Compte rendu

Délégation aux collectivités territoriales
et à la décentralisation

 Audition de M. Olivier DUSSOPT, Ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargé des Comptes publics, sur la situation des finances locales.                             2

 


Mardi
18 Janvier 2022

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 05

session ordinaire de 2021-2022

Présidence de
M. Jean-René CAZENEUVE, Président

 


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La réunion débute à 17 heures 30.

 

Présidence de M. Jean-René Cazeneuve, président,

 

 

 

 

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

 

https://assnat.fr/v8HTq4

 

La Délégation procède à l’audition de M. Olivier Dussopt, Ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargé des Comptes publics, sur la situation des finances locales.

 

M. le président Jean-René Cazeneuve. Chers collègues, nous auditionnons M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur la situation spécifique des finances locales. Vous avez pris l’habitude de vous exprimer devant notre délégation, monsieur le ministre délégué, ce dont je vous remercie.

L’année 2020 a été particulièrement difficile pour les collectivités territoriales. Plusieurs phases se sont succédées. Il y a d’abord eu un choc qui a fait craindre à beaucoup d’élus et d’associations un impact extrêmement important sur leurs finances. Nous avons voté très rapidement, au mois de juillet 2020, des mesures destinées à soutenir les collectivités dont on anticipait qu’elles seraient extrêmement coûteuses. Mais, à mesure que l’année se déroulait, nous nous sommes rendu compte, ce qui a constitué une bonne nouvelle, que l’impact était moindre que ce que l’on pouvait craindre et le coût du soutien de l’État s’est donc aussi réduit. Nous savons maintenant que l’impact a été de 4 milliards d’euros pour l’ensemble des collectivités territoriales en 2020, au regard de recettes réelles de fonctionnement s’élevant à environ 215 milliards d’euros.

L’année 2021 a été marquée par un rebond pour l’économie et pour les collectivités territoriales. Nous avons envie de vous entendre sur ce point, même s’il est toujours un peu périlleux de donner des chiffres : nous savons que les comptes arrêtés à fin décembre sont maintenus connus, mais ce qu’on appelle la journée complémentaire, qui va jusqu’à la fin du mois de janvier, peut changer significativement la donne. J’imagine que vous resterez donc prudent. Néanmoins, 2021 s’annonce très bien. Dans mon dernier baromètre, j’avais estimé que les recettes de fonctionnement devaient augmenter d’au moins 3 % et que la capacité d’autofinancement devait également rebondir, aux alentours de 10 %. Avez-vous quelques éléments à nous donner ? Comment qualifieriez-vous l’état des finances des collectivités territoriales ? Nous aimerions aussi avoir un bilan global du soutien de l’État.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Merci de nous donner la possibilité d’avoir cet échange.

Je vais vous donner les éléments dont nous disposons concernant l’exécution en 2021, même s’ils sont encore provisoires – il y a, vous l’avez dit, la journée complémentaire et l’arrêté des comptes administratifs. Les tendances qui se dégagent sont plutôt bonnes pour 2021 et rassurantes pour 2022.

En ce qui concerne la réponse de l’État aux difficultés rencontrées par les collectivités pendant la crise du covid, je dirais qu’elle a été, avant tout, prudente. Nous avons fait le choix politique de garantir le niveau des recettes des collectivités – c’était l’objectif du filet de sécurité, sur lequel je reviendrai. Nous avons prévu des crédits importants sur le fondement, à l’occasion des différents projets de loi de finances rectificative, d’hypothèses de diminution des recettes des collectivités qui se sont finalement révélées trop alarmistes. Cela nous a permis de dégager des moyens pour compenser les pertes des autorités organisatrices de la mobilité (AOM), ce que nous n’avions pas prévu initialement : du fait de la moindre consommation des compensations de recettes fiscales et domaniales, nous avons pu apporter un soutien majeur en la matière.

S’agissant des concours financiers de l’État aux collectivités en 2021, je suivrai une approche plus globale que celle des seuls crédits dédiés à l’urgence et au fonctionnement des collectivités. La totalité des crédits fléchés l’an dernier par l’État vers les collectivités s’élève à 62,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 58,9 milliards en crédits de paiement. Cela représente une augmentation très nette par rapport au niveau antérieur à la crise : c’est 17 % de plus qu’en 2019 pour les autorisations d’engagement et 12 % de plus pour les crédits de paiement.

Les prélèvements sur recettes se sont élevés en 2021 à 43,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ils ont progressé de 2,5 milliards par rapport à 2019, notamment en raison des dispositifs de compensation des pertes de recettes des collectivités et de la compensation de la révision des valeurs locatives des établissements industriels dans le cadre de la baisse des impôts de production.

Les crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales (RCT) ont également augmenté. Ils ont atteint 4,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 4,2 milliards en crédits de paiement. Leur hausse est avant tout liée à l’ouverture de 950 millions pour la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) en 2020 et à l’augmentation de 228 millions de la dotation « masques » et de 315 millions des crédits consacrés au Fonds de stabilisation des départements en 2020 et 2021.

Le même constat vaut pour les crédits de subventions des différents ministères aux territoires, qui atteignent 4,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et, en raison de quelques décalages, 5 milliards en crédits de paiement

Après avoir diminué en 2020, du fait de la crise du covid et de la récession, la TVA attribuée aux régions a dépassé en 2021 son niveau antérieur à la crise. Nous en sommes à 4,6 milliards d’euros alors que les recettes de TVA attribuées aux régions s’élevaient à 4,3 milliards en 2019. Nous prévoyons une augmentation très significative pour 2022, puisque le produit de la TVA devrait augmenter d’environ 6 % : toutes les collectivités bénéficiaires d’une fraction de TVA en profiteront.

Enfin, les crédits budgétaires fléchés vers les collectivités dans le cadre des missions Plan d’urgence contre la crise sanitaire et Plan de relance représentent 5,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 1,4 milliard en crédits de paiement. Il s’agit notamment de dotations exceptionnelles de soutien à l’investissement et de mesures sectorielles. Le décalage entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement s’explique là aussi par les délais de réalisation des investissements et le paiement sur facture, si je puis dire.

Au-delà des concours exceptionnels de l’État pour compenser les pertes de recettes et des concours exceptionnels dans le cadre du plan de relance, la tendance concernant les prélèvements sur recettes et les crédits fléchés vers les collectivités lorsqu’on compare 2019 et 2021 est d’une part la stabilité des éléments les plus structurels – la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui se situe autour de 27 milliards d’euros, avec quelques évolutions que vous connaissez toutes et tous, et les dotations classiques de soutien à l’investissement – et d’autre part l’augmentation assez marquée des concours de l’État aux collectivités.

Quelle a été l’utilisation des crédits fléchés vers les collectivités ? Ils ont été mobilisés pour renforcer la cohésion des territoires, quels qu’ils soient. Je pense notamment aux actions inscrites dans les contrats de plan État-région (CPER), auxquels l’État participera à hauteur de 28 milliards d’euros durant la période 2021-2027.

Je rappelle aussi que nous nous sommes engagés à apporter 3 milliards d’euros sur 2020-2026 dans le cadre du programme Petites villes de demain, que vous connaissez bien et qui se traduit par des recrutements de chefs de projet et des financements dans les 1 600 communes lauréates.

Par ailleurs, nous avons mobilisé 5 milliards d’euros sur cinq ans pour accompagner le plan Action cœur de ville, dans 222 communes, petites et moyennes.

Je tiens également à citer le déploiement du programme France Services, qui permet à tout citoyen d’avoir un accompagnement pour les principales démarches administratives, à moins de trente minutes de chez lui. Nous avons tenu la semaine dernière, avec Jacqueline Gourault, un comité de pilotage de cette démarche : le cap des 2 000 structures labellisées a été franchi, et l’engagement de l’État pour accompagner le déploiement du réseau ne fait que croître, y compris sur le plan des crédits. Alors que ces derniers s’élevaient à 15,7 millions d’euros en 2019, ils sont passés à 18,5 millions en 2020 et à 28,4 millions en 2021. Pour 2022, 36,3 millions ont été prévus dans la loi de finances initiale (LFI), en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, ce qui représente une nouvelle augmentation, de 8 millions, pour accompagner le déploiement du programme.

J’ajoute que nous avons pris la décision, au cours des derniers mois, d’accompagner les collectivités et les territoires les plus en difficulté. Je songe en particulier au pacte Sambre-Avesnois-Thiérache, au renouveau du bassin minier, au plan de transformation et d’investissement pour la Corse et au plan « Marseille en grand ».

D’autres chantiers ont été ouverts en matière sociale, comme la recentralisation du RSA, qui a débuté en 2019 outre-mer et dont vous avez voté une expérimentation pour d’autres départements dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2022. Cette réforme, dont le coût est de 1,8 milliard d’euros pour l’État, permet d’alléger considérablement la charge induite par la progression de ces dépenses pour les départements.

Par ailleurs, nous avons mobilisé 300 millions d’euros pour la stratégie Enfance et 900 millions pour le soutien aux personnes les plus précaires, dont 106 millions pour renforcer l’insertion des allocataires du RSA et un peu plus de 50 millions pour accompagner la tarification sociale des cantines et les petits déjeuners à l’école.

Nous agissons également en matière de prévention des risques et de développement durable, notamment par le financement du fonds Barnier, à hauteur de 155 millions d’euros en autorisations d’engagement, de l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, et de la dotation biodiversité, dont le montant, même s’il reste modeste, a doublé dans la LFI pour 2022 – pour atteindre désormais 20 millions d’euros.

Enfin, nous avons transféré aux collectivités 60 millions d’euros en 2021 pour soutenir le spectacle vivant et cofinancer des projets importants, ainsi que 60 millions supplémentaires pour l’accès à la culture, sa démocratisation, et pour les structures dans le cadre de notre soutien à ce secteur.

Parmi les trois grands types d’acteurs publics, les collectivités territoriales sont finalement celui qui a le mieux résisté à la crise. En effet, une grande partie de leurs recettes propres sont des recettes fiscales qui ne dépendent pas, ou alors très indirectement, de l’activité économique, comme la TFPB, la taxe foncière sur les propriétés bâties, et la compensation de la taxe d’habitation. Par ailleurs, les compensations peuvent faire l’objet de planchers, comme c’est le cas pour les régions, la structure des dépenses des collectivités est restée relativement stable et l’État a compensé les pertes de recettes, avec le filet de sécurité, tout en garantissant le maintien du niveau global de la DGF.

Le filet de sécurité représente 4,2 milliards d’euros. Sa moindre consommation pour compenser les pertes de recettes fiscales et domaniales des collectivités nous a permis, je l’ai dit, d’apporter une compensation aux autorités organisatrices de la mobilité.

Pour le bloc communal, avec la troisième loi de finances rectificative pour 2020 et la prorogation du dispositif en 2021, l’application du filet de sécurité a représenté 124 millions d’euros en 2020 et 150 millions en 2021, ce qui est beaucoup moins que ce que nous avions imaginé. Cela s’explique par le fait que les recettes des collectivités ont très peu diminué. Nous craignions tous des pertes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) de 20 %, 30 %, voire 40 %, alors qu’ils n’ont baissé que de 3,6 % pour les communes.

Il existe un dispositif spécifique pour l’outre-mer – c’est la deuxième partie du filet de sécurité –, qui s’élève à 40 millions d’euros.

Nous avons aussi mobilisé plus de 200 millions d’euros – et le montant sera bientôt porté à 300 millions – pour la compensation des pertes de recettes tarifaires des régies, selon un système qui a donné lieu à des paiements en décembre 2021 et qui a été reconduit avec des dispositions de sortie de crise, ce qui le rendra peut-être un peu moins protecteur concernant les pertes de recettes de 2021 constatées en 2022.

Un dernier bloc concerne les autorités organisatrices de la mobilité. Île-de-France Mobilités a bénéficié de 2,4 milliards d’euros : une aide de 151 millions et une avance de trésorerie de 274 millions, en plus de deux avances à taux zéro en 2020 et en 2021, pour des montants respectifs de 1,2 milliard et de 800 millions. Les autres autorités organisatrices de la mobilité ont bénéficié d’une avance remboursable de 647 millions, la différence s’expliquant par des raisons de taille, de trafic et du volume de versement mobilité perdu.

Nous avons aussi aidé les collectivités en matière d’investissement, à titre exceptionnel. En plus des dotations classiques pour l’investissement local, nous avons versé une aide exceptionnelle de 2,5 milliards d’euros, dont 950 millions de DSIL exceptionnelle, qui ont été totalement engagés, 1 milliard supplémentaire dans le PLF pour 2021 et environ 500 millions pour les régions dans le cadre accords de relance.

Les aides à la rénovation thermique, pour le bloc local ou pour le bloc régional, ont été notifiées aux collectivités, ce qui leur permet de passer à la mise en œuvre.

J’ajoute que les versements du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) ont atteint en 2020 et en 2021 des niveaux très élevés, respectivement de 6,4 milliards d’euros et de 6,7 milliards. Même si c’est un retour sur les investissements déjà réalisés, cela permet d’aider fortement les collectivités à financer et à équilibrer leur section d’investissement.

La situation, je l’ai déjà indiqué, est bien meilleure que prévu pour les collectivités. Je confirme l’intégralité des estimations que vous avez données, monsieur le président. Le produit des DMTO connaît une croissance importante. Par ailleurs, la hausse des fractions de TVA affectées aux collectivités est très forte, et il en sera de même en 2022, à hauteur de 6 %. Les recettes fiscales des collectivités devraient connaître une hausse d’à peu près 3 % en 2021 comme en 2022, indépendamment de toute évolution des taux, en particulier en matière de TFPB. La formule de calcul de la révision forfaitaire des valeurs locatives devrait en effet conduire, à elle seule, à une hausse de 3 %.

Le compte des collectivités devrait être équilibré, voire légèrement excédentaire en 2021, même s’il faudra avoir une vision complètement consolidée, notamment des sections d’investissement, pour le confirmer. Après avoir été excédentaire de 1,2 milliard d’euros en 2019, ce compte a été à l’équilibre en 2020.

L’épargne brute augmente, ce qui est aussi une bonne nouvelle. Les premiers chiffres dont nous disposons concernent les communes de moins de 3 500 habitants : leur épargne brute augmente de 5,2 % par rapport à 2020 et de plus de 20 % par rapport à 2019, ce qui est très significatif.

La trésorerie progresse aussi. Nous disposons déjà d’éléments comparatifs pour les communes de moins de 3 500 habitants : leur trésorerie se monte à 14 milliards d’euros, contre 13,14 milliards fin 2020 et 12,3 milliards fin 2019.

L’année 2021 s’est caractérisée par une augmentation des dépenses de fonctionnement un peu plus forte que lors des années précédentes mais aussi par un creux des dépenses d’investissement, notamment au niveau départemental et au niveau régional, en lien avec le cycle électoral.

Au total, la situation est rassurante et devrait continuer à s’améliorer en 2022.

Nous portons, néanmoins, une attention toute particulière à la question des prix de l’énergie, étant entendu qu’un grand nombre de communes sont protégées contre l’évolution actuelle. Celles de petite taille, de moins de 2 000 habitants, bénéficient encore de tarifs réglementés. Comme pour les particuliers, les plafonnements permis par le vote du Parlement s’appliquent à elles.

Les collectivités auxquelles ne s’appliquent pas les tarifs réglementés sont parfois confrontées à une augmentation des dépenses énergétiques. C’est une réalité, mais ce n’est pas aussi important que ce que nous craignions, même si des hausses peuvent être extrêmement fortes dans certains cas. Selon le dernier point de situation, pour les communes de 500 à 3 500 habitants – j’ai bien conscience que cela mêle des communes bénéficiant de tarifs réglementés et d’autres qui n’en bénéficient pas –, les dépenses d’énergie se sont élevées à 667 millions d’euros en 2021, ce qui représentait une hausse de 5,9 % par rapport à 2020. Cependant, la part relative des dépenses d’énergie dans les budgets des collectivités fait que l’impact sur les grands équilibres n’est pas encore très significatif.

Nous suivrons évidemment la question avec attention en 2022, mais je n’ai pas d’inquiétude particulière, je vous l’ai dit, pour les plus petites communes bénéficiant de tarifs réglementés ; c’est plutôt s’agissant des autres, qui dépendent des tarifs de marché, que nous devons être le plus attentifs.

M. Didier Le Gac (LaREM). Vous avez rappelé l’effort très substantiel du Gouvernement envers les collectivités locales, notamment en ce qui concerne l’investissement en 2021 – plus de 2 milliards d’euros sont destinés à soutenir les projets des collectivités, un montant jamais atteint auparavant.

Dans mon département, la commission d’élus chargée de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) s’est interrogée sur les critères de priorité applicables aux projets dans le cadre de la campagne DETR 2022. Le nouveau critère créé par l’apparition des CRTE va-t-il être l’alpha et l’oméga du choix des projets ? Nous avons nous-mêmes établi des critères qui favorisent par exemple les opérations concernant les bâtiments scolaires, l’assainissement ou l’aménagement des centres-bourgs, mais les préfets nous avertissent de la nécessité que ces projets figurent dans le CRTE. Pouvez-vous préciser l’articulation entre les deux mécanismes ?

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Je suis très heureuse des bonnes nouvelles que vous nous annoncez. Je vous remercie, ainsi que votre cabinet, du travail accompli pour les régies, particulièrement thermales : il a été possible de faire du sur-mesure, de la dentelle –il arrive, en effet, que l’on s’aperçoive après avoir préparé un décret que celui-ci ne prévoit pas tous les cas.

Sans avoir encore de chiffres précis à vous donner, je souhaite vous faire part des inquiétudes qui s’expriment dans les communes de montagne au sujet des remontées mécaniques et des stations. Avez-vous été alerté sur ce point ?

Avez-vous repris les négociations avec les opérateurs concernant l’IFER, l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau ? C’est une autre source d’inquiétude.

Je partage votre diagnostic d’un creux des dépenses d’investissement. Je le constatais encore hier au sein de la commission des finances d’une communauté d’agglomération : les restes à réaliser sont très élevés. Par ailleurs, les frais de fonctionnement augmentent en raison de la crise, des embauches supplémentaires dues à l’exercice de certaines compétences à l’échelle de l’agglomération ainsi que dans les communes et de la hausse du prix de l’énergie. Sur ce dernier point, vous avez tenu des propos rassurants, mais je demande à voir.

Dans ma circonscription, des dossiers de demande de DETR ont été refusés par manque de crédits. C’est le cas dans les départements qui subissent des baisses d’enveloppes depuis trois ou quatre ans et cela a été signalé par les services préfectoraux. À ce sujet, j’espère que les travaux de la mission d’information sur les dotations de soutien à l’investissement du bloc communal, dont je suis corapporteure avec François Jolivet, pourront s’achever avant la fin de la législature.

Concernant le problème soulevé par Didier Le Gac, je défends la liberté d’attribution. La DSIL est déjà très fortement fléchée ; il ne faudrait pas que la DETR soit préemptée par tous types de contrats, ce qui ne laisserait plus rien aux petites communes, pour lesquelles elle est notamment faite : la réfection d’une voirie, la réparation d’un mur de cimetière ou d’une église ne peuvent être retenues dans le cadre du contrat, alors que ce sont les seuls investissements que ces communes voudront faire.

Mme Véronique Louwagie (LR). Monsieur le ministre délégué, veuillez excuser mon absence lors de votre visite dans l’Orne, où je sais cependant que vous avez été bien accueilli.

L’automatisation du FCTVA, engagée dans le cadre de la loi de finances pour 2021 et reposant sur l’importation directe de données de l’application HELIOS dans l’application ALICE, conduit à exclure certaines dépenses de la liste de celles qui sont éligibles, en raison non de leur nature mais de leur imputation comptable. Beaucoup de collectivités m’ont saisie du problème, citant par exemple les dépenses liées à l’aménagement d’allées ou à des plantations. Serait-il possible de revoir le dispositif pour mieux tenir compte des besoins des territoires ?

La hausse du prix de l’énergie est une source d’inquiétude pour les collectivités, mais c’est aussi le cas s’agissant des matières premières : lors des appels d’offres, on observe des surcoûts très marqués par rapport à ce qui avait été prévu, par exemple pour la rénovation de collèges par les départements.

Concernant les DMTO, quel délai sépare la signature de l’acte de mutation de propriété du moment où le département reçoit la recette ? Puisque nous en sommes probablement à un pic, il serait bon de pouvoir anticiper l’inflexion de la courbe à la baisse.

M. Christophe Jerretie (Dem). Merci, monsieur le ministre délégué, pour cette mise au point assez rassurante quant à la bonne tenue des finances des collectivités et aux efforts consentis ; elle confirme tout le bien que nous pensions du travail effectué à l’Assemblée et avec l’exécutif, incluant tous les courants politiques – il a ainsi été fait référence aux cas particuliers qui ont heureusement pu être pris en considération.

Les collectivités vont connaître une inflation à la fois des dépenses – notamment du fait de la hausse du prix de l’énergie – et des recettes. Selon les analyses dont vous disposez, les deux s’équilibreront-elles en 2022 ?

De nouvelles collectivités ont-elles demandé la recentralisation du RSA ?

La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) baisserait, lit-on, de 4,7 % en 2022. C’est un peu plus que ce que dit la Cour des comptes et bien moins que ce que certains avaient évalué à un moment donné. Confirmez-vous ce chiffre ? Qui, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou des régions, sera davantage concerné par la baisse, dont vous avez dit – et nous n’en doutons pas – qu’elle sera compensée par des recettes ?

Enfin, je ne voudrais pas moi non plus que l’ensemble des dotations d’investissement classiques soient reprises dans de nouveaux dispositifs spécifiques – je ne pense pas pour ma part aux contrats, mais aux plans tels que « Marseille en grand », par exemple. Faisons attention à ne pas priver des moyens d’investir les territoires qui ne font pas l’objet de tels plans.

Mme Christine Pires Beaune. S’agissant du prix de l’énergie, je précise qu’en région Bretagne, par exemple, le surcoût de l’énergie concernant les seuls lycées serait de 5 millions d’euros.

Dans ma circonscription, un centre intercommunal d’action sociale (CIAS) souhaite verser sur son propre budget, pour compenser la hausse du prix de l’énergie, une prime aux aides à domicile qui doivent utiliser leur propre véhicule, le CIAS n’en fournissant pas. Les juristes nous disent que ce n’est pas prévu et que ce n’est pas possible. Le confirmez-vous ? N’y a-t-il pas un moyen pour les collectivités qui le peuvent et le souhaitent de verser cette prime exceptionnelle carburant ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. En ce qui concerne les critères d’éligibilité des projets à la DETR et à la DSIL et leur articulation avec les contrats, le sujet relève plutôt des compétences de Jacqueline Gourault. Comme je le dis parfois, je fixe les enveloppes, elle fait ce qu’elle veut de leur contenu. Je resterai donc prudent pour éviter d’empiéter sur ses plates-bandes.

Voici ce que je peux toutefois en dire. Les plans spécifiques doivent être financés, et les dotations peuvent être des outils de financement des actions inscrites dans les plans, lesquels ont le mérite d’apporter de la cohérence aux politiques mises en œuvre et de refléter les priorités de l’État. Il n’est pas incongru, en effet, que l’État, dès lors qu’il est financeur, souhaite que ses priorités soient prises en considération dans les actions qu’il accompagne, même si celles-ci sont assurées par des collectivités et des maîtres d’ouvrage qui ne relèvent pas de lui.

C’est un sujet de divergence avec Christine Pires Beaune : nous restons attachés à fixer des critères, non pour le principe, mais pour que les dotations soient attribuées en fonction de projets identifiés plutôt que sous la forme d’une enveloppe libre d’utilisation. Les contrats sont un critère d’attribution. Toutefois, ce n’est pas le seul et il ne doit pas être exclusif, sans quoi il n’y aurait plus de dotations de soutien à l’investissement, simplement un cofinancement de politiques faisant l’objet d’un contrat entre l’État et les collectivités ; or nous ne voulons pas aller jusqu’à cette extrémité : ce n’est pas notre état d’esprit.

Par ailleurs, j’ai fait une confusion dans mon propos liminaire : ce ne sont pas les communes de moins de 2 000 habitants qui bénéficient des tarifs réglementés de l’énergie, mais les collectivités dont la section de fonctionnement présente des recettes inférieures à 2 millions d’euros et où le nombre d’agents est inférieur ou égal à dix. Je suis désolé de cette erreur.

En ce qui concerne les communes de montagne, leur situation est quelque peu paradoxale : elles font partie des communes qui ont le moins perdu d’épargne brute au cours de l’exercice 2020 – la baisse n’y est que de 2,5 %, contre 6,5 % dans l’ensemble des communes. Cela résulte de l’application des dispositifs de compensation, mais aussi de la résilience de leurs recettes. Nous avons été alertés au sujet de plusieurs cas que nous devons étudier. Peut-être les problèmes s’expliquent-ils par des raisons plus structurelles, par exemple le fait d’avoir déterminé les volumes d’investissement en fonction d’un niveau de fréquentation qui n’a pas été retrouvé. Nous sommes en tout cas attentifs à la situation, même si nous n’avons nous-mêmes pas encore assez d’éléments pour savoir comment l’écart observé en 2020 a évolué en 2021.

En ce qui concerne l’IFER, nous avons rouvert les discussions, qui sont, à ce stade, techniques, c’est-à-dire conduites non par moi-même ou mon cabinet, mais par mes services, avec les services des opérateurs et les équipes techniques des associations d’élus. Je tiens en effet à ce que ces trois parties soient présentes, au niveau technique aujourd’hui, puis politique le moment venu, car l’enjeu est de taille pour la soutenabilité des recettes des collectivités comme des dépenses des opérateurs. Seules deux réunions de travail se sont tenues à ce jour ; elles n’ont évidemment pas été conclusives. Il faudra un peu de temps pour que des conclusions, a fortiori consensuelles, soient tirées de ces travaux.

En 2020, les dépenses de fonctionnement des collectivités ont été très flat, si vous me pardonnez cet anglicisme, et, de manière contre-intuitive, celles des collectivités de petite taille ont globalement baissé. Ainsi, à la fin de l’exercice 2020, l’épargne brute des communes de moins de 3 500 habitants avait plus souvent augmenté que diminué ; les baisses concernaient celles qui se caractérisent par la présence de régies ou par un niveau de recettes tarifaires plus élevé que la moyenne constatée ailleurs. En 2021, on sent une inflexion, due à des phénomènes de rattrapage ou à l’accompagnement et à la mobilisation du personnel, mais nous n’avons pas suffisamment de détails pour savoir si cette évolution est générale ou varie selon les strates de population – on sait qu’en 2020, les dépenses de fonctionnement avaient augmenté dans les communes de plus de 100 000 habitants, souvent en lien avec la crise. Nous vous communiquerons ces détails dès que nous les connaîtrons.

En ce qui concerne le versement de primes par un CIAS, je ne vois pas spontanément ce qui l’empêche, dès lors que le CIAS en a délibéré et agit dans le cadre de ses compétences et de son budget propre. Il dispose de ses fonds ; la prime ne sera pas défiscalisée ou désocialisée si ce n’est pas prévu par la loi ; mais le versement me semble possible dans le cadre du régime indemnitaire, qui plus est à titre exceptionnel, pour un an. Je vais étudier la question et je suis preneur d’éléments à ce sujet.

Madame Louwagie, je vous confirme que j’ai été très bien accueilli dans l’Orne. Je me suis rendu à « l’université du domicile », à Alençon, pour y lancer officiellement la contemporéanisation du crédit d’impôt pour les services à la personne, qui sera effective fin janvier pour les particuliers employeurs et à partir d’avril pour ceux qui passent par des opérateurs et des services intermédiés. C’est une bonne réforme, notamment pour lutter contre le travail clandestin. Je reviendrai un jour où vous ne serez pas retenue à l’Assemblée, c’est promis !

Concernant le FCTVA, nous avons procédé à quelques adaptations qui touchent notamment à l’éligibilité des documents d’urbanisme et des études préalables à ces derniers. Quelques ajustements restent à faire, entre autres en matière d’imputation. Ce qui nous rassure, c’est que le volume du FCTVA est orienté à la hausse : si scories il y a, elles n’ont pas des conséquences considérables pour les collectivités. Une clause de revoyure est prévue afin de nourrir les travaux sur la loi de finances pour 2022 et de permettre des ajustements courant 2023. C’est dans ce cadre que les petites imperfections que nous repérons actuellement pourront être traitées.

L’automatisation du FCTVA présente un avantage : elle se traduit par un gain de temps pour les services financiers et comptables des collectivités, qui n’ont plus à remplir bordereaux et formulaires. Il faudra du temps pour que cette économie, relativement diffuse, soit perceptible. Nous essaierons d’établir le bilan le plus complet possible de la réforme.

J’en viens à l’éventuelle compensation par l’État de la hausse du prix de l’énergie subie par les collectivités. Pour dire les choses directement, je ne souhaite pas entrer trop rapidement dans une telle logique, pour deux raisons.

La première est très générale. J’entends souvent – je le dis sans provocation – des appels au respect de l’autonomie fiscale et financière des collectivités. L’autonomie financière existe bel et bien ; l’autonomie fiscale n’est pas consacrée par le droit, mais fait l’objet d’un débat, souvent intéressant. Quoi qu’il en soit, ceux-là mêmes qui, dans certaines associations d’élus, invoquent en permanence l’autonomie souhaiteraient que l’État compense une augmentation de charges qui n’est pas de son fait, mais tient au soubresaut, certes marqué, d’un marché. C’est donc d’abord le principe d’autonomie des collectivités, par-delà les événements exceptionnels, qui motive ma position.

Une seconde raison m’invite à une certaine prudence : la dépense supplémentaire imposée aux collectivités par l’inflation, en particulier par la hausse du prix de l’énergie, est compensée par une dynamique des recettes fiscales à taux constant, cette même inflation étant prise en compte dans la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives. Nous examinons avec beaucoup d’attention la manière dont s’équilibrent ces dépenses et ces recettes liées à l’inflation. Si la situation venait à se dégrader au point que la charge devienne trop lourde, il nous faudrait peut-être changer notre fusil d’épaule.

Concernant le délai entre la signature de l’acte et la perception des DMTO par la collectivité, nous allons faire des investigations. Je ne suis pas certain qu’il y ait à cette question une réponse unique, valable à l’échelle nationale. Cela dépend aussi des délais d’enregistrement des actes par les services de la publicité foncière. Ces services étant placés sous mon autorité, je sais que les délais varient d’un département à l’autre, malgré la numérisation. Nous allons néanmoins essayer d’évaluer le délai moyen entre la signature de l’acte et la perception des droits.

En tout cas, les premiers éléments dont nous disposons sont plutôt rassurants pour les ressources des collectivités : le produit des DMTO poursuit sa dynamique à la hausse.

Monsieur Jerretie, un petit nombre de départements se sont portés candidats dans le cadre de l’expérimentation de la recentralisation du RSA. À une exception près, ils ne satisfont pas aux critères d’éligibilité fixés par la loi de finances. En effet, à ce jour, il n’y a qu’un seul département dont je suis certain qu’il est éligible : les Pyrénées-Orientales. Nous discutons du dossier avec le Premier ministre – qui connaît bien ce département – et avec la présidente du conseil départemental.

Je confirme le chiffre que j’ai donné tout à l’heure : nous estimons que le produit global de la CVAE baissera de 4,6 % en 2022 par rapport à 2020. Cette baisse était attendue, et nous craignions qu’elle ne soit bien plus forte encore. En revanche, la reprise économique aura un effet très positif sur le produit de la CVAE en 2023, le bénéfice global réalisé par les entreprises en 2021 étant beaucoup plus élevé que prévu : nous estimions qu’il augmenterait de 11 % à 12 %, mais la hausse est plutôt de 20 % à 25 %.

Comme j’aurai l’occasion de la préciser jeudi prochain devant le Conseil des ministres et ultérieurement devant la commission des finances de l’Assemblée, c’est là une des explications au fait que le déficit de l’État est bien moins élevé que nous ne le craignions. L’écart à la prévision, de 34 milliards d’euros, tient à une plus-value assez importante par rapport aux recettes fiscales que nous anticipions le 22 octobre dernier, lorsque nous avons arrêté les hypothèses pour le second projet de loi de finances rectificative pour 2021. Cette plus-value est particulièrement importante pour l’IS, puisqu’elle atteint 9,9 milliards. C’est dire si le montant du dernier acompte d’IS était élevé. Nous considérons néanmoins ce chiffre avec prudence, car les acomptes d’IS, comme ceux de CVAE, concernent deux exercices. En tout cas, cela signifie que les entreprises ont retrouvé de la profitabilité.

Les autres recettes fiscales sont elles aussi dynamiques, en particulier celles de TVA. Nous n’avons pas aujourd’hui d’inquiétude sur le niveau global des recettes des collectivités qui perçoivent la CVAE.

Mme Patricia Lemoine. Mme Pires Beaune a mentionné des restes à réaliser très importants, notamment en section d’investissement. Je confirme qu’il y a là un point d’alerte. Le président de la chambre de métiers et de l’artisanat de Seine-et-Marne m’a signalé hier qu’un grand nombre d’appels d’offres étaient déclarés infructueux en raison des surcoûts induits par la hausse des prix des matières premières et du carburant. La posture des maires et des présidents d’intercommunalité est plutôt d’attendre que les choses se tassent pour lancer de nouveau les appels d’offres. Or, si la commande publique n’est pas au rendez-vous, cela aura des conséquences sur notre économie.

Dans ma circonscription, de nombreux maires et présidents d’intercommunalité font ainsi preuve d’un certain attentisme, qui tient non seulement à la hausse des prix, laquelle accroît leurs charges de fonctionnement, mais aussi à une possible augmentation du coût du crédit. Je m’interroge sur la manière dont nous pourrions les accompagner ou, tout au moins, lever leur défiance.

Mme Christine Pires Beaune. Je reviens brièvement sur les DMTO. Dans mon dernier rapport spécial sur la mission Remboursements et dégrèvements, j’ai relevé un retard important dans l’enregistrement des mutations immobilières par les services de la publicité foncière ; il y a même une dégradation de l’indicateur de performance. Cela explique peut-être les délais dont nous parlons.

M. le président Jean-René Cazeneuve. D’après les chiffres que vous avez donnés, monsieur le ministre délégué, le montant versé au titre du filet de sécurité en 2021 a été supérieur à celui versé en 2020. On s’attendrait plutôt à l’inverse. S’agit-il bien de crédits de paiement ?

Dans la mesure où la situation financière s’améliore, avez-vous constaté, de la part des départements ou d’Île-de-France Mobilités, des remboursements anticipés des avances de trésorerie ? De même, certaines collectivités réduisent-elles l’étalement des dépenses liées au covid ?

Vous avez dressé un tableau rassurant des finances des collectivités territoriales, et tout le monde s’en réjouit. Néanmoins, il y a nécessairement des disparités entre les collectivités. Existe-t-il un type de communes qui fait l’objet d’une surveillance particulière ?

Patricia Lemoine a relevé très justement des écarts très significatifs entre le montant des subventions accordées, par exemple dans le cadre de la DETR, et le coût des travaux, qui a souvent augmenté de 5 %, 10 % ou 15 %. C’est pourquoi les élus se retournent vers l’État et demandent une rallonge, à proportion de la part des subventions de l’État – 20 % ou 30 % – dans le financement. Bien évidemment, ce n’est pas faisable de cette manière. Néanmoins, pourrait-on imaginer une certaine souplesse, le cas échéant sur les crédits de l’année suivante ? Nous avons besoin de débloquer l’investissement local.

D’une manière générale, nous avons le sentiment que les projets sont prêts et que les crédits sont disponibles, mais que la réalisation des investissements est un peu plus lente que prévu, ce qui peut notamment être lié à la moindre disponibilité des entreprises du BTP. Constatez-vous ce retard à l’allumage ?

En ce qui concerne le produit des DMTO, gardons-nous de trop prêter attention aux oiseaux de mauvais augure ! Il a tellement augmenté depuis dix ans que, même s’il décrochait de manière significative, par exemple de 5 %, 10 % ou 15 % – ce qui est peu probable compte tenu de la mobilité actuelle des Français –, il resterait à un niveau très élevé.

La question de Christophe Jerretie sur l’inflation était selon moi très pertinente. L’inflation a des effets à la fois sur les dépenses et sur les recettes. J’imagine que certains auteurs les ont modélisés. Vont-ils s’équilibrer par un heureux hasard ? Ou doit-on craindre que l’impact sur les dépenses l’emporte sur l’impact sur les recettes ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. À ce stade de l’année, madame Lemoine, nous ne sommes pas encore en mesure d’identifier précisément les raisons de l’accumulation des restes à réaliser. Ce qui est certain, c’est que plusieurs facteurs se conjuguent : des difficultés des prestataires à s’approvisionner en matières premières ; la saturation des carnets de commandes, qui pose, dans certains territoires, des problèmes de disponibilité des prestataires – c’est la rançon d’une reprise rapide, mais cela ne facilite pas l’organisation des travaux ; l’augmentation du prix de l’énergie, qui peut amener la collectivité à déclarer une consultation infructueuse si elle constate que ses moyens ne lui permettent pas de faire face au prix proposé.

Il nous est impossible, à droit constant, de concevoir un système qui permettrait aux collectivités de choisir, en fonction de l’évolution de tel ou tel cours, le moment où elles signent un marché. Cela donnerait lieu à des discussions compliquées avec la Commission européenne. Lorsqu’un prestataire propose un prix fixe à la collectivité cliente – à moins que l’on imagine une clause d’actualisation automatique du prix –, il prend les mêmes risques que la collectivité lorsqu’elle ouvre une procédure de consultation. Telle est la logique des marchés publics. Il nous serait très compliqué d’apporter, en droit, une réponse à la situation que vous évoquez.

De même, monsieur le président, il est difficile d’imaginer que l’État abonde une subvention qu’il a déjà versée pour que la collectivité puisse faire face à un prix proposé plus important que prévu. Qui plus est, la somme ainsi attribuée ne pourrait pas profiter à d’autres projets.

Il y a néanmoins quelques réponses possibles, au cas par cas. Les subventions accordées au titre de la DETR et de la DSIL peuvent s’additionner, ainsi que nous l’avions inscrit dans la loi pour éviter les différences d’un département à l’autre. La programmation peut être pluriannuelle, dans le cadre de la DETR comme dans celui de la DSIL, mais il doit alors s’agir de projets importants, pour lesquels, la plupart du temps, l’avis des commissions départementales est requis. Reste qu’il est assez compliqué d’apporter des réponses aux tensions qui caractérisent la période actuelle.

Ce que je peux vous dire de la situation financière des collectivités est relativement rassurant, mais j’emploie ce qualificatif avec prudence. Nous veillons au bon fonctionnement du réseau d’alerte de la DGFIP. À l’heure où je vous parle, le nombre de collectivités inscrites à ce réseau d’alerte n’a évolué ni à la hausse ni à la baisse. Quant à la typologie, elle demeure inchangée : les collectivités ultramarines sont surreprésentées, pour des raisons que vous connaissez bien. Pour le reste, il n’y a pas de commune type.

Comme je l’ai indiqué, on constate que la crise a des effets sur certaines recettes tarifaires. En outre, elle peut avoir des conséquences plus structurelles lorsqu’elle bouscule à long terme le modèle économique d’un territoire. Le tourisme de masse international retrouvera-t-il son niveau antérieur ? Quelles seront les conséquences pour une collectivité telle que Lourdes, dont le modèle d’économie touristique repose sur des hôtels ouverts les deux tiers de l’année et fréquentés à 90 % par une clientèle étrangère ? Nous ne savons pas encore le mesurer, d’autant que certains effets relèvent non pas de la crise, mais de changements structurels.

Je fais d’ailleurs une réponse analogue aux acteurs économiques, par exemple à ceux du secteur de l’hôtellerie-cafés-restauration lorsqu’il est question des effets du télétravail sur la fréquentation de leurs établissements. Il y a fort à parier que le télétravail sera bien plus répandu après la crise qu’avant, indépendamment des conditions sanitaires. Cela aura évidemment des conséquences de long terme sur la fréquentation des restaurants au moment du déjeuner dans les centres-villes ou dans des quartiers tels que La Défense ou Bercy.

Concernant le filet de sécurité, monsieur le président, il s’agit bien de crédits de paiement. L’écart que vous avez relevé tient aux mécanismes de prévision, de provision et de constatation.

Nous n’avons pas constaté à ce stade de remboursement anticipé des avances par les collectivités, ni de volonté de leur part de réduire la durée d’étalement des dépenses inscrites sur les comptes spéciaux dont nous avons autorisé la création. Peut-être est-ce dû au fait qu’il s’agit d’avances à taux zéro, souvent assorties d’une clause de retour à bonne fortune. Les collectivités ont moins d’intérêt à rembourser de manière anticipée que les acteurs privés bénéficiaires de l’étalement des dettes sociales, du report des cotisations ou d’un prêt garanti par l’État (PGE). Pour le secteur privé, nous constatons effectivement des remboursements anticipés. Dans le cas du PGE s’appliquent des frais de garantie et quelques intérêts, y compris en cas de report de la première échéance.

La semaine prochaine, le cabinet de Jacqueline Gourault tiendra avec des associations d’élus une réunion consacrée à la question de l’énergie. Ce sera l’occasion de mieux mesurer l’impact de la hausse du prix de l’énergie sur les budgets des collectivités.

M. le président Jean-René Cazeneuve. Merci de vos réponses très précises, monsieur le ministre délégué. Notons que les changements structurels sont parfois positifs : avec l’augmentation du prix du bois, les recettes des communes forestières connaissent une dynamique imprévue.

 

La réunion s’est achevée à 18 heures 35.

 

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents. – Mme Anne Brugnera, M. Jean-René Cazeneuve, M. Christophe Jerretie, M. Jean-Claude Leclabart, M. Didier Le Gac, Mme Véronique Louwagie, Mme Christine Pires Beaune, M. Éric Poulliat.

 

 

Excusés.Mme Marie-Christine Dalloz, M. Sébastien Jumel, Mme Bénédicte Taurine, M. Stéphane Travert.