Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

–  Audition conjointe de :

sur les finances locales et les conséquences pour les collectivités territoriales des réformes envisagées dans le projet de loi de finances pour 2023.              2

  présences en réunion...........................24

 


Mercredi
28 septembre 2022

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 21

session de 2021-2022

 

 

Présidence de

M. Éric Coquerel,

Président

 

 


  1 

La commission entend conjointement M. Pierre Breteau, co-président de la commission finances de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), M. Sébastien Miossec, président-délégué d’Intercommunalités de France, M. Denis Durand, membre du conseil d’administration de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et M. Franck Claeys, délégué adjoint de France urbaine, sur les finances locales et les conséquences pour les collectivités territoriales des réformes envisagées dans le projet de loi de finances pour 2023.

M. le président Éric Coquerel. Chers collègues, comme vous le savez, avec l’accord enthousiaste du Bureau, j’avais souhaité entamer un cycle d’auditions des principales associations d’élus locaux. Nous avions commencé mercredi dernier avec l’audition de Régions de France. Nous poursuivons cet après-midi, avec les représentants de quatre associations d’élus représentant le bloc communal.

Nous recevons donc M. Pierre Breteau, co-président de la commission finances de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), M. Sébastien Miossec, président-délégué d’Intercommunalités de France, M. Denis Durand, membre du conseil d’administration de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et M. Franck Claeys, délégué adjoint de France urbaine, qui remplace M. François Rebsamen, co-président de la commission finances de France urbaine, ce dernier nous ayant fait part hier soir d’un impératif qui l’empêche d’être parmi nous aujourd’hui.

Je céderai la parole à chacun des intervenants pour un propos général sur la situation des collectivités avant le projet de loi de finances pour 2023 et pour livrer leur opinion sur le contenu de ce projet. La parole est à M. Pierre Breteau, co-président de la commission finances de l’AMF.

M. Pierre Breteau. J’aimerais commencer mon intervention en évoquant le contexte totalement inédit dans lequel nous nous trouvons, le « nous » incluant l’État, les collectivités territoriales, les entreprises, les ménages, etc. Nous ne faisons plus face à une crise sanitaire mais à une crise énergétique, qui pèse très notoirement sur les comptes des collectivités territoriales. Nous examinons le projet de loi de finances dans ce contexte. J’aimerais m’attarder sur quatre points.

Le premier, probablement le plus significatif, est lié à l’annonce de suppression de la CVAE de la part du Gouvernement. Je rappelle que l’AMF n’a pas affiché un enthousiasme débordant à cette annonce, qui pour autant ne constituait pas une réelle surprise. Ce manque d’enthousiasme s’explique tout d’abord par notre conviction qu’il doit y avoir un lien fort entre le développement économique de nos territoires et les recettes que reçoivent ces derniers. Ce point liminaire étant dit, la suppression de la CVAE pose un certain nombre de difficultés. La question centrale est bien évidemment celle de la forme de la compensation proposée. Nous avons pris note du fait que la proposition émise, à savoir remplacer cette ressource par une fraction de la TVA, correspond à la « moins mauvaise » des options, eu égard notamment aux questions de dynamique, sous réserve de satisfaire trois conditions. La première condition est que cette fraction de TVA puisse être, d’une manière ou d’une autre, territorialisée : l’idée est d’établir un lien fort entre les recettes fiscales et le développement économique d’un territoire donné. La deuxième condition est que cette territorialisation ne souffre pas d’effets de bord trop substantiels. Je pense en particulier aux pistes évoquées à propos de la CFE. J’ai consulté les fichiers fiscaux de mon département et j’ai constaté des glissements importants de ressources fiscales. La troisième condition est que la période de référence soit convenablement choisie. À cet égard, il me semble que prendre en compte une année marquée par le Covid, durant laquelle la CVAE a été pénalisée, n’est guère pertinent. Dans le cadre des rencontres préalables auxquelles nous avons pu participer avec le Gouvernement, nous avons constaté un esprit ouvert et constructif, mais nous estimons n’avoir pas encore été entendus sur ce point. Dans la mesure où le Gouvernement a l’intention de supprimer de la CVAE en deux ans, nous avons proposé l’application de mesures techniques de dégrèvement, ce qui nous permettrait de poursuivre l’alimentation des bases et donc de faire en sorte que le mécanisme de compensation corresponde à ces bases. Cela permettrait alors, si la mesure devait être adoptée, de pouvoir sortir de cette période de référence et surtout de disposer de bases de compensation fiables. Cela nous laisserait aussi le temps de mettre au point un mécanisme de répartition de la fraction de TVA destinée à compenser la disparition de la CVAE – si telle était l’option retenue

Le deuxième point important de mon intervention est lié à la DGF. Nous avons bien noté que la prise en charge de la hausse de la DSU (dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale), de la DSR (dotation de solidarité rurale) et de la dotation d’intercommunalité, pour environ deux cents millions d’euros, serait assurée par un prélèvement sur les recettes de l’État, ce qui constitue un effort par rapport à ce qui a pu être réalisé par le passé. Pour autant, si l’on considère le panier de recettes du bloc communal et des communes en particulier – et mon propos s’applique d’autant plus que les communes sont petites –cette dotation continue d’être une ressource essentielle à l’équilibre des budgets des communes, au-delà d’être une simple ressource de péréquation. Nous avons bien conscience du contexte actuel mais nous considérons que la progression de la fiscalité ne peut pas porter que sur les valeurs locatives. Pour certaines collectivités, ce sera très inéquitable et cela provoquera des difficultés réelles. Nous pensons par ailleurs que le système de répartition de la DGF se trouve à bout de souffle après les réformes fiscales successives et que nous devons trouver les moyens d’en faire évoluer le mode de répartition. Nous savons bien que lorsque l’on réforme un système aussi complexe que celui de la dotation forfaitaire, si elle est figée, on se condamne en réalité à ne jamais la réformer, ce qui aboutit à un accroissement des inégalités auxquelles elle conduit.

Nous voyons deux motivations au fait de redonner une nouvelle dynamique à cette enveloppe. Tout d’abord, cela permettrait d’équilibrer l’effort au niveau du panier de recettes, et ensuite, cela ne ferme pas la porte à une évolution de la base de répartition de ces dotations, qui doit à l’évidence comprendre une partie forfaitaire et une partie de péréquation – sans doute la plus importante.

Le troisième point de mon intervention est lié à l’encadrement des dépenses de fonctionnement. Nous nous réjouissons que nous n’ayons plus un dispositif aussi « mécanique » et inadaptée que ne l’était celui des contrats de Cahors. Pour autant, l’encadrement des dépenses de fonctionnement proposé aux collectivités territoriales présente finalement un seuil assez bas. Plus de cinq cents collectivités seront concernées – cinq cents selon les notes de présentation mais vraisemblablement près de six cents en réalité. Nous avons bien compris que le dispositif s’appliquerait par catégorie de collectivités et qu’il s’agissait de mesures avant tout collectives, mais, en fin de compte, des sanctions réelles et individuelles sont bel et bien prévues. Nous pouvons comprendre qu’il faille faire passer des messages, mais pas qu’alors même que les collectivités territoriales ne contribuent pas au déficit public, un garde-fou apparaîtrait nécessaire comme si elles se mettaient à diverger soudainement par rapport à la trajectoire que la France a présentée à l’Europe, alors qu’elles ne l’ont pas fait ces dernières années. Cela ne constituerait donc pas vraiment un pacte de confiance mais plutôt un a priori de défiance.

Le dernier point de mon intervention est lié à la crise énergétique et à son incidence sur nos collectivités. Tous les acteurs sont bien entendu confrontés à ces tensions. Notre position sur la crise énergétique dépendra des réponses apportées en vue d’assurer la progression des recettes locales. Si notre panier de recettes ne progresse pas, nous adopterons bien évidemment une position plus dure sur le volet énergétique et inversement, si nous disposons de leviers au niveau du panier de recettes, nous pourrons envisager des positions plus modérées. Il n’en demeure pas moins que des solutions doivent être trouvées. J’ai le témoignage de collectivités de premier plan qui montrent que les équilibres budgétaires de fonctionnement se retrouvent menacés. En d’autres termes, du fait de la progression des prix de l’énergie, certaines collectivités sont susceptibles de se retrouver avec un budget en déséquilibre, ce qui constituerait une première pour la plupart d’entre elles.

M. le président Éric Coquerel. Je cède maintenant la parole à M. Sébastien Miossec, président-délégué d’Intercommunalités de France.

M. Sébastien Miossec. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, dans la mesure où il arrive souvent que nos remarques se rejoignent dans le cadre d’auditions conjointes, j’essaierai de ne pas être redondant par rapport à l’intervention précédente, dont je partage globalement le diagnostic sur le contexte très difficile pour les finances locales en 2022 et 2023. Je m’efforcerai donc d’insister sur quelques nuances par rapport à son discours. Nous devons nous demander comment faire en sorte que les collectivités locales puissent avoir les moyens de mettre en œuvre leurs propres ambitions pour leur territoire ainsi que les ambitions qui leur sont déléguées par l’État. Je pense notamment aux enjeux de transition écologique et énergétique qui se trouvent en toile de fond de la préparation des budgets locaux et nationaux.

Cela m’amène à une question sur laquelle nous revenons tous les ans, et qui nous apparaît de plus en plus prégnante : à un moment ou un autre, il faudra reconsidérer fortement le panier de ressources des communes et des intercommunalités – ainsi que des régions et des départements, mais notre débat du jour est centré sur le bloc communal. J’attire votre attention sur un travail commandé par la commission des finances du Sénat, qui devrait être restitué début octobre, et qui semble dessiner un certain nombre de perspectives intéressantes qui mériteraient un échange entre les deux chambres et les associations d’élus. La question de la péréquation est de plus en plus centrale, dans l’idée d’instaurer une plus grande justice entre les territoires.

J’évoquerai sensiblement les mêmes thèmes que Pierre Breteau. À l’instar des autres associations d’élus, Intercommunalités de France est plus que réservée à propos de la suppression de la CVAE, qui constitue une ressource importante pour les intercommunalités (un quart de nos ressources fiscales). L’argumentaire pour justifier cette suppression nous semble erroné. La CVAE est assise sur la valeur ajoutée créée par les entreprises et ce n’est donc pas un impôt de production que l’on paierait avant même d’avoir généré le moindre euro de chiffre d’affaires. Nous réitérons donc notre opposition de principe à la suppression de la CVAE. Cela étant, si le Gouvernement et le Parlement entérinent cette suppression, il nous semble important de tenir compte d’un certain nombre d’enjeux lorsqu’il s’agira de déterminer le mécanisme de compensation.

Nous plaidons également pour une ressource fiscale dynamique et en ce sens, la TVA serait une référence plutôt bonne. En revanche, je partage la préoccupation de Pierre Breteau à propos des années de référence. En l’état actuel du projet de loi de finances, les collectivités locales percevraient la CVAE en 2023 à hauteur de 50 % du montant habituel. Ce sera une très bonne année, qui compensera largement les baisses de 2021 et 2022 observées à l’échelon national. Or le projet de loi de finances mentionne une période de référence comprenant les années 2020, 2021 et 2022. Nous pensons que cette période de référence pourrait au moins intégrer l’année 2023, et éventuellement avec un coefficient de pondération supérieur par rapport aux « mauvaises années » que sont 2021 et 2022. Nous voudrions parvenir à un résultat où la période de référence serait favorable aux territoires, dans l’hypothèse d’une reprise économique en 2023. J’insiste sur le fait que si la CVAE est supprimée en deux étapes, les entreprises contribueront bien à la CVAE en 2023, générant des recettes en 2024. Nous avons la capacité de connaître ces montants.

Le deuxième enjeu lié à la suppression de la CVAE est celui de la territorialisation. Ce sujet est très important pour les intercommunalités. L’une des fortes critiques est liée au fait que nous craignons que la suppression de la CVAE ne désincite les entreprises à contribuer au développement économique des territoires. La création d’un fonds de soutien à l’attractivité économique – l’option envisagée aujourd’hui – ne nous semble pas pertinente. Nous souhaitons que la disparition de la CVAE soit compensée par des ressources fiscales (une fraction de TVA par exemple). Nous pensons que la dynamique de reversement de ces ressources fiscales aux collectivités doit se traduire par une adaptation à la dynamique territoriale mais certainement pas par un fonds indépendant de la compensation fiscale. Nous avons un peu de temps pour préparer cette réforme, étant donné que la suppression de la CVAE ne serait effective qu’en 2024. D’ici l’été 2023, nous pourrions, en concertation – j’insiste sur ce mot –, définir les indicateurs de territorialisation.

Je considère, tout comme Pierre Breteau, que les bases de CFE portent en elles beaucoup d’incohérences. La question des effectifs et les modalités techniques de déclaration de la CVAE peuvent être sujettes à débat mais la dynamique de développement de l’emploi sur les territoires doit pouvoir être compensée, et nous devons pouvoir travailler sur d’autres indicateurs.

Sur la question de la DGF, je partage l’essentiel de l’intervention de Pierre Breteau. Pour ce qui concerne la crise énergétique, l’impératif premier est de revenir à des prix de marché, sinon « normaux », tout du moins que les prix exorbitants ne soient plus appliqués. Le Parlement pourrait donner aux collectivités la possibilité de casser des contrats qu’elles auraient été contraintes de signer dans des conditions anormales de marché. Quant aux collectivités qui recherchent une solution pour éviter ces hausses tarifaires, la possibilité pourrait leur être offerte de renégocier leurs contrats dans quelques mois. L’objectif qui a été assigné aux collectivités locales pour les années à venir correspond à une baisse de 0,5 % de leurs dépenses par rapport au niveau de l’inflation. Cela représente un effort sans précédent d’encadrement de la dépense publique locale. Nos collectivités n’ont jamais opéré un tel effort sur cinq années, même hors inflation. Le projet de loi de finances fait d’ailleurs référence à un objectif qui pourrait être différent pour les régions, les départements et le bloc communal. Le bloc communal souhaiterait donc savoir à quelle sauce il sera mangé. Sera-t-il astreint au même objectif de réduction de ses dépenses de 0,5 % par an ou à un effort encore plus substantiel ? Nous aurions besoin de le savoir rapidement, d’autant plus dans un contexte où les hausses de prix de d’énergie ne portent pas sur 6 ou 7 % puisque la facture est parfois multipliée par trois, cinq, voire dix, d’une année sur l’autre. Nous sommes néanmoins davantage satisfaits par la méthode qui est proposée cette fois-ci, par rapport au contrat de Cahors. Nous aurions plutôt préféré raisonner en fonction du solde, c’est-à-dire en termes de capacité d’autofinancement, et non pas simplement en fonction de la variation de nos dépenses. Je fais en effet le lien avec les recettes, qui pourraient être très dynamiques l’année prochaine. La TVA devrait être assez dynamique fin 2022, ce qui devrait permettre de compenser une partie de l’accroissement des dépenses. Si nous avons des recettes supplémentaires, nous devons avoir la capacité d’engager des dépenses.

Je fais le lien avec la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation. Ce propos s’applique d’ailleurs à l’ensemble des valeurs foncières. La révision des valeurs locatives en 2023 en fonction de l’inflation de novembre 2022 devrait faire augmenter les valeurs locatives de 6 ou 7 %. Pour Intercommunalités de France, il est important que cette augmentation ne soit pas remise en cause car le pouvoir d’achat des collectivités se retrouverait mis à mal si les valeurs locatives n’augmentaient pas dans ces proportions. Un débat semble en cours au Parlement à ce sujet et je vous invite à la sagesse afin de nous laisser les moyens de prendre en charge nos dépenses, compte tenu des contraintes auxquelles nous ferons face l’année prochaine.

J’aimerais enfin évoquer le fonds vert, dont il est question dans le projet de loi de finances. Nous avons cru comprendre qu’il serait doté de 1,5 milliard d’euros en 2023. J’aimerais être rassuré sur ce point, et qu’il s’agit bien du montant prévu pour 2023 et pas pour l’ensemble du quinquennat. Nous encourageons les parlementaires à exhorter l’État à prendre des engagements pluriannuels pour soutenir le financement de projets locaux. Nous avons besoin de visibilité au-delà d’un an. Le CRTE (contrat de relance et de transition écologique) pourrait être un bon vecteur. Nous avons besoin que l’État soit capable de nous dire à quelle hauteur il sera capable de nous aider en 2023, en 2024, en 2025 ou en 2026. Nous sommes capables de le faire entre les départements et le bloc communal, l’État en est certainement aussi capable. Cette réponse ne coûterait rien mais jetterait les bases d’un réel dialogue de confiance entre l’État et les collectivités locales.

M. le président Éric Coquerel. Merci. La parole est à M. Denis Durant, membre du conseil d’administration de l’AMRF.

M. Denis Durand. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je représente l’AMRF, présidée par Michel Fournier, une association qui représente les communes de moins de 3 500 habitants, qui englobent 90 % du territoire et pratiquement 50 % de la population nationale. Je partage globalement les propos de Pierre Breteau. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des points qu’il a évoqués mais j’insisterai tout particulièrement sur la DGF, qui s’appuie, du moins pour sa part principale – elle comporte une part forfaitaire et une part de péréquation –, sur une discrimination entre les communes rurales et les communes urbaines. Pour les communes de moins de 500 habitants, la dotation est de 64 euros par habitant, alors que pour les communes de plus de 200 000 habitants, elle atteint 128 euros par habitant, soit un rapport de deux pour un. Cette mesure est complètement discriminatoire. Il me semblait que nous étions en République, et que le principe républicain était : « un homme égale une voix », quel que soit le lieu de résidence. Tous les Français devraient être traités équitablement. Or la fracture territoriale qui existe dans notre pays est immense et elle se creuse d’année en année. Il est important de réduire cette fracture, qui est un mal important pour notre pays. Réformer la DGF devient de plus en plus urgent. Ce n’est malheureusement pas prévu dans le projet de loi de finances. Il eût été plus aisé de le faire si cette ressource avait suivi l’inflation, mais ce n’est pas le cas. Le partage des ressources aurait été moins conflictuel. La DGF ne suit malheureusement pas l’inflation, elle n’a pas fait l’objet de grandes réformes et elle est basée sur des critères assez obsolètes.

Certes, la DSR et la DSU augmentent. À propos de la DSR, au sein de l’AMRF, nous avons tendance à la qualifier de « dotation de ségrégation rurale » dans la mesure où la plus grande part de cette dotation est octroyée aux communes les plus grosses, ce qui représente là encore une forme de discrimination. Les anciens chefs-lieux de canton et les communes qui regroupaient plus de 15 % de la population des anciens cantons sont privilégiés. Ce système est du reste assez obsolète. Pour ce qui est de la péréquation, la dotation « bourg centre » représente 45 % - de mémoire – de cette enveloppe, alors que la part de la péréquation est de l’ordre de 30 % comme pour la cible. Je pense qu’il faudrait que la péréquation soit prédominante et que la dotation « bourg centre » soit abaissée de manière drastique.

J’ai vu qu’une réforme des critères de péréquation avait été annoncée. Le critère « voirie » serait supprimé. C’est une mauvaise chose à mes yeux dans la mesure où l’entretien des voiries représente une charge importante pour les communes rurales. Le nombre de mètres de voirie par habitant peut être cinquante à cent fois plus important dans une commune rurale par rapport à une commune urbaine. Ce critère est donc important et il est dommage qu’il disparaisse. Quant au critère qui serait introduit, nous le jugeons illisible. Cette notion de densité nous semble assez compliquée.

J’aimerais également évoquer le FPIC (fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales). Il avait été prévu de le faire progresser au fil des ans afin qu’il représente à terme 1 % des recettes des collectivités locales. Malheureusement, sa progression a été interrompue – il y a trois ans me semble-t-il – et je pense que si nous voulons tendre vers une véritable péréquation, il faudrait appliquer la loi telle qu’elle a été votée au départ. Si ce fonds représentait 1 % des recettes des collectivités locales, il serait doté à hauteur de 1,4 milliard d’euros.

Le FPIC a été conçu en tant qu’outil de péréquation au sein du Comité des finances locales (CFL). Malheureusement, lors de l’examen devant le Parlement, une échelle logarithmique a été introduite et est venue favoriser les métropoles au détriment des petites intercommunalités. Je pense que nous devrions revenir au principe initialement prévu, considérant que le FPIC a été quelque peu dénaturé.

Nous sommes animés par des principes républicains. La République est censée garantir une égalité de droits et de devoirs entre les citoyens, quel que soit leur lieu de résidence. Si nous voulons réduire la fracture territoriale, nous devrons revenir vers ces grands principes.

M. le président Éric Coquerel. Merci. Le dernier intervenant est M. Franck Claeys, délégué-adjoint de France Urbain.

M. Franck Claeys. Tout d’abord, je vous présente les excuses de François Rebsamen, qui a dû faire face à une obligation de dernière minute.

J’ai eu le temps de lire le projet de loi de finances et le projet de loi de programmation des finances publiques et j’aimerais mettre en exergue quelques points positifs que j’y ai relevés. J’ai également trouvé des réponses à certaines questions que nous nous posions. L’article 6 introduit la non-incidence de la baisse de la fiscalité sur l’énergie sur les budgets locaux. Nous pouvons nous en féliciter. L’article 7 prévoit une actualisation du tarif de la taxe d’aménagement, ce que nous attendions également. L’article 12 décrit le schéma de variable d’ajustement, qui est un bon schéma, sans entrer dans le détail. Il prévoit également une augmentation de la dotation de biodiversité. L’article 45 prévoit une hausse des dotations de péréquation (DSU, DSR et dotations d’intercommunalité). Cela n’apparaît pas encore dans le texte, mais la logique est celle d’un financement vertical, comme nous l’ont promis les ministres lors de nos derniers échanges. Ce retour à un financement vertical est très positif à nos yeux. Nous ne sommes pas en ligne avec l’avis exprimé précédemment à propos du critère sur la longueur de voirie, dans la mesure où l’unanimité du Comité des finances locales était en faveur de son remplacement. C’était fondamental à nos yeux. Nous constatons également le maintien d’une notion d’effort fiscal qui est moins mauvaise que celle qui avait été un temps envisagée. Enfin, je note la présence de deux dispositions techniques sur le FPIC, qui étaient également attendues à la suite des travaux de vos collègues sénateurs – je n’entrerai pas dans le détail de ces dispositions. Enfin, nous partageons l’analyse de Sébastien Miossec à propos du fonds vert.

Je suis venu ici investi d’une mission de la part de la présidente de France Urbaine : convaincre les députés de la commission des Finances du bien-fondé d’une suppression de l’article 5 relatif à la CVAE. Notre position est très claire, et l’un de nos arguments a déjà été exposé par Sébastien Miossec. Il est absurde selon nous de supprimer la CVAE. Nous avions bien conscience de l’existence d’un tel projet, qui avait été mentionné dans un courrier d’Emmanuel Macron daté du 26 mars. La CVAE n’est pas un impôt de production. Lire une telle idée dans la presse est insupportable à nos yeux. Si vous le souhaitez, je pourrai développer nos arguments à ce sujet. Notre deuxième objection tient au fait que les impôts économiques représentaient 41,5 % du panier des ressources des EPCI en 2009. Ce poids est passé à 25,4 % en 2020 après la division par deux des valeurs locatives des locaux industriels et la suppression de la CVAE le ferait descendre sensiblement en dessous de 20 %. Les impôts économiques locaux doivent être remplacés d’une manière ou d’une autre, comme tout un chacun peut le comprendre… Autre argument : lors des échanges avec les collectivités, les entreprises expriment des attentes légitimes en termes d’infrastructures, de formation, de mobilité, etc., mais elles ne réclament jamais la suppression de la CVAE. Cette revendication n’est portée que par quelques fédérations nationales, et si leur discours a apparemment su convaincre certains décideurs politiques, il ne correspond à aucune attente réelle des chefs d’entreprise. Enfin, nous avons le sentiment que la suppression de la CVAE, qui représente une charge de sept ou huit milliards d’euros, remettra en cause certaines politiques nationales et risque de se traduire par une croissance de l’endettement ou par un encadrement accru des dépenses des collectivités locales.

Ce point me permet d’effectuer une transition avec le projet de loi de programmation des finances publiques. Nous avons là encore noté des mesures positives.

Nous trouvons la réponse à une préoccupation exprimée il y a quelques semaines lors d’une réunion du Comité des finances locales : les collectivités locales se sont montrées capables, sur la période de deux lois de programmation, de respecter leurs délais. Sans prétendre que le passé commande le futur, l’idée selon laquelle les dépenses des collectivités locales pourraient déraper ne repose sur aucune base historique. Nous avons été entendus et l’introduction du concept de responsabilité collective me semble très positive. Si les contrats de Cahors ont laissé un souvenir aussi amer, c’est notamment en raison des conditions dans lesquelles ils ont été « négociés », ou plutôt imposés par les préfets. Les spécificités territoriales n’ont pas été prises en compte comme elles étaient censées l’être. Le dispositif proposé à l’article 23 du projet de loi de programmation présente un certain nombre d’avancées. Pour autant, sans entrer dans le détail, au moins quatre points mériteraient à nos yeux d’être amendés.

La norme d’effort demandée sur les dépenses de fonctionnement (baisse de 0,5 % en deçà de l’inflation) conduit à ce que le solde structurel soit de + 0,5. Quel est le sens d’une mesure visant à demander aux collectivités de passer de + 0,1 (peu ou prou la situation de ces dernières années) à + 0,5. Cela signifie que les collectivités sur-fiscalisent ou sous-investissent. De notre point de vue, ce solde structurel n’a pas de sens. Dans le même état d’esprit, cela conduit à faire baisser la dette de structures telles que la Société du Grand Paris de 9,4 % à 7,4 %. Les collectivités investissent. Leur dette (exprimée en points de PIB) se maintient sur le long terme. Nous n’observons aucune dérive. Pourquoi demanderait-on aux collectivités de se désendetter parce que l’État n’en est pas capable ? Nous ne sommes pas opposés au principe mais nous aimerions qu’une réflexion soit menée sur le curseur, et que les chiffres mentionnés dans le projet de loi de programmation et ses annexes soient réétudiés.

Il est étrange que la première année de mise en œuvre soit 2023. L’arrêté, qui se basera sur une loi votée en décembre ou en janvier, imposera une contrainte de facto sur les budgets 2023 des collectivités locales alors que ces budgets auront déjà été votés dans la majorité des cas. Les collectivités locales vont donc être dans l’obligation de modifier leurs budgets pour tenir compte d’un texte dont elles n’avaient pas connaissance au moment d’approuver leur budget initial. Nous plaidons donc pour que la première année de mise en œuvre soit 2024 et non pas 2023.

Si les ministres ont déclaré à plusieurs reprises que nous ne connaîtrions pas une deuxième génération des contrats de Cahors, mais un dispositif alternatif – et d’ailleurs la Cour des comptes a fort bien illustré les effets de bord constatés à propos des contrats de Cahors – un point mérite notre attention : la désincitation à la mutualisation des services au sein du bloc communal qui est analysée page 160 du rapport de la Cour des comptes de juin 2020 sur les finances publiques locales. Le risque d’une reprise – c’est-à-dire d’une amende – pèse sur les plus grosses collectivités. Ce sont, soit dit au passage, celles qui n’ont pas retrouvé leur niveau d’épargne brute et qui ont été en première ligne pendant la crise financière. La nature des pactes financiers et fiscaux évolue entre les collectivités susceptibles de faire l’objet d’une reprise et celles qui en sont dispensées. J’exprime sans doute l’idée moins bien que la Cour des comptes mais ce sujet a été documenté.

À propos des modulations prévues à l’article 23, la communauté d’agglomération de Cergy, dont la démographie est particulièrement dynamique, a pu obtenir une capacité de dépenses supplémentaires à hauteur de deux cents mille euros dans le cadre des contrats de Cahors. Or la simple ouverture de classes dans les écoles primaires a pesé pour huit cents mille euros dans son budget. Nous considérons donc que ces curseurs doivent être portés à 0,5 au lieu de 0,15, comme le préconisait d’ailleurs le rapport Richard-Bur de 2018 sur la refonte de la fiscalité locale.

J’ai longuement insisté sur le projet de loi de programmation car ces points me semblaient importants. J’aimerais pour terminer évoquer la crise de l’énergie. Nous espérons d’ailleurs qu’elle ne s’étendra pas au-delà de 2023 grâce aux actions entreprises par l’État à l’échelon européen. Nous ne nous attendons pas à ce que les prix de l’énergie retrouvent les niveaux de 2018 ou 2019, mais ils pourraient retrouver un niveau acceptable. L’État nous demande en substance de patienter et de ne pas signer les contrats. Ce n’est pas très réaliste, et, en tout cas, j’espère qu’il nous aidera à renégocier des contrats signés sous la pression. Les budgets 2023 sont élaborés en ce moment. Nous devrions introduire des avances remboursables. Une nouvelle fois, il ne s’agirait pas que l’État se substitue aux obligations des collectivités mais qu’il les aide à passer le cap. Nous raisonnerions dans la même logique que durant la crise sanitaire pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Des discussions sont en cours avec Matignon. Cela ne fera pas l’objet d’un amendement mais cela nous semble essentiel.

Enfin, nous nous félicitons qu’au sein du projet de loi de finances, la disposition relative aux revalorisations forfaitaires annuelles n’ait pas été remise en cause. Nous avions demandé que la DGF soit indexée et le ministre Gabriel Attal nous avait répondu que cela représentait un coût important, mais que nous n’avions pas à nous inquiéter car l’année 2023 serait excellente grâce à la revalorisation, qui devrait être de l’ordre de 6 à 7 %. Sans préjuger du vote, pour en avoir discuté avec des parlementaires de la majorité présidentielle, ce chiffre devrait être finalement divisé par deux, et si telle était la décision, il me semble indispensable de traiter cela sous la forme d’un dégrèvement. Il ne serait pas acceptable de porter aux collectivités un message selon lequel elles n’auraient pas besoin d’indexation de la DGF car elles bénéficieraient de revalorisations conséquentes, pour ensuite diminuer ces revalorisations sans leur accorder de mesure d’indexation. Je pense donc que la question devrait être traitée en dégrèvement, c’est-à-dire en responsabilité, et non pas en imposant une non-recette aux collectivités en décalage avec les engagements du gouvernement.

M. le président Éric Coquerel. La qualité de vos interventions confirme le bien-fondé des invitations que je vous avais transmises. À mon sens, la question des collectivités territoriales sera au centre du débat sur le projet de loi de finances. J’ai lu dans Le Monde le jugement d’André Laignel, vice-président délégué de l’AMF, qui qualifiait ce projet de loi de finances de « calamiteux » pour les finances des collectivités. J’espère que les critiques que vous avez exprimées permettront de le faire évoluer. Je pars de l’idée que le bloc communal est la pierre angulaire de la démocratie française. Je suis donc défavorable à l’idée que l’État pourrait « sous-traiter » l’austérité budgétaire aux communes. Les hommes politiques font par ailleurs en sorte que la fiscalité nationale entre pour une part croissante dans les ressources des collectivités, avec donc une problématique croissante d’autonomie fiscale. Les politiques de péréquation risquent par ailleurs de provoquer des distorsions entre les communes et, par là, entre nos concitoyens.

À travers mes questions, je vous inviterai à préciser vos positions sur certains sujets. Tout d’abord, la loi de finances rectificative pour 2022 a instauré une dotation au profit des communes et de leurs groupements pour compenser l’inflation des coûts énergétiques et la revalorisation du point d’indice. Les prévisions du Gouvernement montrent que la majorité des plus grosses communes y seront éligibles tandis que la moitié des communes de moins de 3 500 habitants seulement pourront y prétendre. D’après vos critères, ces dotations sont-elles satisfaisantes et correspondent-elles à la réalité que vous observez ?

Si, de manière générale, l’épargne brute du bloc communal s’est redressée en 2021, les situations individuelles des communes et EPCI sont disparates, et ce d’autant plus que La Banque Postale a indiqué dans un rapport rendu public il y a quelques jours, que l’épargne brute du secteur qui sert à financer les investissements et le remboursement des emprunts devrait se dégrader en 2022, à hauteur de 11,3 % pour les communes et de 1,6 % pour les intercommunalités. Quelles sont pour vous les catégories de communes toujours en difficulté du fait de la crise sanitaire ? Sont-ce les mêmes qui subissent majoritairement les effets de l’inflation ? Avez-vous pu mesurer l’impact de la dégradation du climat (cf. notamment les incendies de cet été) sur les budgets des communes ? Avez-vous une estimation de ce que cela peut coûter ?

Le Gouvernement a refusé d’indexer la DGF sur l’inflation. Pour ma part, je suis critique à ce sujet et je vois que vous semblez l’être également. A été évoquée par le ministre chargé des comptes publics, lors de la réunion du Comité des finances locales, l’idée que cette hausse pourrait être financée directement par l’État. Quel regard portez-vous sur cette solution ? André Laignel parle de 1,2 milliard d’euros de baisse de pouvoir d’achat pour les communes du fait de cette décision ; quelle est votre estimation ?

Le projet de loi de programmation propose, à l’article 23 un nouvel instrument d’encadrement des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. C’est presque, pour moi, le plus grave. Ces dispositifs remplaceraient les contrats dits de Cahors et introduiraient une espèce de règle d’or ultra-contraignante pour les collectivités, avec certaines dépenses qui pourraient être neutralisées par décret voire des mesures « punitives » sur les finances des collectivités. Quelle est votre opinion sur cet instrument ? Si ces mesures étaient votées, quelles sont selon vous les dépenses qui ne devraient pas être concernées par l’encadrement des dépenses de fonctionnement ?

Enfin, vous avez évoqué la suppression intégrale de la CVAE. Je vous rejoins sur cette critique. Le Gouvernement souhaiterait fonder le calcul de cette part sur l’évolution des bases de CFE. Quelles modalités de calcul faudrait-il retenir à votre sens ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Merci monsieur le président et merci messieurs pour vos interventions. Tout d’abord, j’aimerais saluer, comme je l’ai toujours fait, le travail des élus et des maires en particulier. Ils ont fait preuve d’exemplarité durant la crise du Covid aux côtés de leurs concitoyens et ils ne relâchent pas leurs efforts à présent que nous faisons face à une nouvelle crise. Vous êtes effectivement en première ligne pour notre démocratie et pour le développement de nos communes. Le bloc communal est tout à fait essentiel pour nous. Notre respect ne sera pas entamé par les propos déplacés du premier vice-président délégué du CFL, qui ne regardent que lui et ne grandissent pas l’image des élus locaux.

Concernant la CVAE, je note une nostalgie à son propos, et je vous renvoie aux rapports, rédigés en particulier par vos associations mais aussi par les députés, qui pointent les défauts de cet outil : absolument pas pilotable par les élus, avec des écarts considérables d’une année sur l’autre sans corrélation avec le travail des élus, une centralisation excessive de la valeur ajoutée sur certains territoires au détriment notamment des territoires ruraux, etc. Tout le monde souhaitait finalement que la CVAE soit réformée. Votre souhait d’une compensation à l’euro près et avec une recette dynamique sera entendu. Nous avons pris en compte une période de référence triennale compte tenu des évolutions erratiques de cette ressource d’une année sur l’autre. Chaque fois que des recettes fiscales ont été supprimées, les mécanismes de compensation ont été calculés en fonction des années qui venaient de s’écouler. Je suis d’accord avec vous sur le fait que la dynamique de la ressource de la TVA doit être associée à un ancrage territorial. Nous avons un an pour en discuter et nous sommes à votre disposition. L’objectif est de faire en sorte que la dynamique de TVA reflète votre travail.

J’aimerais réagir à la remarque selon laquelle les collectivités territoriales ne contribueraient pas au déficit de notre pays. Je rappelle que cent six milliards d’euros sont transférés de l’État vers les collectivités territoriales ! Cela explique donc une partie du déficit de l’État. Je ne remets pas en cause le bien-fondé de ces transferts, car nous souhaitons développer les services locaux, mais gardons-nous de propos trop caricaturaux.

Sur la question de l’énergie, nous sommes tous conscients que les collectivités territoriales en sont affectées et dans des conditions diverses, selon notamment la date de la fin de leur contrat, du poids des différentes énergies et de leurs investissements en vue de diminuer leur facture énergétique à terme. Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, nous avons voté une mesure qui permettait d’aider les collectivités les plus affectées par la hausse des prix énergétiques. Êtes-vous favorables à une mesure ciblée similaire en 2023 ?

Concernant la DGF, je vous trouve assez sévères, même si j’apprécie les propos modérés de Franck Claeys. La DGF a été désindexée par la droite il y a une quinzaine d’années, abaissée drastiquement par la gauche entre 2012 et 2017, et c’est la première fois qu’elle augmente – elle était stable dans le texte initial mais un engagement a été pris de la part de la ministre en charge des collectivités territoriales devant le CFL. Nous pouvons toujours débattre de l’ampleur de cette augmentation mais il faut faire preuve d’objectivité à l’aube de nos discussions parlementaires.

Monsieur le maire, j’ai un très grand respect pour l’AMRF, et je suis moi-même originaire d’un département très rural, le Gers, mais si nous répartissions la DGF entre tous les habitants, vous savez que cela conduirait à redistribuer une part importante de la DGF aux grandes villes, qui sont les plus riches, et que la dotation aux communes les plus rurales s’en retrouverait diminuée. Ce n’est bien évidemment pas ce que vous souhaitez, ni ce que nous souhaitons, et nous continuerons de faire augmenter la dotation de solidarité rurale pour les communes les plus rurales.

S’agissant de la taxe foncière, ne nous méprenons pas. Nous avons voté en 2016 puis modifié en 2018 l’indexation de la taxe foncière alors qu’auparavant ce n’était pas la pratique : nous débattions chaque année au Parlement pour déterminer le niveau d’augmentation de la taxe foncière. Je comprends les propriétaires qui verront leurs impôts locaux augmenter mécaniquement de 7 % l’année prochaine. Faut-il approuver une telle mesure qui aura un effet sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens, ou faut-il prévoir une mesure intermédiaire qui pourrait consister à limiter cette hausse à 3,5 %, libre aux collectivités territoriales d’augmenter ensuite le taux comme elles en ont le droit ? Le débat est ouvert et je souhaiterais connaître votre opinion à ce sujet.

Enfin, pour ce qui est de la contractualisation, nous avons consenti à un effort très important par rapport aux contrats de Cahors, qui étaient individualisés dès la première année et assortis de pénalités et de reprises. Nous proposons la mise place d’une logique très différente, celle de « contrats de confiance » pour reprendre l’expression de Gabriel Attal, puisque nous nous fixons un objectif collectif et que nous ne mettrions en place des mesures que si cet objectif n’était pas atteint.

Comme vous l’avez dit, notre pays traverse une crise exceptionnelle. Jamais depuis 1945 nous n’avons été confrontés simultanément à une guerre aux portes de l’Europe, à une inflation record, à une crise de l’énergie et à une crise sanitaire qui menace toujours. Jamais vous n’entendrez les députés opposer l’État et les collectivités territoriales. Nous devons rechercher une solution globale, et réfléchir à la contribution que les collectivités territoriales peuvent apporter à l’effort global. Si la proposition de 0,5 % ne vous convient pas, pourquoi ne pas modifier le texte ? Mais je souhaite savoir comment vous entendez participer à cet effort global.

M. Pierre Breteau. Pour répondre à votre dernière question, nous avons contribué en 2008 à hauteur d’un milliard et demi d’euros, en 2009 pour un demi-milliard, en 2020 pour trois milliards et en 2021 pour cinq milliards. Les collectivités territoriales contribuent donc déjà à l’effort collectif. Vous avez compris que mes propos sont généralement plus « feutrés » que ceux du Président Laignel mais nous partageons la même vision de fond : les collectivités territoriales contribuent déjà à la trajectoire des finances publiques de la France au regard des critères de Maastricht. Nous comprenons bien que le Gouvernement soit sous pression à cet égard mais nous contribuons déjà à l’effort collectif. Il s’agirait donc pour nous de consentir à un effort supplémentaire, qui n’est pas proportionnel au poids des collectivités territoriales dans la dette publique, puisqu’il est seulement de l’ordre de 9 à 10 %. On nous demande un effort quatre ou cinq fois supérieur, beaucoup plus important qu’aux autres acteurs publics.

Bien entendu, la sortie des contrats de Cahors est un progrès, ou plutôt un moindre mal. Au-delà de leur caractère léonin, ils étaient techniquement absurdes. Nous pouvons nous réjouir de l’établissement d’un système plus collectif mais, pour autant, nous ne pouvons pas parler de contrat de confiance.

Vous nous interrogiez sur l’évolution de l’épargne brute et de la capacité d’autofinancement des collectivités territoriales. Pas un jour ne se passe sans que l’AMF ne reçoive un appel d’une collectivité territoriale qui craint de voir son épargne s’évaporer d’ici l’année prochaine face à la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires – les cantines scolaires sont un poste de dépenses important. Ce n’est pas agréable à entendre mais c’est une réalité. Pour les collectivités qui verront leur épargne brute diminuer, leur capacité d’investissement sera également amputée. Et les débats sur l’utilisation du fonds vert seront alors vains car les communes ne seront plus en mesure d’apporter le moindre euro d’autofinancement pour y avoir droit. Les préfets recevront des circulaires pour les prier de bien vouloir accélérer la consommation des crédits alors que l’épargne brute aura fondu comme neige au soleil. Si nous ne pouvons pas partager ces points de vue paisiblement, il est difficile d’avoir un débat constructif par la suite.

Votre question relative aux conséquences du dérèglement climatique sur nos budgets est pertinente mais complexe. Il serait donc compliqué de vous répondre. Nous percevons une réelle incidence de la flambée des prix énergétiques et alimentaires mais c’est plus difficile à évaluer pour le dérèglement climatique. Nous sentons en revanche que les enjeux climatiques sont connectés à notre capacité d’investissement. Si nous voulons réussir la transition énergétique qui s’impose à nous collectivement, il faut que les premiers gestionnaires de parc immobilier au niveau national, c’est-à-dire les collectivités locales, puissent transformer leur parc immobilier.

Monsieur le rapporteur général, vous disiez tout à l’heure, avec malice, que les associations d’élus avaient parfois critiqué la CVAE. Certes, mais il faudrait alors considérer l’ensemble du sujet. La DGF se remet à progresser après avoir été gelée puis amputée, mais qu’est-ce que la DGF ? Ce n’est pas une subvention mais une compensation destinée à financer le transfert de compétences de l’État vers les collectivités territoriales. Ce n’est donc pas une aumône que l’État verserait aux collectivités territoriales mais plutôt un dû, ou tout du moins une forme de compensation. Le fait que nous puissions craindre que l’évolution des valeurs locatives soit différente de celle annoncée précédemment, et que l’on refuse de rétablir une vraie dynamique pour la DGF, pose un problème de recettes. Certaines collectivités n’auront pas d’autre choix que de revaloriser leurs tarifs et leurs taux d’imposition. D’autres, qui ne souhaiteront pas imposer une surpression fiscale à leurs administrés, réduiront drastiquement leurs investissements. Il n’existe pas une infinité de variables d’ajustement budgétaire. Le Gouvernement souhaitant supprimer la CVAE – mesure que nous ne partageons pas tous – et allégeant ainsi la fiscalité des entreprises, cela signifie que d’une manière ou d’une autre, la charge se reportera sur les ménages. Nous préférons que cette décision soit assumée par celui qui l’a décidée. Qui décide assume, et qui décide paie.

Des compétences nouvelles nous sont transférées année après année, circulaire après circulaire, norme après norme, ce qui pèse sur nos budgets propres. Si nous devions débattre de la bonne base de dépenses – débat déjà voué à l’échec – nous devrions extraire les mesures qui s’imposent à nous. Si l’on nous impose de nouvelles compétences qui engendrent des coûts de fonctionnement ou des investissements supplémentaires, et que l’on intègre ces dépenses dans le cadre pour lequel des efforts nous sont réclamés, cela revient à une double peine. Je laisserai mes collègues répondre sur les autres points.

M. Sébastien Miossec. Je partage très largement les propos de Pierre Breteau. Sans revenir sur les points qu’il a déjà évoqués, j’aimerais revenir sur la CVAE. Certes, la CVAE présentait des défauts – sa volatilité, sa difficulté à être pilotée et comprise à l’échelle territoriale – mais la suppression pure et simple était-il le seul remède possible ? Nous eussions préféré qu’elle fût améliorée plutôt que supprimée.

Monsieur le président, vous nous interrogiez sur les modalités d’une territorialisation. Au cours de mon intervention, j’ai évoqué les bases de CFE, qui sont largement imparfaites, dans un contexte où l’on nous demandera de tendre vers un objectif de 0 % artificialisation nette. Cet indicateur, qui du reste est techniquement inadapté, ne semble donc pas approprié. L’encouragement à l’emploi et au développement économique sur le foncier peuvent être des thématiques à travailler, comme la capacité des entreprises à investir sur le territoire. Nous avons encore du temps pour y travailler au-delà de l’examen du projet de loi de finances.

Concernant les valeurs locatives, monsieur le rapporteur général, limiter la revalorisation à 3,5 % tout en nous invitant à revoir nos taux le cas échéant, revient à nous priver du pouvoir d’achat auquel nous pouvons légitimement prétendre – si l’indexation sur l’inflation a été introduite, c’est parce que l’on considérait qu’il était pertinent d’indexer les dépenses publiques locales sur l’inflation – et d’assumer une éventuelle augmentation de nos taux d’imposition. Je ne suis pas du tout satisfait de cette réponse. Le paradigme pourrait d’ailleurs être renversé : accorder une revalorisation de 6 ou 7 % à toutes les communes, et celles qui estimeraient pouvoir faire des économies pourraient alors abaisser leur taux d’imposition. Cette approche me séduirait davantage.

Cela me fait penser à la situation énergétique. On m’a annoncé dernièrement que notre facture d’énergie passerait de cent vingt mille à quasiment quatre cent mille euros. Mon épargne nette l’année dernière était d’à peine deux cent mille euros… Même si je décidais d’arrêter l’éclairage public et de baisser le chauffage dans les bâtiments publics, je ne serai pas en mesure de baisser les taux d’imposition l’année prochaine. Je ne parle même pas de l’intercommunalité…

L’incidence financière de la crise sur les collectivités territoriales est effectivement très hétérogène. J’attire votre attention sur le fait que les budgets annexes des intercommunalités pourraient aussi subir des effets significatifs. Dans mon intercommunalité par exemple, nous détenons des compétences en matière de gestion de l’eau et d’assainissement et notre facture d’énergie, qui pourrait doubler ou tripler, pourrait nous conduire à augmenter nos tarifs d’eau et d’assainissement de 20 à 40 %. Ce serait une hausse très significative pour nos usagers.

Enfin, pour ce qui est du périmètre d’application de l’encadrement des dépenses, je rejoins les propos de Pierre Breteau et j’ajoute que certaines dépenses concourent aux objectifs communs de transition écologique, et je pense qu’elles devraient faire l’objet d’un traitement différencié dans la mesure où ce sont des dépenses que nous considérons tous comme urgentes compte tenu du contexte climatique et international.

M. Denis Durand. Monsieur le rapporteur général, vous venez de dire que répartir la DGF en fonction du nombre d’habitants reviendrait à reverser aux villes une partie des sommes octroyées aux communes rurales. Je dois vous rappeler que j’ai distingué tout à l’heure la part forfaitaire et la part de péréquation. La part de base n’a pas pour rôle de « corriger » la péréquation. Les collectivités locales tirent leurs ressources, pour l’essentiel, des impôts locaux et de la DGF. Si une discrimination est introduite au niveau de la DGF, cela réduit d’autant l’effet de la part de péréquation. C’est la raison pour laquelle il est important de réformer la DGF pour l’ensemble des collectivités, sachant que les communes rurales perçoivent généralement peu de recettes fiscales professionnelles. Je note par ailleurs que la DSR a été élaborée essentiellement par des représentants de communes urbaines, qui sont largement majoritaires au sein du CFL. On nous supprime le critère de la longueur de voirie alors que nous atteignons parfois cent à deux cents mètres de voirie par habitant contre parfois un ou deux mètres en zone urbaine. Ce critère est important à nos yeux, tout comme le nombre d’enfants scolarisables, les critères de superficie, etc. Si ces critères sont lisibles et correspondent à des charges réelles, pourquoi faudrait-il les remplacer par des critères assez illisibles ? Je pense qu’il faut faire confiance aux ruraux pour la DSR et ne pas la façonner selon le principe « big is beautiful ».

M. Franck Claeys. Monsieur le président, vous avez posé une question sur l’article 14 de la loi de finances rectificative adoptée en août dernier. Vous constatiez qu’une grande majorité des grandes collectivités serait éligible, contrairement aux plus petites. En réalité, le tableau auquel vous faites allusion indique simplement que les critères de l’article 14 (niveau de potentiel financier et niveau d’épargne brute) excluent une minorité de collectivités, et que ces dernières sont quasiment absentes parmi les plus grandes collectivités. Cela ne signifie absolument pas que la proportion des bénéficiaires sera telle qu’indiquée dans le tableau. Je serai incapable de l’évaluer, ne serait-ce que parce que la loi laisse une assez grande latitude au décret d’application, qui n’est toujours pas paru. Il me semble d’ailleurs important que ce décret intègre les budgets annexes. La deuxième incertitude est liée à l’atterrissage budgétaire de 2022. Nous ne sommes encore qu’en septembre, et les prix de l’énergie pourraient encore évoluer. Je sais que La Banque Postale a réalisé des simulations, dont je ne conteste pas la méthodologie, mais les résultats ne nous permettent pas de tirer des conclusions en fonction des strates démographiques. Quoi qu’il en soit, ce ne sont encore que des simulations et nous verrons ce qu’il en est au printemps prochain.

Pour ce qui concerne l’exercice 2023 et le niveau d’épargne brute, je partage les propos déjà exprimés. J’insiste seulement sur le fait que nous ne devons pas nous tromper de débat : certains territoires font face à une problématique de solvabilité. Je pense notamment à l’outre-mer – le rapporteur général a d’ailleurs rédigé un rapport sur la question. Fort heureusement, parmi les membres de France Urbaine, les problèmes de solvabilité restent marginaux. En revanche, la construction budgétaire s’avère complexe face au mur de la hausse des prix énergétiques. C’est la raison pour laquelle j’évoquais la possibilité de recourir à des avances remboursables, pour faire face à une difficulté budgétaire temporaire et non pas à une dégradation des ratios financiers. Si nous ne trouvons pas de système gagnant-gagnant, nous ressortirons de la crise perdant-perdant, c’est-à-dire que nous n’aurons pas réalisé en 2023 les investissements les plus urgents pour faire face aux besoins de la transition écologique.

Pour en revenir à la loi de programmation, Monsieur le président, vous nous avez interrogés sur le bien-fondé d’exclure éventuellement certaines dépenses. Mes collègues ont déjà répondu sur ce point et je ne peux que partager l’opinion exprimée au sujet des dépenses liées à la transition écologique. Cependant, toutes les dépenses de cette nature ne relèvent pas des investissements. Le budget de fonctionnement peut également être concerné. Par ailleurs, l’article 9 de la loi de programmation précise le périmètre des dépenses « pilotables », même si le terme a disparu. Certaines dépenses sont exclues, comme par exemple la charge de la dette, ce qui semble tout à fait logique. Il me semble que les dépenses liées par exemple aux décisions prises sur la revalorisation des points d’indice devraient également être considérées comme non pilotables. Il serait intellectuellement compliqué de nous demander de piloter des dépenses qui relèvent de décisions exogènes.

Monsieur le rapporteur général, je suis heureux de vous entendre dire que le curseur de 0,5 serait négociable. Cette discussion me semble importante. Nous devons parvenir à un accord sur le résultat que nous souhaitons obtenir au terme de la loi de programmation – qui est pluriannuelle – pour le sous-secteur des collectivités. Un objectif de solde structurel de 0,5 ne m’apparaît pas comme pertinent. Nous pouvons toujours discuter du niveau adéquat, et je pense que le chiffre de 0,5 pourrait être ramené à 0,1 ou 0,2.

Beaucoup de choses ont été dites sur la CVAE, notamment par Sébastien Miossec. Nous considérons que la CVAE pouvait être améliorée, notamment pour ce qui est de son calcul en fonction du secteur d’activité. Ce sujet n’est pas étranger à la péréquation, un sujet sur lequel le Medef a toujours refusé de débattre. Je trouve cela choquant. Pour ce qui est de la compensation, le millésime 2023 se retrouve à plus de 80 % dans les caisses de l’État. Ignorer cette année ne me semble donc pas correspondre à l’idée d’une compensation à l’euro près. Je pense donc que la période de référence ne doit pas se limiter aux années 2020 à 2022 mais inclure également les années 2023 et 2024.

Je rejoins également l’opinion de Sébastien Miossec pour ce qui concerne la revalorisation forfaitaire. Je vous rappelle que les 3,4 %, dont nous pensions qu’ils étaient suffisants pour compenser les pertes de l’année précédente – à l’époque, la revalorisation avait été de 0,1 % alors que l’inflation atteignait 1,6 % - sont en deçà de l’inflation prévisionnelle pour 2022, qui est de 5,4 %. Les propriétaires, qui ne sont bien évidemment pas les mêmes à Marne-la-Coquette et à Clichy-sous-Bois – d’où la nécessité de raisonner globalement – bénéficient tous de la baisse de la taxe d’habitation, qui est conséquente. Je pense enfin que la question de la responsabilité doit être débattue : il serait regrettable que les collectivités se retrouvent contraintes d’augmenter leurs taux d’imposition. Il est tout à fait légitime de les inciter à les abaisser lorsqu’elles le peuvent, mais je pense que nous devons traiter ce problème par la voie d’un dégrèvement et non pas reporter la responsabilité sur les exécutifs locaux.

M. Thomas Cazenave (RE). Nous partageons l’idée que 2023 est une année très incertaine. Avez-vous une remontée consolidée et précise des collectivités sur le sujet de leur facture énergétique ? L’objectivation des problèmes est l’une des principales difficultés auxquelles nous allons être confrontés. Les situations sont très différentes d’une collectivité à l’autre.

Ces dix dernières années, la trésorerie des collectivités a considérablement progressé. Pour le bloc communal, elle est passée de dix milliards à trente milliards d’euros en dix ans, avec une progression constante. De même pour les EPCI. Les exécutifs locaux ont-ils cherché à mettre des fonds en réserve et si oui, quand comptent-ils les utiliser ? Les réserves, dans l’absolu, sont censées être utilisées en cas de coup dur, et il me semble que nous sommes dans cette situation.

J’irai un peu plus loin que Jean-René Cazeneuve. Monsieur Breteau, vous vous êtes déclaré favorable à la participation au redressement des finances publiques mais vous avez considéré que l’effort demandé était trop important. J’aimerais connaître le montant qui serait adéquat selon vous. Les temps sont difficiles pour les Français, les entreprises et l’État. Personne n’a voulu cette crise. Il me semble légitime que chacun contribue à l’effort collectif mais on peut discuter du montant.

Enfin, pourquoi opposer la suppression de la CVAE et le développement économique territorial ? Si la CVAE est supprimée, c’est pour encourager la compétitivité économique des entreprises, qui finiront par investir dans nos territoires. D’ailleurs, le représentant de Régions de France reconnaissait, dans son audition, que la suppression de la part régionale de la CVAE n’avait pas empêché les régions de territorialiser leur politique publique.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Merci à tous les intervenants pour ces positions claires et qui posent les enjeux du projet de loi de finances. Ma question est assez simple : les réflexions sur les communes rurales rejoignent assez largement celles des élus du RN, à savoir que les collectivités en zone rurale gèrent un nombre de services d’intérêt général bien supérieur à ce que la Nation semble reconnaître, et dont la valeur économique est parfois sous-estimée. Je pense au fait que les communes rurales alimentent le reste du pays, et gèrent une part considérable de notre patrimoine environnemental, culturel et spirituel – les églises ont été construites à une époque où l’essentiel de la valeur économique était créé dans les communes rurales, dont la population était bien plus importante. Ne faudrait-il pas ouvrir une nouvelle réflexion pour transférer plus de ressources vers les communes rurales, qui gèrent un certain nombre de services économiques qui ne sont pas valorisés par la Nation – et que nous avons redécouverts en partie pendant la pandémie. Les communes rurales doivent consacrer toujours plus de ressources, par exemple, à l’entretien des églises. Je suis souvent saisi par des maires pour qui l’entretien des églises devient insurmontable. Cela limite leur capacité d’investissement pour les écoles et pour attirer des entreprises et des jeunes couples. Ne faudrait-il pas ouvrir une réflexion pour que les communes rurales aient les moyens de se développer et pas seulement gérer ce que l’histoire et l’honneur leur ont demandé de gérer pour la France ?

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Notre groupe apporte un soutien constant aux communes et départements, qui sont l’échelon majeur de notre République et de la démocratie locale. Vous avez exprimé la difficulté dans laquelle se retrouvent nos collectivités locales. Plus elles sont petites, d’ailleurs, plus elles sont sensibles aux hausses de prix actuelles. Je citerai également André Laignel, pour qui la « troisième ligne rouge » a été franchie par le Gouvernement avec les dernières annonces. En vous écoutant, on mesure l’écart entre les déclarations du ministre des finances ici même – il nous avait assuré prendre la question du financement des collectivités très au sérieux – et les décisions prises. Vous êtes les garants de nombreux services de proximité pour les habitants. Les maires de ma circonscription m’annoncent une baisse de leurs investissements en 2023 ainsi que des services publics, ce qui touchera inévitablement les plus modestes – et pas seulement eux. Au vu des annonces récentes, il nous semble que le Gouvernement a décidé une nouvelle fois de faire porter le poids de sa politique de rigueur aux collectivités, en mettant en avant leurs dépenses. Que préconisez-vous pour que les collectivités locales récupèrent des marges de manœuvre ?

L’indexation de la DGF, qui ne fait pas partie du projet de loi, pourrait-elle au moins concerner les strates de communes et des EPCI plus dépendants de la DGF ? Quelles sont vos réflexions sur l’invention d’un nouveau panier de recettes pour le bloc communal afin de mieux relier la démocratie locale et la levée d’impôts ?

S’agissant de la territorialisation de la TVA, faut-il se limiter à l’activité des entreprises ou intégrer des activités publiques qui participent à l’activité économique du territoire ?

Concernant le fonds vert, quel serait le meilleur dispositif de tirage ? Les appels à projets ne semblent guère plébiscités par les maires. Pourrions-nous inventer un système différent ? Dans quelle mesure, selon vous, ce fonds vert pourrait-il aider les petites communes, dont les capacités d’investissement sont moindres et qui ont moins de moyens d’ingénierie pour pouvoir solliciter les fonds de l’État ?

Mme Véronique Louwagie (LR). Merci Messieurs de nous avoir présenté votre perception des prochains textes et vos préoccupations. Nous vivons, depuis la suppression de la taxe d’habitation, une perte d’autonomie fiscale des collectivités locales. Elle se poursuit avec d’autres dispositifs. Un grand nombre de collectivités, et notamment de communes, n’ont plus les moyens d’investir sans soutien de la DETR ou de la DSIL. Nous assistons à une sorte d’inquisition dans la gestion des collectivités dans la mesure où à défaut d’avoir ces soutiens, bon nombre de communes ont des difficultés à investir.

J’ai une seule question, beaucoup ayant déjà été posées. Concernant la suppression de la CVAE, vous avez indiqué que la base CFE n’était pas l’outil le plus pertinent pour la territorialisation de la TVA. Je partage cette opinion car les bases de CVAE et de CFE sont construites différemment. Quel outil proposeriez-vous ?

M. Pascal Lecamp (Dem). Merci, Monsieur le président et Messieurs les représentants du bloc communal. La situation financière des collectivités territoriales et notamment du bloc communal s’est améliorée au fil du temps, comme l’a souligné mon collègue de Renaissance, et nous constatons que l’épargne brute a crû de 10,9 % en 2021. Cependant, des diversités territoriales existent. Jusqu’à il y a quelques semaines, j’étais maire d’une ville de deux mille huit cents habitants et je pense donc bien comprendre les implications des augmentations de prix. Dans ce contexte, le Modem sera toujours présent aux côtés des collectivités. Le PLF propose des mécanismes que certains d’entre vous ont critiqués.

S’agissant de la CVAE, il serait question de territorialisation d’une part de TVA en lien avec l’activité économique. Quels indicateurs seraient pertinents à vos yeux ? Ne pourrait-on pas en profiter pour évoquer la question de la péréquation. Je reprends l’exemple choisi par Gabriel Attal ici même il y a deux jours, de la ville de Civaux à une trentaine de kilomètres de chez moi. La centrale nucléaire n’a plus produit d’électricité pendant un an, et la CVAE est passée de trois millions et demi à cinquante-huit mille euros ! Gabriel Attal a utilisé cet exemple pour justifier le choix d’une base pluriannuelle. Ne pourrait-on pas profiter de ce changement pour réfléchir à une meilleure péréquation pour les communes rurales ? Je partage les propos du représentant de l’AMRF.

Comme certains de mes collègues l’ont souligné, le système d’appel à projets du fonds vert est compliqué pour les petites communes : elles manquent de moyens d’ingénierie et de personnel. Quels seraient selon vous les critères de déploiement du fonds vert ? À quel échelon l’interlocuteur devrait-il se placer ? Comment faire pour que les petites communes puissent y accéder ?

Mme Félicie Gérard (HOR). Tout d’abord, j’aimerais remercier les intervenants pour leur éclairage sur la situation des finances des collectivités locales. Le groupe Horizon est très attaché à ces dernières. Les collectivités locales sont inquiètes de l’avenir et de leur capacité à absorber certaines dépenses nouvelles. Je pense notamment à la hausse du point d’indice et des prestations sociales, en conséquence de l’inflation. Les parlementaires que nous sommes connaissent, dans chaque circonscription, des élus locaux inquiets qui ont vu leur DGF diminuer ou, plus largement, qui ont du mal à absorber les dépenses nouvelles. Ma circonscription n’échappe pas à ce constat. Ma question est donc directe : quelles sont selon vous les pistes d’amélioration, vos trois priorités et vos trois marqueurs ?

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Merci aux intervenants. Même si vous n’appartenez pas aux mêmes partis, vos avis se rejoignent. Vous nous faites part de votre déception et de votre inquiétude, tout comme les élus locaux de ma circonscription depuis que le gouvernement a présenté ses orientations pour les finances locales dans son projet de loi de finances et dans le projet de loi de programmation. Après la suppression de la taxe d’habitation, la CVAE serait à son tour supprimée, elle qui avait été auréolée de toutes les vertus à sa création. Elle est supprimée sans travail de réflexion préalable sur la ressource dynamique qui pourrait la remplacer, le choix se portant sur une dotation calculée sur la base des années 2020, 2021 et 2022. Retenir l’année 2020 pour le calcul de cette moyenne nous apparaît d’ailleurs surréaliste.

Outre cette suppression, l’indexation de la DGF sur l’inflation est remise en cause. L’assèchement des finances locales est donc en marche. Dans un tweet récent, Madame la ministre déléguée en charge des collectivités territoriales a fait connaître l’intention du gouvernement de « consentir » à une hausse de la DGF avec une enveloppe complémentaire de deux cent dix millions d’euros qui, précisons-le, n’est pas encore inscrite dans le PLF. Nous connaissons les effets d’annonce mais le recul de l’autonomie des collectivités, et donc de la décentralisation, est en marche également ! D’après la ministre, 70 % des communes verront leur dotation maintenue ou augmenter. Partagez-vous cette information, notamment en tenant compte des effets de l’inflation ?

J’aimerais également vous interroger sur les dispositions de l’article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques. Pour reprendre les propos du ministre Gabriel Attal, il s’agirait d’instaurer un pacte de confiance avec les collectivités territoriales, pacte de méfiance selon les élus locaux. Face à la contraction des recettes, aux effets grandissants de l’inflation et à la nécessité de remplir vos missions, quel regard portez-vous sur l’objectif d’un maintien des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités à un rythme inférieur de 0,5 % au taux d’inflation sous peine de sanctions ?

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Messieurs les représentants du bloc communal, vos interventions ont été très claires. Les collectivités territoriales font face à des difficultés majeures, comme nous l’avons compris à travers les propos de MM. Breteau et Miossec. Nous voyons le mur de l’énergie et le mur de l’inflation arriver. J’ai rencontré les quarante-cinq maires de ma circonscription et nous allons être dans une situation inédite et très inquiétante. La capacité d’autofinancement va baisser considérablement. Elle a progressé dans les années précédentes mais elle se retrouvera complètement asséchée en 2022 et 2023, avec un risque majeur sur les investissements.

Dans le même temps, l’article 23 est très clair : la trajectoire proposée consiste à demander aux collectivités de réaliser dix milliards d’euros d’économies, comme l’avait annoncé le Président Macron pendant la campagne électorale. Il n’y a pas de surprise dans cette baisse de 0,5 point de PIB.

La suppression de la CVAE marque la volonté d’en finir avec l’impôt économique local. Mme Louwagie a déclaré que cela avait commencé avec la taxe d’habitation, mais en réalité cela a commencé avec la suppression de la taxe professionnelle. L’impôt économique local n’existe plus dans ce pays et nous avons besoin d’un impôt économique local. Si nous n’avons pas d’impôt économique global puis territorialisé, permettant une vraie péréquation verticale, ne faudrait-il pas envisager un filet de sécurité ? Nous en avions un pour 2022 qui, à mon avis, ne fonctionne pas. Ne faudrait-il pas mettre en place une dotation d’autofinancement pour permettre aux collectivités d’investir ? Sinon, je pense que nous serons confrontés à des problèmes sur tous les territoires.

Enfin, je tiens à dire que cette bataille sur les collectivités territoriales sera un enjeu majeur du débat sur le projet de loi de finances. Je pense que nous devons à tout prix garder la CVAE, y compris pour donner des marges de manœuvre dans le cadre de la péréquation.

Mme Patricia Lemoine (RE). Ma question concerne plutôt M. Sébastien Miossec. Depuis une dizaine d’années, nous assistons à une succession de réformes, aboutissant au transfert de compétences aux intercommunalités sans nécessairement octroyer à ces dernières les moyens nécessaires pour exercer ces nouvelles compétences. Dans le même temps, l’autonomie fiscale des collectivités a été profondément bouleversée avec la suppression de la taxe professionnelle puis de la taxe d’habitation, et la suppression progressive de la CVAE. À l’aune des défis importants qui se dressent devant nous tels que les défis énergétique et climatique, et celui des mobilités, ne pensez-vous pas que notre système est à bout de souffle ? Seriez-vous favorables à un véritable acte de décentralisation, notamment pour le bloc communal, et si oui, pouvez-vous nous préciser votre vision ? Le mille-feuilles territorial vous paraît-il être un obstacle ? Enfin, jugez-vous nécessaire de modifier votre statut d’EPCI en collectivité territoriale à part entière ?

M. Pierre Breteau. Je me servirai des trois marqueurs. Quels sont finalement les trois piliers qui pourraient permettre d’instaurer une relation de confiance entre les constituants de la Nation que nous sommes ? L’État ne s’oppose pas aux collectivités locales, nous faisons tous partie de la Nation.

Nous faisons face à une crise majeure avec de l’inflation et donc, nous devons bénéficier d’une progression substantielle de nos recettes. Cela me semble être le premier pilier. Cela passe par une réévaluation des valeurs locatives, par l’indexation de la DGF, etc. Nous avons besoin d’une progression équilibrée de notre panier de recettes pour tenir compte de la diversité des collectivités territoriales (petites ou grandes, à forte ou faible implantation économique, etc.). Les élus locaux doivent par ailleurs avoir la latitude décisionnelle pour abaisser ou augmenter les taux d’imposition ou leurs tarifs.

Le deuxième pilier découle du premier : il s’agit de préserver les capacités à investir. L’enjeu est de pouvoir investir massivement dans la transition énergétique. Nous avons tous pris conscience, plus ou moins rapidement, de l’importance du sujet. Opposer la trésorerie des uns au déficit des autres ne me semble pas être la bonne approche. L’enjeu est d’être capables de mobiliser la trésorerie au bénéfice de l’investissement. Pour cela, il faut que nous disposions d’une capacité minimale d’autofinancement compte tenu des règles budgétaires.

Le troisième pilier serait celui de l’équité. Ce qui est extrêmement désagréable, et je pèse mes mots, c’est la disproportion de l’effort qui est réclamé aux collectivités territoriales par rapport aux autres composantes des déficits publics.

J’ajouterai des réponses techniques sur trois sujets. Concernant la trésorerie des collectivités, dès lors qu’une collectivité locale doit assurer une part significative d’autofinancement – ce qui est d’autant plus difficile que la collectivité est petite –, les collectivités locales ont besoin de constituer des réserves de trésorerie. Effectivement, les collectivités locales ont tendance à thésauriser de la trésorerie de manière à pouvoir réaliser les investissements au cours du mandat. Et puis, excusez-nous d’être de bons gestionnaires, serai-je tenté de dire ! Votre argument sous-entend que nous aurions peut-être dû être dispendieux ces dix dernières années. Ce n’est pas un argument constructif, très honnêtement.

À propos de la CVAE, vous suggériez, Monsieur le député, de revoir par la même occasion les critères de péréquation. Surtout pas ! Ou tout du moins juste sur l’aspect lié à la suppression d’un impôt local. Si nous devions refondre le système, il faudrait le revoir dans son ensemble. Après chaque réforme, nous constatons des effets de bord. Imaginons que nous utilisions les bases de CFE pour construire le mécanisme de compensation. Mécaniquement, nous provoquerions des glissements très importants d’une collectivité à l’autre et nous en viendrions alors à créer un système d’écrêtement qui alimenterait un fonds, qui répartirait ensuite les sommes, etc. Les solutions sont toujours de cette nature… L’addition de toutes ces strates a rendu le système illisible, alimentant parfois un sentiment d’injustice et d’iniquité. Je préférerais donc que, considérant que notre système est à bout de souffle et est basé sur un mécanisme de répartition de richesses qui n’en sont plus, sur des systèmes de péréquation également à bout de souffle, nous nous abstenions d’ajouter encore de la complexité. Compensons donc la CVAE comme il se doit – je détaillerai ce point dans un instant – si elle devait être supprimée et remettons sur la table le dossier des dotations de base des collectivités territoriales ainsi que des systèmes de péréquation en fonction de critères de richesses plus complets, ne se basant pas seulement sur la richesse fiscale mais aussi sur des paramètres environnementaux ou autres. Ce serait une tâche considérable mais nous ne pouvons pas demeurer dans un système qui est figé depuis trente ans et, au fil des réformes fiscales successives, a perdu beaucoup de sens.

J’insisterai sur la période de référence et les modalités de compensation de la CVAE. Je le répète, intégrer dans la période de référence une année absolument atypique – tout comme le contexte actuel de crise énergétique – me semble inepte. Nous nous accordons tous pour un glissement de cette période de référence d’au moins un an, ce qui permettrait de calculer la compensation sur la base des produits réellement encaissés et donc sur la base de dégrèvements. Nous aurions ensuite le temps de déterminer des critères de répartition qui tiendraient compte de l’effort économique territorial.

Je terminerai mon intervention avec une réflexion sur le fonds vert. Les associations ont été entendues. Si nous souhaitons que ce fonds soit utilisé un tant soit peu en 2023, le système le plus efficace et le plus simple me semble être celui de la DETR, voire de la DSIL – dont la mécanique d’instruction est déjà différente. Évitons les appels à projets qui feront le bonheur des prestataires mais ne permettront pas d’engager des dépenses dès 2023. Si nous devions utiliser un système existant, reprenons celui de la DETR, nous gagnerons en efficacité.

M. Sébastien Miossec. Je rebondis sur la fin de l’intervention de Pierre Breteau. La DETR peut être une source mais elle ne concerne pas forcément toutes les collectivités.

M. Pierre Breteau. Je suggérais d’utiliser un mécanisme analogue.

M. Sébastien Miossec. Les membres d’Intercommunalités de France ont tous signé des CRTE sur leurs territoires respectifs. Je suis parfaitement conscient de leurs imperfections mais ils ont le mérite d’identifier, pour chaque territoire, les principaux projets de l’année dernière. Les investissements concernés étaient notamment liés aux enjeux de transition écologique. Donnons la capacité aux préfets, sur la base d’un mécanisme dont je conviens qu’il comporte des similitudes par rapport à la DETR, de s’appuyer sur ces éléments contractuels. Si nous pouvions donner la capacité aux préfets de formuler des engagements pluriannuels dans le cadre du fonds vert, cela nous permettrait d’envisager plus sereinement certains projets liés à la transition écologique.

Concernant les remontées « solides et objectives » appelées par M. Cazeneuve, la difficulté est que nous avons affaire à un contexte fortement mouvant. J’évoquais tout à l’heure la situation de ma commune. À l’issue de l’appel d’offres du syndicat d’énergie, nous sommes en train d’examiner notre capacité à rediscuter certains montants. Nous ignorons quelle sera la situation en 2023, loin s’en faut. Nous savons seulement qu’elle sera catastrophique, sauf à ce que des solutions soient trouvées pour que les tarifs redeviennent plus raisonnables.

Madame la députée Arrighi, vous avez qualifié l’inclusion de l’année 2020 dans la période de référence de « surréaliste ». J’attire l’attention des membres de la commission des finances sur le fait que les montants que nous percevons durant l’année N correspondent aux recettes de l’État au cours de l’année N-1. Nous avons donc reçu en 2020 des fonds correspondant aux recettes de l’État de 2019, qui était une année que l’on peut qualifier de normale. Le fait de définir des périodes de référence pluriannuelles nous permet de gommer les effets liés à la faible lisibilité de la CVAE. Ce que nous percevons au cours d’une année correspond en réalité à des acomptes pour l’année passée et des correctifs pour l’année suivante. L’effet du Covid, qui s’est fait ressentir en 2020 et dans une certaine mesure en 2021, se répercute donc sur trois exercices budgétaires. Nous considérons tous que 2023 doit être intégrée à la période de référence et je pense même que nous devrions intégrer l’année 2024 puisque, comme la CVAE ne sera pas totalement supprimée en 2023, l’État continuera de la percevoir. En 2024, nous devrions connaître la dynamique réelle de la CVAE. La compensation à l’euro près – pour reprendre la formule du ministre – deviendra alors possible.

Répondre complètement aux questions de Patricia Lemoine prolongerait mon intervention à l’excès, mais en quelques mots, notre principale aspiration en tant que collectivités est d’aboutir à une refonte de notre panier de ressources, qui est devenu complètement obsolète. Le panier de ressources comprend une part fiscale (payée par les entreprises et par les habitants) et diverses formes de compensation versées par l’État. Je faisais allusion, dans mon intervention, à un rapport de la Cour des comptes demandé par la commission des finances du Sénat. Je vous invite à le consulter lorsqu’il sera publié. J’insiste par ailleurs sur la question de la péréquation car nos territoires ne sont pas tous égaux. La péréquation se doit d’être aussi bien horizontale que verticale. Les règles actuelles, qui sont largement obsolètes, mériteraient aussi une profonde refonte. Ce problème ne peut pas être réglé en un an.

Enfin, je souligne que les intercommunalités ne s’opposent jamais à la ruralité. Bien évidemment, la relation entre les hommes et les femmes – j’espère d’ailleurs que nous pourrons dire un jour « les femmes et les hommes » car nous sommes encore loin de la parité – qui composent les collectivités n’est pas toujours optimale sur tous les territoires. Le concept de base de l’intercommunalité est de proposer aux communes des services qu’elles ne seraient pas capables de gérer en propre. L’intercommunalité est donc une forme de réponse aux problématiques rurales, même si j’ai conscience qu’au fil des transferts de compétences, les gestionnaires de certains territoires ont pu ressentir de la frustration. Au sein d’Intercommunalités de France, nous faisons en sorte de consolider l’existant et d’aider les territoires à répondre au défi de la transition écologique mais également aux défis sociaux et sanitaires, lesquels doivent être gérés à l’échelle du bassin de vie intercommunal. C’est sur ce vœu que je conclurai.

M. Denis Durand. L’un de vous a évoqué l’idée qu’il fallait beaucoup investir dans le monde rural. Mais auparavant, il faudrait faire en sorte que le monde rural ne paie plus pour le monde urbain, en supprimant cette échelle logarithmique. Le FPIC repose sur un mécanisme de redistribution depuis les collectivités ayant un potentiel financier supérieur à la moyenne vers celle dont le potentiel est inférieur. L’introduction de cette échelle logarithmique a créé des situations où des collectivités, bien qu’elles se situent en dessous de la moyenne, se retrouvent à devoir redistribuer des fonds à des collectivités qui se trouvent au-dessus de cette même moyenne. L’abandon de cette échelle logarithmique ne ferait plus peser cette inégalité sur le monde rural.

Je rejoins l’opinion de Nicolas Sansu sur la fiscalité professionnelle. Nous ne pouvons pas faire reposer l’impôt sur les seuls ménages. Nous n’avons pas sollicité une réforme de la CVAE mais d’autres impôts pourraient être imaginés. Je pense par exemple au développement du numérique et aux GAFAM. Vous pouvez faire preuve d’inventivité et créer de nouveaux impôts dont les recettes pourraient faire ensuite l’objet d’une répartition au niveau national suivant un principe de péréquation. Nous n’y serions pas opposés.

L’intercommunalité est une bonne chose lorsqu’elle est libre et volontaire. Malheureusement, la loi NOTRE a imposé des transferts de compétences. Nous préférerions notamment que les communes soient libres d’exercer en propre les compétences liées à l’eau et à l’assainissement si elles le souhaitent, et ne soient pas obligées de les transférer en 2026. C’est ainsi que nous pourrions retrouver une dynamique locale. Sur certains territoires, le transfert serait effectif car ce serait la volonté des élus, tandis que dans d’autres, un tel transfert ne serait pas nécessaire voire plutôt contraignant.

M. Franck Claeys. Je me contenterai d’évoquer quatre points. Pour la question de la facture énergétique, je pense que nous pourrions nous fonder sur un système d’avances remboursables en fonction du surcoût en euros par habitant.

Pierre Breteau a déjà expliqué que l’augmentation de la trésorerie est une forme d’emprunt par anticipation. La BEI, par exemple, offre des conditions financières particulièrement favorables mais les conditions d’octroi des prêts sont particulièrement rigides, d’où la nécessité d’anticiper en constituant de réserves. Nous étions jusqu’à présent dans un contexte de taux zéro mais cela devrait changer très rapidement.

Je ne saurai pas exprimer cette idée aussi bien qu’un élu, mais la question du lien me semble essentielle pour ce qui est de la CVAE. Le rapport de proximité ne s’exerce pas par rapport à un président de région mais un président d’EPCI, ce qui n’est pas comparable.

Pour le fonds vert, les mots-clefs à nos yeux sont : contractualisation, globalisation et échelle de projet. Mon propos fait écho à celui de Sébastien Miossec.

Enfin, pour ce qui est de la péréquation, nous avons nourri une réflexion sur la manière dont nous pourrions redonner une certaine dynamique au moteur de la péréquation à partir de la fiscalité morte : la compensation de la part salaires, la DCRTP et la DF.

J’aimerais également que nous puissions débattre du rapport qui a été demandé par la commission des finances du Sénat et qui sera rendu public. Ce serait une excellente base de travail pour une réflexion sur le long terme, dans l’optique de réformer le système obsolescent de financement des collectivités locales.

M. le président Éric Coquerel. Merci pour votre participation et pour la richesse des débats, qui ne manqueront pas de nourrir notre réflexion sur le projet de loi de finances.


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 28 septembre 2022 à 16 heures

 

Présents. - Mme Christine Arrighi, M. Karim Ben Cheikh, M. Mickaël Bouloux, M. Michel Castellani, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Stella Dupont, Mme Félicie Gérard, M. Victor Habert-Dassault, Mme Nadia Hai, M. François Jolivet, M. Pascal Lecamp, Mme Patricia Lemoine, Mme Véronique Louwagie, Mme Marianne Maximi, M. Benoit Mournet, Mme Christine Pires Beaune, M. Sébastien Rome, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, M. Jean-Philippe Tanguy

 

Excusés. - M. Christian Baptiste, Mme Émilie Bonnivard, Mme Constance Le Grip, Mme Karine Lebon, M. Jean-Paul Mattei, M. Charles Sitzenstuhl

 

Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Cordier, M. Michel Lauzzana