Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Audition de M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion 2

– Informations relatives à la commission......................25

– Présences en réunion.................................26

 

 

 

 

 


Mardi
13 septembre 2022

Séance de 14 heures 30

Compte rendu n° 9

session ordinaire de 2021-2022

Présidence de
Mme Fadila Khattabi,
Présidente
 

 


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La réunion commence à quatorze heures trente.

La commission entend M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je suis heureuse de retrouver la commission dès aujourd’hui, malgré l’absence de session extraordinaire, pour des travaux qui seront certainement nombreux et denses, passionnants et passionnés, dans une ambiance toujours conviviale et un état d’esprit toujours constructif. Dans cette période difficile, nous partageons tous le souci d’être utiles à nos compatriotes.

Monsieur le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, nous avons le plaisir de vous accueillir pour ce qu’il est convenu d’appeler votre feuille de route. Plus que jamais, l’emploi est au cœur des préoccupations des Français, donc de notre commission. Nous aurons prochainement à examiner le projet de loi relatif au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, que vous avez présenté la semaine dernière en conseil des ministres. Il comprend des dispositions sur l’assurance chômage dont on parle beaucoup, ce qui ne doit pas occulter le développement de la validation des acquis de l’expérience, véritable outil de promotion sociale que nos concitoyens doivent s’approprier malgré sa complexité.

Votre feuille de route va évidemment au-delà de ce texte. Chacun ne peut que saluer les résultats sans précédent obtenus en termes de création d’emplois. Toutefois, nous entendons parler dans nos circonscriptions de la difficulté des employeurs à recruter, particulièrement dans certains secteurs. Perdure également le problème de l’emploi des travailleurs « expérimentés » ou « seniors », sujet dont notre commission, sur le rapport de Didier Martin et Stéphane Viry, s’était saisie à la fin de la précédente législature.

Comment, dans ces conditions, tendre vers le plein emploi ? C’est la présentation de votre méthode et de vos propositions, monsieur le ministre, que nous attendons désormais.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Je suis heureux de vous retrouver pour cette audition qui se tient après la première réunion du Conseil national de la refondation (CNR) – je reviendrai sur ses incidences sur la feuille de route – et après la présentation aux partenaires sociaux, hier, de ladite feuille de route. Elle est dominée par un objectif : le plein emploi. Outre un engagement de campagne, c’est le cap que le Gouvernement souhaite donner à toutes les politiques qu’il mène.

Nous sommes à un moment de notre histoire où le plein emploi semble, non plus un horizon théorique, mais un objectif que nous pouvons atteindre à condition de poursuivre nos efforts de développement de l’économie et de création d’emplois. Entre 2017 et 2022, l’économie française a créé 1,5 million d’emplois salariés et le taux de chômage a baissé de plus de deux points, passant de 9,5 à 7,4 %. Nous avons fait la première partie du chemin ; il reste la seconde.

L’objectif est clair et ma méthode constante : donner toute sa place au dialogue social et à la concertation. Pour réussir, il faut que les partenaires sociaux, les forces politiques et le Gouvernement dépassent les postures et les querelles théoriques afin de trouver des convergences chaque fois que cela est possible, en s’assurant que chaque avancée ne soit pas instrumentalisée pour préjuger d’un accord ou d’un désaccord sur d’autres sujets.

Pourquoi faire du plein emploi notre objectif ? D’abord, parce que le travail peut rendre heureux – les études le montrent pour une majorité de nos concitoyens. Le travail est la clé de l’autonomie, pas seulement financière : il donne une place dans la société ; il permet d’être utile ; il crée du lien social. Le travail est aussi le meilleur moyen de lutte contre les déterminismes sociaux. En ce sens, le plein emploi est un objectif certes économique, mais aussi politique et social.

Pour l’atteindre, j’ai proposé hier aux partenaires sociaux huit chantiers. L’ordre dans lequel je vous les citerai ne correspond pas à la priorité qui leur est donnée mais plutôt au calendrier de leur exécution.

En premier lieu, nous souhaitons accroître la réactivité de notre système d’indemnisation du chômage à la situation économique. Lorsque la conjoncture se dégrade, le modèle actuel n’est pas assez protecteur ; lorsqu’elle s’améliore, il l’est trop et il fait perdre tout caractère incitatif. En période de création d’emplois, la part des demandeurs d’emploi indemnisables dépasse les 60 % tandis qu’elle tombe à 45 % en période de dépression économique. Notre système est donc paradoxal. Parallèlement, le nombre d’emplois vacants a été multiplié par 2,5 entre 2017 et 2022, tandis que les offres d’emploi non pourvues pour 1 000 demandeurs inscrits sont passées de 50 à 170. Ces chiffres confirment les difficultés de recrutement que de nombreux chefs d’entreprise rapportent – 60 % d’entre eux en font part, et 30 % des entreprises industrielles considèrent que leurs capacités de production s’en trouvent limitées.

Nous souhaitons donc rendre le système réversible : lorsque la conjoncture est bonne, les règles doivent être plus incitatives, et plus protectrices lorsque la croissance ralentit et que la situation de l’emploi se dégrade. Nous devrons veiller à ce que le passage de l’un à l’autre soit fondé sur des éléments objectifs, notamment des statistiques publiques indépendantes, afin de favoriser son acceptation. Nous discuterons prochainement du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, adopté en conseil des ministres le 7 septembre. J’ouvre aussi une négociation avec les partenaires sociaux sur les indicateurs économiques utilisés pour caractériser le marché de l’emploi et la situation économique ainsi que sur les critères de modulation des règles d’indemnisation. Je le précise d’emblée, le Gouvernement ne souhaite pas modifier le niveau de l’indemnité : ce serait contradictoire dans une période où nous agissons fortement pour défendre le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Le deuxième chantier vise à mieux coordonner le service de l’emploi avec la création de France Travail. Assuré par de nombreux acteurs – Pôle emploi, les missions locales, les départements et régions pour la formation et l’insertion –, il manque aujourd’hui de lisibilité et d’efficacité. J’ai confié à Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, une mission de préfiguration et de concertation sur France Travail. Il ne s’agit pas de créer une superstructure fusionnant toutes les autres, mais d’améliorer la concertation, de garantir l’offre la plus homogène possible sur le territoire, et de baser le service public de l’emploi sur les besoins de l’usager. Cet usager, le demandeur d’emploi ou l’allocataire du revenu de solidarité active (RSA), doit être pris en charge dans les meilleures conditions et le plus vite possible. Le diagnostic sur les compétences et les besoins de formation doit être rapide et de qualité. Le nombre d’interlocuteurs doit être restreint pour éviter les ruptures et tendre vers ce que l’on appelle un « parcours sans couture ». Pour les autres usagers que sont l’entreprise et le recruteur, simplicité et fluidité du parcours doivent aussi être de mise.

Le troisième chantier vise à accompagner vers l’emploi ceux qui en sont le plus éloignés. Je pense aux allocataires du RSA, mais aussi à ceux privés de tout dispositif d’action sociale ou de soutien. Cela passe par l’insertion et la formation, et par la mobilisation de tous les acteurs. Nous moderniserons aussi l’accompagnement des bénéficiaires du RSA. Pour l’heure, à peine plus de la moitié d’entre eux disposent d’un suivi personnalisé, et les résultats en matière de réinsertion ne sont pas à la hauteur des espoirs. Ainsi, 29 % sont encore allocataires sept ans après leur entrée dans le dispositif – ils sont 50 % quatre ans après. La rupture avec le monde professionnel, l’éloignement de la vie sociale et la précarité qui en découle sont des difficultés qui s’additionnent pour ces publics. Cet accompagnement intensif renvoie aussi aux quinze à vingt heures par semaine d’activités d’insertion et de formation que le Président de la République s’est engagé à rendre obligatoires pendant la campagne électorale. Certains y ont vu du travail obligatoire. Nous sommes loin de cette caricature. Il s’agit d’une prise en charge personnalisée prenant en considération les contraintes particulières : on ne propose pas à une mère célibataire une activité de dix-sept heures à vingt heures sans solution de garde ; on programme cette activité pendant les heures d’école ! La société n’est pas quitte de son devoir de solidarité en versant une allocation de quelques centaines d’euros. Elle est quitte lorsqu’elle a permis le rebond le plus rapide et le retour à l’emploi – donc l’autonomie, l’émancipation et la dignité.

Dès cet automne, dans une dizaine de bassins d’emplois et dans le cadre de la mission sur France Travail – les deux chantiers n’en faisant qu’un à nos yeux –, une expérimentation sera menée pour une meilleure coordination des offres d’insertion et d’activités et pour la garantie de leur homogénéité sur le territoire. Nous continuerons également à développer des stratégies pour d’autres publics – même si les catégories parfois se recoupent. S’agissant des personnes en situation de handicap, nous devons réactualiser la feuille de route. Quant aux personnes employées dans des structures d’insertion par l’activité économique (IAE), nous avions engagé un plan ambitieux qui sera poursuivi. La loi de finances pour 2023 garantira la montée en charge de l’IAE, tant en nombre de places que de dispositifs d’accompagnement.

Le quatrième chantier concerne l’insertion des plus jeunes. Les dispositifs actuels sont efficaces, notamment la plateforme « 1 jeune, 1 solution » qui rassemble toutes les options disponibles. Nous voulons développer le contrat d’engagement jeune, lancé le 1er mars 2022, qui obéit à la même logique d’accompagnement intensif avec une allocation en contrepartie de quinze ou vingt heures d’activité, de formation, de travail de groupe. Nous espérons 300 000 contrats signés cette année, et nous en étions à la moitié cet été. Nous veillons à ce que l’augmentation en nombre n’entraîne pas une détérioration de l’accompagnement en qualité.

Le cinquième chantier, particulièrement suivi par la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels Carole Grandjean, porte sur le développement de l’apprentissage. Entre 2017 et 2022, le nombre d’apprentis est passé de 280 000 à 730 000 et nous franchirons le cap des 800 000 en 2022 ; notre objectif est le million. L’apprentissage est une voie de réussite et d’insertion professionnelle efficace en faveur de laquelle des moyens importants sont mobilisés, qu’il s’agisse des centres de formation d’apprentis (CFA) ou des aides à l’embauche. Une concertation avec les organisations sociales et les employeurs sera organisée pour atténuer la charge financière sans briser l’élan constaté.

Carole Grandjean suivra aussi le sixième chantier : la réforme de la formation professionnelle et la bonne mise en œuvre du compte personnel de formation (CPF). Le CPF est une réussite. Il est devenu familier aux actifs. Outre l’individualisation des droits, il permet de choisir soi-même ses formations. Mais, regardons les choses en face, ce succès s’est parfois fait au détriment de l’équilibre financier et de la pertinence des formations. Nous connaissons le harcèlement téléphonique auquel se livrent certains opérateurs pour des formations éloignées du développement personnel ou de l’acquisition de compétences. Nous travaillons pour modifier les régimes de certification, lancer des procédures d’enrôlement et retirer des agréments aux organismes certificateurs comme aux organismes de formation dès lors que les standards de qualité ne sont pas au rendez-vous. Nous aurions souhaité profiter de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat pour encadrer le recours à la sous-traitance, car les « formations » qui s’apparentent à des arnaques appartiennent à des réseaux au niveau de sous-traitance délirant, mais nous nous sommes heurtés à l’obstacle de la recevabilité. Nombre de groupes politiques travaillent sur ce sujet et, je le sais, le groupe Démocrate a déposé une proposition de loi en ce sens. Toutes les initiatives sont bienvenues.

Le projet de loi sur le fonctionnement du marché du travail prévoit aussi de simplifier les conditions d’accès à la valorisation des acquis de l’expérience et d’ouvrir son bénéfice aux proches aidants, répondant ainsi à une forte attente du secteur médico-social.

Le septième chantier concerne l’emploi des seniors et la garantie de l’avenir de la retraite par répartition. Le taux d’activité des seniors en France est plus bas que la moyenne européenne. Le défi de leur maintien en activité ne sera relevé qu’avec le concours des employeurs. Il faudra travailler sur la gestion des fins de carrière et sur des dispositifs de transition entre l’activité et la retraite. Le compte épargne temps universel, qui ne se limite pas aux fins de carrière, aura un rôle à jouer. J’ai chargé les inspections générales des affaires sociales et des finances d’une réflexion prospective et opérationnelle sur le sujet.

Nous devons améliorer notre système de retraite et garantir son équilibre financier. Nous savons combien il est important de rehausser le niveau minimal des pensions et de prendre en compte la pénibilité. Dès que le Conseil d’orientation des retraites aura rendu public son rapport sur l’état financier du système, je réunirai les partenaires sociaux pour examiner le diagnostic et envisager les modalités ainsi que le calendrier d’une réforme.

Dernier chantier et non des moindres, le plein emploi va de pair avec le bon emploi. Ce chantier comprend trois axes. D’abord, la prévention de la pénibilité. Ensuite, la qualité de vie au travail : dans ce domaine, des changements sont nécessaires au vu des évolutions de la société et de la relation entre l’individu et le travail. Nous devons à la fois prendre des mesures concrètes et engager une réflexion transversale. Il a été décidé, lors de la réunion du Conseil national de la refondation, de s’intéresser à la place du travail dans la société et à l’évolution du modèle productif dans le cadre des assises du travail. Enfin, le dernier axe est la prévention des accidents du travail : mon ministère est mobilisé dans un grand plan national, mais je souhaite aller encore plus loin.

Pour conclure, je vous rappelle que mon cabinet et moi-même ainsi que les services du ministère sommes à votre disposition pour apporter des réponses à vos interrogations – notamment dans cette période budgétaire. Par ailleurs, les feuilles de route du ministère du travail sont accompagnées d’un agenda social faisant apparaître le calendrier des principales réformes. Il me semble que l’agenda unilatéral a vécu : on ne peut pas laisser grande place à la concertation si on a déjà fixé un calendrier définitif. En outre, les incertitudes que fait naître l’actualité – la crise énergétique et la guerre en Ukraine – rendent l’exercice du calendrier un peu vain. C’est la raison pour laquelle je vous ai plutôt présenté quelques jalons pour chacun de ces chantiers qui convergent tous vers le plein emploi.

Mme Monique Iborra (RE). Depuis des décennies, les gouvernements ont cherché à inverser la courbe du chômage sans y parvenir durablement, et l’objectif du plein emploi s’est éloigné. Or, tout gouvernement a la responsabilité d’engager les réformes nécessaires pour garantir à chacun un emploi de qualité. La pandémie a par ailleurs bousculé les habitudes et transformé les attentes de la société, qui a subi une crise inédite. Les politiques économiques et sociales de cette période, résumées par le « quoi qu’il en coûte », ont permis une reprise économique vigoureuse. La politique de l’offre porte ses fruits : les entreprises recrutent et la courbe du chômage s’est inversée. Le corollaire est une pénurie de main-d’œuvre. Aux métiers en tension de longue date s’en ajoutent de plus inattendus. Les salariés quittent leur emploi non seulement pour gagner plus, mais parce qu’ils veulent plus de flexibilité et d’autonomie, ainsi que du lien et du sens. Cela oblige les chefs d’entreprise à être inventifs dans leur gestion des ressources humaines. Il faut repenser les vieilles méthodes et les solutions d’hier.

Nos politiques doivent bien sûr rester protectrices quand cela s’impose. Par un accompagnement personnalisé des plus fragiles, elles poseront les termes d’un nouveau contrat social qui n’oppose pas protection, liberté, responsabilité, autonomie et efficacité. Monsieur le ministre, l’ambition du plein emploi est légitime. Le texte que nous aurons à examiner prochainement, qui vise à rendre l’assurance chômage plus réactive au marché du travail, s’inscrit dans une feuille de route comprenant huit chantiers qui ne laissent rien au hasard.

Mme Laure Lavalette (RN). Il y a un an jour pour jour ou presque, le Premier ministre Jean Castex sollicitait l’avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur le manque d’attractivité des métiers et les difficultés de recrutement des entreprises. Si les propositions du CESE semblent ne pas avoir trouvé grâce à vos yeux, le constat demeure. Je vous cite : « il est insupportable d’être encore à un taux de chômage de 7,4 % et d’avoir dans le même temps un retour unanime des chefs d’entreprise sur les difficultés de recrutement ». Si le constat est bon, les réponses semblent toujours éloignées des réalités. L’ajustement de l’assurance chômage selon la situation du marché du travail et la modification du montant de l’indemnisation, des critères d’éligibilité ou encore de la durée de l’indemnisation sont autant de mesures qui ne ramèneront pas les chômeurs vers l’emploi. Le contexte est à vos yeux propice à une telle réforme du fait de l’augmentation massive des offres d’emploi, mais une fois de plus, vous semblez considérer que les chômeurs seraient peu enclins au travail et qu’il faudrait les sanctionner. Pourtant, la démarche de mise en lumière de l’attractivité était la bonne. Les chômeurs ne doivent pas être amenés vers le travail avec brutalité, mais accompagnés vers des métiers valorisants, attractifs et adaptés aux qualifications des candidats.

Plutôt que de mener une politique injuste de l’assurance chômage, nous devrions réfléchir à des solutions aux freins structurels : salaires, conditions de travail, accès au logement, mobilité, garde d’enfants ou encore formation. Nous pourrions être rassurés par la volonté affichée d’œuvrer pour le « travailler mieux ». Mais vous souhaitez une énième concertation – vous avez au moins l’honnêteté de reconnaître que concertation ne vaut pas négociation – à l’automne, avec des assises du travail dans le prolongement du CNR. Pour nous, travailler mieux commence par gagner plus. Loin de votre comité Théodule, nous, députés élus et légitimés dans les urnes, proposons une mesure prête à être votée que Marine Le Pen a présentée pendant la campagne présidentielle : permettre aux entreprises d’augmenter de 10 % les salaires jusqu’à trois fois le SMIC en les exonérant des charges supplémentaires correspondantes. Voilà du concret, monsieur le ministre !

Nous espérons que votre tendance à ignorer le Parlement disparaîtra rapidement. Si votre Conseil national de la refondation est un nouvel outil inutile et déconnecté, les députés du Rassemblement national, eux, sont bien présents. Allez-vous enfin vous préoccuper de l’attractivité des métiers ?

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NUPES). Nous battons des records dans l’appauvrissement de la population et l’enrichissement insolent d’une minorité. TotalEnergies enregistre 19 milliards d’euros de bénéfices en un trimestre : en pleine crise, son PDG augmente son salaire de 50 % et les actionnaires perçoivent 8 milliards d’euros de dividendes. La CMA CGM réalise 15 milliards d’euros de bénéfices. Les plus grosses fortunes de France continuent de se remplir les poches : LVMH 149 milliards d’euros, Chanel 80 milliards d’euros, Hermès 78 milliards d’euros, L’Oréal 62 milliards d’euros, Dassault 31 milliards d’euros !

Dans le même temps, d’après l’institut CSA, il manque chaque mois en moyenne 490 euros dans le portefeuille des ménages français pour vivre correctement. L’inflation record, à 6,5 %, prend un caractère structurel et touche tous les postes de dépenses. Face à cela, vous avez refusé de taxer les superprofits, d’augmenter le SMIC, de bloquer les prix, et choisi de « totocher », de frapper les précaires et les plus pauvres d’entre nous. Votre réforme de l’assurance chômage entrée en vigueur est catastrophique, avec une baisse de l’indemnisation de 17 % pour 1,15 million de personnes. Pourquoi cette réforme injuste et inhumaine, qui a permis près de 7 milliards d’euros d’économies sur le dos des chômeurs alors que 40 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté ? Pensez-vous vraiment que les plus pauvres sont des profiteurs, alors même que vous offrez encore et encore des cadeaux aux plus riches de ce pays ?

M. Stéphane Viry (LR). Monsieur le ministre, vous avez évoqué plusieurs chantiers dont l’objet est de permettre à notre économie de fonctionner, d’améliorer la place du travail et de lui rendre du sens, et de valoriser les métiers. Pas un secteur d’activité économique, quels que soient le domaine, le lieu géographique, la taille et le statut de l’entreprise, n’est épargné par une pénurie de ressources humaines, ce qui place les entreprises en difficulté, freine leur activité, fragilise leur fonctionnement et peut compromettre leur pérennité. Vous défendrez dans quelques jours un projet de loi relatif à ce problème. Il comporte quatre articles, dont deux qui reconduisent des dispositions en vigueur et un qui tire les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel. Un seul, relatif à l’élargissement de la validation des acquis de l’expérience (VAE) au domaine sanitaire, peut permettre d’aller de l’avant.

La vraie question porte sur votre vision de l’assurance chômage. Telle qu’initialement conçue, elle offrait une garantie en cas de sinistre, en l’espèce la perte et la privation d’emploi. C’était une mesure de mutualisation et de solidarité qui corrigeait une perte temporaire. Dès lors que le chômage, depuis plusieurs décennies, est un phénomène massif et de longue durée, l’esprit même de l’assurance chômage a été dévoyé. Ne faudrait-il pas remettre à plat notre système, quitte à placer la question du sens du travail au cœur de notre action ? Je n’ai pas senti, dans votre vision politique, la volonté d’aller dans cette direction.

S’agissant du dialogue social, je m’interroge sur votre ambition de mener des concertations avec les travailleurs sociaux. Il y a trois questions principales. Quid du halo du chômage, de ces personnes que nous percevons mal ? Quid concrètement de vos décisions en matière d’emploi des seniors : cette question demeurera-t-elle prioritaire dans le cadre d’un allongement de la durée de cotisation ? Et quid de votre volonté d’aller de l’avant en matière d’insertion professionnelle, s’agissant notamment des emplois nécessitant l’utilisation d’outils numériques, qui restent pour l’instant sans solution ?

M. Philippe Vigier (Dem). Ce débat présente l’intérêt d’ouvrir des pistes de réflexion. Le million d’emplois non pourvus, les chômeurs qui parfois ne savent pas où ils sont, les entreprises insatisfaites et les vieux modèles qui ne correspondent plus à la situation économique, tout cela exige, me semble-t-il, d’adopter une vision neuve et d’ouvrir tous les chantiers en même temps.

Tout d’abord, quelle place accorderez-vous au Parlement ? Il est indispensable que la représentation nationale soit associée à vos chantiers. Elle l’est par le biais du projet de loi à venir. Toutefois, nous serons amenés à ratifier des ordonnances. Il est essentiel que nous nous trouvions à tout moment au cœur de l’évaluation des nouvelles politiques une fois lancés les huit chantiers évoqués.

Par ailleurs, quelle place accorderez-vous aux partenaires sociaux dans la feuille de route que vous allez leur adresser ? Votre projet de loi dresse le constat d’échec du paritarisme, qu’il faut remettre sur les rails. Avez-vous la volonté de faire en sorte que l’embellie économique d’aujourd’hui se traduise demain par de nouvelles règles d’indemnisation ? Dans votre vision, peut-on confier le champ assurantiel aux partenaires sociaux et celui de la solidarité à l’État ? Pendant la crise du covid-19, ce dernier a bien fait d’accorder des exonérations diverses et variées pour un total de 20 milliards d’euros : rapporté à un déficit de 64 milliards d’euros, cela signifie que l’État a pris toute sa place.

J’évoquerai ensuite des situations que les uns et les autres, ici, vivent et connaissent. Je ne distingue pas, parmi les chômeurs, les bons et les mauvais. Toutefois, il n’est pas normal qu’un individu indemnisé ou soutenu par le RSA gagne plus qu’un autre reprenant un emploi rémunéré à hauteur du SMIC. Sur ce point, nous devons faire passer un message clair. Si nous voulons que la valeur travail soit réhabilitée, nous devons ouvrir ce chantier. J’aimerais savoir si vous avez d’ores et déjà une feuille de route pour ce faire. Enfin, s’agissant de la VAE, vous avez ouvert la porte aux aidants, ce qui est un très bon choix. Il y a d’autres secteurs où nous manquons cruellement de main-d’œuvre mais où l’expérience existe, comme dans le domaine paramédical et parmi les aides-soignants. Irez-vous plus loin sur ce point ?

M. Arthur Delaporte (SOC). Monsieur le ministre, votre obsession pour le plein-emploi n’oublie qu’une chose : la réalité vécue par les demandeurs d’emploi, qui s’est aggravée en raison des lois de dérégulation adoptées depuis cinq ans. Votre vision est déconnectée des 41 % d’inscrits à Pôle emploi qui ne sont pas indemnisés. Avec la multiplication des formes alternatives de contrat de travail, telles que les plateformes et l’auto-entrepreneuriat, le chômage est devenu intermittent. Comment en tenez-vous compte dans vos réformes ?

Vous oubliez aussi une autre catégorie de demandeurs d’emploi – en fait, un peu plus de la moitié : les demandeuses d’emploi, que vous n’avez évoquées que par le biais de leurs familles. Dans le Calvados, comme partout en France, les associations qui les accompagnent déplorent deux ordres de problèmes. Le premier, c’est la mobilité, dont je ne vous ai pas entendu parler. Martine, âgée de 50 ans, a quitté la région parisienne. Elle perçoit alternativement salaire et RSA depuis 2018. Elle doit régulièrement refuser des offres d’emploi faute de pouvoir payer les trajets. De surcroît, son RSA n’est jamais versé dans les délais car elle attend plusieurs mois ses bulletins de salaire. La réforme de l’assurance chômage a aggravé sa situation. Le second problème, c’est la politique d’accueil des jeunes et des enfants, qui éloigne les femmes de l’emploi. Je prendrai encore un exemple : cette femme de ma circonscription, âgée de 38 ans, victime de violences conjugales, qui a mis cinq ans à se séparer de son compagnon. Mère d’un enfant, elle n’arrive pas à gérer ses démarches ni à retrouver un emploi.

M. François Gernigon (HOR). L’intérim est une relation triangulaire entre une entreprise de travail temporaire, une entreprise ayant besoin d’un renfort de personnel et un salarié. L’intérim permet au salarié d’intégrer une grande diversité d’entreprises, donc de développer ses compétences. Lorsque la mission d’intérim s’achève, le salarié perçoit une indemnité de fin de mission équivalente à 10 % de la rémunération brute perçue. Ce dispositif de contrat à durée déterminée (CDD) était vertueux. Il permettait aux entreprises de trouver une main-d’œuvre qualifiée et compétente pour faire face à un surcroît ponctuel d’activité.

À l’heure actuelle, l’intérim semble détourné de son objectif. Nombre d’entreprises se plaignent d’un manque récurrent de personnel. Recruter demande un investissement en temps aux collègues et à l’encadrement, pour accompagner la prise de poste. Les structures ayant recours à l’intérim sont stupéfaites quand la personne recrutée refuse un emploi en contrat à durée indéterminée (CDI), disant qu’elle doit recharger ses droits d’assurance chômage et qu’elle reviendra dans quelques mois. Alors que tous les secteurs d’activité souffrent d’un manque de personnel salarié, ce qui induit des risques importants de rupture de service, s’agissant notamment de l’accompagnement des personnes âgées, envisagez-vous des dispositions pour inciter l’intérimaire auquel est proposé un emploi en CDI à l’accepter ? À l’échelle nationale, cela contribuerait à lutter contre les contrats courts et favoriserait l’embauche pour tendre vers le plein-emploi – un bénéfice pour les entreprises concernées et pour notre économie.

M. Pierre Dharréville (GDR-NUPES). Quel programme vertigineux, monsieur le ministre ! D’après le président du MEDEF, il faut d’abord faire la réforme de l’assurance chômage, puis engager les concertations sur la réforme des retraites à l’automne. Ses désirs sont les vôtres... Prenant appui sur l’existence de métiers en tension et craignant la légère amélioration du rapport de force dans l’entreprise en faveur des salariés, vous poussez les feux de la régression sociale. Votre promesse de plein emploi est un trompe-l’œil : en réalité, c’est pour vivre mieux, vivons plus mal ! Votre réforme de l’assurance chômage est une étatisation brutale, qui démet à nouveau les acteurs sociaux. Vous demandez au Parlement de vous donner carte blanche sans afficher précisément vos intentions. Vous dites qu’il faut rendre le système d’assurance chômage plus incitatif, c’est-à-dire moins protecteur, donc faire du chômage une épreuve plus terrible encore. C’est toujours la même idée : les chômeurs ne voudraient pas « traverser la rue » parce que l’indemnisation serait trop douillette ! Votre précédente réforme aurait fait passer la proportion de privés d’emploi indemnisés de 42 % à 36 %, pour une allocation moyenne de 1 000 euros, et les métiers en tension n’ont pas disparu...

Il faut garantir le droit à l’assurance chômage, acquis par le travail et la cotisation, dans un monde où les carrières sont plus discontinues qu’auparavant. Il faut agir sur la qualité de l’emploi, des salaires et de la formation, ainsi que sur l’égalité professionnelle et la qualité du travail, en crise profonde. Nous ne voulons pas de droits yoyos : la protection sociale n’est pas une variable d’ajustement de la conjoncture.

Monsieur le ministre, quelles modifications entendez-vous imposer à l’assurance chômage ? À quelle sauce comptez-vous manger le droit à la retraite ? Voulez-vous le faire dès l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Vous présentez les choses sous un jour trompeur, en dénigrant notre système de retraite, mais le pays, d’ores et déjà soumis à des défis considérables, ne veut pas de régression nouvelle. Les impatiences du Président de la République et ses exigences envers le pouvoir législatif n’y changent rien. Votre rentrée antisociale m’inspire un profond sentiment de révolte. Renoncez à vos coups de force contre nos droits sociaux !

M. Olivier Serva (LIOT). Monsieur le ministre, mon propos portera sur le texte présenté en conseil des ministres la semaine dernière. Ce texte minimaliste, qui prétend lutter contre les difficultés de recrutement, traite en réalité de l’assurance chômage – comme si le lien entre les deux était évident et automatique, alors que 40 % seulement des personnes inscrites à Pôle Emploi sont indemnisées et que les difficultés de recrutement sont multifactorielles. Mais ce texte n’a rien d’anodin. Vous voulez réformer l’assurance chômage par décret, en contournant les partenaires sociaux, auxquels vous proposez de simples concertations en lieu et place de vraies négociations. C’est un nouveau coup porté au paritarisme. Ces mêmes syndicats nous alertent à juste titre sur une future réforme qui ne serait ni efficace, ni juste socialement.

Même si le texte n’est pas explicite, nous savons qu’il n’est plus question de se contenter de proroger les règles en vigueur, mais bien de lier les règles d’indemnisation à la conjoncture. Comment comptez-vous mettre ce principe en application ? Que faites-vous des différences de taux de chômage selon les territoires ? La baisse du chômage enregistrée au cours des dernières années en moyenne nationale est bien moins forte outre-mer. En outre, notre système d’indemnisation incite d’ores et déjà à la reprise d’emploi. Pourquoi le durcir ? La dernière réforme est entrée en vigueur il y a à peine un an. Avons-nous le recul nécessaire ? Enfin, pourquoi traiter la question du recrutement par le seul biais de l’indemnisation du chômage ?

Les difficultés se trouvent davantage du côté des métiers proposés. Les outre-mer en sont l’illustration. La grille de lecture utilisée pour y aborder le marché de l’emploi n’est pas la bonne. De nombreux emplois créés ne sont pas pourvus en raison de l’inadéquation des profils. Les employeurs, dans nos territoires, demandent de longue date des allégements de cotisations sociales, comme cela a été fait en Nouvelle-Calédonie. Cela faciliterait le recrutement de cadres. En effet, les profils CSP+ leur échappent en raison de la difficulté à leur proposer des salaires attractifs. C’est pourquoi j’ai plaidé, tout au long de la précédente législature, en faveur de l’extension de dispositifs tels que les zones franches d’activité nouvelle génération aux secteurs en tension. Ces propositions sont restées lettre morte.

M. le ministre. Je répondrai globalement à ces interrogations, qui peuvent être rassemblées en cinq points.

Je commencerai par les questions sur la méthode, et d’abord sur la place du Parlement. Il dispose de prérogatives propres, notamment la possibilité de convoquer les ministres, de les auditionner et de diligenter une mission d’information. Par ailleurs, la réforme comporte des dispositions législatives qui nécessitent évidemment votre examen et, si vous le souhaitez, votre approbation.

Par-delà ces dispositions législatives, nous avons la volonté d’associer le Parlement. Le texte que je présenterai devant vous dans quelques semaines prévoit la possibilité, pour le Gouvernement d’arrêter les règles d’indemnisation du chômage, non par ordonnance, mais par décret, lequel fixera aussi des critères de modulation.

Outre ces exercices parlementaires que je qualifierai de formels, au sens où ils visent à assurer le respect de la loi, il existe des possibilités d’adaptation et de transparence. Pour ce qui concerne l’assurance chômage, lorsque le texte arrivera devant vous, en commission puis en séance publique, les pistes retenues par le Gouvernement et transmises aux partenaires sociaux auront été rendues publiques. Vous pourrez ainsi vous prononcer en toute connaissance de cause sur les orientations privilégiées lors de la rédaction du décret de mise en œuvre de ces mesures, à l’issue d’une phase de concertation.

M. Pierre Dharréville. Seront-elles inscrites dans la loi ?

M. le ministre. Non. Nous nous en tiendrons à un décret, conformément à l’avis du Conseil d’État, auquel je vous sais attaché, monsieur Dharréville, même quand il va dans le sens du Gouvernement.

S’agissant maintenant de la place du dialogue social, le principe est simple, nonobstant une exception. L’article L. 1 du code du travail énumère les sujets sur lesquels la compétence des partenaires sociaux est prioritaire, et la négociation interprofessionnelle obligatoire. Pour ajouter à la confusion que nous pouvons parfois rencontrer, d’autant qu’un lapsus est toujours possible et que l’on peut toujours utiliser un mot pour un autre sans mauvaise intention, l’ouverture d’une négociation interprofessionnelle doit être précédée d’une phase de concertation sur les modalités et les termes de la négociation.

Les sujets qui ne figurent pas dans l’article L. 1 relèvent aussi du cadre de la concertation, mais offrent une souplesse accrue au Gouvernement, qui doit proposer des pistes de travail et les soumettre à la concertation avant de décider. Si le dialogue social échoue à aboutir à un accord majoritaire, alors le Gouvernement peut agir par décret de carence, comme il l’a fait en 2019 lors de la première réforme de l’assurance chômage.

Nous prévoyons d’introduire une exception à ce principe pour la période allant jusqu’au 31 décembre 2023. Le projet de loi qui vous a été transmis autorise le Gouvernement, du 1er novembre 2022 au 31 décembre 2023, à décider par décret des règles d’indemnisation de l’assurance chômage. En effet, le décret de carence pris en 2019 ne peut avoir une durée d’application supérieure à trois ans, conformément à la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. Il arrivera donc à échéance le 1er novembre 2022. Si nous avions voulu, comme en 2019, respecter les délais nécessaires à l’organisation d’une négociation interprofessionnelle sur les règles d’indemnisation, celle-ci aurait dû être ouverte par l’examen d’un document d’orientation rédigé par le Gouvernement entre l’élection présidentielle et les élections législatives. Ce n’est pas une période où il aurait été de bonne politique d’engager l’État sur un document d’orientation ayant une vocation pluriannuelle. Nous ne l’avons donc pas fait. Dès lors, les règles en vigueur arrivent à échéance le 1er novembre prochain et il nous faut a minima les prolonger. Nous mettrons à profit une période de concertation sur les critères de modulation de l’assurance chômage, dont nous pourrons décider par décret à l’issue de la concertation, conformément à l’avis rendu par le Conseil d’État interrogé à ce sujet.

J’en viens aux questions sur le devenir de l’assurance chômage. Le texte que nous proposons s’inscrit dans une logique contracyclique : les dispositifs de protection doivent être forts lorsque la situation se dégrade et incitatifs, donc sévères, lorsqu’elle s’améliore. Nous pouvons mobiliser plusieurs critères objectifs, que nous soumettrons à la concertation, dont le rapport entre le nombre d’emplois disponibles et celui des demandeurs d’emploi inscrits, le rythme de création d’emplois et le celui de baisse du chômage. Nous ouvrirons ces sujets à la discussion.

Par ailleurs, il existe des critères de modulation de l’indemnisation par le biais de sa durée maximale et des conditions d’affiliation. Comme je l’ai déjà dit, nous ne souhaitons pas actionner le levier du niveau de l’indemnité.

À l’issue de la concertation sur les possibilités de modulation des règles d’indemnisation, nous ouvrirons une deuxième phase avec les partenaires sociaux sur plusieurs sujets, notamment la gouvernance de l’assurance chômage. C’est un sujet distinct, qui relève de l’article L. 1 du Code du travail. Nous ouvrirons une négociation, comme j’ai eu l’occasion de le dire aux partenaires sociaux, à la fin de l’année 2022 ou au tout début de l’année 2023. Nous devons aussi, ce qui ne relève pas du Parlement, renégocier la convention tripartite liant Pôle emploi, l’UNEDIC et l’État, notamment pour le financement de Pôle emploi, à l’horizon de la fin 2023. Et nous avons ouvert le chantier de la création de France Travail, qui introduira de nouvelles modalités que nous souhaitons voir mises en œuvre à partir du 1er janvier 2024. Si nous proposons au Parlement d’autoriser le Gouvernement à décider des règles d’indemnisation du chômage pendant une période limitée à quatorze mois, jusqu’au 31 décembre 2023, c’est aussi pour assurer l’articulation de ces chantiers ainsi que la meilleure coordination des négociations et des discussions des partenaires sociaux et des acteurs concernés.

S’agissant, troisième point, du travail des seniors, il y a énormément à faire. La priorité absolue est de faciliter leur maintien dans l’emploi. Des propositions ont été formulées par des partenaires sociaux, d’autres par les parlementaires – notamment Didier Martin et Stéphane Viry qui ont remis en 2021 un rapport d’information sur l’emploi des travailleurs expérimentés. Il y a là autant de sources d’inspiration sur lesquelles nous pouvons nous appuyer. Nous sommes aussi prêts à ouvrir d’autres réflexions, notamment sur la transition entre périodes d’activité et de retraite. De même qu’il existe des transitions avant l’âge légal de départ en retraite, nous pourrions faciliter le cumul emploi-retraite après l’âge de liquidation des droits, y compris en rendant les revenus afférents contributifs. Sur ce sujet des seniors, j’indique, en réponse à Pierre Dharréville, que nous arrêterons le calendrier de la réforme des retraites après la remise du rapport du Conseil d’orientation des retraites, sur lequel j’échangerai avec les partenaires sociaux lundi prochain.

J’en viens à la question des refus de CDI à l’issue d’un CDD ou d’une période d’intérim – je précise d’emblée que, dans le second cas, il y a déjà une forme de sanction avec la perte de la prime de précarité – et à celle des abandons de poste. Nous devons nous pencher sur ces sujets en tenant compte des questions d’opérationnalité ; peut-être une instruction complémentaire permettra-t-elle d’y voir plus clair. En l’état actuel des systèmes d’information, dont nous verrons s’ils peuvent être améliorés, les conseillers de Pôle emploi ne peuvent avoir la certitude qu’un CDI a été proposé à une personne s’inscrivant à Pôle emploi à l’issue d’un CDD. Des mesures qui semblent s’imposer d’évidence se heurtent à des difficultés techniques.

J’ouvre une brève parenthèse pour dire que les dispositions relatives aux contrats courts adoptées dans le cadre de la réforme de 2019 ont abouti, certes dans une conjoncture favorable, à des résultats meilleurs qu’espérés. Au premier semestre 2022, un peu plus de la moitié des nouvelles embauches ont été réalisées en CDI. Le nombre d’embauches en CDI a augmenté de 43 % tandis que le nombre d’embauches en contrats courts est resté stable par rapport à la période 2018-2019, ce qui est une bonne nouvelle pour l’emploi dans notre pays.

Les premiers résultats en matière de bonus-malus pour les sept secteurs économiques les plus exposés aux contrats courts sont encore provisoires, mais ils dessinent une tendance nette : de 62 à 63 % des entreprises connaîtront un bonus car leur taux de rupture est inférieur à la médiane de leur secteur, ce qui fait 37 à 38 % d’entreprises au taux de rupture supérieur. Ces résultats sont meilleurs qu’attendu.

Enfin, s’agissant de la formation, de l’accompagnement et de la question spécifique du travail et de l’accès à l’emploi des femmes, je souscris, sous de nombreux aspects, aux propos tenus. La modification des règles de l’assurance chômage n’est pas un outil unique – la considérer telle serait à la fois une erreur et un mauvais chemin. Tout doit être mobilisé : la formation, l’insertion, l’accompagnement, les formations tant initiales que continues. Il faut aussi lever les freins périphériques à l’emploi, comme je l’ai dit à propos des allocataires du RSA. Les parcours adaptés, en matière d’insertion et d’accompagnement vers l’emploi, doivent tenir compte des situations particulières. Ainsi, il faut trouver, pour les familles monoparentales encore plus que pour les autres, des solutions en matière de garde d’enfant.

C’est pourquoi j’ajoute aux chantiers précités les questions de logement, de mobilité et de garde d’enfants, dans lesquelles se nichent ces freins périphériques. Elles relèvent de politiques qui excèdent le champ de mon ministère, mais qui contribuent à l’objectif du plein emploi.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet. Monsieur le ministre, vous avez parlé d’adaptation et de modulation de l’indemnisation du chômage en fonction de son taux, qui varie beaucoup selon les départements et aussi selon les réalités d’outre-mer. Sur quelles statistiques nationales et régionales fonderez-vous cette modulation ?

S’agissant des accompagnements non monétaires, qui touchent à de véritables freins à l’embauche, je rappelle que 40 % des chômeurs ne sont pas indemnisés et que près de 50 % des demandeurs d’emploi ne sont pas titulaires du bac. Les difficultés de recrutement signalées par les entreprises ont partie liée avec la formation, le manque d’attractivité des métiers, le logement, le transport, la garde d’enfants. Comment comptez-vous accompagner efficacement les chômeurs vers l’emploi, en attendant la mise en place de France Travail annoncée par le Président de la République ?

M. Matthieu Marchio. Monsieur le ministre, je déplore la brutalité avec laquelle vous mettez fin aux contrats aidés. Je suis élu d’un territoire où le taux de chômage de longue durée n’a pas baissé, comme ailleurs sur le territoire national, mais augmenté, et ce principalement parmi les bénéficiaires de ce dispositif. Le préfet du Nord a dit s’être rapproché du ministère du travail pour demander une enveloppe supplémentaire visant à adoucir la pente de la suppression des contrats aidés. Vous semblez avoir refusé. Vous n’avez pas non plus répondu aux questions des élus locaux.

Il y a deux drames : un drame humain, la mise sur le carreau de personnes qui se réinséraient progressivement dans le travail ; un drame pour nos communes, qui devront se passer de cette main-d’œuvre alors qu’elles font face à l’inflation dans l’indifférence du Gouvernement. À Warlaing, une commune de ma circonscription, trois personnes qui géraient le périscolaire et la cantine étaient sous ce régime. Leur contrat n’a pas été renouvelé pour l’année scolaire à venir. Pour y remédier, la commune a créé deux emplois en CDD, ce qui est en dessous de l’effectif pour un service correct. Surcoût de fonctionnement : 31 000 euros. Conséquence financière pour les parents d’élèves : près de 1 euro supplémentaire par repas, désormais facturé 3,75 euros au lieu de 2,90.

Monsieur le ministre, je vous demande d’écouter nos communes dont les habitants connaissent, eux, la vie réelle. Pourquoi ne pas adapter la diminution des contrats aidés aux situations de chaque territoire ? Plus généralement, je vous demande d’arrêter de détruire ces dispositifs créateurs d’emplois.

Mme Servane Hugues. Je vous félicite pour l’initiative qui consiste à élargir la VAE aux proches aidants. C’est non seulement une solution pour pallier les tensions en matière de recrutement dans le secteur médico-social, mais aussi une façon de valoriser des personnes qui ont souvent une deuxième vie après leur travail. Comment comptez-vous simplifier le dispositif de VAE ?

M. David Taupiac. Permettez-moi de manifester mon inquiétude quant à l’opportunité du projet de réforme de l’assurance chômage, en l’absence d’évaluation de la réforme précédente et au vu des crispations engendrées d’emblée chez les partenaires sociaux. Il me semble que nous sommes loin du compromis nécessaire à l’acceptabilité de ce projet, dans un contexte social et économique inflammable.

Je suis député d’un département rural, le Gers, où les questions de mobilité sont déterminantes dans la recherche d’emploi. Avec la crise énergétique, le coût du carburant pèse lourdement sur le pouvoir d’achat. Comment seront prises en considération les contraintes de la ruralité dans votre réforme qui vise à aboutir au plein emploi coûte que coûte ?

Mme Stéphanie Rist. Le marché du travail connaît une profonde mutation tant en raison de l’évolution de nos sociétés que de l’impact de la crise sanitaire. Vous avez réaffirmé votre mobilisation pour l’emploi des seniors, indispensable à la pérennité du système de retraite. Les entreprises ont un rôle majeur à jouer pour le maintien dans l’emploi et l’accompagnement des carrières des seniors. Pouvez-vous préciser les instruments de concertation qui seront mis en place avec elles ? Quelles sont les mesures d’adaptation des entreprises que vous entendez favoriser ?

M. Victor Catteau. Dans la réforme de l’assurance chômage que vous souhaitez, la fonction répressive du dispositif est fondamentale. Si le taux de chômage est bas, les Français devront accepter les emplois qui leur seront proposés, et ce même s’ils ne leurs conviennent pas et si le salaire offert sur le marché du travail n’est pas satisfaisant. En réduisant les droits aux allocations chômage, vous allez faire pression sur les chômeurs en les rendant plus vulnérables et en accroissant leur dépendance par rapport au système économique. Inversement, si le taux de chômage est élevé, les Français verront leurs droits maintenus.

Or, votre objectif est précisément un taux de chômage faible. Cela signifie que le dispositif risque de dévoyer la fonction même de l’assurance chômage. En effet, elle a vocation à favoriser l’emploi durable et non un retour à un emploi fragile. Sa fonction première est de protéger les revenus des Français. Réduire la durée de l’assurance chômage est la solution de facilité adoptée par le Gouvernement, car cela fait monter mécaniquement le taux d’emploi. Cela vous permet de faire passer sous les radars bien des problèmes – l’inadéquation des compétences par rapport aux besoins des entreprises, le temps nécessaire pour trouver un nouvel emploi, le fait que le recrutement aille de plus en plus vite alors que les délais de formation sont de plus en plus longs. Pourquoi détruisez-vous le modèle de protection sociale des Français, qui fonctionne et qui a fait ses preuves, sous prétexte de l’améliorer ?

Mme Justine Gruet. Actuellement, beaucoup de salariés préfèrent signer un CDD plutôt qu’un CDI. C’est un sujet qui revient souvent dans ma circonscription. Je vous ai interpellé par courrier cet été à propos des difficultés rencontrées par deux entreprises du Jura, en pleine pénurie de main-d’œuvre, auxquelles l’inspection du travail demande de proposer des CDI plutôt que des CDD. Que proposez-vous pour que le CDI soit plus avantageux et ainsi davantage accepté par les salariés ?

Comment expliquez-vous l’augmentation des postes vacants ? Un dispositif ou un choix stratégique a-t-il été modifié ? Les Français veulent réellement que le travail et le goût de l’effort soient la règle, que le coup de pouce de l’allocation chômage ne soit que transitoire en cas d’accident de la vie. Ce goût de l’effort et du travail doit être mis en exergue à l’école dès le plus jeune âge, en faisant tout pour qu’un enfant soit fier d’apprendre, valorisé s’il réussit et encouragé en cas de difficultés. La valorisation du travail est centrale. Elle est attendue par nos concitoyens et ne doit pas se limiter à un effet d’annonce.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il fut un temps où, de manière caricaturale, tous les salariés privilégiaient le CDI, souhaitant réaliser leur carrière dans la même entreprise, le CDD étant jugé précaire. La stabilité dans l’entreprise était accompagnée d’une prime d’ancienneté tandis que le salarié en CDD bénéficiait d’une prime de précarité.

L’évolution de la société et, plus récemment, la crise sanitaire ont profondément modifié le rapport des Français au travail. Beaucoup aspirent désormais à davantage de mobilité et de reconversion, ce qui favorise les contrats courts. C’est le cas dans le secteur médical et médico-social. Les employeurs rencontrent de plus en plus de difficultés à conclure des contrats de longue durée, les salariés privilégiant des engagements qui ont l’avantage de la flexibilité. Nous devons redonner de l’attrait au CDI, gage de sécurité pour l’ensemble des parties. Pour ce faire, nous pouvons actionner plusieurs leviers. Les primes d’ancienneté – non garanties par la loi mais fixées par les conventions collectives, le contrat de travail ou l’employeur – sont souvent attractives, mais versées à l’issue d’un délai parfois considéré trop long par les salariés. Serait-il possible de favoriser l’ancienneté des salariés en CDI en exonérant la prime d’ancienneté d’impôts et de cotisations sociales ? Cela pourrait être une piste. Parallèlement, si la prime de précarité est pleinement justifiée lorsque le CDD est subi, elle pourrait être diminuée dans le cas contraire.

Mme Annie Vidal. Sur proposition du Gouvernement, nous avons voté cet été une revalorisation anticipée des pensions de retraite de 4 %, effective depuis vendredi dernier avec effet rétroactif au 1er juillet. C’est une mesure concrète pour faire face à l’inflation et préserver le pouvoir d’achat. L’État poursuivra cet effort puisqu’une nouvelle revalorisation sera calculée au 1er janvier 2023. Pour autant, certains de nos concitoyens s’interrogent sur les calculs, barèmes et coefficients applicables – notamment ceux qui prennent leur retraite au cours du second semestre 2022 ou au 1er janvier 2023. Au sein des caisses de retraite également, certaines ne savent pas encore quels coefficients appliquer à qui. Pouvez-vous indiquer comment seront calculés les taux de revalorisation au 1er janvier 2023 et comment ils seront appliqués aux nouveaux retraités du second semestre 2022 et du 1er janvier 2023 ?

M. Yannick Neuder. À l’occasion de la rentrée des classes, des manques de personnel sont apparus, notamment en ce qui concerne les conducteurs de bus. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, il en manque 1 000. Grâce à une communication adaptée, nous avons pu résorber le problème, mais 200 postes sont encore vacants. Quelles mesures de revalorisation proposez-vous pour faire face à ces difficultés symptomatiques ?

Comment relayer les demandes du secrétaire général de l’Organisation des transporteurs routiers européens concernant les mesures de cumul emploi-retraite afin de favoriser l’emploi des seniors et la reprise d’activité par les jeunes retraités dans leur entreprise dès le premier jour de leur retraite ?

Par-delà la question de l’attractivité se pose celle de l’orientation. Certaines filières sont mal présentées aux élèves, travailleurs de demain. L’une des revendications des CFA est de mieux faire connaître ces métiers. Quelles mesures envisagez-vous ?

Mme Prisca Thevenot. Alors que la concertation sur la réforme des retraites commencera la semaine prochaine, j’aimerais attirer votre attention sur un objectif qui tient à cœur à tous, ici comme au sein de la délégation aux droits des femmes : les inégalités entre les femmes et les hommes au moment du départ à la retraite.

Nous pouvons nous réjouir que les femmes entre 35 et 44 ans valident à peu près le même nombre de trimestres que les hommes du même âge et que les écarts de pension soient en baisse continue. Mais il est clair que les pensions des femmes restent en moyenne inférieures. Des éléments du parcours de vie, comme la parentalité, doivent bien sûr être pris en considération dans le calcul des pensions, mais il y a d’autres facteurs : les niveaux de rémunération sont encore inégaux et les emplois souvent plus précaires pour les femmes. Des mécanismes existent pour lutter contre ces inégalités, notamment l’index de l’égalité professionnelle instauré lors du précédent quinquennat. Mais il faut aller plus loin sur ces questions, qui concernent 52 % de la population. Comptez-vous donner priorité à ce sujet ?

Mme Katiana Levavasseur. L’incertitude économique que nous connaissons exige des mesures d’urgence pour que les travailleurs puissent vivre dignement de leur emploi et que les bénéficiaires des minima sociaux puissent compter sur une aide juste. Tous les Français méritent votre attention. Mercredi dernier, vous avez présenté en conseil des ministres le projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, qui s’inscrit dans la droite ligne de la réforme de l’assurance chômage de 2019. Vous prétendez que le plein emploi est accessible si l’on prend sans tarder des mesures pour améliorer le fonctionnement du marché du travail. Mais à quel prix ? À tout faire dans l’urgence, il est difficile d’avoir de la visibilité sur l’avenir. La réforme de 2019 l’a démontré, avec le report de son application à la fin de l’année 2021. Une fois encore, le texte que vous présentez n’est qu’un dispositif d’attente pour pallier les carences du précédent. Un an après son entrée en vigueur, quel est le bilan de la réforme que vous souhaitez prolonger et même étendre, notamment par l’introduction d’un nouveau critère de modulation des conditions d’indemnisation par l’assurance chômage ?

On constate en particulier une importante pénurie de professionnels dans les métiers du secteur social et médico-social, des auxiliaires de vie et des agents d’entretien. Je ne suis pas convaincue que rogner les indemnités des chômeurs changera quelque chose à cet état de fait. Selon le Haut Conseil du travail social, les salaires de ces secteurs d’activité ont décroché de 30 % par rapport à l’évolution des prix en France.

M. Thibault Bazin. Je profite à mon tour de cette audition pour faire part des difficultés de recrutement observées dans ma circonscription. De nombreux employeurs m’ont indiqué avoir de la peine à embaucher alors que près de 2 400 jeunes de moins de 25 ans sont suivis par la mission locale de Lunéville. C’est un vrai paradoxe.

Vous annoncez une réforme en soulignant que le dispositif actuel n’est pas adapté à la conjoncture, avouant qu’il n’incite pas suffisamment à reprendre un travail. Je partage ce diagnostic. Mais votre projet de loi semble se contenter de conserver le système actuel à court terme en reportant une réforme structurelle, alors qu’il y a urgence. Plus inquiétant encore : vous limitez le périmètre de la réforme annoncée à moyen terme aux périodes d’indemnisation et non aux montants d’indemnisation.

Il faut élargir la réponse pour davantage inciter au travail. De manière très concrète, il existe des effets de seuil et de plafond qui font perdre le bénéfice d’aides lorsqu’on reprend un travail. Les classes moyennes qui travaillent vivent comme une véritable injustice le faible différentiel de revenus qui les sépare de ceux qui ne travaillent pas et qui bénéficient d’aides, à situation familiale équivalente. Il faut s’y atteler. J’attire votre attention sur la situation des familles de la classe moyenne, pénalisées par les coups de rabot budgétaires de ces dix dernières années. Pour inciter au travail, il faut non seulement permettre la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, mais aussi préserver le pouvoir d’achat des foyers dont les deux conjoints font le choix de travailler. Dans quelle mesure le rétablissement de l’universalité de la politique familiale pourrait-il participer à une politique incitative en faveur de l’emploi ?

Mme Fanta Berete. Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), le nombre d’emplois non pourvus en France s’élevait à 368 100 au premier trimestre de 2022, soit une hausse de 75 % par rapport au quatrième trimestre de 2019. Dans le peloton de tête des secteurs les plus touchés par cette situation figurent l’hôtellerie, la restauration, le secteur médical et les services à domicile. D’ailleurs Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme a lancé hier un mot-dièse prometteur : #LeTourismeRecrute.

Quelles mesures supplémentaires comptez-vous prendre pour inverser la tendance et vous assurer que, dans les emplois peu qualifiés, chacun puisse valider ses acquis pour évoluer professionnellement ?

Le projet Territoires zéro chômeur de longue durée, conçu en 2014 et dont l’expérimentation a été lancée en 2017 dans dix territoires, montre qu’on peut créer des emplois en agissant en commun. Quelles sont les mesures issues du retour d’expérience qui pourraient être étendues à d’autres zones où le taux de chômage est supérieur à la moyenne nationale ?

M. Christophe Bentz. Il est de plus en plus nécessaire de préserver la santé mentale au travail. Un consensus existe sur le fait que les problèmes de santé mentale au travail sont davantage liés au travail lui-même qu’aux travailleurs.

Le premier enjeu concerne le renforcement du rôle et des moyens de la médecine du travail. Le nombre de médecins est en baisse constante et leur âge moyen est de 55 ans. Ils n’ont plus le temps pour autre chose que des soins curatifs et leurs missions de base. Ils ne peuvent pas accompagner l’employeur en matière de prévention et d’amélioration des conditions de travail.

Le deuxième problème fondamental réside dans le pilotage par les entreprises de la question de la santé mentale de leurs employés. La sécurité au travail bénéficie depuis des années d’un suivi rigoureux des divers types d’accidents du travail, avec de considérables progrès à la clé. Sans attendre que l’Organisation mondiale de la santé reconnaisse le burn-out comme maladie professionnelle, il conviendrait d’encourager les entreprises à élaborer un suivi équivalent pour les risques psycho-sociaux. Cela favoriserait la prise de conscience des problèmes de santé mentale ainsi que l’émergence de dispositifs de prévention.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq. Comme beaucoup de collègues, nous sommes interpellés par les employeurs à propos des difficultés de recrutement. Ils nous demandent de durcir les règles d’indemnisation du chômage car ils considèrent qu’elles sont un frein à l’attractivité de leurs métiers. Des réformes ont déjà été conduites pour que les fruits du travail soient plus rémunérateurs que les revenus de substitution. Pouvez-vous confirmer que tel est bien le cas ?

Les difficultés de recrutement doivent aussi faire s’interroger les employeurs sur la qualité du travail proposé et l’attractivité des métiers. Comment le Gouvernement envisage-t-il de les accompagner pour améliorer cette attractivité et les rémunérations ?

M. Didier Martin. Merci d’avoir fait figurer l’enjeu de l’emploi des seniors parmi les chantiers prioritaires pour le plein emploi. Moins de 30 % des Français entre 60 et 64 ans occupent un emploi, contre 42 % en moyenne dans l’Union européenne. Le rapport d’information sur l’emploi des travailleurs expérimentés que Stéphane Viry, Valérie Six et moi‑même avons commis lors de la précédente législature proposait, entre autres, de rendre les cotisations issues du cumul emploi-retraite créatrices de droits. Cela concerne particulièrement les femmes, dont les carrières sont souvent longues et marquées par des interruptions. J’espère que les modalités d’application de cette mesure ne seront pas compliquées. Entendez-vous faciliter le cumul emploi-retraite ?

M. Didier Le Gac. Moi aussi, je pense que le travail est une source d’émancipation et une forme de reconnaissance sociale.

En France, nous ne faisons pas suffisamment pour permettre aux migrants de participer à la vie de la société, notamment par le travail. Nous pourrions nous inspirer du modèle allemand d’intégration par le travail, qui fonctionne bien. Titulaires d’un contrat de travail, même temporaire, ces étrangers peuvent travailler de manière officielle en Allemagne. Ils sont déclarés, protégés et participent à la vie de la nation ; ils retrouvent une dignité pendant que leur dossier de régularisation est instruit – et l’on sait que cela peut être très long. Dans ma circonscription, déjà proche du plein emploi, il ne se passe pas une semaine sans que je rencontre un employeur qui se dise prêt à intégrer et à former un migrant.

M. François Ruffin. Nous avons vécu une rentrée sous pénurie, avec un manque d’auxiliaires de puériculture dans les crèches, de conducteurs de bus, d’accompagnants d’enfants en situation de handicap et d’enseignants. Le journal Les Échos a dressé une liste des filières où le personnel fait défaut – soignants, forgerons, pharmaciens, analystes de données, menuisiers, mécaniciens, aidants, couvreurs zingueurs. Pourquoi ? D’après vous, parce qu’il y a trop de droits, et donc que certains préfèrent le chômage. La solution que vous proposez, c’est de flexibiliser et de fluidifier, pour que le cariste de Maubeuge devienne serveur à Cannes. Les droits à l’assurance chômage feront l’objet d’une cotation – une sorte de bourse avec un algorithme.

Pour nous, la raison est plutôt que vous maltraitez le travail depuis quarante ans. Vous l’avez réduit à un coût qui doit être baissé, parce que le travail est une simple marchandise. Un collègue soutien du Gouvernement se demande pourquoi les intérimaires ne pourraient pas pallier le manque d’auxiliaires de vie pour les personnes âgées. Mais pourquoi manque-t-on d’auxiliaires de vie ? Peut-être parce qu’ils travaillent deux heures le matin et deux heures le soir, avec une énorme amplitude horaire et 800 euros à la fin du mois !

Emmanuel Macron avait déclaré : « Il nous faudra nous rappeler aussi que notre pays, aujourd’hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. » Je vous conseille de lire, si ce n’est déjà fait, le rapport de la mission d’accompagnement des partenaires sociaux dans la démarche de la reconnaissance des travailleurs de la deuxième ligne remis à votre prédécesseur, Mme Borne. Il montre que cinq millions de travailleurs absolument essentiels dans notre pays sont maltraités, que ce soit sur le plan des salaires, des horaires ou du type de contrat qui leur est proposé. Qu’est-ce qui a changé pour les femmes de ménage, les auxiliaires de vie et les travailleurs de l’industrie agroalimentaire ? Rien ! Votre boulot, monsieur le ministre, devrait être de construire un statut et d’assurer un revenu pour ses cinq millions de travailleurs. Il faut simplement que les Français puissent vivre de leur travail.

Mme Josiane Corneloup. Il est paradoxal d’entendre quotidiennement des chefs d’entreprise faire part de difficultés à recruter alors que le taux de chômage s’élève encore à 7,4 %. Nous avons été un certain nombre à dire que le prochain projet de loi doit revaloriser le travail. C’est nécessaire. Il faut voir le travail non comme un labeur mais comme un épanouissement, et cela dès le plus jeune âge. Il faut également renouer avec le goût de l’effort dès l’école.

Nous devons lutter contre le chômage de longue durée. Au Canada, près de 40 % des demandeurs d’emploi restent au chômage pendant un mois ; en France, 40 % des inscrits à Pôle emploi y restent plus d’un an et demi. Des expérimentations ont été menées, dont par exemple le dispositif innovant « Ha-Py actifs » élaboré par le département des Hautes-Pyrénées, qui facilite le retour à l’emploi des allocataires du RSA en incitant les employeurs publics, privés et associatifs à les embaucher. Le projet de loi ne peut pas faire l’impasse sur les entreprises, levier indispensable du retour à l’emploi. Qu’est-il prévu les concernant ?

J’ai toujours été favorable à la VAE pour les métiers du service à domicile. Il faut un dispositif simplifié, avec une courte durée et une réalisation près du lieu de résidence. Compte tenu de l’ampleur des besoins, tant dans les EHPAD que dans les services de soins infirmiers à domicile, il faut compléter cette VAE par des modules courts, locaux et collectifs.

M. Hadrien Clouet. Le groupe LFI-NUPES est aussi d’avis qu’il faut contrôler et inciter – mais plutôt en direction des actionnaires ! Loin d’une pénurie de main d’œuvre, on constate essentiellement une pénurie de salaires si l’on cesse de confondre emplois vacants et non pourvus, comme c’est le cas depuis deux heures de discussion. À titre d’exemple, est-il normal de trouver sur le site de Pôle emploi à Toulouse des offres payées en dessous du SMIC pour un emploi intérimaire, pour un poste de 39 heures ou même pour un qui dépasse les 41 heures hebdomadaires ? Approuvez-vous que l’on radie aujourd’hui des chômeurs qui refusent ces offres à caractère illégal ? Dans le cas contraire, que faire contre la délinquance patronale, qui pullule sur les serveurs du service public de l’emploi au grand dam des conseillers de Pôle emploi ?

Si vos radiations sont excessives, elles posent la question de la stratégie poursuivie. Que signifie pour vous accompagner un chômeur vers l’emploi ? Quelles sont les conditions de réussite d’une prise en charge et d’un accompagnement ? Je pose cette question car je m’interroge sur le bilan de la dernière réforme. Comme cela a été dit plusieurs fois, 41 % des demandeurs d’emploi ne sont pas ou plus indemnisés. Puisque vous n’avez pas communiqué les documents préparatoires à la négociation paritaire au 1er juillet contrairement à ce que prévoient les textes, je vous le demande ici : combien de chômeurs sont-ils passés sous le seuil de pauvreté chaque année depuis 2019 du fait des règles que vous avez instaurées ?

En conclusion, permettez-moi de vous offrir le dernier livre que je viens de publier, en souhaitant qu’il vous ramène aux convictions que vous sembliez avoir avant votre nomination.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Les services à la personne emploient 1,3 million de salariés et les métiers de l’aide à domicile figurent parmi ceux qui bénéficieront des plus importants volumes de créations d’emplois. Avec une attractivité des métiers en berne, des démissions, des difficultés de remplacement et un important roulement, ce secteur en forte tension redouble d’initiatives pour pallier les difficultés de recrutement et fidéliser les salariés. Pôle emploi se mobilise en proposant des immersions professionnelles aux demandeurs d’emploi pour trouver de nouveaux candidats.

Un article du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi propose d’élargir la VAE aux proches aidants qui souhaitent faire valoir les compétences acquises lors de la prise en charge de la dépendance ou de la fin de vie d’un membre de leur famille. S’occuper d’un proche est une chose mais, compte tenu de la diversité de problèmes liés à la dépendance, est-ce suffisant pour en déduire des compétences ? Quels processus de certification des aidants familiaux garantiront qu’ils disposent de compétences équivalentes à ceux qui ont suivi une formation dans les métiers du soin – et pour que ces derniers ne se sentent pas dévalorisés par cette nouvelle filière d’accès ?

Ma deuxième question porte sur la montée en charge des demandes de rupture conventionnelle du contrat de travail. Dans la situation actuelle de plein emploi – dans ma circonscription, le taux de chômage est de 4,1 % – les entreprises en tension les accueillent moins favorablement. Il en résulte des abandons de postes en nombre qui, dans la majorité des cas, ouvrent droit aux allocations chômage. Y a-t-il une réflexion sur ce phénomène ?

M. le ministre. Je vous remercie pour ces questions qui montrent la complexité du sujet. Il n’y a pas de solution magique et les réponses doivent être territoriales. Le chômage structurel s’expliquant de manière multifactorielle, il faut penser la lutte contre le chômage avec différents outils, en évitant les raisonnements binaires et les caricatures. Les expérimentations locales sont effectivement riches d’enseignement, à l’instar du dispositif « Ha-Py actifs » que je suis allé me faire présenter dans les Hautes-Pyrénées.

Notre système d’assurance chômage est très protecteur, toutes les comparaisons européennes le montrent, qu’il s’agisse des conditions d’affiliation, de la durée d’indemnisation ou du taux de remplacement. Comme je l’ai dit, nous ne voulons pas ouvrir le débat du niveau d’indemnisation ; il varie de 57 à 75 %, ce qui est conforme aux moyennes continentales.

Le Gouvernement a répondu présent pendant la crise du covid, versant 1,2 milliard d’euros d’indemnités aux permittents, des centaines de millions d’euros aux intermittents et 2,9 milliards aux 800 000 demandeurs d’emploi arrivant en fin de droits alors qu’il n’y avait pas de possibilité de reprise d’activité économique. En mettant en œuvre ce modèle contracyclique, nous avons démontré notre capacité à agir en période de difficulté.

Lorsque s’ouvrira le débat sur le projet de loi sur le plein emploi, les propositions du Gouvernement seront connues des parlementaires et des partenaires sociaux. Nous devons travailler sur les indicateurs. Contrairement à Mme Panosyan-Bouvet, je ne suis pas convaincu que le taux de chômage soit le meilleur car il peut varier rapidement et ne présume pas du type d’emploi. Je crois davantage – c’est une réflexion et non une piste formelle – au ratio entre le nombre d’emplois disponibles et celui des demandeurs d’emploi, ou encore à la mesure des tensions de recrutement. Le dispositif que proposera ce texte sera transitoire. Il durera le temps d’aller vers France Travail, l’objectif étant de lever les freins périphériques à l’emploi.

Monsieur Marchio, après une hausse considérable pendant la crise sanitaire, le nombre de contrats aidés – contrats initiative emploi (CIE) et parcours emploi compétences (PEC) – atteindra 130 000 en 2022. Nous avons ajouté 5 500 CIE et 10 000 PEC, dont 1 330 fléchés vers la région des Hauts-de-France, soit plus que ne le voudrait son poids démographique, pour tenir compte de ses besoins spécifiques. L’année prochaine, nous continuerons à financer des contrats aidés mais nous reviendrons progressivement au niveau d’avant la crise, c’est-à-dire à celui de 2019, où le dispositif fonctionnait bien. Votre question ouvre aussi un débat plus large concernant l’utilisation des contrats aidés pour financer des postes dans les collectivités locales et dans les associations, avec un transfert de charge de l’usager vers le contribuable au titre de la solidarité nationale. Ce sujet mérite réflexion.

Concernant la VAE, notre objectif est la simplification et l’accélération du dispositif, en particulier en accroissant les capacités à réunir des jurys. Mme Corneloup souhaite des périodes de VAE plus courtes : nous y travaillons avec la « VAE inversée » dans le cadre du processus de transition collective. Il s’agit de mettre des hommes et des femmes qui ont déjà des acquis en situation professionnelle, avec un encadrement et une formation continue leur permettant, en quelques mois, de valider leur expérience et d’obtenir un titre. La simplification de la VAE poursuit un objectif à la fois quantitatif, celui d’augmenter le nombre de parcours professionnels validés, mais aussi qualitatif, car elle doit systématiquement déboucher sur une certification ou un titre.

Concernant la territorialisation, nous n’avons pas arrêté notre position concernant la régionalisation ou la départementalisation de l’assurance chômage. En revanche, toutes les politiques de formation, d’insertion et d’accompagnement vers l’emploi doivent tenir compte des particularités territoriales, de même que l’organisation de France Travail. C’est pourquoi, dans le cadre de la mission de préfiguration confiée à Thibaut Guilluy, nous rencontrerons l’Assemblée des départements de France pour les questions d’insertion et Régions de France sur le sujet de la formation.

S’agissant du travail des seniors, les leviers à utiliser sont nombreux. Il y a la retraite progressive car il n’y en a que 23 000 aujourd’hui. Il y a le cumul emploi-retraite avec la possibilité que cela soit contributif, comme l’avaient proposé Didier Martin et Stéphane Viry. Il y a la prévention, la dernière loi relative à la santé au travail instaurant dans ce but une visite médicale à mi-carrière, autour de 45 ans. Et il y a la mobilisation des entreprises sans lesquelles nous ne pourrons pas réussir le pari du maintien dans l’emploi des seniors.

La valorisation des métiers est un chantier important. Les collégiens et lycéens doivent découvrir différentes entreprises et métiers pendant leur parcours afin de choisir en connaissance de cause. Cela passe par la modernisation de la voie professionnelle, qui vous sera présentée lorsque les concertations auront suffisamment avancé.

La réflexion sur les CDD, les CDI et les abandons de poste doit être menée, même si elle soulève des questions de méthode. Cela renvoie aux assises du travail évoquées un peu plus tôt.

S’agissant des transports, nous avons réuni la filière, il y a quelques semaines, avec Pap Ndiaye et Clément Beaune. Les responsables des unions de transporteurs et des fédérations travaillent en interne à des revalorisations salariales. De notre côté nous cherchons à faciliter l’obtention des documents nécessaires à l’exercice de la profession – permis de conduire spécifique, tachygraphe et carte professionnelle – car les délais peuvent être longs et préjudiciables aux entreprises qui recrutent. Nous constituons aussi des viviers pour repérer, parmi les demandeurs d’emploi inscrits, ceux qui ont des compétences proches du secteur et qui, grâce à une formation et s’ils sont intéressés, pourraient choisir ces métiers. Nous examinons également la possibilité d’autoriser le cumul d’activités publiques et privées pour les transporteurs scolaires à temps partiel puisque, par définition, les transports scolaires ne fonctionnent que matin et soir. Cela devrait faciliter le recrutement des collectivités territoriales. C’est un chantier d’ampleur et nous avons arrêté un plan comportant une trentaine d’actions, qui fédère les différents acteurs.

Madame Thevenot, la question des inégalités salariales et de retraite entre femmes et hommes est une priorité absolue. Il faut la prendre du côté des freins périphériques et du côté des inégalités salariales. La mise en œuvre de l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que de l’ensemble des dispositifs de lutte contre les inégalités me tient particulièrement à cœur.

Mme Berete a évoqué la question d’une formation spécifique des demandeurs d’emploi en fonction de leur niveau de qualification. Le taux de chômage recouvre en effet des réalités différentes : il est de 5,3 % pour les bac+2, de 8,5 % pour les bacheliers ou les diplômés de l’enseignement secondaire et de 14 % pour les non diplômés. Cela démontre l’importance de la formation tout au long de la vie. Depuis octobre 2021, nous y avons consacré 1,4 milliard d’euros, permettant d’accompagner vers l’emploi 250 000 chômeurs de longue durée tout en apportant des solutions à des secteurs en tension.

Concernant l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée, même si nous ne disposons pas encore d’une évaluation complète, le dispositif fonctionne bien et il continue de se développer, une dizaine de nouveaux territoires l’ayant adopté depuis la fin mai. Nous veillons à ce que les moyens budgétaires alloués progressent en conséquence.

Mme Parmentier-Lecocq a évoqué l’attractivité de la reprise d’activité. Le service public de l’emploi a élaboré Estime, un simulateur qui permet de savoir le montant des aides qu’on percevra en cas de reprise d’activité. Aujourd’hui, toute reprise d’emploi permet de gagner plus que lorsque l’on est bénéficiaire de minima sociaux ou d’allocations. Il y a toutefois une difficulté : il arrive qu’il y ait une perte dans les deux ou trois premiers mois d’activité, avant que les gains ne deviennent significatifs. Nous devons y travailler.

Les questions de santé mentale, évoquées par M. Bentz, sont une priorité. Longtemps elles n’ont pas été traitées, parce qu’invisibles. Mais le recours au télétravail, massif pendant le confinement et qui reste à un niveau élevé, oblige à en tenir compte.

L’attractivité des postes de médecin du travail est un sujet sur lequel je ne vois pas de réponse à court terme. C’est un enjeu pour nous. La question renvoie à l’organisation des systèmes de santé au travail et à des mutualisations. La loi « santé au travail », toute récente puisque promulguée en 2021, traite le sujet. Je veille de manière rigoureuse à ce que les décrets d’application soient publiés en temps et en heure. Par ailleurs, de leur propre initiative, les partenaires sociaux travaillent à l’évolution de la filière accidents du travail et maladies professionnelles en prenant en considération la question de la santé mentale, ce qui n’était pas forcément une évidence il y a quelques années.

La revalorisation des retraites, évoquée par Mme Vidal, est intervenue le 9 septembre pour les pensions de retraite de base du régime général à hauteur de 4 %, avec effet rétroactif au 1er juillet. Elle s’appliquera également aux retraites des autres régimes. La revalorisation concerne les retraites liquidées comme celles à venir : les futurs retraités qui n’ont pas encore liquidé leur pension en bénéficieront de facto. Quant aux retraites complémentaires, la revalorisation de la principale d’entre elles, AGIRC-ARRCO, devrait intervenir au mois de novembre ; son taux est à la main des partenaires sociaux.

Pour répondre à M. Le Gac sur les migrants, le programme AGIR vise à les accompagner vers l’emploi et l’autonomie dès lors qu’ils ont le statut de réfugié politique. Nous avons augmenté les crédits de ce programme pour faire face aux besoins des ressortissants ukrainiens, qui n’ont pas le statut de réfugié mais celui de protégé temporaire. Il permet de favoriser l’insertion professionnelle tout en répondant aux besoins de secteurs en tension. De plus, l’Office français de l’immigration et de l’intégration et Pôle emploi travaillent à la conception d’une application numérique destinée aux primo-arrivants qui, une fois leur titre de séjour obtenu, pourront suivre des formations en adéquation avec leurs compétences et les besoins recensés. Concernant l’immigration économique, la conclusion d’un contrat de travail avec un ressortissant étranger non communautaire n’est pas soumise à un accord préalable de la direction régionale et interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités pour les métiers figurant sur la liste des métiers en tension. Cette liste nécessite une révision, à laquelle nous allons nous atteler avec le ministre de l’intérieur.

S’agissant des proches aidants, ils constituent une cible potentielle de 8 millions de personnes qui pourraient être concernées par un parcours de VAE. Cela ne signifie évidemment pas que toutes ces personnes vont s’inscrire dans cette logique. Mais c’est dire l’importance des réponses que nous pouvons apporter.

Monsieur Bazin, concernant les allocations familiales, plutôt que de revenir sur les modulations en fonction du revenu adoptées il y a quelques années, il me semble plus judicieux de consacrer des moyens au développement de la garde d’enfant afin de lever les freins périphériques à l’emploi.

Pour conclure, je rappelle que nous sommes, sur tous ces sujets, à l’écoute de vos propositions d’amélioration.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour la qualité de vos réponses.

*

La réunion s’achève à seize heures vingt.

 

 


Informations relatives à la commission

1. La commission a désigné M. Marc Ferracci rapporteur sur le projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi (n° 219).

2. La commission a désigné Mme Maud Petit rapporteure sur la proposition de loi visant à permettre le transfert de trimestres de retraite au sein du couple (n° 210).

3. La commission a désigné M. Bruno Fuchs rapporteur sur la proposition de loi visant à lutter contre les abus et les fraudes au compte personnel de formation (n° 212).

 


Présences en réunion

Présents.  M. Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, Mme Bénédicte Auzanot, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Fanta Berete, M. Elie Califer, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Sébastien Delogu, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Marc Ferracci, M. Bruno Fuchs, M. François Gernigon, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, Mme Claire Guichard, Mme Servane Hugues, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Laure Lavalette, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Katiana Levavasseur, M. Matthieu Marchio, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Maud Petit, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, M. François Ruffin, M. Freddy Sertin, M. Olivier Serva, Mme Prisca Thevenot, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry

 

Excusés. – Mme Caroline Fiat, Mme Marie-Charlotte Garin, M. Jean-Philippe Nilor, M. Sébastien Peytavie, Mme Sandrine Rousseau, M. Alexandre Vincendet

 

Assistaient également à la réunion.  M. David Taupiac, M. Jean-Luc Warsmann