022.

Nous avons au total près d’une vingtaine d’amendements à examiner.

La commission procède d’abord à l’examen des crédits de la mission Direction de l’action du Gouvernement et du budget annexe Publications officielles et information administrative (Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale).

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. En 2022, la mission Direction de l’action du Gouvernement est dotée de 849 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 960 millions en crédits de paiement (CP). Par rapport à 2021, les AE diminuent de 101 millions, les CP, en revanche, progressent de 102 millions d’euros. Cette évolution s’explique principalement par les modalités de financement de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) en 2022, dont les crédits sont portés par le programme 359 Présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022, à hauteur de 103 millions en CP.

Le coût total de l’événement devrait s’élever à 149 millions d’euros. Ce coût prévisionnel, quoiqu’inférieur à celui de la présidence française de 2008, n’en demeure pas moins relativement important. Afin de ne pas altérer un peu plus la confiance des citoyens à l’égard des institutions européennes, ce semestre de présidence doit se dérouler dans les meilleures conditions. Je formulerai néanmoins quelques remarques.

Le coût prévisionnel des événements lors desquels le Président de la République sera présent s’élève à 30 millions d’euros, ce qui représente 20 % du budget total de la présidence. Le nombre de ces événements n’est pas encore totalement arrêté. Si ces derniers engendrent des contraintes particulières, je souhaite que leur coût soit maîtrisé.

Il est à signaler que ces dépenses seront réalisées dans la période particulière de l’élection présidentielle. Le secrétariat général à la présidence française du Conseil de l’Union européenne (SGPFUE) m’a néanmoins affirmé que la plus grande attention sera portée à une distinction stricte entre les dépenses de campagnes et celles liées à la PFUE. Bien que cela me semble difficile, je souhaite que l’on veille à éviter le mélange des genres.

En plus de la classique réserve de précaution, représentant généralement 4 % des crédits ouverts, le SGPFUE a décidé de mettre en réserve une enveloppe supplémentaire de 10 % des crédits. Il s’agirait de faire face à des événements imprévus et de laisser aux autorités élues en mai 2022 la liberté de prendre de nouvelles initiatives – un choix qui peut soulever des questions au regard de la sincérité budgétaire et de la bonne gestion des deniers publics.

Le programme 129 Coordination de l’action gouvernementale sera doté de 739,5 millions en CP, soit 32 millions de plus qu’en 2022. Ces crédits renforceront le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), qui bénéficie de quatre-vingt-quatorze emplois supplémentaires, vingt-cinq de ces équivalents temps plein (ETP) étant alloués au service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques (Viginum), créé en 2021.

Sur ce programme, l’effort de rationalisation des petites structures rattachées au Premier ministre engagé en 2019 s’est rapidement tari : au lieu de diminuer, elles se renouvellent !

Ainsi, après le Haut Conseil pour le climat en 2019, le haut-commissaire au Plan en 2020, la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (DIESE) sera instituée en 2022 et dotée de vingt-trois emplois au total.

Le service d’information du Gouvernement (SIG) bénéficiera de 14,1 millions d’euros en 2022. Ces crédits alloués en loi de finances semblent stables depuis 2020, mais cela n’est qu’un trompe-l’œil : après les surcoûts constatés durant la crise, il a bénéficié, en 2021, de transferts et virements de crédits à hauteur de 30 millions. Parmi ces crédits, signalons que 10,7 millions ont été transférés depuis la mission Plan de relance pour financer des actions de communication sur France Relance : c’est évidemment trop, et cette pratique nuit à la lisibilité du budget.

Sur le programme 308 Protection des droits et libertés, la Haute Autorité de transparence pour la vie publique (HATVP), la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et le Défenseur des droits bénéficient aussi de moyens supplémentaires pour assumer leurs prérogatives, qui se sont élargies ces dernières années.

En 2022 sera créée l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), issue de la fusion entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI). Cette fusion ne générera encore aucune économie, bien au contraire, car en plus du budget des deux anciennes structures, cette nouvelle autorité bénéficiera d’une mesure nouvelle à hauteur de 0,9 million d’euros.

Enfin, le budget annexe Publications officielles et information administrative sera doté de 149,5 millions d’euros. La direction de l’information légale et administrative (DILA), dont les recettes ont été affectées par la crise, poursuit son plan d’économies, ce que je salue.

Article 20 et état B

Amendement II-CF1071 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Il s’agit d’un amendement d’appel qui vise à diminuer de 5 millions d’euros en AE et en CP la dotation de l’action 02 Manifestations correspondant à l’initiative propre de la Présidence du programme 359 Présidence française du Conseil de l’Union européenne. Ce montant correspond à un tiers de la réserve prévue en plus de la réserve classique : 10 millions gelés me paraissent amplement suffisants et les 5 millions trouveront bien à être utilisés dans le budget général.

 

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CF1072 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Le service d’information du Gouvernement fournit un travail sérieux, mais les transferts dont il a bénéficié l’an dernier depuis la mission Plan de relance pour faire la promotion de France Relance sont un peu surprenants.

En guise d’alerte, je propose de diminuer de 1 million d’euros les crédits qui lui sont alloués, soit le montant de la progression qu’ils ont connu entre 2019 et 2021.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CF482 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Le budget du Défenseur des droits a beaucoup progressé, avec 2 ETP en 2021 et en 2022, ce qui fait qu’entre 2018 et 2022 ses effectifs ont progressé de 18 ETP, même s’il est vrai que de nouvelles missions lui ont été confiées. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CF483 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Il s’agit des crédits du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Ses moyens actuels lui permettent de traiter 3 400 saisines et d’effectuer, selon l’indicateur de performance, 150 visites par an.

Contrairement aux autres autorités administratives indépendantes, le champ de ses missions n’a pratiquement pas évolué au cours de la période récente. Augmenter ses crédits de 5 millions serait excessif.

La commission rejette l’amendement.

 

Mme Bénédicte Peyrol (LaREM). La mission est effectivement marquée par la PFUE, événement remarquable qui aura lieu en 2022. Elle est l’occasion de reconduire une expérimentation conduite en 2008 et qui avait donné de bons résultats, compte tenu de son caractère interministériel : le rattachement du SGPFUE au Premier ministre. Je note, dans ce programme 359, un nouvel indicateur de performance visant à suivre les émissions de gaz à effet de serre (GES) afin d’établir un bilan carbone de la PFUE, même si l’on peut regretter qu’aucune limite d’émission n’ait été définie.

Sont également inscrits dans cette mission des crédits importants pour la protection des droits de l’homme et des libertés individuelles. Depuis 2017, ils participent au renforcement des services de renseignement et de la sécurité des systèmes d’information interministériels à travers l’augmentation des crédits et des emplois de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Les crédits dédiés aux techniques de renseignement sont confortés en 2022, avec une augmentation de 3,5 millions.

Les capacités de lutte contre les menaces pesant sur la sécurité nationale ont également été renforcées, à la demande du Président de la République, par la création du service, à compétence nationale, de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, Viginum. Il renforce le dispositif français de lutte contre la manipulation de l’information et bénéficie de vingt-cinq emplois supplémentaires.

Enfin, la mission participe à la maîtrise des dépenses publiques et à la rationalisation des moyens financiers. Il y a eu des mutualisations et, effectivement, la création du Haut Conseil pour le climat et du haut-commissariat au plan, mais ces deux institutions sont utiles et produisent des rapports qualitatifs.

Le groupe La République en marche votera les crédits de la mission.

M. le président Éric Woerth. Curieusement, le projet annuel de performances (PAP) ne comporte pas d’informations relatives au haut-commissariat au plan.

M. Brahim Hammouche (Dem). La mission Direction de l’action du gouvernement regroupe les crédits alloués aux services du Premier ministre et aux entités qui lui sont rattachées à des fins d’efficacité et de bonne gestion. Ils connaissent une augmentation de 101,6 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale de 2021. Cette hausse s’explique par la création du programme 359 qui regroupe l’ensemble des crédits consacrés à l’organisation de la PFUE au premier semestre 2022, soit 54,5 millions d’euros.

Cette PFUE sera un moment politique déterminant pour notre Union européenne. Elle sera notamment l’occasion de discuter du futur encadrement budgétaire au sein de la zone euro, et de poursuivre les discussions avec les États membres sur la définition de nouvelles ressources propres en vue de rembourser les emprunts communs contractés pour financer le plan de relance NextGenerationEU. Nous devons également continuer d’avancer sur des enjeux de long terme, comme les migrations, le digital ou le climat.

Hors PFUE, les crédits de la mission augmentent de 47 millions. Ils ont évolué de façon marquée vers le renforcement des services de renseignement et de la sécurité des systèmes d’information interministériels. Ces investissements sont déterminants pour la souveraineté numérique de la France. Sont-ils suffisants ?

Cette mission constitue un puissant levier de modernisation, notamment par le biais du programme TECH.GOUV piloté par la direction interministérielle du numérique (DINUM) : il vise à accélérer la transformation numérique des services publics.

Le groupe Démocrate votera en faveur de ces crédits.

M. Jean-Louis Bricout (SOC). Les bleus budgétaires sont, une fois de plus, trop laconiques pour que le contrôle parlementaire puisse s’exercer dans de bonnes conditions.

S’agissant de la mission, je regrette qu’en dépit des évolutions retracées dans le bleu budgétaire, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) reste nettement sous-dotée, alors même que la charge de travail en matière de respect des droits fondamentaux ne cesse d’augmenter. Sa réactivité dans le cadre de l’élaboration des lois mérite d’être soulignée. Dans ces conditions, la création d’au moins 10 ETP serait certainement nécessaire.

Mme Lise Magnier (Agir ens). Notre groupe salue également le renforcement des moyens de la mission, qui est effectivement principalement lié à la présidence française du Conseil de l’Union européenne au premier semestre 2022. Ce renforcement est nécessaire pour réaffirmer le rôle moteur de la France au sein de l’Union européenne à cette occasion.

Outre ce programme, l’accent est mis sur le renforcement des services chargés de la sécurité et de la modernisation des systèmes d’information interministériels afin de garantir la sécurité nationale. Les moyens sont également mis pour accompagner la montée en charge du nouveau service Viginum, chargé de la lutte contre les manipulations de l’information –d’autant plus nécessaire que, dans la période électorale qui va s’ouvrir, ces manipulations pourraient provenir de forces étrangères.

Le groupe Agir ensemble votera les crédits de la mission car ils nous semblent compatibles avec les enjeux de 2022.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Monsieur le président, il n’y a en effet pas d’information spécifique ni d’indicateur de performance dans le PAP se rapportant au haut-commissariat au plan – est-ce à dire qu’on ne mesurera pas sa performance ? Pour 2022, il est doté de 8 ETP et d’un budget de fonctionnement de 226 000 euros en CP.

Madame Peyrol, le bilan carbone de la PFUE sera intéressant à mesurer, sachant que l’on attend 20 450 visiteurs étrangers. Il faudra être attentif à ce que des politiques ministérielles de droit commun ne soient pas financées par le programme 359, puisque chaque ministère pourra proposer des actions à la PFUE.

Monsieur Hammouche, sur les 94 ETP nouveaux affectés au SGDSN, 25 iront à Viginum. On se dote donc d’un dispositif assez puissant dans la mesure où nous avons déjà l’ANSSI. Avant de revoir le calibrage, il faudra voir comment ce service fonctionne.

 

La commission adopte les crédits de la mission Direction de l’action du Gouvernement non modifiés.

 

Article 21 et état C

 

La commission adopte les crédits du budget annexe Publications officielles et information administrative non modifiés.

 

La commission examine ensuite les crédits de la mission Investissements d’avenir (Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale). 

 

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. La mission Investissements d’avenir sera dotée de 11 millions d’euros en AE et de 3,5 milliards en CP. Pour mémoire, en 2021, 16,6 milliards en AE avaient été ouverts pour lancer le quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA4). Les CP diminuent quant à eux de 400 millions par rapport à l’an passé, ce qui est normal dans une phase de décaissement.

Le PIA3, réparti entre les programmes 421 Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche, 422 Valorisation de la recherche et 423 Accélération de la modernisation des entreprises, amorce une décélération. Pour sa cinquième année de déploiement, il sera doté de 1,5 milliard en CP, soit 400 millions de moins qu’en 2021 – je l’ai dit. Cela s’explique par le fait que près de 80 % des AE ouvertes en 2017 seront couvertes par des CP en 2022.

Si l’exécution budgétaire du PIA3 touchera bientôt à sa fin, les crédits délégués aux opérateurs n’ont, pour la plupart, pas encore été décaissés. Dans l’ensemble les appels à projets passés dans le cadre du PIA 3 ont été fructueux. Un échec, cependant, est à signaler : l’action Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques n’a donné lieu à aucune ouverture de crédits de paiement. Dotée de 400 millions au total, elle devait financer l’expérimentation par les universités de nouveaux modes de gestion.

Au total, 20 milliards d’euros sont consacrés au PIA4. Au sein de cette enveloppe, 3,5 milliards ont été débudgétisés et seront issus des intérêts du fonds pour l’innovation et l’industrie et des intérêts des dotations non consommables constituées dans le cadre des deux précédents volets du PIA. Les deux programmes dédiés au PIA4 sont dotés de 1,99 milliard en CP.

Le programme 424 Financement des investissements stratégiques, relatif au volet dirigé du PIA4, est doté de 12,5 milliards au total, et de 1,5 milliard en CP. Ce volet vise à financer des investissements ciblés sur des secteurs stratégiques. Par rapport à l’an passé, nous disposons d’informations plus précises sur les projets qui seront financés. Dix-neuf stratégies ont en effet été validées par le comité interministériel de l’innovation, et quatre sont en cours d’élaboration. L’ensemble des conventions encadrant le déploiement du PIA ont été signées, ce qui atteste d’un déploiement rapide. Les premiers programmes et équipements prioritaires de recherche lancés en 2022 concernent l’hydrogène, le quantique et les villes durables. Ce volet du PIA4 fait une plus large place à la culture. Des projets de démonstrateurs ont ainsi été lancés en matière de numérisation du patrimoine et du spectacle vivant.

Le volet structurel du PIA vise à financer de manière pérenne l’écosystème de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation. Sur ce volet, doté de 7,5 milliards au total, 496 millions en CP seront ouverts en 2022.

Concernant les crédits alloués à l’enseignement supérieur et à la recherche, l’appel à projets Excellence sous toutes ses formes (ExcellencES) aura vocation à financer des actions de spécialisation des universités, sans forcément sélectionner celles de grande taille. Une telle évolution doit être signalée. Ces crédits auront également pour objet de soutenir les universités pour que celles-ci développent des ressources propres.

Un mot enfin sur le plan d’investissement France 2030, présenté par le Président de la République le 12 octobre : 30 milliards d’euros seront investis dans la décarbonation de l’économie, les transports, l’agriculture ou encore la santé.

Il n’échappera à personne que, à l’exception de celles liées à l’espace ou à la robotique, nombre des thématiques abordées par France 2030 concernent des investissements déjà engagés dans le PIA – hydrogène, batteries électriques, biomédicaments. Tout porte à croire que ce plan d’investissement prendra la forme, pour une bonne partie de ses crédits, d’une « recharge » du PIA4.

Beaucoup d’incertitudes subsistent. Les plus importantes concernent l’organisation budgétaire, la gouvernance du plan et les modalités de son exécution. On parle de 3 à 4 milliards de CP pour 2022 mais, à ce stade, les informations dont nous disposons sont lacunaires. L’enjeu est pourtant de taille, car il s’agit, à l’instar de la logique qui préside au PIA, de préparer le pays aux défis de demain.

Le Gouvernement nous demande donc d’autoriser une dépense dont nous ne connaissons actuellement que les grandes lignes. C’est regrettable, autant sur le fond que sur la forme.

 

Article 20 et état B

 

Amendement II-CF883 de M. François Ruffin.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement d’appel propose de prélever 1 euro en AE sur le programme 425 Financement structurel des écosystèmes d’innovation, plus précisément sur l’action 02 Aides à l’innovation « bottom-up » au profit d’un nouveau programme au sein de la mission Investissements d’avenir qui s’appellerait Rénovation thermique de 700 000 logements par an.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. MaPrimeRénov’ est censée financer 400 000 à 500 000 logements par an, en 2021 et en 2022. Son périmètre ne m’apparaît pas tout à fait satisfaisant. J’avais notamment déposé des amendements sur la première partie du PLF pour aider les ménages à acquérir des chaudières à gaz à très haute performance énergétique, qui ont cessé d’être éligibles au crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) à compter de 2020.

Il s’agit certes d’un amendement d’appel, mais à seulement 1 euro, il manque singulièrement d’ambition. Je ne peux qu’être défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF885 de M. François Ruffin.

Mme Sabine Rubin. Vous parlez de 400 000 logements, alors que nous visons la rénovation thermique de 700 000 logements. Nous constatons, comme la Cour des comptes, que la vérification de la qualité et de l’efficacité des travaux en matière de lutte contre les passoires thermiques n’est pas assurée.

L’amendement II-CF885 vise à prélever 1 euro également sur l’action 02 Aides à l’innovation « bottom-up » du programme 425 pour l’affecter à un nouveau programme Développement du fret ferroviaire. La loi pour un nouveau pacte ferroviaire a aggravé le démantèlement du réseau ferroviaire, notamment par la filialisation du fret, alors que ce dernier est le moyen de transport de marchandises le plus viable.

Le Gouvernement n’a pas le sens des priorités, qui s’obstine à favoriser le transport routier.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Un appel à manifestation d’intérêt pour la digitalisation et la décarbonation du transport ferroviaire a été lancé en juillet 2021. Jusqu’à 250 millions d’euros pourront être consacrés au fret ferroviaire dans le PIA. On pourrait considérer que votre amendement est satisfait.

Plus généralement, concernant la SNCF, le PLF prévoit la mise en œuvre de la reprise de la deuxième tranche de la dette de SNCF Réseau pour 10 milliards. À l’initiative du président de la commission, des amendements visant à supprimer progressivement deux taxes qui pesaient exclusivement sur l’activité TGV de la SNCF, dont le rendement s’élevait à près de 240 millions, ont été adoptés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CF889 de M. François Ruffin.

Mme Sabine Rubin. Lors du premier confinement, le pays s’est retrouvé incapable de produire ses propres masques parce que tout avait été délocalisé. L’Assemblée nationale, le ministère de l’éducation nationale, le ministère de la justice, notamment, se sont fournis, l’une, auprès de la Chine, les deux autres, auprès de la Roumanie et de la Thaïlande. Les usines françaises ne tournent plus et les risques de fermeture s’accroissent. Pour notre souveraineté, l’État doit soutenir la filière du masque en actionnant le levier de la commande publique. Aussi cet amendement propose-t-il un transfert symbolique de l’action 02 Aides à l’innovation « bottom-up » du programme 425 vers un nouveau programme Buy French Act.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Je partage votre point de vue concernant l’enjeu de la relocalisation. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est urgent d’agir. En revanche, les pénuries de masques, qui ont été une réalité au début de la crise sanitaire, ne sont plus d’actualité. En France, à l’heure actuelle, on fabrique 100 millions de masques par semaine, soit plus de trente fois notre capacité de production d’avant-crise.

L’objectif principal du PIA, c’est de nous donner les capacités de structurer de nouvelles filières et de créer des emplois sur l’ensemble du territoire. Votre amendement ne propose pas de dispositif spécifique ni de solution pour accélérer la réindustrialisation du pays. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CF890 de M. François Ruffin.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement appelle l’État à investir dans la filière du bois. Voilà longtemps que les forêts françaises n’ont pas été aussi denses, pourtant nous souffrons d’une pénurie de bois. Nous exportons du bois brut en quantité, et nous en importons, transformé, en quantité également. Il est temps de repenser la filière, pour que le bois qui pousse ici ne soit pas envoyé à 10 000 kilomètres pour ensuite revenir sous la forme d’une chaise. À cet effet, nous proposons de transférer 1 euro symbolique de l’action 02 Aides à l’innovation « bottom-up » du programme 425 vers un nouveau programme Investissements pour la filière bois.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Le bois est un vrai sujet de préoccupation. Les forêts jurassiennes subissent les attaques de scolytes, et cela affecte, non seulement les filières économiques, mais aussi les communes, qui voient leurs recettes fondre.

Dans le cadre du plan de relance, 200 millions ont été investis, auxquels il faut ajouter les 100 millions annoncés en juillet dernier par le Premier ministre en faveur de la filière. On peut toujours faire davantage, mais un amendement à 1 euro ne me paraît pas tout à fait adapté aux besoins. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CF891 de M. François Ruffin.

Mme Sabine Rubin. Durant l’été 2021, le collectif En Mode Climat a signé une tribune demandant la réduction de la production textile mondiale et dénonçant une « prime au vice ». Il y a indéniablement un avantage économique à produire de manière irresponsable. Notre proposition consiste à faire la même opération, toujours dans la même action, au profit d’un programme nouveau Investissement dans la filière textile.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Effectivement, vous soulevez un problème, mais votre amendement ne répond absolument pas à la logique d’ensemble du PIA : orienter l’investissement vers les innovations de demain, pour favoriser les ruptures technologiques.

Vous devriez soutenir les allégements de charges et d’impôts de production, qui contribuent à soutenir la filière textile bien plus utilement que votre amendement à 1 euro. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Mme Bénédicte Peyrol (LaREM). Le groupe La République en marche votera en faveur de ces crédits, qui concrétisent pour une large part l’engagement pris en 2017 par le candidat Emmanuel Macron de lancer un grand plan d’investissement. Le PIA4 se caractérise par une souplesse qui doit permettre à l’État de définir des stratégies d’investissement tout au long de son application. Surtout, son architecture juridique est simplifiée : de 110 conventions entre l’État et les opérateurs – et presque autant de comités de pilotage –, on passe à une dizaine de conventions, pour la partie liée aux subventions, et trois instances de gouvernance.

Dans un récent référé, la Cour des comptes a formulé quelques critiques au sujet du PIA. Sa principale faiblesse tient, selon elle, au caractère tardif et encore limité de l’évaluation des actions financées – celle-ci était pourtant au cœur du dispositif d’origine. Nous devrons y veiller pour France 2030. Les investisseurs attendent que l’on évalue régulièrement, peut-être par des rapports annuels, les retombées des financements sur l’économie. L’appréciation des effets macroéconomiques du PIA reste aussi très limitée. Nous attendons d’en savoir plus sur la mise en œuvre du plan France 2030, et notamment sur son mode de gouvernance, qui sera essentiel pour s’assurer de l’efficacité du dispositif.

M. le président Éric Woerth. Je partage le point de vue exprimé par Bénédicte Peyrol et Marie-Christine Dalloz. D’une certaine manière, le PIA est un naufrage. Le programme avait été créé dans l’enthousiasme : on allait faire autrement ! Mais les crédits partent dans tous les sens, notamment dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement supérieur. On pourrait aussi bien abonder les budgets du ministère de l’éducation nationale et de celui de la recherche et de l’enseignement supérieur. C’est incompréhensible ! De surcroît, il n’y a quasiment pas d’évaluation – le PAP ne contient que très peu d’informations. On doit pouvoir, comme le comité Cœuré, chargé du suivi des mesures économiques d’urgence, procède à une évaluation in itinere des crédits, au moins essayer d’avoir une idée des retombées des investissements d’avenir sur la croissance à long terme. L’objet du PIA, c’est de stimuler la croissance, pas de boucher des trous dans la vie quotidienne des services.

Il pourrait s’agir d’une mauvaise communication, mais je crois que le problème est beaucoup plus profond. Il y a un énorme problème d’organisation. En dehors du rapporteur général et de la rapporteure spéciale, peu de gens y comprennent quelque chose. Les crédits s’enchevêtrent, au point qu’on ne sait plus à quel PIA ils se rattachent. Ce dispositif se trouve broyé dans l’univers des dépenses publiques françaises.

J’ai été heureux de la présentation de France 2030, non pas pour me réjouir d’un dispositif supplémentaire, mais parce que le Président de la République a bien vu que des questions de gouvernance se posaient. J’espère que l’on va complètement remettre à plat le reliquat des crédits, qu’il ne faudra pas utiliser sans ligne directrice solide, et que France 2030 ne sombrera pas dans cette bureaucratie inutile, coûteuse et dangereuse.

M. Brahim Hammouche (Dem). Les programmes d’investissements d’avenir financent depuis dix ans des investissements innovants, prometteurs, dans les secteurs de l’enseignement supérieur, de la recherche, du développement durable, des industries, des PME, de l’économie numérique. Ils sont nécessaires et doivent s’inscrire dans le temps long. À cet égard, le haut-commissariat au plan occupe une place stratégique pour dessiner des perspectives. Je salue le plan France 2030 annoncé par le Président de la République ; il doit permettre de renouveler l’ambition transformatrice des PIA en investissant plus fortement encore dans les secteurs qui seront les moteurs de la France de demain.

Toutefois, vous le soulignez chaque année, madame la rapporteure spéciale, un manque de lisibilité et de gouvernance affecte de nombreux domaines, en particulier l’interaction avec les universités. Quelles leçons tirer des PIA pour ne pas refaire dans France 2030 ce qui ne marche pas, ou améliorer ce qui marche le mieux ?

Impatients de voir France 2030 entrer en application, les députés du groupe démocrate voteront en faveur de ces crédits.

M. Jean-Louis Bricout (SOC). La mission Investissements d’avenir regroupe les crédits du PIA3, ouvert en 2017 avec 10 milliards d’euros en autorisations d’engagement, suivis de 6,1 milliards en crédits de paiement entre 2018 et 2021. Le PLF2022 prévoit l’ouverture de 1,5 milliard de CP supplémentaires, soit moins que la trajectoire initiale de 2 milliards. La mission finance également le PIA4, à hauteur de 16,6 milliards – sur un total de 20 milliards – répartis entre les programmes 424 et 425. Nous saluons la simplification du pilotage du PIA4 par la limitation du nombre de conventions entre l’État, les opérateurs et les instances de gouvernance.

L’articulation entre le PIA4, le plan de relance et le plan France 2030 est sujette à interrogation, des crédits ayant pu être comptabilisés plusieurs fois. Il nous est difficile d’en réaliser le suivi, faute d’une centralisation des crédits au sein de cette mission.

Également, on décèle une évolution des crédits de paiement par un transfert partiel des moyens dévolus au soutien à la recherche au sein de l’enseignement supérieur vers ceux dédiés à l’innovation privée. Les premiers diminuent en effet de 35,5 % tandis que les seconds progressent de 28,2 %. On ne peut pas parler de saine émulation, mais plutôt de concurrence au détriment de la recherche universitaire publique.

Nous ne comprenons pas non plus la réduction de moitié des crédits dédiés à la modernisation des entreprises, alors que les conséquences de l’épidémie de covid imposent une accélération de cette transformation.

S’agissant enfin des axes stratégiques retenus, nous nous réjouissons du lancement de projets qui, telle l’usine d’Envision, à Douai, accompagneront l’électrification du parc automobile. Il importe que l’Europe acquière une souveraineté en ce domaine. On le vérifie sur le sujet connexe des puces, et il en va de même concernant l’hydrogène décarboné, pour accompagner les mobilités du futur, y compris les plus lourdes.

Enfin, nous nous interrogeons sur les implications que l’émergence de petits réacteurs nucléaires, objet de réflexion chez EDF, pourrait avoir sur le projet d’EPR.

Mme Lise Magnier (Agir ens). Les moyens alloués à la mission Investissements d’avenir ont progressé au cours du quinquennat. Un PIA4 a été lancé en 2021, doté d’une enveloppe totale de 20 milliards d’euros. Les crédits de paiement sont passés de 1,1 milliard en LFI2018 à 3,5 milliards dans le PLF2022. En concrétisant un effort financier substantiel au profit des technologies d’avenir, cette mission contribue à favoriser l’émergence d’innovations technologiques, organisationnelles ou sociales, qui seront autant de solutions concrètes pour assurer la transition écologique et numérique et trouver des relais de croissance.

Le groupe Agir ensemble approuve les crédits de la mission Investissements d’avenir, même si nous nous interrogeons sur son articulation avec le plan de relance et France 2030. Les évaluations que nous réclamons régulièrement doivent nous permettre d’y voir plus clair.

Cette mission contribue à la lutte contre le déclassement de la France à l’échelle internationale. Notre pays doit demeurer une puissance mondiale dans le domaine de la recherche et un leader de l’innovation. C’est tout le sens des crédits de cette mission.

Mme Sabine Rubin (FI). Nous aimerions savoir si le Gouvernement compte utiliser cette mission pour lancer son plan France 2030, doté de 30 milliards sur cinq ans, soit 6 milliards par an – autant qu’avec les 60 milliards injectés depuis dix ans dans le PIA. On peut penser que la mission Investissements d’avenir, dans une sorte de continuité, financera ce plan, qui n’aura donc plus rien d’exceptionnel, d’autant que les 30 milliards pourraient recouper des annonces plus anciennes – on ne sait pas très bien, en réalité.

L’avenir dont il est question, c’est plutôt le futur antérieur, un futur qui a été fantasmé dans les années précédentes, une quête de rupture technologique qui tend à transformer la recherche en business. On court après des technologies émergentes, dans des secteurs stratégiques qui ne sont pas en phase avec les besoins actuels.

Ce n’est pas tant dans le nucléaire, fût-il issu de petits réacteurs, qu’il faut investir, mais plutôt dans les énergies renouvelables ou dans un véritable plan de rénovation thermique ; non pas dans des avions bas-carbone ou des flottes de voitures électriques, mais dans le ferroviaire ; non pas dans la génétique et la robotique, pour une alimentation saine, mais dans une agriculture raisonnée… Votre plan d’avenir prépare le monde d’avant : c’est la contradiction que nous souhaitons soulever.

M. Alain Bruneel (GDR). Pour parler d’avenir, il faut dresser le bilan du passé, c’est-à-dire des programmes d’investissements d’avenir lancés depuis 2010. Comment s’articulent les programmes ministériels, en particulier ceux qui concernent le fret ou l’hydrogène, avec le PIA ?

M. le président Éric Woerth. Rattacher le PIA au Premier ministre me semble une mauvaise idée. C’est peut-être flatteur pour les fonctionnaires concernés, mais le suivi est de nature administrative, car le Premier ministre ne peut pas avoir l’œil sur tout. Il y a beaucoup de confusion avec les ministères. On peut regretter ce choix : il n’implique pas un pilotage politique alors que l’emploi de ce type de crédits nécessite de garder un cap. Sinon, en cas de dérive, on tombe très vite dans la gestion classique d’un budget de ministère.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Dire des PIA qu’ils sont un naufrage, me paraît un peu dur. Il est vrai, cependant, que cela tangue depuis longtemps. Voilà quatre exercices que nous tournons en rond à dire, les uns et les autres, qu’on n’y voit pas assez clair, qu’on n’arrive ni à piloter, ni à contrôler, ni à évaluer les PIA. France 2030 est l’occasion ou jamais de changer de paradigme et de faire du secrétariat général pour l’investissement (SGPI) le navire amiral d’un investissement d’avenir beaucoup plus efficace.

Le grand avantage du PIA est qu’il permet de verrouiller, à moyen et à long terme, de l’argent public destiné à une recherche qui, par sa dimension technologique, nécessite une prise de risque. C’est une sécurité pour ces programmes. Le problème, c’est que, pour verrouiller ces crédits sur le long terme, on se sent obligé de contourner le Parlement. Il faut absolument contrer cette tendance, sous peine de faire du Parlement un acteur fantôme du contrôle budgétaire. C’est pourquoi la révision de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) que nous défendons avec le président Woerth n’est pas anecdotique : il est essentiel d’introduire de la pluriannualité dans la dépense, car elle oblige le pouvoir exécutif à justifier son exécution, programme par programme, devant le Parlement.

Je conviens qu’il n’est pas utile de rattacher le PIA au Premier ministre, car cela crée, quel que soit le Gouvernement, des querelles de chapelles contre-productives entre Bercy et Matignon. La multiplicité des canaux de transmission des programmes et le nombre des opérateurs sont tout aussi néfastes – à part pour les opérateurs, qui trouvent un certain confort à ne pas dépendre du vote annuel et incertain d’un programme budgétaire.

Le PIA trouve difficilement à s’appliquer dans les territoires ; ce sont essentiellement l’Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes qui en bénéficient le plus. Le dispositif n’est pas pensé en termes d’aménagement du territoire, et pour cause : le Parlement n’en est jamais vraiment saisi. Nous sommes seulement quatre députés et quatre sénateurs à siéger au comité de surveillance des investissements d’avenir ; c’est insuffisant pour avoir une quelconque influence sur le choix des programmes.

Surtout, sans possibilités de contrôle et d’évaluation dignes de ce nom pour le rapporteur spécial, quel qu’il soit, il n’y a pas de connaissance des enjeux, ce qui pose un vrai problème démocratique. Il faudra en tenir compte dans le cadre de France 2030. La question n’est pas seulement celle de la gouvernance ; elle est que les Français ne savent pas comment on investit dans leur avenir. Nous aurions tout intérêt à faire entendre une voix parlementaire soudée et transpartisane sur les choix qui seront faits pour France 2030.

Madame la rapporteure, on constate des décalages et des retards sur le programme 421 Soutien des progrès de l’enseignement supérieur et de la recherche. Avez-vous pu obtenir des informations à ce sujet ?

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. L’action 06 Création expérimentale de sociétés universitaires et scientifiques du programme 421, dédiée à l’expérimentation de nouveaux modes de gestion des universités, n’a pas du tout marché. L’appel à manifestation d’intérêt s’est révélé infructueux. C’est la seule ligne à avoir connu cet échec, dans le cadre du PIA3.

Monsieur Bricout, les petits réacteurs nucléaires entrent dans le champ de France 2030.

Monsieur Bruneel, c’est le SGPI qui pilote les PIA en concertation avec les ministères concernés. Reste que le secrétaire général étant un haut fonctionnaire, c’est l’administration qui détient le pouvoir d’organisation.

Madame Rubin, les 30 milliards de France 2030 ne seront pas décaissés annuellement. Le PIA est tout sauf linéaire : c’est un objet financier qui monte en puissance à un moment donné, le temps que le projet mûrisse. On ne décaisse pratiquement rien au cours des premières années ; en revanche, les versements sont massifs à la fin du PIA.

Dans le cadre de France 2030, le Président a annoncé le versement de 4 milliards dès 2022. Toutefois, la structure n’existant pas encore, on ne peut pas lancer un appel à projets dès maintenant, et il n’y aura pas d’avance d’investissement par France relance. Je ne sais donc pas comment cette annonce sera concrétisée.

L’année dernière, j’avais déposé un amendement sur la territorialisation des PIA, qui a été rejeté. Il faudrait vraiment travailler sur le sujet.

Le manque de lisibilité, tout le monde l’a relevé. Les programmes s’enchaînent à une cadence soutenue : le PIA1 a été lancé en 2010, le PIA2 en 2014, le PIA3 en 2017 et le PIA4 en 2021, et on parle maintenant de France 2030. Certes, il faut aller vite en matière d’innovation, mais là on ne laisse pas les choses mûrir. Le PIA1 est le seul à avoir fait l’objet d’une évaluation – elle n’avait d’ailleurs pas été entièrement concluante. On ne peut pas évaluer les autres programmes, car on est encore en phase de décaissement. Des mesures de simplification ont bien été prises : de 12 opérateurs on est passé à 4, et le nombre de conventions, à l’origine de 110, a été considérablement réduit. Le PIA est un bel outil mais il pâtit d’un manque de souplesse qui le rend peu opérationnel.

 

La commission adopte les crédits de la mission Investissements d’avenir non modifiés.

 

Après l’article 42

 

Amendements II-CF886, II-CF887 et II-CF888 de M. François Ruffin. 

M. François Ruffin. Comme le disait Sabine Rubin, on a l’impression d’être dans un roman de Jules Verne, dans un prométhéisme un peu dépassé où « innovation technologique » signifierait « progrès humain » ; l’espérance que l’humanité puisse être sauvée par la technologie perçait d’ailleurs dans le discours présidentiel de lancement de France 2030. Si la technologie peut nous aider à éviter le mur du choc climatique que nous avons devant nous, c’est en changeant les formes de société.

L’objet de ces trois amendements est de conditionner les aides de la mission Investissements d’avenir. Les engagements écologiques demandés en contrepartie par le Gouvernement sont, de l’aveu même du patron de Renault, « pas très compliqués » à remplir. L’amendement II-CF886 propose de conditionner les aides à l’adoption et au respect d’un bilan carbone renforcé et standardisé, ainsi qu’à une stratégie climat articulée autour d’une trajectoire contraignante de baisse des émissions de gaz à effet de serre dès l’année 2021 et à horizon 2030.

L’amendement II-CF887 propose de conditionner les aides à la publication d’un reporting pays par pays, ainsi que le propose l’association CCFD-Terre Solidaire. Certaines entreprises touchent des aides de l’État alors qu’une partie de leurs filiales ont leur siège dans un paradis fiscal – 20 % pour Athos, 17 % pour Michelin, 18 % pour Capgemini. L’enquête OpenLux a montré que trente-sept des cinquante plus grosses familles françaises avaient ouvert des comptes au Luxembourg, sans que cela suscite une quelconque réaction de la part du ministère de l’économie et des finances. En commission des affaires économiques, c’est Sébastien Jumel et moi qui avons alerté Bruno Le Maire de ce scandale, qui faisait déjà la une du Monde. Bruno Le Maire a promis de s’informer et de revenir en commission – cela n’a pas été le cas.

L’amendement II-CF888, que la commission, j’en suis sûr, adoptera avec enthousiasme, propose de conditionner les aides à l’absence de versements de dividendes ou de licenciements non justifiés pendant la crise. Comme l’a révélé l’Observatoire des multinationales, les entreprises du CAC40 ont versé 51 milliards d’euros de dividendes en 2021 alors qu’elles annonçaient 62 500 suppressions d’emploi, dont 30 000 en France. Leurs actionnaires recevront ainsi l’équivalent de 815 000 euros par emploi supprimé. Et pourtant, elles ont toutes bénéficié d’aides de l’État, sans aucune contrepartie !

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. S’agissant de la réduction des gaz à effet de serre, vous êtes satisfait par toutes les actions mises en œuvre dans le cadre du PIA pour atteindre cet objectif. La procédure d’octroi de fonds est très encadrée et conditionner de gros projets d’avenir à des pratiques du présent n’est pas adapté à l’horizon du PIA, qui excède les dix ans.

Avis défavorable.

M. François Ruffin. Je vois un éternel « deux poids, deux mesures » : le versement des quelques centaines d’euros du revenu social d’activité (RSA) est conditionné et contrôlé, mais rien de tel pour verser des millions. Ce sont des questions de principe.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale. Comme je vous l’ai dit, la procédure d’octroi de fonds du PIA est encadrée et les contrôles sont multiples et variés. Mais on finance de l’innovation pour demain, alors que vos conditions s’appliquent au temps présent.

La commission rejette successivement les amendements.

 

 

La commission examine ensuite les crédits de la mission Économie (Mme Valéria Faure-Muntian et M. Xavier Roseren, rapporteurs spéciaux Développement des entreprises et régulations ; compte spécial Prêts et avance à des particuliers ou à des organismes privés ; M. Philippe Chassaing, rapporteur spécial Statistiques et études économiques ; Stratégies économiques ; compte spécial Accords monétaires internationaux ; M. Fabrice Brun, rapporteur spécial Commerce extérieur).

 

M. Xavier Roseren, rapporteur spécial (Développement des entreprises et régulations, compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des entreprises privées). Cette année est bien sûr particulière, puisqu’il s’agit du dernier budget de la législature. Elle est en outre marquée par l’entrée du plan de relance dans sa deuxième et dernière année.

Les crédits demandés sont en très forte hausse : 3,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3,85 milliards en crédits de paiement, soit 43,30 % et 56,35 % de plus que l’an dernier. Si cette hausse bénéficie largement au nouveau programme 367, quatre des cinq programmes de la mission n’en voient pas moins leurs crédits augmenter.

Le programme 134 Développement des entreprises et régulations représente près de 50 % des crédits de la mission. Il est doté de 1,631 milliard en CP et de 1,626 milliard en AE, soit une hausse de 31 %.

Celle-ci est principalement affectée à l’action 04 Développement des postes, des télécommunications et du numérique, qui représente 43 % des fonds du programme. Ses crédits sont en forte hausse – plus 188 % –, du fait de la prise en charge, à hauteur de 520 millions, du service universel postal. Nous saluons cette dotation qui garantit la pérennité du service postal. Nous suivrons de près son évolution, puisqu’elle est amenée à être modulée en fonction des résultats de qualité du service.

En revanche, l’action 23 Industrie et services est en baisse ; elle représente 30 % des crédits contre 47 % l’année passée, en raison notamment de la baisse de la compensation carbone en faveur des industries électro-intensives, qui passe de 403 à 344 millions – sa cotation au budget vert est neutre.

Comme chaque année depuis 2019, nous regrettons l’absence de la ligne BPIFrance pour abonder son fonds de garantie. Nous déposerons un nouvel amendement visant à rétablir cette ligne. Il s’agit de consacrer le contrôle du Parlement sur l’activité de cette banque publique.

Le travail sur la structure du programme a pris du retard du fait de la crise ; je souhaite que le chantier reprenne rapidement.

Je vous propose d’adopter les crédits du programme 134.

Mme Valéria Faure-Muntian, rapporteure spéciale (Développement des entreprises et régulations, compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des entreprises privées). Le programme 343 Plan France très haut débit est entré dans sa phase opérationnelle. Toutes les AE nécessaires au déploiement des réseaux d’initiative publique sont disponibles. Les décaissements se poursuivent, avec 600 millions prévus en CP. Conformément à la recommandation de la Cour des comptes, des crédits du fonds pour la société numérique ont été rebudgétisés et figurent au sein d’une action 02.

Le programme 367 Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2021 et en 2022 sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État a été créé par la loi de finances rectificative de juillet 2021. Initialement doté de 2 milliards, il est crédité de 748 millions. L’objectif est de doter le CAS en fonction des besoins identifiés.

Le compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés inclut le programme 862 Prêts pour le développement économique et social, stable à 70 millions en AE et en CP, son niveau d’avant-crise. Signe de l’amélioration économique, le programme 877 Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise de la covid-19 est maintenu sans dotation, comme dans la loi de finances initiale pour 2021. Les Prêts octroyés dans le cadre des programmes des investissements d’avenir augmentent légèrement, passant de 26 à 32 millions. Plus globalement, les AE sont en hausse, à 295 millions, tandis que les CP baissent légèrement pour s’établir à 710 millions.

La mission Plan de relance concourt cette année de façon incidente aux objectifs de la mission Économie. Je citerai quelques mesures : la rénovation énergétique et la transition écologique des TPE et PME, pour 38,7 millions, la décarbonation de l’industrie, pour 288 millions, le plan de soutien à l’automobile et l’aéronautique pour les accompagner dans la transition, pour 180 millions d’euros.

Nous vous proposons d’adopter les crédits des programmes 343 et 367 ainsi que ceux du compte de concours financiers.

M. Philippe Chassaing, rapporteur spécial (Statistiques et études économiques ; Stratégies économiques ; compte de concours financiers Accords monétaires internationaux). Les crédits du programme 220 Statistiques et études économiques, support de l’INSEE, augmentent légèrement de 424 millions à 432 millions, le niveau qui était demandé pour 2021. Ces crédits permettront à l’INSEE de poursuivre la mise en œuvre de projets structurants, en particulier la modernisation et la dématérialisation de ses enquêtes « entreprises » et « ménages ». Je salue les avancées déjà réalisées en la matière – et notamment la refonte de l’enquête « emploi », qui s’est faite sans rupture significative de série.

Le financement de l’INSEE s’inscrit dans un contrat pluriannuel 2019-2022. Celui-ci fixe une trajectoire de crédits et de réduction du nombre d’ETP, ce qui offre à l’INSEE une véritable flexibilité – en lui permettant par exemple d’organiser comme elle le souhaite son schéma d’emploi sur les trois ans pour atteindre l’objectif fixé. J’espère qu’il sera renouvelé.

Je salue la grande capacité d’adaptation de l’INSEE, qui lui a permis de poursuivre pendant la crise et aujourd’hui encore, sa production normale ainsi qu’une production spécifique à la situation sanitaire.

Le programme 305 Stratégies économiques porte les dépenses, hors fonctionnement, de la direction générale du Trésor (DG Trésor). Il a été affecté par une double mesure de périmètre : les crédits de la direction de la législation fiscale n’y figurent plus et il accueille désormais l’action Économie sociale, solidaire et responsable. Les crédits demandés sont stables par rapport à la loi de finances de 2021, à 417 millions.

L’essentiel des crédits finance la compensation versée à la Banque de France, en remboursement de prestations effectuées pour le compte de l’État. Cette compensation est de nouveau en baisse, à 217,6 millions contre 222 millions en 2021. Le secrétariat des commissions de surendettement représente l’essentiel de cette compensation, à 132 millions. Je tiens à saluer les réformes entreprises par la Banque de France, qui ont permis une baisse continue de ce poste de dépense – et notamment de réaliser 80 millions d’économies.

La baisse de cette compensation mérite d’autant plus d’être saluée qu’elle permet de rembourser cette année huit prestations effectuées par la Banque de France, alors que six seulement étaient remboursées les années précédentes. La baisse doit encore se poursuivre au moins jusqu’en 2024, ainsi que le prévoit le contrat de performance 2022-2024, en cours de signature entre la Banque de France et l’État. Nous devons cependant rester vigilants, car la sortie de crise peut faire craindre une nouvelle hausse du nombre de dossiers de surendettement, auquel cas le financement de la Banque de France devra être adapté. Toutefois, la situation économique semble relativement bonne.

Ce programme finance également la DG Trésor, en charge de diverses missions de prévision économique, de régulation financière, de négociations internationales et de soutien à l’export et à l’investissement à l’étranger. Cette direction d’état-major poursuit la réduction de la masse salariale de son réseau international, conformément à ce qui a été préconisé dans le plan Action publique 2022.

Il convient d’être vigilant sur les conséquences de ces suppressions. La DG Trésor est aujourd’hui confrontée à des difficultés dans l’exercice de certaines de ses missions et est de plus en plus souvent contrainte de décliner certaines demandes – comme des études comparatives internationales. Il paraît dès lors nécessaire de mener une réflexion sur le périmètre des missions des services internationaux.

Dix-neuf millions – 2 millions de plus qu’en 2021 – sont octroyés à l’action Économie sociale, solidaire et responsable : ils bénéficieront principalement à l’investissement à impact solidaire.

Le compte de concours financier Accords monétaires internationaux est destiné à garantir l’ancrage de la parité du taux de change du franc CFA sur l’euro et la convertibilité illimitée. L’appel en garantie est peu probable et aucun crédit n’est prévu pour 2022.

Je vous propose de voter les crédits des programmes 220 et 305 ainsi que ceux du compte de concours financiers.

M. Fabrice Brun, rapporteur spécial (Commerce extérieur). Disons les choses telles qu’elles sont : la situation du commerce extérieur français est inquiétante. Au premier semestre 2021, notre déficit commercial s’est encore creusé. En cumul sur douze mois glissants, il s’établit à 67,4 milliards d’euros.

Nous en connaissons les raisons conjoncturelles : hausse du prix de l’énergie et des matières premières, difficultés de secteurs traditionnellement porteurs à l’export, comme l’aéronautique, etc. Mais ce déficit trahit aussi des faiblesses structurelles et reflète un affaissement progressif de secteurs traditionnellement forts comme l’agro-alimentaire. Des nuages encore lourds, comme les contraintes administratives liées au Brexit, s’amoncellent.

Ne noircissons pas le tableau : il y a aussi de bonnes nouvelles, que le ministre chargé du commerce extérieur et de l’attractivité, Franck Riester, a eu raison de souligner. La barre des 130 000 entreprises à l’export vient d’être franchie, une réussite de la Team France Export, qui réunit les chambres de commerce et d’industrie (CCI) et Business France, en coopération étroite avec les régions et BPIFrance. Mon prédécesseur, Nicolas Forissier, a beaucoup œuvré pour la mise en place de Team France Export : depuis 2019, nous disposons d’une équipe d’acteurs différents, soudés par la crise et qui tirent dans le même sens. Il faudra, en 2022, poursuivre cette intégration en rééquilibrant le partage de la valeur ajoutée

La question des moyens donnés au soutien des entreprises à l’export se pose. Business France est une des rares agences dont le modèle économique repose pour moitié sur des recettes propres. De fait, les entreprises doivent payer pour bénéficier de prestations collectives ou participer à un grand salon international quand, bien souvent, leurs concurrents allemands, italiens ou britanniques ne dépensent pas un kopeck. Le reste à charge pour les entreprises françaises est en moyenne de 50 %, contre moins de 10 % chez leurs principaux concurrents.

Le volet export du plan de relance a été doté de 247 millions, mais les crédits ne seront pas tous consommés puisque le succès du chèque Relance export, du chèque Relance VIE ou de l’assurance Prospection dépend de l’ouverture des frontières. Je regrette que la prolongation du plan de relance export jusqu’au 31 juin 2022 ne s’accompagne pas d’un redéploiement des crédits, car c’est alors que les entreprises auront besoin de ces dispositifs. J’ai pris au mot le ministre de l’économie Bruno Le Maire, qui a affirmé que le rétablissement de la balance commerciale serait la priorité du prochain quinquennat, et déposé un amendement visant à sanctuariser les crédits non consommés. Mon vote dépendra du sort donné à cet amendement.

La défense du commerce extérieur passera par une redéfinition du « juste échange » en lieu et place du « libre-échange ». L’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN) a montré que pour certaines filières, comme l’acier ou l’aluminium, l’augmentation des importations, couplée à la baisse de la production nationale, a augmenté l’empreinte carbone de notre pays. L’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne est une nécessité économique et écologique.

 

Article 20 et état B 

 

Amendement II-CF1073 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun, rapporteur spécial. Comme annoncé, je propose de sanctuariser les crédits non consommés du volet export du plan de relance. Cet amendement abonde de 45,8 millions le programme Développement des entreprises et régulations, et retranche le même montant du programme Stratégies économiques. Il ne s’agit aucunement d’affaiblir les moyens de la DG Trésor – dont l’action, particulièrement dans le contexte de la crise sanitaire, est à saluer – mais de respecter les règles de recevabilité.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CF273 de M. Fabrice Brun. 

M. Fabrice Brun, rapporteur spécial. Le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) a été asséché pour diverses raisons et nous avons vu les dossiers fondre comme neige au soleil. Je propose de relancer ce dispositif très apprécié, qui pourrait participer à la revitalisation des centres bourgs, en ouvrant de nouvelles AE à hauteur de 14 millions, comme en 2018, ainsi que 5 millions de CP.

M. Xavier Roseren, rapporteur spécial. Cet amendement revient chaque année. Il faut bien évidemment soutenir le commerce de proximité, mais le FISAC n’est plus adapté. Son extinction a été programmée et il ne convient pas de le relancer. Je rappelle que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a désigné la région comme chef de file pour le développement économique et les aides aux entreprises. Par ailleurs, cet outil était peu adapté, car il induisait un temps de décision long, un fonctionnement lourd et peu réactif.

Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Le FISAC a marqué une certaine politique et c’est un outil dont on se souvient – ce qui n’est pas toujours le cas pour d’autres dispositifs administratifs. On pourrait apporter des modifications pour le rendre plus réactif, mais il faut reconnaître que les choses ne vont pas beaucoup plus vite avec d’autres outils.

M. Jean-Louis Bricout. Pour avoir piloté deux FISAC lorsque j’étais maire, je dirais que c’était un bon dispositif. Il mettait en relation la collectivité, les chambres consulaires et l’union commerciale, et permettait de répondre aussi bien aux enjeux de l’environnement commercial global qu’aux problèmes spécifiques de sécurité ou d’accessibilité. Certes, le programme Petites villes de demain intègre ces enjeux, mais le FISAC était un dispositif fort et apprécié dans les territoires.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure spéciale, la commission rejette l’amendement IICF48 de M. Vincent Descoeur.

 

Amendement II-CF210 de Mme Lise Magnier. 

Mme Lise Magnier. Il s’agit de doter l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) d’ETP suffisamment nombreux pour qu’il puisse mettre en œuvre toutes les transformations actées dans la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE).

L’étude d’impact de la loi PACTE estimait que la création du guichet unique nécessiterait, à elle seule, 40 ETP supplémentaires. Or ce budget n’en prévoit que 14 pour l’année prochaine. Cet amendement vise à doter l’INPI des ressources humaines qui lui sont nécessaires pour accomplir ses missions.

M. Xavier Roseren, rapporteur spécial. Vous proposez d’ajouter 5 millions au budget de l’INPI pour renforcer ses ETP.

Le PLF pour 2022 prévoit effectivement de doter l’INPI de 14 ETP supplémentaires. Nous avons interrogé, lors de nos auditions, le secrétaire général des ministères économiques et financiers, qui nous a assuré que l’INPI avait bénéficié d’autres ETP supplémentaires, ce qui porte leur total à 50.

Votre amendement me paraissant satisfait, je vous invite à le retirer et à le présenter à nouveau en séance publique, afin d’interroger directement le ministre à ce sujet. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Lise Magnier. Je veux bien retirer mon amendement si vous demandez au secrétaire général de Bercy de m’adresser la preuve que 50 ETP ont bien été créés depuis la promulgation de la loi PACTE. Cela m’évitera de redéposer mon amendement en séance.

L’amendement est retiré.

 

Amendements II-CF713 de Mme Valérie Rabault.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de revenir sur la suppression d’ETP au sein de l’Agence nationale des fréquences (ANFR), dont les missions sont essentielles dans le contexte de déploiement de la 5G.

Mme Valéria Faure-Muntian, rapporteure spéciale. La suppression de 2 ETP sera compensée par la création de 1 ETP sur ressources propres. Et la voie d’apprentissage sera favorisée.

Je vous rappelle, par ailleurs, que dans une récente loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE), nous avons transposé les règles d’automatisation de remontée d’information à destination de l’Agence nationale des fréquences en ce qui concerne le déploiement de la 5G. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CF712 de M. Dominique Potier.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de rétablir à son niveau de 2021 l’effort en faveur de l’investissement à impact social : ses crédits sont passés de 4,3 à 1,1 million en un an. Cette baisse semble le résultat de la non-reconduction de la contribution au financement de projets d’innovation sociale, par le biais d’avances récupérables ou de prêts FEDER Innovation, et des moyens liés au fonds d’amorçage des entreprises de l’innovation sociale.

M. Philippe Chassaing, rapporteur spécial. Je peux partager votre point de vue sur la nécessité de financer l’innovation en matière sociale. Toutefois, l’activité de BPIFrance en la matière ne repose pas seulement sur le programme 305, mais également sur d’autres fonds de garantie, notamment les garanties France Active. Je vous invite donc à retirer votre amendement et à le redéposer en séance, si vous le souhaitez, pour en discuter avec le ministre.

La commission rejette l’amendement.

 

M. Brahim Hammouche (DEM). Les crédits de la mission Économie visent à développer l’activité et la compétitivité des entreprises afin de soutenir la croissance durable et équilibrée de l’économie française. Les actions portées par cette mission concernent également le développement de l’économie sociale, solidaire et responsable – notamment du point de vue environnemental –, par le biais du programme Stratégie économique et fiscale, qui va lui consacrer une enveloppe dédiée de 19 millions.

Les moyens de l’autorité des marchés financiers augmentent de 5 millions, compte tenu de ses nouvelles missions en matière de finance durable et digitale. L’évolution du marché des crypto-actifs ces derniers jours incite à une meilleure supervision de ce marché. Je me réjouis donc que cette autorité développe des compétences en la matière. Pensez-vous, madame la rapporteure spéciale, que ces moyens sont suffisants ?

Pouvoir disposer d’informations statistiques pertinentes en matière socio-économique est l’un des objectifs de cette mission. L’INSEE a signé un contrat d’objectifs et de moyens avec la direction du budget et le secrétariat général des ministères économiques et financiers pour la période 2019 à 2022, qui a permis d’accompagner son plan de transformation, axé sur la modernisation des enquêtes, la dématérialisation et la simplification de l’accès à la donnée publique.

La mission Économie vise également la couverture du territoire en très haut débit à 100 % d’ici à la fin de l’année 2022. Cet objectif est complété par une cible de couverture générale en fibre optique du territoire d’ici à fin 2025. Il s’agit là d’un facteur essentiel de continuité et de compétitivité de l’activité économique du pays, ainsi que d’inclusion numérique des Français et d’attractivité des territoires. Les crédits alloués au programme 343 Plan France très haut débit permettront de poursuivre la mise en œuvre de ce plan. Ils seront complétés par des crédits mobilisés dans le cadre de France Relance.

Le groupe MODEM votera ces crédits.

M. Jean-Louis Bricout (SOC). Les crédits de la mission Économie ne représentent qu’une fraction des moyens mis en œuvre pour soutenir nos entreprises dans le contexte de la crise liée à la covid-19.

La principale évolution de la mission consiste en l’inscription d’une dotation de 520 millions versée à La Poste au titre de ses missions de service universel postal. La crise sanitaire a dégradé son équilibre financier et cette dotation de l’État doit garantir la pérennité et le caractère abordable d’un service essentiel au maillage territorial de notre pays.

L’autre évolution notable est la diminution de 58,7 millions des dépenses d’intervention prévues pour le versement de la compensation des sites électro-intensifs.

Les crédits de soutien aux entreprises restent stables. À cet égard, nous regrettons que les moyens mobilisés pour la promotion des entreprises françaises à l’étranger s’étiolent. Les crédits pour les événements contribuant au développement de l’économie française à l’international et à l’attractivité de la France sont ainsi divisés par deux. On peine à comprendre ce choix, alors que le redémarrage de l’économie mondiale appellerait, au contraire, un effort accru pour aider les entreprises à trouver des débouchés à l’international. De même, on regrette que les 2 millions du plan de relance consacrés au volet export pour Business France ne soient pas reconduits.

Je ne reviens pas sur les deux points qui ont fait l’objet de nos amendements – la faiblesse des investissements dans l’économie sociale et solidaire et la diminution des effectifs de l’ANFR.

Pour finir, la crise a entraîné un gonflement de l’épargne. Si cette épargne se débloque, les effets sur notre appareil productif et notre balance commerciale ne seront pas les mêmes selon qu’elle se portera sur des produits importés ou sur des produits fabriqués en France.

Mme Sabine Rubin (FI). Cette mission Économie s’inscrit dans la logique de la compétitivité, laquelle s’accorde mal avec le social et la nécessaire bifurcation écologique.

Le programme 134 connaît une augmentation de ses crédits, notamment l’action 04 Développement des postes, des télécommunications et du numérique, qui enregistre une hausse de 188 %. Cette politique d’ouverture à la concurrence s’accompagne de son lot de « progrès » : dématérialisation, suppression d’emplois et réduction du temps de distribution. Toujours plus vite : voilà le programme !

En revanche, l’action Contrats à impact social fond et, avec elle, les actions en faveur de l’économie sociale et solidaire (ESS) et de la bifurcation écologique.

La compétitivité s’accorde mal avec le social et l’écologie, mais aussi avec l’égalité sur le territoire. Quand M. Castex se félicite que deux tiers de la France soient couverts en très haut débit, quand il fanfaronne en disant que nous sommes devenus le premier pays d’Europe pour le déploiement de la fibre, il oublie de dire que le taux de connexion au très haut débit varie de 10 % à 90 % selon les départements et que des zones blanches persistent, même s’il y a eu un net progrès. La France, qui était le premier pays pour la couverture haut débit en 1990, grâce à la qualité du réseau construit par la puissance publique, est reclassée au quarante-quatrième rang, à cause de la privatisation du secteur des télécommunications.

Parce que le déploiement de la 4G doit être rentable, il se concentre sur les zones les plus denses, au mépris de la loi mais évidemment pas des dividendes ! Malgré la faiblesse de leurs investissements, Orange et SFR sont endettées, probablement parce qu’elles ont reversé la quasi-totalité de ce qu’elles ont gagné en dividendes.

Les choix passés et ceux que traduisent aujourd’hui les crédits de cette mission ne sont pas en phase avec la nécessaire bifurcation de notre économie.

M. Alain Bruneel (GDR). Le groupe GDR votera contre les crédits de cette mission. Nous nous exprimerons lors du débat en séance publique.

M. Fabrice Brun, rapporteur spécial. Nous n’avons pas d’outils pour prévoir où ira l’épargne une fois libérée. Si elle part dans la consommation de produits importés, non seulement cela ne réglera pas le problème de notre déficit commercial, mais nous n’entrerons pas dans le cercle vertueux de la transition écologique. Voilà pourquoi je pense qu’il faut avoir une approche encore plus globale et continuer à se battre pour l’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne.

 

La commission adopte les crédits de la mission Économie non modifiés.

 

Article 22 et état D 

 

La commission adopte les crédits du compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés non modifiés.

 

La commission adopte les crédits du compte de concours financiers Accords monétaires internationaux non modifiés.

 

Elle examine ensuite les crédits de la mission Engagements financiers de l’État (Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale). 

 

Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale. Après avoir atteint leur niveau le plus bas en 2020, les crédits de paiement de la mission Engagements financiers de l’État s’établiraient à 43,1 milliards d’euros en 2022, en hausse de 4,1 milliards par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. Cette hausse est principalement due à la dotation de 2 milliards prévue sur le nouveau programme 369 Amortissement de la dette liée à la covid-19 et à la montée en puissance des prévisions d’appels en garantie au titre des prêts garantis par l’État (PGE).

La principale nouveauté de cette mission est la création d’un programme dédié au remboursement des 165 milliards de dette issus de la crise sanitaire en 2020 et 2021.

Il faut bien distinguer cette dette de l’État de la dette sociale liée au covid, reprise par la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), conformément aux lois organique et ordinaire votées en 2020. Le nouveau programme 369 répond au double objectif d’isolement comptable de la dette covid et d’affichage d’une trajectoire claire et transparente de remboursement de cette dette en vingt ans, dans un exercice de transparence vis-à-vis des marchés, de nos partenaires européens et surtout de nos concitoyens.

Nous rembourserons cette dette par les fruits de la croissance, puisqu’une fraction de 6 % de la hausse des recettes fiscales nettes par rapport à leur niveau de 2020 sera consacrée à l’amortissement de la dette. La croissance est renforcée par les choix faits par cette majorité, le dernier en date étant le plan d’investissement France 2030. Au passage, j’insiste sur la nécessité de porter une attention toute particulière à la gouvernance et à l’évaluation de ce grand projet.

Les conditions de financement de la dette française sont favorables et devraient le rester à moyen terme. Les principaux risques relatifs à la soutenabilité de notre dette sont aujourd’hui politiques : les marchés seront attentifs, d’une part, aux candidatures à l’élection présidentielle situées aux extrêmes de l’échiquier politique et, d’autre part, à la situation européenne, avec la sortie prochaine du Pandemic Emergency Purchase Programme (PEPP) de la Banque centrale européenne (BCE) et la nécessaire coordination des États européens sur leurs trajectoires de désendettement.

L’encours des PGE est aujourd’hui d’environ 142 milliards. Le Gouvernement prévoit des appels en garantie à hauteur de 2,6 milliards sur les PGE en 2022. Si les premiers chiffres macroéconomiques dont nous disposons sont plutôt rassurants, deux points d’alerte importants ressortent. Premièrement, environ 30 % des entreprises ayant souscrit un PGE déclarent avoir utilisé la quasi-totalité du prêt. Pour ces entreprises, le remboursement du PGE en quatre ou cinq ans est complexe et il me semble nécessaire de trouver des solutions innovantes en la matière. Deuxièmement, le choc économique de la crise covid a renversé la nature de la dette des entreprises : avant la crise, la dette servait principalement à financer de l’investissement ; désormais, elle finance de plus en plus, voire majoritairement, des besoins de liquidités.

Sur le marché des obligations vertes, la France est en très bonne position, malgré l’arrivée de nouveaux émetteurs importants, notamment l’Allemagne et l’Union européenne, qui a émis 12 milliards de green bonds il y a dix jours. Les obligations assimilables du Trésor (OAT) vertes bénéficient aujourd’hui d’un greenium ou « prime verte » par rapport aux autres obligations : la demande est extrêmement dynamique face à une offre finalement limitée en raison du manque de projets à financer. Il importe de travailler collectivement au déblocage de cette situation dans l’économie réelle.

Je donne un avis favorable aux crédits de cette mission et vous invite à les voter.

 

Article 20 et état B 

 

Amendement II-CF892 de M. François Ruffin.

Mme Sabine Rubin. Par cet amendement d’appel, nous souhaitons diminuer de 1 milliard d’euros – c’est-à-dire ramener à zéro – les crédits de l’action 01 du programme 369 Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19. Nous souhaitons ainsi dénoncer l’ineptie que constitue ce cantonnement de la dette.

Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale. Avis défavorable. Nous avons déjà longuement débattu de cette question. L’annulation de la dette par la Banque centrale européenne, que vous proposez, nous paraît extrêmement dangereuse. Les États européens pourraient ne plus trouver à se financer sur les marchés.

M. le président Éric Woerth. Je note en tout cas l’engagement du groupe La France insoumise sur la question de la dette, puisque M. Éric Coquerel a récemment publié un livre à ce sujet.

La commission rejette l’amendement.

 

M. Brahim Hammouche (DEM). La crise sanitaire nous a rappelé combien il importe d’avoir une signature crédible. Si la signature française ne l’avait pas été, nous aurions pu craindre qu’aux crises sanitaire, sociale et économique, ne s’ajoute une crise liée à la dette souveraine. J’en profite pour saluer l’excellent travail de l’Agence France Trésor (AFT), qui garantit la liquidité et le financement de la dette française.

On peut légitimement s’inquiéter du niveau de notre dette publique mais, de même qu’il y a le bon et le mauvais cholestérol, il y a la bonne et la mauvaise dette. Or je ne pense pas que la dette que nous avons contractée en mars 2020 pour financer les dispositifs d’urgence, comme celle que nous contractons aujourd’hui pour accompagner la relance, soit de la mauvaise dette.

On a beaucoup appris de la crise des subprimes et de la forte hausse des impôts qui l’a suivie pour réduire le déficit : elle a tué la relance dans l’œuf. Également, le paysage des émissions de dette publique a beaucoup évolué au cours de la dernière décennie, avec l’apparition des politiques dites non-conventionnelles, ou plutôt néo-conventionnelles.

S’agissant des obligations vertes, quelle part du plan de relance financeront-elles ?

Quelles sont les conséquences sur le marché des obligations publiques de l’apparition des mécanismes d’endettement communs européens, pour un montant maximal de 750 milliards d’ici à 2026 ? Le groupe du Mouvement démocrate et démocrates apparentés, qui est extrêmement europhile, ne peut que saluer l’instauration d’un mécanisme d’endettement commun au niveau européen : cette décision est historique.

Attaché à la qualité de la signature de la France et fier des évolutions introduites au cours des dernières années, notre groupe votera les crédits de cette mission.

M. Jean-Louis Bricout (SOC). La mission Engagements financiers de l’État a, depuis dix-huit mois, un statut particulier, dans le contexte de l’épidémie de covid-19. Son seul programme 369 Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 prévoit ainsi l’ouverture de 1,9 milliard de crédits de paiement pour 2022. L’amortissement à long terme de cette dette, comme de celle qui relève des comptes sociaux, ne pourra pas se faire sur le dos des ménages, qui ont déjà été les premiers de tranchée de cette crise. Il ne justifiera pas non plus une réduction du périmètre des services publics, alors que les insuffisances de ce dernier n’ont été que trop mises en lumière par la crise, en particulier dans le domaine de la santé.

Une hausse de 2,66 milliards est prévue pour les appels en garantie au titre des prêts garantis par l’État. La Banque de France a estimé que 4 % à 7 % des entreprises risquent de ne pas pouvoir rembourser leur prêt mais le bleu budgétaire ne présente pas la typologie des entreprises concernées. À cet égard, nous invitons le Gouvernement à mobiliser tous les outils susceptibles d’éviter le défaut de paiement de ces créances aux entreprises dont la solvabilité à moyen terme n’est pas remise en question, mais dont les difficultés à court terme sont intrinsèquement liées à la crise sanitaire et aux mesures administratives prises pour y faire face.

À défaut de plus amples données sur les garanties des PGE, nous nous abstiendrons sur ces crédits.

Mme Sabine Rubin (FI). Nous avions dit d’emblée que le choix de faire peser la dette sur la sécurité sociale ne nous convenait pas. Le chômage partiel et les différentes mesures d’allègement ou de suppression de cotisations lui coûtent 65 milliards, ce qui n’est pas neutre. Cela va, en outre, justifier les réformes de l’assurance chômage et de la retraite, ainsi que d’autres mesures antisociales, comme le prolongement de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), qui est un impôt injuste.

Par ailleurs, cantonner la dette liée au covid en l’amortissant, c’est la faire rembourser par les contribuables par leurs impôts, puisque cette nouvelle ligne prévoit que 6 % des recettes de l’État dégagées au-delà de leur niveau de 2020 seront attribués, sous forme de dotation, à la fameuse caisse que vous avez évoquée. Le montant effectif sera modulé en fonction du niveau de croissance attendu pour l’année – 1,9 milliard cette année. Il s’agit là d’un choix politique, idéologique. Vous auriez pu, au moins, fondre cette dette dans la dette générale ou la faire rouler en profitant des taux négatifs.

Notre proposition est bien plus pragmatique, mais vous n’en voulez pas. Plus de 20 % de la dette publique française est détenue par la BCE : celle-ci pourrait la transformer en dette perpétuelle – à défaut de l’annuler. La dette ne serait ainsi pas remboursée, sans la moindre incidence pour les acteurs économiques.

Vous avez bien fait, monsieur le président, d’évoquer le livre de mon collègue Éric Coquerel, Lâchez-nous la dette !

M. Alain Bruneel (GDR). Le programme 369 Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 nous inquiète : le risque, c’est que la dette soit payée par les contribuables. La CRDS a d’ailleurs été prolongée. L’État a l’habitude de prendre des décisions et de faire payer les autres. C’est la même chose pour la dette sociale : quand l’État décide d’introduire des exonérations de cotisations sociales, il ne rembourse pas à la hauteur de ces exonérations.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de cette mission.

M. le président Éric Woerth. La caisse de la dette publique (CDP) ne fonctionne pas comme la CADES. Quel est son statut juridique et comment fonctionne-t-elle ?

Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale. La CDP est déjà utilisée pour amortir de la dette, par exemple avec le fruit de cessions de participations ; elle intervient sur le marché secondaire. La CDP a été choisie pour son savoir-faire et parce qu’elle est connue sur les marchés.

S’agissant du calcul de l’amortissement – le 1,9 milliard correspondant aux 6 % de recettes fiscales supplémentaires –, j’ai demandé à l’AFT si la durée d’amortissement aurait été modifiée si l’on avait choisi de baisser la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Selon l’Agence, on ne fera pas de régularisation en cours d’année – en PLFR, par exemple –, mais on se rattrapera sur l’année suivante. C’est un mécanisme nouveau.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’il n’y a pas de fractionnement de la dette, il n’y a pas une dette à part. C’est toujours la même dette : on procède simplement à un isolement comptable et politique. C’est pourquoi je suis surprise d’entendre que le contribuable ne doit pas être la « vache à lait » du remboursement de la dette. Les contribuables contribuent chaque année au remboursement de la dette, pour plus de 30 milliards. Dire qu’ils vont contribuer encore plus, ce n’est pas juste. Ce qui est exceptionnel, depuis quelques années, ce sont les taux d’intérêt très bas. Or on continuera d’en bénéficier, même avec l’isolement de la dette.

Les projets annuels de performance fournissent une déclinaison très précise de tous les secteurs concernés par le PGE. Il faut vraiment prêter une attention particulière aux 30 % d’entreprises qui ont consommé 100 % de leur prêt et qui risquent d’avoir des difficultés à le rembourser. La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) souhaiterait une consolidation des prêts et des remboursements de la dette sociale, mais nous devons tenir compte des contraintes européennes, qui sont lourdes. C’est pourquoi je crois utile de réfléchir à des mécanismes innovants de remboursement, pour ne pas mettre en difficulté ces PME et ces TPE, qui animent nos territoires.

Un rapport d’allocation et de performance identifie chacune des dépenses financées par les OAT vertes et leur cahier des charges est extrêmement exigeant. Plusieurs articles relatifs au greenwashing et aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ont paru ces dernières semaines dans la presse. Un article du Monde est assez critique, et à juste titre, puisque nous n’avons pas d’autorité de régulation de ce marché – même si j’ai fait voter dans la loi PACTE un amendement chargeant l’Autorité des marchés financiers de contrôler l’information qui est donnée. Il est certain que la qualité des critères fixés et le niveau d’exigence restent de vraies questions.

M. le président Éric Woerth. Les 37 milliards correspondent aux charges de l’intérêt de la dette, y compris les charges d’intérêt des 165 milliards. Ce que rembourse le 1,9 milliard d’euros, c’est le capital. Or ce remboursement du capital, dans un État très déficitaire, est largement financé par les marchés financiers au travers de l’emprunt de l’année : c’est un cercle vicieux.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Rien qu’avec l’inflation, on paie à peu près la même chose en service supplémentaire de la dette que ce qu’on va allouer au remboursement du principal de la dette – autour de 1,8 ou 1,9 milliard. Ce que dit le président est assez juste : on paie en budgétaire ce qu’on va consacrer au désendettement.

On est bien d’accord qu’on ne verrouille pas le remboursement de la dette, comme on le fait pour la CADES. On n’alloue pas une recette fiscale : c’est la grande différence. Chaque année, le Parlement votera les crédits consacrés au remboursement de cette dette. Et il pourra très bien, dès l’année prochaine, décider de ne plus allouer une part de la croissance supplémentaire au remboursement de la dette. Il ne s’agit donc pas d’un cantonnement : les mots ont un sens.

Comment le marché accueille-t-il ce mécanisme ? Le considère-t-il comme équivalent à celui de la CADES ? Ce mécanisme met-t-il les créanciers en confiance ? Plus qu’un choix visant à garantir le bon remboursement de notre dette, n’est-ce pas surtout un choix politique ?

M. le président Éric Woerth. Si on consacrait, non pas 6 %, mais la totalité des recettes supplémentaires au remboursement de cette dette, ce serait au détriment de certaines dépenses.

Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale. Le mécanisme est exactement celui que vous décrivez, monsieur le rapporteur général. D’ailleurs, en fonction du niveau de croissance, on sera peut-être amené à rallonger la durée d’amortissement qui, pour l’instant, est de vingt ans.

S’agissant de la réaction des marchés financiers, les spécialistes en valeur du Trésor avec qui j’ai échangé m’ont dit que c’était neutre pour eux. C’est effectivement, et nous l’assumons, un instrument politique, qui n’a pas d’intérêt économique. Il pourrait devenir intéressant si l’on décidait un jour de donner un caractère particulier à cette dette covid au niveau européen, mais ce n’est pas le cas à l’heure actuelle. Ce choix répond à l’engagement de transparence de la majorité et de Bruno Le Maire vis-à-vis des Français.

M. Jean-Louis Bricout. Nous sommes bien conscients que c’est le contribuable qui supporte la dette. Ce qui nous inquiète, c’est la manière dont le budget est construit. Pour réduire les déficits, on peut soit réduire les dépenses publiques, soit augmenter les impôts et les prélèvements obligatoires. Puisque vous refusez d’augmenter les prélèvements sur ceux qui pourraient plus facilement nous aider à supporter cette dette, la seule option reste la réduction des dépenses publiques, ce qui met en danger nos services publics.

 

La commission adopte les crédits de la mission Engagements financiers de l’État non modifiés.

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Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du jeudi 21 octobre à 21 heures

 

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, M. Alain Bruneel, M. Philippe Chassaing, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Valéria Faure-Muntian, M. Romain Grau, M. Brahim Hammouche, M. Alexandre Holroyd, M. Daniel Labaronne, Mme Lise Magnier, M. Xavier Paluszkiewicz, Mme Bénédicte Peyrol, M. Xavier Roseren, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, M. Éric Woerth

 

Excusés. - M. Damien Abad, M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva

 

Assistait également à la réunion. - M. François Ruffin