Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

  Audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et de Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, examen pour avis et vote des crédits des missions « Sécurités » (M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » ; M. Mansour Kamardine, rapporteur pour avis pour le programme « Sécurité civile ») et « Administration générale et territoriale de l’État » (M. Raphaël Schellenberger, rapporteur pour avis)              2

 

 

 

 


Mardi
12 octobre 2021

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 3

session ordinaire de 2021-2022

Présidence de
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

 


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La réunion débute à 17 heures 25.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

La Commission auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, sur les crédits des missions « Sécurités » (M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » ; M. Mansour Kamardine, rapporteur pour avis pour le programme « Sécurité civile ») et « Administration générale et territoriale de l’État » (M. Raphaël Schellenberger, rapporteur pour avis).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous entamons aujourd’hui notre cycle d’auditions budgétaires qui se poursuivra ce soir et demain matin avec madame Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Nous examinerons cet après-midi et ce soir l’ensemble des missions budgétaires relatives au ministère de l’Intérieur en présence de monsieur Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et madame Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

La Commission examine pour avis les crédits de la mission « Sécurités » (M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » ; M. Mansour Kamardine, rapporteur pour avis pour le programme « Sécurité civile »).

M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur. Je suis très heureux de défendre une nouvelle fois les crédits du ministère de l’Intérieur au moment où son budget connaît une progression sans précédent : 3,4 milliards d’euros sur les cinq exercices budgétaires, et 1,7 milliard d’euros au titre du projet de loi de finances pour 2022.

Je remercie donc le Président de la République, le Premier ministre et les ministres financiers d’avoir rendu possible cette progression à laquelle il faut ajouter le reste des crédits du plan France Relance dont la plus belle illustration reste les automobiles de modèle 5008 fabriquées en France qui équipent désormais policiers et gendarmes.

J’en viens, en remerciant les rapporteurs pour avis pour leur travail, aux quatre programmes de la mission « Sécurités » : « Police nationale », « Gendarmerie nationale », « Sécurité et éducation routières » et « Sécurité civile », dont les crédits augmentent de 1,02 milliard d’euros.

Le fonctionnement du ministère de l’Intérieur a été grandement handicapé par la « maladie du titre 2 », c’est-à-dire de la masse salariale, largement supérieure aux crédits « hors titre 2 », ce qui a été préjudiciable à son parc immobilier, à son matériel technologique et à sa transformation numérique. Nous vous proposons depuis deux ans la stratégie inverse : une augmentation du hors T2 bien supérieure à celle de la masse salariale. Ainsi, 95 % des crédits annoncés par le Président de la République lors de son discours de Roubaix se rapportent au matériel, 5 % seulement relevant du catégoriel. Police comme gendarmerie sont évidemment concernées par ces transformations.

Un mot tout d’abord sur les créations de postes annoncées par le Président de la République depuis son élection. Si l’on intègre le PLF 2022, 10 000 postes supplémentaires auront bien été créés sur les cinq exercices budgétaires. Ces créations ont en premier lieu bénéficié à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et aux services de renseignement, notamment territoriaux – 1 900 postes –, ainsi qu’à la sécurité publique, c’est-à-dire aux policiers sur le terrain puisque la quasi-intégralité des effectifs sortant des écoles de police est désormais affectée dans les commissariats de France.

Les gendarmes ont bénéficié, quant à eux, d’un tiers de ces 10 000 postes. En 2022, ils seront ainsi plus nombreux dans les brigades, partout sur le territoire national, et les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) pourront être densifiés. Le projet de loi de finances prévoit d’ailleurs la transformation d’une partie des gendarmes adjoints volontaires en sous-officiers au sein de ces PSIG, ce qui va professionnaliser l’activité de la gendarmerie nationale.

L’augmentation très importante des effectifs de police, ainsi que des moyens donnés à la police et à la gendarmerie nationales, permet de faire naître deux grands projets de transformation dans le cadre du prochain budget qui sous-tendent la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) annoncée par le Président de la République. J’ai d’ailleurs commencé les négociations salariales et syndicales s’y rapportant.

Il s’agit tout d’abord de la réforme des cycles horaires, si attendue dans la police nationale, avec la fin de la vacation forte. Je prendrai un arrêté afin de lister, à partir du 1er janvier, les nouveaux cycles sur la base desquels les directions départementales de la sécurité publique (DDSP) pourront négocier avec les policiers. L’objectif est de mettre plus de « bleu » sur le terrain tout en accompagnant le repos normal. Je n’ai pas de cycles horaires privilégiés : il y en aura toujours plusieurs, mais je ferai supprimer ceux qui consomment des forces de façon excessive. S’il y a plus de moyens, il doit y avoir plus de monde sur le terrain.

Il s’agit ensuite de mener un travail avec les syndicats de police et l’ensemble de la police nationale pour que les policiers puissent aller là où on a besoin d’eux, au sens budgétaire et sécuritaire. Actuellement, en effet, le ministre de l’Intérieur ne peut envoyer, si j’ose dire de force, dans un territoire donné que ceux qui sortent des écoles de police. Sans obliger les policiers à rester des années là où ils ne le souhaitent pas, il faut néanmoins faire en sorte que les effectifs se trouvent là où la délinquance est la plus forte. Nous avons entamé ces transformations dans le PLF 2022.

Il s’agit également de disposer des crédits nécessaires pour que le lien police- population soit le meilleur possible. J’ai lancé cette année avec la ministre déléguée un plan prévoyant des stages et des contrats d’apprentissage au sein de la police et de la gendarmerie nationales pour 10 000 jeunes. Les crédits inscrits au PLF 2022 permettront de les concrétiser dans les locaux de police ou de gendarmerie ainsi que dans les secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur (SGAMI). Soulignons au passage que le Gouvernement ayant proposé que les apprentis ne soient plus pris en compte dans les plafonds d’emplois des ministères, l’apprentissage dans le secteur public va s’en trouver amélioré.

La progression de la masse salariale du programme « Police nationale » est de 0,2 %, et celle du programme « Gendarmerie nationale » de 0,3 %. Non, nous n’avons rien « acheté » à la veille de la campagne électorale. Les crédits ne visent pas à financer des primes mais bien du matériel et des transformations technologiques. Si la question des salaires se pose à coup sûr dans toute la fonction publique, et donc parmi les policiers et les gendarmes, il ne s’agit pas de faire comme avant, c’est-à-dire de prévoir des primes parce que l’on se trouve à la veille des élections.

L’augmentation des moyens dits hors T2, comme ceux consacrés au temps de formation ou aux investissements, m’intéresse en premier lieu. Il s’agit d’abord de permettre une meilleure gestion des ressources humaines, notamment en prolongeant, à partir de l’année prochaine, la formation des policiers et des gendarmes de quatre mois, qui passera ainsi de huit à douze mois. Je précise d’emblée à monsieur Bernalicis que la préparation au concours d’officier de police judiciaire (OPJ), qui sera lui-même revu, n’est pas incluse dans cette durée supplémentaire. Nous y reviendrons à l’occasion de la présentation de la LOPPSI.

Il s’agit également de renforcer l’action sociale du ministère de l’Intérieur : entre 2021 et 2022, 5,7 millions d’euros supplémentaires lui seront consacrés. S’y ajoutent des mesures que les policiers attendaient depuis bien longtemps, notamment la gratuité totale des transports, effective à partir du 1er janvier 2022, en contrepartie de leur sécurisation, et la protection sociale complémentaire qui sera versée à tous les agents et qui s’inscrit dans le cadre de la réforme de la fonction publique.

L’an prochain, 11 000 nouveaux véhicules seront achetés pour les forces de l’ordre, ce qui équivaut à trois années budgétaires normales. Ainsi 25 % des véhicules des brigades anticriminalité (BAC) seront remplacés, soit 270 véhicules sur un parc de 850. Nous changeons l’intégralité des véhicules blindés de la gendarmerie et des forces de maintien de l’ordre, puisque 360 nouveaux véhicules les équiperont. Enfin, 1 600 nouvelles motos, moitié pour la police, moitié pour la gendarmerie, seront également commandées.

Au total, en intégrant l’année dernière, 70 % du parc automobile de la police et de la gendarmerie nationales sera renouvelé, alors qu’auparavant, un véhicule n’était changé que tous les neuf ans. Les crédits que vous allez voter vont donc permettre une transformation radicale des moyens de ces forces.

La nouvelle tenue des policiers, dont le dessin a été confié à des écoles de mode et n’a rien coûté à l’État, a été présentée – je remercie notamment celle de Bordeaux dont le projet a été sélectionné. Elle permettra de leur fournir 250 000 polos, désormais confectionnés en France – et non plus à Madagascar. Ce sera le cas à 100 % en 2023.

Je me dois également d’évoquer le budget consacré aux matériels, et notamment la numérisation du ministère de l’Intérieur, qui permettra de mettre en œuvre le passage de la préplainte à la plainte en ligne et de mieux équiper les policiers et les gendarmes pour accompagner la simplification de la procédure judiciaire.

L’année prochaine, 26 000 écrans doubles seront achetés pour équiper l’intégralité des commissariats et des brigades de gendarmerie, ainsi que 234 000 smartphones et tablettes, dits nouvel équipement opérationnel (NEO), et un certain nombre de terminaux Ubiquiti permettant le dépôt de plainte à domicile – 3 100 gendarmes en seront notamment équipés.

Parmi les grands chantiers numériques, le réseau radio du futur permettra au policier, à la veille des Jeux olympiques, de ne plus utiliser qu’un seul outil : le smartphone multiservice.

Nous allons également intervenir sur le parc immobilier de notre ministère, et donc changer radicalement la vie de 700 brigades de gendarmerie et d’unités de police. Nous lancerons par exemple un énième plan Poignées de portes, à hauteur de 50 millions d’euros, qui permettra aux commissaires et aux commandants de groupement de décider des travaux à faire.

Enfin, des crédits seront mobilisés en faveur des hôtels de police de Nice et de Marseille, de l’extension du site d’Interpol à Lyon que pour l’instant l’État prend intégralement en charge, de la reconstruction de la caserne de gendarmerie de Saint-Martin-Vésubie, de la caserne de gendarmerie de Balma à Toulouse et d’un certain nombre de commissariats comme celui de Valenciennes.

S’agissant de la sécurité civile, je veux rappeler les moyens extrêmement importants que nous lui avons consacrés – 54 millions d’euros supplémentaires. Les commandes d’avions et d’hélicoptères – portant notamment sur deux H145-D3 – passées lors des années précédentes se concrétiseront. Ce sera également le cas des six nouveaux hélicoptères Dash commandés en 2019, trois ayant d’ores et déjà été livrés. La modernisation des matériels terrestres des formations militaires de la sécurité civile (FORMISC) bénéficiera, elle, de 13 millions d’euros de crédits.

Je rappelle que nous avons connu l’été dernier l’incendie le plus important depuis 1990 : 7 000 hectares de végétation ont été détruits dans le Var autour de Gonfaron. Les forces de sécurité civile ont dû intervenir plusieurs jours durant dans des conditions extrêmement difficiles. Nous devons donc protéger notre système de sécurité civile dont l’efficacité est remarquable.

C’est d’ailleurs ce que vous avez fait en adoptant la proposition de loi de Fabien Matras, et ce que nous faisons en aidant les effectifs de la sécurité civile, et notamment les courageux pilotes et mécaniciens opérateurs de bord (MOB) – l’un d’entre eux a récemment encore trouvé la mort lors d’une intervention en Isère. Nous avons accédé à leurs demandes en matière de rémunération.

Nous avons également consacré des crédits à la modernisation des systèmes d’alerte de sécurité civile, à la suite notamment de l’incendie de l’usine Lubrizol : ils utilisent désormais les smartphones.

Je ne veux pas oublier la sécurité routière : d’importants crédits sont destinés cette année à l’achat de kits de détection de stupéfiants, la consommation de cannabis, notamment, étant de plus en plus responsable d’accidents sur la route et de morts.

Nous avons également étendu la plateforme Rendez-vous permis, qui permet de réserver en ligne des places d’examen, et amplifié le système de mise à disposition des agents de La Poste pour réduire les délais de passage.

Les crédits de la mission « Sécurités » augmentent de façon considérable, surtout s’agissant du matériel. Elle permettra à la police et à la gendarmerie de continuer leur grande transformation dont vous voyez les résultats tous les jours.

M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». Nous sommes réunis afin d’examiner pour avis les crédits de la mission « Sécurités », et plus précisément ceux des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022.

Le dernier projet de loi de finances de la législature s’inscrit cette année dans un contexte particulier : le Beauvau de la sécurité, ouvert en janvier 2021, a été clôturé par le Président de la République en septembre dernier. L’organisation de ces états généraux a permis de mettre en lumière le dévouement de l’ensemble des forces de l’ordre, dont les missions au service de nos compatriotes se situent au cœur de notre pacte républicain. Ce moment d’échanges et de rencontres a aussi été l’occasion d’objectiver les multiples difficultés auxquelles ces femmes et ces hommes sont confrontés au quotidien.

Je veux ici saluer le travail accompli par les 250 000 policiers et gendarmes qui représentent collectivement notre « force publique instituée pour l’avantage de tous » selon les mots de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Cette force publique nécessite bien sûr des moyens. Depuis 2017, le Gouvernement et notre majorité ont fait le choix de les augmenter année après année, face à la réalité des besoins et aux demandes légitimes exprimées par nos concitoyens. Ainsi, entre 2017 et 2022, les crédits de la police et de la gendarmerie auront bénéficié d’une hausse globale de près de trois milliards d’euros, soit une croissance d’environ 14 % sur l’ensemble du quinquennat.

Le projet de loi de finances pour 2022 accentue considérablement cette trajectoire : en crédits de paiement, c’est plus d’un milliard d’euros supplémentaire qui sera engagé par l’Etat dès l’année prochaine, en intégrant les dotations prévues au titre du Plan de relance.

La traduction budgétaire de cet engagement en faveur de la sécurité se décline à tous les niveaux.

Au niveau humain, d’abord, grâce au recrutement de 761 policiers et 185 gendarmes supplémentaires, dans le cadre du plan de création de 10 000 emplois à l’horizon 2022. La progression des effectifs est une condition sine qua non du renforcement de la présence des « bleus » sur le terrain, au contact direct de la population.

Au niveau matériel, ensuite, grâce au renouvellement des équipements dont disposent les forces de l’ordre, qu’il s’agisse de leurs véhicules d’intervention, des outils technologiques qu’ils peuvent ou pourront bientôt utiliser afin d’accomplir leurs tâches – je pense ici aux caméras-piétons, aux caméras embarquées ou aux drones – et de la rénovation, essentielle, des systèmes d’information et de communication.

Au niveau immobilier, enfin, grâce à la mise en œuvre de projets immobiliers d’envergure : il s’agit de poursuivre la réhabilitation des commissariats et des casernes pour améliorer concrètement les conditions de travail des agents.

Si elle est bien entendu capitale, la traduction budgétaire des réformes qu’il convient de mener n’est pas suffisante. L’action réformatrice du Gouvernement et du Parlement depuis le début de la législature a nécessité une adaptation et un renforcement constant du cadre légal et réglementaire dans lequel évoluent nos forces de l’ordre.

Les lois adoptées depuis 2017, souvent d’ailleurs à l’initiative de parlementaires issus de la majorité – je pense plus particulièrement à la loi dite « sécurité globale » du 25 mai 2021 à la suite des travaux menés par nos collègues Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, ou de la loi du 3 août 2018 consécutive au rapport remis par notre collègue Natalia Pouzyreff – ont donné à la police et à la gendarmerie de nouveaux moyens juridiques pour lutter efficacement contre la délinquance et la criminalité.

La recherche d’un équilibre optimal entre efficacité opérationnelle et protection des libertés fondamentales est évidemment complexe. C’est l’honneur, mais aussi le devoir du législateur que de définir les règles applicables en la matière, en évitant les deux écueils que représentent, d’une part, la surenchère et, d’autre part, le déni de réalité. Le Parlement y est notamment parvenu dans le domaine sensible de la lutte contre le terrorisme grâce à la loi du 30 juillet dernier.

Ce travail législatif de longue haleine se poursuit jusqu’à la fin de la législature, comme en témoigne le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure adopté en première lecture par notre assemblée le mois dernier.

Il aboutira aussi, je l’espère, à une grande loi d’orientation dès l’année prochaine, ce qui permettra de tracer des perspectives d’avenir à la suite des orientations définies par le Beauvau de la sécurité.

Le renforcement des moyens humains et technologiques, la meilleure prise en charge des victimes et la simplification de la procédure pénale constituent les principales pistes d’amélioration que nous devons explorer afin d’adapter la police et la gendarmerie aux enjeux de la sécurité à l’horizon 2030.

La transformation à venir de la réserve civile de la police nationale en véritable réserve opérationnelle, ainsi que le développement des formations initiale et continue des membres des forces de l’ordre, représentent des réponses indispensables aux défis auxquels nous devons répondre.

Je conclus en évoquant le sujet thématique que j’ai choisi d’aborder cette année en tant que rapporteur pour avis de notre commission : l’activité des forces d’intervention spécialisée de la police et de la gendarmerie.

L’action du RAID (Recherche, assistance, intervention, dissuasion), de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) et du groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) est à la fois médiatisée lors des crises d’ampleur nationale – le procès des attentats du 13 novembre 2015 nous le rappelle – mais paradoxalement relativement méconnue le reste du temps.

J’ai eu le privilège de rencontrer chacune de leurs unités, à Bièvres pour le RAID, à la préfecture de police de Paris pour la BRI, et encore ce matin même à Versailles s’agissant du GIGN.

La sensibilité extrême mais aussi la diversité des missions qui leur incombent impliquent des qualités physiques et morales hors du commun, que ce soit à l’épreuve de preneurs d’otages, de terroristes ou plus quotidiennement de forcenés.

Je tiens ici à leur rendre l’hommage qu’ils méritent et à leur témoigner la reconnaissance sincère de la Représentation nationale.

Monsieur le ministre, l’amélioration constante de leur fonctionnement, de leur capacité de projection et de leur interopérabilité est une garantie de la réussite de leurs interventions, cinq après la mise en œuvre du schéma national défini par votre prédécesseur Bernard Cazeneuve.

J’ai notamment été sensibilisé à certaines problématiques logistiques récurrentes, à l’image de la rigidité des règles de la commande publique en matière d’approvisionnement de matériels de haute technologie.

Je me permets donc d’appeler votre attention sur ces questions qui, si elles peuvent apparaître subsidiaires peuvent aussi, hélas, si elles ne sont pas traitées, entraîner des dysfonctionnements majeurs qu’il convient donc d’anticiper.

M. Mansour Kamardine, rapporteur pour avis pour le programme « Sécurité civile ». Les crédits demandés pour 2022 au titre du programme « Sécurité civile », d’un montant de 568,6 millions d’euros, sont en hausse de 9,6 % par rapport au précédent exercice. En tenant compte des perspectives d’inflation pour l’année prochaine de 1,5 %, le montant des crédits du programme augmente en réalité d’environ 8 %.

Au sein de ce programme, l’action 12 – Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux bénéficie de la dotation la plus importante, correspondant à 66,5 % des crédits du programme. Elle regroupe les moyens nationaux que l’État met à la disposition de la population, au quotidien ou lors de catastrophes naturelles ou technologiques. Cette dotation est en augmentation de plus de 10 %, principalement du fait du coût élevé de la dépense liée à la maintenance des aéronefs.

Si sur l’ensemble de la législature, les crédits de paiement consacrés au programme ont augmenté de 6,8 %, cette progression est beaucoup plus modeste en euros constants : une fois corrigée de l’inflation, elle n’est que de 1 % environ. C’est peu, notamment quand on sait qu’une part significative des crédits de paiement hors titre 2 – soit plus de 47,3 % – concerne la maintenance, l’équipement, la modernisation et le carburant des aéronefs, ainsi que l’acquisition de nouveaux avions et la location d’hélicoptères.

Les crédits du programme « Sécurité civile » représentent finalement une proportion faible, de l’ordre de 7 %, de l’ensemble des crédits consacrés à la sécurité civile dans notre pays, dont le montant s’élève à environ 6,5 milliards d’euros. L’État contribue au tiers de ce montant par l’intermédiaire des crédits inscrits dans plusieurs autres programmes du budget général et de la fiscalité transférée aux collectivités territoriales. Le reste est assumé par ces mêmes collectivités.

Pour vous donner un ordre d’idée, la sécurité civile coûte à chaque Français moins d’une centaine d’euros par an, pour un service indispensable et d’une grande qualité, assuré par des femmes et des hommes auxquels je souhaite rendre un hommage appuyé.

Ayant pour la première fois l’honneur d’être rapporteur pour avis du programme « Sécurité civile », j’ai choisi de m’intéresser à la préparation des pouvoirs publics et en particulier de la sécurité civile pour faire face aux risques naturels dans les territoires ultramarins.

Les territoires ultramarins sont exposés à de nombreux aléas, qui peuvent être telluriques – volcanisme, séismes, mouvements de terrain et tsunamis – ou climatiques – cyclones, inondations par submersion marine ou événements pluvieux extrêmes. Ces risques sont détaillés dans l’avis budgétaire : pour ne prendre qu’un seul exemple, la collectivité dont je suis originaire, Mayotte, connaît un épisode sismo-tellurique inédit dans son histoire contemporaine.

En mai 2019, un nouvel édifice volcanique actif à 3 300 mètres de profondeur a en effet été découvert, à seulement cinquante kilomètres au large des côtes de Petite-Terre : il s’agit à la fois de la plus importante éruption volcanique connue depuis 1783 et de la première éruption sous-marine au monde à pouvoir être observée.

La création de ce volcan s’est accompagnée de séismes très réguliers, voire quotidiens, entre mai et juin 2018, qui ont été ressentis par les habitants et ont suscité une légitime inquiétude, d’autant que la population mahoraise est particulièrement fragile pour faire face à ces risques. Selon les données communiquées par la préfecture de Mayotte, 92 % de la population est concernée par un aléa, tous niveaux confondus, et près de la moitié de la population par un aléa fort.

En outre, la grande variété des phénomènes naturels se conjugue avec une très forte densité de population marquée par la pauvreté, 77 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté.

Pour faire face à ces risques, l’État a notamment établi des plans de prévention des risques naturels, déclinés dans les territoires ultramarins en fonction de leurs spécificités, ainsi qu’une réglementation particulière en matière de construction et d’urbanisme.

Malgré cela, les auditions menées dans le cadre de la préparation de cet avis budgétaire ont permis de soulever plusieurs difficultés concernant la sécurité civile dans ces collectivités.

Tout d’abord, les infrastructures dont sont dotés les territoires ultramarins ne paraissent pas suffisamment résilientes en cas de survenance d’un événement climatique majeur. À Mayotte, l’aéroport et certains axes routiers, déjà saturés en temps normal, deviendraient tout à fait inutilisables, et l’accès à l’eau potable serait brutalement rompu dans l’ensemble du département. D’après les responsables du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de Mayotte, que j’ai auditionnés, les communications seraient difficiles, voire impossibles. Monsieur le ministre, l’État va-t-il mobiliser des moyens pour renforcer la résilience de nos infrastructures et inciter les collectivités à déployer un dispositif de communication satellitaire, certes coûteux mais nécessaire ?

En outre, certains territoires ultramarins, heureusement protégés depuis longtemps contre une catastrophe climatique, n’ont cependant pas une culture du risque suffisante pour faire face à un événement extrême. Tel n’est pas le cas aux Antilles, où une initiative intéressante, la « journée japonaise », permet à l’ensemble de la société de consacrer un jour par an à des exercices de prévention des risques telluriques, sous l’égide de la préfecture. Il ressort des auditions que j’ai menées que de telles initiatives devraient être généralisées, les exercices actuellement prévus demeurant insuffisants dans certains territoires. Ce type de mesure retient-il votre attention, monsieur le ministre ? Le cas échéant, quel rôle les préfectures et la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises pourraient-elles jouer dans cette généralisation de la culture du risque ?

Par ailleurs, les territoires ultramarins sont confrontés à un phénomène d’usure accélérée des véhicules. Par exemple, un véhicule qui pourrait être utilisé pendant vingt ans en métropole ne peut l’être que pendant douze ans à Mayotte. L’allocation de moyens supplémentaires pourrait-elle être envisagée afin de soutenir les collectivités dans leur effort d’investissement ?

Enfin, je sais qu’une réflexion est en cours concernant les moyens de la sécurité civile outre-mer, la crise sanitaire ayant montré les limites de ses moyens et la nécessité d’envoyer des renforts dans certaines collectivités. Pour ne parler que des effectifs, selon le directeur du SDIS de Mayotte, il faudrait plusieurs dizaines de sapeurs-pompiers supplémentaires pour répondre aux demandes d’intervention en augmentation constante. Pourriez-vous nous indiquer le calendrier de cette consultation ainsi que ses premières conclusions ?

M. Jean-Michel Fauvergue. Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir apporté des éléments d’éclairage pour l’examen des crédits de la mission « Sécurités ». Vous avez consacré une partie importante de votre propos aux forces de sécurité intérieure.

Depuis le début du quinquennat, les moyens consacrés à la police et à la gendarmerie ont augmenté de manière inédite. Dans un premier temps, il s’est agi de rattraper un retard qui s’était accumulé au cours des décennies précédentes. L’effort a été fait. Désormais, le mouvement se poursuit, dans l’objectif de moderniser plus encore nos forces de sécurité, de répondre aux défis d’aujourd’hui et de nous préparer aux grands défis de demain.

Vous l’avez dit, monsieur le ministre, on constate traditionnellement que la rémunération des personnels et les mesures catégorielles représentent une large part des budgets alloués à la police et à la gendarmerie. Des améliorations ont été apportées pour que ceux qui nous protègent soient mieux considérés du point de vue pécuniaire et dans le déroulement de leur carrière. Depuis 2018, l’accent est mis en outre sur les moyens et les matériels nécessaires à la réalisation des missions, ce qui était attendu depuis longtemps.

Je tiens à souligner l’importance du plan de rénovation des commissariats et des casernes, de même que celle du renouvellement des véhicules, les conditions de travail jouant un rôle prépondérant dans le maintien des vocations. Cette préoccupation a été maintes fois rappelée lors de débats dans notre assemblée et d’auditions devant notre commission ainsi que dans plusieurs ateliers du Beauvau de la sécurité – je vous remercie de nouveau de m’avoir permis d’y participer, monsieur le ministre.

Il a aussi beaucoup été question de formation, qu’elle soit initiale ou continue. Le Président de la République a d’ailleurs insisté sur ce point lorsqu’il a conclu les travaux du Beauvau de la sécurité, à Roubaix, à la fin du mois de septembre. Du point de vue budgétaire, quelles seront les suites concrètes du Beauvau ? D’une part, comment allez-vous articuler dans le temps les importants budgets débloqués et quelles seront les orientations retenues, s’agissant notamment des matériels ? D’autre part, quelle part sera consacrée aux formations, dont je souligne à nouveau l’importance ?

La loi pour une sécurité globale envisageait, dans son article 1er, une vaste expérimentation permettant aux polices municipales de recourir aux amendes délictuelles forfaitaires dans un certain nombre de domaines. Le Président de la République a réitéré ce souhait lors de la clôture du Beauvau. Cette expérimentation réapparaîtra-t-elle dans la future LOPPSI ? Si tel est le cas, de quelle manière sera-t-elle financée ? Bien entendu, les observations du Conseil constitutionnel devront être respectées. À cet égard, pourquoi ne pas détacher dans les polices municipales des officiers de police judiciaire (OPJ) qui feraient le lien avec les magistrats du parquet ?

La sécurité des Français doit être assurée au quotidien et en tout lieu. Nous devons être en mesure de déployer des forces de sécurité partout où c’est nécessaire sur le territoire, pour tout type d’activité. Pouvez-vous nous faire part de vos idées pour fidéliser les policiers dans les secteurs difficiles ?

Mme Emmanuelle Anthoine. La sécurité est au cœur des préoccupations des Français, après plusieurs années marquées par des attaques terroristes aussi odieuses qu’effroyables. Le défi migratoire, la délinquance, qui affecte l’ensemble du territoire, et les incivilités du quotidien, devenues insupportables, appellent des réponses de la part des pouvoirs publics. Pour lutter efficacement contre l’insécurité qui préoccupe nos concitoyens, il faut des moyens. C’est l’objet des crédits que nous examinons.

Permettez-moi d’abord de constater que la promesse présidentielle en matière de recrutement n’a été que très partiellement tenue : l’objectif de 10 000 postes de policiers et de gendarmes créés au cours du quinquennat n’est pas atteint, puisqu’on dénombre seulement un peu plus de 8 500 postes supplémentaires sur cinq ans. Si l’on additionne les 6 133 créations de postes recensées dans les rapports annuels de performances de 2018 à 2020 aux 1 462 prévues en loi de finances initiale pour 2021 et aux 946 inscrites dans le projet annuel de performances pour 2022, on en arrive en effet à un total de 8 541 postes.

Si nous saluons ces recrutements au sein des forces de sécurité intérieure, nous ne pouvons que déplorer leur insuffisance. En effet, le besoin de sécurité des Français augmente en même temps que l’on observe une hausse de la violence dans notre pays. Les statistiques publiques sur l’insécurité et la délinquance publiées dans Interstats par le ministère de l’Intérieur parlent d’elle-même : si l’on compare les neuf premiers mois de l’année 2021 aux neuf premiers mois de 2017, on observe que les homicides sont en hausse de 13 %, les coups et blessures volontaires, de 31 %, et les violences sexuelles, de 83 %. Dire que le bilan de votre ministère est mauvais en la matière relèverait de l’euphémisme, monsieur le ministre.

Dans ce contexte, nous ne pouvons que saluer les augmentations de moyens récemment décidées en faveur de nos forces de l’ordre ; elles sont appréciables et seront appréciées. Les décisions qui font suite aux Beauvau de la sécurité sont d’autant plus bienvenues qu’elles étaient attendues depuis longtemps.

Néanmoins, on ne peut que s’interroger sur cette attention soudaine portée à ceux qui œuvrent au quotidien pour notre sécurité, à quelques mois seulement d’une échéance électorale majeure. Ne nous y trompons pas, cet effort en faveur des forces de sécurité intérieure est trop tardif. Les statistiques que je viens d’évoquer en témoignent : il eût été nécessaire d’agir plus tôt pour enrayer une tendance inquiétante.

Nous attendions avec impatience un projet de loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure qui n’est jamais venu en discussion. Vous le présenterez opportunément à la veille des prochaines élections, mais il ne pourra pas être inscrit à l’ordre du jour parlementaire et ne trouvera donc pas de concrétisation immédiate. Ce ne seront que des annonces, qu’il faudra considérer comme telles.

Mme Isabelle Florennes. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, la présentation de ces crédits fait suite au Beauvau de la sécurité ; le contexte n’est pas anodin. Ainsi, la hausse significative des crédits alloués à la mission « Sécurités » doit permettre la mise en œuvre opérationnelle des mesures décidées dans le cadre du Beauvau. Ces mesures étaient attendues, notamment celles qui concernent la formation au maintien de l’ordre et celles qui tendent à simplifier la conduite des enquêtes. Le groupe Democrates et apparentés en est convaincu, elles vont toutes dans le bon sens.

Le Gouvernement a maintenu ses efforts et tenu ses engagements tout au long du quinquennat. Les crédits de la mission n’ont pas connu de baisse, ce qui nous semble primordial dans le contexte que nous avons connu et que nous connaissons : terrorisme, mobilisations nombreuses et violentes, crise sanitaire.

J’en viens aux quelques points qui ont retenu notre attention.

Nous notons et saluons l’intention du Gouvernement de poursuivre les mesures sociales en faveur des gendarmes et des policiers. Les 7 millions d’euros supplémentaires que vous avez évoqués permettront de mieux accompagner les forces de l’ordre dans leur évolution, tant professionnelle que personnelle. Les mesures porteront sur les carrières, mais aussi sur le logement, question importante pour les agents de votre ministère, notamment en région parisienne, où il y a un véritable problème.

À l’instar des collègues qui se sont exprimés, nous saluons le renforcement des moyens humains. La création de 761 nouveaux emplois dans la police nationale est une excellente chose, même si l’on reste malheureusement encore loin des objectifs du « plan des 10 000 ». Nous nous réjouissons également du renforcement significatif des effectifs de la direction générale de la sécurité intérieure, de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, de la sous-direction de lutte contre la cybercriminalité et du service national des enquêtes administratives et de sécurité (SNEAS), lequel joue un rôle primordial dans la lutte que nous menons contre les séparatismes.

S’agissant des moyens matériels, un réel effort est engagé pour répondre aux besoins exprimés par les forces de l’ordre. À cet égard, je me dois de signaler l’enveloppe consacrée à l’acquisition de véhicules. Le cahier des charges permettra-t-il aux constructeurs français d’avoir des chances d’être choisis ?

Le mois dernier, mes collègues Natalia Pouzyreff et Robin Reda ont remis un rapport d’évaluation de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés. Je n’ai rien vu de spécifique à ce sujet dans les documents budgétaires. Pourriez-vous m’éclairer sur les mesures prises en la matière ?

Mme Marietta Karamanli. Le projet de loi de finances pour 2022 marque une évolution positive des crédits affectés à la sécurité de nos concitoyens. Les crédits de paiement du programme 176 « Police nationale » et du programme 152 « Gendarmerie nationale » augmenteront respectivement de 4,33 % et de 3,5 %.

Néanmoins, cette augmentation doit être quelque peu relativisée au regard de plusieurs éléments. D’une part, l’inflation, estimée à 1,5 % ou un peu plus en 2021 et à 1,2 % en 2022, épuisera mécaniquement une part de l’évolution. D’autre part, les dépenses de personnel, qui représentent 89 % de l’ensemble des crédits du programme 176 et 84 % de ceux du programme 152, augmenteront respectivement de 1,64 % et de 1,08 %.

Mes questions portent sur l’évolution des effectifs en équivalents temps plein travaillés (ETPT) présentée dans le projet annuel de performances. Vous avez mis l’accent, monsieur le ministre, sur l’augmentation des moyens matériels. Or, en face de ces moyens, nous avons besoin d’hommes et de femmes, d’où mon insistance sur les effectifs. Si l’évolution en la matière est globalement positive, les organisations syndicales évoquent un objectif de rattrapage.

M. Gérald Darmanin, ministre. Ça, c’est sûr !

Mme Marietta Karamanli. Qui plus est, on ignore quelles seront les missions exercées. Une part importante des créations de postes concernerait les fonctions support. Ces agents seront certainement utiles, mais n’assureront pas de présence sur la voie publique. Vous avez pourtant souligné vous-même l’importance d’une présence dissuasive, là où la population le souhaite. On ne connaît pas non plus la nature des emplois créés : s’agira-t-il de postes statutaires, occupés par des agents formés et exerçant à temps plein ? Ou bien les postes relèveront-ils d’autres catégories, comme les policiers adjoints ou les cadets ? Enfin, rien n’est dit sur les vacances de postes à l’échelle nationale, alors que ce phénomène a été constaté dans plusieurs départements. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ces différents points, soit aujourd’hui même, soit dans les jours qui viennent par l’intermédiaire de vos services ?

Par ailleurs, si l’on recoupe l’évolution des postes avec les actions et sous-actions de chaque programme, il est difficile de se faire une idée des affectations prioritaires. Pouvez-vous nous donner le nombre de postes par action, à savoir, pour le programme 176, Ordre public et protection de la souveraineté, Sécurité et paix publiques, Sécurité routière et Police des étrangers et sûreté des transports internationaux ?

De même, il est difficile d’interpréter l’évolution des indicateurs de performance. Il est indiqué, par exemple, que le nombre d’heures de patrouilles effectuées par la police nationale sur la voie publique a augmenté de plus de 6 % en 2020 par rapport à 2019. Or on sait qu’en 2020, le premier confinement a donné lieu à un renforcement des contrôles sur la voie publique. S’agissant des indicateurs, aucune précision n’est donnée, ni aucune tendance, sauf à la hausse.

Le groupe Socialistes et apparentés vous serait reconnaissant de vos réponses, monsieur le ministre, en vue de l’examen des crédits en séance publique, dans deux semaines.

M. Christophe Euzet. Le groupe Agir ensemble envisage le budget de la mission « Sécurités » avec beaucoup de bienveillance, car il tend à rendre opérationnelles les décisions du Beauvau de la sécurité et nous permet, dans l’attente de la LOPPSI, de nous projeter vers ce que seront les forces de sécurité intérieure à l’horizon 2030. Surtout, il nous semble avoir pris la mesure des problèmes de sécurité auxquels sont confrontés nos concitoyens – vous avez évoqué en détail leur augmentation, monsieur le ministre.

D’une manière générale, nous nous félicitons de l’augmentation substantielle des crédits. Qui plus est, l’accent est mis sur certains points que nous considérons comme essentiels : la numérisation, les investissements massifs en matériel, les investissements immobiliers, la réalisation du « plan des 10 000 » dans la police et la gendarmerie. Sont également importantes, à nos yeux, les mesures sociales – notamment en matière de logement –, la mobilisation contre les suicides et l’amélioration de la formation – celle des gardiens de la paix en école sera portée à douze mois. Une sécurité de haut niveau suppose en effet une formation de haut niveau.

Le Président de la République avait annoncé la création d’un centre de formation au maintien de l’ordre pour les policiers. Y a-t-il une traduction de cette annonce dans le budget que vous nous soumettez, monsieur le ministre ?

M. Jean-Félix Acquaviva. Le groupe Libertés et Territoires salue à son tour la hausse des crédits consacrés aux moyens matériels des forces de sécurité. Celles-ci travaillent souvent, nous le savons, dans des conditions déplorables, avec du matériel hors d’âge ou des voitures défectueuses. Nous nous réjouissons en outre du déploiement des nouvelles caméras-piétons pour assurer la tranquillité des relations entre les agents et les citoyens. À l’inverse, le développement des drones à usage de surveillance de la population nous semble hautement problématique au regard des atteintes à la vie privée. Nous avons déjà exprimé cette position à de nombreuses reprises, notamment lors de l’examen de la proposition de loi pour une sécurité globale et, plus récemment, lors de la discussion du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

Ce projet de loi de finances annonce une montée en puissance de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, l’objectif étant un effectif de 50 000 réservistes en 2024. Néanmoins, il ne faudrait pas que les forces de sécurité reposent sur les réservistes au détriment des forces professionnelles. De plus, il est légitime de s’interroger sur la qualité de la formation des réservistes, sachant qu’ils pourront porter une arme lors de certaines interventions.

Nous notons avec intérêt le début d’une politique de mobilisation contre les suicides, afin de tenir compte des difficultés psychologiques que peuvent rencontrer les forces de l’ordre. À cet égard, la généralisation du port d’arme hors service, encouragée par le Gouvernement pour lutter contre la menace terroriste, suscite des interrogations, car c’est très souvent avec son arme que l’agent porte atteinte à sa vie.

J’en viens à la gratuité des billets de train pour les policiers hors service. N’est-ce pas une mesure quelque peu démagogique et, au fond, dangereuse, à quelques mois des élections ? N’ouvre-t-on pas la boîte de Pandore ? Les soignants ne devraient-ils pas eux aussi bénéficier de la gratuité dans la mesure où ils peuvent intervenir pour secourir une personne ? À notre sens, il aurait été plus judicieux de renforcer sensiblement la présence des policiers dans les transports, sur leur temps de travail.

À l’instar de plusieurs collègues, nous vous avions alerté sur les difficultés rencontrées par les victimes d’agression sexuelle ou de viol lorsqu’elles déposent une plainte dans les commissariats. Vous aviez répondu que leur accueil s’était sensiblement amélioré. C’est exact, mais nous avons recueilli plusieurs témoignages en sens contraire. Ainsi, une manifestation a eu lieu très récemment devant le commissariat de Montpellier pour dénoncer une prise en charge inadaptée des personnes déposant plainte pour violences sexuelles.

De nombreux députés de notre groupe sont opposés au « tout-sécuritaire » pour lutter contre le trafic de stupéfiants. La France mène en la matière une des politiques les plus restrictives et elle est, en même temps, le premier pays consommateur d’Europe. Peut-être est-il temps de réfléchir tous ensemble à ce paradoxe, tout en combattant inlassablement, bien entendu, les trafiquants qui détruisent la vie de nos enfants en détresse.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Un réel effort budgétaire est réalisé pour la sécurité civile. Sur les six bombardiers d’eau Dash en cours d’acquisition, deux seront livrés prochainement, de même que deux hélicoptères H145D3.

Je salue en outre l’effort réalisé par la sécurité civile en matière de mutualisation des hélicoptères. La Lozère a bénéficié de la présence de deux hélicoptères en juillet et août derniers, grâce notamment à l’action du directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, M. Thirion. Je sais les difficultés que vous avez rencontrées, l’objectif étant de passer de trente-quatre à trente-huit hélicoptères. Pouvez-vous nous préciser de quelle manière a évolué la doctrine s’agissant des Canadair et des Tracker ?

La mutualisation des hélicoptères « blancs » et « rouges » entre les services de santé et le ministère de l’Intérieur pose souvent des difficultés. Nous avons tous voté la proposition de loi de Fabien Matras, que vous avez saluée. Nous aurons l’occasion d’en reparler, car j’en suis le rapporteur d’application. J’insiste sur la nécessité de pérenniser le budget de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) et signale que le statut de l’école pose quelques problèmes.

Cette semaine se tient le congrès national des sapeurs-pompiers de France, où j’aurai le plaisir de vous retrouver. Je reviens une nouvelle fois sur le soutien financier qu’il conviendrait d’accorder aux employeurs pour faciliter le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires (SPV). Le Sénat avait adopté une disposition en ce sens. Peut-on espérer une avancée en la matière ?

M. Ugo Bernalicis. Le budget de la mission « Sécurités » appelle de nombreuses remarques. J’évoquerai tout d’abord la formation. Dans son discours, le Président de la République a clairement souhaité que tous les policiers suivent la formation d’OPJ. Tous ne réussiront peut-être pas l’examen, a-t-il précisé, mais tous auront suivi la formation. Or, à ma connaissance, les policiers sont déjà formés à la procédure pénale, même s’ils n’ont pas tous la qualification d’OPJ. Surtout, avec cette formation supplémentaire de quatre mois, vous allez porter la formation initiale à douze mois, mais sans construire de nouvelles structures – il n’en est toujours pas question dans ce budget ; la formation continuera à se faire dans les mêmes écoles de police. Dès lors, vous serez peut-être amenés à moins recruter, ce qui n’est guère opportun au regard de la pyramide des âges dans la police.

Qui plus est, vous nous avez fait voter, tout au moins en première lecture, la création d’une réserve opérationnelle. Selon l’étude d’impact, il y a aura dès l’année prochaine un effectif de 2 000 à 3 000 réservistes. Mais où donc allez-vous les former ? Et à quel moment ? Entre deux promotions de gardiens de la paix en formation initiale ? J’appelle votre attention sur une incohérence : vous tenez un discours très ambitieux sur la formation initiale et continue, mais cela ne se traduira pas par une hausse sensible des crédits consacrés à la formation, ni par la construction de nouvelles structures. Autrement dit, vous voulez recruter davantage de personnes, mais il n’y a pas assez de moyens pour assurer leur formation – on retombe sur le problème que vous avez évoqué : trop de titre 2, pas assez de hors titre 2. Nous déposerons des amendements à ce sujet pour la séance publique, n’ayant pas eu le temps de le faire pour l’examen en commission.

J’en viens aux dépenses de fonctionnement. Vous allez consacrer 20 à 30 millions d’euros à l’équipement des policiers et des gendarmes en caméras-piétons. En la matière, il n’est pas évident de s’y retrouver : nous ne disposons pas de chiffre précis en ce qui concerne la police ; une partie des crédits proviendra du budget de la mission, une autre du plan de relance. En tout cas, il s’agira d’un coût substantiel, d’autant qu’il faudra racheter régulièrement des caméras. Lorsque l’on compare ce montant avec le million d’euros prévu pour la prévention des suicides, on se dit que l’allocation des crédits pourrait être meilleure. Il y a toujours des policiers et des gendarmes qui mettent fin à leurs jours, et la prévention des suicides devrait être une politique publique prioritaire. Elle serait d’ailleurs plus efficace si l’on mettait un terme à la politique du chiffre – ce qui ne se fera que si nous prenons votre place en 2022 !

Plusieurs collègues ont dénoncé, parfois publiquement, l’idée de rendre les billets de train gratuits pour les policiers. Selon vous, un policier est policier vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Par conséquent, il doit pouvoir garder son arme hors service – on ne sait jamais, s’il arrive quelque chose… Dès lors, quand il prend le train, il est un peu en service ; il vaudrait donc mieux que le train soit gratuit pour lui. C’est une fuite en avant : les policiers finiront effectivement par être policiers vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais sans être payés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, bien évidemment.

À des sujétions correspondent en principe des contreparties. Ainsi en est-il pour les militaires, qui ont une carrière particulière : ils peuvent notamment partir en retraite plus tôt que les policiers. La contrepartie prévue ici, à savoir la gratuité des billets de train, est assez démagogique. Si un policier prend le train avec sa famille et veut bénéficier de la gratuité – car les billets ne sont pas donnés ! –, il devra donc voyager en famille tout en gardant son arme de service ? On va créer des situations un peu étranges…

S’agissant de la sécurité civile, nous relevons une stagnation des crédits affectés à la prévention des feux de forêt et une baisse des moyens alloués à l’achat de produits retardants. Or, nous en avons eu la démonstration en 2021, les feux de forêt se multiplient et touchent des zones de plus en plus vastes, sachant que les choses ne vont pas s’améliorer, compte tenu du changement climatique. Ne faudrait-il pas faire un effort budgétaire en matière de prévention, plutôt que de subir la situation ?

Concernant la lutte contre le trafic de stupéfiants, je partage l’analyse de notre collègue Acquaviva : vous dépensez beaucoup, pour des résultats assez médiocres au regard des objectifs que vous avez vous-mêmes fixés. Peut-être serait-il temps d’allouer les moyens de manière différente.

Mme Marie-George Buffet. Vivre en sécurité doit être un droit pour chacun. Cela suppose de la prévention, de l’éducation, parfois aussi de l’aide à la parentalité, mais aussi des forces de l’ordre en mesure de protéger nos compatriotes. Vous annoncez une progression importante des moyens, que l’on ne peut que saluer car ils faisaient défaut – je pense notamment aux véhicules, qui étaient très anciens. Nous avons quand même une réserve s’agissant des drones, dont la loi pour une sécurité globale facilite l’emploi, alors qu’ils représentent une menace pour la vie privée et l’action collective.

La question des moyens est importante, mais celle des effectifs l’est tout autant. L’appel à une réserve opérationnelle me pose problème. Quels seront les moyens alloués à la formation des réservistes, pour faire en sorte qu’ils se comportent de manière responsable et qu’ils aident vraiment les forces de l’ordre ? S’agissant de la future loi de programmation, dix ans après la dernière, quels objectifs vous donnez-vous en termes d’effectifs pour les dix ans à venir ?

En ce qui concerne l’action sociale, je me félicite que l’on parle enfin de l’état parfois désastreux des casernes de gendarmerie, où vivent non seulement les gendarmes mais aussi leurs familles. Mettre les moyens nécessaires pour qu’ils puissent vivre dans de bonnes conditions me semble être une urgence absolue. Il en va de même, bien sûr, pour l’entretien des commissariats.

Se pose aussi la question du logement des policiers. On voit bien, en Seine-Saint-Denis, qu’il importe de faciliter l’accès des jeunes policiers à un logement si l’on veut qu’ils aient envie de poursuivre leur action dans certaines zones de ce département où le métier est peut-être plus difficile qu’ailleurs. Un système de primes pourrait favoriser leur maintien. Or, plus un policier reste longtemps dans un territoire, plus il construit des relations avec la population et plus son action est efficace.

Dans le domaine des violences intrafamiliales, notamment celles visant les femmes, des enquêtes ont eu lieu à la suite de plusieurs décès. Quels enseignements en ont été tirés et quand les mesures seront-elles prises ?

Enfin, la commission a reçu le nouveau président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Celui-ci a beaucoup insisté sur la nécessité de renforcer les moyens techniques dont dispose cet organisme, compte tenu des enjeux, notamment dans le domaine de l’informatique. Qu’en pensez-vous ?

Mme Nicole Dubré-Chirat. L’objectif consistant à dématérialiser les procédures et à renforcer les équipements numériques se trouve concrétisé dans ce budget, ce qui contribue à rendre les démarches plus rapides et plus efficaces pour les citoyens – je pense notamment au dépôt de plainte en ligne – et à améliorer la qualité de vie au travail des forces de l’ordre. Avez-vous un premier bilan du déploiement de la plateforme moncommissariat.fr, mise en service l’an passé ?

Il ne faut pas oublier, toutefois, qu’un certain nombre de citoyens sont trop éloignés du numérique pour faire ces démarches en ligne, en raison soit de leur âge soit de difficultés d’accès aux outils, ou encore parce qu’ils vivent dans des zones blanches ou ne maîtrisent pas la langue. Quelles actions ont été mises en œuvre pour conserver un double système – même s’il s’agit d’une opération chronophage pour les forces de l’ordre, malgré l’augmentation des effectifs ?

M. Éric Poulliat. Vous êtes particulièrement attentif, monsieur le ministre, au déploiement d’investissements dans l’immobilier et dans les équipements des forces de l’ordre, afin de garantir aux policiers et aux gendarmes les meilleurs outils possibles pour assurer la sécurité des Français au quotidien. Je vous remercie en particulier pour les « kits stups » que vous avez annoncés : ils augmenteront l’efficacité, tout comme l’amende forfaitaire délictuelle (AFD) pour l’usage de stupéfiants – dispositif résultant d’une initiative parlementaire.

Je félicite à mon tour l’école Supmode, à Bordeaux, qui va réaliser les uniformes des policiers. Lorsque j’ai échangé avec les étudiants sur les réseaux sociaux, ils me disaient que cela leur paraîtrait bizarre de croiser dans la rue des policiers qu’ils auraient eux-mêmes habillés…

Vous avez annoncé une remise à niveau importante dans le domaine de l’immobilier, à raison de 185 millions d’euros pour la police et de 95 millions pour la gendarmerie. Cette mesure a été accueillie très favorablement sur le terrain. Les besoins étaient réels. Comment envisagez-vous de répartir ces budgets ? Vous avez évoqué le plan Poignées de portes : quel plan d’action souhaitez-vous mettre en œuvre pour sécuriser les brigades et les commissariats ? Ces moyens seront-ils aussi mobilisés pour financer certains grands chantiers de la police et de la gendarmerie ? Je pense notamment, dans ma circonscription, au projet de nouveau commissariat à Mérignac, qui a déjà reçu un financement de plus de 7 millions d’euros – je remercie d’ailleurs le ministère d’avoir mis la main à la poche. Ce commissariat sera, à n’en pas douter, un pôle essentiel de la sécurité dans l’ouest de la métropole bordelaise. Des moyens complémentaires seront-ils affectés à ce très beau commissariat, qui s’inscrit d’ailleurs dans la logique de réorganisation des circonscriptions de police de la métropole bordelaise ?

M. Thomas Rudigoz. La mission « Sécurités » comporte une partie spécifique destinée à aider les municipalités à se doter d’équipements de vidéoprotection et à se raccorder aux centres de supervision urbains. Vous vous êtes rendu récemment à Lyon, monsieur le ministre, où vous avez eu l’occasion de proposer au maire de développer son réseau de vidéoprotection, lequel stagne, malheureusement, depuis plus d’un an et demi, alors qu’auparavant une politique ambitieuse était menée en la matière. La nouvelle municipalité, bien qu’elle reconnaisse parfois l’efficacité du dispositif, ne souhaite pas le développer. Combien de municipalités et d’agglomérations demandent son soutien au Gouvernement pour développer ce type de dispositifs, qui sont extrêmement utiles dans la lutte contre la délinquance ?

M. Jean-Michel Mis. La mission « Sécurités » prévoit le financement de projets numériques structurants, notamment dans le cadre de l’organisation de la Coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques de 2024. Pourriez-vous expliciter ces projets de manière un peu plus précise ?

M. Philippe Gosselin. Étant moi-même réserviste, je voudrais avoir un peu plus de détails en ce qui concerne la réserve opérationnelle. Nous sommes nombreux à soutenir son développement ; encore faut-il que les financements permettent d’assurer la formation et de faire en sorte que cette réserve soit réellement opérationnelle.

La prévention des suicides est également un point important : il serait bon que nous disposions d’éléments supplémentaires.

En ce qui concerne la sécurité civile, il convient d’avoir une approche particulière dans les outre-mer. La semaine dernière, nous étions en mission dans les Antilles avec la présidente de la commission et Stéphane Mazars. Notre attention a été appelée, une fois de plus, sur la dégradation des matériels – notamment celle des véhicules – liée aux conditions climatiques particulières qui y règnent. Vous avez évoqué l’arrivée de 11 000 véhicules l’année prochaine ; au-delà de l’achat, il faut prendre en compte les conditions de leur maintenance dans les outre-mer.

Depuis plusieurs années, des associations appellent à la convocation d’états généraux de la sécurité routière. J’ai d’ailleurs relayé leur demande, notamment à travers une proposition de résolution. Où en est cette idée ? Il y a beaucoup à faire en la matière : la sécurité routière, ce n’est pas seulement la répression, notamment à travers les radars, c’est aussi l’entretien des routes et cela suppose d’échanger avec les associations d’automobilistes et de motards, entre autres.

M. Stéphane Peu. Nous nous félicitons de l’augmentation du budget et du renforcement des effectifs, mais il y a une difficulté : monsieur le ministre a signalé qu’il n’y avait pas d’affectations obligatoires et que les arrivées ne compensaient pas toujours les départs. Pour compenser les pertes d’effectifs dans certains départements, et en attendant que les discussions paritaires au sein du ministère de l’Intérieur aboutissent, on pourrait jouer davantage sur les arrivées.

Dans mon département, la Seine-Saint-Denis, entre 2007 et 2021, et en tenant compte de l’évolution du périmètre – car, entre-temps, la police d’agglomération et les compagnies de sécurisation et d’intervention (CSI) ont été créées –, les effectifs dans les commissariats sont passés de 3 953 policiers, tous grades confondus, à 3 424, alors que, dans le même temps, la population a considérablement augmenté et que le département est confronté à d’énormes problèmes de sécurité publique. Il est vrai que le nombre de policiers a baissé continûment jusqu’en 2018 mais augmente depuis lors : je le reconnais volontiers et m’en félicite. Quoi qu’il en soit, en dépit de toutes les annonces relatives au renforcement des effectifs, la population a observé, durant la période, une diminution du nombre de policiers dans les commissariats et dans les rues de leur ville. La tendance est plus nette encore si l’on considère le nombre d’officiers : il est passé de 241 à 109, soit une diminution de moitié. Cela en dit long sur l’encadrement des policiers dans ce département.

Mme Cécile Untermaier. Nous saluons nous aussi le renforcement du budget et des effectifs. Toutefois, en dépit de l’augmentation importante des effectifs enclenchée depuis dix ans, on n’est pas encore revenu au niveau de l’an 2000. Souvent, dans les commissariats ou dans les gendarmeries, des personnes nous disent qu’elles sont très contentes d’avoir des voitures neuves et de constater que leurs effectifs comptent désormais 140 policiers ou gendarmes, mais elles nous font observer qu’il y en avait 180 en l’an 2000.

Je me félicite également de la présence d’intervenants sociaux dans les gendarmeries et les commissariats. À cet égard, je tiens à remercier Christophe Castaner et Marlène Schiappa, qui ont joué un rôle important dans cette évolution, fruit d’une longue maturation. Ce dispositif est extrêmement important pour lutter contre les violences intrafamiliales. Il est essentiel de proposer un accueil aux victimes. Je voudrais simplement m’assurer que vous considérez qu’il est nécessaire de sanctuariser budgétairement le dispositif.

Dans ma circonscription, après une longue instruction du dossier, l’accord a été obtenu pour la construction d’une gendarmerie à Tournus. Le commissariat, quant à lui, aura un nouveau toit. Pour la réfection des fenêtres, en revanche, il faudra encore attendre – mais cela viendra certainement. Nous avons mis dix ans pour obtenir la construction de la gendarmerie, et nous craignons que l’achèvement de l’opération prenne encore plusieurs années. Le problème, par ailleurs, est que, dès lors qu’un projet est lancé et que les plans sont approuvés, les modifier est quasiment mission impossible, même si, de toute évidence, pour des raisons d’organisation territoriale, il est absolument nécessaire de le faire. Pourriez-vous introduire une certaine flexibilité dans les procédures, de manière que le produit définitif corresponde vraiment aux réalités du jour de l’inauguration ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Madame Anthoine, je suis très étonné des chiffres que vous avancez. Depuis l’élection du Président de la République, les cambriolages ont diminué de 25 %, les vols de véhicules de 40 % ; s’agissant des violences sur les personnes, les vols avec arme ont baissé de 18 % et les vols sans arme de 26 %. Certes, les violences physiques ont augmenté, mais sur les 39 000 faits supplémentaires, 37 000 sont des violences familiales. Or c’est le Grenelle des violences conjugales qui explique cette évolution : il a permis de mettre des mots sur certaines choses, mais celles-ci existaient déjà. Les statistiques en elles-mêmes n’ont pas beaucoup d’importance, mais puisque vous fondiez votre constat sur des éléments chiffrés, je peux vous dire, madame, que nous n’avons aucun problème à présenter notre bilan en la matière.

Il en va de même s’agissant de l’augmentation des effectifs et des matériels. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, les véhicules avaient en moyenne neuf ans, et cela faisait même quarante-deux ans que les véhicules de maintien de l’ordre des compagnies républicaines de sécurité (CRS) et des gendarmes mobiles n’avaient pas été renouvelés. Quant aux commissariats, monsieur Ciotti, par exemple, s’il était encore parmi nous, aurait pu vous dire que cela faisait à peu près vingt ans qu’il attendait la construction d’un nouveau commissariat à Nice. Je constate d’ailleurs que monsieur Ciotti ne s’est pas exprimé ce soir ; son silence vaut sans doute approbation…

Il convient de saluer l’effort sans précédent consenti par le gouvernement de la République, ce que tout le monde a fait, y compris les syndicats de police et de nombreux dirigeants politiques, et c’est tant mieux, car il faut que nous construisions cette politique ensemble, dans tous les territoires. Cet effort ne date pas non plus de cette année, à l’approche des élections : l’augmentation des effectifs et du matériel a commencé en 2017. Entre le moment où les recrutements ont été décidés et celui où les personnels supplémentaires arrivent sur le terrain, il faut former ces derniers. Qui plus est, il n’y a pas assez de centres de formation, de sorte qu’une personne reçue au concours de gardien de la paix attend jusqu’à un an et demi avant d’entrer en école de police.

En ce qui concerne les violences conjugales, personne ne couvrait de tels agissements, bien entendu ; il n’est donc pas question d’instruire quelque procès politique que ce soit. Force est toutefois de constater que, depuis 2017, grâce en soit rendue à Gérard Collomb et à Marlène Schiappa – qui s’occupait de la question dans ses fonctions précédentes, et continue à le faire –, nous avons mené un énorme travail de sensibilisation et de formation dans la police et la gendarmerie, de manière à améliorer l’accueil des personnes qui viennent porter plainte pour des faits de violences conjugales.

On peut encore améliorer les choses, bien entendu. D’abord, il faut continuer à former beaucoup mieux les policiers et les gendarmes. Ensuite, il faut procéder à des travaux qui permettront une amélioration des conditions d’accueil dans les commissariats et les brigades de gendarmerie. Nous prévoyons de débloquer des crédits pour l’année prochaine à cette fin. Il s’agit d’aménager des locaux spécifiques, d’une part, pour éviter que les personnes venant porter plainte pour violences conjugales soient placées dans la même file que tout le monde, et, d’autre part, pour assurer leur accueil par une assistante sociale ou un psychologue. À cet égard, nous avons largement augmenté le nombre d’intervenants sociaux : il y en a désormais 404, contre 270 en 2017. Il faut poursuivre en ce sens. Ils sont payés en partie sur le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) – dont nous augmentons encore la dotation dans le budget que nous vous présentons –, le reste étant parfois assumé par les départements et les communes. Je salue d’ailleurs ce partenariat.

Nous avons, par ailleurs, beaucoup augmenté le nombre de maisons de confiance et de protection des familles – il y en a une cinquantaine, dont certaines sont situées dans des territoires très ruraux – ainsi que celui des brigades spécialisées dans la protection des familles. La consigne est claire : dans toutes les directions départementales de la sécurité publique (DDSP), dans tous les commissariats, il doit exister une brigade spécialisée dans la prise en charge des violences contre les personnes et, lorsque c’est possible, à l’intérieur de celle-ci, une équipe chargée des violences conjugales, lesquelles supposent une technicité particulière.

Lorsque des fautes sont commises par des policiers et des gendarmes, y compris quand il s’agit de défauts de transmission au parquet, le ministère de l’Intérieur doit prendre ses responsabilités. C’est qui s’est passé à la suite du drame de Mérignac. Les violences conjugales sont un sujet beaucoup trop important pour que l’on considère que les fautes commises dans ces affaires entrent dans le pourcentage d’erreurs qu’il est possible d’accepter.

À l’occasion de ce drame, j’ai découvert que la police et la gendarmerie comptaient dans leurs rangs quelques personnes ayant fait l’objet de condamnations définitives pour des faits de violences conjugales. Certes, le nombre en est infime au regard des 250 000 policiers et gendarmes de France, mais il y en a. Ces individus ne sauraient rester en contact avec le public. Ils ne devraient d’ailleurs plus être policiers ou gendarmes. Quand j’ai appris ce qui s’était passé au commissariat de Mérignac, j’en ai tiré toutes les conclusions, aussi bien pour le policier qui avait recueilli la plainte de la victime, qui a été tuée par la suite, que dans l’organisation du service, car les chefs auraient dû voir le dysfonctionnement. Il y a eu une faute d’organisation de la part du ministère de l’Intérieur.

J’ai donné comme consigne au directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), au directeur général de la police nationale (DGPN) et au préfet de police que les policiers et gendarmes condamnés de façon définitive pour violences conjugales ne soient plus en contact avec le public et même qu’ils ne fassent plus partie de l’institution. Marlène Schiappa a cosigné le document. J’ai précisé aux directeurs généraux que ces instructions devaient être appliquées à la lettre. Si, pour une raison ou une autre, un recours venait à mettre en cause cette décision, en tout état de cause, les personnes en question ne sauraient être à l’avenir en contact avec le public.

Il ne s’agit en aucun cas de jeter l’opprobre sur l’ensemble des policiers et gendarmes, dont je salue le courage, le travail et l’abnégation, y compris dans la prise en charge des affaires de violences conjugales, qui sont particulièrement délicates, mais ils se doivent d’être irréprochables.

L’affaire de Montpellier pose problème, en effet : certaines questions ne sauraient être posées à une femme venue déposer plainte. Du reste, ce n’est pas au policier de dire s’il y a eu véritablement violences conjugales : le procureur engage les poursuites puis le juge se prononce. Monsieur le garde des Sceaux, Marlène Schiappa et moi-même avons d’ailleurs rappelé la règle : dans tous les cas, un signalement doit être fait. Je m’enorgueillis de constater que c’est effectivement ce qui se passe : 100 % des enquêtes font désormais l’objet d’un signalement au procureur et celui-ci engage une procédure, même quand il s’agit d’une femme battue par son mari qui se présente au commissariat mais ne dépose pas plainte, se contentant d’une main courante, ou bien qui retire sa plainte par la suite.

De même, les policiers et les gendarmes remplissent systématiquement une grille d’évaluation du danger ; s’ils ne le font pas, c’est une faute. Ils demandent également si l’auteur des violences détient des armes, et si c’est le cas, une perquisition est organisée pour les saisir. Dans un très grand nombre de cas, les individus soupçonnés sont placés en garde à vue, parfois quelques dizaines de minutes seulement après l’enregistrement de la plainte. Dans l’affaire de Montpellier, Marlène Schiappa et moi-même avons demandé à la nouvelle responsable de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP), nommée la semaine dernière en Conseil des ministres, de se rendre sur place pour comprendre ce qui s’est passé. Nous en tirerons toutes les conséquences.

Les consignes sont donc extrêmement claires. Cet enjeu est notre priorité absolue. Avec quasiment 400 000 procédures par an, cela devient un phénomène de masse. C’est un défi pour la police et la gendarmerie, car il faut veiller à ce que les moyens soient en adéquation avec le nombre de cas.

Avec la ministre déléguée, nous lancerons à la fin de l’année une expérimentation consistant à permettre aux policiers et aux gendarmes de recueillir les plaintes ailleurs qu’au commissariat ou à la brigade de gendarmerie : ils pourront se rendre au bureau d’une assistante sociale, à la mairie ou encore chez les amis ou les parents des personnes victimes de violences conjugales. En effet, certaines d’entre elles ont peur d’aller au commissariat, de l’accueil qui pourrait leur être réservé, du regard des autres. Des moyens sont prévus dans le budget pour financer ce dispositif dès 2022.

Le garde des sceaux et la ministre déléguée m’ont signalé des innovations intéressantes en Espagne ; nous nous rendrons sur place pour les étudier.

Nous faisons donc tout ce qui est possible pour progresser. L’accueil des victimes de violences conjugales s’est considérablement amélioré. Tout le monde a bien pris conscience du phénomène, ce qui explique l’augmentation très importante des chiffres, que nous ne dissimulons pas, bien évidemment. Est-il possible de faire encore mieux ? Très certainement, et nous nous y attachons. Chaque erreur dans ce domaine nous touche, car elle peut entraîner la mort d’une femme ou de nouvelles violences, contre elle ou contre ses enfants.

Pour ce qui est des moyens immobiliers, je ne ferai pas le tour de tous les commissariats mais que monsieur le député Poulliat se rassure, 16,4 millions ont été inscrits pour le commissariat de Mérignac. Monsieur le député Kamardine, les études sont lancées pour l’extension du commissariat de Mamoudzou, promise depuis longtemps. Beaucoup de projets immobiliers sont en cours et des efforts sans précédent ont été consentis. Pour ce qui est des rénovations, j’ai souhaité mettre l’accent sur l’accueil dans les commissariats et la sécurisation des logements des brigades de gendarmerie. Les crédits sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2022.

Concernant la réserve opérationnelle, certains la couvrent d’éloges, d’autres de critiques, ce que je comprends mal car ses effectifs s’ajoutent à ceux de la police nationale et de la gendarmerie nationale, en plus des 10 000 créations de postes. Ses crédits, d’ailleurs, sont souvent annulables…

M. Philippe Gosselin. Ils sont souvent annulés d’ailleurs.

M. Gérald Darmanin, ministre. Nous allons changer cela ! Le ministère de l’Intérieur doit gérer son budget plus sérieusement. S’il nous arrive d’annuler des crédits, c’est pour répondre à la solidarité ministérielle suite à la survenue d’un événement exceptionnel, ou en cas de gel budgétaire. Je suis favorable à ce que, dans la future loi de programmation, figure un montant de crédits non annulables des réserves opérationnelles car elles participent à l’amélioration du lien entre la police et la gendarmerie d’une part, la population de l’autre. La proposition de loi relative à la sécurité globale des députés Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot prévoyait déjà de doter la police nationale d’une réserve opérationnelle mais cette disposition avait été censurée par le Conseil constitutionnel qui l’avait considérée comme un cavalier. Elle est reprise aujourd’hui. Cette réserve s’inspire du modèle de celle de la gendarmerie nationale mais elle s’adresse aussi à tous ceux qui souhaitent s’investir dans une cause défendue par la police nationale ou la gendarmerie, comme la lutte contre les violences conjugales, parce qu’ils sont avocats, président d’association ou concernés à un autre titre. Ces personnes peuvent trouver leur place dans la réserve de la police nationale même si elles n’ont pas envie de s’occuper de la sécurité routière. Et inversement. En tout cas, les crédits sont prévus et il ne manquera plus que la validation du Conseil constitutionnel si le Sénat vote conformément à l’Assemblée nationale. Par ailleurs, nous avons conservé leur qualité d’officier de police judiciaire à ceux qui l’étaient déjà avant de prendre leur retraite, ce qui nous aidera dans l’attente du plan concernant les OPJ.

Je n’ai pas le temps de détailler tous les moyens matériels prévus mais j’insisterai sur trois points. Tout d’abord, on achète français, par l’intermédiaire de l’Union des groupements d’achats publics (UGAP), notamment les véhicules. Les crédits sont élevés mais nous aurons du mal à les dépenser car les usines accumulent les retards de production à la suite de la pénurie de semi-conducteurs. Je préfère pourtant que nous continuions à acheter chez Renault et Peugeot plutôt qu’à l’extérieur. J’ai donc écrit à leurs dirigeants mais, je vous le dis tout de go, si nous devons nous passer des semi-conducteurs, nous le ferons et les véhicules seront équipés de compteurs à aiguilles classiques au lieu de l’affichage digital. L’essentiel est que la gendarmerie nationale et la police nationale disposent de véhicules en nombre suffisant.

Bien évidemment, certains problèmes sont spécifiques à l’outre-mer et je me rendrai dans les Antilles après Mayotte. Le ministère de l’Intérieur a deux défauts : il achète de manière globale et il ne négocie pas directement le prix des véhicules avec les constructeurs – ce que font les armées. Nous devrons profiter de la réforme du secrétariat général pour l’administration du ministère de l’Intérieur (SGAMI) pour améliorer le matériel et la maintenance. Le secrétariat général du ministère, à ma demande, a engagé la réflexion. La LOPPSI que nous vous présenterons témoignera de notre volonté de négocier directement avec les constructeurs des véhicules spécifiques, adaptés à nos besoins. Bien sûr, cela coûte cher de demander à un constructeur un véhicule qu’il ne fabrique pas en masse mais nous y gagnerons sur le long terme.

Pour ce qui est des effectifs, je vous confirme que nous aurons recruté 10 000 policiers et gendarmes d’ici à 2022. Le ministère de l’Intérieur a respecté l’objectif de maîtrise des effectifs de la fonction publique, comme l’avait prescrit la loi de programmation des finances publiques dès 2017, mais le chiffre que je vous donne est le bon.

Madame Karamanli m’a demandé le détail des mesures. Je peux lui donner le nombre des postes déjà créés dans la police nationale mais je m’engage à lui écrire : 800 postes pour lutter contre l’immigration irrégulière, 1 300 pour la sécurité du quotidien, 2 700 de plus à la sécurité publique, ce qui fait un total de 4 000, 303 dans l’ordre public, plus de 300 en personnels de soutien. Les policiers dont les postes ont été créés par la loi de finances pour 2021 ne sont pas encore sur le terrain puisque leur formation n’est pas terminée et il manque ceux prévus par le projet de loi de finances pour 2022. Si l’on prend l’exemple de la gendarmerie nationale, 87 % des effectifs supplémentaires sont directement affectés dans les brigades de gendarmerie.

J’en viens au drame des suicides dans la police nationale. Il y en a toujours trop, bien évidemment, mais en 2019, nous en avons déploré cinquante-neuf contre trente-deux en 2021 – je laisse de côté l’année 2020, qui fut très particulière. Cette baisse a plusieurs causes qu’il s’agisse de l’amélioration des conditions de travail, de l’augmentation des effectifs ou du travail de la direction générale de la police nationale pour accompagner les policiers en souffrance. Beaucoup reste à faire, cependant, et la direction des ressources humaines de la police nationale tient réellement à cette tâche.

Concernant la formation continue, elle sera proposée aux fonctionnaires au moment où s’appliqueront les nouveaux cycles horaires, pour qu’ils puissent en profiter plus largement plutôt que de réaliser leurs trois tirs administratifs en décembre. Cela suppose d’ouvrir davantage de centres de tir, de renforcer la mutualisation des formations de policiers, de gendarmes et de douaniers. Nous avons lancé un centre de formation régional pour l’ordre public à Paris et des centres de formation régionaux. Quant à la formation initiale, nous reverrons une partie du concours des officiers de police judiciaire.

Pour ce qui est de la fidélisation, je ne suis pas convaincu que la prime soit la meilleure solution. Imaginons une agglomération où la vie est chère et la violence, forte. Offrir une prime aux policiers pour qu’ils restent présenterait trois inconvénients. Tout d’abord, la prime ne compense jamais l’augmentation des loyers ou le prix de l’immobilier – surtout, les policiers habitent rarement dans la circonscription où ils exercent. Par ailleurs, les effets de bord seraient considérables. Ainsi, les policiers qui habitent dans l’Eure mais travaillent dans les Yvelines recevraient la prime tandis que ceux qui habitent dans les Yvelines mais travaillent dans l’Eure n’en profiteraient pas. Or, je vous mets au défi de distinguer la frontière des circonscriptions de police entre les Yvelines et l’Eure. Enfin, ce dispositif pourrait créer des disparités entre les agglomérations de police en fonction du montant de la prime.

Je n’exclus pas la possibilité de l’instaurer mais l’expérience, déjà menée à Nice, n’a pas résolu les problèmes d’effectifs.

On peut conserver les policiers dans un territoire par des mesures contraignantes et des mesures d’accompagnement ou de progression sociale. Le dispositif du contrat figure parmi les mesures contraignantes. C’est ce qui a été instauré en région parisienne : les policiers s’engageaient à y rester huit ans. Cette mesure permet d’augmenter les effectifs mais une grande partie cherche à partir et surtout, des jeunes, souvent provinciaux, sont envoyés dès leur sortie d’école, dans des sites extrêmement violents, ce qui pose de nombreux problèmes. C’est comme envoyer des professeurs de 22 ans dans les zones d’éducation prioritaire.

Il est également possible de limiter les plafonds de mutation. Lorsqu’on ouvre des postes aujourd’hui, on ne prend pas garde au nombre de départs alors qu’on pourrait les limiter, en les conditionnant à l’ancienneté, aux résultats, à l’avancement. Ce n’est cependant pas facile à organiser.

L’avancement est un autre moyen d’inciter les policiers à s’installer dans des circonscriptions difficiles. L’on peut aussi envisager de signer un contrat avec le policier, aux termes duquel, à l’issue d’une certaine période d’exercice dans une circonscription difficile, il peut être le premier à choisir le service dans lequel il se rendra, un service de sécurité publique ou spécialisé. L’attribution d’une rémunération ou d’une prime supplémentaires sont d’autres pistes.

On peut encore signer un contrat gagnant-gagnant avec le policier, dans le cadre d’une véritable politique sociale menée par le ministère de l’Intérieur, par exemple en réservant des logements à ces policiers dans les logements sociaux. Les concours régionalisés sont une idée également. Bref, il n’y a pas une solution pour conserver les policiers sur place mais beaucoup de voies possibles. Nous en discuterons avec les syndicats de police. Je ne souhaite pas contraindre exagérément les policiers à se rendre dans les territoires difficiles. On risque d’y envoyer des jeunes inexpérimentés, sans espoir de partir s’ils veulent fonder leur famille ailleurs, et beaucoup démissionneront.

Pour ce qui est de l’encadrement, les effectifs manquaient au sein de la police nationale aussi avons-nous ouvert depuis deux ans de nombreux postes d’officiers. Il ne s’agit pas seulement de commissaires mais de brigadiers. Parfois, il vaut mieux de nombreux brigadiers-chefs qui encadrent les policiers sur le terrain que trop d’officiers qui n’ont pas la même vocation. Nous devons également réfléchir à ce que représente l’encadrement au sein de la police nationale. Ce fut le sujet d’une table ronde lors du Beauvau de la sécurité.

Concernant la sécurité civile outre-mer, les moyens de communication satellitaire sont prévus pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte.

Pour ce qui est des 500 millions d’euros prévus pour la mise en œuvre des premières mesures du Beauvau de la sécurité, ils se sont ajoutés aux crédits que j’avais déjà négociés avec le ministre délégué chargé des comptes publics. Ainsi, 44 millions d’euros sont consacrés à la formation, ce qui permet de passer de huit à douze mois celle destinée aux gardiens de la paix. Nous augmenterons également le nombre de centres de formation et recruterons de nouveaux formateurs, pour 2 millions d’euros. Par ailleurs, 200 millions d’euros permettront d’assurer le renouvellement des moyens mobiles, 78 millions d’euros de crédits de paiement seront affectés à la construction et à la rénovation immobilière – l’hôtel des polices de Nice, l’école nationale de police de Oissel, en Seine-Maritime, le commissariat de Valenciennes, la caserne de Balma, les travaux d’amélioration de la sécurité des commissariats et des brigades.

Pas moins de 114 millions d’euros seront conscarés aux projets stratégiques et numériques, qu’il s’agisse de la procédure pénale, des caméras-piétons, des équipes NEO, du réseau radio du futur, ou du gendarme ou policier à domicile – 5 millions d’euros ont été prévus pour mener les expérimentations. Je peux citer encore les 27 millions d’euros affectés aux réserves et à la modernisation des tenues, le lien entre la police et la population, 9 millions d’euros de plus pour le maintien de l’ordre, 6 millions d’euros pour l’augmentation des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (SPIG), 3 millions d’euros pour les nouveaux dispositifs de projection rapide et 28 millions  d’euros pour les mesures catégorielles, qui incluent l’augmentation des indemnités pour les policiers et gendarmes de haute montagne.

Pour la réserve opérationnelle et la captation d’images, sont prévus 30 000 réservistes de premier niveau (RO1), 28 000 en deuxième niveau (RO2) et 120 spécialisés.

S’agissant de la sécurité civile, les moyens miliaires sont mobilisables à tout moment, notamment dans les territoires ultramarins pour faire face aux risques volcaniques.

Concernant les états généraux de la sécurité routière, j’y suis favorable mais il est difficile de les mettre en place immédiatement. L’année 2019-2020 fut particulière et ne se prête pas aux comparaisons. On peut se féliciter de la baisse du nombre de morts sur les routes, mais ce bilan positif est à porter au crédit du confinement et les restrictions de circulation font qu’il est difficile de tirer un bilan de cette année, tant au niveau des recettes des radars que du fonctionnement de la sécurité routière. Je vous propose de laisser s’écouler l’année 2021 et d’en tirer les conclusions, avant l’élection présidentielle ou juste après. Pour l’heure, constatons simplement que le bilan de la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure sur les routes à double sens sans séparateur central est positif.

Le site « moncommissariat.fr » est ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En moyenne, le tchat donne lieu à 500 conversations par jour entre les policiers du site et les usagers, avec des pics d’activité à 2 000, contre soixante-dix lors de sa création. Pas moins de 5 300 trafics de stupéfiants ont été signalés.

Pour ce qui est de l’ENSOSP, 220 000 euros sont affectés au remboursement de l’emprunt immobilier et 72 000 euros à l’augmentation des dépenses de l’établissement.

Je répondrai à la question des Jeux olympiques après la réunion que le Président de la République compte organiser à ce sujet.

Quant à la « journée japonaise », monsieur Kamardine, je ne vois aucun inconvénient à votre proposition que j’ai transmise au ministre des outre-mer et qui prendra la décision.

Article 20 et état B

Amendements II-CL12, II-CL13, II-CL10 et II-CL11 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Il s’agit de renforcer les moyens affectés à la police nationale pour la formation des policiers et des gendarmes mais aussi les effectifs en créant 1 000 emplois supplémentaires dans la police et 1 000 autres dans la gendarmerie.

M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis. Le budget de la mission « Sécurités » a régulièrement augmenté depuis 2017. Cette année encore, il augmente de manière importante. Votre proposition s’apparente à un jeu de chaises musicales, en réaffectant à un poste des fonds que vous enlevez à un autre, ce qui remet en cause l’ensemble de l’équilibre budgétaire voulu par le Gouvernement et soutenu par la majorité. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Le ministre n’a pas répondu à ma question relative aux moyens pour la formation et la construction de nouvelles écoles. Si on veut former des gens, il faut construire des écoles ! Les bras m’en tombent quand on nous dit que ne plus être obligé d’attendre deux ans pour incorporer l’école de police est une grande avancée ! Qui est responsable de cette situation si ce n’est le ministère lui-même, en poussant à des recrutements extraordinaires pour afficher dans les documents budgétaires que le concours a eu lieu ? La situation s’est aggravée depuis les attentats de 2015 : vous avez voulu afficher votre volonté de créer des postes mais sans ouvrir de nouvelles écoles ! Où seront formés les futurs réservistes ? Il n’y a pas de réponse. Les crédits prévus pour la réserve opérationnelle de la gendarmerie n’évoluent pas alors que nous aurons besoin de nouveaux réservistes pour encadrer les Jeux olympiques de 2024 ! Comment augmenter le nombre de réservistes avec les mêmes moyens ?

Mme Marietta Karamanli. Nous avons salué l’évolution des crédits mais vous ne pouvez pas dire qu’elle ne date que de 2017. Sans mettre en cause qui que ce soit, relevons simplement que la suppression de 10 000 postes est antérieure à 2012. Depuis, la situation s’est améliorée, reconnaissez-le, dans un contexte autrement plus compliqué du fait des attentats.

Par ailleurs, il ne s’agit pas d’affecter des crédits au détriment d’autres missions mais de respecter l’article 40 de la Constitution, qui nous contraint à cet exercice.

M. Philippe Gosselin. Je voudrais, à mon tour, insister sur l’importance des réserves. Je me réjouis de la création d’une réserve opérationnelle dans la police, d’autant plus qu’elle a montré son efficacité au sein de la gendarmerie pour assurer la sécurité d’événements exceptionnels ou durant la période estivale. Je regrette, à cet égard, que les budgets des réserves soient la variable d’ajustement. Nous allons organiser de grands événements aussi faudrait-il accompagner la montée en puissance de ces réserves, ce qui suppose d’ouvrir des formations, de signer des engagements etc. Il faudra des moyens humains mais aussi financiers.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités ».

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* *

La commission passe à l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (M. Raphaël Schellenberger, rapporteur pour avis).

M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur. Les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » enregistrent une progression très importante, d’un montant de 351 millions d’euros. C’est une mission fondamentale, d’abord parce qu’elle concerne l’activité des préfectures et des sous-préfectures, qui ont accompli un travail considérable pendant la crise sanitaire et qui coordonnent à présent le soutien économique et territorial. Cette mission comprend également les crédits de l’administration centrale des ministères et ceux consacrés à l’organisation des élections.

Dans le cadre de la nouvelle organisation territoriale de l’État, conduite depuis deux ans, un certain nombre de personnels, qui dépendaient d’autres ministères, ont été réaffectés, sous l’autorité des préfets et des sous-préfets, au sein des secrétariats généraux communs, nouvellement créés. Cela s’est fait dans de très bonnes conditions, tant pour les agents que s’agissant des services rendus à la population. Nous avons la chance d’être entendus par le Premier ministre puisque, pour la deuxième année consécutive, nous ne supprimons aucun poste dans les préfectures et les sous-préfectures : c’est sans précédent depuis quinze ans. Jusqu’à présent, la tendance était inverse : à titre d’exemple, la préfecture de la Lozère avait vu ses effectifs passer de 130 à 90 agents en dix ans, entre la fin des années 2000 et le début de ce quinquennat. L’évolution tendancielle observée dans un passé récent aurait dû conduire à la suppression de 454 emplois. On ne peut que se féliciter de ce changement de cap, même si l’on peut sans doute espérer une augmentation des effectifs dans les sous-préfectures à l’avenir.

Parallèlement, nous renforçons substantiellement les services relatifs aux étrangers dans les préfectures, notamment pour assurer l’application des instructions que j’adresse aux préfets – je pense en particulier à la circulaire du 29 septembre 2020.

Les redéploiements de personnel, qui ont été annoncés lors du sixième comité interministériel de la transformation publique (CITP), à Vesoul, constituent un lourd chantier de modernisation. S’agissant du ministère de l’Intérieur, tour le monde va y participer : l’administration centrale du ministère, comme la direction générale de la gendarmerie et la direction générale de la police nationale. Par ailleurs, nous créons vingt-deux postes d’experts de haut niveau dans le cadre des directions de projet auprès des préfets. Enfin, les préfectures contribuent à l’application du plan « 10 000 jeunes » en faveur de la police et de la gendarmerie ; 400 apprentis ont par exemple été recrutés cette année.

Le budget de fonctionnement et d’investissement est principalement affecté à la réforme de l’organisation territoriale de l’État. Je pourrai vous apporter des précisions si vous le souhaitez.

S’agissant de l’administration centrale, les crédits destinés au numérique connaissent une très forte augmentation, qui fait écho à l’action que nous avons menée dans le cadre de la mission « Sécurités ». Plusieurs projets du ministère de l’Intérieur ont été de vraies réussites. Je pense, par exemple, au déploiement de la nouvelle pièce d’identité, qui a été mené par la ministre déléguée. Aujourd’hui, 1,3 million de demandes de nouveaux titres ont été recueillies ; 1 million d’entre elles ont été validées et près de 1 million de cartes ont été produites. Nous travaillons à la création d’une identité numérique, conformément à la volonté du Président de la République. Nous nous mobilisons également en faveur du réseau radio du futur et conduisons, de manière générale, des projets visant à renforcer le lien numérique avec nos concitoyens.

La hausse, de près de 80 millions d’euros, des crédits alloués au fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) permettra d’aider les collectivités à installer des caméras de vidéoprotection et de créer des centres de supervision urbains. Par ailleurs, nous pourrons favoriser l’insertion sociale dans la police et la gendarmerie.

S’agissant des élections, nous avons pris les décisions que j’avais annoncées devant le Parlement, à savoir la résiliation du contrat avec la société Adrexo. J’ai souhaité que les préfectures assurent à nouveau la mise sous pli et la distribution des courriers électoraux, à quelques exceptions près. Nous devons assurer une chaîne logistique continue. Il nous faut davantage internaliser les tâches, dans les limites permises par les directives européennes et les lois votées par le Parlement.

Nous réfléchissons aux moyens de lutter contre l’abstention – la ministre déléguée est particulièrement en charge de ce sujet –, notamment grâce à la modernisation du vote. Les délais sont toutefois trop courts pour que nous puissions envisager cette réforme dans le cadre des prochaines élections présidentielle et législatives.

Enfin, le ministère de l’Intérieur travaille avec le ministère des Outre-mer sur la question calédonienne, en particulier sur la révision des listes électorales, afin de permettre la tenue du référendum dans les meilleures conditions démocratiques possibles.

M. Raphaël Schellenberger, rapporteur pour avis. La mission « Administration générale et territoriale de l’État » regroupe les crédits consacrés aux administrations déconcentrées du ministère de l’Intérieur, à ses fonctions support, ainsi qu’aux subventions publiques dont il assure la gestion. Elle retrace également les financements destinés aux partis politiques, ainsi que les crédits affectés à l’organisation des élections.

En 2022, les crédits de paiement de la mission devraient connaître une hausse de 4,5 %, soit près de 190 millions d’euros, pour atteindre 4,4 milliards d’euros. La dépense progresse au bénéfice des trois programmes : les crédits du programme « Administration territoriale de l’État » augmentent de 52 millions d’euros, conséquence de la hausse des effectifs ; les crédits du programme Vie politique bénéficient d’une hausse de 55 millions d’euros, en raison du coût prévisionnel des élections présidentielle et législatives ; enfin, les crédits du programme support « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » connaissent une augmentation de 85 millions d’euros, du fait d’un accroissement des dépenses d’action sociale et immobilières.

L’année 2022 verra également la poursuite de la mise en œuvre des chantiers ouverts les années précédentes : je pense notamment à la réforme de l’organisation territoriale de l’État et au financement de projets informatiques, tels que le déploiement de la carte nationale d’identité électronique et le développement de l’identité numérique.

J’en viens au thème que j’ai choisi d’étudier plus particulièrement dans le cadre de l’examen de ce budget : l’organisation des élections régionales et départementales de 2021, et les enseignements que l’on peut en tirer dans la perspective des élections présidentielle et législatives. Ces élections ont été singulières à plusieurs égards. Organisés dans le contexte de la crise sanitaire, les deux scrutins, qui se sont tenus le même jour, ont fait l’objet d’un report de trois mois, de mars à juin 2021.

Les financements destinés à l’organisation des élections sont retracés dans l’action 2 du programme 232 « Vie politique ». Ils couvrent les frais liés au matériel électoral, le remboursement des sommes engagées au titre de la propagande officielle et des dépenses de campagne, ainsi que les transferts directs aux communes pour couvrir l’aménagement et la remise en état des lieux de vote après le scrutin. Les montants sont substantiels : le coût de l’organisation des dernières élections régionales a été estimé à 170 millions d’euros, et celui des départementales, à 148 millions d’euros.

En 2021, l’organisation simultanée de deux scrutins n’a pas entrainé d’économies : les bureaux de vote ayant été dédoublés, aucune synergie n’a été permise en matière d’équipement. Par ailleurs, la crise sanitaire a entraîné des coûts supplémentaires qui ont représenté environ 35 millions d’euros, soit près de 10 % de la prévision initiale. En effet, l’État a assuré la fourniture d’équipements de protection sanitaire et s’est engagé à rembourser les parois de plexiglas achetées par les maires, tandis que les plafonds des dépenses de campagne ont été majorés de 20 %. Dans l’ensemble, ce surcoût ne me paraît pas excessif, compte tenu de la situation exceptionnelle que nous avons traversée.

En revanche, de graves dysfonctionnements ont été constatés à l’occasion de la distribution de la propagande électorale. Je présenterai demain, devant la commission des Lois, le rapport de la mission d’information que j’ai conduite avec Jean-Michel Mis sur les dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale pour les élections régionales et départementales ; aussi, je me contenterai ce soir d’aborder cette question sous un angle principalement budgétaire, en insistant sur deux points principaux.

Premier point : vous avez annoncé, dès la fin du mois de juin, la réinternalisation de la mise sous pli de la propagande électorale. Actuellement, 80 % des préfectures ont choisi d’externaliser la mise sous pli, tant pour des motifs budgétaires que pour des raisons d’organisation. Ces opérations nécessitent en effet, selon les départements, la mobilisation de plusieurs centaines de personnes, parfois de plus d’un millier, ce qui demande une logistique importante : il faut trouver les personnes disponibles, les accueillir dans des espaces suffisamment grands, les rémunérer et procéder aux opérations comptables associées. Or, les services support des préfectures ont pâti de baisses d’effectifs, qui ont souvent affecté les bureaux des élections, conformément à la nouvelle organisation qui a été décidée. Je m’interroge sur la capacité des préfectures à assurer ces opérations, dans un contexte de rationalisation accrue et de recherche toujours plus grande de gains d’efficience. Il me paraît important de leur laisser le choix de pouvoir externaliser ou internaliser ces opérations, en fonction de leurs capacités.

Parallèlement à la mise sous pli stricto sensu – qui consiste à placer les documents de propagande électorale dans l’enveloppe –, d’autres opérations peuvent en faciliter le déroulement : l’assemblage des bulletins, l’étiquetage et, enfin, l’organisation en « quartier-lettre », autrement dit, le routage. J’ai compris, en auditionnant vos services, que vous entendiez externaliser tout ou partie de ces opérations. Je m’interroge sur la pertinence d’une externalisation à la carte du processus de mise sous pli, et sur le risque que cela ne conduise à une usine à gaz. Comment envisagez-vous concrètement les opérations de mise sous pli ? Quelles seront les consignes données aux préfectures, et comment celles-ci seront-elles accompagnées dans ces opérations ?

Le deuxième point concerne la dématérialisation de la propagande électorale. Un récent rapport d’inspection proposait de permettre aux électeurs qui le souhaitent de recevoir la propagande électorale par la voie dématérialisée. Par défaut, les électeurs recevraient à leur domicile la propagande par courrier postal, mais pourraient choisir d’opter pour une transmission dématérialisée. À mon sens, cela irait à l’encontre de l’attachement que les Français ont semblé manifester pour la distribution physique, mesurée à l’aune de la polémique née des dysfonctionnements de l’été dernier. Monsieur le ministre, que pensez-vous de cette proposition ? Quel est l’état de vos réflexions en la matière ? Jusqu’où entendez-vous aller ?

Enfin, le Gouvernement a annoncé au printemps la suppression du corps préfectoral. Cette décision, qui a suscité de vives réactions, n’a pas reçu de traduction dans le projet de loi de finances pour 2022. Je crains que cette réforme ne conduise à une perte de qualification et à une politisation accrue de la fonction de préfet. Avez-vous d’ores et déjà finalisé la rédaction des textes, et quelles seront les prochaines étapes du projet de réforme ? Pouvez-vous nous en rappeler les grands objectifs, et nous indiquer ce qu’y gagneront les Français – si tant est qu’ils puissent y gagner quelque chose ? Enfin, comment les ressources humaines seront-elles gérées ?

M. Rémy Rebeyrotte. Je me félicite que la mission « Administration générale et territoriale de l’État » progresse à nouveau dans le projet de budget 2022 : les crédits de paiement connaissent en effet une hausse de 4,54 %, pour atteindre 4,4 milliards d’euros. Cela me permet de souligner la rupture avec les législatures précédentes et les coupes qui les ont caractérisées, surtout en termes d’effectifs. Je suis heureux que le Premier ministre se soit prononcé en faveur d’un renforcement des préfectures de département, le « niveau opérationnel pour conjuguer proximité et efficacité », selon ses termes, avec son réseau de sous-préfectures. Je me réjouis également que les effectifs soient maintenus, voire progressent dans l’administration territoriale. On note aussi avec satisfaction les mutualisations des fonctions support, la création d’une direction du numérique au sein du ministère et le renforcement des efforts d’innovation, de formation et d’apprentissage, pour ouvrir les métiers aux plus jeunes. Cela traduit la recherche d’une organisation plus efficiente et tournée vers les territoires.

Il serait utile que ces sujets soient eux aussi au cœur du Beauvau de la sécurité, dont nous trouverons la traduction budgétaire dans les crédits relatifs à la conduite et au pilotage des politiques de l’intérieur, au côté des fonds de lutte contre la délinquance, des contributions à la vidéoprotection ainsi qu’aux quartiers de reconquête républicaine et à la lutte contre le séparatisme, du financement des achats de matériels – véhicules, numérique – et de la rénovation du parc immobilier.

Une question me tient à cœur : comment réhumaniser l’accueil, physique comme téléphonique, dans nos préfectures ? Faites l’expérience d’appeler votre préfecture : le renvoi systématique à des numéros qui sonnent fréquemment dans le vide, ou vers le numérique, est difficilement supportable, surtout lorsque vous habitez dans un secteur dépourvu de connexion internet ou disposant d’un faible débit. Il faut renforcer la proximité entre nos administrés et les préfectures. On l’a connue par le passé mais elle a disparu au fil du temps.

Je tiens à souligner que l’État et les collectivités ont réussi à organiser cinq tours de scrutin en période de crise sanitaire. Il n’a pas été simple de trouver des prestataires, les électeurs eux-mêmes se sont moins mobilisés, mais la démocratie est passée. Nous ne pouvons que saluer tous les acteurs locaux et les services de l’État pour le travail accompli.

Enfin, monsieur le ministre, avez-vous dressé un premier bilan du fonctionnement du nouveau service en ligne « maprocuration.gouv.fr » ?

Mme Cécile Untermaier. Je concentrerai mon propos sur le programme « Administration territoriale de l’État », en particulier sur les préfectures et les sous-préfectures. On constate une vaste mutualisation des services de l’État et le regroupement de la masse salariale et des crédits de fonctionnement au sein des secrétariats généraux communs nouvellement créés. La masse salariale et les crédits de fonctionnement connaissent une légère augmentation – on devrait plutôt parler de sanctuarisation. En 2022, la baisse des effectifs touchera à sa fin et le réseau France services fera son apparition.

Je salue les préfets et les sous-préfets, qui accomplissent un travail remarquable. Je remercie également l’ensemble des agents, qui sont d’un grand professionnalisme et que nous souhaitons ardemment conserver dans nos territoires. Cela étant, il est difficile pour la population, dans son ensemble, et pour les étrangers, en particulier, d’avoir accès aux préfectures et aux sous-préfectures. Nous devons nous en soucier, car il y va de la dignité des personnes.

Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple de la sous-préfecture de Louhans, maison de l’État qui a été sauvegardée. Toutefois, en raison de la réduction des effectifs, en particulier à l’accueil, la grille de ce bâtiment public est fermée ; il est barricadé comme une banque. Je me suis retrouvée devant l’interphone alors que j’étais accompagnée du président d’une grande association caritative. Cette situation n’est pas acceptable. Les préfets et les sous-préfets de Saône-et-Loire en ont conscience et vont tout faire pour améliorer l’accueil. Alors que vous ouvrez les établissements France services – ce qui est heureux –, les sous-préfectures ne peuvent rester fermées ! C’est très anxiogène ! Monsieur le ministre, êtes-vous sensible à ce sujet ? Comptez-vous faire en sorte que les maisons de l’État accueillent les citoyens et les élus sans qu’ils aient à prendre rendez-vous ou sonner à l’interphone ?

La dématérialisation – je pense en particulier au dispositif de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) – ne peut se faire sans tenir compte de la fracture numérique. Nous devons imposer, le cas échéant par la loi, une présence physique dans les préfectures et les sous-préfectures parallèlement aux procédures numériques. Nous passons beaucoup de temps dans nos permanences – nous le faisons avec plaisir et c’est notre rôle – à essayer d’obtenir des titres administratifs. Alors que leur délivrance est de droit, les citoyens ne peuvent les obtenir en raison d’un dysfonctionnement, d’une difficulté d’accès au numérique ou par manque d’explications. Rappelons que 27 % des Français n’ont pas d’accès à internet et que 33 % sont mal à l’aise avec cet outil.

M. Christophe Euzet. Je constate avec satisfaction une progression globale des crédits des trois programmes de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » : « Administration territoriale de l’État », « Vie politique » et « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». Je me réjouis également du maintien des personnels dans les préfectures et les sous-préfectures, même si je m’associe aux préoccupations exprimées quant au lien humain et à l’accueil du public. Je me félicite enfin des mesures prises en faveur de l’insertion des personnes handicapées et de la promotion de la laïcité.

L’action 1 du programme 216 finance la création d’une unité de contre-discours républicain. Pouvez-vous nous préciser ce qu’on doit entendre par là ?

On recourt aujourd’hui de manière croissante aux services de sécurité privée. Pourtant, le budget alloué au Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), financé sur le programme 216, demeure inchangé depuis cinq ans. Comment l’expliquer ?

M. Jean-Félix Acquaviva. Les préfectures ont été fortement mises à contribution pour assurer la continuité du service public en 2020 et en 2021. Aujourd’hui, il faut amorcer un virage. Nous insistons sur deux points, qui seront développés par Jennifer de Temmerman dans son rapport spécial. D’abord, le budget 2022 doit garantir la bonne tenue des élections présidentielle et législatives. Il faut éviter que la désorganisation et le manque de préparation qui ont caractérisé les élections de 2021 – et qui ont constitué une atteinte à la démocratie – ne se renouvellent. La société Adrexo a sa part de responsabilité, puisqu’elle n’était pas en mesure, semble-t-il, d’assurer la distribution dans les temps des documents électoraux. Par ailleurs, les services de l’État n’ont peut-être pas réagi comme ils auraient dû le faire et ont eu tendance à minimiser les difficultés lors des réunions des comités de liaison parlementaires. Dans certains territoires, seuls 60 % des documents et de la propagande électorale ont été distribués. Des enveloppes incomplètes ont parfois été expédiées, tandis que d’autres arrivaient dans la mauvaise circonscription. Aussi, nous approuvons la décision du ministère d’internaliser la mise sous pli de la propagande. Néanmoins, des inquiétudes persistent à l’égard de l’accord-cadre qui sera conclu pour la période 2022-2024. Nous souhaiterions obtenir des garanties quant au bon déroulement de la procédure d’appel d’offres.

J’en viens, ensuite, à la sempiternelle question de l’éloignement entre les populations et les administrations déconcentrées, en particulier l’administration préfectorale. Les centres d’expertise et de ressources des titres (CERT), institués en 2017 afin d’instruire les demandes de délivrance de cartes d’identité, passeports et permis de conduire, pâtissent de sous-effectifs inquiétants. Il en résulte un recours accru et temporaire à des contractuels, solution de facilité qui pallie une mauvaise anticipation des besoins. Vous semble-t-il nécessaire de renforcer les moyens des CERT dans le budget 2022, afin de maintenir le lien entre l’administration déconcentrée et les citoyens ?

M. Ugo Bernalicis. Le ministre souligne que les effectifs des préfectures n’ont pas diminué depuis deux ans, tout en expliquant que des réorganisations ont été conduites depuis 2019, marquées notamment par la création des secrétariats généraux communs. De fait, des agents d’autres ministères ont été affectés dans ces structures, financées par le programme 354. À l’échelle interministérielle, les effectifs des administrations déconcentrées, notamment dans les fonctions support, ont bel et bien diminué, puisque tel était l’objectif de votre réforme ! Tantôt, vous vantez la diminution des effectifs permise par la mutualisation et la rationalisation, tantôt, vous mettez en avant la stabilisation des postes dans les préfectures… En tout cas, ces dernières auront un travail accru, ce qui explique les embauches potentielles de contractuels pour préparer les élections. Il ne faudrait pas, en effet, retomber dans les travers de l’organisation des derniers scrutins. Cela étant, un nouveau marché sera conclu, et on risque d’être confronté aux mêmes difficultés, alors qu’il existe une obligation de résultat dans l’acheminement des bulletins de vote et des professions de foi.

L’augmentation des crédits du FIPDR est assez faible en comparaison de celle des lignes budgétaires consacrées à la surveillance et à la répression. Vous souhaitez installer le plus grand nombre possible de caméras, alors que cela n’a pas d’influence sur l’évolution de la délinquance. À ce propos, monsieur le ministre, vous avez indiqué que certaines infractions étaient en baisse, à l’image des cambriolages. Si l’on voulait traduire votre pensée, on pourrait donc en conclure qu’il n’y a pas d’ensauvagement de la société, mais cela dépend peut-être des années et des éléments de langage que vous voulez mettre en avant.

Par ailleurs, je note que le concordat d’Alsace-Moselle mobilise plus de 1 000 équivalents temps plein, qui, à notre sens, pourraient être redéployés, pour que le principe de laïcité soit pleinement appliqué.

Il y a évidemment des difficultés d’accès au numérique. Nous avons déjà fait observer que les prises de rendez-vous pour les étrangers étaient parfois monétisées. Or vous poursuivez dans cette fuite en avant, considérant que le numérique règlera tout. Plusieurs collègues appellent pourtant à réhumaniser l’accueil du public. Pour cela, il suffirait de déployer des hommes et des femmes. Mais telle n’est pas votre politique. Et finalement, vous devez créer les maisons France services et les guichets uniques pour aider les gens à accomplir leurs démarches sur ordinateur. Avec les secrétariats généraux communs, les agents des préfectures et tous ceux qui exercent les fonctions support tirent de plus en plus la langue. Ils mériteraient pourtant qu’on leur donne les moyens d’effectuer efficacement leur travail, surtout après l’engagement dont ils ont fait preuve en 2020. Je leur rends hommage. Le moment venu, nous mettrons les moyens pour que le réseau des préfectures et des sous-préfectures fonctionne correctement.

M. Éric Poulliat. Dans le cadre de la crise de la covid-19, les services déconcentrés de l’État se sont illustrés par leur profond dévouement au service de l’intérêt général, ce dont je les remercie collectivement. Renforcer l’administration territoriale de l’État, bâtir un État territorial me semble une priorité pour les décennies à venir. Il me paraît essentiel que nous sortions un jour de la religion du « toujours plus de décentralisation ». Dès 2017, nous avons eu à cœur de renforcer les missions des préfectures grâce au plan « préfectures nouvelle génération ». Jean Castex a poursuivi cet effort, lors des derniers CITP, en faisant des services déconcentrés les garants de la cohérence de l’action de l’État en faveur des territoires. Les crédits ouverts au titre du programme 354 « Administration territoriale de l’État » augmenteront de plus de 100 millions d’euros entre 2021 et 2022. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser comment vous comptez employer ces crédits pour appliquer les engagements pris lors des cinquième et sixième CITP, tant sur le plan de l’organisation des services que des effectifs ? Pourriez-vous nous en dire davantage sur la modernisation annoncée du fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Le Président de la République s’exprimera à nouveau au sujet du corps préfectoral. À ma connaissance, monsieur le rapporteur, les textes ne sont pas encore rédigés, étant rappelé que c’est Amélie de Montchalin qui conduit la réforme. Mettre fin au corps ne signifie évidemment pas supprimer la fonction. Plus on privilégie la fonction, plus on favorise l’agilité de l’État, au bénéfice des citoyens.

L’internalisation de la mise sous pli et de la distribution des courriers électoraux ne sera pas une loi générale. Je demanderai au secrétaire général du ministère, dans le cadre de la préparation des élections, d’adapter notre organisation au mieux en fonction des préfectures, car elles n’ont pas toutes les mêmes moyens. Dans certaines circonscriptions, des entrepreneurs locaux peuvent se charger de certaines tâches. L’idée générale est d’internaliser, grâce à des moyens supplémentaires, mais, pour diverses raisons, il peut être envisageable de confier une partie du travail à une structure externe. En tout état de cause, nous devrons avoir une plus grande maîtrise de l’activité des prestataires. C’est pourquoi nous avons découpé les opérations de mise sous pli. Je fais toute confiance au secrétariat général du ministère pour organiser au mieux les élections, conformément à mes consignes.

Je remercie monsieur Rebeyrotte d’avoir rappelé que la France a su organiser des élections dans des conditions exceptionnelles. Au même moment, la plupart des pays démocratiques reportaient les scrutins. On peut toujours critiquer les fonctionnaires de la République, mais il est bon aussi, parfois, de rappeler qu’ils ont été au rendez-vous. D’ailleurs, je constate que le juge électoral n’a identifié aucun dysfonctionnement de nature à altérer la sincérité du scrutin. Le ministère de l’Intérieur et les maires de France, qui ont agi en tant qu’agents de l’État dans ce cadre, ont été à la hauteur. Je suis évidemment d’accord, monsieur le rapporteur, pour que l’on donne la plus grande souplesse aux décideurs locaux que sont les préfets.

Pour la passation du prochain appel d’offres, nous prendrons notamment en considération les recommandations de l’Assemblée nationale et du Sénat, afin de mieux sélectionner les prestataires. Je rappelle toutefois que le cadre législatif européen et national limite notre marge de manœuvre, et que l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) avait autorisé deux sociétés à répondre à l’appel d’offres de 2020, ce qui limitait la concurrence.

« Maprocuration.gouv.fr » a bien fonctionné. Il s’agissait d’éviter aux citoyens, autant que faire se peut, de se rendre au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie pour faire valider leur identité par un officier de police judiciaire (OPJ). Alors que l’abstention a atteint un niveau très élevé, on a dénombré 685 695 procurations, dont 289 414 – soit 42,2 % – ont été établies par la procédure dématérialisée. C’est un très bon chiffre et nous nous en félicitons. Pour la présidentielle et pour les législatives, l’objectif serait, grâce à l’identité numérique, de ne pas passer du tout devant un policier ou devant un gendarme. Mais cela requiert un certain nombre de certifications

En lien avec les mairies, nous allons améliorer encore le dispositif notamment pour ce qui est de la connaissance en direct des procurations en ligne. Lorsque le citoyen l’a déposée au dernier moment, on constate bien souvent le dimanche qu’elle n’a pas été enregistrée au niveau du bureau de vote. Toutes ces améliorations contribueront à une meilleure information du bureau de vote ainsi qu’à une meilleure participation.

L’unité de contre-discours formée au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty, dont nous commémorons le triste anniversaire, est chargée d’investir les réseaux sociaux afin de lutter contre l’activité séparatiste et les discours qui s’en prennent à la République, en lien avec la loi que nous avons définitivement fait adopter il y a quelques mois. Cette unité, opérationnelle sept jours sur sept, se compose de dix-sept personnes et en comptera vingt au début de l’année 2022, comme le prévoit le projet de loi de finances. Leur profil ? Des veilleurs « community managers », des analystes, des rédacteurs, des journalistes reporters, des infographistes. Cela va de pair avec ce qu’a annoncé la ministre déléguée lors des débats sur la loi dite de lutte contre le séparatisme.

La subvention annuelle pour charge de service public du CNAPS a fait l’objet d’une revalorisation en 2017, passant de 16,8 millions d’euros à 17,5 millions d’euros. Cela lui a permis de faire face à l’augmentation du recours à la sécurité privée. Le nombre de cartes délivrées par le CNAPS est assez variable : 51 000 en 2017, 47 000 en 2018 et 60 000 en 2020. La loi « sécurité globale » a par ailleurs renforcé les exigences en la matière et l’a replacé dans une dynamique de modernisation. Les crédits 2022 me paraissent suffisants pour répondre aux instructions qui lui ont été données.

Se posera la question de l’ordonnance que nous avions évoquée lors de la discussion de loi « sécurité globale » – et celle de l’adaptation des moyens. Cela devrait être réglée au mois de mai 2022.

S’agissant des préfectures et des sous-préfectures, deux tendances ont été observées depuis quinze ans : la suppression d’effectifs…

Mme Cécile Untermaier. Cela s’est aggravé, monsieur le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. …et la diminution du nombre de leurs missions, qui sont confiées notamment aux collectivités locales, au nom de l’État, comme la délivrance des pièces d’identité. La majorité à laquelle vous avez appartenue, madame la députée, a largement baissé les effectifs des préfectures, ce que nous regrettons et corrigeons, et leur a donné moins de moyens. Il est vrai qu’aujourd’hui, hormis si vous avez à repasser votre permis de conduire parce qu’on vous l’a retiré ou si vous êtes un étranger, vous avez peu de raisons de vous rendre dans votre préfecture ou sous-préfecture. Il faut y remettre des moyens humains mais aussi donner aux citoyens des raisons de s’y rendre. Vous y êtes allée en votre qualité d’élue et pour accompagner des représentants d’associations mais l’objectif est plutôt de faire revenir nos concitoyens dans ces lieux qui représentent l’État.

C’est le sens de la grande action que mène Jacqueline Gourault avec les maisons France services puisqu’une vingtaine de sous-préfectures sont aujourd’hui labellisées et qu’on en comptera demain une centaine : cela permettra de les faire revivre de façon structurelle, notamment dans la ruralité.

Comment arriver à refaire venir des gens dans les sous-préfectures actuelles, celles qui connaissent une baisse d’activité en termes de services offerts et de moyens ? Il nous faut traiter ce sujet en en faisant des endroits où l’on peut rencontrer, au-delà des agents du ministère de l’Intérieur, toutes sortes d’agents publics.

Je ne reviendrai pas, car cela n’en vaut pas la peine, sur la provocation relative au Concordat.

S’agissant du télétravail, au sein de l’administration territoriale, nous avons largement avancé puisque 15 000 postes de télétravail ont été achetés à la suite des discussions sociales que nous avons menées. En juin 2021, 43 % des agents des préfectures étaient ainsi en télétravail. Il est vrai que le ministère de l’Intérieur compte beaucoup de policiers et de gendarmes dont il n’est pas évident d’organiser le télétravail.

Plus de 1 000 ETP ont été affectés aux services des étrangers en dix ans alors que les préfectures ont, dans le même temps, connu une baisse de 25 % de leurs effectifs.

Par ailleurs, pour moi, la vidéosurveillance ou la vidéoprotection font partie des outils de prévention de la délinquance.

Enfin, le plan de relance a pour conséquence une augmentation de 10 % des crédits affectés à l’action préfectorale, en premier lieu dans le domaine immobilier.

 

Article 20 et État B

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Aucun amendement n’a été déposé sur les crédits de la mission.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

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La réunion se termine à 20 heures 10.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Félix Acquaviva, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Vincent Bru, Mme Marie-George Buffet, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, M. Jean‑Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, M. Philippe Gosselin, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, Mme Marie-France Lorho, M. Stéphane Mazars, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Michel Mis, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Stéphane Peu, M. Jean‑Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, Mme Alice Thourot, Mme Cécile Untermaier, M. Guillaume Vuilletet

 

Excusés. - Mme Lamia El Aaraje, Mme Paula Forteza, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Fabien Matras, M. Sylvain Waserman

 

Assistaient également à la réunion. - Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Stella Dupont