Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

  Audition de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, examen pour avis et vote des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (Mme Émilie Guerel, rapporteure pour avis)              2

  Examen du rapport de la mission d’information sur les dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale pour les élections régionales et départementales des 20 et 27 juin 2021 (MM. Jean-Michel Mis et Raphaël Schellenberger, rapporteurs)              23

 Compte rendu de la mission d’une délégation de la commission en Martinique et en Guadeloupe 23

 Informations relatives à la commission................30

 

 

 

 


Mercredi
13 octobre 2021

Séance de 8 heures 30

Compte rendu n° 5

session ordinaire de 2021-2022

Présidence de
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

 


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La réunion débute à 8 heures 30.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

La Commission auditionne Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (Mme Émilie Guerel, rapporteure pour avis).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous avons le plaisir de recevoir Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et M. Joël Giraud, secrétaire d’État chargé de la ruralité, à l’occasion de l’examen pour avis des crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales et des articles rattachés. Nous avons examiné hier l’ensemble des missions relevant du ministère de l’intérieur ; nous examinerons cet après-midi celles relevant du ministère de la justice. Nous aurons ainsi examiné sept missions en vingt-quatre heures, c’est un record !

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Avant d’entrer dans le détail des mesures concernant spécifiquement les collectivités locales, je souhaiterais vous présenter quelques éléments de cadrage macroéconomique. Les finances locales représentant environ un cinquième des finances publiques, il est impossible d’en parler sans évoquer le contexte général de nos comptes publics.

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 s’inscrit dans un contexte de croissance soutenue, grâce à la levée des contraintes sanitaires, aux progrès de la vaccination et, bien sûr, au plan de relance. Nous prévoyons un taux de croissance de 6 % en 2021 et de 4 % en 2022. Les comptes publics se redressent progressivement, mais restent largement affectés par la crise. Ainsi, le déficit public se réduirait, dès 2021, à 8,4 % du PIB, avant de descendre à 4,8 % en 2022. Quant à la dette publique, elle se situerait à 115,6 % du PIB en 2021 et à 114 % en 2022. Le plan France Relance est déployé rapidement : un an après sa présentation, 47 milliards d’euros ont déjà été engagés, le Premier ministre ayant fixé l’objectif de 70 milliards engagés d’ici à la fin de cette année.

Dans ce PLF, les concours financiers aux collectivités locales s’élèvent à 52 milliards d’euros, soit 20 % des finances locales, qui représentent 260 milliards. En juillet 2017, devant la conférence nationale des territoires, le Président de la République s’était engagé à ce que les dotations versées par l’État aux collectivités locales ne baissent pas. Nous avons tenu cette promesse tout au long du quinquennat, tant pendant les trois premières années, consacrées au rétablissement de notre situation économique et financière, que pendant les deux dernières, marquées par la crise. En réalité, les concours financiers aux collectivités ont été plus que stabilisés : ils ont nettement progressé sur la durée du quinquennat, passant de 48,1 milliards à plus de 52 milliards d’euros. Entre 2021 et 2022, l’augmentation est de 525 millions en crédits de paiement.

La dotation globale de fonctionnement (DGF) est fixée à 26,8 milliards d’euros pour 2022, soit le même montant qu’en 2021. C’est une annonce désormais habituelle, mais je rappelle que la DGF est égale à environ 6 % du budget de l’État. Pour vous donner des éléments de comparaison, c’est deux fois les crédits de la mission Sécurité et trois fois ceux de la mission Justice. Il s’agit donc d’un montant très significatif.

Depuis cinq ans, nous cherchons à réduire chaque année le gage appliqué sur certaines lignes budgétaires pour compenser l’augmentation d’autres lignes. Pour 2022, le gage proposé est de 50 millions d’euros. Ce montant est du même ordre que celui de l’année dernière et près de six fois inférieur à celui qui figurait dans la loi de finances pour 2018, à savoir 293 millions. L’enveloppe totale augmentant de 525 millions d’euros, nous n’avons donc gagé que 9,5 % de la hausse. Je ne crois pas que nous puissions faire mieux. Nous proposons de faire porter ce gage sur deux dotations perçues par les régions, dont les capacités de financement sont supérieures à celles des collectivités des autres niveaux. En 2020, les régions ont continué à dégager un excédent de 19 % sur leur budget de fonctionnement, contre 12 % pour les départements. C’est un chiffre à garder en tête.

Au-delà des dotations de fonctionnement, ce PLF vise à favoriser l’investissement. Le Gouvernement considère que l’investissement public joue un rôle crucial dans la relance du pays. C’est la raison pour laquelle nous avons ouvert 2,5 milliards d’euros de subventions directes dans le cadre du plan France Relance, en plus de programmes plus spécifiques, comme le milliard d’euros mobilisé pour les transports en commun en site propre. Ces choix sont payants : les perspectives d’investissement des collectivités sont bonnes en 2021 comme en 2022. Pour consolider cette tendance, le PLF ajoute environ 350 millions d’euros à la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), afin de financer les opérations prévues dans les contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Ces fonds complètent les 570 millions d’euros habituels.

La dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), avec 1,046 milliard d’euros, la dotation politique de la ville (DPV), avec 150 millions, et la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID), avec 212 millions, sont stables. Là encore, nous avons l’habitude de ces chiffres, mais n’oublions pas qu’il s’agit de moyens très importants. Nous proposons de réformer les modalités d’attribution de la DSID, dont 23 % des crédits sont attribués directement à quatre-vingt-sept départements sans être fléchés vers des projets particuliers. L’effet de levier de ces crédits, qui représentent environ à 1 euro par habitant, est très faible. Nous proposons donc que la totalité des crédits de la DSID soit, à partir de l’année prochaine, versée sous forme de subventions, ce qui permettra d’employer ces fonds avec plus d’efficacité.

Ce budget marque aussi une nouvelle étape en matière de solidarité entre les territoires. En 2022, l’État consacrera davantage de moyens aux collectivités. La solidarité passera d’abord par un renforcement des dotations de péréquation, avec 95 millions d’euros supplémentaires pour la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et 95 millions d’euros supplémentaires pour la dotation de solidarité rurale (DSR), contre 90 millions les années précédentes. Au total, sur la durée du quinquennat, la DSU et la DSR auront progressé chacune d’au moins 455 millions. Dans la même perspective, le rattrapage du niveau des dotations attribuées aux communes des départements d’outre-mer se prolongera l’année prochaine au même rythme que l’année dernière.

Par ailleurs, le financement du RSA en Seine-Saint-Denis sera assumé par l’État dès 2022, dans le cadre d’un dispositif expérimental, afin de permettre au département d’accroître les moyens qu’il mobilise en faveur de l’insertion des personnes pauvres ou éloignées de l’emploi. Juridiquement, l’expérimentation est ouverte à d’autres départements. Cependant, il faut au minimum un an pour conduire à bien un tel chantier, et seule la Seine-Saint-Denis est prête pour faire la bascule au 1er janvier 2022. Nous pouvons bien entendu travailler dans la perspective de 2023 avec d’autres candidats, s’ils se font connaître de manière formelle. Certains en ont parlé, mais sans formaliser leur demande.

Le PLF pour 2022 tire les conséquences des réformes de la fiscalité locale sur les dotations et sur les fonds de péréquation. Conformément à l’engagement pris par le Gouvernement, les effets de la baisse des impôts de production, décidée dans la loi de finances pour 2021 afin de relancer l’activité, seront neutralisés pour les départements. Ceux-ci recevront l’année prochaine 51,6 millions d’euros pour compenser les pertes sur le dispositif de compensation péréquée (DCP) – sachant que le montant reçu au titre du DCP dépend du rendement des impôts de production. Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé que les conséquences de la baisse des impôts de production sur les régions, soit 107 millions en 2022, seront compensées. Le Gouvernement déposera un amendement en ce sens.

Dans le prolongement de la loi de finances pour 2021, les indicateurs servant au calcul des dotations et fonds de péréquation seront modernisés. Nous suivrons à cet égard les orientations que le Comité des finances locales (CFL) a dessinées à l’issue des travaux menés cette année par cinq groupes de travail : intégration de plusieurs impositions au calcul du potentiel financier des communes, afin que cet indicateur reflète mieux leur richesse relative ; simplification du calcul de l’effort fiscal, afin de le recentrer sur les marges de manœuvre réelles de la commune sur les produits qu’elle perçoit ; mise en place d’un « tunnel » afin que les évolutions s’opèrent progressivement pour les communes. Les impacts seront totalement neutralisés en 2022.

M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Je souhaite appeler votre attention sur quelques mesures qui concernent plus spécifiquement les territoires ruraux.

D’une part, ce PLF prévoit une réforme de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité. Nous avons pris l’engagement, dans le cadre du comité interministériel aux ruralités, de valoriser les aménités produites par les territoires ruraux. À l’époque où j’étais rapporteur général de la commission des finances, nous avions créé une dotation biodiversité en faveur des communes dont une part importante du territoire était comprise dans un cœur de parc national, puis nous y avions ajouté les communes couvertes par un site classé Natura 2000. Pour tenir compte de vos remarques, la dotation sera rebaptisée « dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales » et son montant sera multiplié par deux, ce qui permettra d’abaisser de 75 % à 60 % le taux minimal de couverture par un site Natura 2000 et d’étendre la dotation aux communes situées dans un parc naturel régional. Au total, sachant que nous maintiendrons un critère de richesse, le nombre de communes bénéficiaires passera de 1 500 à 3 200.

D’autre part, ce PLF prévoit une augmentation de 95 millions d’euros de la DSR, à parité avec la DSU. Il s’agit d’un effort de solidarité envers le monde rural, notamment envers les petites communes pauvres et celles qui jouent un rôle de bourg centre. Cette politique est payante : entre 2017 et 2021, 50 % des communes rurales ont reçu des crédits supplémentaires au titre de la DGF, alors que 82 % de ces mêmes communes avaient perdu de la DGF sous le précédent quinquennat. Nous avons également maintenu les moyens attribués au titre de la DETR : les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ruraux ont reçu au total 5,2 milliards d’euros sous cette législature, contre 3,5 milliards à date comparable sous la précédente. Qui plus est, Mme la ministre et moi-même avons signé l’an dernier une circulaire pour recentrer la DETR sur les territoires ruraux, notamment pour garantir que les projets urbains financés par la DETR concernent bel et bien la ruralité – nous avions constaté des dérapages : l’apport pour les territoires ruraux était parfois anecdotique.

Mme Émilie Guerel, rapporteure pour avis. Je ne reviens pas sur les crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales, qui viennent d’être présentés de manière très complète ; ils illustrent que le soutien offert aux collectivités territoriales par notre majorité a été constant tout au long de la législature. L’usage, à la commission des lois, est que le rapporteur pour avis mette l’accent sur une thématique que les crédits présentés permettent de financer. J’ai retenu un sujet qui vous tient à cœur, madame la ministre : la déclinaison territoriale du plan de relance.

Le plan de relance, présenté en Conseil des ministres le 3 septembre 2020, est inédit par son ampleur et par ses ambitions. Il s’inscrit d’abord dans un cadre européen, pour lequel la France et le Président de la République ont œuvré : le plan NextGenerationEU, doté de 750 milliards d’euros, dont 40 milliards ont été attribués à la France. Grâce à cet élan, le Gouvernement a été en mesure de bâtir un plan de 100 milliards d’euros, auquel trois priorités ont été assignées : la transition écologique, la compétitivité et la cohésion des territoires.

Les territoires, précisément, ont été au cœur du déploiement du plan de relance. Dès le 28 septembre, le Premier ministre a signé avec les présidents de région un accord de partenariat, et le 23 octobre a été publiée une circulaire relative à la mise en œuvre territorialisée du plan. Celle-ci repose sur une comitologie spécifique : les comités régionaux de pilotage et de suivi et les comités départementaux du plan de relance. Les sous-préfets à la relance se sont eux aussi investis au plus près des territoires. Ils n’ont pas eu la tâche aisée face à l’ampleur du dispositif, mais ils ont joué un rôle d’animation et d’information indispensable à la bonne diffusion du plan dans nos territoires et à son appropriation par les différents acteurs concernés.

À ce jour, 48 milliards d’euros ont déjà été engagés, l’objectif étant d’atteindre les 70 milliards d’ici à la fin de l’année. Les résultats sont visibles dans l’ensemble des territoires de métropole et d’outre-mer – nous le constatons au quotidien et les Français ne s’y trompent pas. Aucun territoire n’a été oublié. Le plan de relance ne s’est pas déployé au détriment des petites collectivités, ni de celles qui ont le plus de difficultés : près de 2 milliards d’euros ont été attribués aux quartiers de la politique de la ville et 8 milliards l’ont été aux territoires ruraux. En outre, les résultats sont immédiatement perceptibles sur l’activité, qui devrait revenir à son niveau d’avant-crise dès la fin de l’année : la croissance a été revue à la hausse et devrait atteindre 6,3 % en 2021.

Pour relancer l’investissement local, le plan s’est appuyé sur un soutien massif aux collectivités territoriales. Au total, l’ensemble des soutiens de l’État aux collectivités, en fonctionnement ou en investissement, a atteint près de 4 milliards d’euros, dont près de 2,5 milliards pour l’investissement local, dont l’effet de levier est décisif pour la réussite du plan. J’insiste à cet égard sur quatre dispositifs exceptionnels mis en œuvre : pour le bloc communal, la DSIL exceptionnelle de 950 millions d’euros et la DSIL rénovation thermique de 650 millions ; pour les départements, la DSID rénovation thermique de 300 millions ; pour les régions, une dotation régionale d’investissement (DRI) de 600 millions.

La territorialisation du plan de relance s’est enfin fondée sur un outil éprouvé dans la gestion des relations entre l’État et les collectivités territoriales : la contractualisation. Le plan de relance et le renouvellement en cours des contrats de plan État-région (CPER) pour la période 2021-2027 est l’occasion de refonder la politique contractuelle sur deux types de contrats : les CPER – outre-mer, les contrats de convergence et de transformation (CCT) – et les CRTE. Elle est également l’occasion d’adapter ces outils aux défis posés par la crise sanitaire.

Les auditions que j’ai conduites ont été l’occasion de faire le point sur le déploiement des CRTE. Ceux-ci se révèlent très utiles pour concrétiser les projets de territoire à l’échelle du bassin de vie, puisque les 843 périmètres de CRTE élaborés se fondent au minimum sur l’échelle intercommunale. À ce jour, environ 300 contrats et 500 protocoles ont été signés. Je me réjouis que le présent PLF mobilise 337 millions d’euros supplémentaires dans le cadre de la DSIL pour accompagner leur déploiement.

La déclinaison territoriale réussie du plan de relance a une nouvelle fois mis en évidence l’enjeu, pour les collectivités territoriales, d’être suffisamment outillées ou accompagnées pour se saisir des différents dispositifs. Autrement dit, la question de l’ingénierie s’est une nouvelle fois posée avec acuité dans le contexte de ce plan massif, dont l’ampleur est inédite. Madame la ministre, je connais votre vigilance sur cette question essentielle. Pouvez-vous nous présenter l’action du Gouvernement en la matière et nous indiquer comment elle pourrait être renforcée ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’ingénierie est effectivement un aspect très important. L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui a maintenant deux ans, joue à cet égard un rôle formidable. Elle fonctionne très bien, en complémentarité de l’ingénierie qui peut exister dans les territoires. Je rappelle que les délégués territoriaux de l’ANCT sont les préfets de département et que leur rôle consiste souvent à rappeler l’existence des agences techniques départementales, des agences d’urbanisme ou encore des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE).

M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Lorsque l’ANCT ne dispose pas de certaines compétences au niveau d’un territoire, elle peut compléter son offre en ayant recours à des marchés à bons de commande, notamment pour réaliser une étude spécifique. En outre, nous avons créé le volontariat territorial en administration (VTA), mesure qui était prévue par l’agenda rural. Les volontaires territoriaux en administration sont des jeunes diplômés à bac + 2 minimum embauchés dans le cadre d’un contrat court, de 12 à 18 mois, par une collectivité territoriale, qui reçoit à cette fin une subvention forfaitaire de 15 000 euros. Leur rôle consiste par exemple à aider la collectivité à étudier la façon dont elle peut s’insérer de manière efficace dans le plan de relance ou encore bénéficier du programme Petites villes de demain. Leur recrutement est plus facile que celui de chargés de mission sur des programmes nationaux.

Le VTA connaît un grand succès. Nous avions budgété 200 volontaires pour 2021. Dans la mesure où 110 volontaires étaient déjà recrutés au 24 septembre dernier, date à laquelle s’est tenu dans l’Yonne le troisième comité interministériel aux ruralités, nous allons allouer des moyens supplémentaires pour atteindre 800 volontaires en 2022. Les volontaires territoriaux peuvent également être recrutés par des associations d’élus. Dans certains départements, des associations de maires ruraux en ont recruté pour fournir de l’ingénierie à plusieurs petites communes ; c’est une très bonne solution.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’enveloppe allouée à l’ANCT est cette année de 60 millions d’euros, dont 20 millions pour l’ingénierie ; c’est un budget significatif. L’ANCT travaille en partenariat avec des opérateurs tels que l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), l’Agence de la transition écologique (ADEME), le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) et la Banque des territoires. Dans le cadre du programme Petites villes de demain, par exemple, les postes de chefs de projet peuvent être financés, à hauteur de 75 %, par le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT), avec une contribution de l’ANAH s’il s’agit d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat (OPAH) ou de l’ADEME s’il s’agit d’une opération relative à l’environnement.

M. Didier Paris. Nous avons tout lieu d’être très satisfaits du projet de budget qui vient de nous être présenté et, surtout, de la restauration du lien avec les collectivités territoriales et leurs élus. Pour les collectivités, notamment les plus petites, la DGF est un marqueur essentiel. Or le temps où elles se plaignaient de sa baisse tendancielle me paraît désormais révolu, même si des inégalités peuvent subsister – la DGF n’augmente pas pour toutes. En tout cas, je n’entends plus dans mon territoire ce bruit de fond lancinant.

Vous avez beaucoup insisté sur l’augmentation de la DETR et de la DSIL. Cette mécanique de l’État est très pertinente, car elle accompagne les collectivités qui ont envie d’améliorer leur situation en réalisant des projets structurants. La compensation de la baisse des impôts de production me paraît tout aussi importante, mais j’aimerais que vous évoquiez la compensation de la suppression de la taxe d’habitation, problème évoqué de manière récurrente par certaines collectivités.

Le plan de relance est une vraie réussite sur le terrain, parce qu’il nous permet d’aller vers les entreprises, petites et grandes, souvent en lien avec les collectivités. Madame la ministre, vous avez évoqué les partenariats, notamment avec la Banque des territoires et le FNADT. Il serait souhaitable de simplifier encore le parcours du combattant des élus – Joël Giraud le connaît par cœur –, qui ont du mal à obtenir les différents financements au même moment et dans les mêmes conditions. Sans même parler de guichet unique, il est nécessaire de réduire le millefeuille administratif. C’est une revendication constante des petites collectivités.

M. Raphaël Schellenberger. Je suis surpris d’entendre M. Paris parler de « marqueur » dans les relations entre l’État et les collectivités territoriales, alors que ces relations doivent être régies par les principes constitutionnels, en particulier l’autonomie fiscale et l’autonomie financière. Le présent PLF n’est pas satisfaisant au regard de ces deux grands principes, et vous ne nous expliquez jamais, madame la ministre, en quoi vos mesures respectent l’autonomie fiscale, notamment celle des régions et celle des départements.

En droit français, l’autonomie fiscale est consubstantielle à l’existence d’une collectivité territoriale, comme le rappellent plusieurs décisions du Conseil constitutionnel – lequel n’a peut-être pas été suffisamment saisi des dernières évolutions des relations entre l’État et les collectivités. Comment envisagez-vous, à terme, de rendre leur autonomie fiscale aux collectivités, en particulier aux départements, qui l’ont perdue, et aux régions, qui n’en ont jamais eu beaucoup ?

S’agissant de l’autonomie financière, je constate que le maintien des crédits alloués aux collectivités s’accompagne d’un fléchage qui soumet l’obtention de ces crédits à une allégeance au projet politique du Gouvernement. Par exemple, la DSID sera désormais attribuée intégralement par le préfet de région en suivant une logique de projets qui n’est guère respectueuse de la capacité des collectivités territoriales à mener, de manière autonome, des projets qui lui sont propres.

Qui plus est, vous nous expliquez que vous mettez les régions à forte contribution parce qu’elles ont réussi à dégager de l’autofinancement. Autrement dit, l’État renfloue ses caisses en prélevant une partie de l’autofinancement des régions ; c’est un comble ! La région est par nature la collectivité qui dégage le plus d’autofinancement, puisque l’État lui a confié des missions importantes en matière d’investissement. Cette logique qui pénalise les bons élèves est incompréhensible et inacceptable ; elle n’incite nullement à une bonne gestion dans les territoires.

Enfin, madame la ministre, j’aimerais obtenir des précisions concernant l’application des dispositions relative au Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) que nous avons adoptées l’année dernière. Quel est le montant prévu en 2022 pour ce fonds de péréquation ? Comment sera-t-il réparti ? Combien de collectivités seront concernées ? Je reste convaincu que c’est un sparadrap sur un gros problème, qu’il va portant falloir régler au plus vite.

M. Vincent Bru. Après les mois de crise que nous venons de traverser, la réussite de la reprise passe en grande partie, nous le savons, par les collectivités. Leur accompagnement par l’État est donc essentiel. Les deux programmes de la mission Relations avec les collectivités territoriales, à savoir Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements et Concours spécifiques et administration, représentent 4,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement. Ce montant considérable doit permettre de répondre à quatre enjeux : attribuer des ressources aux collectivités en fonction de critères objectifs et rationnels ; accompagner l’investissement local ; compenser certaines charges transférées aux collectivités ; soutenir les collectivités dont les biens non assurables sont fortement touchés par des événements climatiques ou géologiques.

Dans ce PLF, qui est le dernier du quinquennat, l’accent a été mis sur la dépense et l’investissement pour favoriser la croissance et contribuer ainsi au sursaut économique. Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés se réjouit du maintien du montant de la DGF, conformément à la décision prise par le Gouvernement en 2017, qui a marqué un tournant de confiance. Nous constatons que, pour la cinquième année consécutive, la DGF est stabilisée. Vous avez rappelé, madame la ministre, qu’elle représente 6 % du budget de l’État.

Les concours financiers aux collectivités territoriales sont également en progression par rapport à la loi de finances pour 2021. Tel est le cas non seulement de la DSR et de la DSU, qui augmenteront chacune de 95 millions d’euros, mais aussi des dotations de péréquation en faveur des communes, des intercommunalités et des départements.

Néanmoins, le montant de la DGF permettra-t-il aux collectivités de faire face à toutes les dépenses qu’elles ont dû engager pendant la crise sanitaire ? Par ailleurs, la revalorisation des plus bas salaires de la fonction publique annoncée par Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, pèsera lourdement sur les collectivités. Pourront-elles assumer cette charge ?

Le soutien à l’investissement local est considérablement renforcé, grâce à la DETR, à la DPV et, surtout, à l’abondement considérable de la DSIL et à la DSIL exceptionnelle mise en œuvre dans le cadre du plan de relance. De la même façon, des crédits de paiement supplémentaires ont été prévus dans le cadre des CRTE. Y a-t-il, de votre point de vue, des priorités en la matière ?

Pendant la crise sanitaire, le couple préfet-maire et, plus largement, préfet-élu local a très bien fonctionné ; il en est même sorti renforcé. S’agissant de l’attribution de la DETR, pourquoi ne pas autoriser la commission consultative compétente à se saisir des dossiers relatifs aux collectivités de moins de 100 000 habitants ? Cela permettrait aux élus locaux de participer davantage à la répartition des fonds. Cette logique pourrait également être suivie pour l’attribution des fonds relevant de la DSIL, qui sont entre les mains du préfet.

Pour finir, je tiens à vous faire part des inquiétudes de notre groupe quant à la multiplication des inondations, qui mettent de nombreuses communes à rude épreuve. Cela soulève la question du soutien financier de l’État pour faire face aux catastrophes naturelles, qu’elles soient climatiques ou géologiques.

En tout cas, notre groupe est très largement favorable aux mesures annoncées dans le cadre de ce PLF.

Mme Cécile Untermaier. Je ne reviens pas sur la relation entre l’État et les collectivités territoriales au regard de l’autonomie fiscale et de l’autonomie financière, question évoquée avec justesse par M. Schellenberger.

Dans un État de droit, la relation entre l’État et les collectivités n’est pas uniquement financière ou budgétaire. Les préfectures sont une instance d’appel pour les communes et pour les citoyens qui ont des difficultés avec l’administration. Elles exercent le contrôle de légalité des actes des collectivités, protégeant ainsi les élus de certains contentieux. Or cette activité juridique est de moins en moins visible. Je le dis sans polémique, car nous sommes là pour construire ensemble les relations entre l’État et les collectivités, mais nous avons le sentiment que les préfectures et les sous-préfectures s’enfoncent dans le sable, alors que l’État régalien existe dans les territoires avant tout par l’intermédiaire des préfectures et des sous-préfectures.

Le déploiement des maisons France Services dans les cantons est une excellente chose, mais il serait également utile d’en installer dans les sous-préfectures – cela se fait déjà à certains endroits –, afin d’éviter que nos citoyens ne se retrouvent devant des grilles fermées, ce qui est très anxiogène. Je l’ai dit au ministre de l’intérieur, mais je m’adresse aussi à vous car vous connaissez bien la vie locale et le silence qui peut peser dans certains territoires. Au-delà des décisions financières, il importe de maintenir des sous-préfectures ouvertes et accueillantes – je le dis sans nostalgie pour le dispositif ancien, car je comprends que des adaptations soient nécessaires.

Quant au sous-préfet à la relance, je ne l’ai jamais vu, sachant que le sous-préfet de mon territoire, avec lequel je travaillais bien, a été appelé à remplacer le directeur de cabinet du préfet, momentanément absent. Un sous-préfet à la relance, c’est d’abord le sous-préfet d’un territoire qui a déjà su créer des relations avec les élus. Encore faut-il qu’il soit présent et que le lieu où il travaille ne soit pas fermé par une grille, sous la devise « liberté, égalité, fraternité ».

L’approche budgétaire retenue dans ce PLF est, il faut le dire, très positive. Les élus se réjouissent que les financements DETR soient accessibles, les dossiers étant relativement faciles à monter. Tel n’est pas le cas, hélas, des financements européens. De plus en plus de communes y renoncent, car c’est trop compliqué, et aucune région ne parvient à résoudre ce problème. Nous avons besoin de vous pour rendre les fonds européens plus accessibles. Il ne doit pas être nécessaire d’avoir fait Polytechnique pour monter un dossier, ou alors c’est la mort des territoires ruraux !

Je salue l’extension des critères d’attribution de la dotation biodiversité, sachant que l’espace rural coûte aux collectivités. Je le ferai savoir dans mon territoire, qui est directement concerné. Par ailleurs, j’aimerais savoir ce qu’il adviendra des zones de revitalisation rurale (ZRR).

Soyons vigilants : il ne faudrait pas qu’une ingénierie soit nécessaire pour obtenir de l’ingénierie ! Il est nécessaire de simplifier les dossiers. Dans certains départements, la direction départementale des territoires (DDT) ne compte que trois personnes – vous voyez à quel point l’État peut manquer – et l’agence technique départementale est surchargée – avec, parfois, quelque 120 dossiers en attente. Les communes sont alors découragées et ne savent plus à qui s’adresser.

Je souscris aux propos de Vincent Bru concernant les inondations. Nous n’avons trouvé aucun dispositif permettant aux communes de répondre à leurs obligations en la matière. La dotation biodiversité pourrait être utilisée pour soutenir les agriculteurs dont les foins ont été détruits par une inondation.

M. Dimitri Houbron. Le groupe Agir ensemble salue le respect de l’engagement présidentiel de ne pas réduire les dotations affectées aux collectivités, après plusieurs années de baisse qui avaient fragilisé les finances locales. Cet engagement a été tenu durant toute la durée du quinquennat.

Mes deux premières questions portent sur le programme Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements.

S’agissant de l’action 01 Soutien aux projets des communes et groupements de communes, je note que les crédits de la DETR, de la DPV et de la DSIL sont substantiellement plus élevés en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement. Il est légitime que l’État démontre qu’il demeure un garant de nos collectivités, mais un alignement des autorisations d’engagement et des crédits de paiement permettrait d’avoir une organisation budgétaire plus flexible, notamment pour endiguer d’éventuelles nouvelles crises. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de ce choix ? Pourquoi l’alignement est-il appliqué non pas à toutes les dotations, mais seulement à certaines, par exemple la dotation relative à l’enregistrement des demandes et à la remise des titres sécurités (DTS), la dotation biodiversité et la dotation communale d’insularité ?

S’agissant de l’action 03 Soutien aux projets des départements et des régions, je relève que la fusion des deux parts de la DSID s’accompagne d’une baisse de 4,38 % des crédits de paiement par rapport au budget précédent. Pouvez-vous nous l’expliquer ? Depuis 2019, je le rappelle, la DSID se composait de deux parts : la première – 77 % – était répartie en enveloppes régionales et attribuée par le préfet de région sous forme de subventions d’investissement, un peu comme pour la DSIL ; la seconde – 23 % – était répartie au bénéfice des départements, proportionnellement à l’insuffisance de leur potentiel fiscal. La fusion consiste en un basculement de la part péréquation dans la part projets, afin que l’intégralité de l’enveloppe soit attribuée sur appel à projets par le préfet de région.

Ma dernière question concerne l’action 04 Dotations outre-mer du programme Concours spécifiques et administration. Je constate que les crédits de paiement augmenteront marginalement, de 0,46 %, en raison de la hausse de la dotation globale de compensation versée à la Nouvelle-Calédonie au titre des services et établissements publics transférés. Cette progression sera-t-elle suffisante pour faire face aux besoins des collectivités concernées, souvent en difficulté financière ? Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ? Je relève que les crédits alloués à d’autres actions connaîtront une hausse significative. Ainsi en est-il de la dotation générale de décentralisation des départements, dont les crédits de paiement augmenteront de 19,36 %.

M. Paul Molac. Ce PLF prévoit une légère augmentation des dotations et une adaptation à la situation covid et post-covid. Il faut noter un changement d’attitude, puisqu’au début du quinquennat, c’était « balance ton maire ».

M. Pierre Cordier. Il est bon de le rappeler !

M. Paul Molac. On n’en est plus là, et je ne peux que m’en réjouir.

J’avais lu qu’il n’y aurait aucun abondement en faveur des régions, mais Mme la ministre vient d’annoncer qu’elles recevraient 107 millions d’euros supplémentaires. C’est une bonne nouvelle, d’autant que la relance a eu un effet pervers : les régions étant compétentes en matière de développement économique, l’État leur a demandé avec insistance de mettre un euro lorsqu’il met lui-même un euro. Ce n’est guère conforme à l’autonomie des collectivités territoriales, et je souscris en partie aux propos de Raphaël Schellenberger.

M. Raphaël Schellenberger. Tout le monde converge !

M. Paul Molac. Je trouve très positif que vous souhaitiez augmenter la péréquation, mais celle-ci demeure un peu opaque. Pourquoi ne pas faire comme dans les États fédéraux, où les choses sont beaucoup plus claires ? On pourrait imaginer un mécanisme lié à la TVA, avec des collectivités contributrices et des collectivités bénéficiaires.

Les charges des régions ont peu baissé, notamment parce qu’elles ont dû maintenir des services de transport avec des recettes nettement inférieures en raison de la baisse du nombre de voyageurs. Les finances des départements où la dynamique foncière est favorable se portent plutôt bien, mais c’est une autre histoire dans les départements où le produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) n’augmente pas.

Je me réjouis de la réforme de la dotation biodiversité. Il y a quelques années, lorsque vous étiez rapporteur général, monsieur Giraud, j’avais relevé que, pour avoir des recettes, il suffisait à une commune de faire du logement ou d’attirer des usines et des artisans qui payent la contribution foncière des entreprises (CFE) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ; en revanche, une commune dont le territoire comportait des milieux naturels classés Natura 2000 était soumise à des contraintes, ne pouvait rien faire et ne recevait rien du tout. Vous m’aviez répondu qu’il ne fallait pas être malthusien. Toutefois, un peu de malthusianisme, cela permet d’aider ceux qui font des efforts !

Quand je parle sur le terrain du couple maire-préfet, certains élus me répondent que tout dépend de qui porte la culotte…

Mme Jacqueline Gourault, ministre. C’est un uniforme !

M. Paul Molac. En général, c’est plutôt le préfet que le maire. J’aimerais que l’on passe à un système favorisant davantage l’autonomie des collectivités locales. Actuellement, elles sont tenues par des politiques décidées par l’État ; on leur demande de suivre ce qui a été fixé au niveau central. Il n’y a pas assez d’écoute et de coconstruction des politiques. Selon moi, ce n’est pas la bonne manière de procéder. La France est un pays de diversité, et il n’y a qu’en tenant compte de cette diversité qu’on arrivera à bien la gérer.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Ce PLF prévoit des montants significatifs pour la DGF, la DSIL et la DETR, ce qui est important pour nos collectivités locales. Mais je souhaite surtout revenir sur ce que Mme la rapporteure pour avis a dit à propos du plan de relance. Depuis des années, on se bagarre sur les péréquations horizontales et verticales. Or, avec le plan de relance, nous avons la possibilité d’aider la ruralité sans faire de montages financiers compliqués. J’ai noté que, sur les 100 milliards du plan de relance, 48 ont déjà été engagés, dont 8 pour la ruralité. C’est 16 % du total, ce qui n’est pas extraordinaire. L’objectif du Gouvernement étant d’engager 70 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année, cela nous laisse de la marge pour nos territoires ruraux.

Il faut davantage de transversalité et de transparence, comme l’a dit Paul Molac. Les sous-préfets à la relance ne sont pas présents sur tout le territoire : il y en a un dans les Pyrénées-Orientales, mais pas en Lozère. Or, en Lozère, on ne sait pas trop comment obtenir des financements du plan de relance, alors que l’on a des dossiers à présenter, notamment en matière de handicap. On est donc obligé de quémander, presque de se prostituer, auprès de l’agence régionale de santé (ARS), du ministère chargé de l’industrie, du ministère de l’intérieur ou du ministère de la transition écologique. Le plan de relance est doté financièrement, mais on manque vraiment de clarté sur son fonctionnement.

Je m’associe à la question de Mme Untermaier sur les ZRR. C’est un serpent de mer. Un rapport malheureux préconisait de mettre l’argent des ZRR sur la DETR, alors que cela n’a rien à voir avec l’attractivité économique. C’est la seule mesure de discrimination positive en faveur des territoires ruraux.

La question de l’ingénierie est également récurrente. On nous demande en permanence de réaliser des études, mais personne ne les finance. Non seulement elles coûtent cher, d’autant qu’il faut parfois aller chercher très loin les cabinets à même de les réaliser, mais elles font parfois perdre plusieurs années. Il faudrait alléger tout cela. Si l’ANCT doit servir à quelque chose, qu’elle aide au moins les collectivités en matière d’ingénierie.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Sur le plan financier, monsieur Paris, l’ambiance générale est effectivement calme. La suppression de la taxe d’habitation est intégralement compensée, à l’euro près : les EPCI recevront une fraction dynamique de la TVA et les communes, une partie de la taxe foncière. Ces compensations sont calculées en fonction d’un coefficient correcteur, le fameux « coco », calculé proportionnellement au montant de ce que prélevait chaque commune. Un problème technique subsiste concernant les rôles fiscaux en 2020, mais nous proposerons de le corriger par un amendement au PLF. Cette correction se fera d’ailleurs dans le sens d’une simplification pour les communes.

Monsieur Schellenberger, la Constitution consacre le principe d’autonomie financière des collectivités territoriales, mais pas celui d’autonomie fiscale. Vous soutenez que l’État impose ses projets et une ligne de conduite aux collectivités territoriales. C’est exactement le contraire qui se passe depuis l’avènement de cette majorité : nous n’avons cessé de développer la contractualisation dans les territoires. Nous ne nous attribuons évidemment pas le mérite d’avoir créé les CPER, puisqu’ils existent depuis Michel Rocard, mais, pour la première fois, nous avons défini les priorités avec chaque région. Autrement dit, nous n’avons pas imposé de maquette. De même, pour les CRTE, nous partons des projets des territoires. Vous êtes donc soit mal informé, soit sévère, soit très politique. (Sourires.)

Nous ne piquons pas leur épargne aux régions ! Vous êtes tout de même un rigolo ! (Sourires.) J’ai cru rêver lorsque vous avez dit que nous renflouions les caisses de l’État avec l’argent des régions... Vous savez combien l’État a été aux côtés des collectivités territoriales pendant toute la durée de la crise, notamment en créant un filet de sécurité pour les communes. Chaque année, un gage est fixé, et nous proposons qu’il porte cette année sur les régions. Je rappelle néanmoins que les régions ont bénéficié d’une garantie sur la TVA et que nous prévoyons une dotation de 600 millions d’euros pour soutenir leurs investissements, en plus de l’abondement de 107 millions évoqué par Paul Molac – dont les points de vue se rapprochent des vôtres, dites-vous… sauf sur le fédéralisme, je suppose !

N’opposons pas systématiquement l’État aux collectivités territoriales, d’autant que je ne suis pas sûre que cela rapporte beaucoup politiquement. Je pense au contraire que, pour régler les problèmes, il faut que l’État travaille avec les collectivités. Je constate sur le terrain que les élus sont très demandeurs d’un tel travail en commun, comme plusieurs d’entre vous l’ont d’ailleurs souligné, notamment Mme Untermaier lorsqu’elle a rappelé l’importance des sous-préfectures.

Vous m’avez interrogée sur l’avenir du FNGIR. Pour la commune de Fessenheim, le prélèvement au titre du FNGIR s’élève à 2,9 millions d’euros, alors que la communauté de communes Pays Rhin-Brisach a perdu en 2021 environ 6,3 millions de recettes fiscales à la suite de la fermeture de la centrale. Contrairement à ce que l’on entend, des mesures très fortes ont été prises par le ministère : environ 40 millions d’euros seront versés aux territoires concernés au cours des dix prochaines années. Les pertes de recettes subies en 2021, en 2022 et en 2023 seront intégralement compensées. Puis, dès que cette compensation commencera à décroître, ils recevront une dotation complémentaire qui atteindra un tiers du prélèvement FNGIR. Le bilan financier sera donc parfaitement neutre pour eux au moins jusqu’en 2023. On pourra ensuite se poser la question de faire évoluer le système, dans le cadre d’une réforme de plus grande ampleur du FNGIR.

Monsieur Bru, la DGF est une dotation de fonctionnement. Elle constitue une recette stable et prévisible qui évolue assez peu d’une année à l’autre. L’enveloppe globale de la DGF étant fermée, les augmentations de DSU et de DSR ont des conséquences différentes pour chaque commune, mais le projet va dans le sens de ce qui est demandé, à savoir une aide aux communes qui ont le plus de difficultés. La crise a frappé certaines collectivités de manière ponctuelle, et le Gouvernement a mobilisé pour leur venir en aide des moyens ciblés et ponctuels : 200 millions de compensation fiscale pour les communes en 2020 ; 200 millions pour compenser les pertes tarifaires des régies en 2021 ; 230 millions pour rembourser les achats de masques.

La revalorisation des salaires des fonctionnaires de catégorie C des collectivités – dossier effectivement géré par Amélie de Montchalin – est une mesure de justice : sans cette revalorisation, certains seraient payés au-dessous du SMIC. En la matière, une règle simple s’applique : il revient aux collectivités de payer leurs fonctionnaires. L’État n’a pas vocation à compenser l’augmentation des salaires.

Conformément à la promesse du Premier ministre, la DSIL sera abondée de 337 millions d’euros en 2022, soit une augmentation de 59 %. La gestion de l’enveloppe de DSIL sera déléguée aux préfets, auxquels nous demanderons de financer des projets locaux repérés notamment grâce aux CRTE. Vous le savez, mon ministère – ce n’est pas le cas de tous – cherche à ce que l’attribution des financements se fasse au maximum au niveau des territoires. Les CRTE sont des contrats intégrateurs, ce que les élus demandaient depuis longtemps. La DSIL financera des projets sous maîtrise d’ouvrage aussi bien intercommunale que communale, dès lors qu’ils s’inscrivent dans une logique de développement.

D’une manière générale, le couple maire-préfet marche bien. Les commissions DETR fonctionnent, et les préfets sont très attentifs. Bien évidemment, l’efficacité des crédits de la relance dépend aussi de la capacité des élus locaux à relancer des projets.

Concernant les catastrophes naturelles, je ne reviens pas sur la taxe GEMAPI, destinée à financer la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Je tiens simplement à rappeler que la solidarité nationale a été régulièrement activée pour réparer les dégâts causés par les catastrophes. Dans le PLF pour 2022, nous prévoyons d’ouvrir 40 millions d’euros en autorisations d’engagement au titre de la dotation de solidarité en faveur de l’équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques. En outre, les travaux de réparation peuvent être remboursés l’année même de leur réalisation par le Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA). Mentionnons également les aides issues du Fonds d’aide pour le relogement d’urgence (FARU). Pour mémoire, après la catastrophe hors norme provoquée par la tempête Alex, 572 millions d’euros ont été attribués aux communes des vallées de la Tinée, de la Roya et de la Vésubie.

M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Madame Untermaier, j’apprécie toujours autant la tonalité humaniste et modérée de vos questions.

M. Pierre Cordier. Les socialistes parlent aux socialistes !

M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Non, je suis radical !

M. Raphaël Schellenberger. Ce sont des nuances qu’on apprend dans les livres d’histoire…

M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Méfiez-vous, les réflexions de Georges Clemenceau sont parfois d’une grande modernité.

Nous garantissons le maintien des effectifs des préfectures et des sous-préfectures. C’est une rupture par rapport aux pratiques antérieures, puisqu’on avait tendance auparavant à renforcer l’administration centrale au détriment des administrations déconcentrées de l’État. Nous pourrons ainsi confier de nouvelles missions aux préfets et aux sous-préfets territoriaux, Mme la ministre en a parlé à propos de l’ANCT. Dans le passé, les sous-préfets territoriaux avaient des fonctions de « développeurs ». C’est précisément ce type de fonctions que nous souhaitons donner à l’ensemble du corps préfectoral. Ce changement de paradigme, particulièrement apprécié tant par le corps préfectoral que par les élus, contribue au bon fonctionnement du couple maire-préfet.

Certaines maisons de l’État sont également labellisées France Services, mais l’idée est que les maisons France Services soient installées lorsque la collectivité y voit un intérêt. Dans mon territoire, les Hautes-Alpes, les maisons France Services marchent très bien. La préfecture a d’ailleurs délégué un service à compétence départementale, celui chargé du tourisme, à la sous-préfecture de Briançon, car elle est située dans la zone concernée au premier chef par ces questions. Dans votre département, la Saône-et-Loire, il existe vingt-quatre maisons France Services, qui couvrent l’ensemble du territoire. À l’occasion du dernier comité interministériel aux ruralités, nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt pour trente nouveaux bus France Services, afin d’irriguer mieux encore la ruralité. Ces bus ont, je le rappelle, les mêmes compétences et obligations que les maisons France Services.

Vous regrettez l’absence du sous-préfet de Louhans, qui a dû remplacer le directeur de cabinet du préfet, mais il s’agit d’une situation temporaire. Par ailleurs, lorsque le sous-préfet à la relance n’est pas présent dans le département, la préfecture fait le nécessaire – tel est le cas dans les Hautes-Alpes, le sous-préfet à la relance compétent étant à Marseille.

La dotation biodiversité va changer de nom, car il s’agit moins de compenser que de valoriser les aménités rurales et les caractéristiques d’un territoire. La dotation a d’abord concerné les communes situées dans un parc national, car il nous fallait un critère juridiquement incontestable pour distribuer l’argent public – nous avons alors enfoncé un coin. Elle a été étendue l’année suivante aux communes couverte par un site Natura 2000, une fois que nous avons disposé pour ce faire d’un critère juridique rigoureux. Désormais, les communes situées dans un parc naturel régional en bénéficieront également, ce qui me semble intéressant du point de vue des projets de territoire. Nous pourrons réfléchir à la prise en compte des charges liées aux terres agricoles ou à la forêt, à condition, là encore, de définir des critères objectifs. En tout cas, nous poursuivrons le travail sur cette dotation, car il va dans le bon sens.

S’agissant des inondations, la taxe GEMAPI n’est pas toujours mobilisée au maximum de ses possibilités. Dans certains territoires confrontés à des risques importants, elle n’est mobilisée qu’à 15 % ou 20 %. Le changement climatique impose que l’État et les collectivités prennent chacun leur part du fardeau.

Monsieur Houbron, le décalage entre autorisations d’engagement et crédits de paiement est une mécanique propre à la comptabilité publique, bien connue des collectivités. Dans le cas des dotations versées directement aux collectivités pour faire face à une charge de fonctionnement, qui ne sont pas fléchées vers une dépense spécifique – c’est le cas de la DTS ou de la dotation biodiversité –, le montant des autorisations d’engagement et celui des crédits de paiement sont rigoureusement identiques. En revanche, dans le cas des subventions d’investissement, l’État notifie l’intégralité des autorisations d’engagement à la collectivité pour un projet donné. Ensuite, ce projet vit sa vie juridique et financière, et les crédits de paiement sont attribués en fonction de la réalité des dépenses.

J’en viens à la DSID. Actuellement, 23 % de l’enveloppe, soit environ 50 millions d’euros, sont versés directement aux départements – le montant des crédits de paiement étant égal à celui des autorisations d’engagement. Ce mécanisme est un héritage assez ancien. Il provoque une dispersion des moyens, puisque quatre-vingt-sept départements reçoivent environ un euro par habitant. Il n’offre aucun levier pour susciter des investissements utiles pour les habitants. Il est analogue à celui qui était en vigueur pour une part de la dotation globale d’équipement (DGE), laquelle était versée en fonction des investissements réalisés l’année précédente. Une collectivité pouvait donc recevoir une faible DGE alors qu’elle comptait mener de gros projets. Par la suite, la DGE a été attribuée intégralement en fonction des projets. La DSID sera réformée de la même manière : l’ensemble des crédits basculeront sur un unique fonds d’investissement. Comme toujours en matière d’investissement, il y aura un décalage entre autorisations d’engagement et crédits de paiement. Pour les départements, l’opération sera neutre, puisqu’ils recevront les crédits de paiement au fur et à mesure de l’achèvement des opérations subventionnées. En revanche, l’argent sera mieux ciblé.

Conformément à la loi organique de 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, la dotation globale de compensation versée à la collectivité évolue chaque année en fonction de deux taux. Une part de la dotation est indexée sur le taux prévisionnel de la moyenne annuelle de l’indice des prix à la consommation hors tabac et sur la moitié du taux d’évolution du PIB en volume de l’année en cours, sous réserve que celui-ci soit positif. Cette part augmentera de 3,45 % en 2022. L’autre part, destinée à compenser les charges d’investissement dans les lycées, varie chaque année dans la même proportion que la moyenne sur quatre trimestres de l’indice du coût de la construction en Nouvelle-Calédonie. Le taux appliqué en 2022 sur cette part sera de – 0,46 %. Au total, la dotation sera en hausse de 660 000 euros par rapport à la loi de finances initiale de 2021.

Monsieur Morel-À-L’Huissier, l’engagement en faveur de la ruralité dans le cadre du plan France Relance, estimé initialement à 5 milliards d’euros, a été réévalué par la direction générale des collectivités locales (DGCL). Le travail n’a pas été simple, car certains crédits sont départementalisés et d’autres ne le sont pas. L’engagement en faveur de la ruralité est désormais estimé à 8 milliards – c’est le chiffre dont nous disposions en septembre lors du comité interministériel aux ruralités.

Nous avons figé le dispositif des ZRR jusqu’en 2022 pour éviter tout effet négatif et assurer une meilleure lisibilité dans les territoires. Cela étant, le zonage est parfois imparfait, et il arrive que des territoires se livrent à un dumping peu élégant pour attirer des médecins d’autres territoires. Surtout, il y a un problème général de non-recours aux mesures zonées, qu’il s’agisse des ZRR ou d’autres dispositifs. Ainsi, seules 7 % des entreprises ont recours aux avantages fiscaux des ZRR. De nombreux acteurs estiment qu’il s’agit d’un signal vis-à-vis de leur territoire, et je pense qu’ils ont raison.

Il existe sur la question un grand nombre d’études, notamment des rapports d’inspections générales et de CCI France. Madame la ministre et moi verrions d’un œil favorable une initiative parlementaire consistant à en établir une synthèse qui serait une aide à la décision.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. C’est joliment dit !

M. Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Molac, le système de péréquation est effectivement compliqué. C’est un héritage ancien et sédimenté, que nous essayons de simplifier. En 2019, nous avons réformé la péréquation des départements. Actuellement, nous travaillons sur la péréquation régionale. Le terme « opaque » me gêne un peu, car il donne l’impression que le Gouvernement cherche à en dissimuler le fonctionnement – ou plutôt les gouvernements, car nous n’avons pas inventé ce système.

M. Paul Molac. Nous sommes d’accord : la responsabilité est partagée.

M. Jacqueline Gourault, ministre. S’agissant de la construction des politiques, nous respectons les initiatives locales, comme en témoignent, entre autres, le plan Action cœur de ville, le programme Petites villes de demain et les CRTE. L’État n’impose pas du tout ses projets aux territoires, au contraire. Je suis en relation quotidienne avec les territoires pour essayer de répondre à leurs demandes.

Avec votre région, la Bretagne, je travaille de manière très constructive. Nous y expérimentons le « Pinel breton ». J’ai préparé le CPER dans d’excellentes conditions avec le président du conseil régional, Loïg Chesnais-Girard. Il porte notamment sur le développement de la fibre, qui est une priorité pour votre région, alors que ce n’est pas celle, par exemple, du Grand Est, où la fibre est déjà largement déployée.

Vous reprochez par ailleurs au Gouvernement de demander aux régions de mettre un euro lorsque l’État en met un lui-même. Nous l’avons fait, mais seulement pour une de nos politiques, l’initiative Territoires d’industrie, dotée d’une enveloppe de 150 millions d’euros. Notons que la Bretagne n’était pas très intéressée par cette initiative. Nous avons consulté toutes les régions pour savoir si elles souhaitaient investir un euro pour chaque euro investi par l’État, et elles ont apporté des contributions variables.

Entre mars 2020 et octobre 2021, les aides économiques accordées par l’État ont atteint 36 milliards d’euros, montant équivalent à la somme des budgets annuels de l’ensemble des régions. Nous n’avons évidemment pas demandé aux régions de contribuer à parité.

Les départements ont eux-mêmes mis en place un système de péréquation horizontale des DMTO. Je rends hommage à Jean-René Lecerf, ancien président du conseil départemental du Nord, qui avait convaincu ses collègues de son bien-fondé. Cette péréquation est tout sauf symbolique : elle porte sur 1,6 milliard d’euros. Nous attendons que les régions envisagent à leur tour une péréquation, même si je reconnais que les différences entre elles se sont atténuées depuis que la TVA est devenue une de leurs ressources.

Concernant la diversité des territoires, monsieur Molac, nous sommes tout à fait d’accord.

M. Fabien Di Filippo. Il ressort des prises de parole et des remontées de terrain que les collectivités territoriales ne veulent pas être des sous-traitants des politiques décidées par l’État. Je me permets de le répéter, et je n’enlève pas une virgule à ce qu’a dit mon collègue Raphaël Schellenberger sur la recentralisation des moyens.

Les communes souhaiteraient disposer de leviers fiscaux et en avoir la responsabilité pleine et entière. Or, du fait notamment des transferts successifs aux intercommunalités et de la suppression de la taxe d’habitation, de tels leviers font défaut. Qui plus est, la baisse de la DGF est une réalité pour près d’une commune sur deux en raison des critères d’attribution de la DSR et de la DSU retenus dans le cadre de la fusion à marche forcée des intercommunalités.

La complexité administrative augmente et se révèle de plus en plus coûteuse. Les dossiers sont plus lourds, les normes s’empilent, la paperasse quotidienne s’accumule. Pour mener à bien un projet, il est désormais indispensable d’obtenir des subventions, mais les appels à projet sont de plus en plus bornés et dirigés.

Enfin, je tiens à vous faire part de notre inquiétude quant au retour d’une inflation très forte dès la fin de cette année et en 2022. Vous avez dit que le TVA serait une ressource dynamique, mais on peut avoir un sentiment ambivalent à propos des enveloppes de compensation, dont le montant est remis en cause à chaque budget.

Tous ces éléments compliquent la vie des collectivités et portent atteinte à leur autonomie.

M. Erwan Balanant. Il me paraît abusif de dire, comme l’ont fait MM. Di Filippo et Schellenberger, que les communes sont des sous-traitants de l’État. Certaines ambitions du Gouvernement correspondent à des choix partagés par la société. Tel est le cas, par exemple, de la rénovation thermique des bâtiments. Lorsqu’une collectivité rénove des bâtiments grâce à d’importants financements de l’État, elle gagne en autonomie, car elle dégage de l’argent qui lui permet d’augmenter sa capacité d’autofinancement et de réaliser d’autres projets.

En quoi y a-t-il une perte d’autonomie ? L’État n’a jamais injecté autant d’argent dans les territoires, que ce soit par le plan de relance ou par d’autres dispositifs qui ont été décrits au cours de cette audition. J’ai l’impression que vous êtes resté en 2017, monsieur Di Filippo : la baisse de la DGF, c’était sous François Hollande, et nous y avons mis un terme.

Pour ma part, madame Untermaier, j’ai mon sous-préfet à la relance au téléphone presque chaque semaine, et je suis en lien avec les services de la préfecture pour faire avancer les projets. Certaines fois, on m’oppose un refus, parce que les enveloppes ne correspondent pas ; d’autres fois, nous faisons avancer de beaux projets pour les territoires.

Je vous remercie, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour votre travail au service de nos territoires, notamment des petites villes et des petites communes de notre pays.

M. Philippe Gosselin. Je regrette à mon tour l’absence de leviers fiscaux, car c’est une condition de l’autonomie fiscale.

Entre le préfet et le maire, la relation n’est pas simplement fiscale ou financière, et il faut veiller, particulièrement en période de crise, à ce qu’elle ne devienne pas hiérarchique. Certains préfets se sont comportés comme des proconsuls. En outre, on parle beaucoup de territorialisation, notamment du plan de relance, mais on ne passe pas toujours aux actes.

Le 15 juin dernier, madame la ministre, lors de la séance de questions orales sans débat, je vous ai interrogée sur les emprunts toxiques, en particulier sur la situation du syndicat mixte du Point Fort, qui gère, dans ma circonscription, un réseau de déchetteries et un centre d’enfouissement des ordures ménagères. Vous aviez rappelé à juste titre que 87 % des emprunts étaient désormais remboursés, mais qu’il fallait encore régler « des cas plus complexes qui restent circonscrits ». Qu’avez-vous prévu à cette fin, dans le présent budget ou en dehors de celui-ci ? Si vous ne disposez pas de tous les éléments de réponse, nous pouvons prendre rendez-vous pour en discuter plus longuement après cette audition.

M. Jean-Luc Warsmann. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je tiens tout d’abord à exprimer mon soutien au budget que vous présentez ce matin et, plus généralement, à votre action ministérielle.

Les acteurs locaux des Ardennes ont conclu un pacte territorial avec l’État. Dans ce cadre, l’ANCT est devenue un partenaire quotidien. Elle apporte de l’intelligence et de l’expertise dans le territoire. Qui plus est, toutes les deux semaines, le conseil régional et l’État tiennent une réunion bilatérale, à laquelle participe un représentant de l’ANCT – qui était souvent présent physiquement avant la crise du covid. C’est l’occasion de faire le lien entre les politiques des différents ministères, de mettre les actions en cohérence. La création de l’ANCT a été une grande avancée, et je tiens à féliciter ses équipes.

Le VTA est un succès colossal. On dit souvent que le monde rural a du mal à recruter des cadres. Telle n’a pas été notre expérience : lorsque nous avons lancé le recrutement de notre équipe de volontaires territoriaux, nous avons reçu énormément de candidatures, de toute la France. Quand je présente les volontaires dans les intercommunalités, je demande aux responsables de ne pas les débaucher au cours de leur mission, mais je leur fais valoir qu’ils auront tout intérêt à les recruter ensuite, car ils connaîtront bien le territoire. Le VTA joue pleinement son rôle : il donne une première expérience à de futurs cadres et les incite à s’installer dans le monde rural.

Nous avons dans notre territoire un sous-préfet à la relance, ce qui nous est d’autant plus utile que les autre sous-préfets sont très occupés par le pacte territorial.

Nous faisons face en ce moment à une pénurie de matériaux dans le bâtiment. Or le processus de délibération pour attribuer la DETR n’est pas adapté à cette situation de crise, sachant que les devis demandés par les communes sont valables au plus deux mois. Ne pourrait-on pas innover l’année prochaine, afin d’accélérer la prise de décision ? Les préfets ne pourraient-ils pas attribuer 20 % ou 30 % de l’enveloppe dès le mois de janvier ? À défaut, les devis déposés en novembre ne seront plus valables lors de l’approbation des projets en avril ou en mai, et la facture augmentera de 15 % ou 20 %. On dépensera davantage d’argent public et les subventions seront moins efficaces.

M. Pierre Cordier. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, il est toujours intéressant d’échanger nos points de vue d’élus de terrain avec les vôtres.

Les dotations aux collectivités territoriales ont baissé de 11 milliards d’euros au cours de la législature précédente. Or cette baisse n’a pas été rattrapée depuis 2017. L’hémorragie a été stoppée, je m’en réjouis, mais nous étions déjà « à l’os ».

En raison des mesures prises par le Gouvernement en faveur des soignants, des personnels médico-sociaux et des aides à domicile, le conseil départemental des Ardennes – où je siège depuis 2004 – devra trouver 6 millions d’euros sur son budget en 2022. Malgré tous les efforts que nous avons réalisés depuis trois ans pour assainir notre situation financière, notre épargne nette demeure négative, ce qui nous oblige à emprunter pour fonctionner. Du fait de ces mesures, nous allons devoir une fois de plus nous serrer la ceinture et dégrader notre épargne nette. Vous avez évoqué les nombreux dispositifs de soutien à l’investissement mis en place par l’État – ils sont importants, même si l’on s’y perd parfois un peu dans les territoires. Pour ma part, je vous parle ici de fonctionnement : cette dépense de 6 millions réduira mécaniquement les investissements dans notre territoire.

Vos services nous fournissent des documents très utiles, qui dressent la liste des dispositifs existants et détaillent les crédits. Toutefois, en fin d’année, nous ne savons pas si les crédits ont été intégralement consommés. Reste-t-il parfois un reliquat ? Je pense notamment aux projets cofinancés : lorsque l’État finance 30 % d’un projet, il n’est pas toujours facile à la collectivité de trouver les 70 % restants.

M. Pascal Brindeau. Madame la ministre, j’appelle votre attention sur le fait que les dotations sont notifiées aux collectivités de plus en plus tardivement et, parfois, de manière imprécise. Or elles ont besoin de davantage de visibilité en la matière. En effet, si les enveloppes globales sont stables, la dotation attribuée à une commune donnée peut varier assez fortement d’une année sur l’autre. Il en résulte des débats un peu tendus dans les EPCI sur la répartition du fonds de péréquation communal et intercommunal.

Depuis plusieurs années, l’État privilégie une logique de contractualisation, et nous assistons à une multiplication des dispositifs : les CRTE, le programme Petites villes de demain, l’initiative Territoires d’industrie. Or les services de l’État poussent assez fortement les collectivités bénéficiaires à recruter des chargés de projet ou des chargés de mission pour gérer ou superviser la réalisation de ces contrats. De mon point de vue, cette tendance n’est pas vertueuse. Pourquoi ne pas imaginer une mutualisation de ces chargés de projet ou de mission à l’échelle d’un ou plusieurs EPCI, notamment lorsque plusieurs contrats portent sur le territoire considéré ?

Mme Emmanuelle Ménard. La dotation biodiversité me semble un mécanisme très intéressant.

Plusieurs collègues ont parlé des inondations, et vous avez évoqué, madame la ministre, la tempête Alex. Après les inondations qui ont eu lieu dans l’Hérault en octobre 2019, les communes touchées n’ont pas reçu un euro pour les biens non assurables, malgré les engagements pris par la ministre de l’époque, Élisabeth Borne.

Les dotations peuvent-elles servir à financer les opérations visant à faire reculer le trait de côte ? Il s’agit d’opérations très lourdes, que les collectivités peinent parfois à prendre en charge.

S’agissant des aides exceptionnelles accordées aux collectivités pour la gestion de la crise sanitaire, nous sommes loin du compte. Il a fallu se bagarrer avec les ARS – et le terme est faible – pour obtenir des compensations, mais celles-ci sont loin de couvrir tous les frais engagés. Les communes qui ont joué le jeu sont pénalisées. Elles sont souvent seules à assumer les dépenses, alors que les centres de vaccination sont ouverts non seulement à la population de la commune, mais aussi, bien évidemment, à celle du territoire alentour.

Je ne parlerais pas, comme madame Untermaier, de disparition des sous-préfectures. Les sous-préfets font tout ce qu’ils peuvent. Je constate toutefois que les services quittent les sous-préfectures pour rejoindre les préfectures. Tel a été le cas, à Béziers, du contrôle de légalité et de l’évaluation par les Domaines.

Les maires des petites communes de ma circonscription m’ont souvent dit que, dans le couple maire-préfet, le préfet décidait et le maire exécutait. Pendant la crise sanitaire, la concertation a manqué pour certaines décisions. Il y a manifestement des choses à améliorer.

Je constate moi aussi dans ma circonscription que certaines communes rencontrent des difficultés pour accéder aux fonds européens.

Enfin, le fait que certaines dispositions soient appliquées dans des territoires mais pas dans d’autres est vécu comme une injustice Vous avez évoqué l’expérimentation Pinel en Bretagne. C’est une très bonne chose pour la Bretagne, mais d’autres régions aimeraient pouvoir en bénéficier. Nous en avons fait la demande, mais nous n’avons malheureusement obtenu aucune réponse précise.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Madame Ménard, l’expérimentation Pinel a fait l’objet d’un contrat avec la région Bretagne, non avec les communes. Il revient donc à la région Occitanie d’en faire la demande.

Dans le cadre du Ségur de la santé, 34 millions d’euros ont été engagés pour rembourser partiellement les dépenses des communes pour la vaccination. Ainsi, les heures supplémentaires réalisées par les fonctionnaires territoriaux travaillant dans les centres de vaccination seront remboursées. En revanche, le travail qu’ils ont réalisé sur leurs horaires normaux doit être pris en charge directement par les collectivités.

Des aides ont bel et bien été versées aux communes de l’Hérault après les inondations de l’année dernière. Nous avons même reçu des lettres, certaines pour nous remercier, d’autres pour nous dire que les aides n’étaient pas suffisantes.

Monsieur Di Filippo, je rappelle que les communes disposent d’un levier fiscal : les taxes foncières sur les propriétés bâties et sur les propriétés non bâties.

L’enveloppe globale étant fermée, la DGF peut bien évidemment varier pour une commune donnée, je l’ai dit moi-même. Reste que, sous la précédente législature, 82 % des communes rurales avaient perdu de la DGF, alors que, depuis 2017, 50 % de ces mêmes communes en ont gagné.

Monsieur Cordier, le salaire des fonctionnaires territoriaux relève de la responsabilité des collectivités ; l’État n’a donc pas vocation à compenser leur augmentation. Vous me direz peut-être que cela remet en cause la libre administration des collectivités territoriales… En revanche, l’État a versé des compensations lorsqu’il a pris des décisions concernant des personnels qui n’avaient pas le statut de fonctionnaire.

Monsieur Warsmann, l’augmentation des prix des matières premières pose effectivement un vrai problème. Nous allons nous pencher sur les questions de procédure, sachant que la DTER n’est attribuée que si le plan de financement est bouclé.

Monsieur Cordier, nous n’avons jamais de reliquat de DETR ni de DSIL. Les crédits sont intégralement consommés, et bien utilisés. Je précise que le milliard supplémentaire de DSIL portait sur les années 2020 et 2021.

Monsieur Gosselin, l’État a versé des aides aux collectivités pour faire face aux emprunts toxiques, notamment au syndicat mixte du Point Fort, dont la dette est effectivement très élevée. Nous n’avons pas prévu de mesures complémentaires dans ce budget.

M. Philippe Gosselin. Madame la ministre, ma question concernait non seulement le syndicat mixte du Point Fort, mais aussi les autres établissements et collectivités qui ont encore des emprunts toxiques – environ 13 % de ces emprunts n’ont pas été remboursés. Est-il envisagé de prolonger le travail pour régler ces cas très particuliers ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’ai le regret de vous dire que, pour l’instant, rien n’est prévu. À ma connaissance, le Gouvernement n’a pas l’intention de rouvrir ce dossier.

M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Je remercie Jean-Luc Warsmann pour son action en faveur du VTA. Il a été l’un des premiers à téléphoner pour savoir comment recruter des volontaires territoriaux, alors que l’information n’était pas encore disponible sur le site de l’ANCT.

Pour qualifier les relations entre l’État et les collectivités, certains d’entre vous ont parlé de tutelle ou de rapports hiérarchiques. Il me semble que nous faisons précisément l’inverse, puisque l’État dit aux collectivités : on vous paye de l’ingénierie, et c’est vous le patron.

Monsieur Cordier, vous souhaiteriez un rattrapage des baisses antérieures de DGF. Je vous signale que non seulement nous avons stabilisé la DGF, mais l’État finance des prestations d’ingénierie pour les collectivités qui en ont le plus besoin, ce qui constitue aussi un apport en fonctionnement.

Monsieur Brindeau, tous les programmes nationaux – par exemple le programme Petites villes de demain – doivent être déclinés dans les CRTE. Cela vaut également pour Issoudun. Nous incitons à la mutualisation, notamment des postes de chargés de mission lorsque plusieurs actions du programme Petites villes de demain concernent une même intercommunalité. Les maires prennent eux-mêmes des initiatives en ce sens, comme j’ai pu le constater sur le terrain. Nous demandons également aux préfets de le faire. Si ces mutualisations ne se font pas dans certains départements, je le regrette.

Madame Ménard, tous les dossiers relevant du Fonds européen de développement régional (FEDER) sont désormais gérés par les régions. Il appartient donc aux régions de simplifier les procédures pour les collectivités ou les particuliers concernés.

S’agissant des programmes nationaux, pour reprendre les termes de madame Untermaier, nous faisons en sorte qu’il n’y ait pas besoin d’ingénierie pour obtenir de l’ingénierie ! Ainsi, dans le cadre du plan montagne, le dossier demandé aux territoires exprimant un besoin d’ingénierie était sommaire et pouvait être expertisé directement par les commissaires de massif, qui sont rattachés à l’ANCT.

Article 20 et état B :

Suivant la préconisation de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » non modifiés.

Article 45 : Réforme des modalités d’attribution de la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID)

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article non modifié.

Article 46 : Réforme des modalités d’attribution de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article non modifié.

Article 47 : Répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF)

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article non modifié.

Article 48 : Compensation des effets de la baisse des impôts de production sur le dispositif de compensation péréquée

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article non modifié.

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La Commission examine le rapport de la mission d’information sur les dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale pour les élections régionales et départementales des 20 et 27 juin 2021 (MM. Jean-Michel Mis et Raphaël Schellenberger, rapporteurs).

Cette réunion ne fait pas l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/IidVUC

À l’issue des débats, la publication du rapport d’information est autorisée.

 

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La Commission examine le rapport d’information présenté en conclusion d’une mission effectuée en Martinique et en Guadeloupe du 25 septembre au 1er octobre 2021 (Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente, MM. Philippe Gosselin et Stéphane Mazars, Vice-Présidents).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous souhaitons vous faire part des conclusions de la mission que nous avons conduite en Martinique et en Guadeloupe. Nous nous attachons à faire vivre la question de l’outre-mer au sein de la commission des Lois, notamment par différents déplacements. Nous nous sommes rendus, avec les vice-présidents Philippe Gosselin et Stéphane Mazars à Mayotte en 2018 puis en Guyane. Il nous a paru important de nous rendre aux Antilles en 2021 en raison de la crise sanitaire qui les touche alors que la commission des Lois est compétente, depuis près de deux ans, en matière d’état d’urgence sanitaire.

Nous avons passé trois jours en Martinique et trois jours en Guadeloupe. Malgré des problématiques communes, nous y avons constaté des différences qui soulignent la singularité de chaque territoire ultramarin. Nous avons rencontré environ quatre-vingt interlocuteurs au cours d’entretiens bilatéraux, de réunions, de tables-rondes et de visites.

Le rapport de notre mission sera publié sur le site de la commission des Lois avec ses annexes.

Les outre-mer, qui avaient vécu le début de la crise sanitaire en même temps que la métropole, mais de manière beaucoup plus atténuée, ont subi une quatrième vague très puissante durant l’été. La Polynésie française, la Guyane, les Antilles et la Nouvelle-Calédonie ont fait face à une résurgence de l’épidémie avec des hospitalisations et des décès nombreux.

Nous avons discuté un projet de loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire dans ces territoires au début du mois de septembre et qui a prorogé ce régime jusqu’au 15 novembre alors qu’il avait pris fin dans l’hexagone depuis plusieurs mois. Les mesures de sortie de l’état d’urgence sanitaire que connaît la métropole devraient prochainement se transformer en mesures de vigilance sanitaire.

La courbe du taux d’incidence en Guadeloupe et en Martinique a été plus exponentielle que jamais durant l’été. Le 12 août, le taux d’incidence s’élevait à 2326 cas pour 100 000 habitants en Guadeloupe et à 1202 cas pour 100 000 habitants en Martinique. Cette quatrième vague a également occasionné une très forte mortalité. Ces territoires ont subi en l’espace d’un mois ce que l’hexagone a connu durant quatre vagues étalées sur dix-huit mois. En Martinique, où la population compte 375 000 habitants, 516 décès ont été enregistrés depuis le 5 juillet, contre 90 sur les trois premières vagues cumulées. En Guadeloupe, au 26 septembre, le nombre de décès s’élevait à 505 pour une population de 400 000 habitants. Tous les interlocuteurs que nous avons rencontrés ont insisté sur la tragédie de cette quatrième vague. Comme l’expliquait notre collègue Maïna Sage en septembre au sujet de Polynésie française, ces territoires ont une superficie restreinte et chaque famille a été touchée de près ou de loin par une hospitalisation en réanimation ou un décès. La quatrième vague a très profondément marqué ces territoires.

L’ensemble des acteurs locaux ainsi que ceux venus de l’hexagone se sont mobilisés pour faire face à cette quatrième vague. En Guadeloupe, nous avons rencontré les dirigeants du centre hospitalier universitaire (CHU) qui avaient mis en place des protocoles et réaménagé une cafétéria de l’hôpital qui n’était plus utilisée depuis son incendie pour se préparer à la quatrième vague. Cependant, les moyens locaux n’étaient pas suffisants pour y faire face et l’appel à la solidarité nationale des soignants de l’hexagone s’est avérée indispensable. Du matériel a été envoyé par avion-cargo et 2638 professionnels de santé issus de la solidarité nationale et des réservistes sanitaires ont été mobilisés au mois d’août dans ces deux territoires.

L’intégration de ces personnels s’est bien effectuée, malgré un incident regrettable en Martinique. Chacun reconnaît que leur contribution a été décisive pour faire face à cette épidémie. Leur dévouement aux côtés du personnel soignant local a été remarquable.

Un module militaire de réanimation a contribué à mettre en place 20 lits supplémentaires en Martinique. Les efforts ont permis de porter au plus fort de la crise le nombre de lits de réanimation en Martinique de 26 à 133 et de 27 à 98 en Guadeloupe. Des hospitalisations à domicile ont également été organisées.

En plus du réarmement sanitaire local et de l’augmentation significative du nombre de lits de réanimation, des évacuations sanitaires ont été menées dans le cadre l’opération Hippocampe. 74 patients ont été évacués vers la métropole depuis la Martinique et 63 depuis la Guadeloupe. Les premières évacuations ont été opérées par des vols en Falcon, rendant nécessaire une rigoureuse sélection des patients capables supporter la durée du vol. Par la suite, la mobilisation d’avions plus importants a permis d’évacuer jusqu’à 12 patients à la fois vers la métropole.

Nous avons été fortement marqués par les témoignages des équipes soignantes au CHU de Guadeloupe. Leur dévouement durant la crise a été héroïque et ils auront besoin du soutien de la nation. Les missions parlementaires en outre-mer s’inscrivent dans l’intérêt de reconnaître ce dévouement.

Une difficulté importante persiste s’agissant du taux de vaccination, assez faible, malgré une accélération observée lors de la quatrième vague. Au 28 septembre 2021, le taux de primovaccinés s’élevait à 37,6 % tandis que 33 % de la population présentait un schéma vaccinal complet en Martinique. Lors de notre visite, le cap des 40 % de primovaccinés venait d’être franchi en Guadeloupe. Le préfet nous a confié espérer qu’une barrière psychologique serait franchie lorsque la moitié de la population locale serait vaccinée. Cependant, la progression de la campagne vaccinale est aujourd’hui ralentie.

M. Philippe Gosselin, vice-président. Les outre-mer relèvent de la compétence de la commission des Lois et il est important de les évoquer. La crise sanitaire les a frappés cet été avec une intensité sans précédent, après des premières vagues beaucoup plus faibles.

Si nous rapportions les données à la France métropolitaine, les 516 décès survenus en Martinique et 505 décès en Guadeloupe équivaudraient 50 à 60 000 morts en l’espace de trois ou quatre semaines. À ce premier drame s’est ajouté celui de l’embolie de l’intendance et de la gestion des morts dans les morgues et les cimetières. Il nous paraissait important de nous rendre sur place, d’autant plus que des débats sur la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 15 novembre avaient lieu au Parlement au début du mois de septembre.

Nous avons constaté sur place des points communs avec la situation en métropole, mais également des spécificités qui ne relèvent pas uniquement du statut de ces collectivités d’outre-mer. La Polynésie française, la Guyane, la Nouvelle-Calédonie et les Antilles sont porteuses de singularités. L’insularité complexifie la situation, tout comme l’éloignement géographique. Il est également important de reconnaître que les histoires et les cultures de ces territoires sont susceptibles d’entraîner une décrédibilisation de la parole publique. L’historique douloureux du chlordécone pèse encore aujourd’hui sur les mentalités. Des mouvements sociaux et politiques profitent de la crise pour tenter de déstabiliser ces territoires, où l’information, notamment la fausse, circule très rapidement.

En prenant garde d’éviter de porter des jugements péremptoires, ces éléments nous amènent à constater que le taux de vaccination n’est pas le même qu’en métropole. Cette situation est regrettable, et je ne suis pas certain que la fermeté, la répression ou les sanctions constituent la réponse adéquate. Il faut rappeler les règles de la République, et surtout les fondements scientifiques : se vacciner revient à se protéger et à protéger les autres, mais également à éviter les formes les plus graves de la maladie, comme l’ont montré des études françaises et internationales. La vaccination permet de continuer à vivre, et à vivre avec la maladie. Il faut user de conviction, de pédagogie, et peut-être parfois de fermeté. L’État demeure engagé dans ces territoires, ainsi que les soignants et les différents responsables.

Les témoignages du CHU de Guadeloupe nous ont profondément touchés dans leur description de situations parfois inhumaines. Nous souhaitons aujourd’hui nous en faire les porte-paroles par nos réflexions et par nos propositions, en rappelant que les textes et les pratiques doivent davantage tenir compte de la situation de ces territoires.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je précise les chiffres fournis par le CHU de Guadeloupe sur les décès enregistrés entre le 1er juillet et le 30 août 2021. Sur 296 personnes décédées, 272 n’étaient pas vaccinées. De plus, les Antilles ont été particulièrement frappées car la population de ces territoires est affectée, plus que la moyenne, de comorbidités tels que l’immunodépression, l’obésité, le diabète ou l’hypertension.

M. Stéphane Mazars, vice-président. Nous avons constaté une situation terrible dans ces territoires où se profile certainement, à terme, une cinquième vague en raison du faible taux de vaccination. Nous avons identifié les difficultés qui freinent l’avancée de la campagne vaccinale. Durant notre séjour, le confinement et le couvre-feu étaient imposés et ces mesures permettaient de maîtriser la propagation du virus.

Les témoignages que nous avons entendus nous ont bouleversés. Les responsables du CHU nous ont décrit les efforts menés pour répondre à la crise rencontrée cet été. Malgré le réarmement des lits en médecine et en réanimation, les renforts venus de métropole et les évacuations importantes, les autorités médicales locales ont été contraintes d’opérer des choix, s’en s’appuyant sur un comité éthique local.

Cependant, il existe aujourd’hui encore au sein du CHU une communauté médicale et paramédicale rétive voire contestataire vis-à-vis de la politique vaccinale. Une partie des locaux était bloquée par un mouvement de grève sévère. Certains mouvements syndicaux et politiques contestataires ont profité de la crise sanitaire, des mesures de confinement et de l’obligation vaccinale pour réactiver des mouvements et perturber la bonne organisation des services de l’État. Nous avons repris, dans notre rapport, les témoignages des magistrats du tribunal judiciaire de Fort-de-France et des services de police et de gendarmerie relatant les événements très violents du mois de juillet que la Martinique a connus. Le tribunal judiciaire, le commissariat et la préfecture ont fait l’objet de tentatives d’incendies. Des tirs à balle réelle ont visé les forces de l’ordre. Un vaccinodrome a été incendié. Cet épisode de violence était sans précédent dans la mémoire des personnes auditionnées. Il a pourtant été relativement peu médiatisé en métropole et nous l’avons découvert dans le cadre de nos auditions. Le mouvement rouge-vert-noir fait partie de ceux qui se sont emparés de la contestation du vaccin et du passe sanitaire pour commettre des exactions.

Les magistrats en poste au tribunal judiciaire ainsi que les chefs de cour qui relayaient les propos du chef de juridiction du tribunal de Fort-de-France nous ont chacun confié la difficulté de travailler dans un cadre serein. Ils sentaient peser sur leur propre personne une forte pression.

Le contexte est également tendu en Guadeloupe où la représentation importante de l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe au CHU a contribué à des mouvements de grèves importants. Des menaces de mort ont été adressées au directeur du CHU.

Cette situation très compliquée requiert un certain pragmatisme. L’obligation du passe sanitaire pour le personnel soignant devait être imposée le 15 septembre. Le taux de vaccination encore trop faible au sein de la communauté médicale et paramédicale, notamment en Guadeloupe, a entraîné une volonté de repousser le contrôle obligation vaccinale à la sortie de la quatrième vague. En Martinique, la stratégie consiste à procéder à des contrôles aléatoires. En Guadeloupe, elle repose sur un contrôle gradué dans le temps, en partant d’abord du personnel le plus éloigné de la prise en charge des personnes malades. L’hôpital anticipe les conséquences d’un taux de vaccination qui demeurerait faible dans les établissements de santé. Certains secteurs pourraient être fermés, et des actes de soin seraient reportés. Il serait même possible d’inviter les Guadeloupéens à se faire soigner en métropole pour certaines spécialités.

Je souhaite saluer et rendre hommage aux fonctionnaires de l’État et des services publics sur ces territoires. Ils font preuve d’un courage parfois physique, d’un grand engagement, d’un dévouement profond et d’un sens des responsabilités que nous avons constatés dans les préfectures, auprès des interlocuteurs des agences régionales de santé (ARS) respectives, des juridictions, ou de l’administration pénitentiaire.

Les élus locaux sont aujourd’hui pleinement engagés dans la volonté d’accélérer la vaccination en mettant en place des dispositifs très ciblés pour aller vers la population. Au mois de juin, la campagne des élections territoriales a empêché cette forte mobilisation, mais chacun est désormais engagé pour faire avancer la cause de la vaccination.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Avant de donner la parole à nos collègues guadeloupéens, je souhaitais attirer votre attention sur deux thématiques. Nous avons visité les établissements pénitentiaires de Ducos en Martinique et de Baie-Mahault en Guadeloupe. Nous allons rendre compte auprès du garde des Sceaux des conditions de détention très dégradées dans le centre de Baie-Mahault. La surpopulation carcérale y est très importante et se traduit par une forte promiscuité, un certain nombre de matelas au sol dans des cellules de taille réduite, et des situations de violence à l’intérieur de l’établissement que nous a décrites le personnel de surveillance. Le personnel de l’administration montre un attachement remarquable à remplir sa mission. Cependant, les conditions de détention sont les conditions de travail de ce personnel. Les plans de rénovation, d’extension et de construction existent, mais leur exécution est trop lente. Des détenus purgent leur peine dans des conditions parfois indignes. Il me semble qu’il relève de notre mission de parlementaires de constater ces conditions et de les dénoncer unanimement.

La deuxième thématique concerne la gestion de l’eau. La proposition de loi rénovant la gouvernance des services publics d’eau et d’assainissement en Guadeloupe, devenue loi du 29 avril 2021, a été examinée et votée en commission des Lois sous l’impulsion de Mme Justine Benin. Lorsque nous votons des textes de loi, il importe de vérifier que leur application s’effectue dans de bonnes conditions et conformément à la volonté du législateur. Plusieurs de nos réunions en Guadeloupe ont eu pour seule thématique la gestion de l’eau. La mise en œuvre de cette loi ne produira malheureusement pas des résultats visibles pour les Guadeloupéens dans les semaines qui viennent, mais le processus est enclenché. Chacun s’accorde pour reconnaître que cette étape était déterminante pour s’engager dans la résolution de la problématique de l’eau sur le territoire guadeloupéen. Nous avons rencontré les membres du syndicat mixte unique qui se met en place. Ils ont désormais besoin de temps et de moyens financiers et humains pour accomplir leur difficile mission.

M. Jean-Michel Mis. En tant que commissaire aux Lois, je vous remercie pour la restitution de votre mission : si notre commission vote des textes de portée générale, au-delà du texte, il est important que vous incarniez l’esprit de solidarité. Nous avons tous constaté une grande émotion et une réelle solennité dans votre propos. Nous apportons notre solidarité et notre gratitude pour l’ensemble des actions conduites. Depuis le 10 août, cette solidarité se manifeste par l’engagement des 240 professionnels de santé et des 80 pompiers venus assister le personnel soignant en Martinique et Guadeloupe. Dans les situations d’adversité, il est important que nous montrions à nos concitoyens d’outre-mer notre souci d’apporter concrètement notre solidarité d’une manière moins désincarnée que par le vote de textes en commission. Je vous remercie encore une fois pour votre compte-rendu des échanges menés et des témoignages reçus.

Mme Justine Benin. Madame la présidente, vous comprendrez mon émotion après vous avoir entendue. Ces six jours de travail intense et la rencontre de ces 83 personnes vous ont permis d’identifier toute la complexité de la crise sanitaire en Guadeloupe et en Martinique.

Nous avons ressenti une certaine solitude vis-à-vis du Parlement, à un moment particulier. Votre déplacement montre la solidarité que porte la commission des Lois à ces territoires reculés de la République française. Les auditions que vous avez conduites vous ont montré la complexité de cette crise qui nous a touchés de plein fouet. Vous avez évoqué plus de 500 décès, sachant que les décès à domicile ne sont pas comptabilisés.

La faible couverture vaccinale de notre population s’explique par sa défiance vis-à-vis de la parole publique et de son manque de confiance envers les élus locaux. Malgré le travail accompli par la commission d’enquête parlementaire avec le député Serge Letchimy, désormais président de la collectivité territoriale de Martinique, le chlordécone a contribué à ce sentiment de défiance. Vous avez très bien saisi l’ensemble des problématiques et la souffrance des populations en Guadeloupe et en Martinique, ainsi que le mal-être de la parlementaire que je suis et qui dois aujourd’hui défendre son territoire. La population veut retrouver la vie d’avant, et c’est contre la Covid qu’elle doit se battre. Nous entendons les explications de M. Mazars sur les grèves dures contre l’obligation vaccinale et le passe sanitaire. Je ne suis pas scientifique, mais j’écoute l’avis des scientifiques sur la question. L’élue du territoire que je suis me place dans une situation ambivalente.

Je vous remercie de vous être déplacés. Votre compréhension du territoire sera importante pour la discussion du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire. J’aimerais que vous entendiez l’inquiétude de la population quant à la prochaine saison touristique, pour laquelle les populations souhaitent des tests PCR effectués même pour les personnes vaccinées. De plus, la non-gratuité des tests PCR est un problème pour le territoire. Face à la faible couverture vaccinale, beaucoup de tests sont réalisés par les populations qui ne veulent pas être vaccinées. Dans le futur projet de loi, il faudra débattre de la gratuité des tests PCR jusqu’à ce que le niveau de vaccination soit correct.

M. Max Mathiasin. Je me joins à Mme Benin pour vous remercier de cette mission. Vous êtes allés à l’écoute de ces territoires avec la plus grande ouverture d’esprit possible. Lors de notre rencontre au Gosier, nous avons pu lever un certain nombre de tabous et vous expliquer à cœur ouvert que les réticences à la vaccination s’expliquent par les particularités de l’histoire de ce territoire.

Nous déplorons que lorsque des textes de loi concernent les outre-mer, l’hémicycle soit souvent vide et que seuls les députés ultramarins soient présents. Nous allons bientôt examiner la mission outre-mer du budget de l’État. Nous craignons que seuls les 27 députés ultramarins se retrouvent dans l’hémicycle. Nous ne comprenons pas toujours notre chance d’appartenir à ce grand ensemble qui fait la richesse de la nation. Lorsque nous proposons des amendements ou demandons des mesures spécifiques, ce n’est pas pour nous singulariser ou pour obtenir davantage. Notre histoire a entraîné un certain retard dans plusieurs domaines. Notre économie est marquée par un taux de chômage qui s’élève à 25 % depuis longtemps.

Je suis très satisfait du travail de cette mission. Nous avons atteint, depuis votre départ, le seuil de 600 morts en milieu hospitalier, et les décès à domicile ne sont pas comptabilisés. La proportion rapportée à la population métropolitaine que vous avez indiquée fait frémir. La crise se calme progressivement, mais nous constatons déjà une forme de relâchement de la vigilance sur le territoire. Nous devons être vigilants de ce point de vue. Les autorités locales, le préfet, l’ARS, le directeur du CHU redoublent d’efforts pour rendre la vaccination plus effective. Mais le taux de 42 % de primovaccinés atteint il y a quinze jours semble en stagnation. La pression doit être maintenue car la circulation des fake news sur différents réseaux sociaux prend le pas.

L’un des problèmes est la faible vaccination du personnel soignant, qui rendra difficile le bon fonctionnement des hôpitaux et des autres centres de soin exigeant le passe sanitaire. Des solutions doivent rapidement être identifiées afin d’éviter des blocages importants. Certains blocages ont déjà commencé et se poursuivent en risquant de s’intensifier. C’est une préoccupation importante. Nous sommes mobilisés dans notre travail, mais il faudra sans doute réfléchir aux adaptations nécessaires pour poursuivre la vaccination.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je constate qu’il n’y a pas d’opposition à la publication du rapport. Je vous en remercie.


La commission autorise la publication du rapport d’information.

 

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La réunion se termine à 12 heures 20.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a nommé :

– M. Jean-Pierre Pont, rapporteur sur le projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire (n° 4565) ;

 M. Philippe Gosselin, rapporteur d’application sur le projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire (n° 4565).

 


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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Erwan Balanant, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, M. Pascal Brindeau, Mme Blandine Brocard, M. Vincent Bru, M. Éric Diard, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean‑Michel Fauvergue, M. Philippe Gosselin, Mme Émilie Guerel, M. Victor Habert‑Dassault, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, M. Philippe Latombe, Mme Marie-France Lorho, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, M. Jean‑Michel Mis, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Valérie Oppelt, M. Matthieu Orphelin, M. Didier Paris, M. Pierre Person, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. - Mme Marie-George Buffet, M. Éric Ciotti, Mme Lamia El Aaraje, Mme Paula Forteza, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Mansour Kamardine, M. Fabien Matras, M. Sylvain Waserman

Assistaient également à la réunion. - Mme Justine Benin, M. Pierre Cordier, M. Fabien Di Filippo, M. Max Mathiasin