Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

— Audition, ouverte à la presse, de Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des Armées et du ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du Service national universel.

 

 

 


Mardi
27 septembre 2022

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 13

session extraordinaire de 2021-2022

Présidence
de M. Jean-Pierre CUBERTAFON,
Vice-président

 


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La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

 

M. Jean-Pierre Cubertafon, président. Madame la secrétaire d’État, c’est pour moi un honneur et un bonheur que de présider cette commission à l’occasion de votre première audition devant nous. Je vous prie de bien vouloir excuser le président Thomas Gassilloud qui accompagne la présidente de l’Assemblée nationale, Mme Yaël Braun-Pivet, en Ukraine.

Vous êtes, depuis juillet 2022, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel (SNU). Particularité importante et originale voulue par le Président de la République, vous relevez désormais conjointement de deux ministres, celui des armées et celui de l'éducation nationale et de la jeunesse. Est-il aisé de vivre ce double rattachement ? Que traduit-il de nouveau et quelle signification faut-il lui donner ?

Ce double rattachement rappelle au demeurant votre double engagement politique et personnel. Car j’aurais pu également vous appeler colonel, puisque vous occupez ce rang depuis 2019 dans la réserve citoyenne de la gendarmerie nationale.

En septembre dernier, lors de la clôture de l’assemblée générale du Souvenir français, à Avignon, vous avez signé entre l’État et le Souvenir français une convention sur le service national universel, et avez adressé un message fort aux congressistes en insistant sur le « besoin de la mobilisation de toutes les forces vives de la nation pour notre jeunesse ». Vous avez également souligné le besoin pour notre société « d’augmenter la force morale de notre pays ». C’est donc sous cette double exigence de cohésion nationale et de résilience, dans la lignée du discours du Président de la République du 13 juillet dernier, que vous situez la montée en puissance du service national universel. Comment le ferez-vous, au moment où il convient de réfléchir aux suites à donner aux expérimentations ?

Dans son discours de rentrée à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) le 14 septembre dernier, la Première ministre, Mme Élisabeth Borne, a tenu à rappeler elle aussi sa philosophie. « Le SNU, c’est répondre à la soif d’engagement de notre jeunesse. C’est expliquer nos valeurs et leur donner corps. C’est donner de son temps pour les autres et face aux défis qui nous attendent pour notre défense, notre sécurité ou notre planète. C’est aussi, à sa mesure, une pierre à l’édifice de mon ambition pour une plus grande égalité des chances. » Elle en a précisé les contours futurs en rappelant que « le SNU n’est pas un service militaire de nouvelle génération », bien que, « dans ce cadre, les armées ont tout leur rôle à jouer ».

Cette belle ambition étant rappelée, il nous reste à connaître les perspectives que vous tracez pour le service national universel et sur le rôle que les armées seront appelées à jouer, parmi d’autres, dans la montée en puissance du dispositif. Vous pourrez également dresser un premier bilan de la généralisation territoriale du dispositif. Si le niveau de satisfaction des volontaires semble très élevé, le rapport bilan de 2021 soulignait deux principaux axes d’amélioration pour 2022, concernant le recrutement des volontaires et la rémunération des encadrants. Quelles sont vos intentions en ce domaine ?

Quelles sont la place du SNU et ses modalités d’articulation avec les autres dispositifs en faveur de la jeunesse soutenus par le ministère des armées, notamment dans son plan « Ambition armées-jeunesse » ?

Cette audition pourrait être l’occasion de nous faire part de la manière dont vous prévoyez d’associer le Parlement à la montée en puissance du SNU, notamment dans la perspective d’un futur texte législatif.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Je suis heureuse de présenter à votre commission le bilan du service national universel. Je le ferai en totale transparence, en mentionnant ses forces, ses faiblesses, ses points d’amélioration. Ce projet a beaucoup évolué et il mérite la mobilisation de tous. Je ne le ferai pas sans une certaine émotion, car j’étais membre de votre commission avant de rejoindre de nouveau le Gouvernement.

L’intitulé même de mon secrétariat d’État, qui comporte le service national universel dans son titre, montre l’importance de ce projet de société. Il est au cœur des priorités de notre nation, au moment où les risques internes et externes se multiplient. Je pense à la guerre en Ukraine ainsi qu’à la fragmentation et la situation de notre jeunesse.

Avant de détailler les objectifs, le déroulement des séjours de cohésion, le déploiement des missions d’intérêt général, les réussites et les possibilités d’amélioration, je rappellerai que, plus qu’une politique publique ou un dispositif parmi d’autres, le SNU est un projet de société à mettre en perspective avec les crises environnementales et sociétales. Nous avons besoin de cohésion, de renouer avec notre histoire, d’une République forte et unie. Plus que jamais nous avons besoin d’outils pour notre jeunesse. Face aux grands défis de notre temps, tels que les fake news, nos jeunes ne sont pas suffisamment armés.

Pour rendre la jeunesse plus résiliente et plus forte, il convenait de créer un temps nouveau. D’aucuns disent que c’est le rôle de l’école. Oui mais pas seulement, parce que l’enseignement de la République ne se limite pas à une salle de classe et va bien au-delà du temps scolaire. On l’apprend en participant à un conseil municipal des jeunes, en accompagnant ses parents dans un bureau de vote, en faisant partie d’une association sportive ou en devenant jeune sapeur-pompier. De tels engagements permettent de s’inscrire dans un parcours de citoyenneté. Ces rencontres peuvent transformer des vies ou des projets de vie. Nous avons pensé le service national universel comme un temps d’entrée de manière active dans la citoyenneté. C’est pourquoi son ambition première est le développement de la force morale de chacun en déployant la culture de l’engagement, le renforcement de la cohésion nationale autour des grands enjeux contemporains, en particulier l’esprit de défense, la résilience, la transition environnementale, la solidarité et l’égalité des chances.

Le SNU est un temps de la République en acte. Notre ambition est de voir naître de nouvelles envies de s’engager, un goût du commun dans une société où nous avons plus que jamais besoin de jeunesses qui se parlent, se respectent, se comprennent et ont le goût du collectif.

Nous devons faire face à des menaces nouvelles. La menace terroriste persistante, le retour de la guerre en Europe, les incendies et les conséquences dramatiques du changement climatique obligent notre jeunesse à disposer de nouveaux outils. Cela va des premiers gestes qui sauvent aux premiers réflexes à avoir en cas d’incendie dans sa ville ou son village.

Des voisins européens se demandent aussi comment construire la résilience, l’unité et un goût du commun ou du patriotisme. Certains ont fait d’autres choix. La Lettonie réinstaure la conscription à partir de 2023. L’Allemagne consent un effort budgétaire conséquent en faveur de ses armées.

Dans notre pays, il s’agit de développer la force morale. Comme l’a dit le Président de la République à l’hôtel de Brienne, le 13 juillet dernier, la force morale, « c’est la capacité individuelle et collective à prendre l’ascendant sur les événements ».

Fort des défis que doit relever notre pays, le service national universel a vocation à incarner une version civile – j’y insiste – d’une jeunesse mobilisée, patriote, engagée, prenant pleinement sa place dans notre société ; à incarner l’excellence de l’école, de nos armées et de l’engagement associatif, dans une conjugaison des trois. Nous pouvons apporter cette excellence à notre jeunesse, je le constate depuis trois ans.

Face à la tentation du repli sur soi, il s’agit d’offrir à nos jeunes un parcours d’engagement dans lequel le courage l’emporte sur la peur : le courage de découvrir d’autres jeunes, le courage de s’engager, le courage de découvrir des milieux inconnus, la volonté doivent l’emporter sur l’immobilisme. Autrement dit, l’esprit collectif doit l’emporter sur l’égoïsme singulier.

Il y a une désaffection réelle de notre jeunesse pour la vie politique, expression d’une radicalité de choix et d’action. Le SNU est un temps un rassemblement, de mixité autour des valeurs essentielles de la République. Il a vocation à être un rituel républicain qui comptera dans la vie d’un jeune citoyen. C’est ainsi que nous souhaitons le construire.

Les jeunes inscrits cette année ont eu des parcours très divers, conformément à la vocation du SNU à être encore plus inclusif. La grande majorité vient des filières générales, d’autres viennent des filières technologiques professionnelles, agricoles ou de l’apprentissage. On trouve aussi des décrocheurs inscrits dans des missions locales, des jeunes en situation de handicap. Ils ont grandi dans des territoires urbains, périurbains, ruraux. Différents dans leur vie quotidienne, ils ont en commun la France. À quel moment peuvent-ils rencontrer ? À quel moment un jeune nantais peut-il rencontrer un jeune de Trappes, de Paris ou d’Aurillac ? À quel moment ces jeunes voient-ils que leur commun est plus fort que leur différence ? Le SNU permet des rencontres entre histoires et parcours différents, le contact avec des intervenants très engagés au sens de l’intérêt général. Que l’on soit enseignant, animateur de colonie de vacances, animateur de l’éducation populaire, réserviste, que l’on ait servi en uniforme, que l’on soit pompier, bien qu’ayant suivi des parcours différents, on est engagé. Des encadrants, dont la moyenne d’âge est peu éloignée de la leur, pétris du sens de l’intérêt général, leur ouvrent le champ des possibles.

Les jeunes profitent du séjour de cohésion, articulé autour de sept thématiques. Il est bien de faire du sport de manière soutenue, de le faire ensemble et de découvrir d’autres disciplines sportives. Il y a un module « citoyenneté et institutions nationales et européennes », un module « culture et patrimoine », pour prendre le temps de découvrir la beauté de notre patrimoine historique ou naturel. Découvrir l’engagement, parler du service civique, du corps européen de solidarité, du Souvenir français, des associations mémorielles, sont autant de choses que les parents ne permettent pas de découvrir, de même que la défense, la sécurité et la résilience nationale, la connaissance des services publics, l’accès au droit, l’autonomie – sujet essentiel pour notre jeunesse –, le développement durable et la transition environnementale.

Ces rencontres renforcent la compréhension mutuelle et favorisent les engagements par le passage de la découverte à l’acte et en créant de nouveaux liens. Elles encouragent la cohésion autour des symboles républicains, plus que jamais essentiels, sensibilisent aux enjeux de défense, à la transition environnementale, à l’accès au droit, à la citoyenneté, au moyen de temps de démocratie interne ou d’activités sportives. Elles fournissent l’occasion de temps collectif, où les jeunes sont fiers d’avoir levé un drapeau, d’avoir chanté la Marseillaise ou d’avoir fait une course d’orientation. Ils comprennent qu’en s’appuyant les uns sur les autres, il est possible de partager des compétences. Ces moments sont des accélérateurs de confiance qu’on ne trouve pas ailleurs. D’où la conviction qui est la nôtre qu’il est nécessaire de soutenir ce projet, de l’améliorer dans sa phase d’expérimentation, avant de passer aux étapes suivantes.

Le SNU permet aussi à des jeunes de quitter leur département. Un jeune sur deux n’avait jamais pris le train. Comment accompagner cette mobilité sans dispositifs qui attisent la curiosité et la volonté nationale de participer à ces mouvements ?

Le SNU, étape clé de l’entrée dans la citoyenneté, comporte trois phases : un séjour de cohésion de quinze jours, une mission d’intérêt général de quatre-vingt-quatre heures – la République donne ce qu’elle a de beau en termes d’encadrement et de découverte, mais un jeune peut lui apporter aussi – et une incitation forte à prendre un engagement long. D’une durée minimum de trois mois, il peut prendre la forme d’un service civique, d’un camp européen de solidarité pour ceux qui se destinent aux carrières européennes, mais aussi d’une participation aux réserves, dans quelque corps que ce soit : gendarmerie, au plus proche, armées ou sapeurs-pompiers.

Au tout début, en juin 2019, 2 000 jeunes de treize départements y ont participé. En 2020, à cause de la crise du covid, il n’y a pas eu de séjour de cohésion, excepté pour la Nouvelle-Calédonie qui était indemne. Afin de ne pas freiner le goût de l’engagement, on s’est limité à l’organisation de missions d’intérêt général. En 2021, plus de 14 500 jeunes ont vécu cette expérience. En 2022, pour la première fois, nous avons organisé un séjour en février. Afin de permettre à des jeunes en lycée professionnel dont les périodes de séjour de cohésion coïncidaient avec celles de leurs stages de participer, nous avons ouvert des séjours à d’autres moments de l’année. En tout, plus de 40 000 jeunes se sont inscrits aux trois sessions tenues en février, juin et juillet 2022

Durant les séjours de cohésion de février, 3 200 jeunes, tous volontaires, ont été accueillis sur trente et un sites, dont 51 % de jeunes filles, contre 56 % entre 2019 et 2021. Il y avait toujours plus de filles que de garçons mais on assiste à un équilibrage. La mixité n’est pas naturelle.

La part des jeunes issus des quartiers prioritaires de la ville (QPV) est passée de 4 % en 2021 à 7,4 % en 2022, alors qu’en moyenne nationale, 9 % des jeunes gens âgés de 15 à 24 ans y vivent.

Plus de 71 % des jeunes issus des filières générales et technologiques ont validé leur séjour de cohésion. Si 33 % de nos jeunes sont scolarisés dans des lycées professionnels, seuls 24 % font des séjours de cohésion.

La mixité, sociale et territoriale est recherchée. Cette dernière est la plus juste, puisque répartie entre un tiers de jeunes ruraux vivant en zone de revitalisation rurale (ZRR), un tiers d’urbains et un tiers de périurbains.

L’organisation de séjours durant les vacances scolaires n’a pas eu d’effet dissuasif. Les taux de participation dans zones B et C, où étaient proposés des séjours à cheval entre les vacances et les périodes scolaires, étaient identiques. Ils étaient un peu supérieurs en zone A, où les séjours étaient pleinement organisés durant les vacances. L’idée qu’un jeune ne vient pas durant une période de vacances scolaires est fausse. Cela n’a pas d’effet sur la volonté d’engagement.

Un tel projet comporte des pistes d’amélioration. Pour cela, il faut s’appuyer sur des faits. C’est pourquoi nous avons recouru aux évaluations de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep), à celles de mes services, et à des remontées territoriales. Je n’ai rien vu qui ne puisse entraver fatalement l’amélioration et le déploiement de ce projet. Pour cela, il faut les partager avec la représentation nationale.

Les recrutements sur la base du volontariat on atteint un plafond de verre. Les jeunes qui viennent, soit sont accompagnés par leur famille, soit ont une culture associative, soit ont croisé quelqu’un qui les a convaincus de participer à ce beau projet.

La mixité socioprofessionnelle reste trop faible. Nous voyons plus de jeunes dont les parents sont de catégorie CSP + que de jeunes dont les parents sont ouvriers ou employés. Cela peut s’expliquer par un déficit de notoriété. Vous êtes des parlementaires aguerris aux sujets de résilience, de défense et de politique de la jeunesse mais la plupart des gens interrogés dans la rue confondent service national universel et service civique. Quand on est moins informé des politiques de jeunesse, le sujet n’entre pas dans le débat familial.

Plus préoccupant, nombre de préjugés et de stéréotypes subsistent. Beaucoup critiquent le SNU sans connaître ses évolutions où en sont restés à ses préfigurations de 2019, alors qu’il a beaucoup évolué. Il est caricaturé. J’entends parfois dire que c’est une colonie de vacances ou un service militaire, ce qui n’est évidemment pas le cas.

Nous faisons face à la poursuite insuffisante du volontariat pour les missions d’intérêt général par des jeunes qui, après le séjour de cohésion, ne trouvent pas celle qui leur conviendrait, ne serait-ce que pour une raison de proximité. Un jeune mineur de Châtellerault dont la mission d’intérêt général aurait lieu à Poitiers, n’a pas toujours la chance d’avoir un parent pour l’accompagner.

D’autres critiques portent sur des difficultés organisationnelles qui sont loin d’être fatales. En raison de la crise sanitaire, des parents hésitaient à inscrire leurs enfants pour un séjour en collectivité. Je l’ai entendu. Nous avons avancé. Des territoires nous est remontée la question de la disponibilité des infrastructures pendant les vacances scolaires. Retenir un centre de séjour de vacances quand c’est le temps fort d’une colonie de vacances n’est pas sans difficulté.

Une autre difficulté a trait à la gestion des transports. Le SNU se doit d’être le plus inclusif possible. Tous les jeunes n’ont pas un arrêt de TGV dans leur ville, mais il n’y a pas de raison que les jeunes de Pau, d’Aurillac et de Guéret n’aient pas la même facilité d’accès. Nous avions donc décidé d’utiliser des cars, mais le métier de transporteur étant en tension, nous rencontrons les mêmes difficultés que pour les cars scolaires, les organisations de colonies ou d’éducation populaire. Il faut déléguer la gestion des transports au plus proche des territoires et non la gérer à Paris.

Enfin, le paiement des encadrants est le plus grand point de rupture de la promesse. L’année dernière, en particulier, il a subi un important retard qui, pour moi, n’a pas d’explication rationnelle. Les services de l’agence de services et de paiement de l’État (ASP) et les rectorats ont rencontré des difficultés techniques de gestion de fichiers. Nous n’avons pas été à la hauteur des paiements et de l’engagement pris, ce qui a laissé des cicatrices dans la confiance des encadrants dans le process que nous mettons en place, et ceux que nous mettrons en place devront être exemplaires. Pour cela, il faut reconnaître les erreurs. Nous avons des pistes. Plutôt que nous appuyer sur l’agence de services et de paiement de l’État, il conviendrait de déléguer cette tâche aux rectorats, d’agir plus près des territoires et de ne plus créer d’entonnoir provoquant des retards difficiles à expliquer. Quand celui qui a fait sa mission n’est toujours pas payé, il ne suffit pas de lui répondre qu’il manque une photocopie de sa carte d’identité ou de sa carte vitale.

Au-delà du déploiement, un renforcement des moyens humains était nécessaire pour répondre aux besoins d’encadrement de nos services territoriaux, les directions départementales de la jeunesse et des sports (Drajes) et les directions départementales à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (SDJES). Cette mission, c’est d’abord de l’encadrement, de l’accompagnement des élus locaux et des associations territoriales. C’est pourquoi nous avons procédé à plus de quatre-vingts recrutements supplémentaires incluant des compétences nouvelles et réalisé des partenariats féconds entre secteurs associatifs, écoles, culture des réserves, civiles ou militaires.

Le respect des guides, des contenus et des cahiers des charges pédagogiques a attesté d’une bonne gestion. Cette année, les enjeux logistiques ont été mieux anticipés, grâce à une planification permettant aux jeunes de projeter leur semaine, voire leurs deux semaines, afin de s’en approprier les temps forts, de partager des moments d’apprentissage et des moments de loisirs, car il y a des temps libres, pendant le SNU. Cette organisation matérielle renouvelée améliore les conditions des jeunes et des encadrants, puisque nous avons identifié les éléments bloquants.

Nous voulons davantage de partenariats associatifs. Nous nous sommes appuyés sur des associations pour réaliser des modules « écologie » ou « culture », car il faut aller chercher celui qui fait le mieux. Pour cela, il faut donner de la visibilité aux associations.

À l’instar de ces points d’amélioration, le retour d’expérience des volontaires en 2021 et 2022 enregistre des progrès notables. Carburant renouvelable de la volonté constante d’amélioration. neuf jeunes sur dix ont trouvé leur aventure satisfaisante ou très satisfaisante. Après avoir vécu le SNU, ils sont prêts à en témoigner, ce qui a été objectivé par l’Injep. 83 % des jeunes volontaires disent avoir vécu une expérience de mixité. Ils ont rencontré quelqu’un d’un milieu social différent, ont parfois découvert des valeurs différentes, des jeunes venant de territoires différents et aux centres d’intérêt différents. Quand un jeune Français qui vit à l’étranger découvre la vie d’un jeune de Guéret, de Nantes ou de Trappes avec lequel il n’aurait jamais partagé ce temps, c’est une chance pour notre pays, puisque ces jeunes voient ce qu’ils ont en commun. Pour 78 % d’entre eux, la généralisation du dispositif serait utile ou très utile pour la société.

Le SNU fournit l’occasion de belles histoires. Je parlais des jeunes qui ont pris le train pour la première fois. En matière de résilience et de force morale, à Nort-sur-Erdre, dans ma circonscription, deux jeunes ont réagi de la meilleure manière au malaise cardiaque d’une jeune fille dans un lycée. Formés aux gestes qui sauvent au cours de leur séjour de cohésion, ils sont intervenus en quelques minutes. Les pompiers ont salué leur quasi-professionnalisme. Sans cette sensibilisation, cette jeune fille n’aurait peut-être pas eu le même destin. C’est l’utilité du module « conduite à tenir en cas d’urgence vitale ».

Je vous invite à discuter avec les maires qui ont vu la participation aux cérémonies de jeunes en uniforme fiers de lever un drapeau, de chanter une Marseillaise ou de participer à des actions avec les anciens combattants ou les associations mémorielles. C’est aussi cela, le lien armées-nation, le lien avec notre histoire et les temps partagés. Ils ont redécouvert ces cérémonies républicaines et ils ont envie de les revivre sur leurs propres territoires, et c’est une chance.

Permettre aux armées de s’investir plus au sein du service national universel est une priorité. Ce sera la contribution des prochains mois et des prochaines années. Nous avons la preuve que cette expérimentation fonctionne et qu’elle peut s’améliorer. C’est pourquoi nous avons avancé afin, selon les mots du Président de la République, d’aller vers un plein déploiement et au bout de notre démarche.

Le service civique, la partie civile de la deuxième étape d’engagement, a vocation à être renforcée budgétairement et dans son déploiement. Il nourrit la phase d’engagement long, la troisième phase qui donne pleinement la chance à des jeunes de vivre un temps de six à huit mois.

Mais le SNU c’est aussi un temps pour amorcer, universaliser d’autres logiques d’engagement. Il fait découvrir à nos jeunes les bienfaits d’une réserve, de l’engagement au sein du corps des sapeurs-pompiers ou de voies qu’ils s’interdiraient d’emprunter. Pour mobiliser notre société, créer cette cohésion nationale, augmenter la résilience et la force morale, il faut le consolider. Nous souhaitons nous appuyer sur les armées qui cultivent au plus haut l’esprit d’équipe, la solidarité et la transmission. Si leurs modes d’organisation sont différentes, nos objectifs sont rigoureusement les mêmes. Il s’agit de renforcer le sentiment d’appartenance à la République et à la France, la résilience de notre nation, la culture de l’engagement, d’offrir de la mixité sociale et territoriale à l’ensemble d’une classe d’âge, d’aider à l’orientation des jeunes par la construction d’un parcours professionnel et la découverte d’autres métiers. Des jeunes d’Ile-de-France qui n’auraient jamais mis les pieds dans la Creuse, ont découvert des lycées agricoles. Quelle fierté que certains aient eu le bonheur de faire cette découverte !

Veillons à ce que ce projet garde son essence sans jamais préempter les moyens budgétaires que nous devons à nos forces armées et à l’éducation nationale. Le budget de nos armées est en augmentation et celui du SNU aussi ; le budget de l’éducation nationale est en augmentation, celui du service civique aussi.

Certains estiment ce dispositif bien trop coûteux et qu’on pourrait investir des moyens plus pertinents en faveur de notre jeunesse. Le combat pour l’unité du pays n’a pas de prix. Notre responsabilité politique est d’aider chaque jeune à faire le meilleur usage des deniers publics. Quand on renforce le sentiment d’appartenance, quand on ouvre le champ des possibles, donc le sentiment de vivre dans une nation qui donne et investit au maximum pour ses jeunes, ce n’est pas de l’argent mal investi.

Nous vivons un moment charnière. Après une expérimentation dans treize départements, nous avons étendu le SNU à la France entière, en métropole et en outre-mer. Face aux défis que représentent une guerre sur notre continent, l’aggravation des conséquences du changement climatique, un risque de fracture profonde entre des jeunesses qui ne se parlent plus et l’accélération des conséquences des réseaux sociaux sur l’accès à l’information, le SNU peut développer l’esprit de résilience et de cohésion nationale propre à surmonter ces difficultés.

Certains se demandent si le service national universel ne doit pas devenir obligatoire et, si oui, quand cette obligation pourrait entrer en vigueur ? Pourquoi mon secrétariat d’État est-il rattaché à l’éducation nationale et aux armées ? Cela signifie-t-il la militarisation du SNU ? La réponse est strictement non, il n’y a aucune militarisation. Je tiens à lever toute ambiguïté. Il est difficile de ne pas rattacher quelque chose de nouveau à quelque chose qu’on connaît, mais c’est aussi une chance. Le monde change. Nos armées ont connu le service militaire. Notre armée professionnelle est confrontée à de nouveaux défis et à de nouveaux enjeux. Notre pays a besoin d’une jeunesse capable de réagir en cas d’urgence, qui connaisse ses capacités d’action, qui soit fière d’elle quand on la comprend. Ses engagements sont multiples et sans aucune hiérarchie entre les causes et entre les dispositifs d’engagement, qu’ils soient civils ou militaires. Sortir de ces ambiguïtés est une autre condition nécessaire pour la réussite de ce projet.

Qui d’autre que les armées et l’école peuvent mieux accompagner des centaines de milliers de jeunes ? L’école accueille douze millions de jeunes. Nos armées ont l’expertise du service militaire adapté (SMA) et du service militaire volontaire (SMV), sans parler des lycées militaires. Elles ont la culture de l’accompagnement des jeunes, parfois de jeunes très en difficulté, comme dans certains territoires ultramarins où les SMA, donnent d’excellents résultats. Appuyons-nous sur toutes ces expertises et ne nous limitons pas à une lecture restrictive.

L’expérience d’accueil dans les établissements pour l’insertion dans l’emploi (Epide) est une chance. Tous ceux qui ont pu découvrir les Epide sur leur territoire voient bien leur capacité de transformation. Je considère ce double rattachement comme une chance pour les jeunes eux-mêmes, puisqu’on va chercher les meilleures expertises, pour les compléter et les additionner.

Tout n’est pas parfait mais tout peut être amélioré. Le service national universel, ce sont aussi des bilans de santé pour des jeunes qui ne voient pas de médecin, chez qui on découvre une myopie ou des pathologies pour lesquelles on donne accès à des réponses. Il offre également possibilité de se préparer à l’examen du permis de conduire, dont le défaut est bloquant dans des territoires isolés. Le permis de conduire est une nécessité pour continuer à se projeter et s’épanouir. Facilitons en l’accès.

En outre, c’est une chance de pouvoir s’appuyer sur des mémoires vivantes qui ont vécu une jeunesse, détiennent une expertise et pourront s’adresser à la diversité de notre jeunesse pour l’aider à trouver le meilleur d’elles-mêmes.

Rien n’est arrêté. Je me tiens à la disposition de la représentation nationale pour présenter les étapes clés, le détail des bilans et répondre à toutes les questions. Je vous invite à venir découvrir les séjours de cohésion dans les territoires, à discuter avec des parents dont les enfants ont fait le SNU, dont certains n’y étaient pas très favorables initialement. Je vous invite à discuter avec des enseignants et des représentants d’associations encadrantes. Certaines qui n’étaient franchement pas favorables à la naissance du projet ont vu des jeunes se transformer ou compris qu’en réunissant l’école, la culture de nos armées, des corps en uniforme et l’éducation populaire, on bénéficiait de l’excellence des trois.

Vous l’aurez compris, le SNU est un pilier de notre projet de société, un projet de confiance, un projet pour nos jeunes. C’est la République en acte, un projet à même de largement dépasser les clivages politiques, pour peu qu’on continue à l’améliorer.

M. Jean-Pierre Cubertafon, président. Vous avez mis en avant les points positifs et les points négatifs, dont le paiement des encadrants. Il était difficile d’expliquer à des gens qui avaient travaillé en début d’année pourquoi ils n’étaient encore payés au mois d’octobre ou novembre. Vous avez aussi évoqué les difficultés de déplacement, d’organisation et le plafond de verre.

Je donne la parole aux orateurs des groupes.

Mme Lysiane Métayer (RE). La mise en place du SNU en 2019 visait à créer au sein de notre jeunesse une culture de l’engagement bâtie autour de la cohésion nationale. En juillet dernier, 20 000 jeunes ont participé au traditionnel séjour de cohésion au cours duquel ils ont été formés aux gestes de premier secours, sensibilisés aux enjeux de défense, de transition écologique ou d’accès au droit. Les connaissances acquises font d’eux de véritables acteurs de leur citoyenneté, capables de développer ces compétences en poursuivant leur engagement dans la réserve nationale. Rassemblant près de 77 000 femmes et hommes au sein des armées, de la gendarmerie nationale et de la police nationale, celle-ci vise trois objectifs : le renforcement de la sécurité des Français, le désir d’engagement de la jeunesse et le développement de l’esprit de résilience et de cohésion nationale. Le 13 juillet dernier, le Président de la République a rappelé sa volonté de développer la réserve opérationnelle en doublant les effectifs de ses recrues. Comment les actions dans le cadre du SNU promeuvent-elles l’engagement dans la réserve nationale auprès de ces potentielles jeunes recrues ? Comment se déroule le recrutement pour les jeunes ayant participé au SNU ?

M. Frédéric Boccaletti (RN). À la lecture du rapport, l’expérimentation du SNU apparaît bancale. La campagne de communication est sous-dotée : 120 000 mails et 3 400 SMS pour toucher plus de deux millions d’individus de la tranche d’âge 15-17 ans, l’intendance ne suit pas, les uniformes manquent, les lave-linge sont trop peu nombreux, les infrastructures sportives absentes de certains sites. Ce service qui se veut universel ne touche que des jeunes du même cadre social de la classe moyenne, en lycée général et technologique, souvent issus de familles dont des membres sont sous l’uniforme. Les deux semaines de séjour de cohésion sont ridiculement courtes pour faire valoir les valeurs républicaines. Certains encadrants rencontrent des difficultés à percevoir leur rémunération ou se plaignent d’une sous-rémunération peu attractive pour les plus compétents. Enfin, la communication insiste sur l’aspect militaire du SNU, au risque de le confondre avec un service militaire, confusion entretenue par le Président de la République dans son discours aux armées, le 13 juillet 2022, dans lequel il demandait aux armées de faire davantage en investissant plus et mieux dans le SNU.

Le coût financier du SNU sera-t-il ponctionné sur le budget de la défense ? Ce point inquiète les militaires dont le budget est sensible depuis février dernier. Envisagez-vous d’ouvrir le SNU aux jeunes n’ayant pas la nationalité française, alors que le but affiché par le Président de la République dans sa stratégie de défense est de renforcer « les forces morales de la nation » ?

M. François Piquemal (LFI-NUPES). Le SNU : qu’est-ce que c’est que ce truc ? Ce projet est devenu aussi flou que la taxation des surprofits par le Gouvernement. On annonçait un grand projet de cohésion sociale mais, selon une étude de l’Injep, les enfants des quartiers prioritaires de la ville, d’ouvriers et d’employés sont sous-représentés, de même que les élèves des filières du lycée professionnel. Des séjours de deux semaines ne peuvent résorber le manque de cohésion sociale. Le SNU est une promesse non tenue dont le coût annuel est estimé entre 2 et 3 milliards d’euros par an. Combien coûtera-t-il une fois rendu obligatoire ? L’unité du pays n’ayant pas de prix pour vous, l’ISF devrait être rétabli sous peu.

« Vingt-cinq jeunes font un malaise en pleine inauguration à Évreux », « Plus de cent adolescents punis en pleine nuit à Strasbourg » : ce sont quelques-unes des unes de journaux qui se sont fait l’écho des couacs du SNU. Qu’est-ce que c’est que ce truc ? Un encadrant rencontré le 14 juillet m’a dit : « On a l’impression de faire du scoutisme pour les nuls ». On ne peut sans doute pas résumer le SNU à ces couacs, mais il révèle un manque de formation, un personnel parfois sous-payé et à qui on ne donne pas les moyens d’être qualifié, dénoncés par de nombreux encadrants. Le métier militaire ne consiste pas à encadrer des jeunes mineurs dans un projet flou. Nos militaires ne sont pas des chefs scouts.

Plutôt que de ponctionner le budget de la défense à l’heure de crises géopolitiques, pourquoi ne pas utiliser l’argent des super profits pour lancer un grand plan de séjours de vacances ou d’insertion pour tous les enfants de notre pays ?

Mme Alexandra Martin (LR). Le service national universel est un projet de société louable. Destiné aux adolescents âgés de 15 à 17 ans, basé sur le volontariat, il vise à répondre au besoin de recréer le lien entre les jeunes citoyens et la nation, au moment où nous vivons une grave crise démocratique dont l’abstention est le symptôme le plus flagrant, et une crise de l’engagement, en particulier chez les jeunes qui ne trouvent plus de sens à la citoyenneté. Chez eux, la conscience politique a fait place à une forme d’individualisme.

Placé sous la double tutelle de l’éducation nationale et du ministère des armées, le SNU, souvent focalisé sur le séjour de cohésion, pas assez clair dans ses finalités, est donc insuffisamment attractif. Alors que nous notons cette année une progression sensible des inscriptions, le manque de moyens ne permet pas de répondre à toutes ces demandes. Dans les Alpes-Maritimes, les cadets de la gendarmerie ont dû opérer une sélection draconienne des dossiers pour ne retenir que vingt-six volontaires, alors que 116 jeunes s’étaient inscrits.

L’apprentissage de la nation, de la République, le goût de l’engagement ne devraient pas reposer sur le seul volontariat mais être inculqués à tous les jeunes élèves de la sixième à la terminale par un apprentissage global du fonctionnement de la République, du civisme et du fonctionnement de nos armées. Certes, l’école ne peut pas tout, mais elle touche tous les élèves de tous les milieux sociaux et de tous les territoires. L’éducation morale et civique a le mérite d’exister dans le parcours scolaire, mais y a-t-elle la place qu’elle mérite ? Ne faudrait-il pas intégrer les apprentissages prévus dans le SNU au parcours scolaire global, de la sixième à la terminale et les conclure par un diplôme de parcours SNU ? Sans supprimer le stage de cohésion et la mission d’intérêt général, une telle acculturation permettrait de briser le plafond de verre, donnant au SNU sa véritable universalité.

Mme Josy Poueyto (Dem). Le 20 juillet dernier, le major général de l’armée de l’air et de l’espace, Frédéric Parisot, nous disait que si le SNU est un formidable outil de recrutement, il nécessite un renforcement de nos capacités d’accueil et d’encadrement. Nous soutenons les objectifs du SNU que sont le renforcement de la cohésion nationale et l’engagement des jeunes dans un parcours utile pour eux et pour la République, lequel peut contribuer au renforcement du lien nation-armées et participer directement à la construction d’une plus grande résilience dans la nation et au renforcement des forces morales.

Dans son discours aux armées, le 13 juillet dernier, le Président de la République rappelait cette phrase de Thucydide : « La force de la cité ne réside ni dans ses remparts ni dans ses vaisseaux mais dans le caractère de ses citoyens ». Ce caractère permet au peuple ukrainien de se battre contre l’invasion illégale des Russes. Mais ce caractère, cette force morale indispensable pour résister, les avons-nous ? Nous devons cultiver et encourager le lien nation-armées, indispensable pour faire face à une conflictualité grandissante. Nourrissons la force morale qui fait battre le cœur de la France, donnons à nos jeunes la capacité d’avoir cette force morale qui rend plus résistants, plus résilients ! Le SNU est un formidable vecteur pour y parvenir, mais nous devons faire plus et mieux. Comment envisagez-vous de renforcer nos capacités d’accueil et d’encadrement ?

Mme Isabelle Santiago (Soc). En lançant, en 2019, le projet de service national universel le Gouvernement souhaitait promouvoir l’engagement et développer le sentiment d’unité nationale autour de valeurs communes, c’est-à-dire l’esprit de cohésion. Or les publics touchés ne sont pas représentatifs de notre société, ni de la diversité de ses territoires : urbains, périurbains et ruraux. En 2021, on ne comptait que 4,2 % de jeunes volontaires issus des QPV, alors que plus du double des Français en proviennent. Plus profondément, le SNU ne touche pas la population des jeunes âgés de plus de 18 ans sortis du système scolaire, que quittent chaque année 15 000 à 20 000 jeunes avant l’âge de 16 ans. Pour avoir été vice-présidente de la protection de l’enfance et de la jeunesse durant dix ans dans un territoire, membre de l’association des départements de France, membre du conseil national de la protection de l’enfance et pour être, depuis vingt ans, une élue engagée dans les territoires, j’ai suffisamment d’expérience des inégalités dans nos territoires pour appeler à récupérer ces jeunes. Toutes les académies doivent travailler avec les départements, chefs de file de la protection de l’enfance.

M. Yannick Favennec-Bécot (Hor). Dans son rapport sur l’évaluation du déploiement du SNU en 2021, l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire indiquait qu’en 2021, la part de participants issus de lycées professionnels n’était que de 11 %, contre 78 % issus de lycées généraux et technologiques, alors que lycéens empruntant la voie professionnelle représentent 33 % des jeunes scolarisés. Force est de constater que la filière est sous-représentée dans le développement du SNU. Pourtant, lors de sa campagne électorale, le Président de la République avait affirmé son ambition de réformer et promouvoir le lycée professionnel, afin d’en faire « une voie d’excellence ». Quelles mesures comptez-vous prendre pour remédier à cette sous-représentation ? Puisque, selon votre rapport, le lycée est le premier relais d’information de l’existence du SNU pour deux jeunes sur trois, envisagez-vous une promotion plus adaptée dans les lycées professionnels pour leur donner envie de participer, eux aussi, à ce beau projet ?

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Le service national universel, cet outil d’endoctrinement de notre jeunesse, est si critiqué que même l’armée ne veut plus en entendre parler. Ce retour déguisé du service militaire, aboli en 1996 sous les applaudissements du peuple français, est une erreur fondamentale qui montre bien la manière dont Emmanuel Macron et son Gouvernement considèrent la jeunesse : une masse dont il est incapable de comprendre la diversité, dont il ne faudrait surtout pas qu’elle se politise et qu’il faudrait dresser – en témoigne sa réaction auprès d’un jeune homme qui l’interpellait en janvier, en marge d’un déplacement sur les fermetures de lits dans les hôpitaux.

Le SNU a pourtant montré ses limites lors de deux périodes d’expérimentation. Il ne permet ni de créer des mixités ni de construire des moments d’apprentissage. Il impose, ordonne, range et ne s’adresse qu’à une partie minoritaire des jeunes, ceux intéressés par l’uniforme ou désireux de cadres stricts. Or les Epid sont déjà de bons dispositifs pour cela.

En ce sens, le SNU n'a rien d’universel mais tient beaucoup du service, lequel tourne parfois au supplice. Le mardi 5 juillet, à Strasbourg, lors d’une session du service national universel, une centaine d’adolescents se sont vus infliger une punition collective humiliante : séances de pompes et gainage en pleine nuit.

Votre objectif n’est pas d’éveiller l’esprit des jeunes, vous qui trouvez Éric Zemmour moins dangereux que le wokisme, qui veut pourtant dire « éveil ». Mais, s’il vous plaît, veillez au moins sur leur intégrité physique et sur leur santé. À la suite des exercices qui leur ont été demandés en pleine canicule, trente et un participants au SNU se sont retrouvés aux urgences. Je ne suis pas antimilitariste et je reconnais le sens du devoir profond qui anime nos troupes.

En plus d’une aberration, le SNU est un dispositif très coûteux : 1,5 milliard d’euros s’il est généralisé, dont une large partie pourrait être ponctionnée sur le budget de l’éducation nationale. Considérer que couper le budget de l’école pour l’armée serait le mieux pour nos jeunes est une conception particulière. Dans le Val-d’Oise, les parents attendent plutôt que les professeurs, souvent non remplacés pendant des mois, le soient.

Tout cela s’inscrit dans l’idéologie que vous et votre Gouvernement promouvez. Rappelez-vous du déplacement du ministre de l’intérieur à Mayotte, il y a quelques semaines, durant lequel il a proposé la réouverture des lieux de rééducation et de redressement pour les délinquants mineurs gérés par l’armée.

Plutôt que de conclure mon intervention par des questions, je préfère énoncer quelques propositions concrètes des écologistes. Nous demandons que le budget du SNU soit réalloué à des mesures vraiment utiles pour les jeunes, une allocation d’autonomie de 1 063 euros par mois, un ticket-climat donnant accès à tous les transports en commun du territoire, un nouveau parcours en lien avec les structures d’éducation populaire. Ayons pour une fois l’ambition d’offrir un avenir heureux à notre jeunesse au lieu de tout faire pour la museler.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Pour avoir participé, deux années de suite, au séjour de cohésion du SNU dans ma circonscription, je souhaite voir améliorer ses missions et mis l’accent sur l’établissement du lien entre l’armée et la nation. Les jeunes ne sont pas en uniforme et ces courts séjours sont loin d’atteindre l’objectif initial de renforcement de l’intégration républicaine. Si le SNU devait être généralisé, il faudrait aller plus loin.

Quelles seront la place et la trajectoire du SNU dans l’actualisation de la loi de programmation militaire (LPM) ? Pour susciter des vocations, il convient de l’accent sur la professionnalisation et de rappeler les perspectives de carrière dans les armées, la police et la gendarmerie. Il faut revoir les racines du SNU et le rapprocher d’un service militaire et refonder le pacte entre l’armée et la nation mieux que par un engagement bénévole et facultatif.

Mme la secrétaire d’État. Je répondrai, tout d’abord, que j’ai choisi de ne pas donner à mon propos liminaire la forme d’un plaidoyer mais de faire une présentation objective du projet et de ses possibilités d’amélioration.

Comment la volonté de cohésion nationale s’inscrit-elle dans le recours à notre réserve nationale et à nos réserves opérationnelles ? Face aux défis et aux risques qui sont les siens, notre pays a plus que jamais de doubler sa réserve. Dans cette commission, vous y êtes sensibilisés, mais je doute que ce soit le cas de l’ensemble du pays. Pour donner à nos jeunes le goût de l’engagement, il faut leur donner le temps et les moyens de prendre conscience de leur capacité à agir. Combien de jeunes ignorent qu’ils peuvent s’engager dans nos réserves ou ailleurs ? Les échanges avec les réservistes encadrants et lors des forums de présentation sont des temps privilégiés pour présenter des dispositifs tels que le service militaire volontaire, le SMA, les réserves opérationnelles, les réserves citoyennes, les réserves d’active, plus largement l’action des sapeurs-pompiers ou des associations de sécurité civils. C’est la découverte de tout le spectre du port de l’uniforme. Il est possible d’apporter mille et une expertises à ces réserves. La découverte des réserves dans un temps privilégié, augmente la capacité à faire découvrir la beauté et la beauté de ces engagements et de proposer des engagements civils, dans les corps en uniforme ou pas. Il y a des services civiques au sein de nos armées, de nos collectivités et de nos associations. Moyennant une présentation exempte d’idéologie, le jeune est libre de choisir le moyen d’être le plus utile et le plus épanoui, tout en contribuant à l’atteinte de notre objectif d’augmentation de capacité de nos réserves.

Parmi des difficultés rencontrées par le service national universel, vous avez évoqué le manque de communication. Je reconnais que le SNU manque de notoriété. Ce projet n’a jamais fait la une du 20 heures. Il crée du lien armées-nation et d’engagement. Difficile de faire la une sur un projet en cours d’expérimentation et de toucher directement 800 000 jeunes. Ce sont donc les enseignants qui le présentent au sein de leurs établissements. Mais au fil de l’avancement, Les 40 000 jeunes ont déjà fait le SNU sont capables de témoigner, avec leurs convictions et la franchise qui est la leur dans des classes ou dans des associations. Ce sera le cas demain de toutes les réserves qui ont participé à l’encadrement et à la construction du projet et, je l’espère, des parlementaires qui auront vu l’évolution de ce projet pour participer à son amélioration.

Ce dispositif n’est pas bancal mais il est évolutif. Si par bancal, vous entendez mouvant, c’est tout à fait juste. Mais il a vocation à aller chercher quelque chose de très juste. Chaque jeune a pleinement sa place dans notre pays. Par le goût de l’effort et de la découverte, parfois en prenant le risque de découvrir des jeunes très différents de lui. Cet effort peut être accompagné, d’où ce projet.

À aucun moment, le service national universel ne touchera ni au budget de nos armées ni à celui de l’éducation nationale. Dans le projet de loi de finances (PLF), le budget de nos armées est en augmentation et celui de l’éducation nationale l’est de plus de trois milliards d’euros. Le budget du SNU, dont le montant était de 110 millions d’euros, augmentera de plus de 30 millions d’euros. Ce n’est pas de l’argent ponctionné ailleurs, les deux budgets des armées et de l’éducation nationale sont en augmentation. Ni l’un ni l’autre n’a subi la moindre ponction. Pour être tout à fait transparente, j’ajoute que la ligne budgétaire du SNU est clairement identifiée, en sorte qu’on peut la pointer, l’évaluer, suivre son évolution. La ligne du service civique est autonome et voit également son budget augmenter, de 20 millions d’euros.

La question de la présence de jeunes étrangers devra être posée. Nous devrons trancher le point de savoir si la cohésion nationale passe par la présence obligatoire ou volontaire de jeunes étrangers au sein du service national universel. Le sujet sera posé en fonction du débat au sein de la représentation nationale. Un projet aussi essentiel ne doit souffrir d’aucun tabou. Aujourd’hui, il est réservé aux jeunes Français âgés de 15 à 17 ans. Il faudra en débattre.

Il y a eu des incompréhensions sur la question des rémunérations, mais la situation évolue. Les contrats ont vocation à être stabilisés. Des différences existent, selon que vous veniez de l’éducation nationale ou que vous aviez un contrat de droit privé. Il nous revient à nous, employeur, d’être le plus clair et le plus transparent pour créer la confiance.

Plus on avance et plus on a affaire à des centres dotés de bons équipements sportifs.

Nos jeunes n’étant pas tous au même stade d’avancement physique, il faut faire évoluer les uniformes. À 15 ans, on peut mettre du S, du M, du 36, du 38 ou du 42. Des pantalons étaient trop courts, d’autres trop longs. Il aurait été facile de décider de supprimer l’uniforme, mais je le considère comme important, car il facilite l’esprit de cohésion, gomme certaines inégalités et donne un goût d’appartenance. Quand je visite un centre SNU, on me demande souvent si on peut le garder. Bien entendu, il a pour vocation d’être conservé et porté avec fierté à l’occasion des cérémonies. C’est pourquoi il porte les couleurs du drapeau bleu, blanc rouge. Un groupe travaille à son amélioration, en particulier celle du pantalon.

À celui qui a prononcé un plaidoyer contre le service national universel je demanderai s’il a déjà visité des centres et discuté avec des jeunes engagés dans ce projet. Le SNU permet la rencontre de jeunes qui ne se seraient jamais croisés. On ne réduit pas l’ambition de l’école, puisque les budgets augmentent.

Pourquoi, dites-vous, ne pas investir le budget du SNU dans des séjours de vacances ? Quelque 40 millions d’euros sont consacrés aux Vacances apprenantes, en particulier aux Colos apprenantes, soit plus que l’augmentation du budget du SNU cette année. Un million de jeunes sont partis. Opposer des dispositifs serait dommageable pour la jeunesse elle-même. Avec les Vacances apprenantes, nous avons la chance de pouvoir de promouvoir un projet de vacances pour tous, de continuer à soutenir l’accompagnement des colonies de vacances en ayant les moyens de le faire et de participer à un projet de cohésion. Loin de se percuter, ces dispositifs se complètent. Le séjour du service national universel est un autre projet. Il ne s’agit pas de les mettre en concurrence mais de les conjuguer. Un jeune qui quitte pour la première fois son département pour un séjour de cohésion aura plus de chance d’acquérir l’élan de la mobilité pour suivre une formation dans le département voisin. Il aura vécu la chance de la mobilité.

Pas un seul militaire d’active n’est encadrant. Les corps en uniforme qui encadrent les jeunes du service national universel ne sont pas des militaires d’active, mais des réservistes sous contrat civil, des anciens ayant porté l’uniforme. Ce sont des civils ayant la culture militaire mais ce ne sont pas des actifs.

Certes, tout n’est pas parfait, mais l’amélioration passe par la montée en puissance du service national universel et la capacité à fidéliser les encadrants. D’où ma priorité d’accompagner les emplois, les contrats, la bonne lecture des rémunérations, donc l’acculturation et la fidélisation des encadrants. L’année dernière, nous avons recruté et formé plus de 3 900 encadrants. Plus ils reviennent et plus ils sont aguerris. Il nous revient de créer l’attractivité des parcours.

Quand 116 jeunes désireux de s’engager au sein des cadets de la gendarmerie ne le peuvent pas pour des motifs financiers, on ne peut se contenter de ne rien faire. Avant son changement de fonction, j’ai dit au général Kim que si les associations de cadets de la gendarmerie, présentes dans chaque département, se fédéraient au sein d’une structure nationale, une aide nationale permettrait aux associations départementales, par redistribution, d’accompagner plus de jeunes. Notre mission est de permettre à ceux qui s’engagent dans la transmission du lien d’avoir les moyens de le faire, qu’il s’agisse des cadets de la gendarmerie, des cadets de la police nationale ou des cadets de la sécurité civile dont ceux des sapeurs-pompiers. Notre mission vise à faire en sorte qu’à l’issue du séjour de cohésion, ils aient envie de poursuivre leur action au sein des cadets ou au par une préparation militaire. Je rappelle que le service national universel n’est pas le service militaire. C’est un séjour pour de jeunes volontaires civils. Ne prévoyant pas d’apprentissage du maniement des armes, il est l’expression de la volonté de créer une mixité, de transmettre les valeurs républicaines, de donner le goût du patriotisme, voire de donner aux jeunes un autre regard sur eux-mêmes. Tout le monde n’a pas la chance de vivre la force du symbole, mais celle-ci se partage. À ceux qui souhaitent un engagement plus long, plus militaire ou plus civil, il faut donner les moyens de les découvrir par la présentation des préparations militaires, des services civiques, des engagements bénévoles, du corps européen de solidarité, mais aussi de découvrir leur place de citoyen.

Le vote s’apprend. On n’est pas naturellement sensibilisé à son importance. Au regard de quelques pays voisins non démocratiques, nous avons conscience de l’importance du droit et de la chance de pouvoir voter pour choisir nos dirigeants. Le recul du taux d’abstention, enjeu de compréhension de nos institutions, passe par le renforcement de l’éducation civique et morale, voire par la transformation de son programme, par un temps plus long. Les travaux que nous menons avec le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse vont dans ce sens, en vue d’un temps de parcours plus long et de la reconnaissance des engagements au sein de la démocratie scolaire. Le temps du séjour de cohésion devient l’application de l’éducation civique et morale, en acte, en vécu et en partagé.

L’école ne fait pas tout et ne peut pas tout, mais elle fait beaucoup. On peut l’accompagner pour continuer, mais elle doit s’inscrire dans des parcours. Tout se complète. Il faut avoir l’intelligence de construire les programmes en complémentarité. C’est pourquoi nous travaillons sur des projets pédagogiques adaptés.

L’encadrement passe par une formation plus poussée, un accompagnement de la fidélisation de nos encadrants et la qualité de l’accueil. Nous devons nous appuyer sur des territoires qui ne soient pas des déserts militaires. La culture militaire n’est pas identique dans l’ensemble des départements. Il y a des fleurons. Des territoires ont une plus forte culture mémorielle parce qu’ils ont vécu, dans leur chair, dans leur terre, des temps plus forts. Afin de renforcer le lien armées-nation dans le cadre du service national universel, nous travaillons sur les programmes pédagogiques à l’accueil et à l’accompagnement des jeunes, à l’accompagnement des encadrants et à la sortie de ces jeunes. Le séjour de cohésion n’est pas l’alpha et l’oméga, ma mission ne s’achève pas après la sortie. Nous le préparons pour que ce temps soit le plus opérationnel et pour que le débat se focalise moins sur sa durée que sur son inscription dans un parcours. D’où l’importance des dispositifs qui peuvent être immédiatement présentés aux jeunes.

Le service national universel permet d’identifier des jeunes en difficulté. La mixité n’est pas parfaite, mais elle existe. Comment ne pas les lâcher, comment en faire une double chance, celle de vivre un parcours de citoyenneté et celle de trouver un accompagnement éducatif dans un Epid ou un autre type d’établissement, immédiatement après ? Plus le nombre augmente et plus les recrutements sont stables. Puisque le temps d’encadrement est plus long, plus le temps de formation permet d’avoir des encadrants bien formés et expérimentés.

S’agissant des décrocheurs, je partage la notion de nouvel élan et de nouvel espoir. Il suffit parfois d’une rencontre. Mais il est nous est difficile d’aller les chercher. Ce sont souvent des jeunes en décrochage scolaire plus ou moins identifiés par des missions locales. Une part minime de ceux qui viennent directement sans avoir été identifiés y ont été incités par les réseaux sociaux. Avant d’envisager une généralisation, il faut progresser dans la recherche des jeunes qui sont encore plus éloignés et que l’on ne touche évidemment pas lors des présentations scolaires. Pour ce faire, je m’appuierai sur toutes les expertises proposées, dont votre expérience personnelle de la protection de l’enfance et l’action des départements.

La représentativité des jeunes issus des QPV s’améliore, passant de 4,2 % à 7 %, sachant que 9 % des jeunes y vivent. Nous sommes attentifs à deux typologies de jeunes, ceux venant de territoires ruraux et qui, éloignés, rencontrent les mêmes difficultés de mobilité et d’accès, et ceux qui vivent en QPV. La nouveauté, ce sont les partenariats avec les associations sportives qui présentent le SNU et avec celles fréquentées par les jeunes. Quand on signe un projet avec le Souvenir français, on touche une jeunesse différente mais tout aussi éloignée de certains dispositifs.

Concernant les lycées professionnels, vous avez raison de dire que le Président de la République souhaite voir le SNU profondément ancré comme un projet d’excellence. On voit les résultats de la réforme de l’apprentissage ou du plan « 1 jeune, 1 solution », on voit que le chiffre de plus de 700 000 apprentis a été atteint, alors que l’élan manquait. Ces voies permettent une insertion professionnelle d’excellence et sont de nature à réduire en profondeur les inégalités sociales. On réduit les inégalités d’accès au réseau et on permet parfois de faire des études inaccessibles pour des raisons financières. L’apprentissage ou l’alternance permettent de financer des études payantes et de découvrir, du CAP au master, des parcours bien différents. C’est une priorité à laquelle, avec ma collègue Carole Grandjean, nous travaillons spécifiquement, pour des présentations à l’ensemble des établissements professionnels technologiques et agricoles ou généraux, mais aussi dans le souci d’adapter les temps de séjour. Nous sommes sortis de juin et de juillet, parce que nous savions bien que des jeunes en lycée pro avaient des obligations de stage professionnel. C’est à nous de leur donner le temps et le cadre pour s’engager. On identifie une difficulté à laquelle on apporte une réponse. C’est ainsi qu’on est passé à 24 % de volontaires pour le séjour de février, alors que 33 % des jeunes sont scolarisés en lycée professionnel. La méthode est identifiée. La présence de la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnelle permet aussi une mobilisation forte au sein du réseau.

M. Taché n’a pas posé de question mais a prononcé un plaidoyer en règle à l’encontre du SNU et au-delà. « Endoctrinement », « briser des rêves » : j’ai trouvé ses propos très excessifs alors qu’au contraire, le SNU permet à des jeunes, grâce à un investissement financier massif, de vivre une aventure et de connaître la mixité sociale. Ces jeunes ne se seraient jamais rencontrés. Neuf sur dix se déclarent heureux de l’avoir fait. On peut toujours penser à leur place, mais nous avons voulu construire le projet avec eux en les interrogeant afin de l’améliorer. Après les premiers séjours, des jeunes m’ont dit que les sujets environnementaux et les questions mémorielles étaient traités de façon trop théorique et trop scolaire. Pour les sujets environnementaux, nous avons fait le choix d’aller découvrir notre riche patrimoine naturel, dont la forêt ou la mer.

Je peux tout entendre, mais il est faux qu’on prendrait de l’argent du budget de l’éducation nationale. Je le répète, il n’y a eu aucune ponction, puisque le budget de l’éducation nationale augmente de plus de 3 milliards d’euros et celui du SNU de 30 millions, en plus des 110 millions de l’année dernière. C’est un budget autonome dont on peut suivre l’utilisation. Alors députée, j’ai soutenu la création de cette ligne budgétaire destinée à éviter les amalgames et à laisser penser au ponctionnement d’un budget ou d’un autre. En tant que rapporteure spéciale du budget pour le SNU, je souhaitais en avoir une lecture exacte. Même le poste animation du budget de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire augmente de 5,5 millions d’euros. On peut être hostile à un projet visant à faire vivre un temps de mixité à des jeunes et à leur donner le goût de faire ensemble, mais je ne peux laisser dire que ce budget ponctionne le budget de l’éducation nationale ou des armées.

Dans le cadre des expérimentations, on a parfois délégué l’organisation de séjours de cohésion à des structures associatives comme l’Injep, afin d’en évaluer le coût. Le projet pédagogique était respecté, mais compte tenu des difficultés rencontrées pour une partie des uniformes, certains ne les portaient pas. Notre trajectoire vise à professionnaliser les encadrants, afin de garantir un socle commun à l’ensemble des séjours de cohésion. Celui-ci implique le port de l’uniforme, qui est une des règles du service national universel, et la découverte des différents corps dans lesquels les jeunes peuvent s’engager.

C’est aussi la volonté du Président de la République d’opérer ce double rattachement, d’assumer l’excellence et l’expertise de l’éducation nationale et de nos armées en levant les doutes sur les questions budgétaires. La LPM, promue par le ministre des armées, Sébastien Lecornu, est en cours de rédaction. Le budget du SNU est autonome et identifié, mais pas un euro n’est soustrait à nos armées ou à l’éducation nationale. Je le répète car je sais que l’acceptabilité de ce projet passe par la clarté de son financement.

M. Jean-Pierre Cubertafon, président. Nous en venons aux questions des autres collègues.

Mme Martine Etienne. Le rapport fait état de nombreux dysfonctionnements lors des séjours de cohésion. Concernant la santé physique, le recrutement tardif des cadres de santé n’a pas permis une préparation complète des équipes à l’accueil des publics fragilisés. En outre, la gestion des dépenses des centres n’a pas été suffisamment anticipée, ce qui a provoqué des difficultés de paiement des factures. La santé des jeunes pouvant être mise à rude épreuve lors de ces séjours, le recrutement en amont de cadres de santé formés et préparés à l’accueil des jeunes est indispensable.

En matière de santé mentale, les tuteurs de maisonnée ont fait face à une importante libération de la parole des volontaires au sujet des violences ou d’atteintes sexuelles subies avant le séjour. Vous écrivez dans le rapport que la situation a été gérée, mais vous ne fournissez pas de précisions sur la gestion elle-même. Les tuteurs de maisonnées sont des référents des jeunes en matière de vie collective. Vous les décrivez comme des repères et des soutiens et comme les responsables du bien-être des jeunes. Or aucune formation en psychologie n’est requise pour accéder à ce poste. Il est indispensable que les tuteurs de maisonnée, les infirmiers et les chefs de centre aient reçu une réelle formation en psychologie de l’enfant et de l’adolescent. Rappelons-nous de la punition collective infligée aux enfants à Strasbourg par du personnel militaire, qui témoigne du cruel manque de formation de certains encadrants en matière de gestion des jeunes publics et de dérives autoritaires inadaptées. Une surveillance accrue devra prévenir les sanctions collectives traumatisantes, prendre en compte le rythme de l’adolescent et s’assurer de sa bonne santé physique et psychique.

Comment entendez-vous remédier ces difficultés ?

M. Philippe Sorez. Après avoir passé plus de trente ans en milieu associatif auprès de la jeunesse, je suis sensible au soutien massif apporté par le Gouvernement au développement du service national universel. Dans sa forme actuelle, les objectifs du SNU oscillent entre volonté de promouvoir l’engagement civique et bénévole par la mission d’intérêt générale et volonté de favoriser le sentiment d’unité national par un séjour de cohésion. Par ailleurs, le Président de la République a mis en avant le lien entre le SNU et l’armée en décrivant le SNU comme « l’un des éléments du pacte de refondation si essentiel entre les armées et la nation ».

Si le SNU est désormais placé sous la double tutelle du ministère de l’éducation nationale et de celui des armées, sa dimension militaire n’apparaît que peu, si l’on excepte le module « défense », le port de l’uniforme et la cérémonie de lever des couleurs. Alors que la guerre est de retour en Europe, le SNU peut être un vecteur unique de sensibilisation de l’ensemble d’une génération aux enjeux de défense. Jugez-vous opportun de renforcer la dimension militaire du SNU afin d’imprégner notre jeunesse de l’esprit de défense ? Une présence plus marquée des armées est-elle envisageable et souhaitable ?

Mme Valérie Bazin-Malgras. En tant que rapporteure pour avis des crédits de la mission « anciens combattants, mémoire et liens avec la nation », je me penche sur la thématique du lien armées-nation et sur les dispositifs en faveur de la jeunesse proposés par le ministère des armées, en particulier le service militaire volontaire (SMV). Comment envisagez-vous, dans le plan « Ambition armées-jeunesse », l’articulation du service national universel avec les autres dispositifs ? Des synergies peuvent-elles être trouvées entre les deux ? Vous avez récemment conclu une convention SNU avec l’association Le Souvenir français. Comment prévoyez-vous d’associer les associations d’anciens combattants et les associations mémorielles aux différentes phases du SNU ? Comment les armées seront-elles mises à contribution pour encadrer sa montée en puissance ?

M. Benoît Bordat. En 2019, je n’avais pas d’avis sur le SNU mais je n’en faisais pas non plus une caricature. En 2021, en tant qu’élu local, j’ai été convié à participer à un stage, à Ménétreux-le-Pitois. Des échanges avec ces jeunes m’ont convaincu et rendu très optimiste. En 2022, nous avons poursuivi l’opération avec la ville de Dijon et les jeunes ont participé spontanément aux commémorations de la Libération. Certes, le dispositif est perfectible. Laissons à la mixité le temps de se réaliser. À Dijon, nous avons des associations tests qui, dans nos QPV, touchent des jeunes que Pôle emploi ou la mission locale ne touchent pas, et qui se livrent à des expérimentations.

M. José Gonzalez. Dans votre propos et vos réponses, je vous ai entendue parler des droits de ces jeunes mais pas de leurs devoirs. Néanmoins la mise en place d’un service national ne peut qu’emporter mon adhésion, malgré la nécessité de quelques améliorations.

Dans son discours du 14 juillet dernier, le Président de la République a rappelé qu’à l’heure du retour de la guerre sur le sol européen, il était d’autant plus attendu de la part des différentes armées qu’elles s’impliquent davantage dans le projet institué par le SNU. Que cela signifie-t-il concrètement ? À l’aune des réflexions que vous menez conjointement avec le ministère des armées, comment envisagez-vous de répondre à la demande du chef de l’État ?

Par ailleurs, le stand d’information du SNU installé à la Fabrique de Défense depuis 2020 contribue-t-il à augmenter sensiblement le nombre des engagements ? Vous avez fait état d’un plafond de verre, mais nous savons par expérience qu’il n’est qu’une contrainte imaginaire.

M. Jean-Marie Fiévet. Le service national universel connaît un lancement réussi. Après avoir assisté à une journée de SNU en Indre-et-Loire, je ne peux qu’être convaincu de la grande satisfaction de nos jeunes et d’un bel avenir pour le SNU. Il semble ouvrir de réelles vocations. Nombreux sont ceux qui m’ont confié envisager une carrière sous l’uniforme. Toutefois, de nombreux jeunes demandent davantage d’engagement physique et d’aventure. L’un des responsables de la formation s’est d’ailleurs investi dans l’organisation d’un camp de courte durée dénommé camp sportif et de mémoire. Après l’organisation d’un premier stage, d’une durée de trois jours et deux nuits sur les lieux historiques de la ligne de démarcation, le nombre de jeunes, garçons et filles souhaitant participer à ce genre de formation a grandement augmenté. Un nouveau stage est prévu pour les vacances de la Toussaint. Un projet d’innovation de ce genre pourrait-il être envisageable pour compléter le SNU ? Quelle réponse serait-il possible de fournir à cette soif d’action ?

M. Christophe Blanchet. À un jeune du SNU qui lui demandait : « Pourquoi vous êtes-vous engagé à 17 ans auprès du général de Gaulle ? », Léon Gautier, dernier vivant des Français à avoir participé au Débarquement le 6 juin 1944, répondit : « J’ai été éduqué à aimer la France ». C’est le sens du SNU, auquel je crois depuis sa création, en 2017. Je participe chaque année à une semaine en immersion avec des jeunes du SNU pour prendre des attaches et voir comment faire évoluer le dispositif pour éduquer notre jeunesse à aimer la France et lui donner des clés patriotiques.

On se félicite de voir des jeunes du SNU participer aux cérémonies, mais les maires en ont-ils connaissance ? J’ai proposé que le formulaire d’inscription permette de préciser que le jeune accepte que ses données soient communiquées à sa collectivité locale, afin que les maires puissent reconnaître et valoriser les jeunes du SNU.

A-t-on réfléchi à l’investissement en lien avec les SMV dans les centres régionaux du SNU ? Au nombre de six, un septième doit être créé à Marseille. Peut-on envisager un centre national du SNU permettant d’apprécier une évolution sur une année ?

Vous avez évoqué les réserves, citoyennes et militaires. Il est une réserve méconnue sur laquelle on peut s’appuyer, celle des 36 000 communes de France, accessible à tout citoyen âgé de 7 à 99 ans. Comment valoriser ces réserves auprès des communes ? Pourquoi ne pas proposer aux jeunes du SNU de le faire, ce qui n’est pas évoqué lors des journées du SNU ?

À quand l’obligation nationale ? Est-ce vraiment pour 2024 ? Enfin, pour convaincre tous nos concitoyens du bien-fondé de ce projet, n’est-il pas temps, après les plans sur l’écologie et les plans économiques, de lancer un plan sur le patriotisme et le devoir d’engagement ?

M. Laurent Jacobelli. « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément ». À l’issue de vos trente-cinq minutes de propos introductif, je n’ai toujours pas compris à quoi sert le SNU. Quand une partie de notre jeunesse est perdue, quand les repères nationaux s’effritent, quand l’autorité de l’État est remise en cause, quand beaucoup ne connaissent ni nos valeurs républicaines ni l’histoire de notre pays, le SNU peut être une formidable machine à créer de bons petits Français, comme l’était le service national. Des gens de toutes régions, de toutes origines, de tous niveaux scolaires arrivaient dans le même lieu et repartaient huit, dix ou douze mois plus tard imprégnés du même amour de la France. Sur le papier et à vous entendre, le SNU est un beau projet mais, dans la réalité, il n’est pas loin du flop. L’année dernière, 10 250 jeunes seulement ont accompli jusqu’au bout leur SNU, soit à peine 1 % du nombre de jeunes concernés.

Comment comptez-vous rendre ce projet plus attractif, plus patriote, capable d’apprendre l’amour de la nation à nos jeunes ? Dans les programmes, il est beaucoup question d’écologie. Vous avez raison de dire que ce n’est pas une colonie de vacances, car c’est une classe verte, et l’on s’interroge sur l’intérêt des modules. Quant aux encadrants, je ne doute pas de leur bonne volonté, mais de leur formation. Ils ont souvent le même âge que ceux qu’ils éduquent. Entendez-vous vraiment rendre le SNU plus ambitieux, plus sérieux, plus robuste ou bien le maintenir en état de projet verbeux ?

M. Frank Giletti. Madame la ministre, la convention de partenariat que vous avez récemment signée avec Le Souvenir français atteste que l’objectif du SNU est de réveiller ou d’éveiller le patriotisme dans notre jeunesse. Si j’en partage la nécessité, je m’interroge sur les contours du dispositif. Comment susciter cette volonté de s’investir pour son pays, cet élan patriotique auprès de jeunes qui ne se sentent pas appartenir à la France ? La longue période de paix que nous avons connue sur le sol français, l’orientation souvent donnée par l’éducation nationale au récit national dans les programmes scolaires d’histoire et l’attitude d’un Président de la République exagérément repentant ne sont-ils pas autant d’éléments nuisibles au goût d’un tel engagement chez les jeunes ? Comment redonner à la jeunesse le goût de la France ? Quels axes d’amélioration préconisez-vous sur ce point ?

M. Lionel Royer-Perreaut. Faire nation, c’est bien ce qui nous anime toutes et tous. Certains souhaitent le rétablissement de la conscription, mais nous n’avons plus les moyens bâtimentaires pour accueillir le service national tel que nous l’avons connu et le brassage tant espéré y était déjà un mythe. Nous avons besoin de dispositifs capables de faire nation et de produire le creuset républicain nécessaire. Le SNU répond en partie à ces besoins. Comme tout système en cours de création, il est perfectible. Dans les quartiers prioritaires de la ville, les difficultés rencontrées pour toucher ces publics révèlent un défaut de communication. De plus, le foisonnement des dispositifs ne nuit-il pas à l’attractivité du SNU ? Le taux de désistement de 20 % signifie peut-être que les formations ou les formules proposées sont perfectibles. Quels dispositifs améliorer ?

Mme Delphine Lingemann. Ma question porte sur la poursuite de la période d’engagement sur la base du volontariat entre 16 et 25 ans. Vous avez relevé un manque de visibilité du SNU auprès de certains publics. La plupart de nos étudiants ne le connaissent pas alors qu’ils ont soif d’engagement et besoin de repères. Certains de mes étudiants, trop peu, à mon sens, sont déjà engagés dans la réserve, dans la gendarmerie ou comme sapeurs-pompiers volontaires. Ils peuvent obtenir un statut spécifique auprès de l’université, valoriser leur engagement dans leur parcours de formation en donnant de la visibilité aux compétences acquises. Est-il envisageable de créer, à l’entrée du cycle de licence, un parcours SNU adapté à ce public désireux de s’investir dans la vie de la nation et n'ayant pas effectué les deux premières phases du SNU ?

M. Vincent Bru. Cette formation a vocation à permettre à tout jeune citoyen de participer à un moment de cohésion et d’union nationale. Or le rapport de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire de juillet 2022 souligne la difficulté de recrutement et le manque de formation d’une partie des encadrants. Une formation en matière de handicap est-elle prévue pour les animateurs ? Par ailleurs, la modification des lieux du SNU, en février 2022, pose question quant à l’aménagement des bâtiments en matière d’accessibilité pour les personnes handicapées. Des structures spécifiques pourraient être prévues. L’accessibilité des locaux pour des personnes en situation de handicap est-elle un critère de sélection des lieux d’accueil ?

Mme la secrétaire d’État. Vous avez raison d’observer que nous avons vu des jeunes dont l’état de santé n’était pas excellent. L’accompagnement par des infirmiers encadrants a permis d’identifier des myopies non diagnostiquées, génératrices de difficultés scolaires, et d’équiper les jeunes dans la foulée. Comme partout, nous rencontrons des difficultés à recruter des cadres de santé mais, grâce à l’engagement fort des structures territoriales, tous les centres étaient pourvus des référents et des infirmiers nécessaires pour accompagner les séjours. L’accès au bilan et à l’accompagnement de santé contribue à l’égalité des chances. Plus on donnera de visibilité aux projets et aux séjours et plus on facilitera le recrutement.

La parole se libère, en particulier après les deux ans de covid, au point que des témoignages de jeunes ont nécessité la saisine du procureur de la République. Plus elle se libère, plus la formation des encadrants et des tuteurs doit être renforcée. À chaque fois que la libération de la parole nécessitait un accompagnement, nous avons saisi les structures médicales et associatives à même d’accompagner et d’accueillir.

Le lendemain de ce qui s’est produit à Strasbourg, le responsable a été remercié. Le projet doit être clair dans l’esprit de tout le monde et la formation plus professionnelle. Constatons tout de même que pour plus de 40 000 jeunes ayant fait le SNU dans 141 centres, il n’y a eu qu’un ou deux couacs, comme il peut s’en produire dans des colonies de vacances. Le projet, promu par le Gouvernement, fait l’objet d’une médiatisation spécifique. Des punaises de lit, il y en a eu aussi dans des colonies de vacances, ni moins ni plus. Cela étant, j’ai la responsabilité de veiller à la qualité des encadrants. Ce n’est pas parce qu’ils ont porté l’uniforme qu’ils ne sont pas formés à accompagner des jeunes. Des militaires accompagnent et encadrent déjà des jeunes dans le cadre du SMA, du SMV et dans les lycées militaires, mais dans le cas du SNU, les contrats sont de droit civil.

Les cérémonies sont vecteurs d’unité. Quand on tombe amoureux de son histoire, quand on la comprend, quand on entend des témoignages comme celui de Léon Gautier, cela provoque de l’émotion et l’on s’attache. J’ai conclu un premier accord avec Le Souvenir français, car il faut renforcer le lien avec les anciens combattants et les associations mémorielles. L’une d’entre elles, la fondation Maginot, qui a beaucoup participé aux séjours, réalise des expositions, élabore des projets pédagogiques, propose des jeux, mais surtout compte des gens passionnés. Il y a deux manières de considérer les choses : soit on estime que le projet pédagogique doit entrer dans le cadre, soit on permet aux jeunes de rencontrer des gens qui le transcendent par leur engagement. Ce peut être des encadrants mais aussi des témoins. Lors de la journée défense et mémoire nationales, des militaires d’active viennent témoigner de leur corps, de leur métier, de leur passion, de ce pourquoi ils se sont engagés. Quand un jeune me dit : « J’ai envie de faire coiffure mais aussi militaire », je lui réponds que son parcours lui permettra de faire un choix mais qu’il pourra faire les deux, qu’il a le droit de servir et de faire un métier qui te passionne. Nous allons multiplier ces modes d’enseignement et ces accords, afin que ceux qui ont vécu le projet puissent témoigner de sa qualité.

Madame Bazin-Malgras, je sais l’importance que vous accordez, en tant que rapporteure, au lien armées-nation et, plus largement, aux questions mémorielles. Elles sont fondamentales non seulement pour l’unité de la nation mais aussi pour promouvoir le goût du patriotisme. On doit pouvoir se dire qu’on est français parce qu’on le veut et aussi parce que nos parents ont combattu et versé leur sang ou en raison d’une histoire personnelle. Certains qui ont versé leur sueur et n’ont pas porté l’uniforme ont bâti une partie de notre pays. Être français c’est faire sien cet héritage, le faire vivre, le partager, participer aux moments mémoriels dans nos communes, en attendant d’être des passeurs. On doit pouvoir s’appuyer sur des associations patriotiques ou mémorielles, en plus des associations d’anciens combattants qui, du fait de l’âge, voient leurs effectifs diminuer. Je suis heureuse de voir Le souvenir français créer des drapeaux plus petits et plus légers et remettre à des classes des drapeaux d’associations d’anciens combattants qui n’ont plus personnes pour les porter. C’est une chance, car ils ne seront ni rangés dans un placard ni vendus sur eBay, comme on en voit encore beaucoup trop. Je préfère largement qu’ils soient portés par une classe ou une maisonnée du service national universel, car les jeunes sentent enracinés dans une histoire qui les dépasse. Le SNU facilite plus encore ces rencontres parce que le temps le permet.

L’action des collectivités est une des conditions de réussite. Ceux qui témoignent avec le moins de dogmatisme, de manière très opérationnelle, ce sont les maires, de grandes comme de petites communes. Ils ne participent pas nos débats mais ils voient arriver dans leurs communes des jeunes en uniforme qui souhaitent participer au conseil municipal. C’est une chance. J’accepte avec grand plaisir votre expertise et votre analyse. Ce projet n’a pas vocation à cliver. Tous ceux qui souhaitent l’améliorer et participer à sa construction sont les bienvenus pour travailler soit avec mes équipes ou moi-même, soit avec les acteurs opérationnels du SNU.

Le SNU a sa place dans La fabrique défense, comme dans les forums d’étudiants et d’orientation où les jeunes sont présents. Nous nous appuyons sur les enseignants, mais de façon encore très inégale, parce que durant plus de deux ans de covid ils avaient à gérer des protocoles scolaires et les conditions n’étaient pas les plus favorables pour présenter un dispositif supplémentaire.

J’ai pris trente-cinq minutes, non pour ne pas énoncer clairement, mais pour communiquer à la représentation nationale l’ensemble des éléments à ma connaissance. Désireuse de réussir la construction de ce projet, j’y consacre le temps nécessaire, mais vous êtes également très « challengers », ce qui donne beaucoup d’espoir dans la réussite de ce projet.

Vous dites que j’ai beaucoup parlé de droits et peu de devoirs. En s’engageant pour le SNU, un jeune accepte un certain nombre de devoirs et d’efforts. Les calendriers sont très denses. Il accepte de manger la même chose que les autres, de dormir au même endroit, de faire des tâches ménagères. Mais ces devoirs ne sont pas punitifs, ils sont le pendant de notre projet. Le jour où l’on considèrera que ce magnifique droit donne le goût de l’engagement, nous aurons réussi.

Comment les armées vont-elles s’engager dans le cadre du SNU ? La direction du service national de la jeunesse (DSNJ), qui accompagne le traitement des questions de jeunesse au sein de nos armées, compte déjà plus de 1 240 personnes. Conformément au discours du Président de la République, nos armées accompagneront la professionnalisation de la formation. Elles ont la culture de la logistique et du déploiement. En s’appuyant sur la DSNJ et sur les 357 militaires qui encadrent le SMV, leur expertise et leur culture sont une chance pour nos jeunes volontaires.

L’Indre-et-Loire est un des territoires qui a vu le développement du SNU. Le meilleur plaidoyer en faveur du SNU est la rencontre avec les jeunes eux-mêmes et parfois avec leurs parents. Une maman m’a dit : « A son retour, il a fait son lit ». C’est une transformation en profondeur dont cette maman a voulu témoigner. De fait, certains de ces jeunes poursuivent leur carrière sous l’uniforme, parce qu’ils ont trouvé des rôles modèles et ont envie de contribuer à sa mission.

La soif d’action de ces jeunes doit être accompagnée. Les camps sportifs et de mémoire sont une chance. Il faut donner à chaque jeune le goût de l’engagement.

Monsieur Blanchet, vous avez vu la naissance du SNU avant même sa conception. La phrase de Léon Gautier que vous avez citée me marque. On apprend à aimer la France, mais pour apprendre à aimer la France, elle doit parler à tous ses enfants. C’est le projet du SNU. Il faut conjuguer des centres permanents et des centres ponctuels afin de réduire la pression et accueillir des jeunes en situation de handicap dans des centres adaptés. Au regard de la promesse d’inclusion du SNU, nos séjours n’accueillent encore que 3,5 % de jeunes en situation de handicap.

L’idée d’un plan patriotique est excellente puisqu’elle rejoint celle de parcours qui préside à la conception du SNU. Mais, je le répète, ce n’est pas l’alpha et l’oméga du parcours de citoyenneté. Il y a aussi l’éducation civique et morale, les engagements au sein de nos collectivités, le passeport du civisme pour les petits du CEP au CM2.

S’agissant de la multiplicité des dispositifs, pour donner de la visibilité au dispositif, il faut éviter de superposer les parcours pour les mêmes tranches d’âge. Le SNU concerne les jeunes âgés de 15 à 17 ans, il y a un avant et un après. S’il y a engagement après, il y a réussite.

À l’instar du vote, le patriotisme s’apprend. On peut avoir la chance de le vivre mais on peut aussi en être privé. À l’école s’ajoutent des temps forts pour affirmer la volonté de créer, d’où les modules de citoyenneté nationale et européenne pour faire comprendre nos institutions. Une partie de notre jeunesse ne se sent pas appartenir à la France. Dès lors, soit on considère que c’est perdu, soit on considère que tous les enfants de France ont la vocation à l’aimer. Pour l’aimer, il faut pouvoir la rencontrer, et pour la rencontrer, un temps comme celui-là est une première marche. Certes, cela n’apaisera pas tous les maux de notre pays, mais quelle chance de voir un jeune qui ricanait à l’écoute de La Marseillaise, ému au dernier lever de drapeau !

Une partie de notre jeunesse n’a pas pu faire le SNU parce qu’elle n’était plus en âge. Le BAFA SNU nouvellement créé leur permettra d’encadrer les séjours de cohésion. Non, ils n’ont pas l’âge des encadrants. Dans un centre SNU, il y a un chef de centre, un adjoint, un corps infirmier, des tuteurs de maisonnée et des agents, qui n’ont certainement pas le même âge. Les jeunes encadrés ont entre 15 et 17 ans et certains tuteurs entre 20 et 25 ans. Il n’y a donc pas de mineurs qui encadrent des mineurs.

Au-delà des centres permanents, le handicap doit être pensé globalement. Au regard des différents types de handicap, la formation des encadrants est nécessaire. C’est pourquoi il faudra parfois savoir accueillir des accompagnants, prévoir des centres adaptés, rendre le bâti plus inclusif pour ne pas refuser l’accès à un jeune, et provoquer une rupture d’égalité.

Enfin, nous allons faire évoluer le formulaire pour fournir l’information aux élus, parce que participer, c’est aussi permettre à tout l’écosystème de porter la vie du SNU après le séjour de cohésion.

M. Jean-Pierre Cubertafon, président. Votre audition a suscité presque plus de débats que la précédente sur les exportations d’armement. J’y vois le signe de l’engagement de tous les commissaires et de la volonté qui est la nôtre de solidifier le tissu national.

Je vous remercie pour votre franchise. Vous avez brossé un portrait sans tenter d’en dissimuler les ombres, dans lesquelles vous voyez un motif d’agir et un défi à relever plutôt qu’une raison de désespérer.

Merci pour votre enthousiasme, pour votre sincérité, pour votre passion et votre empathie qui vous conduit à adapter le SNU aux besoins.

 

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La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Xavier Batut, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Mounir Belhamiti, M. Christophe Blanchet, M. Frédéric Boccaletti, M. Benoît Bordat, M. Hubert Brigand, M. Vincent Bru, Mme Caroline Colombier, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Martine Etienne, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Stéphanie Galzy, M. Frank Giletti, M. Christian Girard, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, M. José Gonzalez, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Fabien Lainé, Mme Anne Le Hénanff, Mme Delphine Lingemann, Mme Alexandra Martin, Mme Michèle Martinez, Mme Lysiane Métayer, M. Christophe Naegelen, M. François Piquemal, Mme Josy Poueyto, M. Lionel Royer-Perreaut, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, M. Philippe Sorez, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Corinne Vignon

Excusés. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Julien Bayou, M. Pierrick Berteloot, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, M. Yannick Chenevard, Mme Christelle D'Intorni, Mme Anne Genetet, M. David Habib, M. Olivier Marleix, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Valérie Rabault, M. Julien Rancoule, M. Fabien Roussel, M. Aurélien Saintoul, M. Mikaele Seo, Mme Mélanie Thomin

Assistait également à la réunion. - M. Aurélien Taché