Compte rendu

Mission d'information
de la conférence des présidents
sur la résilience nationale

– Audition de M. Michaël Nathan, directeur du service d’information du gouvernement (SIG) 2

 Présences en réunion.................................10


Mercredi
13 octobre 2021

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 30

session ordinaire de 2021-2022

 

Présidence de
M. Alexandre Freschi,

Président de la mission d’information
 


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MISSION D’INFORMATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS SUR LA RÉSILIENCE NATIONALE

Mercredi 13 octobre 2021

La séance est ouverte à seize heures trente

(Présidence de M. Alexandre Freschi, président de la mission d’information)

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M. le président Alexandre Freschi. Nous  accueillons M. Michaël Nathan, directeur du service d’information du gouvernement (SIG), accompagné par Mmes Julie Chiret-Cannesan, directrice-adjointe, et Axelle Levelut, cheffe de cabinet.

Monsieur le directeur, vous avez pris vos fonctions en octobre 2018. Un an plus tard, le pays s’est trouvé plongé dans une grave crise. La question de la communication du Gouvernement a pris une importance centrale, dans un contexte d’urgence perpétuelle. Nous serons heureux d’entendre vos propos sur la manière dont le SIG s’est organisé pour y faire face, les outils sur lesquels il s’est appuyé et les enseignements qu’il en a tirés.

Nous souhaitons recueillir votre appréciation sur la place de la communication institutionnelle dans les situations de crise grave, mais aussi sur les moyens d’affronter la désinformation, qui prend une proportion sans précédent et est utilisée comme une arme par des puissances concurrentes ou hostiles.

M. Michaël Nathan, directeur du service d’information du gouvernement (SIG). Je serai honoré de répondre à vos questions et de clarifier les méthodes de fonctionnement du SIG pendant la crise. Vous m’offrez l’opportunité de porter un regard rétrospectif sur les actions que nous avons mises en œuvre. Pour tirer les leçons de la crise et tracer des perspectives sur la communication au quotidien, il me faut dans un premier temps revenir sur l’évolution du contexte dans lequel évolue la communication institutionnelle. Celle-ci  fait face à des bouleversements majeurs depuis plusieurs années. La révolution numérique et l’émergence des réseaux sociaux donnent accès à l’information à chacun au même moment et transforment la manière dont les acteurs institutionnels peuvent et doivent s’exprimer. Les chaînes d’information en continu favorisent également l’obsolescence programmée de l’information. Cette volatilité croissante de l’information touche l’opinion publique. Derrière les phénomènes de désinformation et de manipulation de l’information que vous avez mentionnés se dissimulent des enjeux techniques et algorithmiques qui constituent des bulles informationnelles dans lesquelles les groupes s’enferment. Cette situation participe à l’évolution de la communication. Les Français ont transformé leur manière de s’informer, de communiquer, d’interagir à la fois entre eux et face aux  grandes instances, aux  relais d’information en général, et enfin aux entreprises.

À ces éléments conjoncturels s’ajoutent des phénomènes structurels. La communication gouvernementale a perdu sa capacité performative. Nous constatons qu’une communication gouvernementale institutionnelle est désormais plus susceptible de ne pas toucher l’audience ciblée que de la toucher. Ce constat nous pousse à réinventer nos modalités de fonctionnement.

Avant la crise du covid, la France a vécu la crise des Gilets jaunes. Le grand débat national a révélé la difficulté des citoyens à percevoir les actions que mène l’État envers eux. La crise des Gilets jaunes a montré que l’application des décisions politiques par l’État n’est pas clairement perçue aujourd’hui. Ces éléments confirment la nécessité de réinventer les moyens de communication institutionnelle et gouvernementale.

Le mandat à l’origine de ma nomination visait à transformer, rénover et moderniser la communication gouvernementale pour garantir une meilleure information des citoyens ainsi qu’une organisation plus efficace de la communication au sein de l’État. Le contexte de crise est permanent. L’environnement médiatique, les réseaux sociaux dont l’activité est permanente et la circulation de l’information débridée contribuent à ce que tout devienne crise. Ce contexte de crise permanente a accéléré la nécessité de transformer la communication gouvernementale, car elle s’effectue dans des délais toujours contraints. Il faut réagir à l’instant présent. Ce contexte nous a poussés à repositionner la communication gouvernementale et institutionnelle au centre de l’échiquier interministériel. La crise du covid nous a obligés à traiter de sujets très divers et à maintenir une attention permanente sur certains d’entre eux pendant dix-huit à vingt-quatre mois, alors qu’une crise dure en général quelques jours. Cette crise nous permettra donc de tirer des enseignements.

M. le président Alexandre Freschi. Vous expliquez que tout devient crise dans le contexte actuel. Comment définissez-vous et traitez-vous la crise ?

M. Michaël Nathan. La définition d’une crise appartient à chacun. L’organisation de l’État comprend des leviers à disposition des décideurs pour acter l’entrée en situation de crise. Le Premier ministre peut ainsi déclencher la cellule interministérielle de crise (CIC), qui est reliée à des entités telles que la CIC communication, antenne qui se consacre à la communication de crise.

Les crises survenues ces dernières années étaient de taille et de nature variables. Le covid en a été la quintessence. Lubrizol représente un exemple de crise locale dont la gestion s’est d’abord effectuée localement avant de remonter au niveau national.

De mon point de vue, la communication de crise cohabite avec la crise de la communication. La communication de crise est la communication effectuée en situation de crise pour traiter des problématiques soulevées. La crise de la communication est l’émergence d’une crise en lien avec l’information qui circule autour d’un événement. Le lendemain de l’incendie de Lubrizol, une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux montrant une eau noire coulant d’un robinet, et incriminant les responsables politiques. Rien ne démontrait un lien entre cette vidéo et l’accident à l’usine Lubrizol, mais il fallait répondre à la circulation de cette information. Dans cet environnement, il faut anticiper autant que possible les différentes thématiques susceptibles d’émerger.

Pour qualifier une situation de crise, les acteurs politiques prennent la décision de la traiter comme telle, et une coordination très forte est nécessaire pour s’assurer de l’homogénéité, de la cohérence et de la structuration de la communication afin que celle-ci réponde aux attentes de l’opinion publique.

M. Thomas Gassilloud, rapporteur. Le SIG est placé auprès du Premier ministre. Pouvez-vous nous préciser les moyens dont vous disposez en termes de budget et de nombre de collaborateurs ? Comment s’articule le travail du SIG avec la communication politique personnelle des membres du Gouvernement ?

J’ai été maire et je sais que le bulletin municipal établit un rapport concret entre la collectivité et les citoyens. Je m’étonne qu’au niveau national, il n’existe pas une newsletter mensuelle expliquant le fonctionnement et le travail du Gouvernement. Ce type de support existe-t-il, ou est-ce un projet susceptible d’être mis en œuvre ?

M. Michaël Nathan. Le SIG fait partie des services du Premier ministre. Nos missions englobent trois grands métiers définis par décret. Nous cherchons d’abord à comprendre l’opinion au sens large à travers plusieurs outils comme les sondages, la veille médiatique ou l’analyse des réseaux sociaux. De plus, chaque ministère possède une direction de la communication. Le SIG comprend donc une administration en charge de la communication du Premier ministre. Notre troisième mission est celle qui a le plus largement évolué ces dernières années. Elle consiste à assurer la communication du Gouvernement. Chaque ministère conduit sa politique de communication tout en devant tenir compte de la communication de l’ensemble du Gouvernement. Cette communication gouvernementale doit s’affirmer pour parvenir à une coordination ministérielle plus forte. Il est clair que le type de communication que l’on utilise en situation de crise permanente a contribué à renforcer la communication gouvernementale.

Le SIG disposait d’un outil semblable à la newsletter que vous évoquez. Il me semble que des informations étaient envoyées aux services déconcentrés de l’État et peut-être aux maires. Aujourd’hui, le site du Gouvernement permet de proposer une information accessible à chacun, mais sans abonnement, contrairement à une newsletter. La crise du covid a cependant nourri notre ambition de proposer un dispositif similaire. Le site du Gouvernement a été le site le plus visité par les Français pendant plusieurs jours. Le jour de l’annonce du confinement, il a reçu davantage de visites que Netflix. Pendant la crise sanitaire, il est resté le lieu de diffusion d’informations officielles touchant tous les citoyens. Le site du Gouvernement reçoit un peu plus de 100 millions de visites par an. Nous avons essayé de capitaliser autant que possible sur ce moment singulier pour créer une forme de récurrence. Un système de notifications a été mis en place et concerne quelques dizaines ou centaines de milliers de personnes. Ces notifications peuvent être utilisées pour communiquer une information sur une action gouvernementale.

Il serait cependant légitime de créer cette newsletter. L’enjeu consiste à susciter l’envie de s’abonner chez les citoyens.

M. Thomas Gassilloud, rapporteur. En tant que député, je ne suis pas allé une seule fois sur le site du Gouvernement. Des circonstances peuvent le rendre plus attractif, mais ce lien récurrent n’existe pas alors qu’il a été établi au sein d’autres collectivités. La mise en place d’une communication mensuelle réservant une partie aux autorités déconcentrées de l’État comme les préfets ou même les maires permettrait d’instaurer une forme de confiance chez les citoyens. Notre fonctionnement républicain pourrait imaginer un extranet pour que les maires puissent communiquer auprès de leurs administrés. La bonne communication en temps de crise nécessite des canaux établis en temps de paix. Dans ma commune de montagne, je communiquais avec des courriels ou des SMS en cas d’incident météorologique, car l’habitude de l’utilisation de ces canaux avait été prise au préalable. Toute communication de crise fondée uniquement sur la crise, comme le SAIP, – système d’alerte et d’information des populations – est un échec, car elle n’a pas d’intérêt hors de la crise. Avez-vous, du reste, un retour d’expérience sur l’utilisation du SAIP ?

M. Michaël Nathan. Je suis d’accord avec votre constat et votre analyse. Nous souhaitons que la communication institutionnelle, en général et en particulier en temps de crise, s’appuie sur les mêmes expériences que pour toute autre activité. Les citoyens sont habitués à un certain niveau qualitatif d’interaction et d’expérience et leur relation à l’État ne peut s’établir sur un modèle dégradé. Il faut réfléchir à la mise en place de ces modalités d’interaction, qui soulèvent également des questions sur l’abonnement et les règles du RGPD – réglement général sur la protection des données – ainsi que sur leur alimentation au quotidien. L’alimentation des services déconcentrés de l’État fait partie des activités du SIG. Nous apportons chaque semaine à l’ensemble des préfectures des informations sur l’action gouvernementale. En période de crise, la communication est beaucoup plus fréquente et mobilise un ensemble de communicants de crise dans les services centralisés et déconcentrés de l’État. Les préfectures disposent d’un certain nombre de relais. Un projet est en cours avec le ministère de l’intérieur pour la mise en place d’un extranet concernant les sites des préfectures. Nous travaillerons en 2022 à la rénovation de ce système. Nous pourrions éventuellement réfléchir à le mettre en place auprès des maires.

Pour ce qui est du SAIP, nous avons seulement été concernés par la sélection du prestataire.

M. Thomas Gassilloud, rapporteur. Le SAIP montre qu’un outil spécifique à la communication de crise ne fonctionne pas. Des pays utilisent un système de diffusion de SMS aux personnes présentes dans une zone donnée à un instant précis. FranceConnect comprend 30 millions d’inscrits. Cette base pourrait être employée pour communiquer auprès des citoyens.

Il est souvent dit dans les armées que le contexte de paix, de crise et de guerre s’est transformé en un contexte de compétition, de confrontation et d’affrontement. Le temps de paix a laissé la place à une compétition avec nos partenaires stratégiques ou à des menaces internes. Vous analysez en permanence l’évolution de l’opinion publique et le contenu des médias. J’ai entendu parler du baromètre de l’institut Kantar que vous mettez en place pour mesurer l’impact médiatique des actions de l’exécutif. En dehors de la crise, comment mesurez-vous l’opinion sur l’action gouvernementale ?

M. Michaël Nathan. Le SIG dispose d’une myriade d’outils. Les sondages de multiple nature, quantitatifs ou qualitatifs, fonctionnent bien. Cependant, même en bénéficiant d’un échantillon représentatif qui en assure la fiabilité d’un point de vue méthodologique, le sondage comporte une limite. Il propose une vision à un moment donné. Or, dans un contexte de vélocité de la diffusion de l’information, l’opinion change très rapidement. Des sondages hebdomadaires sont menés sur des questions fermées d’actualité, ainsi que des sondages ad hoc. Nous proposons également des synthèses de l’ensemble des sondages publiés, à la disposition de tous.

Cependant, ces sondages ne permettent pas d’avoir une vision exhaustive de l’opinion. Nous les couplons donc avec une analyse de réactions spontanées. Contrairement aux sondages, les réseaux sociaux ne sont pas représentatifs de l’opinion. La population n’est pas présente en totalité sur les réseaux sociaux et les personnes qui sont présentes ne s’y expriment pas toutes. Ce qui est publié sur les réseaux sociaux n’est pas une valeur absolue de représentation de l’opinion. En revanche, l’aspect vectoriel des réseaux sociaux est intéressant. Des signaux peuvent indiquer qu’une dynamique commence à émerger. Différentes échelles permettent d’identifier qu’une thématique suscite l’attention. Nous croisons ces indicateurs avec la prise de parole des médias sur ces thématiques. Il est difficile d’estimer si ce sont les médias ou les réseaux sociaux qui alimentent l’opinion sur une thématique. Depuis trois ans, nous cherchons à avoir une vision aussi complète  que possible sur ces données pour fournir à nos autorités de tutelle une vision de l’état de l’opinion. Pour mesurer l’activité dans les médias, le SIG a développé un indicateur appelé l’unité de bruit médiatique (UBM). Il correspond au nombre de fois où une personne est exposée à un sujet pendant une journée. Ce marché existe depuis de nombreuses années et était attribué à l’institut Kantar. Nous avons rouvert le marché pour le réattribuer, ce qui explique que vous en ayez entendu parler.

M. Thomas Gassilloud, rapporteur. Quel est le budget consolidé du SIG ?

Le service Viginum a été lancé pour détecter les tendances causées par des ingérences étrangères activant des mécanismes de grande ampleur pour faire émerger une idée dans l’opinion. Viginum est rattaché au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), et donc au Premier ministre comme le SIG. Quelle est la différence fondamentale de vos activités et comment s’articulent-elles ?

M. Michaël Nathan. Le SIG est doté d’un budget d’environ 12 millions d’euros, entièrement public et défini par la loi de finances.

Le SIG a participé aux travaux préliminaires à la création de Viginum. Le comité de lutte contre la manipulation de l’information (CLMI) a été organisé par le SGDSN en impliquant différents ministères et le SIG. Avant la création de Viginum, le SIG a été mobilisé pour définir une première qualification des enjeux et de la problématique. Une fois Viginum lancé, il ne s’agit pas de le dupliquer. Les outils de veille et d’écoute sur les réseaux sociaux pour lesquels nous passons des marchés sont interministériels. Viginum peut par conséquent les utiliser. L’outil de la société Visibrain, qui exploite des données issues de Twitter est par exemple à la disposition de Viginum.

Le périmètre du SIG est centré sur l’actualité. Nous regardons les thématiques en lien avec l’activité gouvernementale, y compris en période de crise. M. Stéphane Bouillon a expliqué à plusieurs reprises que le rôle de Viginum consiste à identifier des tentatives de manipulation par une structure étatique sur le territoire national. Son périmètre est très structuré, même si la porosité de l’information et des réseaux sociaux rend cette tâche compliquée. Le SIG est un acteur de communication et il ne saurait confondre ses activités avec celles du périmètre de Viginum.

M. Thomas Gassilloud, rapporteur. Votre terrain de jeu et vos outils sont les mêmes, mais vos objectifs ainsi que vos méthodes d’investigation diffèrent. Vous vous intéressez à des thématiques différentes à partir d’une matière commune.

M. Michaël Nathan. Cette matière est très vaste. Le périmètre de jeu est infini. Cependant, nous ne cherchons en effet pas la même chose. Les méthodes d’investigation de Viginum ne sont pas identiques aux nôtres.

M. Thomas Gassilloud, rapporteur. Si Viginum détecte une opération massive de manipulation, le SIG pourrait cependant être sollicité afin de rétablir la vérité.

Nous évoluons dans un environnement où l’information est immédiate. Ne pas délivrer la bonne information dans les heures qui suivent un événement peut faire perdre la bataille de la communication. Existe-t-il un dispositif permanent au sein du SIG pour communiquer la bonne information au moment adéquat ?

M. Michaël Nathan. Viginum travaille avec diverses instances, comme le CLMI – comité de lutte contre les manipulations de l’information –, qui prend les décisions et les met en œuvre, et le SIG, qui peut faire partie des leviers à activer en fonction de la menace. Pour rétablir une vérité, une communication officielle et institutionnelle prend son sens.

Dans sa définition, le SIG a un mode de fonctionnement permanent. Il ne s’agit pas d’une veille permanente vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais nous disposons d’un personnel d’astreinte tous les jours et les week-ends, en particulier pour l’analyse de l’actualité sur les réseaux sociaux, mais aussi pour produire de l’information. En situation de crise, nous travaillons fréquemment en dehors des horaires habituels.

M. le président Alexandre Freschi. Vous avez dit que la communication est plus susceptible de ne pas toucher l’opinion publique que l’inverse. Comment travaillez-vous en ayant cette idée en tête ?

M. Michaël Nathan. Il s’agit du constat à partir duquel je suis parti. Mais je ne le perçois pas comme une fatalité. Des leviers existent pour inverser cette tendance et nous y sommes plusieurs fois parvenus. Le contenant et le contenu doivent être correctement combinés. Les canaux de diffusion doivent être puissants pour que la communication s’effectue à large spectre et ne cible pas qu’un environnement médiatique centré sur Paris. Le numérique nous aide à toucher un public très large. Le premier enjeu a consisté à moderniser et développer le site internet du Gouvernement ainsi que la présence de ce dernier sur les réseaux sociaux. Le site internet n’est pas consulté par tous les citoyens, mais il constitue un premier outil.

La structure organique de l’État en ramification amène les ministères à communiquer chacun de manière verticale. Cette ramification devient une faiblesse pour la perception de l’opinion publique. La structure de nos institutions possède de nombreux et puissants points de relais, mais elle a tendance à  diluer l’information. La coordination interministérielle est en revanche un véritable levier pour optimiser l’impact de la communication. La crise nous a aidés en nous obligeant à recourir plus fréquemment à  cette approche.

M. le président Alexandre Freschi. Comment mesurez-vous que votre communication est plus efficace aujourd’hui ? Quelle est la fréquentation quotidienne du site du Gouvernement ? Des émissions télévisées telles que celles de Cyril Hanouna rassemblent 800 000 téléspectateurs tous les soirs...

M. Michaël Nathan. Nous mesurons régulièrement ce que l’opinion publique retient de l’activité gouvernementale. Lorsqu’une thématique poussée par le Gouvernement revient fréquemment, nous supposons que notre activité y a contribué. Nous avons travaillé sur le plan France Relance pendant une période où le covid laissait peu de place à l’émergence d’autres thématiques dans l’actualité. Pourtant, nous avons réussi à assurer une présence de France Relance dans les médias nationaux et régionaux et sur les réseaux sociaux, alors qu’un plan de cette nature apparaît généralement au moment où il est porté par le Gouvernement, puis son impact médiatique s’efface rapidement. Nous avons également mesuré que le dispositif « un jeune, une solution » a touché 65 % de la population cible, qui connaît cette plateforme et qui la rattache à une action du Gouvernement. L’attribution à l’État des actions menées par l’État  est un enjeu. Certaines de nos actions obtiennent moins de visibilité. La problématique liée à France Relance était de rendre compréhensible la somme de 100 milliards d’euros , qui parle difficilement aux citoyens. Nous avons donc voulu raconter le plan autrement, en territorialisant l’action pour la rendre palpable. Des indicateurs permettent ensuite de mesurer notre réussite.

La force de frappe est la problématique quotidienne de tous les médias. Le nombre d’abonnés aux réseaux sociaux du Gouvernement a été multiplié par dix en dix-huit mois. Le Gouvernement est présent sur Twitter, mais également sur Instagram, sur TikTok, sur YouTube, sur Snapchat et sur Facebook. Comme les animateurs télé, nous cherchons à utiliser les méthodes d’activation des communautés et à produire des contenus pour alimenter en permanence les canaux. . Cependant, contrairement à une chaîne de télévision, le gouvernement n’est pas un acteur éditorial. Nous nous adaptons toutefois en permanence à nos canaux et publics. Le SIG s’est doté de capacités de production de contenu en continu pour alimenter les différents réseaux.

M. Thomas Gassilloud, rapporteur. Je ne peux que vous encourager à territorialiser la communication. S’agissant du plan de relance, il aurait été appréciable de connaître pour chaque commune la thématique et le nom des projets avec le montant associé, car les parlementaires ont rencontré des difficultés pour accéder à l’information et à la valoriser. Les collectivités territoriales, départements et régions, sont devenues expertes dans la valorisation de l’aide qu’elles apportent aux communes, peut-être parfois à outrance. Alors que l’État est la personne morale qui apporte le plus de soutien, son appui n’est pas toujours mis en valeur. L’accompagnement des acteurs décentralisés pourrait contribuer à valoriser davantage cette action de l’État.

Notre mission s’intéresse à la résilience de la nation et je souhaite donc aborder le sujet de la communication en cas de crise grave. La communication représente un élément important de retour à la normale dans ces situations. Comment appréhendez-vous une crise très grave comme l’explosion d’une centrale nucléaire ou une crue centennale ? Comment travaillez-vous avec la CIC du ministère de l’intérieur, qui possède une stratégie de communication propre et qui intègre l’éventualité d’une rupture de fonctionnement des réseaux de télécommunication en cas de crise grave ?

M. Michaël Nathan. Le grand débat a montré que les citoyens ont une faible compréhension des actions que l’État mène individuellement envers eux. Ce manque de visibilité est une première problématique. Partout où l’État est, l’État doit se voir. L’Europe est très consciente de cette idée de marque. Nous avons travaillé sur la marque à l’aide d’un travail graphique notamment sur la Marianne. Nous devons faire preuve d’homogénéité pour que les concitoyens associent l’État à l’ensemble des actions qu’il mène, et pas  seulement à un État collecteur. Des progrès ont été réalisés dans ce domaine.

La gouvernance représente le plus important levier d’optimisation pour la communication de crise majeure. Le rôle du SIG est très clair. Il conseille le ministère référent, par exemple le ministère de l’intérieur ou celui de la transition écologique, en fonction de la nature de la crise. En tant qu’expert, il contribue à définir les stratégies de communication ; en tant que bras armé, il intervient pour massifier la communication à travers la coordination interministérielle de nos réseaux et procédures. La singularité de la crise du covid relevait de la décision politique. La CIC n’a pas été immédiatement activée. La CIC est prévue pour une durée donnée ; or le mode de fonctionnement était permanent. De nouvelles instances ont été créées. Les stratégies de communication ont été discutées au plus haut niveau de l’État, y compris en conseil de défense et de sécurité nationale. Les enjeux de la communication concernaient le respect des gestes barrières et des mesures de confinement, ainsi que la promotion de la campagne vaccinale. Le SIG devait optimiser ces procédures de décision.

Les cas de crise majeure provoquant une rupture des réseaux de télécommunication relèvent du ministère de l’intérieur et du Premier ministre. Le SIG réfléchit toutefois à la typologie de messages à diffuser dans cette éventualité. Nous anticipons ces situations par la pratique régulière d’exercices, comme ceux du SGDSN sur les accidents nucléaires. La communication ne s’improvise pas. L’anticipation représente un levier qui permettra de redoubler d’efficacité dans des situations de crises graves.

La réunion se termine à dix-sept heures quarante.

 


Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la résilience nationale

Présents. - M. Alexandre Freschi, M. Thomas Gassilloud