Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  Suite de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2022 (n° 17 – M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général)              2

  présences en réunion...........................30

 


Mardi
12 juillet 2022

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 07

session extraordinaire de 2021-2022

 

 

Présidence de

 

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La commission poursuit l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2022 (n° 17 – M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général)

M. le président Éric Coquerel. Après l’audition de M. Pierre Moscovici tout à l’heure, je propose de passer directement à la discussion des amendements au projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022 (n° 17). Sans compter les amendements du rapporteur général, 254 amendements ont été déposés en commission. Parmi ceux-ci, vingt-six n’étaient pas recevables au titre de l’article 40 de la Constitution : dix-neuf créaient une charge et sept n’étaient pas gagés – ces derniers pourront le cas échéant être corrigés d’ici à la séance publique. Par ailleurs, vingt-cinq amendements étaient irrecevables au regard des exigences de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Enfin, deux amendements formulaient des injonctions que le législateur ne saurait imposer au Gouvernement et cinq avaient des dispositifs inopérants.

J’appelle chacun à la brièveté. Je conserverai le principe de l’expression d’un orateur pour et d’un orateur contre, mais sans débat plus long, notamment pour les amendements de crédit puisque le Gouvernement n’est pas représenté en commission.

Le rapporteur général proposera de supprimer les articles 2 et 3 – amendements CF266 et CF267 – afin de respecter l’architecture en deux parties du PLFR. En effet ces articles n’ont aucun effet sur l’année 2022 et ils n’ont pas leur place en première partie. La vigilance du rapporteur général est donc bien meilleure que celle du Gouvernement… Les amendements CF268 et CF269 prévoient de rétablir ces articles en seconde partie, respectivement après l’article 9 et après l’article 10. Comme l’adoption des amendements de suppression fera tomber les autres amendements déposés sur les articles 2 et 3, pour que le débat ait lieu, je propose que ces amendements soient transformés en sous-amendements aux amendements du rapporteur général.

En accord avec le rapporteur général, je propose que nous suspendions notre réunion au moment du vote dans l’hémicycle de l’article 2 du projet de loi de veille et de sécurité sanitaire qui est discuté en ce moment. Pour les autres scrutins qui vont avoir lieu ce soir en séance publique, chacun est libre de s’y rendre, mais nous ne suspendrons pas nos travaux.

Article liminaire : Prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour l’année 2022

Amendement CF86 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à rendre l’article liminaire cohérent avec l’avis rendu par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) le 24 juin 2022 sur le projet de loi de règlement du budget 2021. Cela conduit à modifier le solde structurel de l’exécution 2021, en le faisant évoluer d’un point. Il passe ainsi de -4,4 points à -5,4 points de PIB, tandis que le solde conjoncturel passe en parallèle de -2 % à -1 %.

L’avis rendu par le HCFP le 4 juillet 2022 sur le présent PLFR conduit, lui, à rectifier la prévision de solde structurel pour 2022 de -3,6 à -4,6 points de PIB, le solde effectif restant inchangé.

Le HCFP, notamment dans l’alinéa 69 de ce second avis, rappelle que la nouvelle estimation du PIB potentiel présentée par le Gouvernement dans le rapport économique, social et financier (RESF) pour 2022 doit conduire à accroître le déficit structurel d’un point et à baisser du même niveau le déficit conjoncturel.

Je n’invente rien. Le RESF décrit la position du Gouvernement.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous avons déjà évoqué ce sujet lors de l’examen du projet de loi de règlement et ma réponse sera la même.

Il existe un véritable problème de lisibilité du solde structurel et je partage vos interrogations. Ce solde est probablement plus dégradé que ce qui figure dans l’article liminaire. C’est lié au fait qu’il doit être calculé sur la base d’une hypothèse du PIB potentiel qui provient de la loi de programmation de finances publiques (LPFP) adoptée en 2018 : les choses ont tellement changé depuis lors que ce solde ne veut pas dire grand-chose. Nous aurons la possibilité de l’actualiser lors de la prochaine LPFP.

D’ailleurs, les hypothèses actualisées de l’automne 2021 que vous évoquez commencent elles-mêmes à être datées.

Le solde structurel est une construction qui fait l’objet de remises en question au niveau européen. On voit par exemple que le plan de relance économique et les mesures de soutien aux entreprises adoptées au cours de la crise de la covid ont fait l’objet d’un traitement différent.

Demande de retrait, ou avis défavorable.

M. Charles de Courson. Mon amendement n’est peut-être pas parfait, mais il se fonde sur les évaluations actuelles du Gouvernement. La rédaction qu’il propose est donc meilleure. S’il n’est pas adopté, la face du monde ne sera pas bouleversée, mais il vaut tout de même mieux se rapprocher de la réalité.

La commission rejette l’amendement CF86.

Elle adopte l’article liminaire non modifié.

PREMIÈRE PARTIE :
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER :
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Avant l’article 1er

Amendement CF221 de M. Jean-Philippe Tanguy, amendements identiques CF106 de Mme Véronique Louwagie et CF225 de Mme Christine Pires Beaune, amendement CF39 de M. Christophe Plassard (discussion commune).

M. Kévin Mauvieux. Notre amendement propose d’augmenter le plafond d’exonération de l’impôt sur le revenu de chaque titre-restaurant, en le portant de 5,69 euros à 8 euros. Cette mesure simple donnera une bouffée de pouvoir d’achat aux Français et rendra le secteur de la restauration plus optimiste. Elle a déjà été utilisée et avait beaucoup intéressé les ménages : tout le monde y avait trouvé son compte. Il n’y a aucune raison de ne pas la perpétuer car la crise du pouvoir d’achat n’est pas terminée.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement constitue un véritable levier pour soutenir le pouvoir d’achat des Français en matière d’alimentation, en utilisant pour cela un dispositif déjà opérationnel et en mesure d’avoir un impact rapide et massif. Le titre-restaurant est utilisé par plus de 4,5 millions de salariés en France.

Il est proposé, d’une part, de porter le plafond d’exonération de la part employeur de 5,69 euros à 7,5 euros. Cette progression de 30 % permettra à la valeur maximale du titre-restaurant d’égaler le prix moyen d’un déjeuner, qui est aujourd’hui estimé à environ 15 euros.

La quote-part entre les employeurs et les salariés étant fixée par le dialogue social, l’amendement propose d’autre part d’élargir le volant de négociation de la prise en charge par l’employeur, actuellement entre 50 % et 60 % de la valeur du titre-restaurant, pour l’établir entre 50 % et 70 %. Cela permettra une prise en charge plus importante par l’employeur.

Cette mesure n’entraînerait pas de coût pour l’État car il est démontré que le manque à gagner de recettes résultant d’une augmentation de la valeur moyenne des titres-restaurant est compensé par le produit d’autres impôts, comme la TVA, et par l’amélioration de l’emploi.

Mme Christine Pires Beaune. Mon amendement est identique. Alors que l’inflation affecte particulièrement les produits alimentaires, raboter sur les titres-restaurants n’est pas forcément bienvenu.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La contribution de l’employeur à l’achat de titres-restaurant est exonérée dans la limite de 5,69 euros. Les amendements proposent une augmentation extrêmement significative, de 30 à 40 % – soit très au-delà du niveau de l’inflation.

Grâce à l’excellent travail réalisé par Mme Louwagie lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, le montant de l’exonération de la contribution employeur est désormais automatiquement indexé, en début d’année, sur l’inflation réellement constatée l’année précédente. Cette limite augmentera donc de 6 % ou 7 % au début de 2023. Avec cette indexation, il ne peut pas y avoir de coup de rabot, madame Pires Beaune.

Le coût budgétaire de ces amendements est très élevé : au moins 160 millions d’euros de perte de recettes en année pleine pour l’impôt sur le revenu et 400 millions d’euros pour les cotisations patronales. Or le gain serait assez limité pour les salariés, avec un risque de substitution assez fort entre cet avantage et leur rémunération. On peut par exemple lire ce message adressé aux employeurs sur le site d’une entreprise comptable en ligne : « Délivrer des tickets-restaurant à vos salariés est un avantage social qui peut être une alternative à l’augmentation de salaire qui, quant à elle, est soumise aux charges patronales. » On ne saurait être plus clair !

Le dispositif prévoit un plafond de défiscalisation, mais l’employeur peut déjà décider une contribution supérieure. Porter le taux à 70 % ne créerait pas de bénéfice pour l’employé.

Au besoin, ce mécanisme pourra évoluer par voie réglementaire. Il est préférable de recourir à un dispositif ciblé plutôt que d’augmenter cette niche fiscale.

M. Mathieu Lefèvre. Je croyais qu’un consensus s’était dégagé pour ne pas aggraver les niches fiscales et sociales. Or le premier amendement dont nous discutons propose de le faire. On peut toujours tenir des discours de principe, mais les faits sont têtus…

Il faut être prudent avec ce type de dépenses fiscales, madame Louwagie. On fait souvent valoir qu’elles entraînent une augmentation de la consommation et des recettes – c’est le discours qui a longtemps été tenu pour le crédit d’impôt cinéma – mais il ne faut pas oublier que cela réduit les recettes de l’État et des organismes de sécurité sociale.

Mme Christine Pires Beaune. Je veux bien entendre tous les arguments, mais vous ne pouvez pas avancer que porter le plafond d’exonération des titres-restaurant à 7,5 euros risque de se substituer à l’augmentation des salaires. Pas quand vous proposez de tripler la prime Macron, en la portant de 2 000 à 6 000 euros !

L’amendement CF39 est retiré.

La commission rejette successivement l’amendement CF221 et les amendements identiques CF106 et CF225.

Amendement CF222 de M. Jean-Philippe Tanguy.

M. Jean-Philippe Tanguy. L’indice général des prix hors tabac n’est pas pertinent pour fixer le relèvement annuel du plafond d’exonération des titres-restaurants. Cet indice sous-estime régulièrement l’inflation réelle des produits alimentaires.

Depuis des années, ce plafond d’exonération n’est donc pas indexé sur le bon indice. Il faut donc prendre en compte l’indice d’inflation spécifique aux produits alimentaires.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Jusqu’en 2020, le plafond d’exonération n’était en effet pas indexé de façon satisfaisante. Mais je ne vois pas de raison de changer l’indice retenu depuis la modification intervenue à l’occasion de la loi de finances pour 2020. Je ne connais pas la base de calcul du sous-indice que vous évoquez et l’INSEE n’en communique pas régulièrement l’évolution. Je ne vois pas d’intérêt à ce qu’il remplace l’indice général des prix, qui lui est bien connu.

M. Jean-Philippe Tanguy. Dès lors que le titre-restaurant concerne une dépense alimentaire, l’indice transparent et clair de l’INSEE qui retrace l’évolution des prix de l’alimentation me paraît tout indiqué. Référons-nous à l’indice objectif des prix de l’alimentation et non à l’indice général des prix, un indice assez fumeux dont on connaît les limites du mode de calcul et qui a permis d’ailleurs de sous-estimer pendant des années le niveau réel de l’inflation.

Sortons de cette logique d’économies de bouts de chandelle et revenons au réel. On a longtemps expliqué aux salariés, aux entreprises et aux restaurateurs que l’inflation était comprise entre 0,5 % et 1 % alors même que les prix alimentaires augmentaient fortement – et cela bien avant l’épisode inflationniste qui a débuté à l’automne dernier.

Notre devoir de parlementaire est de faire des lois qui correspondent à la réalité vécue par nos concitoyens.

La commission rejette l’amendement CF222.

Amendements CF96 et CF97 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement a dit qu’il proposerait une mesure concernant la prime de transport. Cette prime n’est pas obligatoire ; elle est non imposable et n’est pas assujettie aux cotisations sociales en dessous des plafonds fixés par la loi. Son montant est extrêmement faible : 200 euros par an pour les frais de carburant des trajets domicile-travail.

Pour une personne qui habite à 30 kilomètres de son lieu de travail, il lui faut parcourir 1 200 kilomètres par mois, soit 360 euros par mois de carburant pour une petite voiture au tarif fiscal. Tous les dirigeants d’entreprises indiquent qu’ils commencent à voir des salariés démissionner car ils habitent trop loin de leur travail – ils ont un niveau de vie supérieur s’ils restent chez eux ! Il faut inciter les entreprises à verser cette prime de transport.

L’amendement CF96 propose de porter de 200 à 800 euros le plafond d’exonération pour la prise en charge des carburants.

L’amendement CF97 qui suit propose quant à lui de porter ce plafond à 2 000 euros.

Un autre dispositif – très complexe – existe pour les véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène. Il est proposé de réévaluer dans les mêmes proportions leur plafond d’exonération. Le coût de cette dernière mesure est très limité.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il existe trois dispositifs de prise en charge des frais de transport des salariés par l’employeur.

Le premier permet la prise en charge de 50 % du prix des titres d’abonnement à des transports publics de personnes ou à des services publics de location de vélos. Le deuxième autorise la prise en charge de tout ou partie des frais de carburant et des frais exposés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou à l’hydrogène. Le troisième est constitué par le forfait « mobilités durables », que nous avons augmenté l’an dernier.

La piste que vous proposez est intéressante, mais ce sont des hausses significatives, voire excessives, et le coût de ces mesures risque d’être important.

En outre, votre dispositif est permanent. Or notre objectif premier est d’aider nos compatriotes à surmonter le pic d’inflation, qui va durer de six à dix-huit mois – les prévisions tablent sur une inflation ramenée à 2 % à la fin de l’année prochaine.

J’ajoute qu’il faut mettre vos propositions en perspective avec l’indemnité carburant pour les travailleurs qui roulent beaucoup, prévue par le plan d’urgence de protection du pouvoir d’achat et qui concerne les ménages modestes.

Notre collègue Laqhila présentera en seconde partie un amendement qui paraît plus adapté. Demande de retrait.

M. Mohamed Laqhila. Je présenterai en effet un amendement après l’article 9 dont le dispositif est similaire – avec une augmentation certes un peu plus faible du plafond – et qui étend le bénéfice de la mesure à tous les salariés qui résident à plus de 30 kilomètres de leur lieu de travail. J’invite donc M. de Courson à retirer son amendement pour voter celui-là.

M. Jean-Philippe Tanguy. Le groupe Rassemblement national votera en faveur de cet amendement de bon sens qui correspond exactement à la réalité des besoins des entreprises et des salariés.

Je saisis cette occasion pour indiquer que notre groupe votera de manière constante en faveur de tous les amendements de bon sens bénéfiques pour le pouvoir d’achat, d’où qu’ils viennent.

La commission rejette successivement les amendements CF96 et CF97.

Article additionnel avant l’article 1er : Plafond de défiscalisation des heures supplémentaires

Amendements CF58 de Mme Émilie Bonnivard, CF34 de Mme Véronique Louwagie et CF253 de M. Laurent Marcangeli, amendements identiques CF255 de M. Mathieu Lefèvre et CF252 de M. Laurent Marcangeli, amendement CF202 de M. Thomas Mesnier (discussion commune).

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CF34 des députés du groupe LR propose de supprimer le plafond de 5 000 euros au-delà duquel les heures supplémentaires ne sont plus défiscalisées.

Il s’agit, d’une part, de mieux rémunérer le travail, et d’autre part de répondre aux grandes difficultés que les entreprises rencontrent pour recruter.

Une telle mesure leur permettra de continuer de produire et de développer leur activité. Notre groupe l’a déjà proposée à plusieurs reprises lors de la précédente législature.

Mme Lise Magnier. Les amendements CF253, CF255, CF252 et CF202 portent sur la défiscalisation des heures supplémentaires.

Avec l’amendement CF253, le groupe Horizons et apparentés souhaite porter le plafond d’exonération fiscale des heures supplémentaires de 5 000 à 7 500 euros – comme ce fut le cas durant la crise sanitaire – jusqu’au 31 décembre 2023.

Nous sommes convaincus que c’est par la revalorisation du travail que l’on donnera davantage de pouvoir d’achat à nos concitoyens. Nous menons cette revalorisation du travail depuis cinq ans et nous devons la poursuivre.

Les amendements CF255 et CF252 prévoient la même revalorisation du plafond, mais uniquement pour l’année 2022.

L’amendement CF202 porte quant à lui sur l’exonération des heures supplémentaires effectuées par les personnels soignants, afin de répondre aux besoins du système hospitalier.

M. Mathieu Lefèvre. L’amendement CF255 des députés du groupe Renaissance propose de porter le plafond de défiscalisation pour les heures supplémentaires effectuées par les salariés à 7 500 euros au titre de l’année 2022.

Il s’agit d’une mesure cohérente avec notre projet, qui est de valoriser et mieux rémunérer le travail. Elle permet également de réduire le coût du travail et d’inciter à une durée du travail plus longue. Elle s’inscrit pleinement dans la lignée des mesures que nous avons défendues pendant les cinq dernières années.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis favorable aux amendements CF255 et CF252 qui portent le plafond des heures supplémentaires exonérées à 7 500 euros pour l’année 2022. Le coût me paraît raisonnable. Nous examinerons le bilan de cette mesure en fin d’année pour voir s’il convient de la prolonger.

Un tel dispositif répond à l’objectif d’amélioration du pouvoir d’achat des salariés qui peuvent travailler un peu plus. Il répond aussi aux demandes de certains employeurs dans des secteurs tendus, lesquels souhaitent disposer de davantage de souplesse pour les heures supplémentaires de leurs collaborateurs.

L’amendement CF202 est satisfait et j’en demande le retrait. Avis défavorable aux autres amendements.

M. Nicolas Sansu. C’est vraiment le retour des vieilles lunes ! Cette belle disposition remonte au temps de M. Sarkozy. On voit bien le type de mesures sur lequel l’accord va se faire entre Les Républicains et la majorité relative, et on comprend pour quelles raisons. Quant à nous, nous ne pourrons pas voter ce texte relatif au pouvoir d’achat.

Par ailleurs, les heures supplémentaires sont déjà très défiscalisées. Je ne vois pas l’intérêt de cette mesure, alors même que certains secteurs sont en tension : ce n’est pas en défiscalisant davantage les heures supplémentaires que l’on va accroître le nombre de salariés. Ce sont les salaires qu’il faudrait augmenter, ce qui permettrait également de faire entrer davantage de cotisations sociales et de recettes fiscales.

M. Charles de Courson. Je me rallie quant à moi aux amendements identiques CF252 et CF255, qui sont d’application immédiate.

La commission rejette successivement les amendements CF58 et CF34.

L’amendement CF253 est retiré.

La commission adopte les amendements CF255 et CF252 (amendement 166).

En conséquence, l’amendement CF202 tombe.

Avant l’article 1er

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF194 de M. Jean-Pierre Vigier.

Amendement CF35 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Marie-Christine Dalloz. La France présente une particularité : elle a inventé les taxes sur les taxes. Ainsi, les revenus d’activité sont soumis non seulement à la fiscalité, mais aussi à la contribution sociale généralisée (CSG) et à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Le niveau des prélèvements obligatoires est de 44,8 %, ça suffit ! Si l’on veut vraiment redonner du pouvoir d’achat, il faut revenir sur cette double fiscalité pénalisante. Tel est l’objet de cet amendement. Ne me dites pas qu’il est onéreux, nous proposons par ailleurs des réductions des dépenses.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. On entend souvent parler de « l’impôt sur l’impôt » : c’est une formule choc, mais la chose est déjà répandue. Par exemple – même si ce n’est pas la même chose, j’en conviens – on ne déduit pas la taxe foncière de son impôt sur le revenu.

S’il existe une CSG déductible et une CSG non déductible, cela s’explique par l’histoire de cette contribution. Lorsque Michel Rocard l’a créée, les 2,4 points étaient par définition non déductibles puisqu’il s’agissait d’une taxe spécifique, une imposition au taux bas, portant sur l’assiette la plus large possible et venant s’additionner aux impôts existants. En revanche, les hausses successives de la CSG ont remplacé des cotisations qui, elles, étaient déductibles du revenu imposable. C’est la raison pour laquelle a été créée la distinction entre la CSG déductible et la CSG non déductible.

En votant votre amendement, on retirerait de l’assiette de l’impôt sur le revenu 30 milliards d’euros. En supprimant aussi la CRDS, comme vous le proposez, on ôterait 7 milliards d’euros de l’assiette. Je suis donc très défavorable à cet amendement.

M. Charles de Courson. Je ne suis pas d’accord avec la proposition de mes collègues Les Républicains mais leur amendement soulève un vrai problème, à savoir le fait que le système est devenu incompréhensible. Il faut tout unifier : toute la CSG devrait être déductible, de même que la CRDS, quitte à rehausser le taux pour garantir la neutralité budgétaire. Cela permettrait de supprimer au moins deux lignes sur la feuille de paie et de simplifier les formulaires de déclaration des revenus, auxquels on ne comprend plus rien. Je serais prêt à voter cet amendement, mais corrigé afin d’en assurer la neutralité budgétaire.

Mme Véronique Louwagie. La non-déductibilité d’une partie de la CSG et de la CRDS pose un réel problème. De nombreux salariés ont du mal à comprendre leur feuille de paie. Quand on voit que le net à payer ne correspond pas au net imposable, on est en droit de se poser des questions… La Première ministre, dans son discours de politique générale, a parlé de simplification administrative. Elle a raison. La simplification de la feuille de paie en fait partie. Il faut débureaucratiser le pays. La mesure que nous vous proposons réconcilierait efficacité, justice et simplification.

La commission rejette l’amendement CF35.

Amendement CF229 de M. Jean-Philippe Tanguy.

M. Jean-Philippe Tanguy. Il s’agit de revenir sur l’injustice, due à l’UMP puis à François Hollande, consistant à supprimer la demi-part fiscale des veufs et des veuves. Cette mesure suscite depuis plus de dix ans une incompréhension sincère dans la population : dans nos circonscriptions, c’est une des questions qui revient le plus. Cela témoigne du traumatisme qu’ont subi les personnes victimes de cette injustice. Nous proposons de rétablir cette demi-part, dont la suppression a été une économie particulièrement injuste.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je peux comprendre la nostalgie à l’égard de cette niche fiscale. Mais, pas plus tard que cet après-midi, le premier président de la Cour des comptes nous a expliqué qu’il fallait réduire les niches fiscales et non les augmenter.

La demi-part fiscale accordée aux veufs et aux veuves lorsqu’ils vivaient seuls et n’avaient plus d’enfants à charge ne compensait pas une charge réelle pesant sur leur revenu, précisément parce que les enfants n’étaient plus à charge. D’où la modification intervenue durant le mandat de Nicolas Sarkozy, en 2008, dont l’objectif était que l’imposition corresponde davantage à la réalité. Il était logique de recentrer le bénéfice de la demi-part sur les contribuables ayant élevé leurs enfants seuls pendant au moins cinq ans. Les critères ne sont pas aussi restrictifs qu’on le dit, puisque la mesure bénéficie à 1,2 million de ménages, pour une dépense fiscale de 570 millions d’euros.

Je suis défavorable à cet amendement qui ne compense pas une charge réelle, n’est pas ciblé – il bénéficierait en particulier à des ménages ayant des revenus élevés – et coûterait entre 1,5 et 2 milliards d’euros.

M. Jocelyn Dessigny. Vous oubliez que bien souvent les personnes veuves ayant eu des enfants à charge continuent à contribuer à leur intégration même une fois qu’ils ont quitté le foyer. Vous retirez une ressource à des personnes qui ne sont pas forcément très riches. Si vous voulez vous attaquer aux niches fiscales, il y en a beaucoup d’autres par lesquelles commencer.

M. Charles de Courson. L’origine de cette affaire remonte à une décision du Conseil constitutionnel, qui avait critiqué l’absence de conditions dans le dispositif. D’ailleurs, il ne faut pas dire que la demi-part a été supprimée, puisque grâce à l’amendement de Courson, que vous connaissez tous, elle a été maintenue pour les veufs et les veuves ayant élevé seuls au moins un enfant pendant cinq ans…

La commission rejette l’amendement CF229.

Amendement CF31 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Il vise à revenir sur la baisse des plafonds du quotient familial. Le PLFR traduit la volonté de redonner du pouvoir d’achat aux Français ; en l’espèce, nous vous proposons d’en redonner aux familles en revenant sur une décision injuste, prise en 2012 et qui n’a pas été remise en cause au cours de la précédente législature. Le quotient familial n’est pas une aide sociale ; c’est un dispositif qui est au cœur de la politique familiale et qui vise à encourager la natalité. Son plafonnement a pénalisé près de 800 000 foyers appartenant pour l’essentiel à la classe moyenne. Nous vous proposons de revenir sur le dispositif à partir du 1er septembre 2022 ; les montants seraient proches du niveau antérieur à la loi de finances pour 2013.

M. le président Éric Coquerel. Le rapporteur général demande une suspension de quelques minutes.

La réunion est suspendue de vingt-et-une heures cinquante à vingt-et-une heures cinquante-cinq.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Sous la précédente législature, nous avons arrêté la baisse du plafonnement des effets du quotient qui avait eu cours entre 2012 et 2017. Chaque année, nous avons indexé les plafonds sur le barème de l’impôt sur le revenu (IR).

Par ailleurs, le quotient familial n’est qu’un des piliers de la politique familiale. Il y a bien d’autres choses à faire que d’augmenter cette niche fiscale.

Nous ne souhaitons pas rehausser fortement le plafond car, par nature, cela bénéficierait d’abord aux familles les plus aisées : ce serait un dispositif contre-redistributif. Le dernier plafonnement a procuré à l’État un gain budgétaire de l’ordre de 500 millions d’euros, qui provenait de suppléments d’impôt sur le revenu acquittés majoritairement par des contribuables dont le revenu fiscal de référence était supérieur à 100 000 euros.

Si je suis attaché au mécanisme du quotient familial, qui permet de proportionner l’impôt dû aux facultés contributives de chaque situation familiale, je ne pense pas qu’il faille le rehausser. Avis défavorable.

M. Philippe Brun. Je m’inscris en faux contre la philosophie qui sous-tend cet amendement : le plafonnement des effets du quotient familial, décidé au début du quinquennat de François Hollande, a constitué un vrai effort de justice fiscale. Encore aujourd’hui, l’avantage procuré par le quotient familial est en moyenne de 490 euros annuels pour les 10 % des ménages les plus pauvres, et de 3 800 euros pour les 10 % les plus riches. L’amendement procurerait un gain fiscal encore plus élevé aux plus aisés.

M. Jean-Philippe Tanguy. Nous soutiendrons cet amendement. La politique familiale française a été un succès historique et a produit une situation quasiment inédite en Europe. Malheureusement, elle est fragilisée depuis de nombreuses années. Or le plafonnement du quotient familial participe de cette entreprise délétère qui a notamment limité l’accès des classes moyennes supérieures à la natalité. Car oui, même quand on a des moyens, le changement de vie qu’impose l’accueil d’enfants en bas âge entraîne des frais, et les classes moyennes supérieures éprouvent de plus en plus de difficultés à avoir des familles nombreuses.

Mme Véronique Louwagie. M. Philippe Brun a indiqué des montants qui varient en fonction du niveau de revenu des familles, mais il faut tenir compte également du niveau de l’impôt sur le revenu acquitté. Une famille payant moins d’impôt sur le revenu bénéficie d’une réduction moindre, ce qui paraît tout à fait logique : la réduction doit être en adéquation avec le montant de l’impôt. L’amendement nous paraît tout à fait juste. Il répond à un souci d’équité fiscale et soutient pour l’essentiel des foyers appartenant à la classe moyenne.

La commission rejette l’amendement CF31.

Amendement CF47 de M. Patrick Hetzel.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit de permettre de déduire une partie du montant des dépenses engagées pour le placement des personnes âgées en EHPAD, au titre tant de la dépendance que de l’hébergement. Les résidents de ces établissements ont de plus en plus souvent recours à la solidarité familiale pour financer les dépenses d’hébergement. Il nous paraît logique de permettre aux personnes qui aident financièrement un parent de bénéficier des mêmes avantages que le contribuable résident. Cet enjeu est amené à prendre de plus en plus d’importance avec l’augmentation de la dépendance.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’amendement vise à étendre le bénéfice de la réduction d’impôt aux parents qui assument une partie des dépenses éligibles de la personne dépendante. Une fois encore, il s’agit donc d’étendre une niche fiscale – même si, en l’espèce, le terme peut sembler inapproprié.

La question que vous soulevez est extrêmement importante, mais elle excède très largement ce PLFR. Elle sera appréhendée de façon plus cohérente dans le cadre d’une approche globale du financement de la dépendance. Nous avons créé une cinquième branche pour en traiter. Nous nous étions engagés à présenter une grande loi relative à la dépendance, mais nous n’avons pas encore eu le temps de le faire. Quoi qu’il en soit, cet enjeu y trouvera sa place.

Par ailleurs, il convient d’éviter qu’une telle réduction d’impôt se substitue à l’obligation alimentaire des enfants envers « leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin », définie à l’article 205 du code civil.

M. Jean-Philippe Tanguy. Cet amendement très intelligent et de bon sens correspond à l’évolution de la société ainsi qu’à l’extension de la politique familiale que nous défendions auprès des Républicains dans l’amendement précédent. Nous le voterons donc.

La commission rejette l’amendement CF47.

Amendement CF147 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun. Il s’agit d’une réalité sociale que vous connaissez bien dans vos circonscriptions : l’évolution de la parentalité, en particulier l’augmentation de la monoparentalité. Un quart des parents vivent seuls ; ce sont les nouveaux pauvres de notre pays, les nouveaux « damnés de la terre ». Dans 84 % des cas, il s’agit de femmes et, pour 41 % des enfants dans cette situation, les revenus de la famille sont en dessous du seuil de pauvreté.

Nous devons adapter notre système fiscal et social à cette réalité. Nous vous proposons de faire passer de 50 % à 80 % la part des dépenses éligibles au crédit d’impôt relatif aux services à la personne. Cela permettra notamment une meilleure prise en charge des frais de garde d’enfants ou d’aide aux tâches ménagères.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. D’abord, le taux que vous proposez est inédit : certes, ce n’est pas une raison suffisante pour le rejeter, mais il importe quand même de relever qu’il n’existe aucun avantage fiscal fixé à 80 %.

Ensuite, l’amendement n’est pas ciblé : il ne concerne pas seulement les familles monoparentales qui en auraient le plus besoin, car la disposition n’est assortie d’aucune condition de revenu.

Par ailleurs, le plafond des dépenses éligibles est déjà de 12 000 euros, majoré de 1 500 euros par enfant à charge. Pour un adulte assumant seul la charge d’un enfant, cela fait donc 13 500 euros de dépenses éligibles ouvrant droit à un crédit d’impôt maximal de 6 750 euros.

La hausse du taux de ce crédit d’impôt n’est pas le bon outil pour aider les familles monoparentales. Nous avons majoré dès 2018 le montant maximal du complément de libre choix du mode de garde pour les familles monoparentales. Nous avons également revalorisé certaines prestations sociales comme la prime d’activité, dont quasiment un tiers des bénéficiaires sont des familles monoparentales. Avis défavorable.

M. Philippe Brun. Je comprends que l’absence de ciblage puisse poser problème, mais je maintiens l’amendement. S’il n’est pas adopté, nous en déposerons un autre, modifié dans le sens indiqué, en vue de la séance.

La commission rejette l’amendement CF147.

Article additionnel avant l’article 1er : Détermination des frais de transport personnel des bénévoles éligibles à la réduction d’impôt accordée au titre des dons faits par des particuliers

Amendement CF174 de M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier. Cet amendement concerne le monde associatif. Les bénévoles utilisent la plupart du temps leur véhicule personnel dans le cadre de leur engagement associatif auprès des jeunes et des moins jeunes. Ils bénéficient pour ce faire d’un avantage fiscal, mais moins favorable que celui qui s’applique aux salariés déclarant leurs frais kilométriques. Je propose donc de leur accorder le même avantage et, ce faisant, de donner un coup de pouce au monde associatif. Nous assistons à de nombreuses assemblées générales – cela a encore été mon cas le week-end dernier – et nous savons bien que les frais de transport, liés notamment à l’augmentation des hydrocarbures, pèsent énormément sur la trésorerie des associations.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je comprends votre préoccupation. Le monde du bénévolat a beaucoup souffert de la crise du covid. Il faut l’aider, en effet. Toutefois, le parallèle que vous établissez n’est pas tout à fait juste : pour les salariés, le barème kilométrique vise à établir au plus juste les frais engagés par le contribuable pour avoir un revenu. Il y a une causalité ; ce n’est pas un avantage fiscal. Ce n’est pas la même chose que les frais de déplacement engagés par les bénévoles dans le cadre de l’activité d’une association. Il me semble logique que l’administration retienne dans ce cas un barème conventionnel inférieur au barème kilométrique de l’impôt sur le revenu. Je vous propose que nous interrogions le Gouvernement en vue, le cas échéant, de relever ce barème spécifique, ce qui relève du domaine réglementaire.

M. Pierre Cordier. Votre proposition est intéressante, monsieur le rapporteur général, mais en adoptant cet amendement nous enverrions un signal au monde associatif et aux bénévoles. Le prix du carburant pèse vraiment.

M. Jocelyn Dessigny. Monsieur le président, vous est-il possible de suspendre la réunion pour que nous retournions dans l’hémicycle ? Des choses importantes sont en train de se jouer autour du pass sanitaire, notamment pour les enfants.

M. le président Éric Coquerel. J’ai proposé tout à l’heure que nous suspendions nos travaux au moment du vote de l’article 2. Je m’en tiendrai à ce principe. Sinon, il y aura toute la soirée des votes importants dans l’hémicycle et nous n’avancerons pas. Ceux d’entre vous qui le souhaitent peuvent aller dans l’hémicycle.

M. Jocelyn Dessigny. Est-il possible qu’il n’y ait pas de vote ici pendant ce temps ? Nous ne pouvons pas nous dédoubler…

M. le président Éric Coquerel. Non, d’autant qu’un vote en séance publique qui paraît imminent peut se faire attendre en réalité longtemps… Si certains votes en commission ne vous semblent pas favorables, il y aura la séance pour les rectifier.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’auteur de l’amendement a-t-il estimé le coût de la mesure ? C’est un saut dans l’inconnu… Je pense, pour ma part, que cela peut coûter très cher : il y a des centaines de milliers de bénévoles en France. D’ici à la séance, il convient donc de l’évaluer. Je n’aime pas beaucoup voter un amendement sans savoir combien il va coûter.

M. Charles de Courson. Je ne pense pas que cela coûte très cher, car la plupart des bénévoles refusent de demander ce genre d’avantages. Soit dit entre nous, c’est donc plutôt une mesure d’affichage. Toutefois, il y a quelque chose d’étonnant, en effet, à constater que les bénévoles sont remboursés sur la base de 0,321 euro par kilomètre, ce qui correspond à la plus petite cylindrée, tandis que les salariés sont remboursés en fonction de la puissance fiscale réelle de leur véhicule.

M. Mathieu Lefèvre. Ce ne serait pas de l’affichage d’inscrire la disposition directement dans la loi, car elle serait d’application immédiate.

Comme l’a dit le rapporteur général, la question est importante. Je vous propose que nous demandions au Gouvernement, en séance, dans quelle mesure il serait prêt à relever le barème, à combien de bénévoles la disposition est susceptible de s’appliquer et combien cela coûterait. Nous sommes plutôt ouverts à la proposition, mais l’inscrire dès à présent dans la loi nous paraît prématuré. Nous vous proposons donc de retirer l’amendement, dans l’attente des explications du ministre.

La commission adopte l’amendement CF174 (amendement 167).

Après l’article 1er

Amendement CF113 de M. Fabien Di Filippo.

M. Fabien Di Filippo. Les frais de garde sont de plus en plus élevés et il devient très difficile de trouver des solutions pour faire garder ses enfants. Conjugué à l’inflation, le coût de la garde est exponentiel. Donner à un maximum de Français la possibilité d’exercer ou de reprendre une activité est un enjeu ; il est essentiel d’aider les deux membres d’un couple à accéder à l’emploi et à mener leur carrière dans les mêmes conditions.

Je propose, par cet amendement, de doubler le plafond des dépenses prises en compte dans le calcul du crédit d’impôt.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je comprends, mais vous proposez l’élargissement ponctuel d’un avantage fiscal non ciblé, qui plus est coûteux. Veut-on y consacrer un milliard d’euros ou soutenir plutôt les initiatives qui visent à développer l’offre publique et privée, avec des obligations de résultat ?

Ainsi, la dernière convention d’objectifs et de gestion liant l’État à la Caisse nationale des allocations familiales prévoyait la création de 30 000 places de crèche entre 2017 et 2022 ; en 2020, l’objectif était atteint aux deux tiers et on comptait plus de 450 000 places. En outre, des réorganisations ont permis de compenser partiellement la baisse, indéniable, du nombre d’assistants maternels, avec une capacité d’accueil de 744 000 places en 2019.

L’enjeu n’est pas celui d’un défaut de demande solvable : il est structurel, avec de fortes disparités entre les territoires. Je vous propose de retirer votre amendement.

M. Fabien Di Filippo. Je conteste votre chiffrage : doubler le plafond ne double pas le coût de l’aide puisque tout le monde n’atteint pas forcément ce plafond !

Il convient aussi de déduire du coût de ce crédit d’impôt l’activité économique qu’il induira, puisque certains de nos concitoyens, obligés de rester à leur domicile pour garder leurs enfants à des étapes clés de leur carrière, pourront reprendre le travail.

Par ailleurs, on sait très bien que le financement des places de crèche reposera avant tout sur les collectivités, aujourd’hui exsangues.

Enfin, la baisse de la démographie française est plus que sensible ; cet accompagnement est primordial car faire des enfants aujourd’hui ne doit pas être un « handicap ». Cela vaut bien quelques centaines de millions d’euros !

La commission rejette l’amendement CF113.

Article additionnel avant l’article 1er : Création d’un crédit d’impôt pour frais de déplacements journaliers de moins de quarante kilomètres entre le domicile et le lieu de travail

Amendements identiques CF44 de M. Charles de Courson et CF57 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Charles de Courson. Aujourd’hui, 70 % des salariés du privé ou du public prennent leur voiture pour se rendre au travail. Les personnes imposables peuvent déduire leurs frais au réel et donc bénéficier d’une réduction de leur impôt. Nous proposons de généraliser cet avantage et de permettre aux personnes non imposables de voir, grâce à un crédit d’impôt, une partie de leurs frais remboursés.

Mme Véronique Louwagie. J’ajouterai que, dans les territoires ruraux, la voiture reste le mode majoritaire de déplacement des salariés et que le trajet journalier moyen y est probablement supérieur à la moyenne nationale de 27 kilomètres.

Il ne faut pas décourager les personnes qui, lorsqu’elles déduisent de leur salaire les frais qui restent à leur charge, se rendent compte qu’elles ne perçoivent pas davantage que les personnes qui ne travaillent pas et bénéficient de prestations sociales.

Cet amendement représente probablement un coût important mais il importe de prendre en compte la situation de ces foyers non imposables.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vous propose de retirer, en vue de les retravailler, ces amendements qui présentent deux défauts.

D’abord, ils suppriment la déduction des frais, ce qui a pour conséquence d’augmenter la base imposable du crédit d’impôt. Ensuite, cette suppression a un effet immédiat, alors que le crédit d’impôt n’est applicable que jusqu’au 31 décembre 2023. Après, il n’y aurait plus aucune prise en compte fiscale des frais de déplacement.

L’indemnité carburant, financée par ce projet de loi de finances rectificative, est une mesure ciblée vers les ménages modestes – elle concerne les cinq premiers déciles, un périmètre dont nous pourrons débattre. Pour les gros rouleurs, elle sera abondée de 50 % en fonction de la distance. Cette aide, de 100 à 300 euros par voiture et par actif, répond mieux au problème que vous soulevez.

M. Jean-Philippe Tanguy. Cette mesure nous semble au contraire corriger une injustice ancienne. Notre seul désaccord porte sur le fait qu’elle est provisoire, si bien que la question se posera à nouveau en 2024.

M. Charles de Courson. Bien malin celui qui sait de quoi sera fait 2024 ! Dans le cas d’une baisse des prix, les lois de finances permettront de réajuster ou de revenir à l’ancien dispositif. Ce qui nous importe aujourd’hui, avec ces amendements certes perfectibles, c’est que tous les salariés puissent bénéficier de cet accompagnement, aujourd’hui réservé aux personnes imposables. L’autre avantage de ce dispositif, c’est qu’il ne passe pas par la volonté de l’employeur, contrairement à ce dont nous discutions tout à l’heure.

Mme Véronique Louwagie. Le dispositif que nous proposons est simple et colle au plus près de la réalité. Surtout, il a l’avantage de ne pas induire des effets de seuil, comme l’aurait fait l’amendement CF96 visant à accentuer la prise en charge par l’employeur des frais de carburant – aujourd’hui plafonnée à 200 euros – ou comme le fera l’indemnité carburant, puisque des seuils s’appliqueront tant au niveau des revenus – les cinq premiers déciles – qu’au nombre de kilomètres.

M. Mathieu Lefèvre. L’indemnité carburant concerne aussi les Français qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu : il n’est pas fondé de dire que tous les Français n’en bénéficieront pas. Par ailleurs, la remise de dix-huit centimes par litre d’essence, valable jusqu’à fin septembre, touche l’intégralité des Français.

Il est important d’organiser les dispositifs de soutien aux travailleurs et de ne pas les empiler ; sinon, on ne parviendra plus à les supprimer. C’est pourquoi le Gouvernement, en toute responsabilité, a prévu que l’indemnité carburant succéderait, au 1er octobre 2022, à la remise de dix-huit centimes. Le dispositif que vous proposez pourrait venir dans un troisième temps, avant un retour à la normale.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je plaide en faveur d’un retrait, afin que vous puissiez réécrire ces amendements.

D’abord, supprimer la déduction des frais aurait comme première conséquence d’augmenter l’impôt dû, sur lequel serait ensuite appliqué le crédit d’impôt. C’est un effet pervers.

Par ailleurs, ce dispositif ne cible que les salariés qui sont aux frais réels.

Ensuite, les amendements ne prévoient ni montant, ni plafond au crédit d’impôt, lequel est fondé sur un barème kilométrique établi par l’administration. Outre le fait qu’ils créent une dépense fiscale supplémentaire, ils me semblent inconstitutionnels.

Je comprends votre souhait que le sujet soit discuté dans l’hémicycle mais je pense que ces amendements, d’un point de vue technique, ne fonctionnent pas.

La commission adopte les amendements CF44 et CF57 (amendement 168).

Après l’article 1er

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je demande une suspension de séance. Nos travaux sont dénaturés. L’examen en commission a pour objet d’écouter les arguments de chacun et de travailler techniquement pour améliorer le texte. Les votes qui sont en train de se dérouler dans l’hémicycle se jouent manifestement à quelques voix près, ce qui pousse de nombreux de nos collègues à s’absenter sans cesse. C’est courant, mais dans le cas présent, cela dénature nos travaux et entache la sincérité du vote. Il faut respecter l’esprit des choses et ne pas profiter de l’absence des uns et des autres pour voter !

M. le président Éric Coquerel. La composition de notre assemblée fait que nous nous retrouverons souvent dans ce cas de figure. Il faut s’y faire. Peut-être faudra-t-il s’organiser autrement, mais le présent ordre du jour a été décidé de manière commune.

Nous avons décidé tout à l’heure de ne pas suspendre notre réunion à chaque fois qu’un amendement jugé important par les uns ou les autres viendrait à être mis au vote en séance. Ceux qui le souhaitent peuvent quitter la réunion, et cela relève de leur responsabilité. L’un dans l’autre, entre ceux qui partent et ceux qui restent, cela ne change à mon avis pas grand-chose pour le vote. Pour ma part, je regrette de ne pouvoir aller voter en séance publique, mais je pense qu’il vaut mieux avancer et je suspendrai la réunion comme c’était prévu pour le vote de l’article 2 dans l’hémicycle.

La séance est suspendue de vingt-deux heures trente-cinq à vingt-deux heures quarante.

Amendement CF176 de Mme Karine Lebon.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement va vous plaire, monsieur le rapporteur général, puisqu’il permettra de financer, grâce à de nouvelles recettes, toutes les dépenses dont nous allons décider tout à l’heure. Il propose d’augmenter, de manière temporaire, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR). On sait combien ces revenus ont augmenté l’an dernier. Il avait déjà été procédé à une telle augmentation en 2009-2010.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. C’est toujours une bonne idée de ramener de nouvelles recettes, mais encore faut-il que ce soit réaliste ! Vous faites allusion à une époque, 2009, où le barème n’était pas du tout au niveau actuel.

Vous proposez donc de porter les taux de 3 % et 4 % respectivement à 8 % et 10 %. D’abord, nous sommes opposés à toute augmentation d’impôt. Ensuite, le rendement de la CEHR augmente d’année en année et dépasse désormais le milliard d’euros. Enfin, on ne peut prendre le risque de dépasser le taux maximal considéré comme non confiscatoire par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 29 décembre 2012. Le Conseil d’État, dans son avis du 21 mars 2013, a indiqué que le taux marginal maximal correspondait aux deux tiers des revenus, quelle qu’en soit la source.

M. Nicolas Sansu. Je rappelle ce qu’a dit le Premier président de la Cour des comptes tout à l’heure : quand on veut diminuer les impôts, il faut trouver de nouvelles recettes. Il me semble utile aussi de souligner que les hauts revenus ne se sont jamais aussi bien portés : 500 milliardaires et plus de 1 000 milliards de patrimoine et de revenus en 2021.

Mme Véronique Louwagie. Le groupe Les Républicains, opposé à toute augmentation d’impôt, votera contre cet amendement. En revanche, nous défendons une baisse des dépenses publiques, une direction qu’a indiquée le Premier président Moscovici, qui pourrait passer par la réforme des retraites, la recherche de marges d’efficience dans les domaines du social, de la sécurité intérieure, du système éducatif, ou la débureaucratisation.

M. Jean-Philippe Tanguy. Notre collègue du groupe GDR ouvre un débat que nous devrons avoir sur la contribution des plus hauts revenus au rétablissement des finances publiques. Le groupe RN proposera plutôt un rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), en remplacement de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), ainsi qu’une révision de la flat tax.

Je le dis à nos collègues de droite : rétablir les finances publiques sans imposer aux plus hauts revenus une forme de contribution – ce qui avait pourtant été fait du temps de M. Sarkozy – est une équation impossible. Nous ne voterons pas cet amendement mais nous rejoignons la philosophie selon laquelle la justice fiscale doit présider au rétablissement des finances publiques.

Mme Christine Pires Beaune. Nous voterons cet amendement et les suivants qui reposent sur le même principe. À situation exceptionnelle, effort exceptionnel. Il faut toutefois remarquer que l’effort demandé reste mesuré ; les tranches de revenu concernées ne sont pas celles du commun des mortels…

Je veux, moi aussi, revenir sur les propos de Pierre Moscovici. En temps de crise, on ne peut pas décider de dépenses publiques supplémentaires, pour protéger les entreprises et les ménages, sans demander un effort supplémentaire à ceux qui peuvent le consentir.

La commission rejette l’amendement CF176.

Amendements identiques CF178 de Mme Karine Lebon et CF258 de Mme Christine Pires Beaune et amendement CF168 de Mme Marianne Maximi (discussion commune).

M. Nicolas Sansu. Nous proposons de supprimer la flat tax, instaurée en 2017, qui confère un avantage fiscal indécent au capital.

M. Mickaël Bouloux. Cette flat tax ne se justifie plus – elle ne se justifiait déjà pas à l’époque. Elle siphonne les recettes de la sécurité sociale et de l’État, dont nous avons grand besoin.

Mme Marianne Maximi. Sous couvert de simplification, la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) est, avec la suppression de l’ISF, l’un des principaux cadeaux fiscaux faits aux plus riches. Elle a conduit à une baisse des recettes fiscales et à un accroissement des inégalités, faisant de la France la championne du monde de la rémunération du capital.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. C’est contre-intuitif, mais lors du dernier quinquennat, la baisse des taux, que ce soit sur l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu ou le prélèvement forfaitaire unique, a entraîné une augmentation très significative du rendement des impôts. Le contraire est vrai : trop d’impôt tue l’impôt.

Dès sa première année d’application, le prélèvement forfaitaire unique a été un succès, rapportant à l’État 400 millions d’euros de plus qu’envisagé. Les dividendes ont retrouvé leurs niveaux antérieurs à 2013, année où la mise au barème de l’impôt sur le revenu avait entraîné une diminution de l’assiette taxable de plus d’un tiers durant les quatre années suivantes.

La flat tax sur les revenus du capital est une quasi-généralité en Europe ; or notre objectif n’est pas d’être le moins-disant ou de faire du dumping social, mais de nous situer dans la moyenne européenne.

C’est un élément d’attractivité et de relance de notre économie. Il n’y a pas de hasard : si la création d’emplois atteint des records et que les emplois industriels reviennent, c’est grâce aux investissements massifs. Pour que notre pays reste compétitif, le taux d’imposition doit se situer dans la moyenne européenne.

Cette réforme s’est inscrite dans le cadre d’un équilibre global avec une baisse plus large de l’ensemble de la fiscalité des ménages, la suppression progressive de la taxe d’habitation et la baisse de l’impôt sur le revenu. Avis défavorable.

Mme Marianne Maximi. Au contraire, la flat tax a privé les entreprises des capacités d’autofinancement de leurs investissements au bénéfice de l’augmentation des revenus des actionnaires, par le versement des dividendes. Son fort rendement est tout sauf une bonne nouvelle : il indique simplement que le transfert des salaires et des investissements vers le versement des dividendes a été bien plus important que prévu.

M. Daniel Labaronne. Les trois rapports publiés par le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, mis en place sous la législature précédente, montrent l’effet très positif de la réforme que nous avons engagée, à la fois sur les expatriés fiscaux – qui sont revenus très largement en France – et sur l’attractivité du pays.

La France est redevenue le premier pays d’accueil des investissements directs étrangers. Le mouvement d’investissement domestique s’est développé de manière tout à fait significative, ce qui a contribué à alimenter la demande intérieure, donc la croissance et la baisse du chômage, laquelle a conduit à une hausse des recettes fiscales et sociales.

M. le président Éric Coquerel. Je vous fais grâce, cher collègue, de tous les rapports qui disent l’inverse…

M. Philippe Brun. Souvenons-nous quand même de l’explosion des dividendes versés à la suite de cette réforme ! Selon l’étude de France Stratégie publiée en octobre 2021, la baisse du taux a entraîné une hausse du rendement de 9 milliards d’euros, mais le coût pour les finances publiques est de 1,8 milliard ; parallèlement, les versements de dividendes ont explosé, créant des inégalités. L’effet anti-redistributif est très clair.

Disons-le tout net : nous ne sommes pas anti-entreprises ou anti-investissements ; nous pensons simplement que, dans une société juste, bien organisée, la valeur que chacun crée lorsqu’il travaille doit être équitablement répartie. Ce n’est pas le cas lorsque le capital est aussi peu taxé par rapport au travail.

M. Mathieu Lefèvre. Nous avons vu ce que cela a donné en 2012, quand vous avez soumis les revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu : il n’y a eu aucune cession ni aucun investissement dans ce pays pendant deux ans !

Faisons un simple calcul : 45 % d’impôt sur le revenu, 8 % de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, 17 % de prélèvements sociaux, sans oublier les impôts locaux, cela fait près de 80 % d’imposition. On peut considérer qu’il n’est pas nécessaire de récompenser l’effort et l’initiative mais telle n’est pas notre position.

La commission rejette les amendements CF178 et CF258 puis l’amendement CF168.

Article 1er : Réforme du financement de l’audiovisuel public - Suppression de la contribution à l’audiovisuel public

Amendements de suppression CF2 de Mme Sophie Taillé-Polian, CF43 de M. Charles de Courson, CF72 de M. Inaki Echaniz, CF154 de Mme Ségolène Amiot et CF188 de Mme Karine Lebon.

Mme Sophie Taillé-Polian. Il s’agit de supprimer l’article 1er qui prévoit la fin de la redevance audiovisuelle car cela remettrait en cause l’indépendance et la garantie des moyens alloués à l’audiovisuel public. Cela nous semble une difficulté majeure alors que l’audiovisuel public assure des missions d’information de qualité, de production audiovisuelle et de soutien à la création qui sont très importantes.

De plus, le dispositif proposé entraînerait une perte de contrôle des parlementaires sur les recettes en faveur de l’audiovisuel public car ils ne pourraient plus voter que pour ou contre la mission budgétaire – déshabiller Radio France pour habiller France Télévisions… Les garanties proposées sur la visibilité de l’investissement public dans l’audiovisuel se limitent à l’inscription d’une trajectoire dans la loi de programmation des finances publiques. Or chacun sait qu’aucune loi de programmation des finances publiques n’a jamais été respectée.

M. Charles de Courson. Est-il acceptable de supprimer un impôt qui finance l’audiovisuel public sans aucune concertation préalable avec qui que ce soit ?

On nous dit qu’il ne tenait pas suffisamment compte des capacités contributives des redevables. Or plus de 20 % des foyers les plus modestes ne payent pas la redevance, principalement pour des motifs sociaux – âge, ressources, etc. – ce qui représente un coût de 700 millions d’euros pris en charge par l’État : l’argument social ne tient pas.

Par quoi remplace-t-on le financement supprimé ? Par des dotations budgétaires, ce qui ne permettra pas d’assurer l’autonomie du secteur audiovisuel public. Une fois que le montant sera fixé, je vous souhaite bien du plaisir pour l’amender, surtout si c’est une mission !

Le vrai problème de cet impôt, c’est son vieillissement : de plus en plus de personnes regardent la télévision sur des tablettes et n’ont pas besoin de posséder un téléviseur. Cela fait des années que nous proposons de le transformer en une contribution sur les nouvelles formes de distribution de la télévision : ce serait cela, la modernisation !

Selon l’évaluation préalable de l’article, une nouvelle imposition des particuliers s’inscrirait à rebours de la priorité du Gouvernement en faveur de la protection du pouvoir d’achat des ménages. Je ne suis pas d’accord, dès lors qu’il s’agit de substituer un nouvel impôt à un ancien. Il est donc urgent de voter la suppression de l’article 1er et de se mettre au travail pour faire des propositions de modernisation de la contribution à l’audiovisuel public (CAP).

M. Inaki Echaniz. Nous voulons supprimer l’article 1er afin de maintenir un financement autonome et pérenne de l’audiovisuel public. Le Gouvernement n’a mené aucune réflexion sur un financement alternatif ni sur l’avenir de l’audiovisuel public. Or, cette suppression remet en cause la qualité et l’indépendance du service public de l’audiovisuel. Il est mensonger de faire croire que cela représente un gain de pouvoir d’achat car cela suppose de trouver 3,1 milliards d’euros dans le budget de l’État.

L’article visé est d’autant plus dangereux qu’il ne prévoit aucune garantie : il n’assure pas contre la mise en réserve de crédits, n’empêche pas les régulations infra-annuelles et ne crée pas de commission indépendante. À l’heure où les fake news troublent les esprits et où le contexte économique restreint les budgets, nous voulons préserver un service public de l’audiovisuel fort et indépendant.

M. Michel Sala. La suppression de la redevance audiovisuelle dans la précipitation et sans aucune concertation est un véritable tour de passe-passe car elle sera compensée par le budget de l’État : ce qui est donné d’une main est repris de l’autre. Faudra-t-il prendre dans le budget de l’éducation nationale ou des hôpitaux ? C’est irresponsable.

Nous demandons une réforme du financement de l’audiovisuel public garantissant à la fois son indépendance et la pérennité de ses moyens. Plusieurs alternatives sérieuses existent ; nous exigeons un véritable débat avec tous les acteurs concernés.

M. Nicolas Sansu. Nous ne comprenons pas cette précipitation. Nous aurions pu examiner la suppression de la CAP dans le cadre la prochaine loi de finances, en assurant la concertation nécessaire avec tous les acteurs de l’audiovisuel public et en recherchant un financement pérenne garantissant son indépendance. La redevance ne correspond peut-être plus à son époque, mais ne rien prévoir à la place mettrait en danger l’audiovisuel public.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La suppression de la CAP est avant tout un gain de pouvoir d’achat, à hauteur de 3,2 milliards d’euros, pour les foyers français et pour les petites entreprises comme les restaurateurs. Ne dites pas que dix euros par mois, c’est négligeable alors que vous vous insurgiez quand nous avons réduit les APL de cinq euros. Elle est justifiée également en raison du caractère injuste de cet impôt, qui ne tient pas compte des revenus des redevables. De plus, sa base diminue avec l’utilisation de plus en plus répandue d’équipements multimédias et sa collecte est adossée à la taxe d’habitation, laquelle sera définitivement supprimée au 1er janvier 2023.

Pour garantir la visibilité des moyens de l’audiovisuel public, nous nous sommes engagés sur une inscription de leur trajectoire dans la loi de programmation des finances publiques, que nous voterons cet automne.

Ensuite, vous nous dites que rien ne garantit que ce montant ne va pas baisser. Mais aujourd’hui rien ne garantit que la CAP ne baisse pas. D’ailleurs, elle a baissé en 2019. Au contraire, avec cette nouvelle mission, nous aurons, chaque année, une discussion sur le fond dans le cadre du débat budgétaire.

Enfin, je voudrais faire un parallèle avec d’autres missions en prenant pour exemple la justice. Cette dernière voit bien ses crédits inscrits au sein d’une mission relevant du budget de l’État sans que son indépendance soit remise en cause !

M. Mathieu Lefèvre. On note que les groupes de gauche s’opposent à des suppressions d’impôts de plus de dix euros par mois. Pour nous, il s’agit de la suppression heureuse d’un impôt dont l’assiette est obsolète et qui est adossé à un impôt disparu – mais il est vrai que c’est nous qui l’avons supprimé.

Les taxes affectées ne garantissent pas l’indépendance – d’ailleurs, M. de Courson y est opposé, d’habitude. On n’est pas moins indépendant quand on est financé par des crédits budgétaires que quand on l’est par des taxes affectées ; au contraire, une taxe affectée peut diminuer dans le temps. À cinq reprises, ces dernières années, le Gouvernement est venu à la rescousse de l’audiovisuel public avec une subvention d’équilibre.

Par ailleurs, le Gouvernement s’est engagé à verser la subvention dès le mois de janvier, donc il n’y aura pas de régulation infra-annuelle, ce qui est une garantie supplémentaire qu’offre le Gouvernement.

S’agissant de l’absence de concertation, cette mesure a été largement débattue pendant la campagne présidentielle et, par là même, validée par les Français.

M. Jean-Philippe Tanguy. Nous voterons contre les amendements de suppression. Nous saluons le fait que la majorité très relative fasse appliquer la promesse de Marine Le Pen, faite en août 2021, de supprimer la redevance.

En revanche, ne pas privatiser le service public n’a pas de sens, car on reprend d’une main ce qu’on a donné de l’autre. Nous voterons donc la suppression de la redevance, même si nous aurions préféré privatiser les médias, qui peuvent se débrouiller seuls en toute liberté et indépendance.

M. David Guiraud. Je rappelle que l’on parle aussi de la vie des gens : diminuer les subventions à l’audiovisuel renforce la précarité des conditions de travail. En 2021, une expertise sur les risques psychosociaux dans les antennes de Radio France a fait état de conditions de travail illégales pour les nouveaux journalistes et dues à un manque de moyens : voilà concrètement à quoi conduit l’asphyxie de l’audiovisuel.

Par ailleurs nous avons besoin d’un audiovisuel public car c’est son caractère public qui permet de conserver un contrôle sur la manière de traiter les sujets. Certaines chaînes d’information continue privées, sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle, font la promotion permanente de certains candidats : cela fait bien courir un risque démocratique.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le groupe Les Républicains n’est pas opposé à la suppression de la redevance. Celle-ci soulève toutefois le problème majeur du financement de l’audiovisuel public. L’indépendance suppose une autonomie financière ; or un financement par l’État ne garantit pas l’indépendance des médias français.

Mme Perrine Goulet. La suppression de la CAP était une promesse du candidat Macron : c’est un impôt injuste, payé par tous indépendamment de leurs revenus. Par ailleurs, certains organismes disposent également de moyens fournis par le budget de l’État sans que cela nuise à leur indépendance. Du reste, le budget de l’État complète déjà la redevance audiovisuelle. Il ne faut donc pas avoir peur : le budget sera abondé, comme cela se pratique depuis des années.

M. Philippe Brun. En cinq ans, il y a eu 50 milliards d’euros de baisses d’impôt, financées par de la dette : suppression de la taxe d’habitation – 25 milliards non financés – prélèvement forfaire unique – 1,8 milliard – et j’en passe… La suppression de la redevance sera financée par de la dette. Notre collègue Tanguy a le mérite de la cohérence puisque lui, au moins, propose de privatiser l’audiovisuel public : là, la suppression de recettes est financée par une économie. Il faut mettre fin à cet engrenage qui dégrade profondément les finances publiques.

Mme Lise Magnier. Nous soutenons la suppression de cet impôt injuste qu’est la redevance audiovisuelle. Le budget général de l’État participe déjà au financement de l’audiovisuel public. Nous allons de plus examiner un amendement du rapporteur général visant à permettre aux parlementaires d’inscrire chaque année dans le budget le montant du financement de l’audiovisuel public.

Mme Sophie Taillé-Polian. La question n’est pas de savoir si cet impôt est juste mais si nous souhaitons garantir à l’audiovisuel public une taxe affectée qui assure son indépendance. Vous proposez une perte sèche de la taxe affectée, qui sera compensée ou pas, dans la durée ou pas. L’expérience nous a montré que ce n’est jamais le cas : la suppression de la taxe d’habitation n’est pas compensée, pas plus que la suppression des recettes générées par la publicité dans l’audiovisuel public, voulue par M. Sarkozy, qui n’a été compensée que pendant deux ans.

Nous avons des solutions alternatives pour remplacer cet impôt injuste ; mais ce ne serait pas la première fois que vous refusez de telles propositions.

M. Charles de Courson. Le Président de la République avait certes inscrit la suppression de la redevance dans son programme, mais ce n’est pas lui qui vote les impôts : ce sont les parlementaires. Ceux qui ont défendu cette proposition n’ont réuni que 25 % des voix aux élections législatives : n’utilisez donc pas cet argument, qui ne tient absolument pas politiquement.

À ceux qui disent que cet impôt n’est pas juste, je tiens à rappeler que l’État a compensé 700 millions d’euros pour les près de 5 millions de familles qui ne le payent pas, principalement en raison de leurs revenus. Par ailleurs, il est juste de payer un service rendu. Je suis contre les affectations d’impôts qui n’ont rien à voir avec ce à quoi ils sont affectés, mais ce n’est pas le cas en la matière : il faut avoir un téléviseur pour payer la redevance, quel que soit le niveau de revenus – le prix du pain ne change pas en fonction de vos revenus, que je sache ! Tous ces arguments ne tiennent pas.

La commission rejette les amendements de suppression CF2, CF43, CF72, CF154 et CF188.

M. Jean-Philippe Tanguy. Notre amendement CF230 à l’article 1er a été déclaré irrecevable au motif qu’il créerait une charge. Or il s’agissait de privatiser France Télévisions, ce qui rapporte de l’argent ; d’ici là, nous ne faisions que maintenir les crédits déjà prévus. Je ne comprends donc pas cette décision.

M. le président Éric Coquerel. Votre amendement comportait deux parties. La première, sur la privatisation, ne posait pas de problème de recevabilité. En revanche, la deuxième partie prévoyait un remboursement des subventions perçues par les sociétés de l’audiovisuel public, lesquelles entrent dans le champ de l’article 40. Un tel remboursement constituerait donc une charge pour elles. Je vous invite à voir avec les administrateurs une autre rédaction en vue de la séance.

Amendement CF155 de Mme Sarah Legrain.

M. Michel Sala. Il vise à proposer une alternative à la suppression pure et simple de la redevance audiovisuelle, à savoir une contribution progressive en fonction des revenus, telle que proposée par Julia Cagé. Celle-ci est appliquée en Norvège, où les montants payés par les ménages les plus modestes ont fortement diminué ; comme cela est compensé par une augmentation des montants payés par les plus aisés, les ressources allouées à l’audiovisuel public sont maintenues.

Le redevable de cette nouvelle taxe serait le foyer au sens fiscal du terme et non plus le foyer au sens de la taxe d’habitation. Il est donc possible de réformer la redevance audiovisuelle pour la rendre plus juste, permettre un gain de pouvoir d’achat à ceux qui en ont besoin et garantir un financement pérenne et indépendant à l’audiovisuel public.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF155.

Successivement, suivant les avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF59 de Mme Emmanuelle Anthoine et adopte l’amendement de précision CF270 du rapporteur général (amendement 169) et l’amendement rédactionnel CF61 de Mme Emmanuelle Anthoine (amendement 170).

Elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement CF177 Mme Karine Lebon.

M. Nicolas Sansu. Il vise à instaurer une taxation exceptionnelle des dividendes de 10 % pour l’année 2021.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF177.

La réunion est suspendue de vingt-trois heures vingt-cinq à vingt-trois heures trente-cinq.

Amendement CF51 de Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Il vise à remplacer la redevance audiovisuelle, obsolète, par un impôt progressif. Il est nécessaire d’augmenter les moyens alloués à l’audiovisuel public afin de soutenir l’industrie culturelle et le spectacle vivant, ainsi que pour lutter contre les déserts médiatiques. L’objectif est donc d’augmenter la contribution des Français, mais de manière mieux répartie, en baissant celle des ménages les plus modestes.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. En aucune manière nous n’avons la volonté de remettre en cause le service public audiovisuel ou son bien-fondé. Je viens d’un département rural et je sais l’importance de la culture et de ces chaînes de télévision en particulier. Nous voulons redonner du pouvoir d’achat aux Français, non remettre en cause l’audiovisuel public ou son financement. Nous intégrerons celui-ci dans la loi de programmation des finances publiques, nous créerons une mission spécifique et nous en débattrons au Parlement : vos craintes ne sont donc assises sur aucune réalité.

Avis défavorable à votre amendement car le dispositif proposé viendrait s’ajouter à celui créé par l’article 1er et reviendrait à porter à 6 milliards d’euros les moyens en faveur de l’audiovisuel public, soit un doublement du financement : cela ne tient pas la route.

De plus, il est contraire à l’article 3 de la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques qui prévoit que, à compter du projet de loi de finances pour 2025, l’affectation d’impositions à des tiers ne peut être maintenue que si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. Or l’impôt sur le revenu n’a pas de lien avec l’audiovisuel public.

M. Mathieu Lefèvre. Notre philosophie n’est pas de rendre un impôt plus progressif ni de doubler les revenus de l’audiovisuel public : c'est de supprimer un impôt et de redonner du pouvoir d’achat aux Français. Nous ne partageons donc pas votre philosophie, même si nous pouvons nous rejoindre sur l’objectif.

L’indépendance de l’audiovisuel public n’est pas corrélée aux crédits budgétaires. Ce n’est pas parce que nous aurons des crédits budgétaires que l’audiovisuel public ne sera pas indépendant. Il y a dans ce beau département du Val-de-Marne que nous connaissons bien l’Institut national de l’audiovisuel et le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui permettra de garantir les ressources de cet Institut. Nous verrons lors de la loi de finances initiale pour 2023 comment les garantir de façon pluriannuelle.

Mme Sophie Taillé-Polian. J’aimerais beaucoup croire en votre volonté de maintenir les moyens de l’audiovisuel public. Ces cinq dernières années, ils n’ont fait que baisser.

La commission rejette l’amendement CF51.

Amendement CF180 de Mme Karine Lebon.

M. Nicolas Sansu. Il vise à taxer les entreprises là où la richesse est produite, en déterminant les bénéfices imposables comme la part du chiffre d’affaires réalisée en France dans le total du chiffre d’affaires du groupe, rapportée à ses bénéfices d’ensemble.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le dispositif se heurte aux conventions fiscales internationales, qui répartissent entre pays le droit d’imposer et l’assiette imposable, selon des modalités qui ne sont pas celles que vous prévoyez. Les conventions étant supérieures à la loi, voter cette disposition n’aurait aucun effet pratique puisqu’elle ne pourrait pas être appliquée.

M. Nicolas Sansu. Nous en débattrons en séance.

La commission rejette l’amendement CF180.

Amendement CF231 de M. Jean-Philippe Tanguy.

M. Jean-Philippe Tanguy. L’amendement vise à trouver de nouvelles recettes et rétablir un certain ordre économique et fiscal. Il s'agit de taxer à hauteur de 50 % les surprofits réalisés par les très grandes entreprises au troisième et quatrième trimestres de l’année 2021, par rapport à 2019. On rétablira par là un semblant d’équilibre, après l’aide dont ces entreprises ont bénéficié lors de la crise sanitaire et les effets de marché dont elles profitent depuis l’automne 2021.

Si les forces de gauche veulent modifier les recettes de l’État dans ce projet de loi de finances rectificative, il faudra travailler à une solution commune puisque, comme nous, elles ne pourront y parvenir seules.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous avons longuement discuté du bénéfice, pour les entreprises et l’économie, de baisser l’impôt sur les sociétés lorsque celui-ci a été ramené à 25 %. Nous avons recréé un climat de confiance pour l’investissement dans notre pays, dont bénéficient nos entreprises et les salariés. Pour cela, la constance est nécessaire : il ne faut pas modifier la fiscalité d’une année sur l’autre.

Le critère du chiffre d’affaires ne semble pas satisfaisant car il peut aller de pair avec des marges faibles. A contrario, le chiffre d’affaires d’entreprises à très forte valeur ajoutée peut être moins élevé.

L’amendement est en outre inopérant car la période de référence semestrielle ne recouvre pas nécessairement les dates de clôture des exercices.

Enfin, il est économiquement dangereux car il frappe toutes les entreprises qui ont vu leurs profits augmenter, et sanctionne la reprise économique à un moment où nous avons besoin que ces entreprises investissent.

L’amendement mériterait donc d’être retravaillé en vue de la séance.

Mme Christine Pires Beaune. Je partage votre objectif mais l’amendement CF249, qui prévoit une taxation exceptionnelle de 25 % sur les superprofits, semble préférable. Il s'agit de mettre à contribution les sociétés qui ont réalisé des surprofits du fait de la crise sanitaire et de la guerre, sans inventer quoi que ce soit.

Mme Véronique Louwagie. Nous ne voterons pas l’amendement CF231 qui ne cible pas bien les entreprises concernées. Une mission parlementaire d’information qui permettrait d’identifier les entreprises qui ont profité de la spéculation serait souhaitable.

La commission rejette l’amendement CF231.

Amendements CF167 de M. Michel Sala, CF187 de Mme Karine Lebon et CF239 de Mme Christine Pires Beaune (discussion commune).

M. Michel Sala. L’amendement CF167 vise à rétablir et renforcer l’ISF. Selon le deuxième rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital de France Stratégie, sa suppression n’entraîne aucune contrepartie positive en matière de créations d’emploi ou d’investissement. Aucune des études empiriques publiées à ce jour n’est parvenue à mettre en évidence qu’une réforme portant sur la fiscalité des ménages en matière de revenus du capital a eu un impact significatif sur l’investissement des entreprises. Les seuls effets ont été un accroissement du niveau d’inégalité et un affaiblissement du budget de l’État. L’Institut des politiques publiques souligne également l’absence de rentrées fiscales occasionnées par le retour d’exilés fiscaux, contrairement à ce qu’avait annoncé le Gouvernement.

Par ailleurs, l’économiste Christian Chavagneux indique que le patrimoine des 500 plus grandes fortunes a quasiment doublé depuis 2017, soit près de 500 milliards d’augmentation. Si l’ISF avait été maintenu dans sa version antérieure à sa suppression, il n’aurait rapporté que 12 milliards sur la même période. Cela aurait été insuffisant pour corriger cette accumulation excessive. Il convient donc de renforcer la progressivité de l’ISF, pour en faire un impôt plus juste.

L’amendement CF167 reprend un barème plus progressif, soutenu par la fondation Copernic. Les recettes attendues pourraient facilement atteindre 10 milliards d’euros.

M. Nicolas Sansu. Nous approfondirons ce sujet lors du débat dans l’hémicycle, le seul qui compte vraiment.

M. Philippe Brun. La suppression de l’ISF, adoptée en 2017, a coûté 4,5 milliards d’euros et a été très peu efficace puisque les exilés fiscaux ne sont pas revenus.

Nous avons besoin d’une imposition du capital : c'est un gage d’égalité et de rentrées fiscales. On peut estimer que le rendement de 5 milliards est suffisant pour maintenir ou du moins rétablir l’ISF.

Jean Jaurès disait que la fiscalité sur le capital est la formule fiscale de la démocratie républicaine. Nous nous honorons en rétablissant en France une vraie fiscalité sur le capital.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. En supprimant la taxation du stock du patrimoine mobilier en 2017, nous avons mis fin à une anomalie française, qui fragilisait notre économie dans la durée. L’investissement est un choix qui engage sur une période souvent longue, et la stabilité fiscale est capitale.

Les derniers travaux du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital ont montré que la suppression de l’ISF, conjointement à l’instauration du prélèvement forfaitaire unique, a permis de rapprocher la fiscalité du capital en France des standards internationaux. Les réformes de 2018 ont eu un effet positif sur la mobilité fiscale, avec une diminution des départs et un doublement des retours, même s’ils ne concernent que quelques centaines de mouvements.

Enfin, la normalisation de la fiscalité appliquée à la détention du patrimoine s’est inscrite dans une politique d’ensemble, illustrée au premier chef par la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, pour inciter l’argent de la finance à irriguer l’économie réelle et soutenir l’investissement productif et le développement de l’économie.

Il faut aller plus loin, notamment pour accroître le partage de la valeur au sein des entreprises, en soutenant l’actionnariat salarié, la participation et l’intéressement.

La commission rejette successivement les amendements CF167, CF187 et CF239.

Amendements identiques CF152 de Mme Marianne Maximi et CF249 de Mme Christine Pires Beaune et amendement CF41 de M. Nicolas Thierry (discussion commune).

M. David Guiraud. Au-delà de nos divergences et de nos débats, certains sujets d’intérêt général peuvent nous réunir. Nous avons tous en commun de détester les profiteurs de crise.

En septembre 2021, Michel-Édouard Leclerc affirmait que le prix d’un container traversant l’océan Pacifique était passé de 2 000 à 18 000 euros. L’amendement CF152 instaure une taxe visant les producteurs de gaz, de pétrole et les sociétés de transport maritime de marchandises. Tandis que nous discutons de la dépréciation des salaires au regard de l’inflation, les bénéfices des profiteurs de crise explosent : Total a dégagé quatorze milliards d’euros de profits en 2021 et CMA CGM, le leader mondial du fret maritime, dix-sept milliards. Pour Total, ces bénéfices sont la conséquence directe des prix exorbitants du carburant à la pompe. Dans ce contexte, le groupe ne propose qu’une ristourne minime sur quelques aires d’autoroutes pendant que son PDG augmente son salaire de 52 %. De même, CGA CGM a annoncé une petite baisse de ses tarifs, qui se répercutent dans le prix des produits en rayon.

Allons-nous laisser cela perdurer ? J’espère que l’amendement CF152 sera adopté : il s’agit de personnes qui profitent de la crise et s’engraissent sur le dos des Français.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement CF249 a pour objet une taxe exceptionnelle sur une période bornée : 2022 et 2023. Elle cible les entreprises gazières, pétrolières, de transport maritime et les sociétés concessionnaires d’autoroutes, lesquelles, malgré la guerre en Ukraine et la pandémie, ont engrangé des bénéfices exceptionnels. Sur le seul premier trimestre 2022, Total a réalisé cinq milliards de bénéfices, en ayant provisionné dans ses comptes environ quatre milliards pour la dépréciation de ses actifs en Russie.

M. Nicolas Thierry. Dans un contexte d’explosion des prix de l’énergie et de l’alimentation, y compris des produits d’hygiène, ce qui place en grande difficulté une partie croissante de nos concitoyens, il faudra trouver des moyens pour dégager de nouvelles recettes, notamment pour que les ménages les plus modestes en bénéficient.

L’amendement CF41 instaure en 2022 une contribution exceptionnelle de 25 % sur le résultat imposable des grandes compagnies du secteur énergétique, qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à un milliard d’euros. Il ne cible que les multinationales dont le modèle économique ne serait pas déstabilisé par la contribution La flambée des prix de l’énergie nous place sous pression alors que ces entreprises enregistrent des bénéfices stratosphériques, uniquement en raison du retour de la guerre sur notre continent. L’initiative, encouragée par la Commission européenne et l’Agence internationale de l’énergie, est déjà en vigueur au Royaume-Uni et en Italie. Il est légitime de demander à ces grands groupes énergétiques de participer pleinement à l’effort de solidarité.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. De nombreuses entreprises réalisent des profits très élevés. La question de leur contribution au pouvoir d’achat des Français se pose. Il sera utile d’en débattre sereinement dans l’hémicycle.

Ces amendements présentent toutefois quelques faiblesses. D’abord, ils mélangent des secteurs qui n’ont rien à voir entre eux : contrairement aux entreprises du secteur énergétique, les autoroutes ne semblent pas avoir bénéficié directement de la guerre en Ukraine. Il y a par ailleurs un fort risque de contentieux puisque l’article 32 du protocole signé entre les sociétés concessionnaires d’autoroute et l’État prévoit l’isofiscalité. La disposition pourrait ainsi être annulée parce qu’elle inclut le secteur des autoroutes.

Le groupe Total réalise la majorité de ses bénéfices hors de France, sur son activité de production et sur la revalorisation de ses stocks, en fonction de l’évolution du baril du pétrole. En France, l’activité de recherche et développement, les frais de siège et les raffineries diminuent le résultat. L’intérêt de la surtaxe serait donc moindre que ce que l’on peut imaginer.

La comparaison avec les autres pays européens ne va pas de soi. Le Royaume-Uni dispose d’une activité de production, notamment de gaz, en mer du Nord. Ces entreprises ont vu la valeur de leur stock augmenter avec la hausse des prix de l’énergie, ce qui n’est pas le cas de Total en France.

Enfin, EDF est déjà lourdement mise à contribution : la hausse des volumes d’électricité vendus au prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique à ses concurrents, décidée dans le cadre du bouclier tarifaire, lui coûte 10,2 milliards d’euros de marge d’exploitation en 2022.

Si on taxe davantage Total, et qu’il répercute la contribution sur le prix à la pompe, on n’aura pas apporté de gain de pouvoir d’achat à nos concitoyens. Comme le ministre chargé de l’économie Bruno Le Maire nous y invite, il faut mettre une pression forte sur ces entreprises pour qu’elles diminuent les prix de leurs produits.

Enfin, la tentation de taxer toujours plus les bénéfices, qui sont un moteur de l’investissement, notamment en matière d’énergies renouvelables, m’inspire quelques réserves.

M. le président Éric Coquerel. Si vous taxez Total et que vous bloquez les prix, il n’y aura pas de souci !

M. Mathieu Lefèvre. Le groupe Renaissance s’opposera à toute hausse d’impôt ou création de taxe, notamment si elles touchent les entreprises, car nous ne voulons pas pénaliser leur compétitivité et l’emploi dans notre pays. Lors du précédent quinquennat, nous avons baissé les prélèvements obligatoires sur les entreprises de 26 milliards d’euros. Les résultats obtenus en matière de compétitivité, d’emploi et de taux de chômage sont considérables. Nous n’entendons pas en dévier.

Nous irons même plus loin à l’automne, en supprimant pour 7 milliards d’euros de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, avant que les entreprises ne réalisent des bénéfices.

Cela étant, on ne peut pas négliger l’existence de surperprofits ou les questions liées au partage de la valeur. Certaines entreprises se sont objectivement enrichies, parfois sur le dos de leurs salariés. Mais nous ne voulons pas d’un outil visant à augmenter les impôts pour contraindre les entreprises : il serait inefficace. Faisons confiance aux entreprises ! Si elles n’ont pas redistribué la valeur d’ici six à huit mois, nous en rediscuterons.

M. Jean-Philippe Tanguy. J’ai entendu l’appel de ma collègue à dépasser les clivages et voter des amendements de bon sens. En l’espèce, monsieur le rapporteur général, la liste des entreprises ciblées me semble plutôt très succincte. Certaines, telles les banques ou la grande distribution, ont enregistré des profits illégitimes – les propos sensés de M. Leclerc peuvent cacher les autres avantages de son secteur. Le CAC 40 a enregistré 160 milliards d’euros de bénéfices en 2021, alors que le précédent record s’établissait à 60 milliards !

Il y a bien là un désordre, et le rôle de l’État est de rétablir l’ordre économique. En 2022, ces surprofits seront surréalistes. Les Français ne comprennent pas ce qui se passe dans le pays, lorsqu’ils comparent ces profits records à leur situation.

Nous voterons donc les amendements, même si j’invite leurs auteurs à les retravailler pour inclure l’ensemble des entreprises qui ont réalisé des surprofits.

Mme Marie-Christine Dalloz. Des recettes supplémentaires d’impôt sur les sociétés de 10 milliards d’euros ont été perçues sur l’acompte d’avril 2022 : cela signifie bien que les recettes des entreprises ont augmenté.

Le sujet pose un cas de conscience. Que les amendements fassent uniquement référence au chiffre d'affaires, à l’impôt ou au résultat comptable me semble limité. Il faut identifier tant les superprofits que les spéculateurs. Le prix du baril, aujourd'hui et il y a dix ans, comme le prix à la pompe sont des réalités qu’il faut prendre en considération. Je souhaite moi aussi que la commission des finances lance une mission flash pour détecter l’existence de superspéculation, qui méritera d’être prise en considération dans le cadre du budget primitif pour 2023.

Mme Alma Dufour. Devant de tels chiffres, il est heureux que vous reconnaissiez qu’il y a un problème ! Vous nous reprochez d’être anti-entreprises. Nous ne cherchons pas seulement à protéger le pouvoir d’achat des Français : ce que nous voulons, c'est protéger toutes les autres entreprises qui sont victimes de la spéculation de certains secteurs.

Il est inquiétant que vous n’apportiez aucune réponse à ces questions. Vous avez refusé le blocage des prix, qui visait à limiter ces effets, par exemple la non-répercussion par Total d’une éventuelle taxe sur les prix de l’essence. Vous avez refusé notre amendement d’appel sur le changement de calcul de l’impôt, qui permettait d’imposer la vente de produits pétroliers en France. Vous vous plaignez du coût exorbitant pour les finances publiques de vos coups de pouce. Nous vous disons qu’ils n’ont aucun effet sur les Français, mais vous niez la réalité, vous niez les chiffres de l’INSEE. M. Bruno Le Maire a vu un enjeu dans la superspéculation et a dit que les entreprises seraient sanctionnées. Mais vous n’apportez aucune proposition concrète, vous ne faites que vous plaindre !

C'est pourquoi nous maintenons nos amendements, qui posent de vraies questions. Nous ne nous contenterons pas d’un report en séance ou d’une éventuelle commission d’enquête.

La commission rejette les amendements identiques CF152 et CF249 puis l’amendement CF41.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mardi 12 juillet 2022 à 21 heures

 

Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, Mme Émilie Bonnivard, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Alma Dufour, Mme Sophie Errante, Mme Marina Ferrari, Mme Félicie Gérard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, Mme Nadia Hai, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, Mme Constance Le Grip, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Louis Margueritte, M. Denis Masséglia, M. Bryan Masson, M. Jean-Paul Mattei, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, M. Jimmy Pahun, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Alexandre Sabatou, M. Michel Sala, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy

Excusés. - M. Christian Baptiste, Mme Karine Lebon, M. Franck Riester