Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 Examen pour avis (avec délégation au fond) des articles 6 à 19 du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (n° 19) (Mmes Sandra Marsaud et Maud Bregeon, rapporteures pour avis)              2


Lundi 11 juillet 2022

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 3

session extraordinaire de 2021-2022

Présidence de

M. Guillaume Kasbarian,

Président


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La commission a procédé à l’examen pour avis (avec délégation au fond) des articles 6 à 19 du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (n° 19) (Mmes Sandra Marsaud et Maud Bregeon, rapporteures pour avis).

M. le président Guillaume Kasbarian. L’examen du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, premier texte de la législature soumis à notre commission, s’effectue selon des modalités de calendrier et des procédures sur lesquelles il importe que je revienne un instant, car elles sont un peu complexes.

Tout d’abord, comme vous tous ici, je regrette la grande brièveté des délais qui nous ont été accordés entre le dépôt du projet de loi, jeudi dans la soirée, et l’examen du texte en commission, ce lundi. Sachez qu’à chaque fois que j’en ai l’occasion, j’indique aux responsables du pouvoir exécutif que nous attendons des délais un peu plus généreux.

Toutefois, le texte fait l’objet de grandes attentes de la part des Français et des Françaises et un report de son examen, même de quelques jours, pourrait conduire, du fait de la navette parlementaire, à reporter son adoption définitive à la mi-août, période à laquelle il n’est pas certain que tous les protestataires viendront siéger en commission…

Je constate que nos rapporteures pour avis, Mme Sandra Marsaud et Mme Maud Bregeon, ont pu organiser dans des délais record des auditions qui ont occupé toute la journée de vendredi, et je rappelle que le bureau avait décidé de repousser le délai de dépôt des amendements de quarante-huit heures par rapport au délai réglementaire.

Mais encore une fois, j’en conviens, les conditions d’examen de ce texte ne sont pas celles que nous sommes en droit d’attendre.

Venons-en à l’aspect procédural, qui n’est pas le plus simple à appréhender.

Premier point : le projet de loi a été renvoyé à la commission des affaires sociales. C’est donc elle qui aura à se prononcer, au bout du compte, sur tous les articles du texte et, à la fin de l’examen, sur l’ensemble du texte. C’est elle également qui établira le texte adopté par la commission, lequel servira de base pour le dépôt des amendements en séance publique.

Deuxième point : la présidente de la commission des affaires sociales, Mme Fadila Khattabi, a estimé que plusieurs articles du projet de loi relevaient directement de la compétence de notre commission. Par un courrier du 8 juillet, elle a donc, selon les termes employés par l’article 87, alinéa 2, de notre Règlement, sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur les articles 6 à 19.

En clair, cela signifie que ces quatorze articles nous sont délégués au fond, procédure prévue explicitement depuis la réforme du Règlement de 2019 et qui emporte plusieurs conséquences.

Premièrement, la discussion des amendements portant directement sur ces articles délégués ou des amendements portant article additionnel à ces articles ne peut se faire que devant notre commission. Les amendements qui ont été déposés sur ces articles auprès de la commission des affaires sociales ont donc été déclarés irrecevables. De même, les amendements déposés auprès de notre commission sur des articles non délégués ont été frappés d’irrecevabilité. Toutes ces règles avaient été rappelées par moi-même lors de notre réunion de jeudi matin et figuraient dans un courrier adressé à chaque responsable de groupe, ainsi que sur la convocation à la réunion.

Deuxièmement, même si nous parlons d’une délégation au fond, juridiquement, cette saisine demeure une saisine pour avis. La particularité de la « sollicitation d’un avis », et ce qui constitue tout l’intérêt de cette procédure, réside toutefois en ce que la commission des affaires sociales s’engage à reprendre les amendements adoptés par la commission des affaires économiques. Mais nos rapporteures pour avis devront se rendre devant la commission des affaires sociales pour lui soumettre les amendements que nous aurons adoptés – et ceux-là seulement. Cela implique donc que nos travaux précèdent ceux de la commission des affaires sociales.

Troisième point : pour simplifier encore les choses, la commission des finances s’est saisie pour avis des articles 1er à 6 et 15 à 19. Il s’agit, cette fois, d’un avis simple, sans délégation au fond, mais vous aurez noté que plusieurs de ces articles – les articles 6 et 15 à 19 – relèvent de notre propre délégation au fond. Le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Louis Margueritte, est donc tenu de venir nous soumettre les amendements qui seront adoptés par la commission des finances sur ces articles, afin que, si notre commission les adopte à son tour, ils puissent être soumis à la commission des affaires sociales.

En résumé et pour le dire simplement, le calendrier est très contraint.

Mme Aurélie Trouvé et M. Sébastien Jumel m’ont fait savoir, vendredi, qu’ils préféreraient que la commission ne se réunisse pas pendant que la motion de censure sera discutée en séance publique. Il est ressorti de la consultation organisée à ce sujet par mes soins que la plupart des membres du bureau appartenant à la majorité, ainsi que les membres des groupes Les Républicains et Rassemblement national, préféraient débuter l’examen du texte cet après-midi.

Rien dans le Règlement ne s’oppose à ce que la commission siège pendant la défense d’une motion de censure. Bien évidemment, je suspendrai nos travaux lorsque le scrutin sur cette motion sera engagé, étant entendu que seuls les députés favorables à la censure vont voter dans le cadre de cette procédure.

Autre particularité de ce projet de loi, le Gouvernement a choisi de ne pas être présent en commission durant l’examen des articles, que ce soit en commission des affaires économiques, en commission des finances ou en commission des affaires sociales. C’est son droit, en vertu de l’article 45 du Règlement. Les orateurs des groupes pourront s’exprimer et interroger le Gouvernement lors de la réunion de ce soir, consacrée à l’audition, conjointe avec la commission des affaires sociales, de M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, et de Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

La commission des affaires économiques poursuivra l’examen des articles demain, mardi, après les questions au Gouvernement et le soir, et continuera, si nécessaire, mercredi.

Mais je n’en ai pas encore tout à fait fini avec la procédure.

Plusieurs amendements ont été déclarés irrecevables, pour différentes raisons. Quatorze d’entre eux se rattachaient à des articles ne relevant pas, à l’évidence, du champ de notre saisine, mais soumis à la commission des affaires sociales. Nous avions pourtant attiré votre attention sur ce risque. Sept ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, comme constituant une charge ou une baisse de recettes non gagée – je dois préciser que le président de la commission des finances, saisi pour donner son avis, ne m’a pas transmis sa réponse ; nous avons donc appliqué souverainement l’article 40. Cent six amendements, enfin, constituaient des « cavaliers législatifs » en vertu de l’article 45 de la Constitution.

Il me faut rappeler que l’article 45 dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». L’article 98, alinéa 6, de notre Règlement reprend cette même formulation, qui a en outre été explicitée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel depuis sa première décision en la matière, le 13 décembre 1985.

Pour procéder à son contrôle, le Conseil constitutionnel se réfère au contenu du texte déposé. L’amendement doit pouvoir se rattacher à un article précis de celui-ci, pas à son titre ni à l’exposé des motifs ou à l’intitulé des chapitres : ces éléments ne viennent que conforter le contenu sans être décisifs pour son appréciation.

Depuis sa décision du 20 décembre 2019 sur la loi d’orientation des mobilités, le Conseil constitutionnel a formalisé son raisonnement traditionnel en précisant, pour chacun des articles censurés comme cavaliers législatifs, en quoi ils ne se rattachaient pas à une disposition identifiée du projet de loi initial.

En clair, même si l’intitulé du texte mentionne « la protection du pouvoir d’achat », ce n’était pas une justification pour déclarer recevable tout amendement présenté par ses auteurs comme visant cet objectif : encore fallait-il que les amendements aient un lien avec un article du texte et que cet article figure bien dans le champ de notre saisine.

Certains amendements déclarés irrecevables par la commission des affaires économiques seront donc discutés, mais devant la commission des affaires sociales, s’ils ont effectivement été déposés auprès de cette commission. Je pense, par exemple, aux amendements sur la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés.

D’autres amendements, en particulier fiscaux, n’avaient manifestement aucun lien avec un article du projet de loi. Mais la discussion de tels amendements trouvera sa place dans l’examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022 par la commission des finances, cette semaine même. C’est aussi dans ce cadre que vous pourrez évoquer les tarifs réglementés du gaz, qui font l’objet de l’article 12 de ce projet de loi de finances rectificative.

S’agissant des amendements sur la protection du consommateur, j’ai retenu ceux visant à lutter contre des pratiques déjà illégales, mais j’ai écarté ceux tendant à encadrer des pratiques licites, notamment en matière de frais bancaires ou de démarchage téléphonique. Les députés Les Républicains en ont déposé un certain nombre à ce sujet.

Enfin, en matière d’énergie, les articles dont nous sommes saisis portent sur la sécurité d’approvisionnement en gaz et en électricité, ainsi que sur l’accès régulé à l’électricité nucléaire. Les autres problématiques, comme la rénovation énergétique, par exemple, ne pouvaient pas être retenues.

Je termine en vous indiquant que le Conseil constitutionnel censure d’office les cavaliers législatifs, sans même que les auteurs d’une saisine les contestent. Dès lors, si le président d’une commission permanente, en commission, ou le Président de l’Assemblée, en séance publique, n’exerce pas un contrôle étroit de la règle constitutionnelle, le risque est élevé que de nombreuses dispositions soient censurées par le Conseil. Ainsi, vingt-trois articles de la loi EGALIM 1 sur un total de quatre-vingt-dix-huit, soit un quart du texte définitif, avaient été déclarés contraires à la Constitution. J’aurais pu citer aussi l’exemple de la loi ASAP, dont j’étais rapporteur.

Au bout du compte, il nous reste 123 amendements à examiner.

M. Sébastien Jumel. Après cette longue intervention, ma grand-mère aurait dit : « Ni vu ni connu, j’t’embrouille ! » On n’y comprend rien ! Je croyais qu’une nouvelle ère s’était ouverte, de respect du Parlement, de ses prérogatives et de ses compétences, et que l’exécutif avait l’ardente volonté de veiller à la coélaboration dans l’examen des textes, dans une recherche de compromis. Tout ça, c’était du baratin ; nous nous faisions d’ailleurs peu d’illusions à ce sujet.

Vous réunissez notre commission bien que les députés de plein exercice que nous sommes – non des « protestataires », mais des commissaires, dont des membres de la commission des finances – regrettent que vous le fassiez au moment même où une motion de censure, qui n’est pas un petit sujet, est examinée en séance. Un autre regret vient des délais restreints, pour rester poli, ou plutôt de l’absence de délai permettant d’amender le texte. L’Amour du risque, c’était le titre d’un feuilleton des années 1980 : nous regrettons aussi que vous fassiez le boulot du Conseil constitutionnel avant même qu’il puisse s’exprimer.

Le Gouvernement, lui, ne s’est pas privé de faire figurer dans le texte nombre d’articles non liés au pouvoir d’achat, quand ils ne sont pas de nature à dégrader celui-ci, alors que tous les amendements auxquels nous avons réfléchi, que nous avons minutieusement préparés, non pour protester ni pour bloquer, mais pour prendre en compte ce que les gens nous disent – que, dès le début du mois, ils n’arrivent pas à remplir le frigo, et qu’en fin de mois ils ne peuvent pas assumer les dépenses –, ceux-là ont été jetés à la trappe au nom d’un examen très restrictif et dogmatique de l’article 45.

Bref, la coélaboration n’existe pas, la possibilité pour le Parlement d’améliorer ou d’enrichir le texte se heurte au mur de l’irrecevabilité et les délais imposés sont une première marque de mépris à l’égard des parlementaires. Je m’en serais voulu de commencer cette réunion inaugurale sans le dénoncer.

Vous avez fait part de vos propres regrets, monsieur le président, mais on mesurera l’autorité du président à sa capacité de se faire respecter par l’exécutif. Vous êtes le président de tous les commissaires, dans leur diversité politique, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition. Je souhaite que vous gagniez en autorité pour faire respecter le Parlement, notamment notre commission, en matière de délais d’examen des textes.

Mme Aurélie Trouvé. Je souscris tout à fait aux propos de Sébastien Jumel ; nous avons fait un courrier en ce sens au nom de tous les députés de la NUPES membres de cette commission.

Alors que nous sommes saisis avec délégation au fond d’articles dont certains concernent étroitement les questions écologiques – les centrales à gaz, le projet de terminal méthanier, un autre terminal flottant – et impliquent d’importantes répercussions, je m’étonne beaucoup que les organisations environnementales n’aient pas été auditionnées. Nous vous l’avons fait savoir dans notre lettre, nous aurions aimé que ce soit le cas de Réseau action climat (RAC), de WWF et de bien d’autres. Leur expertise et leur avis auraient été utiles.

Mme Sophia Chikirou. En ce qui concerne l’irrecevabilité des amendements que nous avons déposés, vous avez évoqué un précédent de 20 % à 25 % d’amendements jugés irrecevables, mais, ici, vous en avez jugé 106 irrecevables, pour 123 en discussion : n’y a-t-il pas là un petit excès de vigilance de votre part ? Nous, commissaires, sommes capables d’évaluer la constitutionnalité de nos amendements.

Pour ma part, deux amendements que j’ai déposés ont été jugés irrecevables alors qu’ils portent exactement sur la question du pouvoir d’achat des Français : ils proposaient de bloquer le prix de l’abonnement au gaz. Si cela n’a aucun rapport avec le projet de loi, monsieur le président, je ne sais pas ce que vous y voyez !

Je crains que l’on ne débute la législature par une sorte d’excès de pouvoir, arbitraire – le vôtre, celui que vous donne ici le Règlement. J’appelle tous mes collègues membres de la commission à être vigilants vis-à-vis de cette pratique et je vous demande un peu plus de souplesse dans votre jugement et d’explications. En ce qui concerne mes deux amendements, je ne comprends pas votre décision ; et au total, avec 106 irrecevables pour 123 en discussion, vous exagérez !

M. Charles Fournier. Même protestation quant à l’irrecevabilité de plusieurs de nos amendements. On pourrait tout aussi bien douter du lien direct qu’entretient avec le pouvoir d’achat le fait de ne pas respecter le code de l’environnement pour accélérer l’installation d’un terminal méthanier, et considérer cette disposition comme un cavalier. Estimer que la sobriété énergétique, à propos de laquelle nous avions déposé toute une série d’amendements, ne fait pas partie de la souveraineté énergétique est une vraie interprétation politique alors que l’équilibre en matière d’énergie est atteint à la fois par la sobriété et par l’accès à l’approvisionnement ainsi que par la production d’énergie renouvelable. Il est très regrettable que tous ces amendements aient été écartés.

M. Nicolas Meizonnet. Je souscris à la majorité des arguments avancés à propos du nombre d’amendements écartés. Ce texte se voulait un grand projet de loi pour le pouvoir d’achat des Français, très attendu et indispensable compte tenu de la situation. L’ensemble des groupes ont été raisonnables quant au nombre d’amendements déposés, sans volonté d’obstruction. Pourtant, la discussion du texte va être très limitée. Il semble aberrant, et incompréhensible pour les Français qui nous regardent, que nos principales propositions – baisse de la TVA sur toutes les sources d’énergie, suppression de la TVA sur un panier de cent produits de première nécessité, deux mesures liées au pouvoir d’achat, qu’on le veuille ou non – ne puissent être discutées. Nous regrettons ce rejet massif d’amendements.

M. le président Guillaume Kasbarian. Monsieur Jumel, en ce qui concerne les délais, je vous ai dit que je partageais votre point de vue, je l’ai fait remonter, je l’ai exprimé en réunion de bureau ; j’espère être entendu. Je peux monter en autorité avec le temps, ne vous inquiétez pas ; j’espère ne pas vous décevoir, mais je suis sûr que j’arriverai à vous convaincre.

En ce qui concerne les « cavaliers législatifs », le Gouvernement met ce qu’il veut dans le projet de loi au dépôt ; vous n’êtes pas obligés d’être d’accord avec lui ni de voter ses articles, mais c’est ainsi. En revanche, le Gouvernement est lui-même soumis à la censure qui frappe les amendements au titre de l’article 45 : s’il venait à présenter des amendements sans lien avec le projet de loi, il subirait exactement la même règle que vous tous. J’applique la même règle à tout le monde, sans distinction de groupe politique ni de personne. J’analyse chaque amendement, je regarde s’il a un lien direct ou indirect avec le texte, j’essaye de l’y raccrocher et le moindre doute bénéficie à l’auteur de l’amendement. C’est ainsi que j’ai repêché un amendement LR portant sur les pratiques illicites de démarchage téléphonique abusif, puisqu’elles étaient déjà illicites.

Je ne vous garantis d’ailleurs absolument pas que les amendements en question passeront in fine. Madame Chikirou, les 25 % des articles d’EGALIM jugés non conformes à la Constitution, c’était après l’ensemble du processus législatif et malgré le filtrage consciencieux des cavaliers par mon prédécesseur en commission, puis avant la séance. Quant à la loi ASAP, soixante députés de gauche avaient saisi le Conseil constitutionnel de 144 articles et plus d’une vingtaine avaient été censurés comme étant des cavaliers, ce dont les auteurs de la saisine s’étaient félicités, de manière un peu paradoxale – on dépose des cavaliers, on fait un recours devant le Conseil constitutionnel, puis on applaudit la censure de toute une partie du texte… Choisissons nos combats !

Je peux vous assurer que j’essaie d’adopter une attitude absolument neutre vis-à-vis des membres de la commission et que j’applique strictement la Constitution, en accordant toujours le bénéfice du doute, je le répète, à l’auteur de l’amendement. Je note votre frustration ; je vous invite à coller au plus près aux articles ; je vous garantis que, lorsque j’ai un doute, j’essaye de récupérer l’amendement.

En ce qui concerne la TVA, monsieur Meizonnet, pour information, le président de la commission des finances a lui aussi jugé qu’il fallait les renvoyer au PLFR. Deux présidents qui n’ont pas la même sensibilité politique et ne sont pas d’accord sur tout – c’est un euphémisme – s’accordent donc à dire que les articles liés à la TVA ne relèvent pas du texte sur le pouvoir d’achat, mais du PLFR ; nous arrivons donc à être justes indépendamment de nos positions politiques personnelles. Je vous invite à déposer vos amendements dans le cadre du PLFR et du futur projet de loi de finances.

Madame Trouvé, s’agissant des auditions, je sais que les rapporteures pour avis en ont organisé le maximum dans le temps qui leur était imparti. Quand vous êtes sollicitée par des organisations, il vous appartient d’y répondre par des entretiens et des contacts complémentaires. Je ne doute pas que vous l’ayez fait ; nous avons tous été saisis par différentes organisations, cela fait partie de la vie parlementaire.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Merci de m’avoir chargée d’être rapporteure pour avis des articles 6 à 9.

Le Gouvernement n’ayant déposé le projet de loi sur le bureau de notre assemblée qu’à l’issue du conseil des ministres tenu jeudi dernier, nous n’avons pu faire qu’une seule journée d’auditions, le vendredi, qui a cependant été très riche. Je remercie les collègues qui se sont joints à moi.

En raison des délais contraints, tous les acteurs n’ont pu se rendre disponibles. Nous avons tout de même pu auditionner, sur la consommation, France assureurs, la Mutualité française, l’UFC-Que choisir et la confédération Consommation Logement Cadre de vie (CLCV) ainsi que les directions concernées, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et le Trésor ; sur le logement, la CLCV, la Confédération nationale du logement, l’Association Force ouvrière consommateurs, l’Union nationale des propriétaires immobiliers, la Fédération des offices HLM, la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) et l’Union nationale des syndicats immobiliers (UNIS).

Je remercie vivement tous ces intervenants d’avoir pu se rendre disponibles littéralement du jour au lendemain. Ces auditions et les échanges avec mes collègues m’ont beaucoup aidée à mieux comprendre les dispositions du texte et à creuser certaines d’entre elles.

Je parlerai plus longuement du fond et de l’orientation politique du texte lors de l’audition des ministres qui aura lieu ce soir. Je m’en tiens pour l’instant à un bref résumé des dispositions et des propositions d’évolution que je vous soumettrai.

L’article 6 comporte deux mesures principales.

Premièrement, afin de prendre en compte le niveau élevé d’inflation déjà constaté et de limiter les hausses excessives de dépenses de logement pour les locataires, il propose d’indexer par anticipation les aides personnelles au logement (APL) versées à compter du 1er juillet 2022, sans attendre le 1er octobre comme le prévoit le droit existant. Le taux de revalorisation anticipée est fixé à 3,5 %, soit un niveau proche de l’évolution de l’indice de référence des loyers (IRL) attendue au deuxième trimestre 2022.

Deuxièmement, il propose le plafonnement de la variation de l’IRL sur une durée d’un an, de juillet 2022 à juin 2023, afin de limiter l’impact de la forte inflation sur les hausses de loyer et de rendre prévisibles les dépenses que les ménages consacrent au logement.

L’article 7 vise à simplifier les démarches des consommateurs désireux de résilier un contrat. À cet effet, il comporte deux mesures. En premier lieu, il affirme le principe selon lequel tout contrat souscrit par voie électronique peut être résilié suivant la même modalité. En second lieu, il fait obligation aux professionnels de mettre à la disposition des consommateurs une fonctionnalité susceptible de leur permettre d’accomplir à distance les formalités nécessaires à la rupture du contrat. En l’occurrence, l’article s’inspire du dispositif de bouton « Résiliation » développé en Allemagne sur le fondement d’une loi de 2021.

L’article 8 propose l’application des mêmes règles et d’un dispositif similaire pour les contrats d’assurance souscrits par voie électronique auprès des assureurs, des mutuelles et des instituts de prévoyance. Le projet de loi prévoit que ces deux articles entrent en vigueur à une date fixée par décret et, en tout cas, avant le 1er février 2023.

L’article 9 vise deux objectifs. En premier lieu, il tend à alourdir les sanctions pénales encourues pour pratiques commerciales déloyales, c’est-à-dire trompeuses ou agressives. À cette fin, il relève le quantum des peines au titre de deux circonstances aggravantes, en particulier les pratiques en bande organisée. En second lieu, il est proposé, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin d’alléger les procédures d’enquête et les procédures administratives de la DGCCRF. Il s’agit enfin d’accroître la portée dissuasive de ces actions, suivant le principe du name and shame.

Vous le voyez, le projet de loi mobilise une grande diversité de leviers d’action afin de préserver le pouvoir d’achat et de limiter le pic d’inflation que connaît le pays. Comme vous, je peux regretter que le cadre imparti à sa discussion ne permette pas de mener tous les débats voulus. Néanmoins, j’espère que, dans un esprit constructif, nous saurons répondre aux attentes de nos concitoyens en assurant l’efficacité des mesures d’intérêt public que le projet comporte.

M. le président Guillaume Kasbarian. Aucun amendement à l’article 6 n’ayant été adopté en commission des finances, je lève la réserve sur cet article, par l’examen duquel nous commençons donc sans attendre.

 

Article 6 (art. L. 353-9-2, L. 353-9-3, L. 442-1, L. 445-3, L. 445-3-1 et L. 823-4 du code de la construction et de l’habitation, art. L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime, art. 7 de la loi n° 84-595 du 12 juillet 1984 et art. 17-1 et 17-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989) : Définition d’un plafond temporaire d’IRL à 3,5 % et révision anticipée des paramètres de dépenses des APL

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE218, CE219 et CE217 de Mme Sandra Marsaud.

 

Amendement rédactionnel CE220 de Mme Sandra Marsaud.

M. William Martinet. Au sujet de la revalorisation des APL, une fausse information circule, qui tend à faire croire aux allocataires que leurs allocations seront revalorisées de 3,5 %. Ce n’est pas ce qui va se passer ! Il s’agit d’une revalorisation des barèmes, en conséquence de laquelle aucun allocataire ne bénéficiera d’une augmentation de 3,5 % de son allocation : un certain nombre la verra augmenter d’une proportion proche de ce taux, tandis que, pour d’autres, la hausse sera nulle ou négligeable, de moins de 1 euro. Je pense notamment aux allocataires du parc social – nous avons échangé avec les bailleurs sociaux lors de l’audition de vendredi dernier – qui touchent les APL : pour 40 % d’entre eux, il n’y aura aucune augmentation. Soyons très clairs sur ce point.

Quand la majorité a voulu baisser les APL de 5 euros en 2017, c’est bien l’ensemble des allocataires sans exception qui a subi cette réduction. Dans le cas de la revalorisation de 3,5 %, non seulement le montant est insuffisant – c’est un autre sujet – mais, en pratique, un grand nombre d’allocataires n’en bénéficiera absolument pas.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Comme vous, lorsque la Fédération des offices publics de l’habitat a fait cette annonce, j’ai été choquée. J’ai cherché à mieux comprendre et je suis heureuse de vous dire qu’en définitive, il ne s’agit pas vraiment de cela. Il fallait creuser le sujet pour le savoir – je ne dis pas que vous ne l’avez pas fait, seulement que nous n’en avions pas le temps ; je pense que nous allons pouvoir nous entendre à ce sujet, et j’espère pouvoir vous apporter des réponses.

Il faut distinguer en la matière ce qui est prévu par la loi de ce qui est fixé de manière réglementaire, par décret. Parmi les intervenants que nous avions conviés et qui n’ont pas pu venir, l’Union sociale pour l’habitat (USH) nous a confirmé qu’une partie de ce qui pourrait être revalorisé par décret n’était pas comprise dans ses projections. Je ne jouerai pas à la grande spécialiste, je vous dirai simplement ce que j’ai appris pendant le week-end. Les aides personnelles au logement dépendent d’un certain nombre de paramètres qui se divisent en deux catégories : d’une part, ce qui est lié à la dépense de logement de l’allocataire ; d’autre part, les paramètres de ressources. La première catégorie relève du texte de loi, la seconde du décret. Dans la partie ressources figurent ce que l’on appelle le R0, lié à la prise en compte des revenus, ainsi que d’autres paramètres. Au total, les APL vont être nettement augmentées, non pas d’environ 1 euro comme nous l’avions craint avec la Fédération des offices publics de l’habitat, mais de bien plus.

L’étude d’impact, que je n’avais pas eu le temps de lire lorsque nous avons eu ces échanges vendredi, inclut, aux pages 106 et 107, des tableaux présentant l’impact positif de la mesure sur différents types de foyers – couples, personnes isolées, avec ou sans enfants – selon leur situation géographique. Cela m’a rassurée : on peut considérer que ce n’est pas suffisant – peut-être les débats vont-ils le mettre en évidence –, mais le montant de la revalorisation peut aller jusqu’à plus de 20 euros.

Loin de moi l’envie de vous tromper. Je suis députée comme vous, nous avons fait les auditions ensemble. Simplement, étant rapporteure pour avis, j’ai passé quelques coups de fil et je suis plutôt agréablement surprise de ce résultat et des confirmations que j’ai pu en obtenir.

La commission adopte l’amendement.

 

M. le président Guillaume Kasbarian. Je donne la parole au rapporteur pour avis de la commission des finances, qui vient d’arriver.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission des finances, saisie pour avis des articles 1er à 6 et 15 à 19, a examiné, pour le moment, l’article 6 uniquement ; elle examinera les autres ce soir à vingt et une heures. Cet article a fait l’objet d’un avis favorable.

Trois amendements avaient été déposés. Les deux premiers, qui visaient à limiter respectivement à 1 % et à 0 % l’augmentation de l’IRL, ont été rejetés. Le troisième, de Charles de Courson, visait à prévoir des spécificités en matière de logement, touchant notamment les territoires d’outre-mer ; son auteur l’a retiré au profit d’un travail que nous allons mener conjointement pour voir s’il est possible de donner au préfet la capacité de fixer plus précisément l’augmentation permise dans ces territoires.

 

Amendements CE173 de Mme Soumya Bourouaha et CE133 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Sébastien Jumel. « On va s’entendre », dites-vous, madame la rapporteure pour avis ; on verra. Retenez tout de même que, tout laïque que je sois, je suis comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois ; et je ne considère pas ce que dit le Gouvernement comme parole d’Évangile, surtout lorsqu’il s’agit d’APL. Pourquoi ? Parce que vous avez un passif !

Dès 2017, vous avez pris des mesures visant à dégrader considérablement le niveau des APL qui viennent au secours des plus modestes. Un couple explose et une famille monoparentale se retrouve à devoir assumer le loyer ; une famille précaire subit une chute brutale de son revenu qui rend la pression du loyer insurmontable : ce sont des réalités sociales auxquelles nous sommes confrontés dans nos territoires. Mais vous avez décidé une coupe uniforme de 5 euros. Un député – j’espère qu’il est passé à la trappe – avait dit : « Qu’est-ce que vous voulez faire avec 5 balles ? » Mais 5 balles, pour une famille très modeste, cela peut permettre de faire face à des dépenses de première nécessité. Du fait de votre réforme sur la contemporéanisation, 374 000 personnes ont perdu leur APL et les APL ont diminué de 73 euros pour un peu plus de 1,3 million de locataires. C’est ça, votre passif !

Le Gouvernement a promis, dites-vous, de prendre en compte les réalités, mais nous ne voyons rien de concret dans le texte pour l’instant, mis à part la limitation de la hausse des loyers, et vous refusez d’augmenter substantiellement les aides au logement. Depuis 2017, 10 milliards d’euros ont été ponctionnés dans la poche des locataires. En diminuant les APL de 5 euros, le Gouvernement a pris 1 milliard aux plus pauvres, au moment même où il supprimait l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et donnait 3 milliards à ses amis. Cette histoire nous est restée en travers de la gorge.

En l’espèce, le compte n’y est pas ; « cela ne fait pas la maille », comme on dit chez moi. C’est pourquoi nous avons déposé des amendements. Celui-ci, le CE173, vise à geler les loyers. Telle est la proposition du groupe communiste.

M. Thibault Bazin. Mon amendement CE133 fait en quelque sorte équilibre à celui que vient de présenter M. Jumel. Si l’on plafonne les loyers dans les prochains mois, on risque d’envoyer un mauvais signal aux propriétaires bailleurs, qui les découragera de réaliser des travaux de rénovation énergétique, pourtant attendus et nécessaires. Donc, plutôt que de soumettre la hausse des loyers au respect d’un plafond fixe, qui pourrait être déconnecté des réalités, je propose que l’on s’inspire d’un système en vigueur dans les années 1990 : la révision du loyer ne pourrait excéder, à la hausse, la variation de la moyenne des indices de référence des loyers sur les quatre derniers trimestres.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Ces deux amendements en discussion commune préconisent des évolutions contraires : l’un tend à baisser l’IRL, l’autre à l’augmenter.

Le CE173 vise à geler l’IRL pour les six prochains trimestres à son niveau d’avril 2022, lequel a été fixé par l’INSEE à 2,48 %. Il s’agirait donc d’un niveau inférieur à celui qui nous est présenté dans le projet de loi et qui résulte des concertations préalables menées par le Gouvernement.

Par son amendement CE133, M. Bazin propose, en sens contraire, de remplacer le plafond de la hausse des loyers par un taux glissant calculé en fonction de l’IRL des quatre derniers trimestres.

M. Sébastien Jumel. Drôle de discussion commune !

M. le président Guillaume Kasbarian. Les deux amendements ont trait au même sujet. Une discussion commune peut porter sur des propositions très divergentes.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. L’approche défendue par M. Bazin me semble moins protectrice des ressources des locataires. Avec une inflation à 7 %, les indices pour les troisième et quatrième trimestres de 2022 pourraient connaître de fortes revalorisations, ce qui entraînerait une hausse nette de l’IRL des deux premiers trimestres de l’année 2023.

Je rappelle que l’IRL, publié chaque trimestre par l’INSEE, correspond à un indice pondéré de la moyenne de l’indice des prix à la consommation (IPC) sur les douze derniers mois. Concrètement, il s’obtient pour un trimestre donné en appliquant à l’indice du même trimestre de l’année précédente la moyenne sur douze mois glissants de l’évolution annuelle de l’IPC hors tabac et hors loyers. Cette méthode de calcul, qui se fonde sur l’IRL du trimestre de l’année précédente, assure que l’indice suit les variations de l’IPC mais seulement de manière décalée et fortement lissée, pour éviter aux ménages de trop fortes augmentations au fil des mois. L’IRL constitue donc structurellement un moyen de protéger les locataires contre des variations abruptes suscitées par l’inflation, telle que nous la connaissons et allons la connaître.

En l’occurrence, l’INSEE doit publier dans quelques jours – il le fait habituellement autour du 15 juillet – l’indice pour le deuxième trimestre de 2022. Selon les calculs, il devrait se situer autour de 3,55 %. L’inflation ayant atteint 5,2 % en mai et étant appelée à augmenter encore, l’IRL pourrait s’élever, d’après les estimations, autour de 5 % au quatrième trimestre.

L’article 6 vise à plafonner la hausse de l’IRL à 3,5 % pour les quatre trimestres à venir. Je pense qu’il vaut mieux préserver ce taux fixe de 3,5 %, qui permet en outre une prévisibilité des dépenses, salutaire en période d’inflation. La stabilité des prévisions est essentielle pour que les ménages puissent orienter leurs dépenses dans un contexte marqué par les contraintes sur leur budget.

J’émets un avis défavorable sur les deux amendements.

M. William Martinet. Je souhaite réagir à la remarque de M. Bazin sur les travaux de rénovation énergétique, qui relèvent effectivement de la responsabilité des bailleurs. Rappelons d’abord qu’il existe un système d’aides à la rénovation, sans doute très généreux, destiné aux bailleurs. Il ne serait pas raisonnable de demander aux locataires de payer de leur poche de tels travaux. Par ailleurs, les auditions auxquelles nous avons participé vendredi dernier ont été très instructives : le président de la FNAIM a rappelé que moins d’un appartement sur cinq était concerné par des travaux lors de sa remise en location. Il serait totalement disproportionné d’augmenter les loyers pour financer des travaux, de rénovation énergétique ou autres. La question est non pas celle du financement des travaux, mais celle de la rente immobilière. En décidant d’augmenter l’IRL de 3,5 %, vous vous placez indéniablement du côté de la rente immobilière et de toutes les mesures qui la favorisent, hélas au détriment du pouvoir d’achat des locataires. Vous pouvez d’ailleurs renommer votre projet de loi : c’est un texte non pas en faveur du pouvoir d’achat, mais en faveur, entre autres, de la rente locative.

M. Thibault Bazin. Monsieur Martinet, ce texte n’est pas le mien, sinon il s’agirait d’une proposition de loi. Vous caricaturez ma proposition et me prêtez des propos que je n’ai pas tenus. C’est précisément là où il existe des passoires énergétiques, qui grèvent le budget des ménages, que des travaux sont nécessaires. Tout le monde connaît les échéances en la matière. En dépit des aides et des avantages fiscaux, il y a un reste à charge. Si nous voulons inciter les propriétaires à la rénovation énergétique, il faut qu’ils puissent s’y retrouver, sans quoi ils ne feront pas de travaux et mettront fin aux locations. C’est d’ailleurs pourquoi nous nous retrouvons avec tant de logements vacants, notamment à Paris ; il y en aurait au total 3 millions.

Ma proposition pourrait conduire à une augmentation supérieure au chiffre qui figure dans le texte, mais ce n’est pas sûr. D’ailleurs, l’IRL a baissé il y a quelques mois, ce qui a entraîné une baisse des loyers qui s’y réfèrent. Il importe que le système s’adapte aux réalités, et il serait beaucoup plus cohérent de retenir la moyenne des quatre derniers trimestres, comme je le propose. L’enjeu est de réconcilier les propriétaires et les locataires ; il ne faut pas les opposer. Il sera nécessaire de réaliser dans certains logements des travaux très importants, que les mécanismes d’incitation ne suffisent pas à rendre justifiables du point de vue économique.

Vous parlez de rente, mais l’immobilier n’est pas une rente pour tout le monde et le logement est un bien essentiel. Il arrive que des personnes issues des classes moyennes, par exemple des couples de professeurs ou de fonctionnaires, consacrent toutes leurs économies à refaire un logement, en prenant du temps sur leurs week-ends, afin de le mettre en location et de bénéficier ainsi d’un complément de retraite. J’ai bien entendu les questions que vous avez posées au cours de l’audition vendredi dernier ; je ne partage pas votre vision et n’ai pas une approche financière du logement. Certains propriétaires ne sont pas des personnes aisées, tant s’en faut.

M. Sébastien Jumel. Tout le monde a compris : Thibault Bazin s’occupe des propriétaires ; nous proposons que l’on s’occupe des locataires ; la majorité a décidé de ne s’occuper ni des uns, ni des autres. Nous contestons le terme de « revalorisation » des aides au logement, puisqu’elle ne compensera pas, comme j’en ai fait la démonstration tout à l’heure, les coupes à répétition que vous avez pratiquées depuis 2017 au détriment des locataires.

Vous nous avez fait une réponse compliquée, madame la rapporteure pour avis. Êtes‑vous, oui ou non, favorable au gel de l’IRL ? J’ai l’impression que vous écrivez une nouvelle version de la chanson de Brassens : « mourir de faim à cause de son loyer, d’accord, mais de mort lente ». En réalité, vous ne freinez pas l’augmentation des loyers ; vous vous contentez de la limiter et de l’accompagner. Ces mesurettes de pouvoir d’achat sont des mesurettes d’accompagnement de la mort lente de ceux dont le frigo est vide et ne se remplira pas davantage avec votre texte. C’est pourquoi je maintiens l’amendement CE173. J’espère qu’il sera adopté, car il est attendu par la Confédération nationale du logement (CNL) et par toutes les associations qui sont, au quotidien, au chevet des locataires.

Mme Sandrine Rousseau. Le groupe Écolo-NUPES soutiendra l’amendement CE173. Le loyer est une des charges incompressibles les plus importantes pour les foyers les plus en difficulté, et la mesure qui figure dans le projet de loi confine à une augmentation des loyers. S’il s’agit de réconcilier les bailleurs et les locataires, deux solutions sont possibles : accélérer la rénovation énergétique en la rendant obligatoire ou réquisitionner les logements vacants. La première solution faisait l’objet d’un amendement qui a été déclaré irrecevable ; la seconde fait l’objet d’un amendement ultérieur, que, j’en suis sûr, vous soutiendrez.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je mets aux voix l’amendement CE173. Qui est pour ?... Qui est contre ?... Il n’est pas adopté.

M. Sébastien Jumel. Ça se compte !

M. le président Guillaume Kasbarian. Si vous le souhaitez, mais si vous contestez chaque vote, ça va être long…

La commission rejette successivement les amendements.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE221 de Mme Sandra Marsaud.

 

Amendements CE194 de Mme Clémence Guetté, CE89 de M. Gérard Leseul, amendements identiques CE90 de M. Gérard Leseul et CE174 de Mme Soumya Bourouaha, amendement CE132 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. William Martinet. L’amendement CE194 vise à geler les loyers dans le parc locatif privé et social. Que signifie concrètement pour les locataires l’augmentation de 3,5 % de l’IRL prévue par le Gouvernement à l’article 6 ? Que les loyers peuvent augmenter jusqu’à 3,5 % en cours de bail, par une décision unilatérale du propriétaire. Prenons le montant moyen des loyers en France, soit environ 700 euros par mois – mais on sait que les loyers sont beaucoup plus élevés au cœur de certaines métropoles. Dans ce cas, le propriétaire a la possibilité d’augmenter la charge locative de 300 euros par an. Je ne pense pas que les Françaises et les Français puissent se permettre de débourser 300 euros supplémentaires chaque année pour payer leur loyer !

Qui plus est, l’augmentation de 3,5 % de l’IRL que vous prévoyez est historique : jamais depuis sa création l’IRL n’a été revalorisé à ce niveau. Les associations de locataires nous ont d’ailleurs appris qu’il avait été nécessaire de faire évoluer l’indice et de créer l’IRL en 2008 précisément pour éviter les revalorisations antérieures qui pouvaient atteindre 2,5 % et que tout le monde jugeait insupportables.

Enfin, je le répète, le Gouvernement a arbitré en faveur de la rente locative au détriment du pouvoir d’achat des locataires. Rappelons qu’il y a une forte concentration de la propriété dans notre pays : d’après les chiffres publiés par l’INSEE il y a quelques mois, 3,5 % des ménages détiennent 50 % des logements mis en location. Que l’on ne nous serve pas la fable du petit propriétaire ! Les petits propriétaires ont sans doute besoin d’être aidés, mais cela peut passer par d’autres dispositifs, notamment une garantie universelle des loyers. En réalité, vous favorisez les 3,5 % de multipropriétaires, d’où le présent amendement.

M. Philippe Naillet. L’amendement CE89 vise aussi à geler les loyers. Je ne reprends pas les arguments présentés par mon camarade William Martinet, mais j’appelle, moi aussi, l’attention sur le fait que 3,5 % des propriétaires possèdent 50 % des logements en location. J’ajoute que les charges des propriétaires, qui se limitent à la taxe foncière et aux charges locatives, progressent moins vite que l’IRL.

L’amendement CE90 est un amendement de repli.

M. Sébastien Jumel. L’amendement CE174, identique au précédent, est également un amendement de repli.

En bloquant l’augmentation des loyers et en augmentant les APL de manière substantielle, nous consoliderions la capacité des familles modestes – celles qui sont éligibles à un logement social et aux APL – à payer leur loyer et, au bout du compte, nous prendrions soin des propriétaires. Rien de mieux pour un propriétaire qu’un locataire en mesure de payer son loyer ! Quant au débat lancé par notre collègue Thibault Bazin, c’est un faux débat. Nous revenons à la charge : il faut bloquer les loyers et augmenter les APL pour corriger les mesures injustes qui continuent de peser sur votre mauvais bilan.

M. Thibault Bazin. Je n’ai pas eu l’impression de raconter des fables. Malgré vos dénégations, il existe bel et bien des propriétaires modestes, J’ai reçu le témoignage de plusieurs personnes, notamment d’artisans ou d’indépendants touchant un revenu mensuel assez faible, qui ont mis toutes leurs économies dans un appartement qu’ils louent pour percevoir un complément de ressources. Ils ne sont pas tous multipropriétaires ; il ne faut pas caricaturer.

L’amendement CE132 vise à plafonner l’augmentation de l’IRL à 4 %, donc bien en deçà de ce qu’elle serait sinon. Cela ferait un équilibre avec les amendements suivants. En écoutant mes collègues insoumis, je me dis que le texte du Gouvernement est finalement un moindre mal !

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Je ne suis pas favorable au gel des loyers. Les auditions de vendredi dernier ont été riches et nous ont fourni de nombreux arguments contre une telle mesure.

Nous avons retenu un taux nettement inférieur à l’inflation prévue sur l’année qui vient, mais qui est tout de même positif, de manière à faire porter l’effort à la fois sur les bailleurs et sur les locataires de manière proportionnée. Certains estiment que ce n’est pas satisfaisant, mais il faut trouver un équilibre. À cet égard, l’État prend toute sa part, en augmentant les APL afin de protéger les plus faibles. Monsieur Jumel, cette hausse sera opérée par décret, et son incidence sera bien plus positive que ne le laissent penser les auditions. J’invite chacun d’entre vous à lire l’étude d’impact, qui présente des tableaux très clairs à ce sujet. De ce point de vue, il serait regrettable de ne pas revaloriser l’IRL, car le calcul des APL, déjà très complexe, est fondé en grande partie sur l’IRL : lorsque l’IRL augmente, les APL augmentent également – et inversement.

Par ailleurs, un point est souvent passé sous silence : à partir du 25 août 2022, c’est-à-dire dans un mois et demi, conformément à l’article 159 de la loi « climat et résilience », le loyer des logements classés F et G eu égard à leur diagnostic de performance énergétique (DPE) sera gelé en France hexagonale. Cela représente tout de même un quart du parc locatif. Il s’agit d’un gel indirect, mais c’est bel et bien un gel. Du reste, il déplaît à de nombreux propriétaires. On peut comprendre leurs difficultés, mais c’est conforme aux objectifs que nous avons adoptés, et j’assume d’avoir voté cette mesure.

Je me sens tout à fait au clair. Nous sommes dans le fameux « en même temps ». C’est une ligne parfois difficile à tenir, mais mes collègues et moi l’assumons.

En outre, il ressort des auditions que tous les bailleurs ne répercutent pas la hausse pleine de l’IRL sur leurs locataires, tant dans le parc public que dans le parc privé. La Fédération des offices publics de l’habitat a ainsi indiqué que, le 1er janvier prochain, certains bailleurs ne l’appliqueraient vraisemblablement pas. Nous avons introduit cette possibilité dans la loi 3DS – loi relative à la différenciation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

Vous évoquez les 50 % de logements privés détenus par de gros propriétaires, mais l’autre moitié appartient à de petits propriétaires – je rejoins M. Bazin sur ce point, le terme « petit » n’ayant rien de péjoratif. Les propriétaires n’augmentent pas toujours le loyer. Je l’ai moi-même constaté lorsque j’étais locataire à Bordeaux au cours de mes études.

Après deux années d’augmentation très faible, la hausse des loyers peut être nécessaire pour préserver l’équilibre financier des bailleurs sociaux. Ils nous l’ont dit et cela figure dans l’étude d’impact. Les recettes locatives des offices publics et des entreprises sociales de l’habitat constituent leurs ressources futures nécessaires aux investissements ; cela fait partie de leur modèle économique. Il y a, à mon sens, un équilibre entre, d’un côté, la limitation à 3,5 % de l’augmentation de l’IRL et, de l’autre, l’augmentation de 3,5 % des APL. L’indice de référence a effectivement été refondé en 2008 précisément pour éviter les problèmes posés par la précédente mouture, à savoir des hausses trop fortes ou abruptes des loyers.

En imposant un gel des loyers, on prendrait le risque de susciter leur décrochage par rapport à la réalité économique sous-jacente, ce qui pourrait pénaliser tout un segment de la population. Ce n’est pas tout blanc ou tout noir. Les dispositions du projet de loi se complètent et sont parfaitement raisonnables.

Lors de mes échanges avec les administrations, je leur ai demandé d’où venaient les mesures qui figurent dans le présent texte. Elles ne sortent pas du chapeau. Le Gouvernement a passé commande à tous les ministères et à tous les fonctionnaires : il leur a demandé quelles mesures d’urgence pourraient être prises dans leur périmètre respectif pour que la période inflationniste ne grève pas le pouvoir d’achat. Ce sont donc les fonctionnaires qui ont proposé ces mesures. La DGCCRF nous l’a confirmé lorsque nous l’avons auditionnée vendredi dernier. J’ai tenu à vérifier ce point et je le mentionnerai dans le rapport.

M. Sébastien Jumel. Je vous remercie, madame la rapporteure pour avis, de votre honnêteté et de votre sincérité. Vous nous donnez une indication forte sur la manière dont vous entendez conduire le mandat : vous affirmez tout de go que ce texte est le fruit non pas d’orientations, de décisions ou d’arbitrages politiques mais le fruit de la technostructure. Il y a de quoi s’inquiéter ! D’une part, le texte nous semble en complet déphasage avec ce que vivent les gens au quotidien. D’autre part, les mêmes ont été capables de vous faire des propositions inverses, consistant à taper sur le pouvoir d’achat ou à prendre le pognon aux plus nombreux, à savoir les pauvres, pour le donner aux plus riches, ce qui a eu les conséquences que nous connaissons.

Présenter un texte sur le pouvoir d’achat suppose de faire une photographie de l’impact dramatique qu’aura l’augmentation des prix sur le quotidien des Français. Nous faisons le constat que, lorsque tout augmente, la valeur travail n’est pas reconnue. Vous refusez de le partager et excluez donc de toucher aux salaires et aux retraites. Il y a évidemment une posture idéologique de votre part. Vos mesurettes techniques visent non pas à empêcher l’impact de l’inflation sur le quotidien des Français, mais à le limiter. Nous avons là la révélation du caractère inopérant, inefficace et injuste de ce texte, qui produira les effets que vous prédisez.

Mme Julie Laernoes. Je vais dans le même sens que M. Jumel. La sincérité est désarmante, et il est tout de même grave que, dans le moment politique que nous traversons et compte tenu de l’état dans lequel se trouve notre pays, le projet de loi que nous examinons résulte du rassemblement des mesures que la technostructure a fait remonter ! En tant qu’élue, je souhaiterais débattre d’orientations fortes et politiques. Or, vu le nombre d’amendements déclarés irrecevables pour des raisons diverses, je ne vois pas comment nous allons pouvoir travailler ensemble à l’élaboration de solutions propices. Nous ne sommes qu’au début de la discussion, mais la question du logement représente une grande partie de celle du pouvoir d’achat.

M. Thibault Bazin. Nous mélangeons plusieurs sujets, ce qui complique nos échanges. Les loyers ne sont pas fixés de la même manière selon la zone géographique, la catégorie du logement et l’étiquette énergétique. Ce qui est mentionné pour un logement peut être faux pour un autre. Des dispositions ont été prises, à la suite de travaux approfondis, notamment contre les loyers abusifs. Les règles de fixation des loyers ne sont pas les mêmes selon que la zone est tendue ou non, selon qu’il s’agit du parc privé locatif ou du parc public.

La revalorisation des APL est souhaitable, car elle permettra de faire une partie du chemin. Quant au plafonnement de la révision, il aura un impact différent en fonction des zones, des territoires et des biens. Il peut porter préjudice aussi bien à certains propriétaires qu’à certains locataires. L’effet de la mesure sera-t-il suffisant pour corriger les phénomènes de perte de chances subis par les propriétaires ou par les locataires, sachant qu’il ne faut pas opposer les uns aux autres ? Telle est la question.

Dans l’étude d’impact, très théorique, il manque un élément : quelle sera l’évolution dans les prochains mois ? Vous instaurez un plafond avec une valeur fixe, parce que vous anticipez certaines évolutions. Or personne n’est capable de dire ce qui se passera dans trois mois ou dans six mois. Dans trois mois, nous devrons peut-être nous interroger sur le bien‑fondé de la mesure, et nous constaterons peut-être qu’elle est allée trop loin ou, au contraire, qu’elle était insuffisante. Cela complique nos discussions.

Mme Danielle Simonnet. Madame la rapporteure pour avis, vous venez de nous révéler la façon dont le projet de loi a été élaboré. Je souhaite porter à la connaissance de tous les membres de la commission que, lors des auditions de vendredi dernier, les organisations de représentants des propriétaires nous ont fait d’autres révélations : ils étaient très satisfaits de la concertation menée en amont des annonces faites par M. Bruno Le Maire et la limitation de l’augmentation des loyers à 3,5 % faisait partie de leurs demandes. J’informe en outre mes collègues que les organisations représentatives des locataires, pour leur part, se sont fortement étonnées de ne pas avoir été consultées avant ces annonces. On voit donc bien quels intérêts sont défendus.

L’encadrement de la hausse des loyers à 3,5 % est en fait une autorisation d’augmenter d’autant les loyers, alors que l’ensemble des organisations de représentants des locataires demandaient le gel des loyers, voire leur baisse dans les zones tendues. Je suis une nouvelle députée et je suis assez naïve : je pensais que, puisqu’on nous invitait à travailler sur un texte de loi relatif au pouvoir d’achat, nous allions effectivement nous préoccuper du pouvoir d’achat. Or je me rends compte que, dans l’article que nous examinons, on se préoccupe de la rente des propriétaires.

Lors de cette audition, madame la rapporteure pour avis, vous avez demandé comment il serait possible de compenser la perte à gagner pour les petits propriétaires. Tout le monde a évidemment pensé aux petits propriétaires retraités, mais personne n’a pensé à ce moment-là à relever leur pension de retraite, ce qui me semblait pourtant relever de l’évidence. Il est totalement scandaleux de faire croire que l’on va défendre le pouvoir d’achat en autorisant une augmentation des loyers de 3,5 % et en refusant d’augmenter les APL au-delà de ce qui est prévu ; une hausse bien supérieure serait nécessaire.

M. Philippe Naillet. Je vais dans le même sens que mes collègues. Sans chercher à singulariser le territoire dont je viens, je signale que 75 % des Réunionnais sont éligibles au logement locatif très social. Nous subissons une double peine : le coût de la vie à La Réunion est supérieur de 7 % à ce qu’il est en France hexagonale, alors même que la population est plus pauvre. Accepter l’augmentation des loyers de 3,5 %, c’est plonger des familles en difficulté dans des difficultés plus grandes encore.

Je ne vois pas en quoi les mesures que vous proposez vont compenser l’inflation pour les plus modestes, puisqu’on annonce déjà une inflation de 6,1 % cette année, et de 7 % l’année prochaine – comme tous les collègues, je lis les chiffres. Le loyer est le premier poste de dépense pour les familles les plus modestes. Si l’objectif central de ce texte est de protéger leur pouvoir d’achat, le gel des loyers est de loin préférable à la solution retenue.

M. Pascal Lavergne. Mon intervention portera davantage sur la forme que sur le fond. Réagissant aux propos de la rapporteure pour avis, monsieur Jumel, vous avez reproché au Gouvernement d’avoir fait appel à des fonctionnaires pour élaborer ce texte. D’après ce que j’ai compris, un certain nombre de fonctionnaires peuplent les rangs de la NUPES. Y aurait-il donc des catégories de fonctionnaires que l’on peut interroger et d’autres, non ? Un peu de respect pour les fonctionnaires, s’il vous plaît !

M. Frédéric Descrozaille. Vous avez des années d’expérience, monsieur Jumel, et nous sommes sans doute d’accord pour déplorer que, par rapport au Gouvernement, le Parlement manque d’autonomie, d’expertise et de compétences. Nous avons déjà évoqué ensemble, pas nécessairement en séance, le fait que la Ve République a évolué vers une situation où l’exécutif détient trop de pouvoir. Le texte que nous examinons en est une illustration : élus depuis peu, nous avons eu très peu de temps pour l’examiner ; il est affreusement technique, et je vous avoue très humblement que je n’en maîtrise pas tout le contenu.

La rapporteure pour avis a reconnu avec humilité que le Gouvernement avait passé commande pour élaborer ce texte, en demandant quelles mesures étaient susceptibles, dans chaque périmètre, de limiter immédiatement la hausse des prix. Contrairement à ce que vous avez dit, c’est une instruction politique, et qui a du sens. Quant à la formule « technostructure », elle n’est pas digne d’un débat de ce niveau.

Ce texte n’est effectivement pas examiné dans des conditions idéales, mais ne faites pas semblant de découvrir, parce que notre collègue rapporteure pour avis a dit la vérité, que l’exécutif prend à cette occasion la main sur le Parlement. Pas vous, monsieur Jumel… Au cours de la législature, nous aurons certainement un débat sur la manière de réformer les institutions et de rééquilibrer les pouvoirs. J’espère qu’il sera transpartisan, car nous pouvons être unis en la matière.

M. Hervé de Lépinau. Je rappelle qu’un bail de location est un contrat, qui doit, par principe, être appliqué de bonne foi et qui comporte généralement une clause d’indexation du loyer, dans laquelle figure l’indice de référence. Certains d’entre vous souhaitent-ils déséquilibrer le contrat ou contraindre les parties à écarter cette clause ? J’aimerais en outre que l’on fasse la distinction entre bailleurs sociaux et bailleurs particuliers. Les contrats de bail passés avec les organismes publics de l’habitat ne prévoient pas nécessairement de révision du loyer, ou alors au bout de trois ans plutôt que tous les ans. En revanche, je le répète, les contrats de bail conclus entre particuliers comprennent généralement une clause d’indexation, qui en fait partie intégrante. Je vois mal comment on pourra contraindre ces propriétaires et ces locataires à se dégager du contrat.

M. Sébastien Jumel. Je souhaite m’exprimer, monsieur le président, j’ai été interpellé !

M. le président Guillaume Kasbarian. Vous m’avez invité à faire preuve d’un peu d’autorité, monsieur Jumel, en voilà une occasion. Le sujet étant important, j’ai accordé largement la parole, aux huit intervenants qui la demandaient, alors que l’on entend généralement un orateur pour et un contre. Si je vous donne la parole, d’autres vont vouloir réagir, et ce sera une histoire sans fin. Tout le monde ayant pu s’exprimer, je propose que nous en restions là et passions au vote. N’hésitez pas à solliciter la parole sur les amendements suivants.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE222 de Mme Sandra Marsaud.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 modifié.

 

Après l’article 6

 

Amendements identiques CE91 de M. Gérard Leseul, CE165 de Mme Sandrine Rousseau, CE172 de Mme Soumya Bourouaha et CE198 de M. Hadrien Clouet.

M. Philippe Naillet. L’amendement CE91 des députés Socialistes et apparentés vise, en complément des mesures prévues à l’article 6 encadrant l’évolution des loyers, à généraliser et à rendre pérenne l’encadrement des loyers à l’échelle de l’ensemble du territoire, en distinguant les zones dites tendues, où la pression locative est forte, du reste du territoire.

Lorsque les collectivités locales ne se sont pas saisies de la possibilité ouverte par les lois ALUR – pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – et ELAN – portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique – de créer un observatoire local des loyers, l’État en prendrait l’initiative dans des conditions précisées par décret.

Dans les zones dites tendues, l’encadrement des loyers serait assuré par la fixation du seul loyer de référence comme loyer plafond, ce qui entraînerait de fait une diminution des loyers lorsque ceux-ci sont plus élevés que le loyer moyen des logements comparables. Un loyer de référence minoré serait conservé, ce qui permettrait aux bailleurs de logements dont les loyers sont inférieurs à ce plancher de procéder à une correction. Le dispositif ne ferait pas obstacle à ce que le loyer puisse tenir compte de la réalisation de travaux, comme la loi le permet déjà.

Dans les zones dites détendues, aux loyer de référence et loyer de référence minoré s’adjoindrait un loyer de référence majoré permettant de tenir compte, dans l’établissement du loyer, de caractéristiques de localisation ou de confort supérieures à celles des logements comparables.

Ainsi, en complément de la nécessaire maîtrise de l’évolution annuelle des loyers, le présent amendement tend à instaurer un encadrement général mais territorialement différencié permettant de mieux lutter contre les loyers excessifs et de réduire les loyers moyens dans les communes tendues. Ce dispositif a également été proposé dans la proposition de loi d’urgence sociale commune à l’intergroupe NUPES.

Mme Julie Laernoes. L’amendement CE165 vise à encadrer les loyers sur tout le territoire, y compris dans le cas où les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne se sont pas saisis des dispositions législatives leur permettant de créer un observatoire local des loyers – première étape de l’encadrement des loyers. M. Naillet ayant déjà présenté le dispositif, je n’entre pas davantage dans les détails.

Il est essentiel de faire la distinction entre les zones tendues et les zones non tendues. Le territoire d’où je viens est une zone tendue, où 70 % de la population peuvent prétendre à un logement locatif social. Le parc privé ne permet plus de répondre à la demande, et nous ne trouvons plus de personnes exerçant des métiers peu valorisés, puisqu’elles ne peuvent plus se loger dans le centre des métropoles. Il est absolument urgent d’encadrer les loyers, pour les contenir dans les zones non tendues et les baisser dans les zones tendues.

M. Sébastien Jumel. J’ai écouté tout à l’heure avec délectation les compliments que vous avez adressés aux hauts fonctionnaires. Il est assez savoureux de les entendre de la part d’une majorité qui a fait appel à des cabinets d’études tout au long de la législature précédente ! Soyez-en convaincus, nous sommes profondément attachés à la fonction publique d’État, au principe de neutralité des fonctionnaires et à leur expertise, mais nous considérons qu’il appartient au politique de décider et d’arbitrer.

L’amendement CE172 vous donne d’ailleurs l’occasion de le faire, puisque nous proposons d’étendre l’encadrement des loyers à l’ensemble du territoire national, afin de les faire baisser dans les zones tendues, là où la crise du logement est la plus aiguë et où ça tape le plus fort, et de les stabiliser dans le reste du pays. C’est un amendement de bon sens, mais qui n’est peut-être pas suffisamment technocratique pour être adopté…

Mme Danielle Simonnet. Il est essentiel de mettre en place un encadrement des loyers dans les zones dites non tendues mais aussi d’encadrer les loyers à la baisse dans les zones tendues.

À Paris, l’explosion des loyers a été extrêmement préoccupante. De manière plus générale, les loyers représentaient environ 10 % des dépenses des ménages dans les années 1970. Ils pèsent désormais plus de la moitié de ces dépenses pour une part croissante de la population. La situation devient impossible.

Par ailleurs, il faut encadrer les loyers à la baisse dans les zones tendues. Dans une ville extrêmement dense comme Paris, presque un tiers des locations ne respectent pas l’encadrement des loyers. Cela pose la question des moyens alloués à une police du logement, pour que soient bien poursuivis ceux qui s’adonnent à la délinquance financière.

Dans chaque zone, il faut absolument fixer un loyer de référence inférieur au loyer médian et que les propriétaires ne puissent pas le dépasser quand le bien est mis en location – car il faut faire baisser durablement les loyers.

Pour limiter les abus des propriétaires dans les zones non tendues, il faut également fixer un loyer de référence à ne pas dépasser.

Avec cette proposition d’encadrement des loyers, nous mettrons un terme à la hausse sans fin des loyers pour permettre à tous d’accéder à un logement dans de bonnes conditions.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Ces amendements visent à généraliser l’encadrement des loyers à tout le territoire. Lorsque l’on connaît la situation du monde rural, on sait qu’y encadrer les loyers serait assez terrible et ne correspond absolument pas à la réalité.

L’encadrement des loyers en vigueur résulte de la loi ELAN. Elle permet aux collectivités territoriales de mettre en œuvre un tel dispositif, sur la base du volontariat.

Généraliser cet encadrement me paraît prématuré. À l’heure actuelle, le dispositif est appliqué à Paris, Lille, Lyon, Villeurbanne, Montpellier et Bordeaux. En outre, deux établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris – Plaine Commune et Est Ensemble – ont choisi de recourir à ce dispositif.

Il a été mis en place en juillet 2019 à Paris et en mars 2020 à Lille. Montpellier et Bordeaux l’ont appliqué depuis le début de l’année 2022. Les autres établissements publics et collectivités cités ne pourront le faire qu’au cours du second semestre de cette année. Dès lors, les pouvoirs publics ne disposent pas du recul suffisant pour mesurer la pertinence des loyers de référence et des procédures prévues dans le cadre de cette expérimentation. Au reste, la crise sanitaire provoquée par la covid-19 a pu perturber son déroulement et peser de manière artificielle sur le fonctionnement du marché locatif – y compris en zone rurale.

Alors qu’elle devait s’achever le 21 novembre 2023, cette expérimentation a été prolongée de trois ans par la loi 3DS. Le délai figurant dans la loi ELAN a été de nouveau ouvert, afin de permettre à de nouvelles collectivités ou EPCI de rejoindre le dispositif. Ces deux mesures nous ont paru nécessaires pour mesurer l’impact de l’encadrement des loyers et pour adopter des dispositions susceptibles de répondre durablement aux besoins de la population en matière de logement. Il est trop tôt pour y revenir, cinq mois seulement après leur adoption.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Ce débat peut donner matière à confusion entre le plafonnement et l’encadrement des loyers.

L’encadrement a été mis en place dans plusieurs métropoles. On peut se poser des questions sur ses effets. La situation des loyers ne s’est pas véritablement améliorée. Dans les métropoles où existent des tensions, il n’y a pas d’adéquation entre l’offre et la demande. Il y a de moins en moins d’offre et plus les contraintes seront importantes, moins les propriétaires seront incités à mettre des logements en location.

Je m’interroge donc sur l’efficacité du dispositif d’encadrement : on l’a essayé et on a vu qu’il ne donnait pas les fruits escomptés. Certes, Bordeaux a pu récemment mettre en œuvre l’encadrement des loyers, mais on peut douter que cela y résoudra la crise du logement.

Je m’oppose à ces amendements parce qu’ils proposent une fausse bonne solution.

Mme Julie Laernoes. L’argument selon lequel il y aurait moins de mises en location en raison des contraintes imposées aux bailleurs privés est assez fallacieux. Dans une zone très tendue comme Nantes, il y a extrêmement peu de logements vacants et l’augmentation des loyers est une réalité.

L’évolution des prix des loyers qu’on peut observer un peu partout en France fait ressortir les inégalités territoriales, car la mise en place d’un observatoire local des loyers – qui permet de déterminer quelles sont les zones tendues – relève du bon vouloir des présidents d’EPCI.

Nous observons les prémices d’une crise du logement liée aux importants déplacements de population qui résultent de l’épidémie persistante de la covid-19. Il est nécessaire d’encadrer les loyers et de lisser leurs évolutions dans les zones tendues et non tendues, faute de quoi nous allons encore être en retard par rapport aux faits. Il faut anticiper la hausse des loyers. Je le répète : c’est un problème sérieux pour accéder à l’emploi, aux services et au logement, singulièrement pour les jeunes.

Il faut adopter ces amendements pour éviter que la situation s’aggrave.

Mme Danielle Simonnet. Il est assez surréaliste d’entendre qu’à Paris les logements et bureaux vacants seraient au fond le résultat d’une spéculation insuffisamment débridée. Les Parisiens et tous les citoyens qui vivent dans des zones urbaines denses où existe un problème de spéculation et de tension en matière de logement s’étrangleront en écoutant ceux qui racontent cette fable.

Il faut bien comprendre que l’autorisation d’augmenter les loyers de 3,5 % a pour conséquence une hausse moyenne de ceux-ci de 300 à 400 euros par an, et de plus de 700 euros par an dans les zones denses.

Si l’on prétend se préoccuper du pouvoir d’achat des Français, pour lesquels le loyer représente le premier poste de dépenses, il faut commencer par geler les loyers, avec un encadrement des loyers et un encadrement à la baisse dans les zones denses.

M. Matthias Tavel. Selon la rapporteure pour avis, l’encadrement général des loyers est prématuré. Je crois au contraire que le moment est venu d’agir en les gelant. C’est ce que nous proposons dans cet amendement, avec un encadrement à la baisse dans les zones tendues et avec un encadrement sur l’ensemble du territoire.

On voit se généraliser les phénomènes qu’on a pu constater dans les grandes villes, où la situation est devenue hors de contrôle. Ce que l’on a vu à Nantes se passe par exemple à Saint-Nazaire, où il devient de plus en plus difficile de se loger.

Il faut agir maintenant, avant qu’il ne soit trop tard.

Vous ne voulez pas entendre le point de vue des locataires – manifestement vous avez fait un autre choix. Mais écoutez au moins celui des employeurs, qui ne parviennent pas à recruter, car les salariés ne peuvent pas se loger à un prix décent. Si vous ne voulez pas intervenir pour les locataires, faites-le au moins pour les patrons. Mais faites-le, parce que les gens en ont besoin.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. La généralisation de l’encadrement des loyers ne répond pas aux problèmes rencontrés dans les zones rurales, où il faut souvent procéder à de coûteux travaux de rénovation des logements vacants. Il faut y traiter les choses d’une manière différente de celle retenue avec l’encadrement des loyers dans les zones en tension.

Il convient aussi de laisser les élus locaux se saisir de ces sujets. Ils connaissent bien les questions d’habitat et de logement, qui relèvent de leur compétence.

Lors des auditions, la CLCV a indiqué que le marché locatif parisien était moins tendu depuis cinq ans. Cela prouve que Paris n’est pas toute la France et que les évolutions sont différentes selon les régions. C’est l’une des raisons pour lesquelles la généralisation de l’encadrement des loyers n’est, selon moi, pas pertinente. En soi un tel dispositif ne me choque pas, mais il faut en laisser l’initiative aux élus locaux, qui connaissent bien les réalités locales. Les élections municipales ont eu lieu en 2020 et il est loisible aux citoyens de saisir leurs élus et de faire des propositions.

Laissons vivre la démocratie locale ainsi que la faculté récemment ouverte par la loi 3DS.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE92 de M. Gérard Leseul.

M. Philippe Naillet. Cet amendement, suggéré par la Fondation Abbé Pierre, prévoit de limiter l’évolution des loyers à celle de l’IRL au moment de la relocation. Il est prouvé que les augmentations de loyer les plus importantes ont lieu au moment d’une nouvelle location, notamment lorsque la précédente était ancienne.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Nous parlions à l’instant de l’« encadrement ELAN ». Il s’agit maintenant du « plafonnement dit ALUR ». Ce plafonnement, déjà prévu pour modérer l’évolution des loyers par l’article 18 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, impose que la réévaluation du loyer entre deux locataires ne peut pas dépasser l’évolution de l’IRL en zone tendue.

Cette règle permet de modérer l’évolution des loyers en appliquant aux loyers entre deux baux la même règle qu’au loyer en cours de bail.

Il n’est pas opportun d’appliquer aux baux entre deux locataires, comme vous le proposez, une règle encore plus contraignante que celle qui s’applique au loyer en cours de bail.

Avis défavorable.

M. William Martinet. Je ne résiste pas à la tentation de réagir aux propos de la rapporteure pour avis sur la démocratie locale et l’encadrement des loyers.

Comme vous le savez, le ministère du logement a refusé l’encadrement des loyers par Grenoble et par deux établissements publics territoriaux, dont Grand-Orly Seine Bièvre, alors que la majorité des élus et des citoyens le souhaitaient. Voilà pour l’argument de la démocratie locale, dont on voit les limites au vu de l’attitude du Gouvernement.

L’échange entre la rapporteure pour avis et M. Bazin est une vraie réussite. L’encadrement des loyers prévu par la loi constitue une usine à gaz. Son application extrêmement difficile permet à M. Bazin d’expliquer que l’encadrement ne fonctionne pas et de demander sa suppression. La loi ELAN ne traduisait pas une réelle volonté politique du Gouvernement d’encadrer les loyers. Vous avez fait le service minimum et vous l’avez fait de la manière la plus compliquée possible.

Voilà pourquoi les amendements précédents, que vous avez rejetés, ce que je regrette profondément, étaient indispensables pour mettre en place un dispositif fonctionnel d’encadrement des loyers, dont les locataires auraient perçu les effets à la fin de chaque mois.

M. Sébastien Jumel. La situation économique est sans précédent. Une bulle inflationniste grossit. Elle conduit le ministre de l’économie à revoir chaque matin ses prévisions assurées de la veille. Plusieurs secteurs d’activité risquent d’être déstabilisés – l’alimentation, les loyers, l’énergie –, avec les gens pour premières victimes.

Dans cette période de turbulences et d’incertitudes, la question de l’encadrement général des loyers s’impose.

La rapporteure pour avis a évoqué la ruralité. J’ai été maire d’une ville moyenne et ma circonscription comprend 162 communes rurales situées autour de celle-ci. Depuis le covid-19, les prix y explosent. L’ère de la métropolisation est terminée – et c’est heureux. Mais de très nombreux habitants des métropoles, qui n’ont plus les moyens de s’y loger, s’intéressent aux villes moyennes et aux communes rurales. Cela provoque une déstabilisation du marché du logement qui n’avait pas été prévue.

Il est légitime de considérer qu’il faut faire une pause et qu’il faut encadrer. Dans des régions entières, les gens du cru se demandent comment faire pour se loger. Les maires sont désarmés pour lutter contre le phénomène Airbnb et contre l’explosion du nombre de résidences secondaires et des loyers.

Les libéraux privilégient la loi du laisser-faire et du laissez-passer. Pour notre part, nous préférons la loi qui protège et qui régule, y compris les loyers.

M. Thibault Bazin. Je trouve dommage que l’on caricature mes propos. Je n’ai déposé aucun amendement proposant d’abroger telle ou telle loi. J’ai seulement relevé un certain nombre des effets de l’encadrement des loyers. Ce constat a été également réalisé par des études. On sait que tout dispositif concernant les loyers a des effets positifs et négatifs.

Nous pouvons tous partager le constat d’une crise du logement. Mais l’ensemble des solutions proposées par les amendements, et défendues notamment par notre collègue Jumel, portent sur la demande. Or il y a une crise de l’offre.

Les messages envoyés au travers des dispositifs qui seront adoptés auront un effet, y compris sur le parc locatif privé. Il faut que ces messages soient cohérents. On attend une évolution de ce parc grâce à des travaux et des investissements. On ne peut pas dire que tous les propriétaires sont des rentiers. C’est faux. Ils ont parfois emprunté et doivent rembourser le prêt contracté pour acquérir les logements. Ils peuvent avoir des investissements à y réaliser.

Je comprends votre vision, qui permet de faire des effets de manche. Mais nombre de propriétaires, y compris dans des zones qui ne sont pas tendues, ne peuvent pas effectuer la rénovation thermique de logements vacants. Le montant des loyers susceptible d’amortir l’investissement serait trop élevé.

Il faut accompagner tous les territoires et ne pas opposer les uns aux autres.

M. Hervé de Lépinau. Cette législature va être passionnante parce que les clivages idéologiques ressortent enfin. Nous allons débattre.

Les propos de M. Jumel laissent entendre qu’il refuse la loi du marché, c’est-à-dire celle de l’offre et de la demande. Je suis élu du sixième département le plus pauvre de France, dont le budget est équilibré par les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), c’est-à-dire grâce aux ventes immobilières. Nous pouvons maintenir son budget social grâce à ces droits, mais nous constatons aussi que les maisons sont principalement achetées par des Parisiens qui doivent s’exiler parce que la vie parisienne est devenue très compliquée – merci madame Hidalgo ! Ils arrivent avec un pouvoir d’achat énorme et peuvent payer comptant, ce qui fait que les prix augmentent mécaniquement.

Je pose une question très simple : faut-il soviétiser les relations sociales ou bien faut‑il faire confiance à chacun tout en ayant conscience que la loi de l’offre et de la demande est imparfaite ? Je lance le débat.

Mme Danielle Simonnet. Votre description montre bien que la loi du marché ne fonctionne pas !

Mme Julie Laernoes. Nous avons débuté cette législature en souhaitant être force de proposition, pour tirer ensemble les leçons et prendre les mesures nécessaires.

Sur un sujet aussi important pour le pouvoir d’achat des Français que le logement, nous avons fait des propositions sensées s’appuyant sur l’expérience locale et associative et nous avons évité de tomber dans les extrêmes ou la caricature. Je regrette que tous nos amendements aient été rejetés à ce stade de l’examen du projet de loi. J’espère qu’il en ira différemment par la suite.

Certains assimilent nos propositions à des mesures soviétiques. De tels propos n’ont pas leur place dans cette commission. Nous voulons travailler de manière constructive pour améliorer le pouvoir d’achat et l’accès au logement. C’est aussi une urgence absolue pour l’emploi dans les zones tendues.

Je déplore la conclusion des débats sur l’article 6 et les amendements portant article additionnel après cet article.

M. le président Guillaume Kasbarian. Le vote des députés est libre. Peut-être n’avez-vous pas réussi à convaincre nos collègues.

L’expression est également libre et des différences idéologiques majeures peuvent se manifester. « Soviétique » n’est pas une insulte. C’est un adjectif que j’ai moi-même utilisé lorsque Mme Batho présentait ses amendements sur le projet de loi « climat et résilience » – ce qui m’avait valu quelques commentaires acerbes. Cela fait partie du débat politique.

Mme Sophia Chikirou. Nous pouvons tous faire part d’anecdotes liées à notre expérience d’élus locaux et sur ce que vivent nos concitoyens. Mais il s’agit ici de légiférer de manière générale.

Il faut rappeler que 3,5 % des propriétaires détiennent 50 % des logements mis en location. On ne parle donc pas de petits propriétaires. On légifère pourtant en mettant en avant la situation de ces derniers. Au nom d’une minorité qu’on chercherait à protéger, on fait des cadeaux énormes à 3,5 % de rentiers. Il faut avoir cela présent à l’esprit une bonne fois pour toutes.

Il faut discuter sérieusement de nos propositions, qui ne sont pas irréalistes et qui répondent à la nécessité d’aider les Français à supporter la charge du loyer – qui représente entre 30 % et 50 % de leurs revenus.

Nos amendements seront peut-être tous rejetés en bloc lors de la suite de la discussion. Pourquoi pas ? Le débat aura lieu malgré tout. Mais, dans ce cas, il faut en finir avec l’hypocrisie. Mme Borne a dit en réponse à la motion de censure qu’elle souhaitait gouverner et agir ensemble, mais le comportement des groupes qui la soutiennent va dans un tout autre sens.

M. le président Guillaume Kasbarian. Encore une fois, les différences idéologiques font que nous ne sommes pas tous d’accord.

Mme Anne-Laurence Petel. Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui défendent les locataires et, de l’autre, ceux qui défendent les propriétaires. Il y a un problème de logement.

Les lois déjà votées constituent autant de boîtes à outils pour les collectivités territoriales – qu’il s’agisse de la loi ELAN, de la loi ALUR ou de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU).

Les zones tendues sont particulièrement nombreuses dans les métropoles, mais les causes sont multiples. On a parlé de l’absence de logements vacants à Nantes, mais dans la métropole d’Aix-Marseille-Provence il y en a énormément – 7 000 à Aix-en-Provence. Ailleurs, c’est le foncier disponible qui fait défaut pour construire.

Nous n’avons pas la même approche philosophique. Vous pensez que la France est un espace homogène. Nous pensons qu’il faut mettre différents instruments à la disposition des élus locaux, afin qu’ils puissent répondre aux besoins en logements plus nombreux et moins chers en fonction des spécificités de leur territoire.

Nantes et Aix-en-Provence ne se ressemblent pas du tout. Si les causes sont différentes, les solutions doivent l’être aussi.

M. Charles Fournier. J’avais déposé un amendement à l’article 6 qui n’apparaît finalement plus dans la liasse des amendements mis en discussion. Je trouve cela dommage.

Il proposait la rénovation écologique performante de tous les logements, grâce à une prise en charge financière des travaux par l’État – totale pour les ménages les plus modestes et à plus de 90 % pour les ménages modestes. Cette mesure permettrait d’améliorer directement le pouvoir d’achat et concerne tant les petits propriétaires dont nous avons parlé que les locataires.

Une telle mesure de justice sociale aurait complété MaPrimeRénov’, qui ne permet pas aux ménages les plus modestes d’effectuer les travaux de rénovation thermique. Elle aurait été bénéfique pour le climat et aurait renforcé la souveraineté énergétique. Il est vraiment regrettable que cet amendement n’ait pas été retenu.

M. le président Guillaume Kasbarian. Pour votre information, Monsieur Fournier, M. Coquerel, président de la commission des finances, avait été saisi de la recevabilité de votre amendement CE185. Ce dernier avait été en quelque sorte mis en réserve dans l’attente de sa réponse. Comme elle n’est pas venue, j’ai moi-même déclaré cet amendement irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution.

La commission rejette l’amendement.

Titre II
Protection du consommateur

Chapitre Ier
Résiliation de contrats

Article 7 (art. L. 221-14 et L. 242-10 du code de la consommation) : Modalités de résiliation des contrats conclus par voie électronique

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE250 et CE251 de Mme Sandra Marsaud.

 

Amendement CE55 de M. Jérôme Nury.

M. Jérôme Nury. L’article 7 vise à permettre aux consommateurs de résilier facilement un contrat conclu par voie électronique, afin de ne pas les maintenir captifs d’un opérateur.

L’amendement propose de faciliter la résiliation de tous les contrats, y compris ceux qui n’ont pas été conclus par voie électronique. Il s’agit d’aider l’ensemble des consommateurs, dont ceux qui s’engagent par écrit.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. L’article 7 ne porte que sur les contrats souscrits par voie électronique. Il établit un parallélisme des formes logique entre les modalités de souscription de ces contrats et leur rupture à l’initiative de l’une des parties.

En visant les contrats de manière générale, la modification proposée excède très largement le champ de la disposition. Cela présente un problème au regard de la multiplicité des conventions potentiellement affectées et qui font l’objet de régimes spécifiques dans le code de la consommation. Au reste, les parties à un contrat peuvent convenir librement d’une résiliation par voie électronique.

Si l’on peut comprendre la recherche de simplicité, l’amendement n’est pas proportionné. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

M. Jérôme Nury. Je m’étonne de cette réponse. Lorsque l’on fait l’objet d’une contravention routière sous forme papier, on peut l’acquitter par voie électronique. C’est donc bien une facilité qui est offerte aux usagers.

L’amendement propose de faire de même pour les contrats privés, ce qui constituerait une avancée pour l’ensemble des consommateurs.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Dans cet exemple, il ne s’agit pas d’un contrat.

La commission rejette l’amendement.

Mme Sophia Chikirou. Il me semble que cet amendement a été adopté lors du vote.

M. le président Guillaume Kasbarian. De mon siège, je vois parfaitement l’ensemble des députés des différents groupes et je souhaite que vous ne remettiez pas en question toutes mes annonces sur les résultats des votes. Ou bien présentez votre candidature à la présidence de la commission et prenez ma place.

Pendant les cinq années précédentes, les débats ont été apaisés au sein de cette commission et le résultat des votes n’a pas été systématiquement discuté.

 

Amendement CE269 de Mme Sandra Marsaud.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Cet amendement propose de réécrire l’alinéa 5 de l’article afin de préciser la finalité de l’obligation faite aux professionnels de mettre en place une fonctionnalité permettant aux consommateurs de résilier un contrat électronique suivant le même procédé que celui utilisé pour sa conclusion. Il précise également les mesures d’application qui relèvent du pouvoir réglementaire, pour s’assurer de la pleine efficacité du dispositif.

Il s’agit là de la mise en place du fameux bouton « Résiliation ».

Mme Bénédicte Taurine. Je reviens sur le vote précédent. Dans le doute, il est toujours possible de compter de nouveau ponctuellement.

M. le président Guillaume Kasbarian. C’est bien noté et je n’y suis pas opposé – nous l’avons d’ailleurs fait précédemment. Je vous assure que le résultat du vote était clair et je souhaite que la confiance s’installe.

M. Matthias Tavel. La confiance n’exclut pas le contrôle.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CE30 de M. Richard Ramos tombe.

 

Amendement CE67 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. La loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite « loi Chatel », avait déjà facilité les démarches de résiliation d’abonnement téléphoniques ou internet. Néanmoins, rompre un contrat implique parfois de payer des frais de résiliation : pour un abonnement souscrit pour vingt-quatre mois, il faut s’acquitter du remboursement des mensualités restantes sur la première année, plus 25 % des frais restants sur la deuxième année.

Cet amendement vise à supprimer ces frais. Le projet de loi porte sur le pouvoir d’achat et vise à faciliter la résiliation des contrats. Allons jusqu’au bout de la logique.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Cette mesure soulève plusieurs difficultés.

En premier lieu, elle ne relève pas de l’article 7, qui concerne une disposition de portée générale relative aux contrats souscrits par voie électronique. Les contrats de services de communications électroniques relèvent, quant à eux, de dispositions spécifiques – en l’occurrence les articles L. 224-26 à L. 224-42-4 du code de la consommation.

En second lieu et plus fondamentalement, l’objet de l’article 7 n’est pas de réduire de manière arbitraire les frais de résiliation qui peuvent être imputés aux consommateurs en cas de rupture anticipée de leurs engagements. Il s’agit de favoriser les démarches de résiliation dans le respect de l’équilibre des relations contractuelles nouées avec les professionnels.

En l’absence d’évaluation, votre proposition pourrait aboutir à des comportements opportunistes susceptibles de déstabiliser le marché concerné. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Julien Dive. L’amendement porte sur l’article 7, sinon il n’aurait pas été jugé recevable au titre de l’article 45 de la Constitution – n’est-ce pas, monsieur le président ?

Si l’article 7 permet de faciliter la procédure de résiliation des contrats, il ne donnera pas mécaniquement du pouvoir d’achat supplémentaire aux Français. L’amendement le permet, en évitant de faire payer la deuxième année qui reste. Avec des contrats où les personnes s’engagent pour vingt-quatre mois, voire davantage, on ne peut pas parler de recherche d’effet d’aubaine – cela pourrait être le cas s’il s’agissait de contrats d’une durée inférieure à douze mois, mais ils ne sont pas concernés par l’amendement.

Je suggère à la rapporteure pour avis de reconsidérer son avis sur un amendement qui donne du pouvoir d’achat aux Français.

M. Matthias Tavel. L’amendement a été jugé recevable quand d’autres relatifs aux abonnements de gaz et d’électricité, sujets que le texte aborde pourtant, ont été considérés comme des cavaliers. Je peine à vous suivre, monsieur le président.

Nous soutenons l’amendement, en raison non pas de l’idéologie qui le sous-tend en vertu de laquelle le pouvoir d’achat est mieux garanti par une concurrence plus forte et la loi du marché en toutes circonstances – nous sommes partisans de la régulation économique – mais de la double peine infligée au consommateur. Les actes individuels de consommateurs ne risquent guère de déstabiliser des marchés qui relèvent plus de l’oligopole voire de l’entente entre opérateurs.

Il s’agit d’une mesure de bon sens. Dans un esprit constructif que vous revendiquez, nous voterons l’amendement même s’il est issu d’autres bancs que les nôtres.

M. le président Guillaume Kasbarian. L’amendement porte sur les résiliations de contrat, qui est précisément l’objet de l’article 7.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. L’amendement pourrait avoir pour effet de remettre en cause tous types de contrats. C’est une véritable révolution.

Je maintiens mon avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE68 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. Il s’agit de dispenser les personnes engagées dans une procédure de surendettement de s’acquitter des mensualités restantes et des frais de résiliation de l’abonnement auquel il est mis fin.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Le surendettement constitue déjà un motif légitime de résiliation anticipée des contrats d’abonnement téléphonique. Le paiement d’indemnité n’est alors pas dû, seuls les frais de dossier peuvent rester à la charge du consommateur. Toutefois, cette faculté dépend des stipulations contractuelles. Elle est laissée à l’appréciation des professionnels. Le surendettement doit constituer un événement imprévisible lors de la souscription de l’abonnement et empêcher sa poursuite.

La mesure proposée paraît utile en ce qu’elle permet de prévenir l’aggravation de situations personnelles. Toutefois, elle aurait sans doute plus sa place dans le code de la consommation et exige peut-être de trouver les moyens de prévenir des comportements opportunistes. Votre préoccupation me semble ici légitime – nous devons absolument reparler du précédent amendement. J’émets donc un avis de sagesse.

M. Éric Bothorel. Nous sommes l’un des pays d’Europe dans lesquels les forfaits téléphoniques sont les moins chers. Tous les Français en bénéficient.

L’idée est généreuse mais il conviendrait de distinguer le service – la ligne téléphonique – et l’équipement, sinon les opérateurs seront moins enclins à proposer des offres avantageuses dont profitent aussi bien les plus modestes que les autres. Qui acceptera de subventionner un équipement téléphonique si l’abonnement risque d’être interrompu pour cause de surendettement ?

S’agissant du service, la loi « Le Maire » du 7 octobre 2016 protège déjà le consommateur en assurant la continuité de ce dernier.

Mme Sophia Chikirou. Mme la rapporteure pour avis a parlé d’opportunisme de la part des personnes déposant un dossier de surendettement.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. C’est scandaleux ! Ce n’est pas ce que j’ai dit.

Mme Sophia Chikirou. Vous avez mis en avant le risque de comportements opportunistes. Or les personnes concernées sont souvent dans une situation de détresse totale. Elles n’ont plus aucun moyen pour quoi que ce soit.

Nous voterons l’amendement car il constitue un progrès social. Il offre aussi une vraie protection aux consommateurs sans porter atteinte à l’équilibre financier des grands opérateurs de téléphonie.

Je suis étonnée des propos de M. Bothorel. Alors que nous discutons d’un projet de loi pour protéger le pouvoir d’achat des Français, sa première préoccupation concerne les entreprises. Intéressons-nous aux personnes en surendettement – elles sont quelques milliers – qui ont besoin de voir leur pouvoir d’achat réellement défendu. L’amendement y contribue donc j’espère qu’il sera adopté.

M. Frédéric Descrozaille. Délié de la discipline majoritaire par l’avis de sagesse émis par la rapporteure pour avis, chacun pourra se prononcer librement dans ce débat intéressant. Ne le caricaturez pas.

Ce qu’a dit M. Bothorel, c’est que les offres des entreprises françaises – cela peut vous gêner qu’elles appartiennent au secteur privé – sont particulièrement avantageuses pour les consommateurs en matière d’équipement et d’abonnement. Les profits des entreprises ne sont pas le sujet.

Le choix est le suivant : est-ce à l’État, à travers la contrainte réglementaire et l’argent public, de soutenir le pouvoir d’achat ou l’État doit-il conjuguer son action avec les opportunités du marché ?

Les deux amendements sont présentés par M. Julien Dive, ce qui ne les empêche pourtant pas de pouvoir être adoptés, mais ils pourraient avoir pour effet un renchérissement des offres.

Le débat ne se résume pas à une opposition entre capitalistes et défenseurs du consommateur. De grâce, élevons-le !

M. Hervé de Lépinau. Je ne saisis pas ce que l’amendement apporte au droit existant. Lorsqu’un dossier de surendettement est déposé, la commission interroge tous les créanciers et un tableau des créances exigibles est établi, permettant de déterminer l’échéancier du plan de remboursement. Ainsi, l’opérateur de téléphonie sera nécessairement interrogé.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements CE252, de coordination, et CE253, de précision, de Mme Sandra Marsaud.

 

Amendements CE95 de M. Philippe Naillet et CE80 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Philippe Naillet. Face à l’urgence sociale, il convient de fixer l’entrée en vigueur de la mesure à trois mois après la promulgation du texte, sans attendre le 1er février 2023.

M. Thibault Bazin. L’amendement a pour but d’appeler l’attention sur l’importance de sécuriser la résiliation. Il faut également s’assurer de l’efficacité du dispositif proposé.

Quel est donc le délai raisonnable pour adapter les systèmes d’information ? La date du 1er février 2023 inspire des doutes. Le délai est-il suffisant pour garantir aux clients un outil fiable et sûr dans lequel ils peuvent avoir confiance ?

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. L’amendement CE95 vise à raccourcir le délai, l’amendement CE80 à l’allonger.

Je comprends le souci d’une application rapide d’une mesure favorable au pouvoir d’achat. Cependant, une telle anticipation, outre qu’elle est peu réaliste, pourrait s’avérer contre-productive. Les professionnels seraient contraints d’instaurer le nouveau dispositif avant novembre 2022, ce qui ne laisse guère de place à la concertation nécessaire entre opérateurs et pouvoirs publics sur les questions juridiques et techniques. Faute de temps, celui-ci risque d’être mal conçu et de ne pas produire les effets recherchés.

Lors des auditions, des appréciations diverses ont été portées sur le délai d’application. La DGCCRF et le Trésor nous ont indiqué que les concertations avaient déjà commencé. Il faut fixer une date butoir exigeante pour inciter les acteurs à mettre en œuvre le dispositif rapidement. N’oublions pas que nous discutons de mesures d’urgence.

Je suis favorable à un délai médian, d’où mon opposition aux deux amendements.

M. Thibault Bazin. L’attente des clients s’agissant de la résiliation est forte. Il est un peu exagéré de qualifier de mesure d’urgence un dispositif qui n’entrera pas en application avant le mois de février.

Nous savons que l’adaptation des systèmes d’information demande du temps – nous l’avons vu pour la contemporanéisation de l’APL. Les délais de réaction des prestataires, qu’ils soient publics ou privés, sont souvent plus longs que ce que nous voudrions. N’inscrivons pas dans la loi un délai intenable. Ne prenons pas le risque de voir un consommateur privé de téléphone portable après avoir changé d’opérateur.

La commission rejette les amendements.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 modifié.

 

Article 8 (art. L. 113-14 du code des assurances, L. 221-10-3 du code de la mutualité et L. 932-12-2 et L. 932-21-3 du code de la sécurité sociale) : Résiliation en trois clics des contrats d’assurance, couvrant les consommateurs, souscrits par voie électronique

Amendement CE270 de Mme Sandra Marsaud.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Il s’agit de préciser la portée de l’obligation faite aux assureurs, aux mutuelles et aux institutions de prévoyance de mettre à la disposition des personnes titulaires d’un contrat d’assurance une fonctionnalité leur permettant d’accomplir la notification et les démarches nécessaires à la résiliation du contrat.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CE57 de M. Jérôme Nury, CE31 de M. Richard Ramos, CE182 de M. Sébastien Jumel et CE186 de M. Charles Fournier tombent.

M. le président Guillaume Kasbarian. Monsieur Jumel, je vous conseille de déposer un nouvel amendement en adaptant celui qui vient de tomber à la nouvelle rédaction issue de nos travaux.

 

Amendements CE96 de M. Philippe Naillet et CE81 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

Mme Marie-Noëlle Battistel. À l’instar de l’amendement sur l’article 7, il s’agit d’anticiper l’entrée en vigueur.

M. Thibault Bazin. J’ai retenu des auditions que nous devons veiller à fixer des délais compatibles avec les contraintes techniques, même s’il est souhaitable d’aller vite dans l’intérêt des consommateurs.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Les arguments que j’ai présentés à l’article 7 restent valables. En retenant la date du 1er février, le projet de loi choisit une solution médiane.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 modifié.

 

Chapitre II
Lutte contre les pratiques commerciales illicites

Article 9 (art. L. 132-2-1 et L. 132-2-2 [nouveaux], L. 132-11-1 et L. 132-11-2 [nouveaux] et L. 454-1 du code de la consommation) : Sanctions contre les pratiques commerciales illicites et habilitation à légiférer par ordonnance

Amendements identiques CE56 de M. Jérôme Nury et CE82 de M. Thibault Bazin.

M. Vincent Rolland. L’amendement tend à priver le Gouvernement de la possibilité de prendre des ordonnances afin de renforcer les moyens d’action de la DGCCRF. Nous souhaitons rompre avec le mode de fonctionnement que nous avons connu sous la précédente législature. Si nous approuvons le fond, nous sommes en désaccord sur la forme.

M. Thibault Bazin. La refonte du droit de la consommation, engagée au niveau européen, aura certainement pour effet de renforcer les pouvoirs des agents de la DGCCRF.

Le champ de l’habilitation est trop large et insuffisamment justifié. Nous manquons de visibilité sur l’étendue des dispositions que pourrait prendre le Gouvernement ; le projet de loi cite le code de la consommation et le code de commerce ainsi que « s’il y a lieu, d’autres codes et lois ».

Nous ne pouvons pas nous dessaisir de notre pouvoir alors que nous venons de commencer notre travail de législateur. Vous risquez de décevoir les citoyens tant les attentes sont fortes.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Le recours à l’article 38 de la Constitution ne paraît pas incongru au regard de la technicité des dispositions à prendre et du travail approfondi qu’elles réclament.

Dans son avis, le Conseil d’État n’a émis aucune réserve sur le champ de l’habilitation demandée. Les ordonnances sont un des fondements de la législation sous la Ve République. Une fois prises, elles sont soumises au Parlement pour ratification.

Je comprends la volonté de voir l’Assemblée nationale délibérer sur les mesures envisagées par le Gouvernement. Il ne me semble toutefois pas opportun, à ce stade, de supprimer l’habilitation dont l’objet est de protéger le consommateur. En outre, on le sait, la délinquance économique devient de plus en plus sophistiquée du fait des nouvelles technologies.

Le vote de l’article, que je souhaite évidemment, n’interdit pas d’obtenir du Gouvernement, avant la séance publique, des précisions – je les ai demandées lors des auditions. Je m’engage en ce sens, sachant que l’étude d’impact comporte déjà quelques éléments.

M. Sébastien Jumel. Nous en avons fait l’expérience, l’abus d’ordonnances nuit gravement à la santé de nos concitoyens. Nous sommes partisans d’un retour en force du Parlement. Les parlementaires sont capables de faire preuve de discernement et de précision pour légiférer. C’est la raison pour laquelle nous soutenons les amendements déposés par nos collègues de droite.

Si le Gouvernement est en mesure de préciser le champ de l’habilitation, il pourra déposer en séance un amendement pour rétablir cette dernière. En attendant, devant le flou artistique de la rédaction actuelle, nous refusons de nous dessaisir de nos prérogatives.

M. Thibault Bazin. Il y a un problème de méthode. Habituellement, le recours aux ordonnances est justifié par l’urgence et, lors de la dernière législature, la complexité – nous devions faire confiance à l’administration pour rédiger mieux que nous n’étions capables de le faire.

Cela nous prive d’un débat parlementaire sur le fond. Lors de la précédente législature, les textes discutés par l’Assemblée ont été moins nombreux que les ordonnances – 180 contre 210. Il faut rompre avec cette pratique.

Ensuite, en matière de consommation, nos retours du terrain sont précieux pour élaborer un texte en prise avec la réalité.

Enfin, contrairement à votre affirmation, madame la rapporteure pour avis, de trop nombreuses ordonnances ne sont pas ratifiées. Nous ne sommes donc pas en mesure de contrôler le respect de l’habilitation que nous avons accordée. Un changement de méthode s’impose dès le début de ce quinquennat.

M. Jérôme Nury. Sous la précédente législature, on nous faisait valoir qu’il fallait aller vite et être technique. Nous sommes capables de comprendre ce dont le pays a besoin et de rédiger le texte nous-mêmes. Arrêtons de mépriser le législateur !

La plupart des ordonnances ne sont, de surcroît, pas soumises au Parlement pour ratification. Travaillons ensemble pour aboutir à un texte écrit par les députés.

Mme Bénédicte Taurine. Nous ne pouvons pas accepter de poursuivre la pratique en matière d’ordonnances sous la précédente législature. Nous soutenons donc les amendements. Le dernier mot doit revenir aux parlementaires. La majorité a changé, le Gouvernement ne peut pas continuer à traiter le Parlement comme il l’a fait précédemment.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le groupe Socialistes et apparentés partage le constat d’un recours excessif aux ordonnances et de l’absence de ratification sous la précédente législature. Trop de décisions échappent au Parlement. Nous voterons les amendements.

M. Hervé de Lépinau. Des ordonnances, le président Macron nous en a administrées de sévères. L’occasion nous est offerte de redonner leur place aux débats – ils sont de qualité, nos discussions en attestent – et de légiférer de nouveau. Cela contribuera à la respiration démocratique. C’est la raison pour laquelle nous soutenons les amendements

M. Thierry Benoit. Je comprends les députés qui sont opposés au recours aux ordonnances, quel que soit le Gouvernement. Ils ont raison.

Toutefois, si j’ai bien compris, l’article 9 prévoit d’aggraver les sanctions contre toutes les pratiques commerciales déloyales. En l’espèce, le Gouvernement a raison de vouloir agir immédiatement pour lutter contre la spéculation et la fraude qui se répandent actuellement dans de nombreux domaines.

M. Vincent Rolland. Rien ne nous interdit de légiférer rapidement. Pourquoi serions‑nous condamnés à agir à un rythme de tortue ?

Il reste une question : les administrations auront-elles les moyens d’agir et de contrôler les fraudeurs ?

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. L’article 9 comprend deux parties : la première porte sur le renforcement des peines ; la seconde est une demande d’habilitation visant à renforcer les moyens de la DGCCRF. Il me semble que son champ est assez précis : « faciliter les échanges d’information entre les officiers de police judiciaire et les agents habilités au titre du code de la consommation ; alléger la procédure prévue à l’article L. 521‑3‑1 du code de la consommation dans le domaine du numérique ; renforcer les mesures de publicité des injonctions prononcées par les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou par l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation ; déterminer les conditions dans lesquelles les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes peuvent communiquer, avec l’accord du procureur de la République et sous son contrôle, sur les procédures pénales auxquelles ils concourent ». On ne peut pas dire que l’on nous cache quelque chose.

Lequel d’entre vous n’a pas approuvé, lors de précédents mandats, le recours aux ordonnances au nom du service du peuple ? Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt. Les ordonnances sont un des outils majeurs de la Ve République, elles ont été utilisées à de très nombreuses reprises

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CE97 et CE98 de M. Philippe Naillet tombent.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 modifié.

Après l’article 9

 

Amendement CE34 de M. Richard Ramos.

M. Richard Ramos. Des concitoyens se sont aperçus qu’ils n’étaient finalement pas assurés pour les dégâts subis par des panneaux solaires après une pluie de grêlons, leurs assureurs ayant fait valoir que c’était en option. Il convient donc d’obliger ces derniers, chaque année, à faire connaître aux assurés les options auxquelles ils n’ont pas souscrit, donc, les garanties supplémentaires dont ils peuvent bénéficier.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. En envisageant qu’à défaut d’avoir adressé des documents d’information sur les garanties supplémentaires et les tarifs correspondant l’assureur assume la couverture des dommages survenus en cas de sinistre, cet amendement risque de porter une atteinte disproportionnée au principe protégeant la liberté contractuelle ainsi qu’à l’économie des contrats.

Il reviendrait à mettre à la charge d’un opérateur la couverture de dommages non prévus par un contrat d’assurance. Or la couverture des risques implique un engagement librement consenti des deux parties et les obligations souscrites par un assuré conditionnent le paiement de primes. Si notre collègue souhaite sanctionner un défaut d’information, la mesure envisagée ne constitue pas un moyen approprié.

Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

Mme Sophia Chikirou. Les compagnies d’assurances dont il est question sont particulièrement bénéficiaires et très loin de tout risque financier, à la différence de nos concitoyens qui peuvent se retrouver dans des situations dramatiques – et de plus en plus, compte tenu des effets du changement climatique. En faisant en sorte qu’elles informent mieux et proposent d’élargir les garanties auxquelles il est possible de souscrire, cet amendement relève du bon sens. Si l’assuré ne le fait pas, il en assumera les conséquences.

M. Sébastien Jumel. Selon le bon sens populaire, une assurance, c’est bien tant que l’on n’en a pas besoin, et il est préférable de savoir lire les petites lignes et les astérisques pour savoir à quelle sauce on sera mangé en cas de sinistre.

Faire peser la charge de la preuve et de la bonne information sur l’assureur me semble en effet relever du bon sens afin de protéger le consommateur et, d’une certaine manière, son pouvoir d’achat en cas de sinistre. J’espère que cet amendement, auquel nous souscrivons, sera adopté.

M. Hervé de Lépinau. Il suscite en tout cas une nouvelle interrogation juridique. En droit des assurances, l’obligation est déclarative : si l’assuré ne signale pas ce qui est assurable, l’assureur ne le devinera pas à sa place. Il me semblerait beaucoup plus intéressant d’obliger les assureurs à inscrire une clause de revoyure annuelle pour faire le point avec son client sur ce qui peut être assuré.

J’ajoute qu’autant il est possible d’avoir un service de qualité et de proximité avec son agent d’assurance local, autant les choses sont beaucoup plus compliquées avec la souscription en ligne.

Cet amendement me semble donc plein de bonnes intentions mais il conviendrait sans doute que notre collègue le retire et qu’il soit réécrit en vue de la séance publique afin qu’assureurs et assurés puissent réfléchir ensemble chaque année sur ce qui peut être assuré.

En tant qu’avocat, je sais que nombre d’assureurs ne dialoguent pas avec leurs assurés. Un couvreur qui, par exemple, n’a pas déclaré qu’il était également zingueur ne sera pas assuré pour un sinistre survenu dans ce domaine alors que les deux activités sont presque toujours liées.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Je ne remets pas du tout en cause la raison d’être de cet amendement mais la sanction prévue, qui pourrait avoir des conséquences importantes. Nous avons tout intérêt à le retravailler ensemble, en bonne intelligence, en vue de la séance publique.

M. Richard Ramos. Je le maintiens mais nous le retravaillerons ensemble, en effet.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE113 de M. Nicolas Meizonnet, CE181 de M. Sébastien Jumel et CE211 de Mme Julie Laernoes.

Mme Julie Laernoes. Le code monétaire et financier prévoit que lorsqu’un consommateur subit une fraude sur son compte, la banque, après en avoir pris connaissance ou en avoir été informée, doit le rembourser immédiatement. Or, si tel n’est pas le cas, aucune sanction n’est prévue.

Pourtant, selon le dernier rapport de la Banque de France, les fraudes bancaires se multiplient ; elles représentent plus d’1,2 milliard d’euros et touchent un nombre croissant de victimes. Pas moins d’1,3 million de ménages en ont ainsi été victimes en 2020, soit une hausse de 161 % depuis 2010. De plus, une fraude sur six n’est pas remboursée par les banques, qui trouvent des subterfuges. Selon l’UFC-Que choisir, elles dupent leurs clients en leur faisant croire qu’ils sont fautifs.

Pour protéger le pouvoir d’achat des consommateurs, il convient donc de renforcer la législation en instaurant une sanction en cas de refus de remboursement afin de contraindre les banques à respecter leur obligation légale.

M. Sébastien Jumel. Il convient en effet de prévoir un renforcement des sanctions pour les établissements bancaires qui manquent à leur obligation légale de rembourser immédiatement les victimes de fraude. Cela me paraît d’autant plus nécessaire que ce phénomène prend de plus en plus d’ampleur, comme en atteste le dernier rapport de la Banque de France, qui établit à 1,2 milliard d’euros les sommes concernées, 1,3 million de ménages étant victimes de telles pratiques. L’UFC-Que choisir a reçu plus de 4 300 signalements faisant état de pratiques frauduleuses. Cet amendement de bon sens ne mettra pas les banques en péril !

M. Nicolas Meizonnet. Notre amendement a le même objectif.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Ces amendements visent à appliquer des intérêts légaux majorés à l’encontre d’un établissement bancaire ou d’un service de paiement en cas de non-remboursement des montants d’opérations de paiement non autorisées et signalées ainsi que dans l’hypothèse d’un non-rétablissement d’un compte bancaire dans son état antérieur à l’opération litigieuse.

Je m’en remets à la sagesse de la commission, étant entendu qu’il conviendrait peut-être de les retravailler pour la séance publique.

M. Bertrand Bouyx. Je suis assez surpris car je pensais que ces remboursements étaient automatiques. Il me paraîtrait de bon aloi que ces amendements soient adoptés – à titre personnel, je voterai en leur faveur – tant ce type de situation est fréquent.

M. Thibault Bazin. Nous soutiendrons également ces amendements, qui vont dans le bon sens. Nous connaissons tous, localement, la terrible situation que connaissent des gens ayant été abusés.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CE88 de M. Nicolas Meizonnet.

M. Nicolas Meizonnet. Il convient de sanctionner plus durement les ententes et abus de position dominante, pratiques qui ont évidemment une incidence sur le pouvoir d’achat des Français. De nombreux acteurs de la vie économique ont tiré la sonnette d’alarme, dont M. Michel-Édouard Leclerc, qui a appelé l’attention sur une hausse des prix due à la spéculation. Il estime même que « la moitié des hausses ne sont pas transparentes et sont suspectes ». L’économiste Philippe Askenazy considère, quant à lui, que ces hausses pourraient même être causées par des ententes sur les prix, voire par des abus de position dominante. La loi actuelle nous semble plus qu’insuffisante puisque la peine d’amende encourue est bien inférieure aux profits que peuvent générer ces pratiques.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Cet amendement tend à modifier le code de commerce afin de porter la peine encourue par les personnes physiques en cas de pratiques anti-concurrentielles de 75 000 à 300 000 euros.

Il est certes possible de partager la volonté que cessent ces agissements qui nourrissent l’inflation et amputent le pouvoir d’achat mais le durcissement des sanctions ne présente qu’un caractère symbolique et pas nécessairement dissuasif. Il importe davantage d’assurer la bonne application de la loi en permettant aux services chargés de veiller au respect du droit de la concurrence de mener les contrôles nécessaires et de détecter les pratiques anticoncurrentielles.

Tel était le sens de l’habilitation à légiférer par ordonnance demandé à l’article 9 du projet de loi afin de conforter les moyens d’action de la DGCCRF.

Avis défavorable.

Mme Sophia Chikirou. Il me semble qu’une mission a été constituée pour connaître toutes les causes de l’inflation, certaines d’entre elles étant sans doute anormales. Notre groupe attendra ses conclusions avant de se prononcer sur ce type d’amendement.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je vous remercie pour votre sagesse, notre commission ayant en effet décidé de créer un groupe de travail sur le suivi des causes de l’inflation, dont il me paraît utile d’attendre les conclusions.

M. Hervé de Lépinau. L’inflation que nous subissons est éminemment structurelle et absolument pas conjoncturelle. Elle s’explique par les milliards et les milliards d’euros créés pendant des années sans qu’ils correspondent à des richesses effectives. La planche à billets, mécaniquement, est inflationniste et nous sommes dans un cycle long. Il est inutile de s’interroger 107 ans sur les causes de l’inflation : l’euro qui, au départ, était censé nous protéger, craque de toute part et nous mènera à l’abîme tant il n’est plus adéquat dans un espace économique où les disparités sont très importantes.

M. Frédéric Descrozaille. L’aggravation des sanctions me semble de bonne politique et je ne suis pas du tout d’accord avec les propos qui viennent d’être tenus : depuis la réforme du système monétaire de 1976, la planche à billets ne fonctionne plus. Nous sommes dans un système entièrement privé, les banques centrales veillant à lutter contre l’inflation. Nous sommes confrontés à une hausse des prix qu’expliquent de nombreux éléments qu’il conviendra d’étudier dans un cadre transpartisan.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE20 de M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier.  Un texte a été adopté lors de la législature précédente pour lutter contre le démarchage téléphonique agressif mais il n’a quasiment servi à rien. Je propose donc de renforcer significativement les sanctions afin de protéger nos concitoyens face à une pratique que nous connaissons tous.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Vous proposez de modifier l’article L. 242‑16 du code de la consommation en portant l’amende administrative pouvant être infligée contre une personne physique à 75 000 euros et à 375 000 euros celle qui est prévue contre une personne morale.

Ce sont précisément les montants prévus depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2020‑901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer ou à le retravailler en vue de la séance publique.

L’amendement est retiré.

Titre III
SouverainetÉ ÉnergÉtique

Chapitre Ier
Dispositions relatives à la sécurité d’approvisionnement en gaz

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Le titre III traite de mesures de sécurisation stratégique ou juridique dans le domaine de l’énergie : nous savons combien les incertitudes sont grandes s’agissant des importations de gaz ; 31 tranches de notre parc nucléaire sont à l’arrêt et nos moyens hydrauliques sont très contraints compte tenu des sécheresses que nous avons connues. Le titre III traite également de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), lequel vise en premier lieu à sécuriser le bouclier tarifaire et, dès lors, à protéger le pouvoir d’achat des Français.

C’est en effet la gravité des risques – notamment pour la souveraineté énergétique de notre pays – et la proximité des menaces qui ont conduit le Gouvernement à introduire dans ce texte les dix articles que j’ai été chargée de rapporter pour notre commission. Il n’est pas question, pour autant, de ne pas limiter les effets négatifs pour l’environnement et, encore moins, de remettre en cause nos ambitions en matière climatique.

Malgré des délais très contraints, nous avons réussi à auditionner des représentants de presque tous les acteurs concernés. J’ai ainsi entendu onze organisations, sans parler des différents ministères concernés.

Les articles 10, 11, 12, 13 et 14 concernent la sécurité d’approvisionnement en gaz. Comme vous le savez, du fait de la guerre en Ukraine, nos importations de gaz russe ont considérablement baissé et pourraient être interrompues cet hiver.

Nous avons parfaitement conscience que le gaz est une énergie fossile. Sans doute est‑ce la moins mauvaise solution dès lors que 12 millions de ménages français se chauffent ainsi. Ces articles permettront d’assurer la production d’électricité à partir des centrales à gaz et d’assurer le chauffage urbain.

Les articles 15 et 16 concernent la réouverture d’une centrale à charbon. Certes, ce n’est pas une bonne nouvelle mais nous ne pouvons pas nous permettre de laisser les Français dans le noir et de prendre le risque qu’ils n’accèdent pas à une énergie suffisante cet hiver. La mise à l’arrêt de douze tranches nucléaires pour suspicion de corrosion n’a pas été non plus une bonne nouvelle. Nous proposons un dispositif d’urgence avec de réelles mesures de compensation environnementales.

Enfin, les articles 17, 18 et 19 concernent l’ARENH, l’objectif étant que le consommateur accède à un prix régulé et continue de bénéficier d’un bouclier tarifaire. Il sera notamment question des électro-intensifs, qui ont largement bénéficié l’année dernière de l’augmentation du volume de l’ARENH. Si tel n’avait pas été le cas, un certain nombre d’entreprises auraient été en faillite, le coût de l’énergie, pour les électro-intensifs – qui emploient 150 000 personnes dans notre pays –, pouvant représenter jusqu’à 50 % du coût de production total.

Mme Julie Laernoes. Je m’étonne de l’irrecevabilité d’un certain nombre d’amendements dès lors que nous sommes tous d’accord pour agir en faveur de la souveraineté énergétique, donc, de la sécurité énergétique. Il aurait été de bonne politique d’inclure dans le texte des dispositifs qui favorisent la sobriété. Nous savons tous que le premier levier de la sécurité énergétique consiste à réduire drastiquement la consommation. Nous en avons les moyens, nous avons fait des propositions dont je regrette qu’elles n’aient pas été retenues. Couper l’arrivée d’énergie dans des bâtiments vides ou rénover, sur le plan énergétique et thermique, des bâtiments ou des transports, relève du bon sens. Rouvrir une centrale à charbon et des ports méthaniers, en dépit de vos propos liminaires, ne me semble pas limiter les impacts climatiques.

Je regrette que les associations environnementales, notamment le Réseau Action Climat, n’aient pas été auditionnées à cette fin.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous avons déjà eu l’occasion de discuter de cette question, tout comme j’ai évoqué l’article 45 de notre Règlement et l’irrecevabilité de certains amendements.

Article 10 (art. L. 421-6, L. 421-7-2 [nouveau] et L. 452-1 du code de l’énergie) : Renforcement des obligations de stockage de gaz naturel

Amendement CE125 de Mme Delphine Batho.

M. Charles Fournier. Agir en faveur de notre souveraineté, c’est agir en économisant les énergies mais également prévoir sur le long terme : sobriété énergétique, énergies renouvelables, planification écologique.

Il convient de poser un embargo sur le gaz russe. La France est dépendante des énergies fossiles, 60 % de sa consommation finale d’énergie provenant du gaz ou du pétrole. Or les enjeux sont climatiques, sociaux mais aussi politiques – il y va de la souveraineté et de la paix – et un tel embargo permettrait de mettre fin à cette dépendance.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Une telle décision doit être prise à l’échelle européenne, de manière coordonnée. La France pousse en ce sens mais nous n’en sommes pas encore là. Dès lors que le gaz arrive dans les gazoducs, il n’est techniquement pas possible de faire une différence entre une molécule de gaz russe et d’un autre pays.

Enfin, la sortie des énergies fossiles suppose de pouvoir se passer du gaz et de développer l’ensemble des modes décarbonés. J’espère donc que vous soutiendrez nos propositions, que ce soit en matière d’énergies renouvelables ou de nucléaire.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Hervé de Lépinau. La question du gaz est en effet problématique mais la balance commerciale russe a explosé grâce aux ventes d’hydrocarbures et de gaz, alors qu’il était question de mettre les Russes à genoux, voire « en slip », si l’on se fie à M. Le Maire. Nous ne sommes pas les seuls dans le monde : une majorité d’États-nations ne pratique aucun embargo. Les Russes, donc, rigoleront quand nous aurons froid et que nombre de nos concitoyens ne pourront pas se chauffer. Les postures, ça va deux minutes. L’important, c’est que les Français accèdent à l’énergie.

Des entreprises sont également prises à la gorge. Pour l’une d’entre elles, dans la Meuse, qui fabrique des panneaux de bois pour les aménagements intérieurs, le mégawatt équivalent gaz coûtait environ 14 euros il y a un an et il en coûte aujourd’hui 136. Cela représente 800 000 euros de coûts supplémentaires et les salariés sont à deux doigts du chômage technique.

Vous vous apprêtez à relancer une centrale à charbon parce que des centrales nucléaires ont été fermées pour faire plaisir aux écolos, avoir leurs voix et stabiliser des majorités. Nous arrivons au grand moment de vérité pour ceux qui ont fait non pas de l’écologie mais de l’idéologie.

Je voterai contre cet amendement qui, à mon sens, n’a rien à faire dans un texte consacré au pouvoir d’achat.

M. Éric Bothorel. Si l’on pouvait éviter que la réaction à l’agression, par la Russie, d’un pays européen, soit jugée comme une posture, nos débats y gagneraient en sérénité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE135 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Ma circonscription compte un site stratégique de stockage de gaz et je suis donc très sensible à cette question.

Le mécanisme de régulation de nos stockages repose sur un équilibre très subtil qui devrait nous inciter à éviter toute modification précipitée, de surcroît sans que les acteurs concernés aient été consultés.

Le filet de sécurité consiste à mobiliser conjointement les stockeurs et les fournisseurs, ces derniers souscrivant les capacités de stockage, assurant les remplissages et garantissant la couverture de l’approvisionnement de leurs clients avec tous les risques de marché que cela suppose. Je crains que les dispositifs envisagés ne mettent en péril la solidité financière de ces acteurs et, ensuite, des consommateurs. Nous devons nous montrer très prudents.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Les stocks complémentaires ont en effet très bien fonctionné, mais l’article 10 prévoit un stock de sécurité qui ne justifie pas le maintien des deux dispositifs.

En revanche, vous avez raison à propos du cadre financier : il n’est pas encore stabilisé pour les deux stockeurs français chargés d’assurer le passage de 85 % à 100 % de stockage et dont les trésoreries peuvent être affectées. Des discussions sont en cours sur la manière de procéder. Je vous propose que nous en parlions ensemble mais, en l’état, demande de retrait, sinon, avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Je maintiens mon amendement, dans l’attente d’une discussion et d’une finalisation.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE134 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement apporte plusieurs clarifications, afin que la trajectoire annuelle que le ministre chargé de l’énergie devra fixer porte sur le remplissage des capacités de stockage et que la constitution des stocks de sécurité soit individualisée pour chaque opérateur de stockage de gaz naturel. Il conviendrait aussi d’ajouter une référence explicite à ce régime exceptionnel, comme cela est du reste prévu à l’article 12 du projet de loi.

Pour ce qui est du modèle financier, vous avez prévu une couverture des coûts associés à la constitution des stocks de sécurité complémentaires par les tarifs régulés, qui répondent donc à cette obligation de service public. Le mécanisme financier proposé n’est toutefois pas adapté pour certains opérateurs, en raison, tout d’abord, de l’ampleur des montants en jeu, compte tenu d’un effet volume et d’un effet prix. Un financement spécifique est donc nécessaire. En outre, un financement a posteriori reposant sur les tarifs régulés des opérateurs d’infrastructures posera à court terme la question du préfinancement de ces montants énormes. L’amendement vise donc à corriger le dispositif prévu en prévoyant plutôt une couverture budgétaire de l’État.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. La question est encore en discussion et je propose que nous en parlions dans la semaine à venir. Nous avons, en effet, pleinement conscience que l’effet volume supplémentaire que les stockeurs devront assumer se traduira par des coûts très importants – de mémoire, 2,5 milliards d’euros –, qu’ils ne pourront pas assumer seuls. Ces montants seront donc bien assurés par l’État, mais il faut encore stabiliser le montage financier correspondant et je ne peux pas, en l’état, donner un avis favorable à cet amendement. J’en demande donc le retrait, tout en vous disant que les décisions devraient aller dans votre sens dans les jours à venir.

M. Thibault Bazin. Je comprends donc que mon amendement va dans la bonne direction. M’inspirant de la méthode de M. Jumel, je propose que nous l’adoptions et que, d’ici à l’examen du texte en séance publique, vous puissiez travailler à des amendements permettant, le cas échéant, de le corriger. Nous préférerions, en effet, si toute la commission en était d’accord, une couverture par l’État plutôt que par des tarifs régulés a posteriori, afin de ne pas mettre en danger nos opérateurs, déjà bien malmenés par le passé.

M. Sébastien Jumel. Cet article 10 est technique et complexe. Vous avez en tête que la Commission européenne prévoit d’assigner la France au titre d’une obligation de remplissage, avec des dates et des taux très contraignants. Je m’interroge sur l’effet que cela pourra avoir sur les prix et sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens, voire sur la compétitivité de nos industries lorsqu’elles ont besoin de ces énergies. La compensation de la prise en charge de l’obligation de stockage, que ce soit par l’État ou par celui qui paye, n’est donc pas complètement neutre. L’amendement mérite d’être voté, quitte à être précisé, réécrit ou amélioré d’ici à son examen en séance publique, sans quoi cet article 10 aura sur les prix des répercussions qui ne seront pas du tout neutres.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Nous préférerions fixer des obligations générales, avec une trajectoire de remplissage globale, plutôt que de définir spécifiquement une trajectoire pour chacun des deux opérateurs de stockage que vous connaissez, même si c’est une question dont nous pouvons discuter.

M. Thibault Bazin. Mon amendement comporte plusieurs points et la rapporteure pour avis aurait pu le sous-amender à propos de l’individualisation. Les capacités de stockage, les mécanismes et les positionnements dans le territoire des opérateurs sont différents, et la question du point d’arrivée et du mode de traitement du gaz n’est pas anodine. Si vous gardez un principe général, nous aurons encore des discussions. La question peut se régler par voie réglementaire, mais il est très important que la mesure soit adaptée aux réalités de chaque opérateur. Je maintiens donc mon amendement, en espérant que tout le monde nous rejoindra.

M. Hervé de Lépinau. Moi qui suis un bleu, au début de mon premier mandat, je ne comprends pas pourquoi cette disposition s’inscrit dans le cadre de la loi relative au pouvoir d’achat. Merci de m’apporter une explication, qui intéressera certainement d’autres collègues.

Mme Sophia Chikirou. Mes deux amendements relatifs à l’abonnement au gaz et à l’électricité ont été déclarés irrecevables sous prétexte qu’ils ne correspondaient pas au texte, mais nous discutons ici de dispositions pour lesquelles le lien avec le pouvoir d’achat peut poser question. Comme M. Jumel, cependant, je considère que ces éléments peuvent avoir des effets sur les prix et je vois donc le lien entre la mesure proposée et le pouvoir d’achat. C’est du reste la raison pour laquelle nous voterons pour cet amendement. L’irrecevabilité de mes amendements me reste cependant en travers de la gorge, car ils auraient pu contribuer à préserver le pouvoir d’achat des Français.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous n’allons pas refaire à chaque amendement le débat de la recevabilité ! Sans répéter ce que j’ai déjà dit, je rappelle que le Gouvernement a le droit d’inscrire les dispositions qu’il veut dans un projet de loi lorsqu’il le dépose, après quoi il est soumis aux mêmes règles impartiales que vous en matière de recevabilité, dans le respect de la Constitution.

Vous pourrez présenter à nouveau ces amendements pour la séance publique, et la décision sera peut-être alors radicalement différente de la mienne quant à leur recevabilité. J’ai bien compris votre frustration et j’entends que cela vous soit resté en travers de la gorge, mais nous pouvons réussir à avancer et vous aurez, si vous souhaitez revenir à la charge, de nombreuses occasions de présenter à nouveau ces amendements en séance publique ou à propos d’autres textes.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. D’une part, il s’agit de nous assurer que l’ensemble des Français auront bien cet hiver l’énergie nécessaire pour chauffer leurs maisons et recharger leurs appareils. C’est, d’autre part, une question d’offre et de demande : faire en sorte que le marché soit le moins tendu possible aura nécessairement une incidence sur les coûts.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE231 de Mme Maud Bregeon.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. L’article 10 prévoit l’instauration d’une trajectoire annuelle de remplissage et un objectif minimal de remplissage des infrastructures de stockage, afin de mieux maîtriser la gestion des stocks de gaz. Cet amendement vise à préciser la définition de la trajectoire annuelle, que nous ne jugeons pas très claire dans la rédaction de l’article, en imposant aux opérateurs de stockage un objectif minimal de remplissage. Cette mesure s’appuie sur la réforme récemment actée du règlement européen relatif au stockage de gaz et permet de préciser que la trajectoire est composée d’objectifs intermédiaires, affinant ainsi ce qui est demandé aux opérateurs de stockage.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE230 de Mme Maud Bregeon.

 

Amendement CE229 de Mme Maud Bregeon.

Mme Maud Bregeon, rappporteure pour avis. Il s’agit de simplifier les formalités applicables à la définition des modalités techniques de constitution des stocks par les opérateurs et de cession de ces stocks, en renvoyant à une délibération de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) plutôt qu’à un décret. Ces modalités sont particulièrement techniques : une délibération permettra de disposer d’un dispositif précisément ajusté aux besoins.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE184 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. Les opérations de stockage de gaz ne sont pas anodines sur le plan technique ni en termes de maîtrise, de sécurité ou de sûreté. L’amendement tend donc à préciser que les modalités de constitution des stocks ne dérogent pas au respect des dispositions du code du travail et des accords de branche, notamment quant au haut niveau d’exigence des interventions des électriciens et gaziers, qui sont une garantie de la sûreté et de la sécurité de la maintenance des installations.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Demande de retrait ; sinon avis défavorable. L’amendement est déjà satisfait : que les opérateurs de stockage constituent ou non des stocks de sécurité, leurs salariés relèvent de toute façon des dispositions du droit du travail qui leur sont applicables. Pourquoi ajouter dans la loi une mention qui y figure déjà ?

M. Matthias Tavel. Le code du travail est une chose, l’accord de branche et le statut des industries électriques et gazières en sont une autre. Puisque certains des articles que vous nous proposez démontrent la supériorité, en situation de crise ou de pénurie, des solutions collectives et de la régulation par rapport à la libre organisation du marché – il s’agit en effet de forcer au remplissage de cuves de gaz, et on n’est pas loin d’une économie planifiée, ou du moins administrée –, tout ce qui peut être précisé en ce sens, notamment en matière de régulation sociale, est bon à prendre. Nous voterons donc l’amendement de M. Jumel.

M. Sébastien Jumel. La réponse de la rapporteure pour avis renforce l’opportunité de l’amendement. Selon elle, il n’y aurait aucune raison pour que le droit du travail ne s’applique pas aux entreprises concernées. De fait, en France, c’est la moindre des choses, mais cet amendement prévoit que s’appliquent non seulement le droit du travail pour le secteur concerné, mais également les accords de branche des industries électrique et gazière, essentiels en termes de compétence, d’exigence d’agrément ou de niveau de sûreté. Les accidents industriels – on pense par exemple à AZF – se produisent lorsqu’on a fait des économies sur le niveau d’intervention des intervenants et sur le taux d’encadrement, avec notamment une sous-traitance en cascade. Pour un dispositif de gestion de crise exorbitant du droit commun, nous proposons de fixer un haut niveau d’exigence sociale pour garantir cette sécurité

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE223 de Mme Maud Bregeon.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 modifié.

 

Après l’article 10

 

Amendement CE136 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement est presque rédactionnel. Dans le règlement « stockage » adopté par le Conseil de l’Union européenne, le dispositif du stockage stratégique permet de renforcer la sécurité d’approvisionnement. Or ce dispositif manque parmi les mesures énumérées au titre III de ce projet de loi. Par cohérence, l’amendement propose donc d’harmoniser les mesures pouvant être mises en œuvre par notre pays avec celles du règlement européen. Il ne s’agit pas de définir si cette mesure est activée ou non, mais de permettre à l’État français de disposer de cet outil et de l’activer à terme, si le contexte l’exige.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Le rehaussement des stocks prévu à l’article 10 est suffisant et il n’y a pas lieu de créer des conditions de stockage supplémentaires, qui induiraient du reste pour les stockeurs des problèmes nouveaux à gérer. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 11 (art. L. 431-6-2 du code de l’énergie) : Renforcement des capacités d’interruptibilité sur les réseaux de gaz naturel

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 non modifié.

 

Article 12 (art. L. 143-6-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Contrôle de la production des installations produisant de l’électricité à partir de gaz naturel

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE224 de Mme Maud Bregeon.

 

Amendement CE99 de Mme Marie-Noëlle Battistel et sous-amendement CE271 de Mme Maud Bregeon.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement vise à exclure du périmètre de la réquisition rendue possible en cas de menace grave sur l’approvisionnement en électricité les installations de cogénération au gaz naturel dès lors qu’elles sont reliées à un réseau de chaleur. Il serait paradoxal qu’en réquisitionnant de telles installations et en privant du bénéfice de la cogénération les clients du réseau de chaleur, on pousse ces derniers à se tourner vers des solutions alternatives transitoires qui seront majoritairement électriques, alors même que c’est la tension sur l’approvisionnement électrique qui déclencherait cette réquisition. Les réseaux de chaleur, qui ont fait la preuve de leur efficacité, en particulier en zone urbaine et pour les grands collectifs, doivent être préservés lorsqu’ils sont alimentés par des installations de cogénération fonctionnant au gaz naturel.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Avis tout à fait favorable à l’amendement et au raisonnement de Mme Battistel. Toutefois, celui-ci ne vise que la situation de menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité. C’est pourquoi le sous‑amendement CE271 tend à étendre l’exclusion des installations de cogénération raccordées à un réseau de chaleur au cas où seule la sécurité d’approvisionnement en gaz serait menacée. Il n’y a pas d’intérêt à inscrire la cogénération dans l’article 12 et cette demande a été relevée à plusieurs reprises lors des auditions auxquelles nous avons procédé vendredi.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE225 de Mme Maud Bregeon.

 

Amendement CE119 de Mme Sandrine Rousseau.

M. Charles Fournier. L’article prévoit une indemnité en cas de restriction, de suspension ou de réquisition des stocks de gaz par l’État. L’amendement vise à sortir du calcul de cette indemnité la rémunération et l’amortissement du capital.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Avis défavorable. En France, une expropriation donne lieu à compensation financière. Il semble donc normal qu’une réquisition de centrale à gaz donne lieu à une indemnisation en conséquence.

Mme Sophia Chikirou. Notre groupe soutiendra évidemment cet amendement. Le texte prévoit de faire payer par de l’argent public les pertes éventuelles des producteurs, qui sont donc, dans tous les cas, toujours gagnants. Dans un projet de loi destiné à préserver le pouvoir d’achat des Français, on s’apprête à rémunérer les entreprises avec leurs impôts ! Un effort collectif est nécessaire, mais il n’est pas fait par les gaziers et les producteurs d’électricité. Or cet effort doit être partagé. Il serait sain et normal que, tous ensemble – puisque c’est le mot qu’on entend prononcer en permanence dans l’hémicycle –, nous disions qu’il y a une limite à la mutualisation des pertes du capital et que ces entreprises peuvent mettre la main à la poche. Ce n’est pas le cas avec cet article ni, du reste, avec les suivants.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous n’avons peut-être pas tous la même vision de la propriété privée…

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Quant à la contribution des industries du gaz ou de l’électricité à l’effort collectif, parlez à M. Jumel de l’ARENH. Il vous expliquera que l’industrie de l’électricité a largement contribué à l’effort collectif.

M. Sébastien Jumel. Ce qui fait débat, ce n’est pas votre capacité à mettre à contribution les entreprises publiques, c’est votre incapacité à mettre à contribution les groupes privés – Total et d’autres – qui se sont gavés pendant la crise et qui contribuent à réduire le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Vous êtes capables de saigner la bête lorsqu’il s’agit d’entreprises publiques et de l’épargner lorsqu’il s’agit de capitaux privés – mais vous êtes Marcheuse, et nous non !

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Dès lors qu’une entreprise qui détient une centrale à gaz contribue, du fait de la réquisition, à la sécurité d’approvisionnement, elle contribue indirectement au pouvoir d’achat.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE201 de Mme Sophia Chikirou

Mme Sophia Chikirou. L’industrie gazière se porte plutôt bien et il apparaît que, dans la période récente, les profits de cette activité se sont nourris d’une manière assez indécente des conséquences de la guerre en Ukraine. Le Président de la République, Emmanuel Macron lui‑même, a dénoncé les profiteurs de guerre. Le texte que nous examinons ne comporte aucune mesure tendant à limiter ces surprofits, qui se font au détriment du pouvoir d’achat des ménages. Pire, il prévoit de venir au secours d’entreprises énergétiques qui subiraient un manque à gagner du fait d’un possible arrêt de leurs centrales à gaz, quelle que soit leur situation économique. L’amendement vise donc à réserver cette aide aux seules entreprises qui verraient leur équilibre financier ou comptable se détériorer.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Même esprit que l’amendement précédent, même réponse : avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE226 et CE227 de Mme Maud Bregeon.

 

Amendements CE101 et CE102 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Si notre groupe Socialistes et apparentés souscrit à la nécessité de dispositifs souples et exceptionnels afin que l’État puisse faire face à l’effet ciseaux induit par l’indisponibilité importante du parc électronucléaire et les menaces sur les importations de gaz naturel, notamment en provenance de Russie, il considère qu’un tel outil doit faire l’objet d’un contrôle parlementaire effectif.

L’amendement CE101 vise donc, dans l’esprit des lois d’état d’urgence, à imposer que les décisions du ministre de l’énergie prises sur le fondement de cet article soient transmises sans délai aux commissions parlementaires permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ces mesures étant exceptionnelles, voire de dernier ressort, le volume d’actes susceptibles d’être transmis sera limité, ce qui n’embolisera pas les services de l’État et ne noiera pas le Parlement.

L’amendement CE102, vise à ce que le Parlement reçoive du Gouvernement un rapport d’évaluation comportant une synthèse des mesures prises et un bilan de leurs effets. Bien que notre commission n’aime ordinairement guère les rapports, celui-ci semble particulièrement important compte tenu de la situation.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Le recours au dispositif proposé par l’amendement CE101 révélerait un état de crise d’urgence extrême et les demandes adressées au ministère à ce titre ne seraient pas nécessairement opportunes. Du reste, de telles décisions étant nécessairement publiques, le Parlement en serait par nature informé. En revanche, il est pleinement justifié de disposer de retours a posteriori. Je demande donc le retrait de l’amendement CE101 et émets un avis favorable sur l’amendement CE102.

L’amendement CE101 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE102.

 

Amendement CE103 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il s’agit de confier à la CRE le contrôle de l’adéquation entre les mesures prises par le Gouvernement et l’état de la menace pesant sur la sécurité d’approvisionnement quant à leur proportionnalité et leur temporalité.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Selon moi, c’est plutôt à Réseau de transport d’électricité (RTE) qu’incombe cette expertise. Avis défavorable – mais peut-être nous sommes-nous mal comprises.

Mme Marie-Noëlle Battistel. RTE n’est pas une autorité d’expertise indépendante, alors que la CRE en fait office. Cette dernière est, du reste, souvent saisie à de nombreux autres titres que ses missions.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. RTE est cependant chargé de l’équilibre du réseau. D’autre part, il ne m’a pas semblé, au cours des auditions auxquelles nous avons procédé, que la commission était elle-même volontaire pour se voir adjoindre de telles compétences.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE100 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il s’agit de fixer une échéance de caducité à l’issue d’un délai de deux ans, au 31 juillet 2024, pour le dispositif permettant au ministre de l’énergie d’assurer le pilotage de fait des installations de production d’électricité utilisant du gaz naturel en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement. Il nous semble important d’encadrer cette possibilité et une durée de deux ans nous paraît, à cet égard, déjà assez longue.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Nous ne partageons pas cette position. Il nous est apparu que de tels dispositifs pouvaient être maintenus dans la durée, car ils ne sont pas activés de façon constante. Ainsi, dans le cas du terminal méthanier, on comprend parfaitement que la mesure doit être limitée dans le temps, à savoir pour la durée de la présence du bateau. En l’occurrence, il s’agit au contraire de mesures ponctuelles, qui doivent pouvoir être activées si besoin.

En outre, nous n’avons que de peu de visibilité quant à la stabilité des importations de gaz dans les années à venir et il nous semble que le ministre de l’énergie devra pouvoir continuer à y recourir en cas de besoin, sachant que si l’on en vient à réquisitionner une centrale à gaz, c’est que nous serons, par définition, dans une situation d’urgence absolue.

Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous ne sommes pas opposés à ce que le dispositif puisse perdurer s’il en était besoin, mais une durée de deux ans laisserait au ministre de l’énergie de multiples occasions de revenir devant le Parlement pour dresser éventuellement un état des lieux et demander la prolongation de l’autorisation qui lui est donnée. Entre la balance que doit exercer l’État face à une menace sur le système d’approvisionnement électrique et le respect de nos objectifs de décarbonation de l’économie, nous devons toujours trouver un équilibre. Il me semblait qu’au bout de deux ans, le Parlement pourrait à nouveau être interrogé sur la poursuite du dispositif.

Mme Julie Laernoes. Il est important de revenir devant le Parlement au bout de deux ans. Nous sommes dans une situation de crise et il importe de ne pas travestir l’esprit des mesures d’urgence en laissant penser que nous recourons de manière durable à un approvisionnement de sécurité électrique. Il faut donc adopter cet amendement et fixer une date de fin pour revenir devant le Parlement.

Mme Sophia Chikirou. Notre groupe est plutôt favorable à une planification écologique et à des moyens de réquisition et de contrôle de l’État sur les stocks de gaz, essentiels en cette période. Ce dispositif législatif peut être un bel instrument pour la planification écologique, à condition qu’il soit bien employé et bien utilisé. Il pourrait devenir très pérenne, au-delà même de l’urgence.

M. Sébastien Jumel. Si nous en sommes là, c’est parce que vous n’avez pas eu de stratégie globale, cohérente et publique de maîtrise d’un mix énergétique équilibré, intelligent et partagé. Vos errements à propos du niveau du mix, des investissements à réaliser et des éléments de souveraineté soumettent le pays à une forte dépendance. Chaque fois qu’on se dote d’outils qui permettent à l’État de reprendre la main, nous voudrions que ça dure encore un peu ! Je partage donc l’idée qu’en matière énergétique, nous n’avons pas besoin de moins d’État, mais de plus d’État.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Je maintiens mon avis défavorable, mais je suis prête à rouvrir la discussion sur cette question pour voir ce que nous pouvons faire.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 12 modifié.

 


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du lundi 11 juillet 2022 à 15 heures

Présents.  M. Laurent Alexandre, Mme Anne-Laure Babault, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, Mme Soumya Bourouaha, M. Bertrand Bouyx, Mme Maud Bregeon, Mme Françoise Buffet, Mme Sophia Chikirou, M. Dino Cinieri, M. Romain Daubié, M. Frédéric Descrozaille, M. Julien Dive, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Christine Engrand, M. Grégoire de Fournas, M. Charles Fournier, M. Perceval Gaillard, M. Éric Girardin, Mme Florence Goulet, Mme Géraldine Grangier, Mme Mathilde Hignet, M. Alexis Izard, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, M. Luc Lamirault, M. Pascal Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Hervé de Lépinau, M. Aurélien Lopez‑Liguori, M. Bastien Marchive, Mme Sandra Marsaud, M. Éric Martineau, M. William Martinet, M. Nicolas Meizonnet, Mme Yaël Menache, M. Paul Midy, Mme Louise Morel, M. Philippe Naillet, M. Jérôme Nury, Mme Anne-Laurence Petel, M. Richard Ramos, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Charles Rodwell, M. Vincent Rolland, Mme Anaïs Sabatini, Mme Danielle Simonnet, Mme Bénédicte Taurine, M. Matthias Tavel, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Stéphane Vojetta

Excusé.  M. Nicolas Pacquot

Assistaient également à la réunion.  M. Thibault Bazin, M. Pierre Cordier, M. Louis Margueritte, Mme Sandrine Rousseau