Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

–  Audition de Mme Mireille Riou-Canals, présidente de section à la troisième chambre de la Cour des comptes, sur l’enquête demandée, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, relative à l’Agence nationale du sport et à la nouvelle gouvernance du sport.              2

  informations relatives à la commission...............17

  présences en réunion...........................18

 


Mercredi
21 septembre 2022

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 16

session de 2021-2022

 

 

Présidence de

 

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La commission entend Mme Mireille Riou-Canals, présidente de section à la troisième chambre de la Cour des comptes, sur l’enquête demandée, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, relative à l’Agence nationale du sport et à la nouvelle gouvernance du sport.

M. le président Éric Coquerel. Nous sommes conduits à examiner ce matin une enquête que la Cour des comptes a effectuée à la demande de notre commission qui l’en avait saisie en juin 2021.

Je relève le fait que le rapport a été évoqué dans la presse dès lundi après-midi, et même diffusé avant que nous en discutions en commission. Nous devons avoir tous conscience collectivement que la procédure dans laquelle s’inscrit notre travail est une procédure d’autorisation de publication par la commission d’un rapport élaboré par la Cour des comptes. Il est naturel que les commissaires puissent prendre connaissance de ce rapport en amont de la discussion en commission. Toutefois, c’est uniquement après cette discussion que le rapport doit être diffusé à la presse. Pour autant, je tiens à rappeler que rien ne prouve que les commissaires soient responsables de cette fuite. Qu’ils n’y voient aucune accusation personnelle.

Le rapport que nous examinons ce matin concerne l’Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport, thème d’étude qui concerne tout particulièrement notre rapporteur spécial, Monsieur Benjamin Dirx, qui a suivi la préparation de ce travail dès la précédente législature.

Je remercie Mme Mireille Riou-Canals, présidente de section, et M. Dominique Lefebvre, rapporteur, qui viennent nous présenter les travaux de la troisième chambre de la Cour des comptes.

Mme Mireille Riou-Canals. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur spécial, mesdames et messieurs les députés, la demande de la commission des finances est intervenue alors que la Cour des comptes avait déjà engagé deux contrôles : l’un sur le Centre national pour le développement du sport (CNDS) et la nouvelle Agence nationale du sport (ANS), et le second sur la Direction des sports avec un focus sur les aides de l’État en faveur du sport pendant la crise sanitaire, qui a donné lieu à un chapitre de notre rapport annuel 2022. En 2016, la Cour des comptes s’était déjà penchée sur la politique de l’État en faveur du sport et la gouvernance du sport, avec un rapport intitulé « Sport pour tous et sport de haut niveau, pour une réorientation de l’action de l’État », qui avait également donné lieu à une insertion dans notre rapport annuel 2018 portant notamment sur les relations entre l’État et les fédérations sportives.

L’ANS a moins de deux ans de fonctionnement réel. C’est la loi du 1er août 2019 qui a régularisé la création du groupement d’intérêt public (GIP). L’année 2019 a été une année de transition, la réforme ayant été réellement mise en œuvre à partir de 2020 en raison de la crise sanitaire. La Cour des comptes dispose donc d’un faible recul sur cette réforme, dont les effets ne pourront être mesurés que sur la durée, en particulier s’agissant de la politique du sport de haut niveau et de la haute performance.

Après trois ans de fonctionnement, les choix politiques, juridiques et financiers qui ont présidé à la création de l’ANS, les conditions de sa mise en place au plan national comme au plan régional, appellent des questionnements et des recommandations aux fins de permettre à cette ambitieuse réforme d’atteindre ses objectifs.

La politique du sport, qui présente toutes les caractéristiques d’une mission de service public fondée sur la notion d’intérêt général, relève de la compétence générale de l’État. Cette compétence est toutefois partagée et la pluralité des acteurs de la gouvernance du sport est une donnée ancienne, inscrite dans le droit depuis les lois de 1975 et 1984. En outre, les compétences en matière de sport (compétences non obligatoires pour les collectivités locales) sont partagées entre les collectivités elles-mêmes : communes, départements, régions et collectivités à statut particulier. La question récurrente d’un cadre coordonné de la politique du sport a toujours peiné à trouver une réponse durable, malgré de multiples initiatives ces dernières années.

S’agissant de la commande, la Cour des comptes devait notamment s’attacher à examiner plusieurs aspects : les apports et les limites de l’ANS qui est un opérateur de l’État ; l’articulation entre le sport de haut niveau et le sport pour tous au sein de l’Agence ; les conséquences de la création d’une Agence sous la tutelle du ministère des sports et le rôle de la Direction des sports ; les ressources de l’Agence et notamment les taxes qui lui sont affectées ; l’évolution des rapports avec les fédérations sportives.

Je propose de résumer très brièvement les principales conclusions du rapport, avant d’y revenir en détail.

L’ANS est un GIP, financé quasi exclusivement par l’État et un opérateur de l’État chargé de l’exécution d’une mission de service public. Elle est donc soumise à une tutelle stratégique effective de l’État. La réorganisation engagée de la Direction des sports doit être menée à son terme et les clarifications nécessaires sur le plan politique comme sur le plan des compétences et des missions doivent être opérées rapidement.

L’effort budgétaire réalisé à l’approche des Jeux olympiques (JO) de Paris 2024 est incontestable, mais l’essentiel de l’augmentation des moyens de l’ANS relève de mesures non pérennes liées à la crise sanitaire et au plan de relance. Dès 2023, ses ressources devraient diminuer du fait de l’extinction de certaines mesures de soutien. Par ailleurs, l’ANS ne dispose pas d’une trajectoire pluriannuelle de ses ressources lui permettant de mieux inscrire son action dans la durée, contrairement à ce que prévoyait la loi.

La politique du haut niveau et de la haute performance repose sur des choix clairs et cohérents et doit être confortée. L’articulation avec la Direction des sports et les opérateurs reste à clarifier.

Enfin, la politique de développement des pratiques sportives pour tous, les relations entre l’État, l’ANS, les fédérations sportives et toute la gouvernance territoriale du sport, restent des défis à relever. Des clarifications sont à opérer rapidement pour une meilleure coordination des actions conduites par les différents acteurs et une plus grande efficience des politiques mises en œuvre.

Le rapport traite ces questions en quatre chapitres. L’ambition de la réforme d’instaurer une gouvernance partagée à responsabilité répartie de la politique du sport a justifié de créer un GIP. Ce GIP n’a en réalité pas de contenu financier opérationnel. La création de l’ANS n’a entraîné, à ce stade, ni mutualisation des moyens ni coordination des politiques publiques en faveur du sport. L’articulation entre le secteur public et le secteur privé est restée au niveau de l’intention. La gouvernance à responsabilité répartie a bien conduit à une gouvernance partagée, celle des crédits de l’État. À ce jour, elle n’a pas permis une clarification des compétences ni une répartition systématique des responsabilités entre tous ces acteurs.

La convention d’objectifs et de moyens (COM) entre l’État et l’ANS, signée tardivement en mai 2021, n’a été adoptée par le conseil d’administration qu’en décembre 2021. Elle couvre de façon large les missions de l’ANS. La multiplication des objectifs et leur absence de hiérarchisation, le caractère davantage quantitatif que qualitatif des indicateurs de résultat, ne permettent pas une évaluation correcte de l’efficience de l’ANS. Cette COM mériterait d’être revue et précisée afin de couvrir l’ensemble des missions, d’en permettre un suivi et une évaluation plus conséquents pour faciliter l’exercice de la tutelle de l’État sur son opérateur.

Le recentrage de la Direction des sports sur des missions régaliennes et sur des fonctions de pilotage stratégique de coordination et d’observation apparaît cohérent avec le choix de confier à un opérateur l’exécution de la politique publique. Sa mise en œuvre présente toutefois de nombreuses difficultés : difficultés à exercer ses nouvelles missions ; équilibre et clarté des missions respectives de la Direction des sports et de l’ANS, à la fois sur le plan opérationnel et le plan stratégique et politique. Se pose la question de la légitimité de ces deux entités qui sont à la fois partenaires et concurrentes. La Cour des comptes appelle de ses vœux l’établissement au plus tôt d’une cartographie précise des compétences et de protocoles de travail opérationnels entre la Direction des sports et l’ANS.

La Cour des comptes formule les recommandations suivantes : hiérarchiser et prioriser les objectifs fixés à l’ANS ; instaurer de nouveaux indicateurs permettant une évaluation qualitative de son action et actualiser en conséquence la COM ; réaffirmer la tutelle stratégique de la Direction des sports sur l’ANS. L’ANS tire ses ressources quasi exclusivement d’une dotation budgétaire de l’État et de trois taxes affectées, dont le produit est plafonné bien en deçà de leur rendement effectif. Elle a bénéficié, depuis sa création, d’une progression substantielle de ses moyens : 461 millions d’euros en 2022, bien au-delà de l’objectif de 400 millions d’euros affiché lors de sa création. Cette progression résulte pour l’essentiel de ressources non reconductibles, dans le cadre du plan de relance et de la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, l’ANS étant devenu de facto le seul opérateur à même de les mettre en œuvre. Le budget structurel de l’ANS s’établit à 307 millions d’euros. Rien ne permet de penser que la diversification des ressources pourrait être dynamisée pour des montants significatifs, malgré les efforts de l’ANS en ce sens.

Pour la bonne compréhension des budgets, une évolution de la présentation distinguant les mesures structurelles et les mesures non pérennes paraît indispensable. De même, il paraît souhaitable de clarifier la trajectoire pluriannuelle du budget de l’ANS, au plus tard après le bilan de la mise en œuvre de la réforme, prévue en 2025.

Rien ne justifie la dualité de financement entre dotation budgétaire du programme 219 d’une part et produits des taxes affectées, régulées dans leur évolution, d’autre part. Aussi, il convient de se questionner sur l’éventualité d’une budgétisation complète du financement de l’ANS.

L’effort budgétaire global de l’État en faveur du sport a été fortement augmenté dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Le programme 219 atteint 1,1 milliard d’euros en 2022. Hors programme 350 et mesures non pérennes, sa progression est moindre et s’établit à 740 millions d’euros, grâce à la création du Pass’sport. L’effort réel de l’État ne peut être totalement appréhendé en raison du rôle de dispositifs tels que la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). Un premier recensement de la Cour conduit à une enveloppe minimale estimée à près de 160 millions d’euros. Rien ne distingue ces subventions, dans leur nature, de celles attribuées par l’ANS. Il conviendrait d’engager un recensement exhaustif des dispositifs des programmes budgétaires de l’État qui financent les politiques sportives afin de les mettre en cohérence.

Dès lors, la Cour des comptes formule deux recommandations : clarifier le budget de l’ANS en distinguant les financements et dépenses pérennes et non pérennes et adopter, comme le prévoit la loi, une trajectoire pluriannuelle indicative d’évolution de ses ressources ; recenser l’ensemble des crédits budgétaires et mettre en cohérence les dispositifs de subvention de l’État. L’ANS a adopté une stratégie et un plan d’action, « Ambition bleue », qui reposent sur des choix clairs et cohérents. L’efficience de cette politique relève d’une allocation des moyens plus pertinente et d’une nouvelle culture de la performance, appuyée sur des évaluations régulières, ainsi que de la volonté de passer d’une obligation de moyens à une obligation de performance.

Le pôle « Haute Performance » s’est mis en place relativement rapidement et son organisation apparaît comme la mieux structurée et la plus avancée des missions de l’Agence. L’augmentation structurelle, modérée mais significative, de ses moyens financiers et le renforcement récent de ses moyens humains doivent permettre au manager général de la haute performance de conduire ses missions, sous réserve d’assouplir le recrutement des compétences nécessaires à l’expertise de ce pôle.

La réforme de la politique du haut niveau n’a pas été conduite à son terme. La Direction des sports exerce toujours des missions régaliennes et opérationnelles qui supposent une clarification et une articulation renforcée des missions et responsabilités respectives des deux entités. Il en va de même des relations avec les autres opérateurs de l’État chargés de la mise en œuvre de la stratégie nationale impulsée par l’ANS.

Enfin, il serait peu judicieux de juger l’action de l’ANS sur le haut niveau et la haute performance uniquement sur un objectif de classement ou de doublement des médailles lors des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Il importe de donner à cette nouvelle politique tous les moyens de réussir dans la durée.

À cet effet, la Cour des comptes formule trois recommandations : clarifier les missions respectives de l’ANS et de la Direction des sports en matière de haut niveau ; assurer l’articulation et la cohérence de l’allocation des emplois et des crédits affectés au haut niveau, associer le manager général de la haute performance aux nominations des agents affectés au haut niveau et assurer la traçabilité des décisions prises, notamment pour la nomination des directeurs de la performance et des entraîneurs nationaux ; s’assurer du pilotage et de la mise en œuvre de la stratégie nationale de haute performance et de haut niveau par les opérateurs de l’État par le biais de conventions d’objectifs avec l’ANS et revoir la convention d’objectifs et de performance de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP) et celles des Centres de ressources d’expertise et de performance sportive (CREPS) en conséquence.

Le développement des pratiques sportives pour tous est la politique pour laquelle l’ambition d’une gouvernance partagée à responsabilité répartie apparaît la plus nécessaire. L’Agence a donc vu ses moyens augmenter considérablement en 2021 et 2022, pour octroyer des aides au fonctionnement des fédérations sportives et surtout des aides à l’investissement. Le volume de ces aides est inférieur de moitié aux autres dispositifs comme la DSIL et la DETR. Il convient de procéder à une évaluation exhaustive de l’effort substantiel de l’État en faveur de la rénovation et de la construction des équipements sportifs structurants et de proximité. Il s’agit également d’examiner leur complémentarité et les conditions de leur cumul éventuel et, le cas échéant, d’en modifier les règles, grâce à une procédure de coordination propre à l’État. Ces actions sont le préalable à toute évaluation de l’effet réel des subventions de l’État.

S’agissant des aides aux fédérations et aux clubs, la réforme engagée a conduit à une rénovation des cadres contractuels, dans le but d’en assurer une véritable évaluation à laquelle serait soumise leur reconduction. Ces cadres sont nombreux et gérés par différentes entités. La Direction des sports et l’ANS doivent disposer des moyens humains et d’expertise pour conduire la démarche de pilotage par la performance. Cela suppose une coordination étroite tant dans l’allocation des moyens humains et financiers que dans l’évaluation de la situation de chaque fédération. Il paraît dès lors nécessaire et urgent de mettre en place les dispositifs formels adéquats.

La gouvernance territoriale du sport est un volet essentiel, la mise en place des conférences régionales du sport (CRdS), de projets sportifs territoriaux, de conférences des financeurs (CdFS) devant conduire à la conclusion de contrats pluriannuels d’objectifs et de financement (CPOF).

La diversité des situations locales, les choix effectués dans la composition des CRdS donnent une responsabilité essentielle aux collectivités territoriales dans la réussite de cette compétence partagée qui ne peut en aucun cas se résumer à un cadre de gestion des crédits de l’Agence. La Cour des comptes a constaté la difficulté d’une clarification des compétences des différents niveaux de collectivités territoriales et s’interroge sur la réussite future de cette gouvernance partagée et territorialisée du sport.

Nonobstant la position de principe des associations nationales d’élus, la détermination à l’échelle régionale de chefs de file faciliterait le bon fonctionnement des CRdS, et la déclinaison de ces CPOF, de même que la constitution des CdFS.

Selon la Cour des comptes, il semble indispensable de préciser les moyens de fonctionnement des CRdS et de systématiser la mise en place de bureaux des CRdS. La nature et la portée juridique des CPOF doivent être précisées. Il s’agit d’en déterminer les modalités d’élaboration et la qualité des signataires. Les modalités permettant d’assurer la coordination et la complémentarité des projets sportifs territoriaux et fédéraux doivent également être définies.

Les recommandations de la Cour des comptes sont les suivantes : assurer la cohérence des contrats de délégation, des contrats de développement fédéraux et des projets sportifs fédéraux, les agréger dans un document commun et mettre en place les procédures assurant un dialogue global et commun entre l’État, l’Agence et les fédérations sportives ; clarifier la gouvernance territoriale du sport et les modalités d’élaboration des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, ainsi que leur nature et leur portée juridique ; préciser les modalités par lesquelles l’articulation et la complémentarité des projets sportifs fédéraux et des projets sportifs territoriaux seront assurées.

Les neuf recommandations de la Cour des comptes visent à accompagner cette ambitieuse réforme vers l’atteinte de ses objectifs qui est de faire de la France une grande nation du sport, dans le domaine du haut niveau, mais également dans celui des pratiques sportives des concitoyens.

M. le président Éric Coquerel. En introduction, je partage l’entièreté des remarques et des avis que votre communication comporte. Je pars d’une analyse peu favorable à l’évolution actuelle de l’organisation du sport en France. Le modèle du sport français était une exception à bien des égards. À l’exception de l’engagement financier pour les Jeux olympiques de 2024, il est surtout marqué par un désengagement de l’État. J’étais dubitatif au moment où l’ANS a pris les droits et obligations autrefois dévolus au CNDS et à l’INSEP. L’avantage de votre rapport est qu’il montre certaines des faiblesses du dispositif, auxquelles il faut remédier si nous voulons éviter l’affaiblissement à la fois de la pratique sportive pour tous et du sport de haut niveau.

Vous déplorez un nombre trop important d’objectifs et une approche uniquement gestionnaire de l’État. Je partage vos recommandations sur la nécessité de hiérarchiser et de prioriser les objectifs fixés à l’ANS, d’instaurer de nouveaux indicateurs permettant une évaluation qualitative de son action, et surtout de réaffirmer la tutelle stratégique de la Direction des sports.

Vous avez évoqué le danger que des financements exceptionnels liés aux Jeux olympiques cachent une insuffisance de moyens pour des objectifs pérennes. Je partage votre analyse et vos recommandations sur ce volet financier.

Concernant le sport de haut niveau, je partage également vos préoccupations et notamment l’idée de revoir la CPOF de l’INSEP et les COM de CREPS en conséquence.

Enfin, votre observation sur l’engagement réduit des collectivités dans le fonctionnement et le financement des CRdS et CdFS doit attirer notre attention. C’est un danger clair pour le sport pour tous, qui conduirait à un affaiblissement prolongé du sport en France.

Je considère que le sport – comme la culture – doit être une priorité, car il touche à la question de l’émancipation de toutes et tous. Nous en sommes tous convaincus.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vous remercie pour la grande qualité de ce rapport.

La pertinence de l’ANS ne se mesurera pas à l’aune des résultats de l’équipe de France aux Jeux olympiques de 2024, mais permettez-moi de souhaiter à tous les sportifs français qui se préparent une pleine réussite.

Je ne vois pas dans votre rapport un désengagement de l’État, mais au contraire un engagement record sur le plan financier, même s’il convient de faire la part des choses entre les mesures exceptionnelles et conjoncturelles.

Vous avez précisé que l’État restait le financeur quasi exclusif de l’ANS. Selon vous, cette situation est-elle temporaire, ou traduit-elle un véritable problème structurel ? Si tel est le cas, quelles solutions peuvent être apportées ? Peut-on imaginer des ressources propres ou des ressources externes pour permettre le développement de l’Agence ?

Les clubs sportifs sont-ils satisfaits des nouvelles modalités d’octroi des subventions, notamment de l’instruction de leurs dossiers par les fédérations ?

Enfin, deux ans après le rapport remis par M. Benjamin Dirx au Premier ministre sur la mise en œuvre de la nouvelle organisation territoriale, force est de constater que cette organisation n’est pas encore fonctionnelle. Quelles sont les actions pénalisées ? Quelles sont celles à conduire en priorité ? Faut-il un chef de file parmi les collectivités territoriales ? Enfin, comment s’organisent les comités départementaux olympiques du sport qui disposent de moyens très faibles ?

M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial sport, jeunesse et vie associative. Je souhaiterais vous remercier pour la qualité du rapport et de votre exposé.

Cette agence a été créée à l’aube des Jeux olympiques et paralympiques 2024 pour accompagner la transformation du modèle sportif français, tant s’agissant de la haute performance que du développement des pratiques sportives pour tous. Il y avait lors de sa création une volonté de gouvernance partagée, voulue par les collectivités territoriales et le monde sportif, mais aucune ambition de « libéralisation ». Il y a eu en 2022 un budget historique pour le sport, qui dépasse le milliard d’euros. Certes certains investissements sont destinés aux Jeux olympiques. Mais n’oublions pas l’héritage de ces jeux.

S’agissant du sport de haut niveau, jugez-vous que suffisamment d’athlètes bénéficient d’un accompagnement ou bien les critères sont-ils trop restrictifs ? Pensez-vous également que les moyens détachés par l’ANS sont suffisants pour que les athlètes puissent à la fois évoluer au plus haut niveau et préparer l’après carrière sportive à travers de véritables formations ?

S’agissant de la gouvernance partagée, que proposeriez-vous afin d’améliorer le modèle mis en place au niveau local avec les CRdS et les CdFS afin de faire émerger une politique sportive diversifiée et cohérente ?

Cette gouvernance partagée est également indispensable au niveau national. Plusieurs éléments fondamentaux du GIP ne sont pas respectés, notamment en matière de financements. Selon vous, une autre forme juridique que le GIP, parfois trop contraignante, aurait-elle été plus adaptée et propice à une meilleure gestion ?

Enfin, il convient de rappeler que l’ANS n’a que trois ans d’existence. S’il est important de questionner et de trouver des voies d’amélioration comme dans tout processus, il est important de saluer les différents apports de l’ANS et notamment son intervention lors de la crise sanitaire en faveur des associations sportives.

Quelle analyse portez-vous sur les actions mises en œuvre par l’Agence pour augmenter ses ressources propres ? Celles-ci vous semblent-elles suffisantes ?

Pour conclure, la mise en place de ce nouveau modèle permet-elle une meilleure mise en place de la politique publique visant à développer et à améliorer la pratique du sport en France ?

Mme Mireille Riou-Canals. Je propose que nous répondions à deux voix, le rapporteur et moi-même, aux nombreuses questions soulevées.

Sur la question de la possibilité d’augmenter les ressources propres, nous l’avons posée à l’ANS, qui s’active énormément dans ce domaine. Les marges sont toutefois minimes. Il est impossible de compter sur ces ressources propres pour changer les équilibres. En revanche, les collectivités territoriales investissent massivement et sont les premières en matière de financement public dans le domaine du sport. Elles interviennent toutefois sans qu’une cohérence d’ensemble soit établie.

S’agissant de l’accompagnement des athlètes de haut niveau, je resterai prudente, n’étant pas certaine que la Cour des comptes soit la mieux placée en matière d’expertise dans ce domaine. Elle est plus à même d’apprécier la performance des politiques publiques que celles des sportifs.

M. Dominique Lefebvre, conseiller-maître. La question des ressources est complètement liée à celle du statut de l’ANS. La création de l’ANS sous forme de GIP est un choix politique, l’État souhaitant rassembler toutes les parties prenantes. Le rapport rappelle que l’initiative n’est pas récente. Ensuite, la réalité ne peut être celle-ci. Outre l’État, le GIP est composé d’associations d’élus, qui n’ont pas de moyens propres. Les collectivités locales ne peuvent à ce stade abonder le budget de l’ANS et ce n’est pas forcément le moyen le plus pertinent. Le sujet est le même avec le monde économique : lors de nos entretiens, les représentants des élus comme du monde économique ont expliqué que le budget de l’ANS ne représentait pas l’effort des différentes parties.

Le GIP n’en est pas un et les ressources sont essentiellement de l’État en dépit des efforts réalisés par l’ANS pour obtenir des fonds complémentaires ou faire aboutir certaines synergies. Quelques contrats ont été passés avec des organisations privées ou des collectivités territoriales, mais ces actions resteront minoritaires et représenteront 1 à 2 % du budget de l’ANS. La question de la mutualisation des financements est complexe et doit être examinée par le Gouvernement. Sauf à mettre des objectifs d’affectation de ressources obligatoires, je ne vois pas comment procéder. Au moment de la création de l’ANS, certains imaginaient une taxe sur les acteurs privés sportifs. Le développement actuel du secteur privé du sport suppose l’articulation entre l’offre publique et l’offre privée. Je rappelle que l’apport du secteur privé est d’environ 600 000 euros. De facto, l’ANS est – et restera – financée quasiment exclusivement par l’État.

Sur la question du haut niveau, le rapport rappelle que les principaux pays européens concurrents ont mis en place des politiques. Les choix d’ « Ambition bleue » s’en rapprochent. Le Royaume-Uni, après le fiasco des Jeux olympiques d’Atlanta, a créé une agence spécifique pour le haut niveau et a attendu dix ans avant de retrouver un niveau de médailles convenable. En créant l’ANS à moins de quatre ans des Jeux, il ne faut pas s’attendre à des miracles, même si nous espérons tous de nombreuses médailles françaises. C’est un processus au long cours. Je rappelle que l’objectif affiché par l’exécutif est d’être la cinquième nation sportive au monde en nombre de médailles, notamment grâce à la mise en place du cercle Haute Performance. La Cour des comptes souligne dans son rapport que les objectifs de haut niveau et de haute performance sportive, anticipés par le rapport de Claude Onesta, se déroulent dans de bonnes conditions, sous réserve de quelques imperfections.Sur le haut niveau, les constats sont partagés et il reste quelques ambiguïtés, dont la relation entre l’ANS et l’INSEP. La Cour des comptes s’étonne de la non-signature d’une convention globale entre l’agence qui pilote le haut niveau et l’opérateur en charge de la mettre en œuvre.

J’attire l’attention de votre commission sur le fait que l’ANS gère les crédits alors que la Direction des sports gère les emplois. La question de leur articulation se pose pour que l’allocation des crédits et celle des emplois soient complémentaires. Cette dualité tant sur le haut niveau que sur le développement des pratiques suppose des processus de concertation que la Cour n’a pas constatée au moment du rapport.

La nouvelle ministre a organisé le 18 juillet dernier un séminaire avec l’ensemble des parties. Un document, paru il y a quelques jours sur le site du ministère, reprend un certain nombre de constats et émet des préconisations. Selon moi, la commission doit porter attention à ce document dans le cadre de ses auditions. Ce document ne contredit pas, bien au contraire, la plupart des constats sur les ambiguïtés et les difficultés de la réforme, et ouvre un certain nombre de pistes de progression, notamment dans l’articulation entre l’ANS et la Direction des sports.

Sur la gouvernance territoriale, la Cour des comptes a été frappée par l’ambiguïté des termes. Beaucoup ont parlé des conférences régionales du sport comme d’une déclinaison de l’ANS. Le discours politique des collectivités affirme le contraire. Sur le terrain, nous retrouvons le maximum des financements auxquels viennent se greffer les financements territoriaux de l’ANS. Le processus est tel que les concertations qui existaient avant dans les commissions du CNDS existent de manière différente dans les CdFS. L’État est à l’écoute des partenaires territoriaux quant à la manière dont les crédits de fonctionnement ou d’investissement sont distribués.

Les conférences sont-elles saisies par les collectivités locales pour mieux articuler leur politique et coordonner leur décision d’investissement ? Je rappelle que si cette proposition avait été faite dans le rapport Lefèvre Bayeux sur la nouvelle gouvernance du sport, c’est parce que, souvent, les porteurs de projets font la tournée des différents financeurs possibles, et chaque collectivité a ses propres politiques.

Il existe certes un problème de clarification entre l’État et les collectivités locales, mais le problème massif en matière de politique sportive est la coordination et la planification entre les différents niveaux de collectivités. Je rappelle l’idée d’une clarification avec les chefs de filât. De nombreuses initiatives n’ont jamais été saisies au plan local. Certaines collectivités locales n’ont pas, dans leur statut, de compétence sport, et en font davantage que d’autres qui ont la compétence. Les situations sont tellement différentes suivant les territoires qu’il ne peut exister un modèle national. Les conférences régionales permettent aux collectivités locales de discuter ensemble, de prioriser leurs actions et de décider d’un cadre. Ce processus politique est compliqué à mettre en œuvre.

Lorsque, trois ans après la réforme, on ne trouve pas un CPOF, la clé du problème réside bien dans la coordination des engagements que sont capables de prendre les différentes collectivités. Ce problème mettra du temps à se résoudre.

M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Je ne suis pas certain que nous devions choisir le chef de filât car celui-ci doit pouvoir s’imposer par lui-même au sein des conférences. Le désigner en amont, c’est avoir tout le monde contre soi. Dans les différentes régions où j’avais pu mener des auditions, c’était parfois le responsable du CROS, parfois le conseil régional.

Vous évoquez la difficulté de trouver des financements privés au sein du GIP. Pensez-vous qu’au niveau territorial, à travers les CRdS et les CdFS, il sera plus aisé pour l’ANS de trouver des financements diversifiés ?

M. Frédéric Cabrolier (RN). L’ANS a surtout été créée en vue des Jeux olympiques de Paris. Le sport est le parent pauvre des politiques publiques : en 1980, les crédits du sport représentaient 0,2 % des crédits de l’État, contre 0,13 % aujourd’hui.

Pour développer de nouvelles ressources, ne faudrait-il pas élargir l’assiette de la taxe Buffet, en taxant notamment les droits TV des compétitions internationales ?

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Ce rapport nous semble très alarmant et nous sommes relativement inquiets. Nous constatons de l’opacité et de la complexité inutiles, au point que la Cour des comptes demande à l’État de recenser les crédits budgétaires alloués au sport, ce qui démontre un problème de fonctionnement de l’ANS.

Nous nous interrogeons sur la présence d’acteurs économiques tels que le MEDEF au sein de l’ANS. Qu’est-ce qui justifie que ces acteurs participent à la définition de notre politique sportive aux côtés de l’État payeur et du mouvement sportif ?

Au vu du rapport de la Cour des comptes, qu’est-ce qui justifie l’existence de l’ANS ? Les outils qui sont mis en œuvre risquent de ne pas aider à améliorer les politiques sportives au niveau du haut niveau et encore moins au niveau territorial. Je rappelle le manque de moyens des collectivités pour mettre en place des politiques sportives au niveau local.

M. Fabien Di Filippo (LR). L’ANS devait être le bras armé de la réalisation du slogan du président Macron (faire de la France une nation sportive), déjà remis en question au travers de ce rapport. Elle devait également être l’ouverture de la gouvernance du sport aux secteurs et financements privés, selon le modèle des JO de Londres 2012, avec un financement privé de la Loterie nationale britannique. La concentration des moyens sur certaines disciplines pourvoyeuses de médailles était assumée. Où est cette manne à ce jour en France ? À combien se chiffre-t-elle ? Quels sont les choix stratégiques ?

L’ANS se révèle être un montage cosmétique et technocratique où l’État continue de tout payer et donc de tout décider en voyant ses responsabilités diluées. Le ministère se retrouve désargenté et parfois en porte-à-faux. L’ANS doit voir ses missions recentrées en concentrant ses financements et ses responsabilités sur le haut niveau et les stratégies olympiques sur le long terme. Quel échec de voir certains athlètes potentiellement médaillables se mettre au RSA pour se concentrer sur leur entraînement alors que les frais de fonctionnement de l’ANS augmentent de 11,3 millions d’euros sans économie pour le ministère des sports ! Si les moyens n’ont pas été mutualisés, c’est donc qu’ils ont été gaspillés.

La politique sportive depuis 2017 est en question. Recréer des structures technocratiques au niveau régional sera contreproductif. Les associations doivent être la pierre angulaire, avec la reconnaissance du bénévolat, l’aide à la formation des encadrants et la mise en place d’équipements sur tous les territoires.

Le sport est une école incomparable de la vie et ne peut donner des résultats qu’à long terme et non pas dans l’urgence d’une communication politique très coûteuse.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Vous soulignez certaines réussites, notamment en matière de sport de haut niveau, qui nous donne de l’espoir. Cet espoir s’est évaporé par la sortie du karaté du programme olympique : ses 250 000 pratiquants ne verront pas leur champion aux Jeux olympiques de Paris et je le regrette fortement.

Vous avez également souligné d’importantes pistes d’amélioration, notamment sur la gouvernance. L’essentiel du financement de l’ANS relève encore de l’État, à rebours de l’objectif d’une meilleure implication des fédérations et des collectivités. Comment pouvons-nous mieux atteindre l’objectif de responsabilité répartie ?

S’agissant de la gouvernance territoriale des sports, quelle place pour les CRdS ? Faut-il aller plus loin en déterminant une collectivité chef de file ?

Vous rappelez l’enjeu de la relation entre les fédérations et l’État en appelant un meilleur pilotage par la performance. Des différences existent certainement entre ces fédérations. Une fédération pourrait-elle être prise pour exemple dans la définition de ces nouvelles relations ?

Mme Claudia Rouaux (SOC). Vous indiquez dans votre rapport que l’ANS doit renforcer sa vision à moyen et long terme pour maintenir les efforts en faveur de la pratique du sport sur la durée. Vous souhaitez également une programmation pluriannuelle en matière budgétaire. Ces deux points sont essentiels pour gagner en efficacité. Un effort important doit être réalisé pour développer la pratique du sport.

Quels sont les outils actuellement mis en place par l’ANS pour assurer une visibilité à plus long terme pour résoudre ce problème de santé publique ? Avez-vous d’autres exemples d’organismes dont le modèle serait transposable à l’ANS et permettrait de répondre à vos préconisations ?

Vous suggérez également d’élargir l’assiette de la taxe Buffet sur la cession de droits télévisés d’événements sportifs. Avez-vous estimé la recette d’une telle modification fiscale ?

Pour finir, je considère qu’il faut davantage de transparence sur tous les fonds dédiés au sport, afin de soutenir davantage les collectivités face à la rénovation de leurs bâtiments.

M. François Jolivet (HOR). S’agissant des effectifs de l’ANS, pourriez-vous nous donner les cinq salaires de l’ANS les plus élevés rapportés à la masse salariale ?

En 2021, 2134 sportifs de haut niveau, relevant de 59 fédérations, ont été aidés, pour un montant de près de 9 millions d’euros, contre 12 millions d’euros en 2019. Pourquoi cette baisse alors que les JO approchent ?

Vous considérez qu’ « Ambition bleue » est une feuille stratégique claire. Vous indiquez que les sportifs ont une aide individualisée a minima de 40 000 euros. Vous précisez ensuite que le dispositif de reconnaissance des athlètes de haut niveau concerne 22 000 athlètes, contre 2 134 aidés ; 7 000 athlètes ne pas recensés par l’État et 5 000 sont sur une liste particulière et mériteraient d’être aidés. Pourriez-vous m’apporter des éléments substantiels sur ce point, car j’y vois une incohérence ?

Par ailleurs, je n’ai trouvé aucune référence au principe d’égalité hommes-femmes parmi les sportifs aidés.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). L’écologie et le sport ont des valeurs communes. Le rapport de la Cour des comptes révèle par son analyse que l’État n’a en réalité aucune véritable politique du sport. La critique n’est pas celle des travaux de l’ANS, mais celle du Gouvernement.

Nous y voyons apparaître la culture de la performance et du spectacle, et non de l’efficacité par la garantie des financements pour les collectivités territoriales, notamment via les CREPS dont nous connaissons l’importance des missions.

Nous observons également une action tournée quasi exclusivement vers l’organisation de grands événements sportifs. Sans les Jeux olympiques de Paris, quel serait le budget de l’ANS ? Nous portons l’idée d’un grand plan de développement des activités physiques et sportives pour tous à tous les âges de la vie, en donnant la priorité au sport amateur et aux pratiques dès le plus jeune âge, avec un nouveau modèle de gouvernance pour les clubs et fédérations sportives avec le statut de société coopérative d’intérêt collectif.

Il convient également de développer les sports de nature, de plein air, respectueux de l’environnement, par les pratiques comme dans les équipements, les ressources humaines des périscolaires, les bâtiments et cours d’école.

Enfin, il est impératif d’élaborer un cahier des charges pour les grands événements sportifs internationaux respectant les droits humains, sociaux et environnementaux. Nous boycotterons la Coupe du monde de football au Qatar.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Ce rapport est le bienvenu, face aux enjeux de santé publique et de développement du sport pour tous. Or le rapport pointe que ce n’est pas le rôle de l’ANS, qui ne fonctionne que sur sa partie « haut niveau ». Aujourd’hui, le ministère des sports et la Direction des sports sont en difficulté pour porter les politiques publiques qui s’adressent à tous. Dans le même temps, le mouvement sportif et les collectivités territoriales s’en trouvent déstabilisées. L’idée d’un GIP est une hérésie. D’autres agences existent, qui ne sont pas des GIP, et les collectivités locales ou d’autres personnes peuvent intégrer leur conseil d’administration et leur gouvernance. Je ne comprends pas le rôle et le but de cette agence si ce n’est d’être le faux-nez de l’agence nationale du haut niveau.

Aujourd’hui, nous pouvons décider d’augmenter le plafond des taxes affectées, 45 % de ces taxes étant consacrées au développement du sport.

Sur la question de la gouvernance régionale, j’ai entendu qu’il fallait un chef de filât. Dans de nombreux lieux, les collectivités territoriales travaillent. Faut-il sans cesse multiplier les lieux ? Je n’en suis pas certain.

M. Charles de Courson (LIOT). Concernant le financement dual, je comprends qu’il faudrait affecter la totalité des taxes en recettes générales du budget de l’État et que l’ANS vive d’une dotation. Ce serait simple et clair. Il s’agit d’ailleurs de la position de la commission des finances sur de nombreuses taxes.

Sur le niveau global des ressources, vous préconisez une distinction entre moyens permanents et crédits non pérennes. Créer deux sections dans le budget et les comptes de l’ANS permettrait d’y voir plus clair.

S’agissant de la territorialisation, M. Lefebvre expliquait l’extrême difficulté de mettre en place des conférences territoriales qui ne couvrent pas tout le territoire. Le problème est que l’on a toujours refusé de spécialiser la compétence sport dans les textes de décentralisation. Nous vivons les conséquences de l’absence d’organisation du territoire. Ne faudrait-il donc pas revenir sur cela ? Le chef de filât ne fonctionne pas. Du courage est nécessaire pour se spécialiser. Les moyens des collectivités territoriales sont beaucoup plus importants que les moyens de l’État. Que faudrait-il donc faire en la matière ?

Mme Mireille Riou-Canals. Plusieurs orateurs ont évoqué les objectifs de la politique du sport sur lesquels le rapport ne revient pas et les questions d’impact sur la santé publique. La Cour des comptes s’est penchée sur ces sujets, notamment dans ses travaux sur la santé des enfants, l’école et le sport. Pour nous, l’objectif de santé publique est l’un des objectifs importants de la politique sportive. Nous souscrivons tout à fait à cette approche.

Je laisserai le rapporteur répondre sur la taxe Buffet. Néanmoins, nous souscrivons à la suggestion de M. de Courson : une dotation budgétaire plutôt que l’addition de taxes et d’une dotation.

M. Dominique Lefebvre. La Cour des comptes s’efforce de ne pas porter d’appréciation sur les choix politiques. Elle regarde factuellement les objectifs politiques affichés et leur traduction. Le rapport décrit l’évolution structurelle des crédits de l’ANS, d’une part, et des crédits de l’État, d’autre part. Objectivement, nous avons encore beaucoup de mal à cerner l’ensemble de l’effort de l’État dans ses différentes composantes et sur certains aspects particuliers. Un travail complémentaire est probablement à mener pour exiger des administrations davantage de chiffres.

Les chiffres du ministère de l’Intérieur montrent que les aides de l’État à l’investissement dans les équipements sportifs sont deux fois supérieures (en montant et en taux d’intervention) à celles versées par l’ANS, alors que cette dernière apparaît comme impulsant la politique de subvention d’équipement. L’ANS a un taux d’intervention de 10 % contre 20 % pour la DSIL et la DETR. Nous ne sommes pas convaincus que les décisions prises par l’ANS et celles prises par les préfets s’agissant de la DSIL ou la DETR soient coordonnées. J’attire donc l’attention de la commission sur ce point.

Concernant le champ particulier du sport de haut niveau, nous sommes dans l’incapacité de cerner la totalité de l’effort financier, certaines dépenses d’acteurs privés ou de collectivités territoriales n’étant pas identifiées.

La Cour des comptes a constaté que la loi évoquait une trajectoire pluriannuelle. Le principe de l’annualité budgétaire ne le permet pas. Il existe un discours politique repris par l’exécutif selon lequel l’ANS dispose de 450 millions d’euros. Cette somme résulte de la prise en compte des crédits du plan de relance, de mesures non pérennes liées à la crise sanitaire. Certains crédits aux fédérations ne sont pas reconductibles à compter de 2023. Un débat politique interviendra certainement sur l’évolution des moyens. La présentation du budget de l’ANS ne différencie pas les moyens pérennes et non pérennes, et le tiers de son budget concerne des crédits fléchés de l’État sur des dispositifs propres.

Le financement dual par les taxes et la dotation budgétaire résulte de la réforme et de l’histoire. Les transferts de la Direction des sports et de l’INSEP vers l’ANS ont conduit à la dotation budgétaire du programme 219. Il existe un débat très ancien sur l’affectation de taxes. Pour la Cour des comptes, elles devraient être versées au budget général pour plus de clarté. Le rapport n’en fait pas une recommandation explicite, mais rappelle la question.

La question de l’évolution de l’effort réel de l’État et des moyens renvoie à d’autres observations de la Cour des comptes. Si des choix politiques visaient à augmenter les moyens de l’ANS, il faudrait savoir sur quoi, pour quoi et avec quelles procédures d’évaluation. Les relations avec les fédérations sportives sont très diverses, car ces fédérations ont des modèles économiques et des situations différents. Elles ont apprécié le volet de la réforme leur laissant la gestion des parts territoriales préalablement gérées par le CNDS. Elles pilotent leurs politiques de ligue, de clubs, etc. Cela va dans le bon sens, indépendamment du transfert de charge des directions régionales et départementales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRAJES) sur les fédérations.

Les fédérations sportives les plus impliquées sur le haut niveau considèrent que les interlocuteurs de l’ANS sont de niveau satisfaisant. Le contrat pluriannuel d’objectifs (crédits et emplois) a été remplacé par un contrat de délégation avec les emplois à la Direction des sports et trois contrats à l’ANS (un par le pôle Haute performance et deux par le Pôle développement). Les dirigeants des fédérations se demandent donc qui est l’interlocuteur. Une clarification permettrait un meilleur fonctionnement.

Aucun chiffrage d’un élargissement de l’assiette de la taxe Buffet n’a été réalisé en regard d’une précédente recommandation de la Cour des comptes. J’attire votre attention sur l’incohérence à voter un plafond de taxe supérieur au rendement attendu. Dans le cas du sinistre consécutif à l’épisode Mediapro, cela a contraint à ajouter une dotation budgétaire. Fixer une dotation budgétaire en fonction d’objectifs politiques et en évaluer les résultats serait plus simple.

Le discours lors de la création de l’ANS donnait l’impression que des financements privés viendraient alimenter l’ANS ou les CRdS. Le discours du monde économique est différent. La réalité de l’évolution du sport en France dans les pratiques des citoyens est que l’offre marchande a pris une place importante. Le problème est moins de savoir comment récupérer de l’argent privé pour aider au financement de politiques publiques que de savoir comment articuler l’évolution du secteur marchand du sport et l’offre publique.

Le débat politique s’est souvent structuré entre l’État et les collectivités locales. À juste titre, celles-ci demandent à être écoutées, car elles financent l’essentiel des politiques sportives. La création de l’ANS en 2019 n’effacera pas 40 ans de décentralisation. Les questions se posant dans le domaine du sport se posent dans d’autres politiques partagées telles que la culture. La réforme affichait une gouvernance partagée et des responsabilités réparties. Faute de clarification a minima territoriale et de coordination, la Cour des comptes estime que les responsabilités réparties n’apparaîtront pas.

Pour mémoire, la CRdS n’était pas dans le projet initial du gouvernement et a été introduite par amendement parlementaire au Sénat qui s’était inspiré de régions où des avancées étaient citées en exemple suite à un travail avec le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). La Cour des comptes n’a toutefois pas trouvé d’indicateur des coordinations de politiques sportives à des échelles territoriales. Lorsque les CRdS adopteront des projets sportifs territoriaux, les collectivités prendront-elles des délibérations pour faire évoluer leurs politiques sportives et leurs mécanismes de financement ? Il s’agit probablement d’un élément clé pour une meilleure gouvernance du sport.

M. Daniel Labaronne (RE). J’ai récemment participé à l’inauguration d’un gymnase rénové pour 2,3 millions d’euros dans ma circonscription. Cette rénovation a bénéficié de financements de l’Europe par le Fonds européen de développement régional (FEDER), de la DETR, de la DSIL, de la région avec le Pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) Pays Loire-Touraine, du département via le Fonds départemental de développement (F2D) et de la commune. Pensez-vous que cette structure de financement soit optimale du point de vue de l’allocation des ressources budgétaires, du temps consacré par les parties prenantes pour administrer le dossier et de l’aménagement du territoire ?

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Comme plusieurs collègues, entre les lignes, j’ai ressenti la sévérité du rapport de la Cour des comptes. La création de l’ANS interroge donc la représentation nationale.

Vous mettez en avant que les Comités régionaux olympiques et sportifs (CROS) sont des structures pléthoriques, ce qui les rend inefficaces. Cela met en avant deux difficultés : les CROS sont des coquilles vides et les problèmes de gouvernance du sport ont été renforcés depuis 2015 et la création des grandes régions. Le rapport indique que le financement des CROS repose essentiellement sur les services de l’État, mais vos interventions mentionnaient des financements principalement portés par les collectivités locales. S’agissant des CROS, pouvez-vous préciser ce point ?

Mme Perrine Goulet (Dem). Habituellement, les payeurs dirigent. Dans le cas de l’ANS, le pouvoir de décision est partagé. Compte tenu de votre position, pour la bonne utilisation des fonds publics, doit-on conserver cette organisation ou remettre à plat ce GIP ?

Selon vous, l’éparpillement des ressources permet-il une progression du sport pour tous ? Comment sont contrôlées les fédérations ? L’ANS a-t-elle les moyens, en nombre et en ressources, de procéder à des accompagnements ? Comment peut-elle accompagner les nouvelles pratiques sportives, notamment sur un marché concurrentiel ?

M. Philippe Lottiaux (RN). Je voudrais revenir sur trois nécessités : la clarté, la pérennité des dispositifs et l’articulation entre collectivités locales. Sur ce dernier point, des équilibres ont été trouvés, des spécificités existent dans chaque territoire. En matière de sport pour tous, la commune est le socle de tout. Sur l’investissement et le haut niveau, ce sont davantage les intercommunalités, les départements ou les régions. Une clarification est sans doute nécessaire, mais attention à ne pas imposer de modèle unique sur l’ensemble du territoire au risque de casser des équilibres trouvés même s’ils sont imparfaits.

M. Dominique Lefebvre. Sur les CRdS et les collectivités territoriales, la Cour des comptes ne préconise aucune uniformisation de la répartition des compétences. Ce choix relève de l’exécutif et du législateur. Les situations sont extrêmement différentes. Un modèle unique serait donc compliqué à mettre en place. A contrario, les CRdS devraient permettre une meilleure articulation et coordination des différents niveaux de collectivités sur des objectifs d’intérêt commun. De ce point de vue, le seul intérêt de la réforme est probablement de mettre les régions en concurrence. Le défaut de la démarche est qu’elle est assez universelle. Il faudrait plutôt préciser quelques objectifs et décider de processus communs. Le système est fait pour y parvenir, mais la traduction sur le plan législatif fait remonter à la surface des sujets plus fondamentaux.

Les services de l’État sont le pilier du fonctionnement des CRdS. Le délai d’atterrissage des décrets sur les CRdS est lié à la pondération des représentants des régions, des départements, etc. De fait, les collectivités territoriales sont majoritaires. Les CRdS devraient être un outil d’articulation, mais il est paradoxalement demandé que l’État les pilote davantage. Les présidents de CRdS réunis par l’ANS demandaient l’aide de l’État.

M. Labaronne, l’exemple du gymnase était particulièrement intéressant au regard du nombre de financeurs. L’objectif des CdFS était de changer de système pour parvenir à des articulations. Or personne n’a créé de fonds mutualisant l’argent des uns et des autres. Cela n’a fait l’objet d’aucun choix politique au plan national ou local. Des guichets uniques auraient donné une lisibilité aux porteurs de projets pour faciliter leur réalisation et articuler les critères de financement des différents niveaux de collectivités.

Il existe un principe de libre administration des collectivités locales intangible et constitutionnel, mais existe-t-il une volonté et une capacité de dialogue entre les différents niveaux de collectivités pour coordonner leurs interventions afin que l’affectation des crédits de l’État trouve davantage de sens ? Si le système vise uniquement à faire décider par d’autres que l’État de l’affectation des maigres crédits de l’ANS, cela revient à dépenser beaucoup d’énergie pour peu de résultats.

Pour conclure, le rapport de la Cour des comptes rappelle que la réforme est récente. Nous sommes à la veille des Jeux olympiques de Paris et l’ANS a un rendez-vous d’évaluation en 2025. La Cour des comptes pointe les contradictions, ambiguïtés ou difficultés de mise en œuvre de la réforme sur lesquelles il existe des moyens d’agir pour mieux atteindre les objectifs politiques extrêmement ambitieux au regard de la réalité.

J’espère que ce rapport permettra une avancée des débats existants entre les différents acteurs, notamment entre l’ANS et la Direction des sports où un réel enjeu de clarification et de légitimité existe.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie pour ces interventions et la présentation du rapport.

La commission autorise, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, la publication de l’enquête demandée à la Cour des comptes.

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Information relative à la commission

La commission a désigné Mme Aude Luquet rapporteure sur la proposition de loi relative à la charge fiscale de la pension alimentaire (n° 209).

La commission a attribué, pour une durée d’un mois, les pouvoirs spéciaux prévus à l’article 57 de la loi organique relative aux lois de finances à MM. David Amiel et Manuel Bompard, rapporteurs de la mission flash sur les entreprises pétrolières et gazières et celles du secteur du transport maritime qui ont dégagé des profits exceptionnels pendant la crise.

 


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 21 septembre 2022 à 9 heures 30

 

Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Alma Dufour, Mme Stella Dupont, Mme Marina Ferrari, Mme Perrine Goulet, M. Daniel Grenon, M. David Guiraud, M. Victor Habert-Dassault, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Denis Masséglia, M. Bryan Masson, M. Damien Maudet, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, Mme Christine Pires Beaune, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Philippe Schreck, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy

 

Excusés. - M. Karim Ben Cheikh, M. Joël Giraud, M. Emmanuel Lacresse, Mme Constance Le Grip, Mme Karine Lebon, M. Jean-Paul Mattei

 

Assistait également à la réunion. - Mme Claudia Rouaux