Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

–  Audition de M. Stéphane Perrin, président délégué de la commission administration générale de Régions de France sur les finances locales et les conséquences pour les collectivités territoriales des réformes envisagées dans le projet de loi de finances pour 2023.              2

  présences en réunion...........................19

 


Mercredi
21 septembre 2022

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 17

session de 2021-2022

 

 

Présidence de

 

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La commission entend M. Stéphane Perrin, président délégué de la commission administration générale de Régions de France sur les finances locales et les conséquences pour les collectivités territoriales des réformes envisagées dans le projet de loi de finances pour 2023.

M. le président Éric Coquerel. Je vous propose d’accorder tout d’abord la parole à M. Jean-Philippe Tanguy.

M. Jean-Philippe Tanguy. J’aimerais faire un rappel au règlement sur le fondement de l’article 70, qui concerne les mises en cause personnelles.

Lors de l’audition de M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, par la mission flash sur les entreprises pétrolières et gazières et celles du secteur du transport maritime qui ont dégagé des profits exceptionnels pendant la crise, j’ai tenu des propos très clairs et sans aucune ambiguïté. Or, depuis ce midi, des membres du groupe La France Insoumise diffusent un montage manipulatoire et mensonger laissant croire que j’ai fait des « courbettes » devant M. Pouyanné et que je n’ai pas mis en cause le fait que TotalEnergies ne payait pas d’impôts en France. Tous les parlementaires présents ont pu entendre que j’ai dit le contraire de ce qui est montré dans ce montage. Les travaux de la commission des finances et de cette mission-flash se passent bien. Tout le monde est libre de contester, même violemment, mes propos dans leur intégralité. Toutefois, réaliser un montage déformant volontairement mes propos me parait contrevenir totalement aux règles de déontologie de cette Assemblée et de cette commission.

M. le président Éric Coquerel. Des membres du groupe La France Insoumise sont présents. Votre message sera rapporté. Je vous remercie de cette précision.

Mes chers collègues, afin de préparer au mieux l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, et en particulier les sujets intéressant les finances publiques locales, j’ai souhaité mettre en place un cycle d’auditions des principales associations d’élus locaux, pour lequel le bureau de la commission a donné son accord.

Nous débutons ce cycle par une audition de l’association Régions de France et nous recevons à ce titre M. Stéphane Perrin, vice-président du conseil régional de Bretagne et président délégué finances de la commission administration générale de Régions de France. Nous le poursuivrons mercredi 28 septembre avec l’audition de quatre associations du bloc communal — à savoir l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunaité (AMF), Intercommunalités de France (AdCF), France Urbaine et l’Association des maires ruraux de France (AMRF) — ainsi qu’avec l’audition de Départements de France (ADF).

M. Stéphane Perrin, nous vous écoutons.

M. Stéphane Perrin. Je vous remercie pour ce travail de dialogue engagé par votre commission, à un moment particulier puisque nous ne sommes pas encore destinataires du PLF 2023. J’espère que les propos que je tiendrai au cours de cette audition ne seront pas caducs d’ici quelques jours.

Les régions ont été, comme toutes les collectivités, affectées par la crise liée à l’épidémie de Covid-19. La Cour des comptes a d’ailleurs établi que les régions ont été la catégorie de collectivité la plus impactée par la crise sanitaire.

Nous regardons toujours avec attention le paramètre de l’épargne brute, qui a chuté de 21 % au cours de l’année 2020.

L’autre élément notable est que les régions constituent la seule catégorie de collectivités à ne pas avoir retrouvé, en 2021, le niveau d’épargne brute d’avant la crise. En effet, en 2021, l’épargne brute des régions s’élève à 5,7 milliards d’euros, contre 6,4 milliards d’euros en 2019. 

Nos régions ont été au rendez-vous sur le chapitre de l’investissement puisqu’entre 2019 et 2021, les dépenses d’investissement ont progressé de près de 20 %. En lien avec le Gouvernement, les régions ont notamment été contributrices du fonds de solidarité, faisant l’objet d’un partenariat avec l’État, afin d’accompagner le monde économique lors de cette période de trou d’air très violente. Nous avons été au rendez-vous et je crois que nous avons bien travaillé à cette époque dans notre relation avec le Gouvernement.

Nous entrons de nouveau dans une ère instable.

Je ne suis pas très inquiet pour le terme de l’année 2022 car, lorsque nous effectuons l’analyse de l’évolution de nos recettes de cette année, nous constatons que nous sommes portés par une importante dynamique de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en grande partie liée au contexte inflationniste. Ces recettes de TVA dynamiques nous permettent d’envisager sereinement la fin de l’année 2022. En effet, même si nous enregistrons des pertes de recettes substantielles — notamment sur les certificats d’immatriculation — liées à la chute des transactions automobiles, la dynamique, portée par la TVA, est globalement positive.

Nous sommes évidemment beaucoup plus inquiets pour l’année 2023 car le panier de recettes des régions est complètement exposé à la conjoncture économique. Ces recettes proviennent de la TVA, des certificats d’immatriculation et d’une modulation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Dans une région comme la mienne, plus de la moitié des recettes sont dépendantes de la conjoncture économique.

Si nous croyons les prévisions de croissance établies pour l’année 2023 par la Banque centrale européenne et la Banque de France, nous ne bénéficierons plus de la dynamique de TVA que nous connaissons durant cette fin d’année. Si le contexte inflationniste se vérifie, nous pourrions faire face à des situations de forte dégradation de nos comptes en 2023.

Grâce à une enquête que nous avons réalisée, nous évaluons le surcoût lié à l’inflation à 470 millions d’euros pour l’ensemble des régions en 2022. Toutefois, ce surcoût serait couvert par la dynamique des recettes.

En 2023, nous évaluons le surcoût à un milliard d’euros environ. Néanmoins, nous pensons que les dynamiques de recettes risquent de disparaître, notamment pour la TVA. Notons que 1 % de croissance de TVA représente 150 millions d’euros de recettes pour les régions. Ce sujet nous alerte donc fortement.

En outre, le sujet du transport ferroviaire nous alerte également puisque le président-directeur général de la SNCF a indiqué que le surcoût lié à l’inflation serait de 1,6 milliard d’euros en 2023. En l’état, la moitié serait supportée par les régions, avec un report jusqu’en 2024.

Étant donné que nous n’avons aucun pouvoir de taux sur le panier de recettes — hormis pour la carte grise — et que ce panier comporte des recettes vouées à mourir à moyen terme ou promises à une perte de dynamisme, telles que le certificat d’immatriculation et la TICPE, nous devrons nécessairement entrer dans un dialogue sur des scénarios nouveaux de financement de nos régions. Le contexte que nous connaissons risque de nous imposer d’accélérer cette réflexion. Nous sommes tout à fait disponibles pour travailler avec la représentation nationale puisque c’est elle qui sera décisionnaire en dernier ressort.

Au regard des propos tenus lors du Congrès des Régions de France à Vichy, je crois pouvoir dire que la Première Ministre et Carole Delga, présidente de Régions de France, ont effectué des déclarations allant dans le sens d’une recherche de dialogue constructif entre l’État et les régions. Nous sommes parfaitement conscients que la situation des finances publiques au niveau global nous implique aussi. En effet, si la note de la France est dégradée, la note des régions le sera également.

Si nous sommes donc parties prenantes de ce sujet global de la bonne tenue des finances locales, notre position est toutefois différente de celle de l’État. Je rappelle qu’en matière de comptabilité publique, les collectivités, parmi lesquelles les régions, sont excédentaires et améliorent donc le solde global des comptes publics. Nous devrons être vigilants à ne pas décourager les bons élèves.

La capacité d’endettement des régions, qui constitue l’indicateur le plus pertinent, se maintient à un niveau tout à fait raisonnable. L’endettement intéresse la situation générale des comptes publics au regard de la bonne tenue des comptes et des engagements pris par la France dans le cadre du pacte de stabilité. Cette bonne tenue des finances régionales devra être prise en compte dans les efforts qui seront sollicités.

Notre souhait est surtout d’avoir de la visibilité. En cela, la loi de programmation des finances publiques (LPFP) sera décisive, peut-être davantage encore que le PLF pour 2023. Ce texte sera déterminant pour savoir comment nous allons construire, dans la durée, nos programmes d’investissement et comment nous allons pouvoir contractualiser avec l’État de manière constructive. Nous avons en effet indiqué que nous n’étions pas opposés à des exercices de contractualisation avec l’État, auxquels les régions se livrent depuis très longtemps avec les contrats de plan État-Région (CPER). Nous avons la volonté de contractualiser avec l’État dans des exercices dont nous espérons qu’ils seront plus riches que par le passé.

M. le président Éric Coquerel. Depuis 2018, la dotation globale de fonctionnement (DGF) des régions a été supprimée, avec une progression de l’affectation d’une fraction de TVA. Vous nous avez fait part de vos inquiétudes pour l’année 2023 en cas de modifications économiques que nous pouvons malheureusement anticiper. La part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a été supprimée en 2021 et compensée par une nouvelle fraction de TVA pour près de 9,5 milliards d’euros. Nous sommes à la veille d’une suppression de la CVAE, y compris pour d’autres collectivités. J’aimerais connaître votre regard sur cette part grandissante de la TVA et sur la réduction de l’autonomie fiscale progressive des régions qui en découle. Je souhaite avoir votre retour sur les effets que peuvent produire ces éléments au vu de la conjoncture économique pour 2023.

D’autre part, la présidente de Régions de France a insisté sur la nécessité de lancer une révolution ferroviaire. Quelle est votre estimation des moyens financiers qui devraient y être alloués ? Quelle devrait être la part respective des dépenses revenant à l’État et aux régions ?

Pouvez-vous dresser un premier bilan des accords régionaux de relance ?

Vous indiquez que, pour les régions, le coût de l’inflation s’élève à un milliard d’euros. Pouvez-vous préciser quelle est la part du coût de l’énergie dans ce total, et notamment le coût de l’approvisionnement énergétique des lycées ?

Avez-vous engagé un dialogue avec le Gouvernement pour qu’une compensation soit instituée dans le cadre du PLF ? Si des échanges ont eu lieu, quelle a été leur conclusion ?

Une dotation de 107 millions d’euros avait été allouée par l’État aux régions pour la seule année 2022 en compensation de la diminution des frais de gestion de la CVAE et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) résultant de la baisse des impôts de production. Savez-vous si cette dotation sera à nouveau versée en 2023 ?

Enfin, j’aimerais connaître vos propositions sur les modifications du panier de ressources des régions.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je profite de cette audition pour remercier les régions de leur soutien pendant la crise liée à l’épidémie de Covid-19, notamment leur soutien à l’activité économique et au fonds de solidarité. Les régions ont pleinement joué leur rôle pendant cette crise.

Les projections de vos résultats sur 2022 et 2023 sont à analyser.

L’année 2022 s’annonce plutôt très favorablement. Pouvez-vous me confirmer que les recettes liées à la part de TVA des régions pourraient augmenter de 2 milliards d’euros cette année ?

Je me félicite que vous ayez bénéficié de la transformation de la fraction régionale de CVAE en fraction de TVA. Vous avez gagné de la TVA et le delta initial, qui est pratiquement de l’ordre du milliard d’euros, se reproduira les prochaines années. De plus, votre dépendance aux achats d’énergie est relativement faible par rapport aux autres strates de collectivités.

L’année 2022 semble donc s’engager correctement. Quelle est votre prévision pour 2023 ?

Les projections de croissance sur la TVA sont de l’ordre de 6 %. La fraction de TVA continuera ainsi a priori sa croissance l’année prochaine. La dépendance des régions à cette recette est extrêmement forte, ce qui est aussi le cas de l’État. Avez-vous des réflexions sur la capacité des régions à effectuer des réserves et sur la perspective d’augmenter la péréquation vis-à-vis des régions les plus fragilisées pour anticiper un probable retournement de conjoncture, qui pourrait se produire en 2024 pour les régions en raison d’un décalage sur la TVA ?

Lorsque vous parlez de nouveau panier de recettes, je voudrais comprendre à quoi vous faites allusion. Avez-vous des idées par rapport à cela ?

Concernant les réflexions autour du projet de LPFP, je pense qu’il est important que vous ayez de la visibilité sur vos ressources. Le Gouvernement demande une modération des dépenses en volume, à l’image de ce que souhaite faire l’État. Dans le cadre de cette réflexion de moyen terme, les régions sont-elles dans cet esprit et sont-elles prêtes à faire cet effort ?

M. Stéphane Perrin. Concernant le bilan de la bascule de la DGF vers la TVA, qui est intervenue il y a un certain temps, la question est d’autant plus intéressante que, d’après ce qui est annoncé, beaucoup de collectivités sont vouées à connaître le même scénario de financement. Nous n’allons pas dire que nous regrettons la DGF dans la mesure où cette dotation était stagnante, voire diminuait. Je rappelle que, durant la fin du quinquennat 2012-2017, des prélèvements et une diminution de la DGF avaient eu lieu. Il faut aussi s’interroger sur les modalités de calcul de la DGF au regard des enjeux environnementaux, qu’elle n’implique pas forcément. 

La TVA est intéressante car elle permet de bénéficier de cette dynamique, avec une garantie plancher. Si nous avions dû appliquer jusqu’au bout la seule affectation de TVA durant la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, nous aurions connu une baisse encore bien plus forte. De ce point de vue, la recette est intéressante.

Néanmoins, la recette de TVA a quelques inconvénients, tels que le fait que nous n’ayons aucun lien avec le contribuable local. Si nous avions un scénario de bonne tenue de la consommation fondée exclusivement sur l’importation de biens produits à l’étranger, cela représenterait beaucoup de recettes de TVA mais je ne suis pas sûr que cela permettrait beaucoup de développement économique sur nos territoires. En raison de notre système de recette, nous ne sommes plus intéressés au développement économique de nos territoires. Cela ne signifie pas que les présidents de régions mènent des politiques qui se désintéressent du sujet mais, de fait, la recette de TVA est complètement déconnectée de nos préoccupations locales. Il n’y a plus aucune territorialité de l’impôt ni de pouvoir de taux puisque, hormis le certificat d’immatriculation, nous ne votons plus de taux. La modulation TICPE est un élément marginal puisque l’assiette est assez limitée. L’absence de lien avec le territoire et le contribuable interroge politiquement même si, budgétairement, elle ne nous a pas posé de difficultés jusqu’à aujourd’hui.

Le scénario qui consiste à attribuer une part d’impôt national à toutes les collectivités rencontrera ses limites. M. Gilles Carrez, ancien président de la commission des finances, s’était fortement opposé à ce mécanisme d’attribution de parts d’impôt national. Une difficulté que nous rencontrerons est que, si d’autres collectivités émargent à cet impôt, l’État ne sera bénéficiaire que d’une part minoritaire du produit de la TVA. Une autre difficulté est que nous avons systématiquement recours à de l’impôt indirect, qui a le mérite de ne pas être trop perceptible par nos concitoyens mais qui efface de fait le lien que représente la contribution à la dépense publique par l’impôt. Au-delà des problèmes budgétaires, ce point pose des problèmes politiques qui devront, à mon avis, être questionnés.

En outre, si nous allons encore plus loin dans l’attribution de cet impôt lié à la consommation, nous serons de plus en plus exposés aux cycles économiques. La difficulté à laquelle nous serons confrontés est que, le jour où le cycle se retournera et où il faudra effectuer des politiques contracycliques, nous n’aurons plus les moyens de les mettre en place. Nous n’avons plus aucune imposition de stock telle que le foncier ou des taxes d’équipements. Forcément, nous sommes de plus en plus exposés aux cycles économiques.

En se fondant sur le précédent des départements, qui ont été autorisés à mettre en réserve les droits de mutation lorsqu’ils sont très dynamiques, la présidente Carole Delga a formulé la demande d’une mise en réserve en cas de bonne dynamique. Il faudrait que nous puissions a minima reproduire pour les régions le même mécanisme de mise en réserve que pour les départements, pouvant ensuite faire partie d’un élément de discussion dans le cadre des exercices de contractualisation. Ce mécanisme pourrait au moins servir d’amortisseur, à ceci près que si le cycle est déprimé sur une période assez longue, la réserve va s’épuiser. Des questions de faisabilité, de pertinence politique ainsi que de bonne tenue du modèle dans la durée se poseraient si nous devions généraliser ce mécanisme d’attribution de part d’impôt.

Concernant les frais de gestion liés à la CVAE, nous avons obtenu un mécanisme plutôt favorable, ayant bien fonctionné. Nous devrons trouver un élément alternatif car percevoir des frais de gestion sur un impôt qui n’existe plus devient un exercice intellectuel compliqué. Évidemment, élargir un peu l’attribution de TVA constitue, à court terme, le scénario le plus simple. Néanmoins, dans un débat plus général sur l’évolution des paniers de recettes des collectivités, il sera compliqué de faire prospérer cette solution.

S’agissant du transport ferroviaire, le manque à gagner serait de l’ordre de 10 milliards d’euros par an entre 2023 et 2027, dont 8,5 milliards d’euros par an pour les collectivités. Ce sujet alimente déjà les débats au Parlement. La question de l’investissement dans les infrastructures ferroviaires a fait l’objet d’un engagement très fort des régions alors que ces infrastructures ne leur appartiennent absolument pas. Les investissements des régions, parfois aidées par les intercommunalités, sur les lignes secondaires sont beaucoup plus importants que les sommes allouées par SNCF Réseau. De plus, lorsque nous faisons circuler nos transports express régionaux (TER) sur ces infrastructures, nous payons à nouveau une redevance ferroviaire pour l’usage. Si les régions font ce qu’elles peuvent pour assurer le maintien de l’infrastructure et si certaines d’entre elles, comme la région Grand Est, ont même pris en charge quelques petites lignes, nous voyons bien que nous sommes arrivés au bout d’un système de financement du ferroviaire, qui doit être revu de manière beaucoup plus générale.

Au-delà du ferroviaire se pose la question du financement de la mobilité, qui constitue un sujet en soi. Les régions ont une compétence sur les mobilités, pour lesquelles elles ne perçoivent pas de versement. Il ne faudrait pas qu’une forme de concurrence s’instaure entre les autorités organisatrices de la mobilité, notamment entre les grandes agglomérations et les régions. Nous devrons réfléchir à une évolution du système.

Concernant la part de l’énergie, je vous propose de communiquer à la commission l’enquête que nous avons conduite, qui détaille tous les chapitres de dépenses. Ces chapitres, qui sont au nombre de trois, sont relatifs à l’énergie, qui concerne essentiellement les lycées car ils constituent l’essentiel de notre patrimoine immobilier et donc des coûts de chauffage, aux transports, avec des sujets d’application des délégations de service public et des clauses de révision ou des interventions lorsque nous sommes face à la théorie de l’imprévision et qu’il nous faut intervenir pour combler les déficits de délégation, et enfin aux effets du « dégel du point d’indice », qui s’imposeront à nous.

S’agissant du dialogue avec le Gouvernement, la question qui va se poser concerne le fait de disposer d’un bouclier tarifaire. En effet, lorsque nos contrats de fournitures d’énergie tombent, nous avons parfois l’impression de jouer à la loterie en fonction du jour où nous « topons ». Au sein de ma collectivité, nous avons eu une défaillance d’un de nos opérateurs de fourniture d’énergie. Nous avons dû basculer sur des contrats de secours beaucoup moins intéressants et refaire un appel d’offres. Nous sommes sur le prix spot, avec des variations de plusieurs dizaines de millions d’euros de différence en fonction du jour et parfois de l’heure de la conclusion du marché.

Nous devrons voir comment se traduira l’annonce du Président de la République de revoir les modalités de calcul du prix de l’électricité car il existe un vrai sujet. Si cela n’épuise pas toute la question, il faudra vraisemblablement que nous ayons un plafond au-delà duquel nous n’irons pas. La difficulté dans laquelle nous nous trouvons est qu’il est inenvisageable de fermer des lycées et de réduire la restauration scolaire. J’imagine que personne ne souhaite revenir à ce que nous avons vécu pendant l’épidémie de Covid-19 concernant l’éducation, qui a eu un impact très puissant sur les jeunes.

Les accords régionaux de relance représentent 15 milliards d’euros sur les 20 milliards d’euros du total des CPER, sachant que nous n’avons pas encore négocié la partie mobilité. Nous attendons que les préfets soient destinataires des mandats de négociation. Quoi qu’il en soit, une hausse des investissements du côté des régions nous permet de nous rapprocher de ce qui a été contractualisé dans ces accords de relance. Je crois pouvoir dire que nous serons au rendez-vous.

Concernant le décalage de TVA, je rappelle que nous recevons assez rapidement les encaissements de TVA, contrairement à d’autres recettes. Ainsi, je pense que nous percevrons assez vite, dans nos comptes, l’impact des effets sur la TVA.

S’agissant de l’exercice de modération des dépenses, ce qui nous détermine d’abord est la capacité de désendettement. Soyez assurés que si la situation de nos comptes se dégradait, nous serions face à des prêteurs qui nous feraient beaucoup moins confiance. Dans ma collectivité, il n’est en aucun cas possible de dépasser une capacité de désendettement de huit ans car nous avons contractualisé de l’emprunt avec la Banque européenne d’investissements (BEI). En cas de dépassement de ce seuil, des pénalités substantielles nous seraient infligées. Nous sommes donc nécessairement dans des exercices de modération de la dépense au regard de notre souhait de garder notre capacité de désendettement, qui est très en deçà de ce que prévoyait la LPFP.

Il ne faudrait pas opposer la dépense de fonctionnement et la dépense d’investissement. Derrière la première, il y a le fonctionnement de nos lycées, le financement de la mobilité mais aussi, des exercices dans lesquels nous sommes d’ailleurs en contractualisation avec l’État, tels que la formation professionnelle.

J’en profite pour vous dire qu’il faudra peut-être, au regard de la situation du marché de l’emploi, revoir la manière dont nous avons contractualisé pour les pactes régionaux d’investissement dans les compétences (PRIC). Il faudra nécessairement que nous travaillions sur ce que seront les PRIC à l’avenir et sur leur importance, en part relative, dans nos dépenses de fonctionnement.

Concernant la perspective d’un nouveau panier de recettes, la TICPE nous intéresse assez peu. En effet, plus nous développerons le transport collectif — tel que l’exige notre mission —, moins nous percevrons de TICPE. Cela est également vrai pour l’État, qui est dans la même situation.

Les recettes liées aux certificats d’immatriculation disparaîtront forcément puisqu’il existe des exonérations de 50 % ou 100 % sur les véhicules propres, dont tout le monde appelle le développement.

L’attribution d’une part d’impôt sur les sociétés a été évoquée, ce qui nous ramènerait sur nos compétences de développement économique, même en l’absence de territorialisation. Cette recette serait, comme la TVA, dynamique lorsque la conjoncture est favorable et moins dynamique, voire en retrait, lorsque la situation est moins favorable. Si nous sommes dans des mécanismes de recettes liées aux cycles économiques, il faudra intégrer l’existence de trous d’air et prévoir les mécanismes pour savoir comment les gérer.

Le dialogue est engagé avec le Gouvernement. Des offres de services sont formulées de part et d’autre afin que les contractualisations soient assez riches. Nous sommes disponibles mais nous devrons être cohérents sur les attentes des uns et des autres et disposer de mécanismes de financement pérennes ne s’effondrant pas à la première crise venue.

M. Thomas Cazenave (RE). Je vous remercie, monsieur le président, pour l’organisation de ce cycle d’auditions, qui s’inscrit dans cette recherche d’un dialogue très nourri avec les collectivités, auquel s’emploie le Gouvernement depuis plusieurs mois désormais. Ce dialogue avec les collectivités a également lieu au sein de l’Assemblée.

La TVA est une très bonne ressource au regard de l’évolution de ces dernières années. Le produit national brut (PNB) de la TVA a en effet augmenté de 14 % en 2021. Elle représente plus de 14 milliards d’euros sur les 28 milliards d’euros de recettes régionales.

Comment gérer la cyclicité d’une recette ? Comment mettre concrètement en œuvre une forme de lissage de ces recettes ?

J’aimerais en outre que vous reveniez sur l’atterrissage et sur votre capacité d’autofinancement. Vous disiez que votre indicateur est votre capacité de désendettement. Quelles sont vos projections, y compris sur l’année 2023, sur l’évolution de ce taux de désendettement ?

Je voudrais reprendre vos propos : la bonne tenue des finances publiques est l’affaire de tous, notamment la nôtre. Je vous remercie de partager cet objectif avec nous. Concrètement, comment voyez-vous la contribution des régions à cet exercice de modération de la croissance des dépenses ?

Enfin, concernant la territorialisation, vous évoquiez un manque de lien fiscal entre nos politiques publiques et la construction de nos recettes, en prenant le contre-exemple parfait de la TICPE. Cela montre qu’avoir une recette parfois antagoniste avec les objectifs de politiques publiques ne vous a pas empêché de territorialiser vos politiques publiques. Ce panier de recettes vous a-t-il concrètement empêché de déployer des politiques publiques véritablement territorialisées ? Faut-il rechercher, à travers le lien fiscal, une plus grande territorialisation ?

M. Emeric Salmon (RN). J’aimerais que vous évoquiez davantage le sujet de la dette. Vous avez fait part de votre inquiétude concernant les futures recettes des régions. Une baisse des recettes devra nécessairement être compensée, sans doute grâce à davantage d’endettement. Lorsque nous siégions ensemble à la commission des finances de la région Bretagne, vous rappeliez souvent l’importance du taux d’endettement. Si l’endettement n’était pas si grave lorsque les taux étaient bas, la situation économique a aujourd’hui largement changé.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Vous nous avez dit que les régions ont une meilleure visibilité budgétaire pour 2022, et éventuellement pour 2023, en raison de la dynamique de TVA. Toutefois, les communes et les ménages s’interrogent sur la manière dont ils conduiront leurs projets dans les mois à venir. Je ne doute pas que les régions sont elles aussi inquiètes du sort des communes et de nos concitoyens. L’inflation touche d’abord les Français les plus fragiles, qui sont impactés par les prix de l’énergie et de l’alimentation.

En 2022, les régions ont-elles engagé des politiques prenant en compte ces hausses de prix pour les habitants et soutenant les ménages, même de manière ponctuelle ? Par exemple, une accélération des politiques liées aux transports a-t-elle eu lieu pour renforcer l’attractivité du transport collectif ? Les régions ont-elles apporté un soutien un peu plus important aux élèves scolarisés dans les lycées, en prenant davantage en charge les frais de scolarité ?

Par ailleurs, je n’effectue pas une sortie sur le terrain sans que les maires me sollicitent. Le maire d’une commune de ma circonscription a engagé un projet d’école, financé à plus de 70 % par la région, mais le coût de ce dernier a augmenté de 30 %, en raison de la hausse des prix. Pensez-vous redistribuer une partie de la TVA perçue cette année afin de soutenir ponctuellement ces projets et les communes ne bénéficiant pas de cette dynamique ?

Mme Véronique Louwagie (LR). Pouvez-vous nous donner la structure et la proportion des principales recettes, notamment pour les certificats d’immatriculation et la TICPE ?

Existe-t-il des situations différentes d’une région à l’autre ? Certaines régions sortent-elles du schéma moyen ?

Si vous aviez la possibilité que vos souhaits soient retenus, que seraient-ils ?

M. Pascal Lecamp (Dem). J’effectuerai un constat plus optimiste que celui de notre président sur la situation financière des régions, qui semble plus favorable à la fin de l’année 2021, avec une hausse de 5,4 % des recettes de fonctionnement et une croissance de l’épargne nette repassant à plus de 20 % de ses recettes. Ces chiffres sont bien supérieurs à ceux des autres collectivités territoriales, ce qui permet aux régions de retrouver un niveau proche de la moyenne 2014-2018.

Je remarque d’ailleurs que la suppression de la part régionale de la CVAE, en 2021, a permis d’atténuer les effets de l’année 2020 sur les finances régionales et de renforcer le dynamisme de ces recettes tout en réduisant l’autonomie fiscale.

Avez-vous pu évaluer précisément l’impact de l’inflation sur les finances ainsi que la fraction de TVA des régions ?

Observez-vous une baisse des recettes de la TICPE en raison d’un changement de comportement des acteurs dans le contexte que nous connaissons ? Pouvez-vous préciser ce que vous entendez lorsque vous dites que cette recette est vouée à mourir ?

Au cours des trente dernières années, les recettes de fonctionnement des régions ont été multipliées par dix au fur et à mesure des transferts de compétences, avec, toutefois, une vraie perte des pouvoirs de décision sur les taux d’imposition. Comment envisagez-vous l’avenir de ces recettes de fonctionnement ? Faut-il, à votre sens, donner davantage d’autonomie fiscale aux régions en les laissant assumer une part plus importante de risques ?

Dans cette logique, dans le cadre de l’exercice plus riche ou dense de dialogue avec l’État que vous avez évoqué et pour reprendre votre idée de nouveau panier de recettes, quel type d’imposition responsabilisante et juste vous semblerait pertinente pour les régions ?

M. Mickaël Bouloux (SOC). L’État a demandé aux collectivités territoriales d’encadrer leurs dépenses, précédemment avec un mécanisme dit contrat de Cahors, défini par la LPFP pour 2017-2022. Alors que certains pourraient vouloir prévoir de nouveaux mécanismes pour les années à venir, qu’ont pensé les régions de France des mécanismes des contrats de Cahors ?

Une partie de vos recettes est liée à la TICPE, et donc à la consommation d’énergie fossile. Nous avons donc tous intérêt à voir le produit de cet impôt diminuer à terme d’un point de vue écologique. Au nom des régions de France, avez-vous des suggestions sur un autre type de recette qui viendrait, dans un monde idéal, remplacer la TICPE ?

Concernant le transport public, l’augmentation du coût d’exploitation a déjà amené de grandes régions, notamment la région Île-de-France, à réduire la fréquence des trains et à envisager une augmentation du Pass Navigo. Le spectre d’une augmentation des coûts des abonnements aux transports publics et des réductions de service est bien réel et vient percuter les efforts nécessaires en faveur de la transition écologique. Quelles pistes de réflexion sont actuellement sur la table de votre côté pour soutenir une démocratisation des transports publics, notamment du point de vue de leur financement ?

Le PLF pour 2023 ne comprend qu’un seul sujet relatif aux collectivités territoriales, à savoir la suppression de la CVAE pour les départements et les communes. Or la compensation de cette suppression de la CVAE n’est pas encore précisée. La part régionale de la CVAE a déjà été supprimée depuis 2021 dans le cadre d’une première baisse de 10 milliards d’euros des impôts de production et compensée par une part de TVA sur laquelle vous n’avez pas la main. Avez-vous des retours d’expérience sur ce point ?

M. Charles de Courson (LIOT). Ne faudrait-il pas créer un bouclier tarifaire pour les collectivités locales puisque le Gouvernement nous a déclaré qu’il y travaille, avec un plafond de hausse de 15 % sur l’électricité, voire sur le gaz ?

Au vu de l’avenir sombre de la TICPE, ne faudrait-il pas la remplacer par une contribution sociale généralisée (CSG) régionale, modulable en taux, avec un fonds de péréquation ?

Vous avez perdu la CVAE, ce qui était un peu incohérent puisque vous avez la compétence économique. Le lien entre le développement économique et les investissements des régions a été cassé. Cette suppression a-t-elle entraîné une modification du comportement des régions à l’égard du développement économique ?

Dans la LPFP, le Gouvernement nous a annoncé une baisse de 0,3 % en volume des dépenses des collectivités territoriales. Comment verriez-vous un pacte financier, que je n’ose pas appeler pacte de Cahors ? Ne faut-il pas moduler région par région ?

Compte tenu de la très forte hausse du coût de l’énergie, avez-vous effectué une augmentation considérable des investissements pour réduire la consommation énergétique ?

M. Stéphane Perrin. Tout d’abord, la cyclicité se gérera nécessairement par le dispositif de mise en réserve que nous appelons de nos vœux et dont je redis qu’il peut être un élément de contractualisation. Nous devons absolument mettre en place ce mécanisme.

Durant la période de crise liée à l’épidémie de Covid-19, nous avons fait ce que la comptabilité publique nous permettait de faire, parfois en provisionnant des risques de dépenses supplémentaires. Toutefois, nous n’avons pas comptablement la possibilité de le faire sur les recettes.

Le mécanisme mis en place doit être à la main de la collectivité et peut évidemment être un élément de contractualisation pour responsabiliser chacune des régions. La présidente Carole Delga appelle un tel mécanisme de ses vœux. Le précédent des mises en réserve des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) par les départements fait que le dispositif doit pouvoir être étendu à la TVA sans que ce soit un travail législatif difficile à envisager.

Concernant l’atterrissage et la capacité de désendettement, réaliser des exercices de prévisions est un peu compliqués. Nous le faisons dans nos documentations d’orientation budgétaires puisque nous sommes tenus d’effectuer de la projection.

Le précédent de la période de crise liée à l’épidémie de Covid-19 montre que nous avons absorbé le trou d’air : après une forte dégradation de la capacité de désendettement en 2020, nous avons retrouvé les trajectoires financières que nous nous étions fixées à partir de 2021.

Nous pouvons absorber des chocs mais si ces derniers se répètent, nous n’y arriverons plus, même avec un mécanisme de mise en réserve. Les régions étant des collectivités locales comme les autres, elles devront in fine réduire l’investissement.

Les marges de manœuvre sont limitées du côté des dépenses de fonctionnement. Il faudrait neutraliser les effets des transferts de compétences. Néanmoins, dans ma collectivité par exemple, nous avons absorbé les baisses de DGF en réduisant la dépense de fonctionnement de 0,75 % chaque année.

La notion de dépense de fonctionnement me paraît impropre car elle ne renvoie pas à une réalité. Derrière les dépenses de fonctionnement ne se cachent pas les bons plaisirs de la collectivité mais des politiques publiques. Il s’agit de dépenses de formation professionnelle ou encore de fonctionnement des lycées.

Il ne faudrait donc pas qu’une norme de réduction de la dépense de fonctionnement se traduise par une réduction de la production de services publics, notamment sur des sujets sur lesquels nous sommes appelés à intervenir plutôt de manière plus importante, tels que la formation professionnelle, lorsque nous sommes sollicités au titre des PRIC, ou la politique de mobilité, puisque nous sommes tous appelés à développer les transports collectifs.

Ce point sera déterminant s’agissant de la contribution des régions au redressement des finances publiques. Nous nous sommes livrés une première fois à cet exercice à la fin du quinquennat de François Hollande. Cet exercice a été suivi d’une période de modération de l’augmentation des dépenses, bien que la crise liée à l’épidémie de Covid-19 ait remis en cause les mécanismes à l’œuvre.

L’inflation est réapparue alors que nous l’avions quasiment vu disparaître, avec des taux d’intérêt parfois négatifs ; il faudra nécessairement reconstruire sur des bases complètement différentes.

La question de la territorialisation renvoie à un débat beaucoup plus général.

La non-territorialisation de l’impôt ne nous a pas empêchés de conduire les politiques publiques que nous souhaitions conduire. D’ailleurs, dans un état fédéral comme l’Allemagne, les Länder sont attributaires d’une part d’impôt national et il n’y a pas d’autonomie fiscale. Nous ne pouvons même pas faire de lien direct et évident entre une organisation de l’État et un modèle de répartition des recettes.

Je ne voudrais pas que, si nous déconnections complètement le citoyen des élus locaux que nous sommes, y compris en supprimant le lien fiscal, cela aboutisse à une déresponsabilisation collective. Finalement, en dernier ressort, l’État est garant de toutes les dépenses. Si nous globalisons tout, il ne faudrait pas déresponsabiliser non plus l’impôt et le vote de l’impôt, qui constituent une forme de responsabilité que prennent les élus face à leurs citoyens, auxquels ils rendent compte.

Par ailleurs, les régions ont aujourd’hui fixé une large part du volume de leur dette. Dans nos comptes, la part de la dette à taux fixe est assez importante. Dans ma collectivité, 70 % du volume de la dette actuelle est à taux fixe. 

En raison de la remontée des taux et de l’inflation (y compris sur l’investissement), la variable d’ajustement sera le volume des plans d’investissement des collectivités. Si la charge de la dette augmente — de surcroît sur la section de fonctionnement — et que le coût de l’investissement est inflationniste, nous n’arriverons plus à maintenir le volume d’investissement que nous avions projeté. Ce n’est pas tellement le sujet d’un surendettement des régions qui doit nous inquiéter mais plutôt une révision à la baisse des volumes d’investissement que nous serions conduits à réaliser.

Concernant les efforts effectués par les collectivités dans l’accompagnement de leurs concitoyens et des communes, deux sujets concernent directement les familles.

Premièrement, s’agissant de la restauration scolaire, nous absorbons pour le moment la hausse du coût des denrées alimentaires, que nous ne répercutons pas sur le tarif final payé par l’usager, ce que nous continuerons tant que nous le pourrons. Comme cela passe par le truchement des budgets des lycées, cette absorption nécessite d’instaurer une solidarité financière vis-à-vis des établissements scolaires. Nous ne pourrons pas durablement le faire.

Tout comme les communes, nous connaîtrons dans les semaines à venir un surcoût substantiel de notre investissement. Ce surcoût avait déjà commencé avant la guerre en Ukraine en raison de pénuries de matériaux. À un moment donné, nous n’aurons pas la capacité de faire l’effort d’accompagner les communes car nous sommes également une collectivité territoriale.

Concernant la structure des recettes, plus de la moitié des recettes de la région sont exposées aux cycles économiques. En 2021, 51,6 % des recettes provenaient de la TVA, 16 % des recettes étaient liées à la TICPE et 8 % étaient issus des certificats d’immatriculation.

Le solde concerne d’autres dotations, parmi lesquelles la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) qui fait l’objet de ponctions chaque année, à notre grand regret. Cette dotation très ancienne, ayant été évoquée en commission des finances, a été créée pour compenser les effets négatifs de la suppression de la taxe professionnelle. Or la DCRTP est ponctionnée sur les collectivités ayant eu à subir le plus d’effets négatifs de cette suppression. Nous sommes quasiment dans de l’anti-péréquation. L’existence de très vieilles dotations dont plus personne ne sait ce qu’elles compensent constitue l’un des problèmes des finances locales.

Un toilettage devra éventuellement être effectué car nous perdons en lisibilité. Il nous parait assez discutable que ces prélèvements visent à financer la péréquation à un autre niveau de collectivité, d’autant plus que, dans la loi de finances pour 2022, seules les régions avaient été concernées, ce que nous n’avions pas très bien compris.

La capacité de désendettement moyenne des régions est de 5,7 années en 2021. Concernant les régions métropolitaines, la capacité de désendettement se situe dans une fourchette comprise entre 3,7 années et 9,14 années, avec une concentration assez importante autour de la moyenne. Ces chiffres ne concernent pas nos collègues ultramarins, qui ont d’autres systèmes de recettes pour lesquels nous avons construit, entre régions, un système de péréquation afin d’être solidaires.

Lorsque la capacité de désendettement des régions se situe au-dessus de la moyenne, c’est lié à des historiques, parfois très anciens, de trajectoires d’endettement plutôt qu’à une situation conjoncturelle.

Le seul message que je voudrais vous faire passer est que nous avons besoin de visibilité. Tout doit pouvoir être discuté ensuite, y compris notre propre contribution au redressement des finances publiques. Sans visibilité, nous risquons une perte de confiance entre les régions et l’État, ce qui n’est pas ce qui est recherché de part et d’autre aujourd’hui.

Concernant la suppression de la CVAE, la situation aurait pu être pire si nous étions toujours attributaires d’une part de CVAE. Il faut distinguer la question de l’impact budgétaire pour nos collectivités et des questions de politique fiscale générale. Nos recettes sont plutôt assises sur la taxation de la consommation puisque la TVA n’est pas forcément l’impôt le plus progressif et solidaire. Si nous réduisons les assiettes possibles de taxation, en supprimant les impôts de production par exemple, nous ferons peser l’essentiel de la pression fiscale sur une fiscalité assise sur la consommation. Le jour où nous serons en difficulté ou lorsqu’il faudra effectuer un effort supplémentaire, imposerons-nous un peu plus les ménages au titre de leur consommation ? Hormis ce que j’ai dit sur l’exposition au risque de conjoncture, le résultat de la suppression de la CVAE est plutôt positif.

Les recettes de TICPE sont aujourd’hui plutôt stagnantes ou en légère croissance. Je présente une décision budgétaire modificative dans ma région, par laquelle nous réinscrivons 50 millions d’euros supplémentaires de recettes de TVA mais nous retranchons 20 millions d’euros sur les certificats d’immatriculation. En outre, nous avons 4 millions d’euros de TICPE. La fin du moteur thermique en 2035, annoncée par la Commission européenne, conduira à la disparition de cette recette.

La question du type d’imposition concerne des sujets éminemment politiques, qui dépassent le rôle des élus régionaux. En tout cas, si le seul levier de financement de la dépense publique locale ou nationale est l’impôt sur la consommation et la TVA, nous arriverons rapidement aux limites de l’exercice.

S’agissant du bilan du contrat de Cahors, nous avons fait la démonstration, par la variété de la position des régions, de l’inutilité du dispositif. En effet, certaines régions ont signé tandis que d’autres n’ont pas signé, ce qui n’était d’ailleurs pas toujours lié à la coloration politique des présidents des régions. Toutes les régions ont respecté la norme de progression de dépenses, qu’elles aient été signataires ou non du contrat de Cahors. La raison en est que le pilotage de nos budgets est lié à d’autres sujets qu’une norme imposée.

Le contrat de Cahors était tout sauf un contrat. Il nous a été indiqué que le taux d’évolution des dépenses était de 2 %, sans que nous sachions à quoi ce pourcentage correspondait. En cours d’exécution, il y a eu des débats sur l’assiette à laquelle nous appliquions ce taux de 2 %, avec des dépenses que nous retraitions ou non. Nous avons parfois eu l’impression que la règle du jeu pouvait changer en cours de route.

Ce point renvoie à un autre problème. En effet, nos interlocuteurs étaient localement les préfets. Or l’État local n’est plus outillé pour effectuer de l’analyse financière de la situation des collectivités. La solution de facilité était donc de retenir la dépense de fonctionnement. Le faire sur la capacité de désendettement aurait déjà été un mécanisme un peu plus intelligent et dans l’esprit de la commande finale, qui était de piloter l’évolution de l’endettement public global.

Cet outil est pauvre, a fait la démonstration de son inutilité et n’avait qu’une dimension, à savoir son caractère vexatoire. La présidente Carole Delga a clairement dit qu’il n’était pas question de repartir sur un contrat de Cahors, ce qu’elle a fait savoir aux ministres Christophe Béchu et Gabriel Attal.

Nous ne sommes pas opposés à tout dispositif de contractualisation. Nous devons avoir des contractualisations plus riches. Les propos de la Première Ministre et de la présidente Carole Delga permettent de l’augurer. Ces contrats ne porteraient pas uniquement sur l’aspect budgétaire et nous pourrions imaginer des outils, y compris de différenciation et d’expérimentation, pour tenir compte aussi de la variabilité des territoires. Ils comprendraient en outre une dimension budgétaire, assise non pas sur la seule norme de la dépense de fonctionnement mais sur un indicateur plus riche.

Si nous établissons des contrats plus globaux, nous parviendrons à une relation de confiance. Nous pouvons même imaginer un mécanisme de gouvernance à l’échelle nationale entre le Gouvernement et Régions de France, avec un cadre général ayant des déclinaisons locales entre les présidents de région et les préfets de région. Une telle organisation serait très respectueuse du principe de subsidiarité, auquel nous devrions être collectivement attachés. Il ne s’agit pas de ne pas rendre de comptes, mais un pilotage conjoint de ces contrats, avec l’État, rendrait l’exercice beaucoup plus riche.

Les discussions sont engagées avec le Gouvernement concernant le bouclier tarifaire. Une telle variabilité des marchés n’est de toute façon pas tenable. Un mécanisme devra nécessairement être inventé. Le Président de la République a annoncé d’autres modalités de calcul de l’électricité, ce qui résoudra peut-être une partie du problème. Nous devrons ensuite nécessairement disposer d’un encadrement de cette évolution du marché.

La CSG présente une limite. En effet, elle n’est pas vraiment liée à nos compétences. Il avait d’ailleurs été imaginé que les départements puissent être attributaires de cette contribution. Comme l’objet principal de la CSG est le financement de la protection sociale, je ne suis pas certain que nous pourrions faire prospérer ce sujet, même constitutionnellement. La question est plutôt de savoir si ce ne sont pas les départements qui devraient être attributaires.

Par ailleurs, je dis à nouveau que les régions sont dans des exercices de recherche de baisse des dépenses. La question de notre contribution à la baisse des dépenses est décisive car nous devons garder de la capacité à investir. Les lycées, qui sont soit des bâtiments remarquables de centre-ville soit des édifices à bout de souffle construits dans les années 1970, constituent l’essentiel du bâti des régions. Nos charges d’investissement, qui sont très importantes, sont construites en tenant compte des obligations en termes de trajectoires carbone.

Nous avons plutôt un regain d’investissement dans nos établissements, dans le but de faire baisser la dépense énergétique. Ce mouvement d’investissement doit même être accéléré. La première contrainte que nous rencontrons est la capacité du secteur du bâtiment, qui connaît notamment des problèmes de main-d’œuvre, à y répondre. La deuxième contrainte concerne notre capacité à maintenir ce haut niveau d’investissement. Ce point sera décisif si nous voulons faire diminuer nos dépenses d’énergie.

Enfin, nos budgets ont vocation à ne plus être lus seulement en euros mais aussi en impact sur le climat. Je crois comprendre que le Gouvernement a la volonté que cette démarche de budgets verts soit plutôt généralisée. Si nous voulons être cohérents, il faudra bien que nous puissions investir pour avoir des budgets respectueux des objectifs climatiques. Il ne s’agit pas simplement d’un sujet d’écologiste puisque nos prêteurs, à savoir les banques, évalueront la part des actifs conformes aux objectifs environnementaux. Si nous voulons accéder au financement bancaire, nos projets devront être vertueux, y compris sur le plan climatique.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Concernant les finances locales, le sujet de l’investissement fait souvent l’objet d’un débat un peu biaisé. Dans les collectivités de taille importante, nous nous attardons toujours sur le budget primitif, en inscrivant des montants d’investissements parfois spectaculaires. Or, en réalité, le document qui importe le plus est le compte administratif. Nous nous rendons souvent compte que le taux d’exécution de la dépense d’investissement est beaucoup plus modeste — voire parfois très modeste — par rapport aux prévisions du budget primitif. Dans le cadre des conseils régionaux, avez-vous des données sur le taux d’exécution de la dépense d’investissement ?

M. Dominique Da Silva (RE). J’aimerais votre lecture sur la part de financement versée par France Compétences aux régions pour soutenir les centres de formation d’apprentis, restant à hauteur des deux tiers du financement total. Quelles seraient les conséquences d’une baisse de cette part de financement, sachant que la croissance des coûts de formation est d’au moins 17 % selon la Cour des comptes et qu’il existe des écarts injustifiés entre des formations de même niveau ? De plus, un écart de 20 % est parfois constaté entre les coûts réels de formation et la prise en charge. Nonobstant les aléas de l’inflation, ne pensez-vous pas qu’il s’agit d’une dérive, appelant une action concrète vers davantage de transparence quant à ces coûts réels ?

M. Stéphane Perrin. Lorsque nous évoquons une augmentation de 2 milliards d’euros et de 3 % d’investissements entre 2019 et 2021, nous évoquons bien les comptes administratifs.

D’après mon expérience, les niveaux d’exécution des budgets d’investissement sont plutôt très élevés parce qu’ils concernent souvent de grands projets structurants, dans lesquels nous contractualisons avec l’État, notamment via les CPER.

Néanmoins, il y a parfois des pertes d’exécution lorsque nous sommes en subvention d’investissement car nous ne sommes pas maîtres d’ouvrage. Si, pour des raisons diverses, les maîtres d’ouvrages ne sont pas au rendez-vous, cela dégrade nos taux d’exécution.

Concernant les comptes administratifs, la prévision pour 2022 s’élève à 5,5 %, ce qui reste un niveau assez élevé.

Durant la mandature précédente, en tant que président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, M. le rapporteur général avait appelé de ses vœux la création d’un observatoire sur ces sujets, avec un tiers de confiance qui pourrait être la Cour des comptes, afin qu’il n’y ait pas d’incompréhension sur les données de départ. Nous sommes tout à fait disponibles pour travailler sur cette proposition.

Par ailleurs, je ne redirai pas le désespoir des régions de se voir retirer la compétence liée à l’apprentissage. Le rapport de la Cour des comptes démontre que nous n’avions pas totalement tort dans les critiques que nous formulions sur l’évolution de la gestion de cette compétence. Aujourd’hui, nous avons une part de financement résiduelle.

Il existe effectivement un vrai sujet sur les coûts de formation. La présidente Carole Delga appelle à effectuer un nettoyage ou, au moins, un effort de clarté car, au vu du déficit avec lequel France Compétences a démarré, nous ne pourrons pas longtemps vivre avec un paysage aussi obscur. Nous appelons de nos vœux cette clarification sur la véracité des prix. Cela signifie aussi que le pilotage qui a été imaginé n’est pas opérationnel et que les modalités de financement de cette compétence ne tournent pas.

Pour les régions, cette part résiduelle de financement — s’élevant à 138 millions d’euros en fonctionnement et 180 millions d’euros en investissement, avec une possibilité de fongibilité entre les deux — est intéressante car les centres de formation d’apprentis (CFA) n’ont pas été trop déstabilisés en fonctionnement et ne nous sollicitent pas trop. Toutefois, nous avons des sujets d’investissement. Étant donné qu’une partie des CFA se trouvent dans des lycées ou dans les périmètres des établissements scolaires, je pense que les régions seront plutôt appelées à travailler sur un fléchage de cette enveloppe d’investissement concernant les CFA qui relèvent de leur périmètre. Les branches professionnelles ayant récupéré la compétence, elles sont appelées à faire leur propre effort d’investissement sur leur périmètre.

M. Pascal Lecamp (Dem). Je poserai des questions préparées par Jean-Paul Mattei, président du groupe Démocrate, qui n’a pas pu être présent.

Premièrement, l’État s’est engagé, dans le cadre de la loi de finances rectificative (LFR) pour 2022, à compenser le surcoût de la consommation énergétique des collectivités territoriales lié à l’augmentation des prix. Ces derniers jours, la presse locale s’est fait l’écho d’initiatives locales de confinement énergétique, avec notamment l’extension d’une semaine d’interruption d’enseignement à Strasbourg et à Bordeaux ainsi que des annonces de restriction d’ouverture des lieux publics. Comment l’association Régions de France se situe-t-elle par rapport à ces initiatives dans les lieux scolaires et administratifs qu’elle gère ?

Deuxièmement, quel impact de la hausse des prix de l’énergie et du carburant avez-vous mesuré sur les prix de fonctionnement des transports régionaux, en particulier des bus et des TER ? Les mesures gouvernementales de chèques carburant et de bouclier énergétique ont-elles permis de restituer un niveau soutenable de dépenses dans ce domaine ? Si c’est en effet le cas, quel est le ratio ?

M. Stéphane Perrin. Concernant nos bâtiments administratifs, nous ferons les efforts nécessaires. Ce qui est assez perturbant est que l’État a engagé un travail sur ce que pourrait être une réduction des dépenses énergétiques au sein de ses propres administrations. Il faudrait que nous soyons intégrés assez tôt à ce travail si nous sommes appelés à effectuer le même effort. Fermer des bâtiments administratifs et mettre nos agents en télétravail semble reporter sur l’agent la charge de chauffer son logement un peu plus qu’il ne le ferait s’il était sur son lieu de travail. Nous serions certainement sollicités pour augmenter les contributions que nous versons pour les agents en télétravail. Notons de plus que certains métiers ne peuvent pas s’effectuer en télétravail.

Concernant la partie scolaire, aucune action ne pourra être menée sans un accord avec les autorités académiques et le ministère de l’Éducation nationale. J’espère que nous ne revivrons pas ce que nous avons vécu pendant la pandémie de Covid-19, lorsque des protocoles d’une cinquantaine de pages étaient envoyés le vendredi pour être mis en application le lundi matin. Nous devrons être avertis en amont. Je rappelle simplement qu’un changement de protocole envoyé un vendredi et applicable le lundi matin suivant n’est tout simplement pas opérationnel car il faut reconfigurer le transport scolaire, ce qui n’est pas possible le week-end. À la lumière de l’impact durable des années d’interruption de l’enseignement en présentiel sur les jeunes, je ne sais pas si fermer les établissements scolaires est ce que nous devons impérativement rechercher.

M. le président Éric Coquerel. Chers collègues, nous nous retrouverons lundi à 15 heures pour l’audition de MM. les ministres Bruno Le Maire et Gabriel Attal sur le projet de loi de finances pour 2023.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 21 septembre 2022 à 18 heures

 

Présents. - Mme Christine Arrighi, M. Mickaël Bouloux, M. Fabrice Brun, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, Mme Marina Ferrari, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Pascal Lecamp, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Louis Margueritte, M. Denis Masséglia, M. Sébastien Rome, M. Alexandre Sabatou, M. Michel Sala, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy

Excusés. - M. Karim Ben Cheikh, M. Joël Giraud, M. Emmanuel Lacresse, Mme Constance Le Grip

Assistait également à la réunion. - M. Jean-Luc Warsmann