Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

  Audition de M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, examen pour avis et vote des crédits de la mission « Justice » : « Justice et accès au droit » (Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis) ; « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse » (M. Bruno Questel, rapporteur pour avis)              2

 

 

 

 

 


Mercredi
13 octobre 2021

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 6

session ordinaire de 2021-2022

Présidence de
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

 


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La réunion débute à 15 heures.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

La Commission auditionne M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur les crédits de la mission « Justice » : « Justice et accès au droit » (Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis) ; « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse » (M. Bruno Questel, rapporteur pour avis.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous poursuivons l’audition des membres du Gouvernement sur les missions budgétaires qui les concernent. Nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission « Justice ».

Monsieur le garde des sceaux, merci pour votre petit cadeau d’ouverture : j’avais rappelé l’année dernière qu’un certain nombre de décrets d’application étaient en retard dans votre ministère, et vous me remettez un état complet de ceux qui sont publiés ou en voie de l’être. La commission des lois y est très attentive. Merci de jouer le jeu, car il est important que les lois que nous votons trouvent pleinement à s’appliquer.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Je suis très heureux et fier de vous présenter les crédits de la mission « Justice » inscrits dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2022. Et c’est sincère : l’ancien avocat que je suis, qui a vu des années durant l’institution judiciaire sombrer dans la paupérisation, sait que ce projet de budget est une réponse forte aux attentes de la communauté judiciaire et des Français.

Après une augmentation de 8 % en 2021, le ministère bénéficiera à nouveau de 8 % de hausse en 2022. C’est un doublé historique. Ce sont ainsi 660 millions d’euros supplémentaires qui viendront abonder en 2022 le service public de la justice.

Grâce à l’appui du Premier ministre et à l’écoute attentive du ministre délégué chargé des comptes publics, les crédits de la justice auront augmenté de 1,3 milliard en deux ans. Sur la législature, la hausse dépasse les 30 %. C’est un effort en crédits mais également en emplois : le taux de vacance des magistrats, qui était de 6 % en 2017, tombera en dessous de 1 % en 2022, un taux résiduel, et nous sommes passés de 9 332 greffiers début 2018 à 10 172 au 1er octobre 2021. C’est un effort sans précédent.

L’année dernière, j’indiquais qu’il s’agissait de la plus forte progression depuis au moins un quart de siècle. Certains ici me l’avaient même reproché, utilisant des termes comme « éphémère » ou « insuffisant ». Vous avez désormais la preuve que la volonté du Gouvernement est sans faille. Nous avons tout fait pour donner à l’institution les moyens, non seulement de sortir du dénuement, mais, plus encore, d’envisager résolument la justice du XXIe siècle. Je peux vous le dire sans baisser les yeux, la justice a désormais les moyens de travailler.

La justice s’incarnant d’abord à travers des hommes et des femmes, 7 400 emplois ont été créés en cinq ans, ce qui porte le nombre total de personnels du ministère à plus de 90 000. C’est du jamais-vu. Ces douze derniers mois, la Chancellerie a procédé à une campagne inégalée, en recrutant 3 450 personnes. En 2022, 720 personnels supplémentaires arriveront dans les centres pénitentiaires, les juridictions et les structures de la protection judiciaire de la jeunesse.

Près de 9 milliards d’euros sont budgétés pour la justice en 2022, soit un demi-milliard de plus que prévu par la loi de programmation et de réforme pour la justice de 2019. Ce budget permet donc de financer non seulement les mesures déjà prévues, mais également les nouvelles priorités, parmi lesquelles la justice de proximité ou encore les mesures présentées dans le cadre du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

En 2022, nous conforterons et nous amplifierons d’abord les projets lancés en 2021. Nous allons pérenniser et consolider la justice de proximité, à laquelle 252 millions seront consacrés, soit 50 millions de plus qu’en 2021. Pour une justice plus proche du justiciable et plus réactive, nous avons procédé au recrutement permettant de pourvoir 2 100 emplois publics nets en douze mois seulement. Six cents juristes assistants et assistants spécialisés supplémentaires viendront ainsi, avec plus de 1 000 délégués du procureur, former une équipe autour du magistrat ; c’était un souhait que nous nous donnons les moyens de réaliser. Près de 1 200 renforts sont arrivés dans les juridictions pour soulager les greffiers, maillons absolument essentiels de la chaîne judiciaire. Des centaines de magistrats honoraires et de magistrats à titre temporaire peuvent désormais faire jusqu’à trois cents vacations par an. Leur concours est fondamental.

La justice de proximité, c’est aussi des moyens de fonctionnement, des frais de justice pour mener des enquêtes ou ordonner des expertises. Ces crédits budgétaires sont en hausse de 158 millions d’euros en deux ans, soit plus 32 %. Pour revaloriser les délégués du procureur et doubler les moyens alloués aux vacations, l’effort de 28 millions consenti en 2021 sera reconduit. Nous venons de revaloriser la tarification des expertises psychiatriques et psychologiques et nous prenons en charge les cotisations sociales, ce qui représente un effort budgétaire d’environ 20 millions. Nous sommes en train de renforcer les structures médico-judiciaires, en mettant 20 millions sur la table, et nous allons procéder très prochainement à la revalorisation des enquêtes sociales rapides, soit près de 10 millions d’euros d’investissement pour une justice plus rapide et de meilleure qualité.

Nous menons ces chantiers en coopération avec chacune des professions qui concourent à l’œuvre de justice. Je les remercie pour leur esprit constructif. Cet effort budgétaire est aussi un hommage rendu à leur action essentielle.

La justice de proximité passe également par l’accès au droit et l’aide juridictionnelle. En deux ans, 150 millions de crédits supplémentaires auront ainsi été déployés en la matière, dont 95 millions pour la seule année 2022.

Les crédits consacrés à l’aide juridictionnelle augmentent de 15 %. J’avais annoncé il y a un an une hausse qui était une première marche, je vous annonce aujourd’hui la deuxième – et non la seconde, car je compte bien qu’il y en ait d’autres à l’avenir –  toujours avec le concours de la profession d’avocat, avec qui nous devons continuer de dialoguer et de réformer.

Nous l’avions dit, nous le faisons. C’était un engagement, nous le tenons.

L’accès au droit passe par l’aide aux victimes. Nous ne les oublions pas, avec 8 millions d’euros de crédits supplémentaires, soit une hausse de 25 % en un an. Un minimum de 3 000 téléphones grave danger (TGD) seront notamment déployés en 2022.

L’accès au droit, c’est encore les 2 000 points-justice répartis sur tout le territoire, les audiences foraines qui se multiplient, les 10 000 réponses pénales hors les murs chaque mois et le recours à la médiation qui se développe. C’est là cette justice humaine à laquelle je suis particulièrement attaché.

L’année 2022 sera une année de nouvelles impulsions et de nouvelles ambitions.

Nouvelles impulsions tout d’abord avec l’accélération du programme de construction de 15 000 places de prison voulu par le Président de la République, qui portera à 75 000 le nombre total de places disponibles en 2027.

La mise en chantier des 7 000 premières places est lancée. En 2022, elles seront livrées ou à un stade très avancé de construction. Quatorze opérations sont en chantier dans toute la France, à Caen, au Mans ou en Avignon. Le deuxième volet, de 8 000 places, est lui aussi résolument engagé : seize opérations pénitentiaires sont désormais identifiées, sur des sites précis, et les concertations locales et les études sont lancées. En 2022, plus de 400 millions seront budgétés pour la réalisation du programme « 15 000 » et 636 millions iront à l’immobilier pénitentiaire, soit une hausse de 62 % en deux ans.

Nouvelles ambitions ensuite, avec 100 millions d’euros consacrés à un grand plan d’investissement pénitentiaire pour la sécurisation des établissements, la numérisation de leur fonctionnement et les conditions de détention. Cela représente 45 millions pour la sécurisation « 360 » des établissements, 20 millions pour le déploiement du système d’alerte géolocalisé SAGEO, et 35 millions pour simplifier le suivi de la détention, favoriser la réinsertion des détenus et développer le travail en détention. Nous financerons ainsi le statut du détenu travailleur, pour attirer à nouveau les entreprises dans les prisons.

Nouvelles impulsions encore pour la transformation numérique du ministère, avec 205 millions d’euros d’investissements informatiques, soit 69 millions de plus en deux ans. Ils permettront de faire aboutir le chantier majeur de la procédure pénale numérique (PPN), qui fera entrer la justice dans le XXIe siècle – les services de la PPN seront disponibles dans toutes les juridictions de France d’ici à décembre 2023, et cinquante-deux le seront dès le début de l’année prochaine – et d’autres projets essentiels comme la télé-audience, qui se verra affecter 8 millions pour des investissements, ou encore la plate-forme TIG 360° pour les travaux d’intérêt général.

Le budget pour 2022 n’oublie pas non plus les agents du ministère : 65 millions d’euros sont fléchés pour reconnaître leur engagement et améliorer leur protection sociale.

Enfin, la justice se montre également dans la pierre de ses tribunaux : 239 millions d’euros sont prévus pour la programmation immobilière judiciaire. Il faut rénover les palais de justice les plus vétustes, comme cela a été fait à Aix-en-Provence et à Mont-de-Marsan, et comme cela le sera prochainement à Perpignan ou à Bobigny.

Voici en quelques mots la présentation du budget que je soumets à votre commission. Je suis naturellement à votre disposition pour répondre à toutes les questions que vous voudrez bien me poser.

Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis (Justice et Accès au droit). Cette année encore, nous pouvons nous réjouir que le budget de la justice connaisse une augmentation de 8 %. Pour les quatre programmes dont j’ai la charge, je constate une progression de 6,7 % en crédits de paiement et de 7,9 % en autorisations d’engagement.

Les créations nettes d’emplois sont un signe fort des moyens accordés à notre justice. En 2022, 50 magistrats et 47 fonctionnaires de greffe supplémentaires seront recrutés. Cet effort budgétaire est révélateur de l’attention portée à l’amélioration du fonctionnement de la justice.

Je souhaite revenir sur trois chantiers importants du quinquennat. Le premier est celui de la transformation numérique de la justice. En 2020, j’avais fait état d’une accélération, mais aussi d’importantes réserves. Depuis, les efforts se sont poursuivis et ont porté leurs fruits.

L’équipement informatique des juridictions a connu un véritable bond en avant. Le nombre d’ordinateurs portables distribués est passé de 7 500 en 2017 à plus de 47 000 aujourd’hui, ce qui permet à 85 % des agents dont les fonctions le permettent de télétravailler. Le nombre d’équipements de vidéo-conférence est passé de 1 380 à 2 750, et le nombre d’accès VPN simultanés de 2 500 à 30 000. Le déploiement des réseaux s’est également poursuivi, qu’il s’agisse de la fibre ou du wifi. J’appelle toutefois votre attention sur la nécessité de garantir un équilibre territorial : les données que je viens d’évoquer sont nationales et ne permettent pas de savoir combien de tribunaux sont réellement suffisamment équipés.

Je souligne également l’amélioration des méthodes de gouvernance et d’accompagnement du changement. Vous êtes vous-même intervenu, monsieur le garde des sceaux, pour identifier douze projets prioritaires en matière numérique.

S’agissant de la transition numérique de la justice pénale, l’impression positive de l’année dernière se confirme. L’applicatif PLEX monte en puissance et la procédure pénale numérique est en cours de déploiement. Ses bénéfices en termes de gain de temps, de simplicité et d’efficacité pour les différents agents de la chaîne pénale sont avérés.

En revanche, monsieur le ministre, je vous demande solennellement d’investir de plus grands efforts dans l’établissement de la plainte en ligne. Le Président de la République l’a évoqué lors de la clôture du Beauvau de la sécurité. Ce dispositif, voté en 2019, requiert une collaboration plus efficace entre le ministère de la justice et celui de l’intérieur.

S’agissant du projet PORTALIS, emblématique de la transformation numérique de la justice civile, ayant émis les plus grandes réserves l’an passé, j’ai été la première étonnée de constater les progrès qui ont été accomplis, sur le fondement d’une restructuration qui a redéfini ses objectifs. L’applicatif PORTALIS, dont j’ai pu voir une démonstration, permettra au justiciable de consulter en ligne l’état d’avancement de la procédure et de recevoir des documents des juridictions par voie dématérialisée. Il fait l’objet d’une expérimentation dans les juridictions prud’homales de Bordeaux et Dijon. Mais pour être franche, je me demande s’il ne devrait pas demeurer limité aux procédures sans représentation obligatoire, puisque le principe de base est que le justiciable ait la main.

Enfin, je constate avec satisfaction que la dématérialisation des demandes d’aide juridictionnelle est en passe d’aboutir et que le système d’information de l’aide juridictionnelle (SIAJ) sera bientôt déployé. Mais j’insiste, monsieur le garde des sceaux, sur l’importance qu’il y a à associer les utilisateurs avocats à la conception de cet outil pour qu’il réponde bien à leurs attentes et à leurs besoins.

Deuxième chantier, celui de cette justice de proximité qui vous est chère. D’importants moyens budgétaires ont été mobilisés en la matière afin de soutenir un plan de recrutement exceptionnel de contractuels – 914 en matière pénale et 1 000 en matière civile. Je salue cet effort considérable. Toutefois, sur les 1 000 contrats conclus au civil, 500 sont prévus pour un an. Cette durée est trop courte, ne serait-ce qu’en raison du temps de formation nécessaire. Il me semble primordial de clarifier dès aujourd’hui les éventuelles perspectives de pérennisation de ces contrats, afin de donner de la visibilité aux juridictions. Enfin, il me semble qu’il faudrait réaliser une cartographie des équipes qui sont autour du juge afin de clarifier le rôle de chacun, de concevoir les besoins de formation et de favoriser la mobilité.

Troisième chantier, celui de la réforme de l’aide juridictionnelle. Sans revenir sur son contenu détaillé, je constate que plus de 100 millions d’euros ont été mobilisés en deux ans pour revaloriser l’aide juridictionnelle. Après l’adoption de ce projet de loi de finances, l’unité de valeur qui sert au calcul des rétributions des avocats sera de 36 euros. Cet effort budgétaire de 100 millions est conforme à ce qu’avait préconisé la commission présidée par Dominique Perben en la matière.

Voilà les grandes lignes du bilan que je dresse, monsieur le ministre, de ces grands chantiers de la justice. Je l’ai agrémenté de quelques pistes d’amélioration qui, je l’espère, vous seront utiles pour parfaire les réformes en cours.

M. Bruno Questel, rapporteur pour avis (Administration pénitentiaire et Protection judiciaire de la jeunesse). Après la présentation très détaillée de M. le garde des sceaux, je ne reviendrai pas en détail sur l’évolution des moyens consacrés aux programmes 107 « Administration pénitentiaire » et 182 « Protection judiciaire de la jeunesse ». J’aborderai plutôt quelques sujets qui me semblent prioritaires.

Tout d’abord, je voudrais insister sur l’importance des efforts budgétaires qui sont réalisés, pour la cinquième année consécutive, en faveur des administrations concernées.

La politique pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse sont deux sujets sensibles, qui portent en eux des défis à relever et qui sont essentiels pour l’avenir de notre société. Depuis 2017, et de manière accentuée depuis votre arrivée l’an dernier, notre majorité a pris ses responsabilités en la matière. Les crédits qui y sont consacrés sont en constante augmentation depuis le début de la législature.

Par ailleurs, et c’est la thématique que j’ai choisi de développer cette année, ces deux administrations ont été affectées depuis le printemps 2020 par la crise sanitaire. Gérer un établissement pénitentiaire ou un centre éducatif fermé n’est pas chose facile, et les mutations de notre société ajoutent parfois aux difficultés. Je profite d’ailleurs de cette intervention pour rendre un hommage appuyé aux hommes et aux femmes qui travaillent dans ces administrations, et notamment dans les services pénitentiaires. En examinant ce nouveau budget, nous devons garder en tête les difficultés auxquels ils doivent faire face et la très grande capacité d’adaptation dont ils ont su faire preuve pour gérer la crise sanitaire dans le cadre de la détention.

Les mesures qui ont été prises pour limiter la propagation du virus ont certes été difficiles pour les personnes détenues, mais ont porté leurs fruits. Force est de constater, un an et demi après le début de la crise, que la catastrophe sanitaire qu’on nous annonçait dans les prisons n’a pas eu lieu. Ayant fait le point sur les mesures prises dans nos prisons depuis le mois de mars 2020, je ne peux que constater la grande efficacité dont l’administration pénitentiaire a fait preuve. La crise n’est toutefois pas terminée et des défis restent à relever, en particulier en matière de vaccination.

On s’en souvient, le début de l’épidémie a été marqué par une réduction de la population carcérale. Le taux global d’occupation des établissements pénitentiaires, qui était de 117 % au 1er janvier 2020, était passé à 98 % au 1er septembre de la même année. Un an plus tard, il est remonté à 113 %. Cela s’explique en grande partie par la reprise de l’activité des tribunaux, mais peut-être pourrions-nous collectivement réfléchir au moyen d’utiliser cette expérience pour réduire de façon structurelle la surpopulation carcérale.

Bien sûr, le programme immobilier permettra aussi de répondre à cette situation de surpopulation. Je salue les crédits qui y sont consacrés dans le projet de budget et la bonne avancée de ce programme, malgré les ralentissements induits par la crise sanitaire et parfois par le double discours de certains de nos collègues, qui réclament des places de prison à Paris mais font tout ce qu’ils peuvent sur le terrain pour freiner l’arrivée des services pénitentiaires.

Pour éviter tout faux discours, je rappelle les chiffres : 1 926 nouvelles places déjà mises en service, 123 places ouvertes d’ici à la fin 2021, 2 541 en cours de finalisation et 2 500 qui seront lancées en 2022. En résumé, à la fin de l’année prochaine, 7 090 places auront été ouvertes ou seront en cours de construction. Nous avançons, et il est certain que ces constructions nous permettront d’améliorer l’encellulement individuel.

Toutefois, il me semble que nous devons aussi explorer d’autres voies pour lutter contre la surpopulation carcérale, qui a des conséquences importantes : dégradation des conditions matérielles de détention, réduction des activités et des soins proposés aux détenus, augmentation des tensions et donc des risques de violences. Sans compter que, dans le contexte sanitaire actuel, la promiscuité limite considérablement l’efficacité de toute mesure de lutte contre la diffusion du virus.

Monsieur le garde des sceaux, notre commission a été particulièrement attentive à cette problématique de la surpopulation carcérale tout au long de la législature, et plus récemment à la question de la gestion de la crise sanitaire par votre administration. Pouvez-vous nous dire comment le Gouvernement compte, à court terme, assurer un taux d’occupation des établissements pénitentiaires qui nous permette de garantir à chacune des personnes concernées des conditions de détention dignes ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je commence par rassurer Mme la rapporteure pour avis s’agissant des plaintes en ligne. C’est le ministère de l’intérieur qui pilote le projet, qui doit aboutir fin 2023. Nous veillerons à renforcer notre coopération afin de tenir ces délais. Je pense que nous serons au rendez-vous de nos promesses et de nos obligations.

La transformation numérique du ministère engagée par la loi de programmation atteindra sa pleine puissance en 2022. Le plan de transformation numérique vise à construire le service public numérique de la justice. Il s’articule autour de trois grands axes : l’adaptation du socle technique des outils de travail, le développement des applicatifs au service de la communication électronique et de la dématérialisation, et l’indispensable soutien aux utilisateurs.

Le budget pour 2022 amplifie la dynamique qui a déjà été engagée, non seulement pour l’investissement mais aussi pour la bonne maintenance des nouveaux applicatifs, avec une hausse de 80 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale de 2021. Les crédits se montent à 205 millions pour l’investissement informatique, soit plus 69 millions sur un an, et 107 millions pour la maintenance, soit plus 21 millions en un an. Par ailleurs, 53 millions de cofinancements de la part du ministère de la transformation et de la fonction publiques, notamment dans le cadre du plan de relance, viennent sur deux ans compléter cet effort budgétaire sans précédent.

C’est indispensable pour passer à la justice du XXIe siècle. Je pense en particulier à la procédure pénale numérique, que j’ai vue fonctionner à Troyes : c’est un outil absolument fantastique. Pour les forces de sécurité intérieure, pour les greffiers, pour les magistrats, pour les avocats, c’est vraiment une façon révolutionnaire de travailler.

Nous avons présenté l’évolution de nos projets et nous continuerons à le faire pour la parfaite information de la représentation nationale. S’agissant plus précisément des bornes wifi, nous en aurons 2 750 en janvier prochain et toutes les juridictions seront couvertes au plus tard en 2023.

C’est cela, voyez-vous, la justice de proximité. La presse quotidienne régionale en est pleine : les personnels qui arrivent dans les juridictions, les tribunaux qui rouvrent, les délégués du procureur qui se servent des alternatives aux poursuites pour sanctionner rapidement les petits délinquants… Tous les jours, la justice de proximité parle aux Français, directement.

On l’a dit, 2 100 emplois publics ont été pourvus en douze mois seulement pour la justice de proximité. La question de la pérennisation de ces contrats se pose bien sûr, mais comme ces personnels se sont vite rendus indispensables dans les juridictions, il sera difficile de faire autrement. Les contrats principaux sont de trois ans renouvelables trois ans, soit six ans, avec naturellement la possibilité d’entrer ensuite dans la grande maison de la justice par la voie du concours.

La grande difficulté, c’est qu’il faut trente et un mois pour former un magistrat, et dix-huit pour un greffier. L’École nationale des greffes est pleine à craquer, le taux de vacance des magistrats est pratiquement nul et nous avions besoin de « sucres rapides » : ils sont là, et particulièrement appréciés par toutes les juridictions. J’entends aujourd’hui des magistrats de terrain me dire qu’ils leur ont permis de réaliser un projet qui traînait depuis quinze ans. Voilà, dans les territoires, ce qu’est la justice de proximité.

Dans ces effectifs, 1 100 ont été embauchés au titre de 2020 pour la justice pénale. Cela permet d’instituer des référents dédiés aux élus, par exemple, ou aux violences interfamiliales. Mais nous n’avons pas souhaité être trop directifs et laissons aux juridictions le soin d’adapter le rôle de ce personnel nouveau en fonction des nécessités du terrain et de leur propre vision des choses. En étant trop directifs, nous passerions à côté du but que nous nous sommes fixé.

Les 1 000 autres ont été embauchés en matière civile. Lorsque les juges du siège, sur lesquels le garde des sceaux n’a strictement aucune influence, et c’est très bien, ont vu ce personnel supplémentaire rejoindre les procureurs, ils en ont demandé aussi. Nous avons accepté, puisqu’ils en ont besoin, et nous avons signé avec eux des contrats d’objectifs : d’accord pour le personnel, mais nous voulons dès à présent des résultats. Ces résultats ne sont pas consolidés, puisqu’il faut au moins un an pour cela et que les renforts datent d’avril, mais nous avons déjà un certain nombre de chiffres, à Lyon, à Nanterre et dans d’autres juridictions, que je pourrai vous communiquer.

La traduction concrète est très claire : ce sont des dossiers que l’on peut déstocker, que l’on traite en plus de ce qui était possible auparavant – et autant de justiciables qui auront leur jugement plus vite que les délais hélas traditionnels. Or je rappelle que le grief majeur que les Français expriment, de façon constante, à l’encontre de l’institution judiciaire est celui de la lenteur.

Par métier, ces 2 100 emplois se répartissent en 1 914 postes pour les services judiciaires, 86 pour les services de la protection judiciaire de la jeunesse – les éducateurs – et 100 pour les services d’insertion pénitentiaire. En termes de masse salariale, cela représente 65 millions d’euros : 40 pour la justice pénale de proximité et 25 pour la justice civile de proximité.

Après les 200 millions d’euros qui ont été obtenus dans la loi de finances initiale de 2021, le projet de loi de finances pour 2022 pérennise et renforce les moyens dédiés à la justice de proximité, portés à 250 millions : 65 millions de masse salariale donc, 125 millions pour l’augmentation des frais de justice, 30 millions supplémentaires pour renforcer les moyens d’enquête et d’investigation, 20 millions pour le milieu associatif de la protection judiciaire de la jeunesse, 10 millions pour le fonctionnement courant correspondant aux créations d’emplois et au développement des bracelets électroniques et anti-rapprochement.

Monsieur Questel, je me joins à votre hommage : l’administration pénitentiaire a vraiment assuré. D’abord, la pandémie ne s’est pas répandue. Il n’y a pas eu de mutineries chez nous, contrairement à d’autres pays, comme l’Italie ou le Brésil, où elles se sont terminées dans le sang. Les parloirs n’ont pas été fermés – ils ont tout assumé. Vraiment, je leur rends un hommage appuyé. Il est déjà difficile de faire ce métier en des temps ordinaires, mais en période de pandémie, c’est véritablement héroïque, à plus d’un titre.

La priorité, pour les personnels pénitentiaires, est la sécurité. J’avais déjà rehaussé de 10 %, à 70 millions d’euros, les crédits qui y étaient dédiés en 2021. Cette année, je vous présente un plan d’investissement pénitentiaire de 100 millions, largement axé sur la sécurisation des établissements et bien sûr des agents. Je pense là aux deux surveillants qui ont été pris en otage ces jours derniers à Condé-sur-Sarthe et qui sont sous le choc. L’un d’eux, un jeune homme d’une vingtaine d’années qui s’est retrouvé avec un poinçon sous la gorge, a vraiment cru qu’il allait y laisser sa peau.

Sont prévus 45 millions pour la sécurisation des établissements, 30 millions pour les parkings, car les dégradations de véhicules du personnel pénitentiaire sont fréquentes, 11 millions pour le système de brouillage des communications 5G, 4 millions pour la lutte anti-drones. 20 millions pour la sécurisation des agents à travers le déploiement du système d’alerte géolocalisé, et 35 millions pour simplifier le suivi de la détention, dont 21 millions pour le déploiement de terminaux numériques dans 20 000 cellules dès 2022.

S’agissant des conditions de détention dignes, on constate une augmentation du nombre des détenus dans notre pays. La période du covid a été marquée par une baisse conjoncturelle, car il fallait éviter des risques de propagation de la pandémie. Ma prédécesseure a pris des mesures parcimonieuses, autorisant la sortie de 6 000 détenus qui étaient libérables à très court terme, à l’exclusion de ceux qui étaient condamnés pour certains faits, comme des violences faites aux femmes. On a parlé de 13 000 détenus libérés, mais c’est faux : le reste étaient des gens qui ne sont pas entrés en prison. Cette décision était indispensable. Il ne s’agissait que de quelques mois, pour des gens qui devaient de toute façon sortir avant la fin du confinement.

Maintenant, mécaniquement, le nombre de détenus augmente. Vous avez voté en mars un texte proposé par le Sénat et que j’ai défendu, tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention. Ce texte nous était imposé par la Cour européenne des droits de l’homme, mais aussi par le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation. Face à la situation, il était indispensable que nous réagissions. Maintenant que la loi est votée, la réponse passe par la construction de places de prison. Nous reviendrons certainement sur le sujet avec les questions des députés.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Je me réjouis que le budget de la justice ait augmenté de 8 % pendant deux années consécutives. C’est inédit et cela permet d’augmenter les effectifs, notamment de juristes assistants et de greffiers, afin d’apurer les dossiers stockés et en cours.

Je salue aussi la revalorisation de l’aide juridictionnelle, qui permet de répondre aux souhaits des avocats, mais aussi des personnes assurant les expertises, lesquelles sont de plus en plus nombreuses et complexes. Autre avancée : les aides aux victimes comme le téléphone grave danger ou le bracelet anti-rapprochement.

Je tiens à saluer l’ensemble du personnel pénitentiaire et le travail qu’il a effectué pendant l’épidémie tant il a été mis à rude épreuve.

En 2018, Mme Belloubet a annoncé le lancement d’un plan « prison » ambitieux et global afin de répondre à ce problème récurrent qu’est la surpopulation carcérale et d’améliorer le parcours de rétention. Je rappelle que la France a été condamnée dix-neuf fois par la Cour européenne des droits de l’homme en raison des conditions indignes de détention qui y ont cours. En avril 2021, le Premier ministre s’est engagé à créer 15 000 places supplémentaires.

L’exécution de ce plan a été contrariée, non seulement par la crise sanitaire, mais aussi par la résistance de certains élus et citoyens qui soutiennent la création de nouvelles places de prison mais ne souhaitent pas l’installation de centres pénitentiaires sur leur territoire. Chez moi, à Angers, le transfert de la maison d’arrêt, construite en 1856, est demandé depuis au moins quinze ans, mais il a été sans cesse ajourné ou reporté. Fort heureusement, la persévérance et la coordination de tous les élus – maires, préfet, parlementaires – a permis d’avancer. Il n’est désormais plus question d’un transfert mais de la construction de places supplémentaires, qui passeront de 250 à 850, car à la maison d’arrêt s’ajoutera, en 2027, un centre pénitentiaire. La convention a été signée le 7 septembre avec le ministre.

Pouvez-vous nous présenter la nouvelle déclinaison du plan « prison » entre 2022 et 2027 ?

En 2018, le Gouvernement a annoncé la création de vingt nouveaux centres éducatifs fermés (CEF) d’ici à la fin du quinquennat, afin de renforcer l’offre alternative à l’incarcération, dans un contexte où le nombre de mineurs en détention augmente sensiblement. Les CEF offrent un programme soutenu pour préparer la réorientation des jeunes vers les dispositifs de droit commun. Le PLF 2022 prévoit un financement pour cinq CEF ainsi qu’une aide à l’investissement pour le lancement de cinq nouveaux CEF du secteur associatif habilité. Pouvez-vous faire un état des lieux de l’avancée de ces installations ?

Enfin, il importe de réfléchir aux conditions de sortie des détenus afin de tirer profit de l’expérience de l’épidémie : est-il possible, et selon quels critères, de procéder à des libérations anticipées afin de diminuer la surpopulation carcérale, qui n’a fait que s’accroître ?

M. Yves Hemedinger. Cette mission compte parmi les plus importantes de notre budget, car elle est régalienne : il y a urgence à faire vraiment bouger les lignes, « quoi qu’il en coûte ». Les Français ne cessent de nous dire que la sécurité est l’une de leurs principales préoccupations et nous savons tous ici qu’il est impossible de la séparer de la justice.

Or l’insuffisance criante des moyens de la justice paralyse toutes les politiques globales en la matière alors qu’elles devraient permettre aux Français de vivre sereinement, en sécurité, ce qui est la moindre des choses. Nos compatriotes sont exaspérés par l’impunité galopante et le premier principe de la justice est oublié : toute personne qui commet un crime ou un délit doit être sanctionnée. Nombre de nos concitoyens n’ont donc plus confiance en notre justice.

Les défis sont immenses pour faire preuve d’efficacité et redonner confiance aux Français : condamner plus vite, faire exécuter toutes les peines, construire les places de prison manquantes, rénover les plus indignes d’entre elles, lutter sérieusement contre la radicalisation en milieu carcéral, prendre en compte tout aussi sérieusement les problèmes psychiatriques de nombreux détenus, investir davantage dans la réinsertion pour limiter les récidives, développer les peines alternatives quand cela est possible, multiplier les peines de travaux d’intérêt général, augmenter les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse, donner leur juste place aux victimes. Telles sont les priorités.

Je veux bien croire le ministre, ces objectifs sont les siens mais, hélas ! surtout en paroles. Je crains que, malgré une augmentation de 8 % pour la deuxième année consécutive, nous ne soyons très loin des attentes et des besoins.

Nous estimons que votre programme « 15 000 places » pour 2027 ou 2030 est beaucoup trop lent et, surtout, non conforme aux engagements que le Président de la République a pris en 2017 visant à créer 15 000 places pendant le quinquennat. J’ajoute qu’une partie de ces nouvelles places compenseront en fait la fermeture de centres pénitentiaires, comme c’est le cas à Colmar, dans ma circonscription. À cela s’ajoute que la surpopulation carcérale augmente de nouveau de façon alarmante.

Nous avons besoin de 20 000 places supplémentaires. Nous considérons que toutes les peines doivent être exécutées, y compris les courtes, qui doivent être rétablies, même celles qui sont inférieures à un mois : une peine courte favorise en effet une prise de conscience pouvant empêcher un basculement vers une forme de délinquance plus grave mais, aussi, la récidive. Dans ce cas-là, nul besoin de prisons hyper-sécurisées. La France n’est-elle pas capable, en un ou deux ans, de reconvertir des sites désaffectés en centres de détention pour les délinquants les moins dangereux ? Il faut sortir des sentiers battus, repenser les formes de prison et les spécialiser en fonction des types de détenus.

La mission prévoit la création de seize structures d’accompagnement vers la sortie (SAS) et la transformation de sept quartiers en SAS mais cela ne suffit pas. Je pense à nos compatriotes les plus modestes, souvent contraints de vivre dans des quartiers gangrénés par le trafic de drogue.

Je salue toutefois le plan pénitentiaire pour lutter contre les violences en détention, faire face à la radicalisation violente et sécuriser établissements et agents, qui en ont bien besoin. Le renforcement de l’accompagnement des juridictions par une adaptation aux nouvelles technologies et l’effort pour l’aide juridictionnelle vont également dans la bonne direction.

Compte tenu des besoins consécutifs à la réforme de la justice pénale des mineurs, nous comptons en revanche toujours trop peu de magistrats, qui seront recrutés sur des postes précaires, et de professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse. La justice civile et son stock de dossiers reste, quant à elle, la grande oubliée de ce quinquennat.

Enfin, l’annonce de créations de postes dans l’administration pénitentiaire doit être saluée, mais vous omettez de préciser que 1 700 places sont non pourvues.

À ce stade, votre budget est insuffisant ; il manque d’imagination et d’expérimentations. Le « pas assez » n’est pas éphémère, hélas ! en dépit d’annonces médiatiques. Notre pays se trouve dans une urgence absolue et notre justice est loin d’être prise en compte. C’est bien dommage eu égard aux enjeux des prochains mois.

M. Erwan Balanant. Ce budget est historique, comme en atteste l’augmentation significative des moyens financiers et humains promise par le Gouvernement dès le début de la législature. Il se caractérise par une nouvelle hausse de 8 % après celle déjà octroyée en 2021, pour atteindre désormais 8,9 milliards d’euros. Sur l’ensemble du quinquennat, les moyens alloués à la justice ont augmenté de 33 %, soit bien plus que les 24 % prévus dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, ce dont notre groupe se félicite.

Cette hausse exceptionnelle se répercute sur plusieurs domaines stratégiques et permettra de répondre aux objectifs de simplification, d’accessibilité et d’indépendance de la justice que nous nous sommes fixés dans cette même loi du 23 mars 2019.

Nous saluons en particulier la création de 7 400 emplois sur cinq ans, notamment, l’arrivée de 720 personnels en 2022 dans les centres pénitentiaires, les juridictions et les structures de la protection judiciaire de la jeunesse. Cette augmentation des moyens humains se situe au cœur de l’ambition du Gouvernement.

Les tragiques événements survenus à la maison centrale de Condé-sur-Sarthe illustrent la dangerosité du métier de surveillant pénitentiaire. Nous constatons avec satisfaction que vous envisagez de consacrer 22 millions de l’enveloppe catégorielle à la revalorisation de leur rémunération. Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre en leur faveur ? Comment amélioreront-elles l’attractivité de ce métier si difficile ? Au-delà, comment peut-on mieux valoriser ces missions essentielles ?

Les crédits alloués à la mission « Justice » visent de surcroît à consolider la justice de proximité le plus rapidement possible. L’aide juridictionnelle est désormais une priorité, son budget étant rehaussé de 15 % ; 25 % de crédits supplémentaires sont consentis à l’aide aux victimes, volet essentiel de l’accès au droit, avec des initiatives concrètes et importantes telles que le déploiement de 3 000 téléphones grave danger ou de 2 000 points-justice répartis sur tout le territoire.

Avec 205 millions d’investissement informatique, ce budget permettra aussi d’accélérer la transformation numérique de la justice judiciaire, notamment à travers la plateforme TIG 360° et la dématérialisation des procédures. Des efforts colossaux ont été accomplis ces dernières années en ce sens et se poursuivent sans relâche afin d’accélérer le traitement des affaires et de faciliter les travaux des différents acteurs. Je pense, par exemple, à l’assignation devant le tribunal judiciaire avec prise de date à partir du réseau privé virtuel des avocats, effective depuis septembre dernier. Cette adaptation aux nouvelles technologies est un défi central pour la justice. Nous saluons votre engagement à la hauteur de cet enjeu.

Néanmoins, une telle modernisation ne sera pas accomplie au détriment des moyens physiques de la justice puisqu’un vaste plan de programmation immobilière judiciaire et de rénovation de nos palais de justice est également prévu.

Nous nous réjouissons des moyens affectés à la réforme de la justice des mineurs afin d’appliquer les mesures du nouveau code de la justice pénale des mineurs, en vigueur depuis le 30 septembre dernier. Les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse augmenteront ainsi de 45 millions, ce qui devrait permettre de renforcer substantiellement son action. Au-delà des chiffres, cela constitue un signal fort pour notre société puisque l’avenir de nombreux enfants et adolescents, souvent en situation de détresse ou de souffrance, pourrait ainsi changer.

Enfin, ces crédits permettront d’achever la modernisation des peines et du système pénitentiaire dont nous étions convenus dans la loi du 23 mars 2019. D’une part, ils pourront être employés au soutien du développement des peines alternatives, aux courtes peines d’emprisonnement – utiles, mais qui doivent être utilisées avec précaution –, à la détention provisoire, aux travaux d’intérêt général (TIG), au sursis probatoire ou au placement extérieur ; d’autre part, ils participeront à l’application du programme de construction de 15 000 places de prison d’ici à 2027, lequel s’appuie notamment sur un grand plan d’investissement pénitentiaire de 100 millions.

Vous pouvez compter sur notre soutien pour la mise en œuvre de l’ensemble de ces actions décisives pour notre société.

Pourrait-on avoir des précisions sur le budget alloué à la justice environnementale ? Le titre VI de la loi « climat et résilience » du 22 août 2021 contient de nouveaux mécanismes judiciaires afin d’améliorer la protection de l’environnement à travers notamment la création de pôles judiciaires spécialisés. Comment comptez-vous les accompagner ? Quels moyens envisagez-vous de leur octroyer ?

Mme Cécile Untermaier. Nous nous réjouissons de la double augmentation consécutive de 8 % des crédits. Je ne renie pas les propos de Jean-Jacques Urvoas considérant que le problème de la justice, c’est son budget – lui n’a pas gagné les arbitrages ministériels, mais sans doute le contexte était-il différent. En tout cas, nous souhaitions une telle augmentation tant nous savons que cette institution est sous l’eau.

Sans atteindre le niveau d’autres ministères de la justice européens, ce budget permet tout de même d’appliquer un peu plus sereinement les réformes qui s’imposent, mais nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion appuyée sur les points qui doivent être privilégiés.

De tels crédits permettent également de redonner de la fierté aux personnels qui travaillent pour cette institution, ce à quoi je suis très sensible. Une institution régalienne se doit d’avoir des lieux d’accueil dignes des agents et des personnes qu’elle reçoit.

La justice de proximité passe par l’aide juridictionnelle et je me félicite du budget de 100 millions qui lui est dévolu. Je répète toutefois que son plafond est très bas et que, pour la rendre accessible, il convient de le rehausser. Nombreux sont ceux, en effet, qui renoncent à la justice faute de pouvoir bénéficier de cette aide.

Nous ne pourrons pas non plus faire l’économie d’une réflexion sur l’accès à la justice et les soutiens financiers qu’il suppose. Je pense certes à la justice de premier ressort mais aussi à la justice d’appel, la cassation étant quasiment inaccessible à de nombreux particuliers.

La justice de proximité passe aussi par l’amélioration des délais de traitement. Comme vous, nous y avons beaucoup travaillé. Nous considérons que les jugements doivent être encadrés par des délais, particulièrement en matière civile, puisque l’objectif est de parvenir à réduire les stocks de dossiers. Comment comptez-vous vous y prendre concrètement étant entendu que, sur les 720 emplois équivalent temps plein qui seront créés, seuls 40 iraient dans les services judiciaires ? Cela suffira-t-il ?

La justice de proximité passe également par le maillage territorial. On dénombre 2 000 points-justice. Combien en comptera-t-on à la fin de 2022 et quelle sera leur répartition, notamment en milieu rural, sachant que chaque citoyen doit pouvoir y accéder en moins de trente minutes en voiture ?

La Maison de l’État de Louans abrite les services de la justice depuis la disparition du tribunal d’instance du fait de la réorganisation de la carte judiciaire par Rachida Dati. Avec lui, c’est la justice qui avait disparu de ce territoire mais, lors du précédent quinquennat, grâce à la présidente du tribunal de grande instance de Châlons-sur-Saône, nous avons pu faire venir deux conciliateurs, l’accueil étant facilité par un système vidéo.

Alors que vous réfléchissez aux établissements France Services et au devenir des sous-préfectures, il me paraît important de travailler à l’organisation de ce maillage territorial et de faire en sorte que la justice puisse rejoindre les services de l’État dans ces Maisons.

Enfin, la justice de proximité passe par l’exécution des jugements. Là encore, il conviendrait d’aider les particuliers.

S’agissant de l’aide aux victimes de violences intrafamiliales, nous avons encore beaucoup d’efforts à accomplir. Quelles sont les statistiques en matière d’ordonnances de protection alors que, par exemple, les montants des crédits débloqués en Espagne sont trois fois supérieurs aux nôtres ? Nous sommes certes sur la bonne voie mais nous avons encore beaucoup à faire. J’ajoute que les femmes et les hommes ne sont pas les seules victimes de ces violences mais que les enfants en pâtissent également.

M. Dimitri Houbron. Nous saluons l’augmentation de 8 % des crédits de paiement, hausse identique à celle de l’année dernière qui confirme la volonté gouvernementale de consolider les fonctions régaliennes et, singulièrement, la justice de proximité.

Les conseils départementaux de l’accès au droit seront incités à ouvrir des permanences au gré des nouvelles labellisations France Services et des besoins des différents territoires afin que chaque citoyen trouve à proximité de chez lui un accès au droit performant. Sera-ce par la voie d’une circulaire ?

Il est également indiqué que le projet de système d’alerte géolocalisée dit SAGEO sera progressivement déployé afin d’assurer la protection des agents de l’administration pénitentiaire. En quoi consiste ce projet ?

S’agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, nous saluons la création, en 2022, de 51 emplois dans une administration mobilisée par l’application du nouveau code de la justice pénale des mineurs. Le bleu budgétaire précisant que le taux d’occupation des centres éducatifs fermés est assez faible – 70 % en 2021 –, pensez-vous que le plan de construction de vingt centres supplémentaires soit toujours une priorité ?

Enfin, je note que le financement des bracelets anti-rapprochement est assuré par le ministère de la justice et par le Fonds pour la transformation de l’action publique. Selon les premiers retours, il est impossible de les utiliser en zones blanches puisqu’ils dépendent entièrement du réseau pour la géolocalisation. Qu’avez-vous prévu pour que le déploiement de cette enveloppe ne soit pas parasité par l’absence d’un maillage numérique du territoire ? Les autorités compétentes travailleront-elles ensemble ?

M. Ugo Bernalicis. L’augmentation des crédits est une bonne chose mais je ne peux pas me satisfaire de leur répartition, qui ressemble très fortement à celle de l’année dernière puisque l’essentiel de la hausse servira à la construction de places de prison. La politique répressive accapare donc l’essentiel des crédits budgétaires, y compris en ce qui concerne la justice judiciaire et la justice de proximité, afin que les peines soient plus rapides et plus effectives. Le ministre s’en est d’ailleurs vanté, dans un esprit de compétition avec Les Républicains et la droite.

Je comprends qu’il soit satisfait de l’augmentation des crédits mais qu’il considère, d’une manière aussi péremptoire, que la justice dispose désormais de tous les moyens pour fonctionner… Je m’interroge à ce propos sur ce que l’on m’a raconté lors de l’audience solennelle à laquelle j’ai assisté au tribunal de Lille pour l’installation des nouveaux magistrats : personne n’a dit que l’effectif cible était atteint dans quelque domaine que ce soit, ni les magistrats du parquet, ni ceux du siège, ni la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) ou les greffiers, et ce malgré les « sucres rapides ». Des magistrats mal intentionnés m’ont sans doute menti ou mal présenté la situation, au premier rang desquels le président de la juridiction, dont je ne crois pas qu’il compte parmi les Insoumis…

Finalement, je préférais Nicole Belloubet, selon qui l’effectif cible ne correspond pas aux besoins. En se glorifiant d’avoir atteint l’effectif cible lorsque l’on sait qu’il ne correspond pas aux besoins, on passe à côté de ce que vivent les juridictions et les justiciables, soit, depuis la crise du covid, un allongement des délais. Les sucres ont été insuffisamment rapides et nombreux, ce qui est dommage pour vous puisque vous avez alloué des moyens supplémentaires. Je regrette d’ailleurs que vous n’ayez pas prévu de transformer les « sucres rapides » en « sucre lents » ou titulaires, et que vous les renvoyiez au concours ou à plus tard.

Par ailleurs, si vous avez relevé que l’École nationale des greffes est pleine à craquer, vous n’avez pas fait la même remarque pour l’École nationale de la magistrature et l’on comprend bien pourquoi : les créations de postes sont encore bien en dessous des besoins.

La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice avait pour objectif de réduire les peines de prison inférieures à six mois grâce aux bracelets électroniques. Or, de plus en plus de gens en portent et autant de peines de moins de six mois continuent d’être prononcées. Je vous avais d’ailleurs prévenu que cette mesure ne donnerait pas les effets escomptés. Il faudra donc continuer à batailler pour la déflation pénale, donc, carcérale, tant nous savons combien le taux de récidive des personnes incarcérées est élevé.

Nous prenons volontiers les quatre-vingts postes supplémentaires consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse mais ils ne suffiront pas pour appliquer le nouveau code de la justice pénale des mineurs. Vous avez agi dans la précipitation, les professionnels recevant des trames la veille pour le lendemain. Je ne suis pas sûr que cela relève de la bonne administration ou des bonnes pratiques. De plus, les CEF n’étant remplis qu’à 70 % à peine, pourquoi en construire de nouveaux ?

Au passage, je trouve étrange que le ministre ait envie de mettre l’armée dans la boucle, avec les jeunes délinquants. Une petite ligne budgétaire est consacrée à ce dispositif. Je suis sûr que le ministre nous en dira un peu plus : cela intéressera les députés Les Républicains dans le cadre de vos surenchères communes.

La marge de progression en matière judiciaire est encore immense, tant pour la justice civile, qui est la plus sinistrée, que pour la justice pénale. Le moment venu, nous nous en chargerons.

Mme Marie-George Buffet. Il faut se réjouir de la double augmentation de 8 % en deux ans des moyens du ministère de la justice, mais il faut la mettre en rapport avec un retard historique et structurel : la France lui consacre en effet 0,2 % du PIB contre 0,36 % ou 0,4 % dans d’autres pays et 69,5 euros par habitant contre 120 aux Pays-Bas et 130 en Allemagne. Dans les années à venir, nous devrons passer à la vitesse supérieure pour combler l’ensemble de ces retards.

Je salue les personnels de la justice, de l’administration pénitentiaire, les éducateurs pour la qualité de leur travail, remarquable malgré les moyens dont dispose ce ministère depuis des décennies.

S’agissant de la justice de proximité, près de 2 000 contractuels devraient être recrutés pour une année : n’était-il pas possible de les employer en CDI ? Quelle sera leur formation ? Pourront-ils intégrer définitivement cette administration ?

Il importe en effet de construire des centres de détention, car la surpopulation carcérale est inacceptable tant elle crée des tensions et des difficultés pour les personnels et interdit à un certain nombre de détenus de se reconstruire ou d’envisager leur libération comme la possibilité de retrouver leur place dans la société. Encore faudrait-il aussi que l’on stoppe la hausse du nombre de détenus. Que pensez-vous des sanctions alternatives, notamment pour les personnes condamnées à des peines de courte durée ? Quels postes seront créés et affectés à ces nouvelles structures, mais aussi pour soutenir les personnels confrontés à une surcharge de travail ?

Quelles sont les conditions d’application de la réforme de la justice pénale des mineurs ? Certains acteurs de ce secteur se plaignent d’une application trop rapide et d’une difficulté à assimiler l’ensemble des nouvelles normes. Quelles sont les conditions de suivi des mineurs non accompagnés ? Nombre d’entre eux sont placés dans des hôtels et très peu suivis, compte tenu du faible nombre d’éducateurs.

S’agissant des violences intrafamiliales, je me félicite que le ministre de l’intérieur ait annoncé, hier, que les policiers et les gendarmes pourront désormais recueillir les plaintes des victimes là où elles se sont réfugiées. Comment les acteurs de la justice réagissent-ils face à ce problème ? Y-a-t-il une prise de conscience de son importance ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Nous sommes confrontés depuis longtemps à un dilemme cornélien. Les conditions de détention sont indignes, dont acte – nous savons que des détenus dorment par terre ; nous construisons donc des prisons modernes… et l’on nous juge répressifs parce que, la nature judiciaire ayant horreur du vide, ces prisons devraient être rapidement remplies. Que ceux qui raisonnent ainsi et qui ont une solution m’en informent !

Nous avons déjà restauré toutes les prisons partout où cela était possible – je pense notamment à celle de Fleury-Mérogis. Les personnels pénitentiaires souhaitent évidemment que les conditions d’incarcération soient dignes : moins présentes sont les tensions, plus il est possible de travailler à la réinsertion des détenus. Certaines prisons, toutefois, ne peuvent pas être restaurées en raison de leur vétusté et le problème de la promiscuité impose également de nouvelles constructions.

Nous disposons de 2 000 nouvelles places – la construction du centre pénitentiaire de Lutterbach, par exemple, est désormais achevée, l’Alsace pouvant accueillir 800 détenus. Une deuxième tranche de 4 000 places est en cours sur quatorze chantiers, dont Basse-Terre, Caen, Gradignan, Fleury-Mérogis, Troyes-Lavau, Nîmes, Les Baumettes, Osny, Meaux, Le Mans, Montpellier, Avignon, Valence. Je tiens les photos de ces constructions à votre disposition. Le premier coup de pelleteuse pour une dernière tranche de 1 000 places aura lieu d’ici à la fin de l’année, la livraison du tout étant prévu en 2022.

Une nouvelle tranche de 8 000 places est également prévue. Nombre d’élus se tortillent devant les micros qui se tendent pour assurer à quel point il est utile, urgent, nécessaire, impératif et impérieux de construire des places de prison… mais pas chez eux. S’il y a des maires qui considèrent qu’accepter un établissement pénitentiaire relève de l’engagement citoyen et qui tiennent leurs terrains à la disposition de l’État, d’autres ne raisonnent pas du tout de la même façon. Ceux qui, souvent, réclament la construction de prisons sont le plus souvent aux abonnés absents lorsqu’il s’agit de les construire dans leur circonscription ou dans leur ville. J’ai négocié les 8 000 terrains : pour convaincre les élus, le travail est titanesque ! Des excuses abracadabrantesques, j’en ai entendu ! Je vous en cite une : « On ne peut pas construire de prison ici parce que, traditionnellement, nous organisons chaque année une battue de sangliers ». J’ai répondu, non sans persifler, qu’il y aura des miradors.

Contrairement à ce que j’ai entendu, le Président de la République sera au rendez-vous de ses engagements. En 2018, il a en effet déclaré que ces 15 000 places de prison seront construites d’ici à 2027 et ce sera le cas. Pour les 8 000 places, nous avons engagé le choix des terrains et les expertises. Je rappelle, pour les « y’a qu’à-faut qu’on », que le covid a de surcroît un peu ralenti les choses. Toute l’économie en a subi les conséquences, dont la construction.

La construction de vingt CEF est envisagée : cinq publics et quinze associatifs. S’agissant des CEF publics : le CEF de Bergerac a été lancé en 2019, son ouverture étant prévue au début de 2022 – j’irai l’inaugurer ; deux autres, à Rochefort et à Lure, l’ont été ou le seront très prochainement ; la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) prévoit le lancement des deux derniers projets en 2022. S’agissant des CEF associatifs, les projets sont également lancés : quatre, en 2019, dont le premier à Epernay, lequel ouvrira à la fin de l’année, et le second à Saint-Nazaire, qui ouvrira en 2022 ; cinq autres seront livrés entre 2023 et 2024 à Amillis, en Seine-et-Marne, Le Vernet, en Ariège, Montsinéry-Tonnegrande, en Guyane, et Apt, dans le Vaucluse. Deux autres projets sont en bonne voie et pourraient être effectivement lancés.

Là encore, les choses sont compliquées : « Il faut en construire mais pas chez nous ! ». Je rappelle que les CEF sont pourtant très efficaces et que les gamins qui y passent récidivent beaucoup moins. Cet investissement républicain est utile et indispensable.

Monsieur Hemedinger, vous avez exposé assez longuement ce qu’il est nécessaire de faire selon vous. Dans un premier temps, constatant que c’était là exactement ce que nous faisons, j’ai eu envie de vous dire : bienvenue dans la majorité ! Puis, alors que vous étiez en si bon chemin, vous vous êtes arrêté pour nous critiquer à propos des taux de vacance. Or, c’est vraiment le point sur lequel il ne faut pas venir nous chercher. Puisque vous me donnez des leçons et me dites ce qu’il faudrait faire, je vous rappelle ce que vous avez fait lorsque vous étiez au pouvoir : 102 magistrats, 142 greffiers et une dizaine de milliers de policiers de moins ! Et en matière de construction de prisons, vous n’avez pas fait grand-chose. Je vous le dis avec beaucoup de sympathie : si les murs de l’Assemblée ont des oreilles, ils ont aussi un peu de mémoire.

Les taux de vacance baissent de manière continue depuis quatre ans : pour les magistrats, le taux est pratiquement nul ; pour les greffiers, il est passé de 16 % ou 17 % à 6 % ; pour les surveillants, il est passé de 6,3 % en moyenne en 2018 à 4,92 % au 1er septembre 2021 – ce n’est pas rien ! Ce dernier chiffre correspond à 1 275 postes, il reste des choses à faire.

En outre, vous avez estimé que le taux de réponse pénale n’était pas satisfaisant, ce qui n’est pas tout à fait juste. En 2020, 89 % des affaires poursuivables ont reçu une réponse pénale ; 54 % ont fait l’objet de poursuites ; 42 %, d’une mesure alternative réussie ; 5 %, d’une composition pénale réussie. Le taux de 89 % est très intéressant, c’est même l’un des plus élevés d’Europe.

En revanche, je veux bien concéder que le délai d’exécution des peines demeure beaucoup trop long ; les Français en font légitimement grief à leur justice. J’ai tout fait pour réduire ce délai, et nous commençons à en voir les premiers résultats.

L’attractivité du métier de surveillant est au cœur de notre réflexion et de notre action. Les surveillants forment la troisième force de sécurité de notre pays. Ils exercent une profession difficile, insuffisamment connue et reconnue. En 2022, nous consacrerons plus de 13 millions d’euros à la revalorisation de leurs primes, de leurs heures de nuit et de leurs astreintes, sachant qu’il s’agit d’une politique pluriannuelle. Je souhaite, en outre, faire évoluer le statut des surveillants, pour améliorer durablement leur carrière. Le corps comportera désormais trois grades et la rémunération indiciaire sera accrue. Les crédits correspondants s’établiront à 4 millions.

Et je n’oublie pas les personnels d’insertion et de probation, les personnels administratifs et techniques, les psychologues et les cadres. Si vous adoptez le présent projet de loi de finances, nous aurons octroyé 120 millions aux mesures catégorielles sur l’ensemble de la législature.

Le nombre de candidats se présentant au concours de surveillant a nettement augmenté : en 2021, il a dépassé 13 000, pour 900 postes proposés. La question de l’attractivité du métier est donc résolue, tout au moins partiellement.

En matière d’aide juridictionnelle, nous poursuivons l’effort que nous avions annoncé. L’unité de valeur de référence est passée de 32 à 34 euros en 2021 ; elle passera de 34 à 36 euros en 2022. Cette deuxième étape sera financée par une enveloppe supplémentaire de près de 100 millions.

Nous améliorons le service rendu au justiciable et réduisons les délais de jugement, en cohérence avec l’objectif d’une justice de proximité. Je l’ai dit précédemment, une politique publique ne peut pas être expertisée au bout de quelques mois seulement. Néanmoins, je vous donne quelques chiffres permettant d’apprécier les progrès en la matière. Au tribunal judiciaire de Nanterre, le nombre de créneaux d’audience a augmenté de 33 %. Au tribunal judiciaire de Lyon, près de 800 dossiers supplémentaires d’affaires familiales seront traités d’ici à la fin de l’année. Autrement dit, 1 600 justiciables recevront une réponse judiciaire d’ici là, alors que ce n’était pas prévu initialement.

En ce qui concerne les violences intrafamiliales, nous avons été au rendez-vous de nos obligations. Toutes les juridictions sont pourvues en bracelets anti-rapprochement et en téléphones grave danger ; il suffit de les demander pour les obtenir. Plus de 400 bracelets anti‑rapprochement sont désormais actifs. Ils ont émis ces derniers temps plus de 400 alertes, ce qui signifie que l’on a évité la commission d’un certain nombre de crimes. Je le redis, car les crimes qui n’ont pas été commis ne font jamais la une des journaux – à la différence des crimes commis, qui nous plongent dans l’effroi et signent un échec collectif.

Nous nous intéressons de près à un autre outil, déjà employé en Espagne : les casques de réalité virtuelle pour les auteurs des faits. Conduite à l’initiative de neurologues, de psychologues et de psychiatres, l’expérimentation durera trois mois et sera suivie de neuf mois de travail scientifique. Nous en examinerons les résultats avec beaucoup d’attention. Certes, il ne suffit sans doute pas de mettre un casque de réalité virtuelle pour se défaire de sa violence. Mais j’ai moi-même mis un tel casque à deux reprises et j’ai trouvé cela très impressionnant. Je souhaite vous associer à cette expérimentation.

La justice de proximité procède de la volonté très forte de ce Gouvernement de faire revenir les services publics dans les territoires. Le réseau des points-justice est en train de se constituer ; il y en a déjà près de 2 000, dont beaucoup ont intégré une maison France Services. Destinés aux justiciables les plus modestes et les plus fragiles, ils fonctionnent très bien : les délégués du procureur, des avocats, des notaires s’y déplacent ; le taux de satisfaction des usagers est très élevé, 94 % – une telle unanimité pourrait même presque sembler, par nature, inquiétante ! Chaque fois que je me suis rendu dans un point-justice, j’ai été émerveillé par la façon dont on y accueille nos compatriotes : on leur donne de premiers conseils, on leur apprend à utiliser les outils numériques, on les oriente vers telle juridiction ou telle association de victimes. Les conseils départementaux de l’accès au droit ont pris toute leur place au sein de ce dispositif, avec leur réseau d’accès au droit déjà constitué.

Monsieur Bernalicis, vous avez eu un moment de faiblesse : vous avez dit du bien d’un ministre d’Emmanuel Macron ! Hélas, ce n’était pas moi ; c’était Mme Belloubet, qui le mérite d’ailleurs tout à fait.

Vous avez caricaturé mes propos. Dissipons un malentendu : comme d’autres, je pense que des gamins peuvent être sauvés par l’armée. En accord avec ma collègue Florence Parly, j’ai tenté un rapprochement, qui est en cours, entre la PJJ et l’armée. Bien évidemment, il ne s’agit pas de mettre tous les gamins dans un autobus pour les conduire dans une caserne ! Il s’agit d’orienter vers l’armée ceux que l’on aura identifiés, après expertise, comme susceptibles d’être aidés par cette institution, l’une des préférées des Français. On demande à des militaires de leur donner un coup de main, pour les sortir de là où ils se trouvent.

Dans les CEF, j’ai rencontré des gamins dont le projet était de partir à l’armée. Chacun a sa vocation – faire de la cuisine, reprendre des études… – et il faut tout tenter. Il importe que les éducateurs des CEF et la PJJ sachent qu’ils peuvent compter sur les militaires à cette fin.

Le doublé historique que j’ai évoqué se traduira, en 2022, par une augmentation de 4 % des dépenses de personnel, qui atteindront 4,2 milliards d’euros. Cette hausse permettra de financer 210 emplois publics, 720 créations nettes d’emplois, des mesures catégorielles à hauteur de 49 millions, une contribution à la protection sociale à hauteur de 16 millions. Les crédits d’investissement, de fonctionnement et d’intervention croîtront globalement de 12 %. Ils s’élèveront à 3,64 milliards d’euros pour l’administration pénitentiaire et à 3,11 milliards pour la justice judiciaire, sachant que nous poursuivrons notamment les efforts en faveur de la justice de proximité.

Vous avez assisté, dites-vous, à une audience solennelle d’installation à Lille, et vous prétendez que l’effectif cible ne correspondait pas aux besoins. Or c’est faux, car les objectifs cibles résultent du dialogue de gestion entre les chefs de cour et la direction des services judiciaires. Lorsque j’ai présenté le budget aux conférences des chefs de cour et de juridiction, il y a eu peu de critiques, pour ne pas dire qu’il n’y en a pas eu.

Évidemment, l’accueil par les syndicats a été un peu différent : l’année dernière, ils ont parlé de « rustines » ; cette année, de « cacahuètes ». Ayant remercié mes interlocuteurs pour la qualité du dialogue social et de nos échanges, j’ignore toujours si cette évolution sémantique correspond à une progression ou à une régression, mais peu importe.

Il ne se passe pas une semaine sans que j’aille voir les magistrats sur le terrain ou que je les reçoive à la Chancellerie. Ceux qui ont les mains dans le cambouis me disent ce qu’ils ont pu faire grâce au personnel supplémentaire ou aux nouveaux matériels. Je parle avec les gens, nous échafaudons des projets précis sur des questions techniques ou réglementaires ; c’est mon quotidien. Or tout le monde dit que ce budget est une véritable bouffée d’oxygène.

Je n’ai pas dit que tout était réglé, tant s’en faut – si tel était le cas, je démissionnerais. Mais beaucoup de choses se sont améliorées, il faut le reconnaître objectivement. Les magistrats que je rencontre sur le terrain le reconnaissent.

Je me souviens des réserves que vous avez émises lorsque l’Assemblée a discuté du code de la justice pénale des mineurs (CJPM). Désormais, ce code est pleinement entré en vigueur – Mme la présidente de la commission des lois a dit tout à l’heure qu’il était important que les textes votés soient appliqués ; cela va de soi et, en l’espèce, c’est bien le cas. Or, selon les premières remontées des juridictions, qui ne sont pas encore des bilans stabilisés, le délai moyen au niveau national entre l’audience de jugement et la prise en charge par la PJJ du mineur condamné s’établit à trois jours – cela va peut-être augmenter un peu –, contre plus de quatre mois auparavant.

Je dis que ça marche, et nous avons tout fait pour qu’il en soit ainsi. Conformément à ce que j’avais annoncé devant l’Assemblée, nous avons fait expertiser la situation par l’Inspection générale de la justice, puis nous avons affecté des personnels supplémentaires, notamment des éducateurs, et déployé des applicatifs. Pour ma part, je n’entends pas de doléances de la part des magistrats qui ont les mains dans le cambouis – mais peut-être n’avons‑nous pas les mêmes interlocuteurs. Les acteurs se sont emparés du CJPM, et cela commence à donner de premiers résultats.

Concernant les courtes peines, je suis sur la même ligne que Mme Belloubet : je pense qu’elles sont dépourvues d’intérêt, désocialisantes et criminogènes ; ce n’est absolument pas la solution. Pour certains gamins, la courte peine est un galon : lorsqu’ils en sortent, ils s’en vantent auprès de leurs petits camarades. Je préfère qu’ils fassent un travail utile. C’est pour cette raison que nous avons développé les travaux d’intérêt général (TIG) et que nous développons les travaux non rémunérés (TNR). Il faut une réponse pénale ultrarapide. Sous le régime de l’ordonnance relative à l’enfance délinquante, qui a précédé le CJPM, la moitié des mineurs ayant commis une infraction étaient condamnés une fois majeurs. Depuis lors, les délais ont été considérablement réduits, ce qui est bon du point de vue pédagogique. Ce que nous avons mis en place avec la loi du 23 mars 2019 et le « bloc peines » est extrêmement utile.

Pour ma part, je ne remets pas en cause l’utilité de la prison : elle sert à mettre notre société à l’abri d’un individu dangereux, à punir les infractions qui méritent de l’être. On fait de la prison une présentation manichéenne et sans nuance : vous êtes soit un affreux répressif, soit un affreux laxiste. Pourtant, j’en suis profondément convaincu, ce sujet mérite une particulière nuance.

Quant à l’utilité des CEF, je l’ai dit, elle est tout à fait démontrée. Le risque de récidive des gamins qui sont passés par un CEF est bien moindre. Une étude a même montré que, plus ils y restent longtemps – contrôlés, assistés par des éducateurs bénéficiant de moyens –, plus le risque de récidive s’estompe.

S’agissant des contractuels, nous en comptons 1 600, qui signent des contrats de trois ans renouvelables. Ils ont, ensuite, la possibilité de rester au sein de l’institution. Ils sont extrêmement utiles dans les juridictions. Je ne pratique pas là la méthode Coué. En tant que parlementaires, vous pouvez, comme moi, interroger les magistrats, procureurs ou présidents de tribunaux judiciaires. Ils vous expliqueront l’importance de ces personnels supplémentaires. J’ai déjà dit que, quand les magistrats du siège les ont vus arriver dans les parquets, ils ont demandé à en bénéficier. Un juriste assistant, travaillant aux côtés d’un magistrat, c’est deux fois moins de temps pour rendre une décision.

Quand je suis arrivé à la Chancellerie, je n’entendais parler que du manque de moyens. Aujourd’hui, je commence à entendre parler d’équipe autour du magistrat. Évidemment, cela ne signifie pas qu’il ne faut pas renforcer le nombre de magistrats – il y en aura cinquante de plus dans les juridictions, sans compter les remplacements des départs en retraite. Nous avons franchi la barre historique des 9 000 magistrats, pour atteindre 9 090. C’est considérable ! La notion d’équipe autour du magistrat n’est pas nouvelle, mais elle est dorénavant régulièrement évoquée, y compris lors des réunions les plus institutionnelles. Aux Pays-Bas, on pratique déjà ce concept : le magistrat travaille certes avec un greffier pour les activités juridictionnelles, mais également avec des avocats, qui viennent donner un coup de main dans des conditions particulières, et des juristes assistants, plus nombreux que chez nous. Les magistrats, me semble-t-il, souhaitent aller vers cette notion d’équipe.

D’autres contractuels ont signé des contrats d’un an, que nous envisageons de pérenniser, car il n’y aurait aucun sens à affecter des personnels supplémentaires aux tribunaux pour les leur retirer l’année suivante.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Depuis cinq ans, la commission des lois a travaillé de manière toujours collective et non antagoniste sur les questions relatives à la détention. Les groupes de travail transpartisans que nous avons créés nous ont permis de trouver un accord sur le « bloc peines », de mettre en avant le travail en détention, les travaux d’intérêt général (TIG), le traitement psychiatrique des détenus, etc. C’est l’honneur de notre commission et de tous les collègues qui y siègent que d’avoir su dépasser les clivages partisans. Je tenais à le rappeler et à les en remercier.

M. Rémy Rebeyrotte. Je suis d’une époque où les élus évitaient de commenter publiquement une décision de justice. Autant on peut questionner l’organisation de la justice et chercher à l’améliorer – ce sera le rôle des prochains états généraux de la justice – autant il est utile de réformer l’institution, de lui donner plus de moyens, de soutenir la justice de proximité, et vous le faites, monsieur le garde des sceaux, la justice est peut-être enfin sur une bonne voie. Nous devons nous abstenir de commenter une décision de justice, sans quoi nous contribuons à dégrader l’image d’une institution qui a plutôt besoin que nous l’aidions à rétablir la confiance en elle.

Les parquets participent aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et aux groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD), aux côtés des élus locaux, de la police et de la gendarmerie. Ces instances de prévention de terrain peuvent permettre, en amont de la répression, de modifier une situation parfois catastrophique dans certaines communes ou certains quartiers. Où en est-on de leur installation ?

M. Antoine Savignat. Au sein de cette assemblée, deux écoles s’opposent tout de même sur la détention : celle – à laquelle j’appartiens – qui constate qu’il n’y a pas assez de places de prison et que la politique pénale est souvent dictée par cette contrainte ; et celle qui considère que nos prisons sont trop pleines et les conditions de détention indignes. Notre groupe ne plaide pas pour que plus de peines soient prononcées, mais simplement pour que les magistrats ne soient pas bloqués par les capacités d’accueil dans les établissements pénitentiaires, comme dans les centres éducatifs fermés ou les structures d’accompagnement des malades irresponsables pénaux. Quelle que soit notre école, nous nous retrouvons sur un constat : il faut plus de places de prison.

Je partage l’analyse de M. Rebeyrotte. N’oublions pas que les gens sont en prison après être passés devant un magistrat. Nul en France n’est enfermé sans que cette procédure ait été respectée. Il ne nous appartient pas de commenter les décisions des juges, par contre, il nous revient de donner à ces derniers les moyens d’appliquer leurs décisions.

L’an passé, j’avais contesté le caractère historique du budget, en rappelant que l’histoire prend du temps. Le budget est encore en hausse cette année, nous pouvons donc considérer qu’il commence à marquer l’histoire de la justice. A-t-elle désormais les moyens de fonctionner ? Oui, sans doute. C’est donc sur son fonctionnement que nous devons nous interroger. Les Français veulent comprendre pourquoi, à moyens et contentieux identiques, certaines juridictions rendent leurs décisions dans des délais beaucoup plus courts que d’autres. L’argent seul ne fait pas le bonheur.

M. Guillaume Vuilletet. Difficile de contester un budget avec de telles hausses ! Bien sûr, on peut toujours effectuer des comparaisons européennes – nous continuons à être en retard –, mais nous n’en sommes plus à l’époque où Jean-Jacques Urvoas s’alarmait de ne pas pouvoir faire fonctionner ses photocopieurs sans ramettes de papier.

Ce budget de la justice, c’est à la fois le rattrapage d’un manque historique et une déclinaison du « quoi qu’il en coûte », car la crise sanitaire n’a pas été neutre pour le fonctionnement de la justice du fait notamment de l’évolution des formes de délinquance et de leur dangerosité. Les violences intrafamiliales, en particulier, auraient augmenté de 35 % pendant les différents confinements. Il y a un an, vous aviez inauguré le dispositif du bracelet anti-rapprochement (BAR) à Pontoise, dans ma circonscription. J’étais présent et très heureux d’avoir pu, avec d’autres collègues du Val-d’Oise, contribuer à faire avancer cette cause. Où en est-on exactement ? Quelles sont les prochaines étapes ?

M. Ludovic Mendes. Vous avez indiqué que plus de 3 500 personnels ont été recrutés au cours des douze derniers mois – un chiffre en effet historique qui mérite d’être salué. En matière de vacance d’emplois, l’attente des différentes catégories de personnels, aussi bien magistrats que greffiers et surveillants pénitentiaires, est particulièrement forte. Quelles sont les évolutions récentes et pouvez-vous rassurer les personnels sur l’avenir des recrutements ?

Mme Nicole Dubré-Chirat. Pour « déstocker », les contrats d’objectifs sont très intéressants, car il faut mettre des objectifs en face des moyens financiers. Les tribunaux ont aussi été invités, dans la période qui a suivi la pandémie, à traiter des dossiers sans audience, avec l’accord des deux parties. Est-ce toujours en vigueur ? Quant aux sorties anticipées, pourrait-on travailler sur la possibilité de libérer les personnes sous certains critères et conditions ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il y a évidemment encore des choses à faire et les états généraux, qui débutent la semaine prochaine, vont servir à cela. Tous ceux qui sont intéressés par la justice pourront s’exprimer.

Je souhaite, et je le rappelle parfois par voie de circulaire, que les parquets se rapprochent des élus. Je suis donc toujours sidéré quand des élus me disent qu’ils n’ont jamais vu le procureur – c’était le cas d’un maire lors d’un récent déplacement. En l’espèce, le procureur était présent et je me suis permis de lui rappeler que ce lien est essentiel, tout comme celui avec les forces de sécurité intérieure. Les parquetiers sont bien évidemment au contact des policiers et des gendarmes, mais ils doivent aussi tisser des liens avec les élus et les préfectures. Ils doivent être présents au sein des GLTD. Le taux de vacance, proche de zéro, le permet.

Le cloisonnement ne peut pas être un mode de fonctionnement, ni au sein de la magistrature, entre le parquet et le siège, ni, plus globalement, entre les magistrats, les élus et les autres forces vives de la nation. Récemment, pour la première fois, l’École nationale de la magistrature (ENM) a reçu le président de l’Assemblée nationale et celui du Sénat. L’ENM est pourtant une école de la République où l’on forme des magistrats, pas une école de juges pour les juges. Les discussions, les échanges permettent parfois d’apaiser les tensions et de trouver des solutions.

Grâce à l’apport des personnels supplémentaires, beaucoup de parquetiers ont nommé des référents élus ou des référents GLTD qui participent à ces réunions, importantes, car elles permettent d’envisager la délinquance de façon territorialisée. Beaucoup d’élus sont très satisfaits de ce nouveau mode de fonctionnement. D’ailleurs, quand ils s’étaient plaints auprès du Premier ministre qui les avait reçus à Matignon de l’inefficacité du rappel à la loi, en disant que seuls les gens honnêtes y étaient sensibles, nous l’avons supprimé.

Je suis convaincu que beaucoup de choses vont sortir des états généraux, qu’ils seront une chance pour l’institution judiciaire. La clochardisation de la justice dont Jean-Jacques Urvoas avait parlé est loin maintenant. Nous pouvons être fiers d’avoir redonné à la justice les moyens dont elle avait besoin, mais le travail est loin d’être achevé. Il faut désormais envisager certaines réformes structurelles démocratiquement, par l’échange, le débat, les désaccords ; que tout cela infuse. Les élus vont prendre toute leur part dans ces états généraux, et, je le souhaite, de façon transpartisane – il y va de la crédibilité de ces travaux. Ils ne doivent pas être perçus comme un projet de la majorité.  Et lors de mes déplacements, j’associerai les élus, mais aussi les greffiers, les magistrats, les policiers, les gendarmes, les avocats, les huissiers de justice, les notaires, les citoyens.

Monsieur Vuilletet, je me souviens parfaitement de cette journée de lancement du dispositif du bracelet anti-rapprochement à Pontoise. En 2020, 2,5 millions d’euros étaient consacrés au BAR, puis 3 millions en 2021 et 3,7 millions en 2022. Toutes les juridictions en sont pourvues et 456 ordonnances de port ont déjà été prononcées. J’ai pris une circulaire appelant à ne laisser en aucun cas ces bracelets dans les tiroirs ; depuis, leur utilisation a connu une accélération. L’Espagne, souvent citée en exemple, a mis dix ans pour en déployer 1 100 ; toutes nos juridictions en ont à leur disposition, comme elles ont des téléphones grave danger.

Sur la durée du quinquennat, 850 emplois de greffiers ont été créés, dont 47 créations nettes inscrites dans le cadre du PLF pour 2022. La baisse du taux de vacance a été continue ; il est désormais seulement de 6 %. Nous serons passés de 9 332 greffiers au début de 2018 à 10 172 greffiers au 1er octobre 2021. N’oublions pas les 1 200 renforts de greffe recrutés dans le cadre de la justice de proximité, et la transformation numérique qui met également en valeur le travail des greffiers. Je veux ici leur rendre hommage, car ils ont formé les renforts et c’était pour eux un effort supplémentaire. Ils en récupèrent aujourd’hui le bénéfice puisque ces renforts les aident beaucoup. Nous envisageons leur pérennisation, car on ne peut plus s’en passer.

Quant aux audiences en visioconférence à la demande des parties, le dispositif perdure ; il est justifié, même s’il n’est plus utilisé dans les mêmes conditions que pendant le confinement. C’est d’ailleurs un point qui figure dans mon projet de loi, car l’utilisation de la visioconférence simplifie parfois la vie de nos compatriotes, qui n’ont pas besoin de faire 1 000 kilomètres quand la question peut se régler à distance. C’est aussi cela une justice de proximité, efficace, rapide et simple.

Suivant la préconisation des rapporteurs pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice » non modifiés.

 

Article 44 : revalorisation de l’aide juridictionnelle

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 44 non modifié.

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La réunion se termine à 17 heures 10.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Ian Boucard, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Victor Habert-Dassault, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, Mme Marie-France Lorho, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Michel Mis, M. Didier Paris, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, Mme Cécile Untermaier, M. Guillaume Vuilletet

Excusés. - M. Éric Ciotti, Mme Paula Forteza, M. Mansour Kamardine, Mme Catherine Kamowski, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Sylvain Waserman

Assistaient également à la réunion. - M. Yves Hemedinger, Mme Isabelle Santiago