Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 Audition du professeur Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique Covid-19, et de M. Simon Cauchemez, modélisateur à l’Institut Pasteur, membre du conseil scientifique Covid-19                            2

  Informations relatives à la Commission................ 18

 


Mercredi
1er décembre 2021

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 27

session ordinaire de 2021-2022

Présidence de
Mme Yaël Braun-Pivet,
présidente
 


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La réunion débute à 11 heures 05.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission auditionne le professeur Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique Covid-19, et M. Simon Cauchemez, modélisateur à l’Institut Pasteur, membre du conseil scientifique Covid-19.

Lien vidéo : https://assnat.fr/GWgzyh

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Chers collègues, nous sommes réunis ce matin parce que la situation épidémique de notre pays ne s’améliore malheureusement pas. Dans le cadre du contrôle que le Parlement effectue sur l’action du Gouvernement concernant la situation sanitaire, il m’a semblé nécessaire de procéder à un certain nombre d’auditions. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à M. Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique Covid-19, de venir aujourd’hui devant la commission des lois. Il est accompagné de M. Simon Cauchemez, membre du Conseil scientifique et épidémiologiste à l’Institut Pasteur.

Messieurs, nous avons de nombreuses questions à vous poser sur l’évolution probable de cette épidémie, sur les trajectoires que vous pouvez d’ores et déjà nous présenter et sur la dangerosité du nouveau variant omicron. Celui-ci présente-t-il une résistance particulière au vaccin, ou bien les vaccins sont-ils toujours aussi efficaces contre cette nouvelle souche du virus ? Qu’en est-il de la troisième dose ? Quelles sont les recommandations du Conseil scientifique concernant l’obligation vaccinale, que l’Allemagne commence à considérer ?

M. Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique Covid-19. Je m’exprimerai au nom du Conseil scientifique pour vous présenter le fruit de son travail, et non vous donner la vision d’un seul expert. Les scientifiques doivent faire preuve de beaucoup d’humilité et savoir reconnaître quand ils se trompent. Ce virus n’est peut-être pas diabolique, comme je l’avais affirmé en mars 2020, mais il est difficile et nous pose des problèmes complexes.

Deux éléments caractérisent la situation actuelle : d’une part, l’arrivée de la cinquième vague, dont nous devons appréhender les enjeux, d’autre part, l’irruption d’un nouveau variant, baptisé omicron. Que sait-on et, surtout, qu’ignore-t-on de cette nouvelle souche ? Comment doit-on l’envisager dans le contexte de la cinquième vague ?

Le variant delta, dont le niveau de transmission est beaucoup plus élevé que celui du variant alpha, est bien à l’origine de la cinquième vague. La précédente, en juin et juillet, était de faible ampleur et liée à un contexte très particulier – événements sportifs, météo différente. La vraie vague liée au variant delta a lieu en ce moment. Elle a débuté en Europe de l’Est et dans certains pays européens où le niveau de vaccination était plus faible qu’en France. L’importance de la vague dépend non seulement du taux de vaccination, mais aussi de l’application – ou non – des gestes de prévention et des gestes barrières. Celle-ci a été très différente selon les pays européens, la France étant l’un de ceux où ces gestes étaient les plus pratiqués. Les données de Simon Cauchemez confirment qu’il n’y a pas de solution miracle mais que des progrès sont possibles en augmentant le nombre de vaccinations et en renforçant les gestes barrières.

Après un nouveau séquençage du variant delta, il apparaît que celui-ci n’a pas connu de nouvelles mutations depuis le mois de juin. Si la cinquième vague survient maintenant, c’est probablement en raison du climat – comme il fait plus froid, nous vivons davantage à l’intérieur, passant plus de temps dans les zones de contamination.

L’ensemble des pays européens sont touchés. La France l’a été plus tardivement que l’Europe de l’Est et même que certains pays intermédiaires comme l’Allemagne. En revanche, l’Espagne et le Portugal sont moins atteints en raison du niveau de vaccination extrêmement élevé de leur population, en particulier chez les personnes âgées. Il en va de même pour l’Italie, celle-ci étant toutefois en train de nous rejoindre.

La nouveauté de cette cinquième vague est qu’elle est extrêmement rapide. Après avoir débuté probablement mi-octobre en France, elle s’est accélérée au cours des trois dernières semaines, le nombre de contaminations s’établissant hier à environ 47 000. Le haut niveau de vaccination permettra-t-il d’en limiter l’impact sur l’hospitalisation et sur les soins critiques ? Le système de santé reste la variable d’ajustement dans la réponse à l’épidémie.

La vaccination est un élément essentiel dans la lutte contre l’épidémie. Il est désormais acquis que les vaccins offrent une protection importante contre la survenue de formes sévères ou graves. Toutefois, je sens bien qu’il y a en ce moment, en population générale, l’impression que les vaccins ne font pas totalement le job. Et pourtant si, ils le font ! Dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), par exemple, l’impact de la cinquième vague sur les personnes les plus âgées a été bien moindre, les contaminations n’ayant pas de retentissement important.

En revanche, la protection contre les formes sévères ou graves diminue avec le temps, en particulier chez les personnes les plus âgées, sujettes à l’immunosénescence. Il est probable qu’elle baisse également chez les jeunes, de façon certes moins marquée. Nous disposons désormais des données israéliennes, qui sont assez claires : l’efficacité diminue au bout de cinq à six mois. Dès lors, comment rétablir une immunité à un certain niveau, chez les personnes les plus âgées comme dans la population jeune, afin de les protéger contre les formes sévères ou graves ?

Deuxième fait acquis, les vaccins, quel que soit leur type, ont un effet limité sur la transmission et sur l’infectiosité. Ce message est difficile à faire passer : pourquoi un vaccin, qui protège contre les formes sévères et les formes graves de la maladie, ne protège-t-il que modérément contre la transmission du virus ? Si les vaccins préservent de l’infection, certains jouent, en plus, un rôle sur la pathogénie. Cela n’a rien de nouveau mais je reconnais que ce n’est pas facile à comprendre.

Concernant la transmission, les premières données ont montré que le vaccin la réduisait dans une proportion d’environ 70 %. On sait désormais que cette protection diminue beaucoup avec le temps, y compris chez les sujets jeunes : les données israéliennes et écossaises ont permis d’établir que la réduction de la transmission au bout de six ou sept mois n’était plus que de 30 %. Il existe donc une différence majeure entre l’effet des vaccins sur la survenue de formes sévères ou graves, qui est persistant et solide, et l’effet sur la transmission du virus, qui est limité dans le temps.

La troisième dose, ou le rappel vaccinal, peut être administrée avec le même vaccin ou avec un vaccin hétérologue. On peut passer de Pfizer à Moderna, de Moderna à Pfizer ou d’AstraZeneca à Pfizer : cela n’a pas d’importance car les résultats sont les mêmes. Selon les données dont nous disposons, un rappel stimule la réponse immunologique de façon très importante puisque celle-ci est multipliée par sept ou dix au bout de quelques jours. Elle s’accompagne d’une réduction importante de la survenue des formes sévères ou graves, ainsi que du nombre d’infections. C’est important d’un point de vue stratégique car cela signifie que le rappel vaccinal permet de récupérer une partie de l’efficacité des vaccins en matière de réduction de la transmission.

Toutefois, nous ne savons pas combien de temps cette protection dure. Moi-même, ayant été vacciné parmi les premiers, au mois de janvier, je me suis refait vacciner au mois de septembre. Suis-je encore bien protégé, trois mois plus tard ? Je le pense profondément, compte tenu du niveau de vaccination et de réponse immunitaire que l’on obtient après cette troisième dose, mais nous ne le savons pas encore avec certitude.

L’efficacité immunologique et clinique du rappel se manifestant au bout de quelques jours, nous disposons donc d’un outil offrant une réponse immédiate. J’approuve totalement la décision qui a été prise de faire le rappel cinq mois après la deuxième dose, car c’est à partir de cinq mois que l’on constate une diminution de la réponse, en particulier chez les personnes âgées. La troisième injection suscite d’ailleurs l’engouement des Français, qui comprennent très bien cela. Il faut toutefois faire très attention à l’encombrement que l’on commence à constater dans la prise de rendez-vous : la priorité doit porter sur les plus de 50 ans, les populations les plus fragiles et les personnes avec des risques médicaux connus. Je laisserai Simon Cauchemez vous présenter des projections concernant l’impact de la troisième dose sur le niveau d’hospitalisation, sachant que les dix jours à venir seront décisifs.

Plusieurs scénarios étaient envisagés pour l’évolution de la pandémie : retour à une situation endémique, ou épidémique de type grippe, ou encore survenue d’un nouveau variant ayant certaines capacités de transmission mais aussi d’échappement immunitaire. C’est ainsi que le variant omicron est apparu, au Botswana ou en Afrique du Sud. Il est présent dans ce dernier pays depuis sans doute début octobre, alors que 25 % seulement de la population était vaccinée, essentiellement avec le Johnson & Johnson de Janssen, et que le virus circulait peu.

Le nouveau variant inquiète parce qu’il présente beaucoup de mutations, dont trente dans la protéine spike, qui sert de récepteur au virus. Elles se trouvent dans des zones de la spike qui ne sont pas anodines : régions de scission S1/S2 et zones impliquées dans l’immunité innée, la transmission et la réponse vaccinale. Il y a également des mutations ou des délétions dans d’autres zones que la spike.

Actuellement, on ne sait pas si ce variant entraîne une gravité particulière. D’après les dernières données communiquées hier soir par nos collègues sud-africains, il n’y aurait pas d’impact particulier dans la population la plus âgée et la plus fragile. En revanche, les enfants seraient plus fréquemment atteints par ce variant ; toutefois, ce point n’est pas confirmé. Son niveau de transmission est au moins équivalent à celui du variant delta mais nous ne savons pas encore s’il est supérieur – rappelons qu’il y a une semaine encore, on ne parlait pas du variant omicron.

Que sait-on de la sensibilité de ce variant aux vaccins, aux anticorps monoclonaux ou aux nouvelles thérapeutiques qui sont en train d’arriver ? Les mutations observées suggèrent que certains anticorps monoclonaux pourraient connaître une perte d’efficacité. Il s’agit d’anticorps produits en laboratoire, injectés par voie veineuse ou sous-cutanée, qui permettent de lutter directement contre le virus et de réduire la survenue de formes sévères ou graves. Ils doivent être administrés très précocement.

Deux médicaments directement dirigés contre le virus seront bientôt disponibles. Il s’agit d’antiviraux à action directe. Le premier est le molnupiravir, produit par Merck. Il sera disponible dans quelques jours en France, le Gouvernement ayant commandé plusieurs dizaines de milliers de doses. Il permet de réduire le passage aux formes sévères et aux formes graves. Le deuxième antiviral, un inhibiteur de protéase de chez Pfizer, devrait être disponible à partir de janvier. Il réduit de façon encore plus significative – de l’ordre de 70 % à 80 % – l’évolution vers une forme sévère ou grave. Ces deux médicaments doivent être administrés de façon extrêmement précoce. C’est une nouveauté dans l’arsenal de lutte contre le Covid : on peut désormais envisager une stratégie de test and treat – tester et traiter – en donnant des médicaments par voie orale, sous forme de comprimés. Nous ne les avons pas encore ; il faut anticiper et procéder à une série de commandes de ces médicaments. Nous pensons qu’ils seront efficaces contre le variant omicron car leur cible n’est pas la spike.

Concernant la sensibilité aux vaccins, nous sommes en attente. Les mutations nous inquiètent parce qu’elles concernent des cibles de la production des anticorps induite par les vaccins. La réponse immunitaire apportée par les vaccins repose sur les lymphocytes B, qui produisent des anticorps, et sur les lymphocytes T, dont la réponse cellulaire, plus difficile à mesurer, fait l’objet de nombreuses recherches actuellement ; leurs cibles sont donc différentes. Nous pensons que la réponse cellulaire sera en partie efficace contre le variant omicron. Nous nous attendons donc raisonnablement à une diminution de la protection des vaccins contre le variant omicron. En revanche, nous ne savons absolument pas dans quelle proportion : moins 50 %, moins 60 % ? On devrait le savoir dans les deux à trois semaines qui viennent.

Comment relier la cinquième vague à la survenue du nouveau variant ? Que va-t-il se passer ? Les contextes sont très différents. Le variant est apparu en Afrique dans un pays où la population est faiblement vaccinée et qui ne connaît pas de circulation virale. À l’inverse, l’Europe, dont le niveau de vaccination est élevé, subit une cinquième vague, avec le variant delta, qui est extrêmement agressif. L’arrivée du nouveau variant nous semble inéluctable, quelles que soient les mesures qui seront prises – il est déjà présent dans un certain nombre de pays. C’est une situation que nous avons déjà connue avec le variant bêta sud-africain, qui s’était installé en Lorraine, avant d’être « mis sous cloche » par l’arrivée du variant alpha anglais. Il y a une sorte de compétition, non pas entre les variants – c’est une fausse idée – mais entre les personnes qui sont infectées. Il est possible que l’installation du variant omicron, qui prendra progressivement la place du delta, dure plusieurs semaines. Il faut donc profiter de ce délai pour se donner les moyens de le combattre, avec en particulier le rappel vaccinal.

La réponse à la cinquième vague et la réponse à l’arrivée progressive du variant omicron sont identiques : il faut être capable de diagnostiquer puis de vacciner, avec une injection de rappel pour stimuler la réponse immunitaire. J’insiste néanmoins sur le fait que nous ne sortirons pas de la pandémie en tablant uniquement sur l’innovation technologique : il est fondamental de rappeler l’importance des mesures de protection individuelle et globale. Un gain, même faible, de l’ordre de 10 % à 15 %, dans l’application des mesures de protection peut avoir un impact significatif sur le système de soins, en particulier concernant l’occupation des lits. Le message est donc double : vive l’innovation, vive l’arrivée du rappel vaccinal, mais serrons les boulons concernant les gestes de protection individuelle et collective pour éviter le retour de contraintes beaucoup plus fortes.

M. Simon Cauchemez, modélisateur à l’Institut Pasteur, membre du Conseil scientifique Covid-19. Je vais vous présenter deux types d’analyses que nous faisons dans l’unité de modélisation mathématique que je dirige à l’Institut Pasteur.

Dans le premier type d’analyses, nous essayons d’anticiper ce qui va se passer dans les hôpitaux à court terme. Ces travaux, qui sont utilisés par la direction générale de l’offre de soins et les agences régionales de santé (ARS) pour prévoir le nombre de lits nécessaires dans les dix jours ou les deux semaines à venir, ont beaucoup évolué durant l’année écoulée. Initialement, nous ne regardions que la croissance des hospitalisations mais, très vite, nous nous sommes rendu compte que nous avions toujours un peu de retard, parce que les hospitalisations sont le dernier signal. Nous avons donc mis à jour nos modèles pour prendre en considération des indicateurs plus précoces – dynamiques des cas, taux de positivité, données de mobilité et de météorologie.

Nous avons utilisé une approche qui nous vient de la météorologie. Chaque modèle ayant ses limites, nous avons décidé de les mettre en compétition et de faire une moyenne : on obtient ainsi de meilleurs résultats. Toutefois, comme pour la météo, on peut se tromper : en moyenne, à l’échelle nationale, les erreurs concernant le nombre de lits sont de l’ordre de 6 % à sept jours et de 10 % à quatorze jours ; le pourcentage est supérieur à l’échelle de la région.

Le deuxième type d’analyse est très différent. Au-delà de quatorze jours, on ne parle plus de prévisions, parce qu’il y a bien trop d’incertitudes concernant les comportements, qui peuvent changer très rapidement quand la situation se dégrade, l’efficacité vaccinale, le nombre de doses qui seront distribuées, les décisions qui seront prises, les groupes qui seront ciblés… Il faut donc d’emblée reconnaître que l’on n’est pas capable de prédire ce qui va se passer. En revanche, nous faisons des scénarios, dans lesquels nous déclinons toutes les hypothèses. Cela nous permet non pas de prédire le pic – quand on passe d’un scénario à l’autre, l’amplitude est très importante – mais de mieux comprendre comment le respect des gestes barrières, le rythme de distribution des doses de rappel ou le ciblage des groupes peuvent influer sur cette dynamique. Ces scénarios à moyen terme servent donc d’outils permettant de mieux apprécier les facteurs influant sur ces dynamiques.

Les prévisions à court terme ne sont malheureusement pas bonnes : on s’attend à dépasser 1 000 hospitalisations par jour d’ici deux semaines. Cela aura des conséquences importantes sur le nombre de lits en soins critiques, qui approchera 3 000 à la mi-décembre. Nous avons toute une série de modèles en compétition pour établir ces prévisions, et tous s’accordent à dire qu’il y aura une croissance forte des hospitalisations dans les dix jours qui viennent. Le nombre de cas enregistré hier ne va d’ailleurs pas dans le sens d’un ralentissement de l’épidémie.

Pour les scénarios d’évolution à moyen terme, nous procédons à une nouvelle itération de nos modèles, lesquels prennent en considération à la fois la saisonnalité – il y a plus de transmissions en hiver qu’en été – et le phénomène de décroissance progressive de l’immunité, plus importante pour la protection contre l’infection que pour la protection contre l’hospitalisation.

Nous avons fait trois scénarios. Le premier table sur un maintien de la dynamique actuelle de croissance ; le deuxième envisage l’hypothèse où il n’y aurait aucune dose de rappel ; enfin, le troisième étudie le ciblage de différents groupes pour le rappel, avec un rythme de distribution de 400 000 doses par jour – un rythme fort, que l’on n’a pas encore atteint. Il n’y a pas si longtemps, notre scénario de référence était que si les Français, à compter du 10 décembre, changeaient un peu leur comportement, en réduisant les contacts et les événements de transmission de seulement 10 % et en recourant davantage au télétravail, cela aurait un impact considérable sur la vague.

En revanche, les conséquences des stratégies de rappel diffèrent. En ciblant uniquement les plus âgés, nous nous attendons à une réduction de la taille du pic de l’ordre de 20 % ; si l’on cible les plus de 50 ans, elle serait d’environ 30 %, et de 44 % si l’on vise les plus jeunes. Dans un scénario où le rythme de distribution serait plus faible, la vague serait plus importante, avec un niveau d’hospitalisations qui atteindrait celui de la deuxième vague.

Nous nous sommes penchés aussi sur les effets du délai entre la dernière dose administrée et la dose de rappel. Il a été décidé de le réduire de six à cinq mois pour augmenter le nombre de personnes éligibles et accélérer ainsi la vaccination.

Les nombreuses incertitudes qui demeurent nous empêchent de prévoir la taille du pic, qui dépendra de nombreux éléments, notamment de notre capacité à modifier notre comportement et des effets de la dose de rappel, qui peuvent être très positifs, surtout si elle est administrée rapidement et à une large population.

Mme Marie-George Buffet. Vous avez expliqué que le nouveau variant venait d’Afrique australe. Peut-on vaincre la pandémie en Europe sans consentir un effort important pour soutenir les pays du continent africain, non seulement en leur fournissant des vaccins mais aussi en les aidant à mener des campagnes de vaccination ? On ne peut pas se contenter de fermer des frontières, d’autant qu’elles n’ont jamais arrêté les virus. Que pensez-vous du comportement des puissances économiques sur ce point ?

Les onze vaccins obligatoires ont permis de faire reculer de nombreuses maladies. On apprenait ainsi, il y a quelque temps, que le dernier cas de poliomyélite avait été vaincu en Afrique. Depuis le début, je pense qu’il aurait été plus simple d’imposer la vaccination contre la Covid-19 plutôt que ce système bien compliqué du passe sanitaire. Qu’en pensez-vous ?

Mme Cécile Untermaier. Je partage les préoccupations de Mme Buffet. On n’arrêtera pas seuls, en France, les chaînes de contamination. Tous les modèles concluent à une augmentation préoccupante des hospitalisations dans les prochaines semaines. La vaccination obligatoire permettra-t-elle de résoudre ce problème ? Je ne suis pas sûre que cette seule réponse suffise. Nous recevons des personnes opposées à la vaccination dans nos permanences : avons-nous déployé suffisamment d’outils pédagogiques pour les rassurer ? Je pense aux délais, aux risques secondaires. Comment faire pour leur donner confiance ? Les médicaments antiviraux peuvent-ils être un relais utile pour que la population entière soit protégée, soit par un vaccin soit par les médicaments ?

Les fêtes de fin d’année approchent et la période est propice aux rencontres conviviales. L’année dernière, vous nous appeliez à la plus extrême prudence. Ne conviendrait-il pas de rendre à nouveau les tests gratuits, quitte à en limiter le nombre, pour protéger non seulement les personnes qui ne sont pas vaccinées mais aussi celles qu’elles rencontreront ? C’est une question personnelle, qui n’engage pas mon groupe. Ne vous méprenez pas sur le sens de ma question : je suis favorable à la vaccination et je comprends les réserves que vous pourriez émettre à cette proposition.

Enfin, disposons-nous de suffisamment de doses en France pour procéder à la troisième injection ? Quand je vois les difficultés du service médical de l’Assemblée nationale à rassembler les doses pour les députés et leurs collaborateurs, je me pose des questions pour le reste du pays !

Mme Nicole Dubré-Chirat. Je vous rejoins, monsieur Delfraissy, sur l’importance des gestes barrières : il me semble que nous avons un peu lâché prise.

Est-il important d’administrer la dose de rappel avant le délai initialement prévu de six mois afin d’accélérer l’immunité individuelle et collective ?

Faut-il vacciner les enfants entre 5 et 12 ans, compte tenu des nouvelles connaissances et de la circulation du variant omicron ?

Devons-nous envisager de rendre la vaccination obligatoire ? L’Allemagne y réfléchit de son côté.

Comment pourrions-nous renforcer l’aide que nous apportons aux pays d’Afrique qui n’ont pas les moyens financiers de couvrir largement leur population ?

Enfin, il n’a pas été prévu, cette fois-ci, de limiter le nombre de personnes dans les établissements recevant du public, en particulier les grandes surfaces. Serait-il nécessaire d’y procéder ?

M. Philippe Latombe. S’il s’avérait nécessaire de recourir à un nouveau vaccin pour faire face aux variants, celui-ci ne serait pas disponible avant plusieurs mois. Sera-t-il possible de l’administrer dans la foulée de la troisième dose, sans délai entre les deux ? Est-il bien nécessaire d’administrer une troisième dose aujourd’hui alors que nous ne connaissons pas l’efficacité du vaccin actuel contre le nouveau variant ?

Deux entreprises françaises, Valneva et Xenothera, travaillent sur des produits plus universels que les vaccins dont nous disposons. Est-il dans le rôle du Conseil scientifique de proposer au Gouvernement de précommander des doses auprès de ces laboratoires ou d’investir dans ces laboratoires, pour éviter que de nouveaux variants ne soient pas couverts par les vaccins ? Le cas échéant, l’avez-vous fait ?

M. Dimitri Houbron. Ces derniers jours, deux événements nous préoccupent particulièrement : la remontée du nombre de personnes contaminées et l’apparition du variant omicron. La cinquième vague se traduit par une explosion du nombre de personnes contaminées, pas moins de 47 000 nouveaux cas ayant été déplorés en vingt-quatre heures, hier. Selon les prévisions, le nombre d’hospitalisations pourrait monter jusqu’à 1 000, voire 1 200 par jour pour ce mois-ci.

Quelles sont les raisons d’une telle reprise de l’épidémie ? S’expliquerait-elle par un effilochement de notre couverture vaccinale, ce qui justifierait l’administration d’une troisième dose, par une hausse des contaminations par les enfants ou les adolescents ou encore par la circulation du variant delta, dont le taux de contagiosité est particulièrement élevé ?

Au passage, disposez-vous d’informations qui permettraient d’évaluer le degré de protection conféré par la dose de rappel ? Ainsi, Israël, à la fin de l’été dernier, a brisé une nouvelle vague grâce à une vaste campagne de rappel. Dans ce pays, le nombre de cas, aux environs de 700, ne dépasse pas le niveau de juillet, ce qui témoigne de la persistance de l’efficacité de la troisième dose. La durée de protection pourrait-elle se prolonger au-delà de six mois ?

Quant au variant omicron, qui incite nos voisins à fermer leurs frontières, vous semblez moins alarmiste. Lorsqu’il est apparu en Afrique du Sud pour la première fois, le 8 novembre, la pandémie arrivait au terme d’une vague. Le variant circulait peu malgré la faiblesse de la couverture vaccinale de la population – 28 % – et l’administration majoritaire de l’AstraZeneca et du Janssen unidose, moins efficaces que le Pfizer ou le Moderna.

Vous ne semblez pas certain que le nouveau variant s’imposera en Europe, où les couvertures vaccinales sont très élevées et où le variant delta circule rapidement. Sera-t-il possible de mesurer le niveau de contagiosité et de létalité du variant omicron afin de déterminer si son expansion nous obligera à prendre d’autres mesures ?

M. Jean-François Delfraissy. Je remercie Simon Cauchemez pour l’immense travail, internationalement reconnu, qu’il a réalisé.

Concernant la vaccination, le Conseil scientifique et le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, présidé par Alain Fischer, travaillent main dans la main et se transmettent toutes les informations qu’ils recueillent. Alain Fischer est un ami de longue date et il nous est arrivé de rédiger des avis communs au sujet de cette pandémie. Cette manière de travailler est particulièrement intéressante dans cette période d’incertitude.

Pour ce qui est de la cinquième vague, il n’y a aucune raison de penser que le variant delta, qui en est responsable, serait différent de celui de juin dernier. C’est le même, il n’a pas muté, mais il a – ce que les conditions climatiques de juin dernier n’avaient pas permis de détecter – une capacité de transmission très élevée, largement supérieure à celle du variant alpha, ce qui explique cette nouvelle vague en Europe, plus ou moins atténuée par le niveau de vaccination de chaque pays. Toutefois, je le répète, pour le moment, il n’y a aucune raison de penser que le variant delta a muté.

Vous vous demandez ce qui nous attend. L’injection d’une dose de rappel suffira-t-elle à endiguer la vague et si oui, au bout de combien de temps ? Rappelons quelques chiffres. On dénombrait hier 1 200 nouvelles hospitalisations classiques et 270 en réanimation. Aujourd’hui, 1 800 lits sont occupés en réanimation par des malades atteints d’une forme grave ou sévère du Covid. On doit comparer ce chiffre aux 8 000 lits occupés en réanimation au pic de la deuxième vague. Le nombre des hospitalisations va augmenter mais pas dans les proportions que nous avons déjà connues. Surtout, si l’on atténue dans le temps le moment d’occupation des lits, on réduit les risques de saturation.

La situation va-t-elle s’aggraver ou suivre le modèle anglais ? Forts d’un haut niveau de vaccination, que nous avons presque atteint aujourd’hui, les Anglais ont décidé de n’instaurer aucune restriction et de laisser circuler le virus. Les conséquences ont été rudes pour le modèle de soin mais contenues. L’enjeu est là. Parviendrons-nous, grâce au vaccin, à maîtriser la vague et son impact sur notre système de soin ou, au contraire, la situation se détériorera-t-elle trop vite, avant même que la campagne pour la dose de rappel puisse porter ses fruits ? D’un naturel optimiste, j’ai envie que l’on vaccine le maximum de personnes le plus rapidement possible pour atteindre un modèle d’équilibre, mais rien n’est certain.

J’en viens au variant omicron, dont on se demande comment il s’installera en Europe où le contexte est différent puisque la couverture vaccinale y est élevée et la circulation du variant delta très intense. L’incertitude est grande car on ne connaît pas sa transmissibilité – mais elle est au moins aussi élevée que celle du variant delta, voire supérieure. Néanmoins, nous pensons qu’il mettra un certain temps avant de s’installer. Nous devons donc être capables de l’observer. À cette fin, nous disposons de plusieurs outils. Les tests antigéniques réalisés en pharmacie détectent le variant omicron – si une personne est atteinte, ils permettent de le savoir – mais ils ne l’identifient pas. En effet, les tests antigéniques en pharmacie se fondent sur une reconnaissance de protéines du virus différentes de la protéine spike. Cela signifie que quand un test antigénique en pharmacie se révèle positif, il est impératif d’avoir une confirmation par un test PCR pour que l’on puisse déterminer par quel virus on est infecté. Malheureusement, un tiers des personnes concernées n’en font pas faire. Il est indispensable de faire passer ce message : après un test antigénique positif, il faut faire un test PCR.

Les PCR dits de criblage permettent de détecter les variants déjà connus – ils donnent un signal. Il est ensuite nécessaire de procéder à un séquençage pour identifier le virus en cause. Contrairement à ce que l’on entend, aucun retard n’a été pris en la matière en France : on sait le faire. Santé publique France, l’agence nationale chargée de la recherche sur les maladies infectieuses émergentes et le consortium EMERGEN en sont capables. Alors que le nombre séquençages tournait autour de 2 000 par semaine en janvier 2021, entre 16 000 et 20 000 par semaine sont à présent disponibles. On peut les utiliser. Il est erroné de prétendre que le taux de capacité de séquençage par rapport au niveau de diagnostic serait faible. C’est par rapport au test PCR de criblage qu’il faut mesurer notre capacité de séquençage et, en l’espèce, le travail de séquençage réalisé avec Santé publique France ne souffre d’aucun retard.

Concernant les vaccins, on a pu déduire des données israéliennes que le vaccin commençait à perdre de son caractère protecteur contre les formes graves et sévères au bout de cinq mois, chez les sujets les plus âgés mais aussi chez les jeunes. Les autorités sanitaires ont donc décidé, la semaine dernière, de recommander l’administration de la dose de rappel à partir de cinq mois après la dernière injection. La population est très motivée mais rappelons que les personnes de plus de 50 ans, à risque, sont prioritaires. Alain Fischer insiste sur ce point avec raison.

Parallèlement, on doit continuer à essayer de convaincre les personnes qui ne sont toujours pas vaccinées. Elles sont 6 millions en France, dont 600 000 parmi les plus de 75-80 ans. C’est là un cœur de cible difficile. Autant on pouvait nous reprocher de ne pas être allés vers eux en juillet, autant cette critique n’est plus fondée aujourd’hui. Des efforts considérables ont été consentis à l’échelon local, où les services municipaux sont allés à leur rencontre. Toutefois, la tâche reste difficile. Que dire à une petite mamie de 84 ans qui ne saisit pas l’utilité de se faire vacciner car elle ne voit personne ? Cela pose la question de l’obligation vaccinale. Je ne devrais pas vous répondre car la décision est éminemment politique mais je le ferai tout de même. Reprenons l’exemple de cette petite mamie, qui n’est pas un cas d’école – c’est quelqu’un que j’ai connu, gamin, en province. Si l’on impose la vaccination et qu’elle persiste à ne pas s’y soumettre, croyez-vous qu’on lui enverra les gendarmes ? Comment contrôlera-t-on le respect de l’obligation ? Permettez au président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) que je suis de vous poser cette question : certes, la santé est un élément essentiel, mais doit-on, pour autant, se priver d’une certaine forme de liberté ? Surtout, la vaccination obligatoire permettrait-elle réellement de gagner en efficacité ?

Il faudra sans doute soulever ce débat et ce sera à vous de donner votre impression. La décision sera politique. L’Allemagne commence à l’évoquer à cause de son voisin autrichien. Voyons d’abord ce qu’il se passe à l’étranger – mais, pour le moment, l’immense majorité des grandes démocraties n’est pas passée à l’obligation vaccinale.

La vaccination des enfants est un sujet complexe. Les enfants ne font pratiquement pas de formes sévères ou graves – en tout cas en Europe, à la différence des États-Unis où l’obésité est plus répandue. Le rapport bénéfices-risques du point de vue médical est donc relativement faible ; il existe, très limité, dans la mesure où la vaccination pourrait prévenir les syndromes inflammatoires de type PIMS – syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique. La vraie question est de savoir si la vaccination permettrait à l’enfant de rester plus facilement dans son milieu scolaire. La France est très en avance en la matière : elle est l’un des pays du monde qui a le plus gardé les écoles ouvertes, ce qui est fondamental du point de vue sociétal. Compte tenu de l’épidémie majeure en train de survenir chez les enfants et qui va encore s’amplifier dans les semaines qui viennent, y aurait-il pour eux un bénéfice individuel, d’ordre psychologique, à rester cependant à l’école grâce à la vaccination ? La question est posée.

L’Agence européenne des médicaments a donné son feu vert à la possibilité de vacciner les jeunes enfants – ce qui ne veut pas dire qu’il faut les vacciner. La Haute Autorité de santé (HAS) s’est prononcée hier en recommandant la vaccination chez les enfants à risque – immunodéprimés, transplantés, suivant une chimiothérapie, souffrant de certaines maladies de déficit immunitaire –, donc en lien avec une indication médicale, et se donne le temps de la réflexion avant d’aller plus loin. Le CCNE a reçu une saisine du ministre des Solidarités et de la santé sur la question de savoir s’il faut ou non vacciner les enfants et sur les enjeux que cette question implique. Vous le savez, je me déporte lorsque le CCNE se prononce sur des sujets liés au Covid, afin de ne pas mélanger mes deux positions. Un groupe de travail a été constitué et débutera ses auditions en milieu de semaine. Enfin, le groupe réuni autour d’Alain Fischer formulera des recommandations sur la vaccination chez l’enfant, probablement au milieu de la semaine prochaine.

On attend une donnée importante, quoique insuffisante : la tolérance au vaccin, à court et moyen terme, chez les petits enfants. Nous disposons de données sur les essais dans cette population, mais elles portent sur 1 000 à 1 500 sujets et ne sont donc pas significatives. Les États-Unis ont décidé, dans un contexte dont je rappelle qu’il est différent, avec une pathologie Covid chez l’enfant beaucoup plus marquée qu’en Europe, de commencer à vacciner les enfants il y a maintenant trois semaines ; ils en vaccinent environ 1,2 million par semaine. Nous devrions donc avoir à la mi-décembre un recul de quelques semaines sur la vaccination de ces enfants – dont mon petit-fils, qui vit aux États-Unis et a été vacciné comme les autres ! Ensuite, le groupe d’Alain Fischer étudiera la tolérance chez les enfants, afin de savoir si la dose de vaccin minimale qu’ils recevraient peut entraîner des effets secondaires de type myocardite.

La vaccination des enfants peut-elle jouer un rôle sur la circulation du virus dans l’ensemble de la population ? Simon Cauchemez pourra nous en dire quelques mots, puisque son équipe travaille à des modélisations à ce sujet.

En ce qui concerne le retour à la gratuité des tests, je comprends parfaitement que la question soit posée en pleine phase épidémique.

Elle nous amène à aborder un problème complexe. Une grande partie des personnes qui vont s’infecter à partir de maintenant sont vaccinées. Ce n’est pas un échec du vaccin : celui-ci protège contre les formes sévères et graves ; son niveau de protection contre l’infection, après deux injections, diminue, je l’ai dit, avec le temps. Il y a 53 ou 54 millions de Français qui ont déjà reçu un vaccin : dans la population, la proportion de personnes vaccinées est donc bien plus importante que celle de personnes non vaccinées. Il est dès lors normal que le virus touche et infecte davantage la population vaccinée – mais c’est difficile à comprendre pour nos concitoyens, voire pour les médecins. Il s’agit d’un modèle mathématique : si une masse de personnes a été vaccinée, sachant que la protection qu’apporte le vaccin contre l’infection n’est pas aussi bonne que ce que nous aurions souhaité, mais demeure très bonne contre les formes sévères et graves – elle fait son job –, un certain nombre des personnes infectées sont des personnes vaccinées. Vous le voyez déjà autour de vous.

Je rappelle que les personnes vaccinées qui se font tester – je le sais pour le faire très régulièrement – bénéficient de la gratuité des tests. Dès lors, qu’apporterait celle-ci pour la minorité de personnes qui ne sont pas vaccinées en regard de l’incitation au vaccin que représente le fait de payer le test ?

Les médicaments pourraient-ils changer la donne ? Je ne le sais pas, je l’espère ; j’ai en tout cas tenu à les évoquer. Nous en avons peu parlé jusqu’à présent d’abord parce qu’il n’en existait pas encore, ensuite parce qu’il ne faut pas freiner l’élan vers le vaccin, puisqu’il est nécessaire de combiner vaccin et médicaments pour nous en sortir. Les médicaments seraient évidemment donnés en priorité aux personnes non vaccinées, faisant une pathologie, âgées de plus de 50 ans – les personnes à protéger.

Enfin, il faut évidemment aller vers la vaccination mondiale, comme l’a souhaité la France – le Président de la République a parlé de « bien public mondial » au sujet du vaccin. J’espère que le sujet sera abordé au plus haut niveau à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Souvenons-nous en ce 1er décembre, Journée mondiale de lutte contre le sida, que la France a été leader dans la défense de la gratuité des antirétroviraux pour les pays du Sud.

Du point de vue strictement technique qui est le mien, il convient de rappeler certaines choses. La pandémie de Covid-19 est une épidémie du Nord, de sujets âgés. La population africaine est très jeune. Selon les données de l’agence nationale chargée de la recherche sur les maladies infectieuses émergentes, au Mali, en République démocratique du Congo ou au Cameroun, les niveaux de séropositivité au SARS-CoV-2, dans les grandes métropoles comme en province, sont de 70 %. S’il faut bien sûr aller vers une vaccination généralisée, il convient de le faire étape par étape. De même que l’Europe a initialement choisi de vacciner d’abord les plus anciens, il y a en Afrique, comme dans d’autres zones aux ressources limitées, deux cibles prioritaires : les plus de 60 ans, qui y sont moins représentés que dans les pays du Nord, et les soignants, soit, au total, 20 % environ de la population. Actuellement, la couverture vaccinale est de 5 % en Afrique subsaharienne. Passer de 5 % à 100 %, ne rêvons pas : on n’y arrivera pas. De même, les multithérapies n’ont pas été accessibles dans tous les pays du monde au même moment. Il y a donc un choix stratégique à faire, qui incombe à ces pays. La France appuie la construction en Afrique du Sud d’une usine de vaccins à ARN messager.

M. Simon Cauchemez. En ce qui concerne le bénéfice collectif de la vaccination des enfants et sa capacité à amoindrir la taille de la vague, nous sommes en train d’intégrer cet aspect à nos travaux de modélisation, mais nous n’avons pas encore fini de le faire. D’autres modélisations ont été réalisées à propos du bénéfice individuel et des meilleures stratégies permettant de limiter la circulation du virus dans les écoles – le nombre de 8 000 classes fermées, dont on a beaucoup parlé, est énorme. Parmi ces stratégies, la pratique de tests répétés, toutes les semaines, a été étudiée par l’équipe de Vittoria Colizza, à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) ; elle donne des résultats, mais elle est compliquée à instaurer, coûteuse et suscite difficilement l’adhésion. En comparaison, la vaccination d’une bonne proportion de ce groupe d’âge réduirait le besoin de recourir à ce type de stratégie logistiquement complexe.

Pourquoi la cinquième vague ? On parle beaucoup de la protection contre l’hospitalisation, mais la protection contre l’infection est aussi un facteur très important pour comprendre le processus. Quand la protection contre l’infection n’est que de 30 %, la situation reste explosive : les personnes qui n’ont pas été vaccinées et celles qui font partie des 10 % de vaccinés mal protégés sont toutes infectées en même temps, lors du pic, ce qui entraîne la saturation des hôpitaux. Une protection de 90 % contre l’hospitalisation, c’est très bien, mais même si l’on vaccinait toutes les personnes fragiles, il en resterait tout de même 10 % qui pourraient être infectées et hospitalisées, à comparer aux 3 % à 5 % de personnes fragiles infectées lors de la première vague, proportion qui avait suffi à en faire une grosse vague. Il faut donc aussi une bonne protection contre l’infection : d’où l’importance du rappel.

M. Jean-François Delfraissy. S’agissant de la question de savoir si les doses de vaccin sont disponibles en nombre suffisant pour procéder au rappel, c’est aux autorités sanitaires d’y répondre. J’ai cru comprendre que c’était le cas et que nous avions 25 à 27 millions de doses immédiatement accessibles, à la fois en Moderna et en Pfizer. Quant à l’opérationnalité de la vaccination, on sent bien qu’il y a ces jours-ci un petit goulot, une légère tension qui, à mon avis, va se desserrer : tout le monde a bien compris qu’il fallait de nouveau étendre massivement notre capacité de vaccination.

En ce qui concerne les nouveaux vaccins, notamment fabriqués par des compagnies françaises, ce n’est pas à nous de juger de leur efficacité, c’est au Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, avec qui nous en parlons. Ils ne permettront pas de résoudre le problème de la cinquième vague et du rappel massif qui doit avoir lieu dans les semaines qui viennent, mais ils sont évidemment à prendre en considération pour la suite.

Quant aux vaccins dédiés, deux vaccins qui visaient d’autres virus mutés que le variant omicron sont en cours d’expérimentation chez Moderna, de même qu’un vaccin dédié chez Pfizer. Les nouveaux vaccins dédiés qui visent directement omicron peuvent être prêts dans un délai de cent jours, mais ne nous y trompons pas : même dans cette hypothèse, ils ne seront jamais utilisables dans cent jours pour une vaccination de masse ; on ne pourra pas compter sur eux avant la fin du printemps dans le meilleur des cas. Il ne faut donc pas attendre : ce sera trop tard ; il faut vacciner actuellement avec ce que l’on a.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Les territoires ultramarins sont dans une situation très différente de celle de l’Hexagone, du point de vue du climat, du taux de vaccination ou de l’application de mesures de restriction – l’état d’urgence y est encore en vigueur dans certains endroits. Monsieur Cauchemez, faites-vous des projections pour chaque territoire d’outre-mer et, si oui, que donnent-elles ?

M. Rémy Rebeyrotte. Je suis inquiet du fait que les tensions entre vaccinés et non-vaccinés viennent actuellement de la crainte des premiers de subir fortement la cinquième vague à cause du refus des seconds de se faire vacciner. Il y a quelques mois, c’étaient plutôt ceux qui ne souhaitaient pas se faire vacciner qui étaient très en colère.

À quelle échéance disposerons-nous du témoignage de pays qui auront rendu la vaccination obligatoire ? Cela nous permettrait de voir comment nous pourrions éventuellement aller dans cette voie, même en bout de parcours et même si la question des libertés peut se poser.

Le fait de ne pas choisir la vaccination a-t-il un effet amplificateur sur les vagues successives ou est-il à relativiser ?

M. Jean-François Eliaou. Faut-il parler de rappel ou de troisième dose ? La sémantique a changé au cours des dernières semaines. Nos concitoyens sont très soucieux de la réponse.

Quels sont les outils de suivi employés ? Pourra-t-on, au bout d’un certain temps, mesurer les anticorps d’une personne qui aura été vaccinée pour la troisième fois, étant entendu que la réponse humorale n’est pas nécessairement la réponse universelle face au virus ?

Alain Fischer a indiqué que chez le petit enfant, le risque de myocardite était plus élevé en cas d’infection sauvage. Dans le cadre de l’évaluation du rapport bénéfices-risques, cela ajoute-t-il un avantage individuel à la vaccination des enfants ?

Pour maintenir les enfants vaccinés à l’école, encore faut-il que les personnels connaissent leur statut virologique et vaccinal ; or la disposition que nous avions votée en ce sens a été censurée par le Conseil constitutionnel.

Monsieur Cauchemez, avez-vous prévu dans vos simulations le brassage populationnel et générationnel que vont entraîner les fêtes de fin d’année ? N’allons-nous pas connaître une situation compliquée en janvier ?

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Beaucoup nous disent qu’au-delà des gestes barrières et de la vaccination, il faudrait améliorer l’aération des locaux et utiliser des dispositifs de purification de l’air. Avez-vous des recommandations plus précises sur ces deux pratiques ? Peuvent-elles servir de moyens de protection supplémentaires ?

Mme Danièle Obono. Monsieur Delfraissy a souligné la nécessité de ne pas se limiter à la réponse vaccinale. C’est important : on en revient, ce qui nous ramène à la question de l’obligation ; il y a là une impasse. Ce constat pose la question des autres moyens, notamment collectifs, au-delà du rappel individualisé des gestes barrières. Je pense moi aussi aux purificateurs d’air, ainsi qu’aux capteurs de CO2, dont la présence devrait être systématisée dans les écoles et dans tous les lieux brassant du public. Avez-vous des éléments plus précis à nous communiquer sur les méthodes collectives de prise en charge et les infrastructures nécessaires pour réduire le niveau de contamination, en complément de la vaccination ?

Hier, un avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a posé la question de l’efficacité du passe sanitaire. Voilà plusieurs fois que la CNIL interpelle le Gouvernement pour lui demander des données précises concernant l’évaluation de cette efficacité. La seule réponse, pour le moment, consiste à dire que le passe sanitaire a entraîné une augmentation du nombre de prises de rendez-vous de vaccination, ce qui était l’effet recherché – de notre point de vue, et pour beaucoup d’autres que nous, le passe sanitaire est en ce sens une obligation vaccinale déguisée. La question de son efficacité sanitaire reste en tout cas posée. Le Conseil scientifique ayant précédemment jugé que le passe était nécessaire, j’aimerais connaître votre point de vue. Menez-vous des études à ce sujet ? Pourrait-on avoir une évaluation scientifique de cette efficacité ?

J’ai été frappée par votre réponse à propos de la gratuité des tests. C’est une mesure que nous défendons, comme la gratuité des masques, car si l’on veut qu’il y ait davantage de gestes barrières, de comportements individuels de protection, il faut que les personnes en aient les moyens. Vous avez posé la question de l’intérêt de cette mesure pour les non-vaccinés. Il nous semble précisément qu’elle est nécessaire à celles et ceux qui sont les plus éloignés de la vaccination, par désaccord ou pour d’autres raisons, telles que la précarité. Certes, elle représente un coût, mais c’est à nos yeux un prix à payer. Elle constitue par ailleurs un élément de pédagogie et un facteur de traçage de l’évolution du virus.

Enfin, concernant la vaccination au niveau international, la levée des brevets, qui faisait hier encore l’objet d’une manifestation, me paraît un enjeu essentiel pour que toute la planète – ou en tout cas les 20 % de personnes dont vous avez parlé – soit protégée et que la pandémie soit mieux régulée à l’échelle mondiale.

M. Alain Tourret. Du point de vue juridique, l’enjeu de la vaccination obligatoire peut se résumer ainsi : si l’on avait ordonné l’obligation vaccinale, y aurait-il eu moins de morts ? Si l’on établit que oui, cela entraîne la responsabilité pénale de l’ensemble des responsables politiques. La Cour de justice de la République est actuellement saisie ; c’est sur cet aspect qu’elle va insister pour déterminer si une faute d’imprudence au sens du code pénal peut être retenue.

M. Jean-Pierre Pont. La cinquième vague était prévisible en cette saison : le virus responsable du Covid-19 aime bien le froid et l’humidité, comme l’a précédemment montré la présence de foyers dans des abattoirs. Hier, 47 000 tests étaient positifs. Connaît-on les proportions respectives de vaccinés et de non-vaccinés parmi ces personnes positives ? Y a-t-il en leur sein des multirécidivistes ?

Vous l’avez dit, dans les armes dont nous disposons, il y a le vaccin, qui est efficace contre la contagiosité et surtout contre les formes graves – il faut rappeler que la majorité des personnes hospitalisées sont non vaccinées –, mais aussi les gestes barrières, qui sont essentiels ; il faudrait insister pour qu’ils deviennent obligatoires.

Quant au nouveau variant, ce n’est ni le premier ni le dernier – il y en a déjà eu plus d’une centaine –, mais peut-être trop de spécialistes donnent-ils leur avis à son sujet, des avis parfois différents, voire opposés, ce qui entraîne beaucoup d’incertitudes et d’inquiétudes dans la population. Vous l’avez indiqué, il nous faut deux à trois semaines pour mieux étudier ce variant. Après bientôt deux ans d’épidémie, nous n’en sommes plus à ce délai près : ne faut-il pas prendre le temps de cette étude afin de donner les renseignements les plus exacts et les plus sûrs ?

M. Jean-François Delfraissy. Je commencerai par répondre à la dernière question, qui m’a beaucoup préoccupé, à titre personnel, depuis le début de la crise. Je l’ai dit, les médecins et les scientifiques doivent faire preuve de beaucoup d’humilité, tout en étant capables, à certains moments, d’être parfaitement clairs, et reconnaître ce qu’ils savent et ce qu’ils ne savent pas. Les médias, partenaire important pour l’information, ont joué un rôle majeur dans cette crise, mais ils ont aussi, à certaines périodes et s’agissant de certaines chaînes télévisées d’information en continu, beaucoup brouillé l’information. Le but n’était pas d’informer, mais de créer le débat, donc de faire de la désinformation. Je l’ai dit publiquement, et j’avais fait part de mes interrogations à la commission ad hoc : ne fallait-il pas un peu de régulation ? Bien sûr, il convient de respecter la liberté de la presse, mais qu’en est-il de l’éthique des journalistes ? On en est parfois loin. Ce sont des sujets que je ne maîtrise pas ; je vous soumets mon questionnement.

Je trouve que, de ce point de vue, la période actuelle est plus calme. Évidemment, dès que cela chauffe à nouveau, on voit réapparaître le problème dans les médias. Nous nous posons la question au sein du Conseil scientifique : devons-nous intervenir dans les médias ou non ? Vous aurez remarqué que nous nous en sommes beaucoup retirés. S’agissant du variant, il nous a paru important de donner une conférence de presse pour informer à son sujet.

Prenons le temps, comme vous l’avez dit, puisque la crise est longue : c’est une course de fond. S’agit-il même encore d’une crise, près de deux ans après son début et alors que nous savons tous qu’elle sera encore là en 2022 ? De l’aigu, on passe au chronique. C’est une donnée nouvelle pour la gestion de la situation.

En ce qui concerne les autres moyens que le vaccin, nous les avons mis en avant. Les Français ont été très résilients, ont accepté beaucoup de mesures ; ils sont fatigués ; tout le monde en a assez. Nous devons cependant leur demander à nouveau de se protéger, puisque les données de Simon Cauchemez montrent que 10 % à 15 % d’amélioration des mesures de protection peuvent avoir un retentissement sur le système de soins.

S’agissant de l’aération des locaux, et des capteurs de CO2 comme moyen de mesurer si elle est suffisante, on peut probablement mieux faire. Nous avons formulé des recommandations en ce sens dans notre dernier avis sur la gestion de la cinquième vague, il y a dix jours. Le Haut Conseil de la santé publique a pris position à ce sujet il y a quelques mois. Nous disposons de données émanant des épidémiologistes. L’utilisation plus répandue de capteurs de CO2 dans les entreprises, dans les lieux publics et, probablement, dans les écoles – mais voyez le nombre de capteurs qu’il faudrait ! – est à encourager. Elle fait en ce moment l’objet d’une discussion entre les autorités sanitaires et les autorités locales. Pour la petite histoire, un capteur de CO2 coûte 40 à 45 euros. Il faut être bien clair sur le fait qu’il ne dit rien de la présence du virus dans l’air : il ne peut capter que les effets d’une aération insuffisante de la pièce.

Ce que j’ai voulu indiquer au sujet de la gratuité des tests, c’est que l’important est la fluidité d’accès aux tests en cette période de très forte reprise de l’épidémie, en particulier pour les non-vaccinés, mais aussi pour les vaccinés, afin de permettre un diagnostic précoce et, éventuellement, un traitement. Il s’agit d’une décision très politique. D’un autre côté, maintenir les tests payants alors que s’applique le passe sanitaire peut avoir un petit effet supplémentaire sur l’adhésion au vaccin.

Il est normal que la CNIL formule des remarques sur le passe sanitaire : elle est là pour ça. Le passe sanitaire a très clairement montré son efficacité pour pousser à la vaccination ; quant à son effet sur la lutte contre l’extension de l’épidémie, nous manquons de données, je le reconnais volontiers. Toutefois, l’enjeu, c’est la vaccination. Nous avons souligné l’importance du rappel. Dès lors que le Conseil scientifique considère qu’une partie importante de la population doit recevoir rapidement un rappel, il est logique qu’il recommande de maintenir le passe sanitaire et d’y intégrer ce rappel. Sinon, l’étape suivante sera l’obligation vaccinale, qui, on l’a vu, est l’enjeu d’autres débats.

Il n’y aura pas de suivi individuel immunologique de l’efficacité de la nouvelle injection. Je rappelle d’ailleurs que la présence d’anticorps à un certain niveau ne permet pas de savoir si l’on est ou non protégé : malheureusement, nous n’avons pas en la matière de bon corrélat de protection. Un certain type de sérologie permet seulement de savoir si l’on a été infecté ou non.

En revanche, il sera procédé à un suivi scientifique. Des équipes vont effectuer une étude de cohorte portant sur des personnes de plus de 65 ans ayant reçu leur injection afin d’examiner la durée du maintien d’une réponse immunologique forte secondaire au rappel ou à la troisième dose. Je le répète : après un rappel, la réponse immunologique est de sept à dix fois plus forte que celle obtenue grâce à deux doses ; c’est plus qu’un booster, c’est une véritable multiplication.

Faut-il parler de rappel ou de troisième dose ? C’est une très bonne question. Les avis du Conseil scientifique parlent de « rappel/3e dose ». Si l’on considère que le schéma vaccinal se compose de deux doses plus un rappel, comme pour l’hépatite B, la notion de rappel est logique. Si l’on pense qu’après le rappel il peut y avoir une autre vaccination, éventuellement par un nouveau vaccin, il s’agit plutôt d’une troisième dose, sachant qu’il y en aura peut-être une quatrième. On ne peut pas dire : « Vous recevez deux doses, puis un rappel, et tout est réglé » ; je suis très prudent sur ce point. On va résoudre un problème dans l’immédiat – la cinquième vague, possiblement le nouveau variant –, mais ensuite, s’il faut une autre dose d’un vaccin dédié, on l’aura.

J’en viens aux publics précaires. L’épidémie est profondément injuste, comme beaucoup de maladies : elle touche les sujets les plus fragiles, les plus âgés, et les populations les plus précaires. Le département de Seine-Saint-Denis ou la banlieue Nord de Marseille ont été plus touchés que d’autres zones. Dans la banlieue Nord de Marseille, le niveau de vaccination ne dépasse pas 38 %, soit presque le niveau de certains départements d’outre-mer. En revanche, les données, notamment issues du milieu associatif, suggèrent que le niveau de vaccination des populations précaires – dont la définition reste certes délicate – n’est pas si mauvais, de l’ordre de 72 %, contre 77 % à 78 % dans la population générale.

S’agissant des enjeux juridiques de la vaccination obligatoire, en lien avec la Cour de justice de la République, ils me dépassent et je m’empresserai évidemment de ne pas répondre à la question. Mon point de vue est beaucoup plus pragmatique : voyons ce qui, dans les faits, conduirait à l’obligation vaccinale. Jusqu’à présent, aucune grande démocratie ne l’a imposée, même si certaines en discutent. Un sujet aussi difficile mérite que l’on prenne le temps d’y réfléchir. Il y a déjà des discussions avec une faible fraction de la population française qui reste antivax ; ne risque-t-on pas d’amplifier le rejet de la vaccination, ce qui serait contre-productif ?

M. Simon Cauchemez. Si l’on réussissait à vacciner davantage de non-vaccinés, cela changerait-il la situation ? Les non-vaccinés représentent à peu près 10 % des adultes et 50 % des personnes hospitalisées ; en les vaccinant, on diviserait d’emblée presque par deux le nombre d’hospitalisations. La réponse à la question est donc positive : l’effet serait puissant.

Quant à la proportion de vaccinés et de non-vaccinés parmi les personnes testées positives, selon les données de Santé publique France, l’incidence est de 230 tests positifs pour 100 000 chez les non-vaccinés, contre 69 pour 100 000 chez les vaccinés. Ces données restent difficiles à interpréter, car le geste d’aller se faire tester n’a pas le même sens selon que l’on appartient à l’une ou l’autre de ces populations.

L’année dernière, nous avons estimé que les fêtes de fin d’année avaient provoqué une augmentation de 10 % des taux de transmission ; nous n’avons pas pris ce facteur en compte dans nos simulations. Il peut faire grimper les courbes ; toutefois, vu l’amplitude de ce que nous projetons, ce ne serait pas un grand changement : il serait de l’ordre des marges d’erreur que nous vous avons précédemment présentées.

Nos projections à court terme portent sur tous les territoires, mais, concernant les territoires d’outre-mer, l’incertitude est plus grande du fait de données moins nombreuses et de leur délai de déclaration : il y a beaucoup plus de bruit. Ainsi, pour la Martinique, nos dernières projections étaient sans doute un peu décalées à cause des délais de déclaration des cas. Plus ponctuellement, par exemple quand une situation se dégrade fortement, nous pouvons réaliser des travaux de modélisation plus spécifiques. Nous l’avons fait pour la Guyane l’année dernière, au moment du couvre-feu, et nous échangeons actuellement avec nos collègues scientifiques en Nouvelle-Calédonie, qui se chargent des modèles tandis que nous leur apportons un soutien méthodologique et des conseils.

M. Jean-François Delfraissy. Pour bien faire passer le message : le risque de se retrouver en réanimation ou de décéder à cause du Covid est dix fois plus important chez les non-vaccinés que chez les vaccinés.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. C’est le chiffre que nous avions obtenu, Philippe Gosselin, Stéphane Mazars et moi-même, lorsque nous nous sommes rendus en Guadeloupe, où, au mois d’août, 91 % des personnes en réanimation n’étaient pas vaccinées. Ces chiffres sont très parlants.

Merci beaucoup d’être venus. Je crains que ce ne soit pas la dernière fois : nous aurons plaisir, si j’ose dire, à vous retrouver, probablement au début de l’année prochaine.

 

La réunion se termine à 12 heures 50.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

        Mme Coralie Dubost et M. Dominique Potier co-rapporteurs de la mission d’évaluation de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre ;

        MM. Xavier Breton, Vincent Bru, Mmes Marie-George Buffet, Alexandra Louis, M. Pierre Morel-À-L’Huissier, Mme Danièle Obono, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier membres du groupe de travail visant à étudier les suites législatives éventuelles à donner au rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église.


Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Laetitia Avia, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Blandine Brocard, M. Vincent Bru, Mme Marie-George Buffet, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, Mme Isabelle Florennes, M. Laurent Garcia, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Émilie Guerel, M. Victor Habert-Dassault, M. Sacha Houlié, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Marie-France Lorho, M. Olivier Marleix, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Michel Mis, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L’Huissier, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, Mme Valérie Oppelt, M. Didier Paris, M. Jean-Pierre Pont, M. Dominique Potier, M. Éric Poulliat, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. - M. Ian Boucard, M. Philippe Dunoyer, Mme Lamia El Aaraje, Mme Paula Forteza, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, M. Matthieu Orphelin, Mme Maina Sage

Assistaient également à la réunion. - M. Dimitri Houbron, M. Sylvain Waserman