Compte rendu

Office parlementaire d’évaluation
des choix scientifiques et technologiques

Audition de l’Autorité de sûreté nucléaire sur son rapport annuel pour 2022 2

 

 


Jeudi 25 mai 2023

Séance de 10 h 30

Compte rendu n° 171

 

 

session ordinaire de 2022-2023

 

 

Présidence

de M. Pierre Henriet,
président
 


Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jeudi 25 mai 2023

Présidence de M. Pierre Henriet, député, président de l’Office

La réunion est ouverte à 10 h 32.

Audition de l’Autorité de sûreté nucléaire sur son rapport annuel pour 2022

M. Pierre Henriet, député, président de l’Office. Je souhaite la bienvenue et remercie de leur présence le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, M. Bernard Doroszczuk, ainsi que ses collègues commissaires, Mmes Sylvie Cadet-Mercier, Géraldine Pina Jomir et Laure Tourjansky, et M. Jean-Luc Lachaume. Je salue également le directeur général de l’ASN, M. Olivier Gupta, et l’ensemble de ses collaborateurs.

Conformément à la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, nous entendons pour la seizième année consécutive l’Autorité de sûreté nucléaire pour la présentation de son rapport annuel sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France.

Vous le mentionnez dans votre rapport, l’année 2022 a été une année hors norme, d’abord en raison du phénomène inattendu de corrosion sous contrainte, qui a fait l’objet d’une audition spécifique de l’Office, le 27 octobre dernier. L’été 2022 a été marqué par une canicule et une sécheresse exceptionnelles, qui n’ont pas eu d’incidence sur la sûreté nucléaire mais ont rendu indispensables certaines dérogations aux prescriptions de rejets thermiques. D’autres événements ont marqué l’actualité du nucléaire : la guerre en Ukraine, la perspective de mise en service de l’EPR qui reste conditionnée au franchissement de dernières étapes, les projets de petits réacteurs innovants, dits « SMR », qui soulèvent de nouvelles questions de sûreté, ou encore une étape importante du projet Cigéo avec l’ouverture d’une période d’instruction durant laquelle la concertation va se poursuivre.

Mes chers collègues, je suis certain que vous avez à l’esprit un autre sujet, l’organisation du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, qui a mobilisé l’Office en février dernier et a donné lieu à une audition en marge du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires. Nos collègues Jean-Luc Fugit et Stéphane Piednoir, ici présents, ont été désignés rapporteurs d’une étude sur ce sujet, engagée à la suite d’une saisine de la commission des affaires économiques du Sénat. Aussi, n’y a-t-il pas lieu d’y revenir aujourd’hui, par respect pour leur implication dans ce travail. Nous aurons prochainement l’occasion de reprendre nos débats sur cette question et nous avons déjà beaucoup à dire sur l’état des lieux de la sûreté nucléaire et de la radioprotection à l’occasion de la présentation du rapport annuel de l’ASN pour 2022.

M. Bernard Doroszczuk, président de l’Autorité de sûreté nucléaire. – Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les parlementaires, merci de nous accueillir pour vous présenter le rapport de l’Autorité de sûreté nucléaire pour l’année 2022 et le début de l’année 2023. C’est toujours un honneur pour l’ASN de présenter son rapport annuel, comme le prévoit la loi. Je suis accompagné de membres du collège, du comité exécutif et de représentants des services de l’ASN.

Mon propos liminaire comportera une appréciation générale et trois points d’attention. J’évoquerai ensuite les principaux constats par exploitant et par grand domaine d’activité qui ressortent de l’année 2022. Olivier Gupta parlera des échanges et des positions prises au sein de l’association WENRA (Western European Nuclear Regulators Association), qui réunit des responsables d’autorités de sûreté nucléaire en Europe et qu’il préside actuellement.

Concernant l’appréciation générale de l’ASN, notre rapport souligne qu’en 2022, la sûreté des installations nucléaires, ainsi que la radioprotection dans les secteurs industriel, médical et du transport des matières nucléaires et substances radioactives se sont maintenues à un niveau satisfaisant. Même si cela ne constitue pas en soi un indicateur absolu et s’il faut rester prudent, on peut noter que le nombre d’événements significatifs de niveaux 1 et 2 classés sur l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) pour les installations nucléaires est en baisse depuis quatre ans avec 97 événements en 2022, contre 115 en 2019. Aucun événement de niveau 2 n’a été déclaré en 2022, contre un l’année précédente.

Les événements significatifs dans les domaines médicaux et du transport des matières radioactives restent très faibles au regard du nombre d’actes et de transports réalisés.

Les réexamens de sûreté conduits tous les dix ans sont menés de manière globalement satisfaisante par tous les exploitants, ce qui permet de faire progresser le niveau de sûreté et de radioprotection des installations.

Ces premiers constats sont donc positifs dans un contexte marqué par plusieurs aléas et par des fragilités persistantes. J’en viens ainsi aux trois points d’attention.

D’abord, l’année 2022 a été marquée par des aléas sur les installations nucléaires jamais rencontrés. Ces événements, qui peuvent être illustrés par le nombre et la durée, sans précédents, des arrêts de réacteurs d’EDF durant l’hiver 2022-2023, et par les fragilités persistantes dans les installations du cycle du combustible, confirment l’importance de disposer de marges pour la sûreté et d’anticiper les enjeux, dans un système nucléaire interdépendant où les aléas sur certaines installations peuvent avoir des conséquences sur le fonctionnement des autres et où un aléa générique est toujours possible.

Dans ce contexte, l’ASN estime qu’un travail de sécurisation industrielle pour les quinze à vingt ans à venir, sur une partie significative des installations actuelles, non seulement les réacteurs de puissance mais aussi les installations du cycle du combustible, doit être anticipé dans le cadre de la programmation annuelle de l’énergie (PPE) pour éviter le risque d’impasse au sein de l’ensemble du système nucléaire.

Ensuite, l’été 2022 a été marqué par une canicule et une sécheresse d’une rare intensité, qui ont conduit l’ASN, pour la première fois depuis 2003, à prendre des décisions exceptionnelles permettant de déroger aux prescriptions de rejets thermiques et de maintenir en fonctionnement cinq réacteurs. Cette situation n’a pas eu de conséquence sur la sûreté nucléaire. La surveillance de l’environnement par l’exploitant a été spécifiquement renforcée pour être en mesure de détecter au plus tôt une éventuelle dégradation du milieu. Pour l’ASN, la gestion des conséquences de ce type d’épisode extrême, dont la fréquence pourrait augmenter dans les années à venir, nécessite une consolidation des connaissances scientifiques sur l’impact environnemental cumulé des rejets, ainsi qu’une réflexion sur les évolutions technologiques à intégrer aux installations, ainsi que sur les capacités d’adaptation des installations à prévoir pour le nouveau nucléaire, dans le cadre d’une approche globale et de long terme. Cette approche devra être menée avec l’ensemble des parties prenantes au niveau des territoires et des bassins-versants.

Enfin, les résultats des contrôles réalisés par l’ASN en 2022 montrent que les capacités techniques de la chaîne d’approvisionnement nucléaire restent un point de vigilance. Ces dernières années, l’ASN a appelé l’attention, à plusieurs reprises, sur la nécessité de renforcer les capacités d’investissement, les compétences, la rigueur professionnelle et la qualité au sein de la filière industrielle. Depuis deux ans, pour aller au-delà des missions traditionnelles d’inspection des exploitants et des fabricants et dans la perspective du développement d’un nouveau programme nucléaire, l’ASN a réalisé des contrôles par sondage dans l’ensemble de la chaîne de sous-traitance nucléaire et sur la gestion de projets des exploitants.

Le retour d’expérience de l’année 2022 montre que des efforts importants restent à réaliser pour définir clairement les exigences à respecter, assurer la qualité et la rigueur dans la chaîne d’approvisionnement, évaluer les capacités techniques des prestataires, ainsi que prévenir, détecter et traiter les irrégularités dans la chaîne de sous-traitance. Dans ce contexte, l’ASN souhaite que les donneurs d’ordre de la filière renforcent significativement leur vigilance sur les « capacités à faire » de la chaîne d’approvisionnement, au regard de l’ampleur des nouveaux projets et des installations en service.

J’en viens aux principaux constats, par exploitant et par grand domaine d’activité.

Chez EDF, la qualité d’exploitation des centrales nucléaires s’est maintenue à un niveau satisfaisant en 2022. Toutefois, son amélioration pour les centrales qui étaient en retrait par rapport aux autres se révèle souvent plus longue qu’estimé. Cela a été le cas en 2022 pour les centrales de Golfech et de Gravelines, et c’est le cas, début 2023, pour la centrale de Dampierre.

En 2022, l’exploitation du parc de réacteurs d’EDF a été marquée par les conséquences de la découverte d’un phénomène de corrosion sous contrainte sur les circuits raccordés aux circuits primaires. Les actions engagées par EDF pour y faire face ont été satisfaisantes sur le plan de la sûreté. Elles ont permis d’établir un diagnostic des installations concernées, de donner des premières explications du phénomène, d’identifier les parties de circuits et les soudures les plus sensibles et d’établir une stratégie priorisée de contrôle et de réparation qui a été jugée appropriée par l’ASN. Cette stratégie a été récemment adaptée au vu des derniers constats faits sur des soudures réparées au moment de la construction initiale avec de fortes énergies de soudage.

L’ASN reste très vigilante sur ce sujet. Elle s’est impliquée particulièrement dans le partage d’expériences sur ces phénomènes de corrosion avec ses homologues étrangers.

En 2022, EDF a poursuivi les travaux en vue de la mise en service de l’EPR de Flamanville, notamment la requalification de l’installation après les modifications et les réparations effectuées. Un travail important reste à faire en amont de la mise en service pour réaliser la dernière campagne d’essais sur site et pour certifier la conformité de certains équipements sous pression nucléaire, ainsi que pour justifier la conception ou la performance de certains équipements ou de systèmes importants pour la sûreté. À la demande de l’ASN, EDF a réalisé des analyses approfondies afin d’identifier les causes des anomalies affectant le combustible et le cœur constatées sur les EPR à l’étranger, notamment à Taishan, et en a tiré les enseignements pour la mise en service de l’EPR de Flamanville.

Concernant les projets d’EDF dans le domaine des petits réacteurs modulaires, ou Small Modular Reactor (SMR), l’année 2022 a été marquée par les travaux préliminaires d’évaluation de sûreté du réacteur Nuward. À l’initiative de l’ASN, les autorités de sûreté française, finlandaise et tchèque ont engagé de manière conjointe l’examen préliminaire des principales options de sûreté de ce projet. Ce travail débouchera cet été sur une déclaration commune. Pour l’ASN, ce type d’initiative concrète de coopération multilatérale sur des conceptions de réacteurs à maturité suffisante constitue une étape indispensable pour une meilleure convergence internationale des exigences de sûreté applicables aux SMR.

L’ASN a poursuivi en 2022 ses échanges avec plusieurs entreprises françaises ou étrangères développant des projets de différentes technologies. À l’instar de ses homologues, le travail réalisé tant au niveau national qu’international exige un renforcement substantiel des moyens de l’ASN. Le développement des SMR conduira à une plus grande diversité des acteurs et des technologies à maîtriser.

L’ASN considère que le niveau de sûreté des installations d’Orano a été globalement satisfaisant en 2022, dans la continuité des années précédentes. Plusieurs projets industriels importants pour la sûreté et la radioprotection ont été menés à leur terme, comme la construction de nouveaux évaporateurs dans l’usine de La Hague et la mise en place de nouvelles capacités d’entreposage de matières et de déchets à La Hague ou au Tricastin.

S’agissant de l’usine Melox, l’ASN considère que le niveau de sûreté est satisfaisant mais elle reste particulièrement vigilante sur la radioprotection du fait de l’augmentation des interventions de maintenance, nécessaires pour accroître la disponibilité de l’installation et sécuriser le cycle du combustible.

Malgré des avancées en 2022, l’ASN considère que le fonctionnement du cycle du combustible, qui repose sur un ensemble d’installations dont chacune est souvent le maillon unique d’une chaîne de traitement, présente toujours très peu de marge. L’ASN insiste une nouvelle fois sur la nécessité de renforcer les démarches d’anticipation, ainsi que la qualité des études, afin de pouvoir mettre en œuvre dans les temps les dispositions nécessaires pour prévenir les risques de situations bloquantes pour le cycle du combustible et pour la production d’électricité nucléaire. C’est le cas pour les projets de nouvelles capacités d’entreposage de matières plutonifères et des parades à mettre en place en vue de pallier le retard constaté sur le projet de piscine d’entreposage centralisé des combustibles usés promu par EDF.

De manière générale, l’ASN considère qu’Orano doit approfondir le travail de revue des enjeux associés au vieillissement de l’ensemble des installations sur le site de La Hague qu’il a démarré, afin de dresser un état général du site et de conforter les perspectives d’exploitation de ses différents ateliers dans des conditions sûres jusqu’à l’horizon 2040, actuellement envisagé dans la PPE.

Les installations nucléaires exploitées par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) sont en grande majorité concernées par des opérations de démantèlement et de gestion des matières et des déchets radioactifs. L’ASN considère que la sûreté reste maîtrisée, notamment grâce à la mise en œuvre des grands engagements de sûreté pris au plus haut niveau du CEA.

Sur la période 2019-2022, l’ASN constate que la stratégie priorisée de démantèlement et de gestion des matières et des déchets, définie par le CEA, approuvée par l’ASN en 2019, produit des résultats positifs. Néanmoins l’ASN identifie une forte vulnérabilité de certains projets importants, en raison de deux principaux facteurs : la gestion des contrats, marquée par des difficultés contractuelles sur des opérations prioritaires pour la sûreté, et le caractère unique de quelques installations clés d’entreposage ou de gestion des effluents, dont dépendent plus ou moins tous les projets.

De manière transversale et pour les deux exploitants que sont le CEA et Orano, l’ASN estime que les opérations stratégiques de démantèlement, de reprise et de conditionnement des déchets anciens exigent une meilleure lisibilité et un meilleur suivi de la maturité des phases de projet qui les concernent. Ces opérations sont complexes et s’étendent en général sur plusieurs décennies.

Dans son rapport pour 2022, l’ASN présente, pour la première fois, un observatoire des projets de démantèlement, de reprise et de conditionnement des déchets pour les projets prioritaires. Ces projets feront désormais l’objet d’une démarche spécifique et transparente de suivi, par phase ou par jalon de projet.

Concernant l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), dont les installations sont exploitées de manière satisfaisante en matière de sûreté, de radioprotection et de protection de l’environnement, le fait marquant est le dépôt en 2023 de la demande d’autorisation de création de Cigéo. Les modalités d’instruction de cette demande, qui s’étalera sur une durée d’au moins trois ans, ont été définies en 2022, en liaison avec l’ensemble des parties prenantes et le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN). Elles permettront de prendre en compte toutes les questions techniques qui suscitent des attentes à chacune des étapes du processus d’instruction.

Je termine mon propos liminaire par les principales appréciations de l’ASN sur les activités nucléaires dans les domaines médical, industriel et du transport des matières radioactives.

Dans ces domaines, le niveau de sûreté et de radioprotection est resté satisfaisant en 2022. Dans le domaine médical, la forte tension, en particulier sur les moyens humains, a conduit à mettre en place de nouvelles organisations de travail, notamment multisites ou faisant appel à des intervenants extérieurs. En 2022, l’ASN a été particulièrement vigilante à ce que ces nouvelles organisations n’engendrent pas un recul de la radioprotection. Les observations tirées des inspections de l’ASN, ces dernières années, montrent que la culture de la radioprotection reste perfectible dans le domaine des pratiques interventionnelles radioguidées, pour lesquelles la formation des personnels à la radioprotection des patients et des travailleurs peine à progresser.

Les événements significatifs de radioprotection restent dans la continuité des années précédentes, c’est-à-dire très faibles en volume comparé au nombre d’actes réalisés. Toutefois la répétition de certains événements montre que le retour d’expérience d’événements anciens est parfois oublié. Ainsi, des erreurs d’étalonnage en radiothérapie externe ont été de nouveau relevées en 2022, bien que des événements antérieurs similaires aient fait l’objet de fiches de retour d’expérience de l’ASN, qui avaient été partagées au sein de la profession.

Un même constat peut être fait dans d’autres domaines, comme celui de la gammagraphie industrielle, où ont été de nouveau constatées de mauvaises pratiques dans la gestion de situations de blocage de sources. Ces événements nous rappellent que la culture de radioprotection n’est jamais acquise et doit être entretenue.

De manière générale, l’ASN promeut toutes les actions susceptibles de concourir à la mise en œuvre des principes de justification et d’optimisation. À ce titre, dans le domaine médical, l’ASN insiste sur l’importance et la plus-value des audits cliniques externes par les pairs et soutient leur mise en place, en particulier en radiothérapie et scannographie. La part importante des traitements par radiothérapie en oncologie et l’amélioration de la survie des patients, rendent d’autant plus nécessaire l’évaluation des effets radio-induits à long terme. L’ASN rappelle ainsi dans son rapport la nécessité de mettre en place des registres de suivi des patients ayant bénéficié de traitements par radiothérapie pour permettre une meilleure évaluation de leurs effets radio-induits à long terme, en particulier pour les nouvelles pratiques comme l’hypofractionnement ou la « flash thérapie ».

Enfin, dans le domaine du transport des substances radioactives, l’ASN estime que le niveau de sûreté et de radioprotection est resté globalement satisfaisant. Si des incidents, en particulier routiers, ont affecté quelques transports, ils sont en nombre très faible – un pour dix mille –, au regard des 770 000 transports réalisés chaque année.

M. Olivier Gupta, directeur général de l’ASN. J’évoquerai les conséquences sur la sûreté nucléaire et son contrôle des événements que nous avons vécus depuis un peu plus d’un an, c’est-à-dire une crise énergétique à l’échelle européenne, une accélération des programmes nucléaires dans plusieurs pays et la guerre en Ukraine qui questionne la sûreté des installations nucléaires en cas de conflit.

La crise énergétique en Europe appelle, selon nous, une vigilance collective en matière de sûreté nucléaire, parce qu’elle conduit les pays à revoir, parfois substantiellement, leur politique énergétique. Ceci se traduit, dans le domaine nucléaire, par des projets nouveaux ainsi que par un accroissement fort et assez peu anticipé de la charge de travail. Ceci s’accompagne également du souhait que tous ces projets avancent vite. Le nucléaire étant plutôt le domaine du temps long, cette situation pourrait mettre en tension les industriels et les autorités de contrôle au détriment de la qualité de réalisation des projets et de la sûreté, d’où cette nécessité de vigilance – vigilance collective puisque, pour reprendre une expression utilisée par un ancien président de l’ASN, la sûreté nucléaire est un bien commun.

Nous avons évoqué le sujet au sein de l’association des responsables d’autorité de sûreté des pays d’Europe de l’Ouest (WENRA) et nous avons, dans une déclaration commune, émis plusieurs recommandations pour limiter ce risque de mise en tension.

Première recommandation : les décisions de politique énergétique doivent tenir compte des délais de réalisation des projets industriels, donc être prises avec suffisamment d’anticipation. Elles doivent aussi être stables dans le temps. Ces deux éléments sont importants, parce que l’absence de visibilité et l’absence de stabilité sont préjudiciables à la sûreté.

La deuxième recommandation appelle à respecter la responsabilité première des exploitants en matière de conduite des projets et de sûreté. En particulier, c’est à eux de gérer leur planning en tenant compte du temps nécessaire pour bâtir des démonstrations de sûreté de bonne qualité et en tenant compte du temps nécessaire à leur instruction.

La troisième recommandation s’adresse à nous-mêmes, autorités de sûreté : travailler de façon efficace, proportionnée aux enjeux et rendre nos décisions dans les délais.

En fait, nous ne faisons que rappeler le rôle de chacun au bénéfice de la sûreté. Il importe que chacun assume jusqu’au bout ses responsabilités.

Avec nos homologues, nous devons réfléchir à la manière d’aborder cette ère nouvelle d’accélération des programmes nucléaires. Le sujet est posé en France, mais aussi dans beaucoup d’autres pays. Nos méthodes de contrôle sont-elles adaptées à une charge de travail en croissance rapide ? Comment nous préparons-nous à l’examen de technologies innovantes ? Nos exigences sont-elles proportionnées aux enjeux ?

Fait-on trop ou trop peu en matière de sûreté ? Cette question légitime revient régulièrement. Pour fixer notre niveau d’exigence, nous cherchons à dégager un juste équilibre dans nos décisions par un dialogue technique approfondi avec les industriels, au cours duquel nous examinons les possibilités d’amélioration de la sûreté en tenant compte de l’état de l’art, c’est-à-dire de ce qui se fait couramment dans le domaine considéré, y compris en regardant ce qui se fait à l’étranger et ce qu’ont décidé nos homologues dans des cas similaires. Le dialogue porte non seulement sur les questions de sûreté, de radioprotection et de protection de l’environnement, mais aussi sur la faisabilité technique et industrielle, ainsi que sur les délais de mise en œuvre. C’est à l’issue de ce dialogue que nous définissons et objectivons ce qui est raisonnablement possible.

J’ajoute que sur les sujets les plus importants, nous ne travaillons pas seuls. Nous prenons l’avis de nos groupes permanents d’experts, avis rendu public, et nous organisons des consultations publiques sur nos projets de décision pour que toutes les personnes qui veulent s’exprimer puissent le faire.

Sommes-nous prêts à faire face à ce nouveau contexte ? Je donnerai deux exemples d’évolutions que nous mettons en place afin de nous adapter à la relance du nucléaire, qui n’est pas seulement quantitative, avec des réacteurs identiques à ceux que l’on connaît, exploités par le seul EDF, mais aussi qualitative avec l’émergence de nouvelles technologies, de nouveaux industriels et des compétences à reconstituer.

Premier exemple, nous sommes en train de monter une équipe chargée du contrôle des petits réacteurs modulaires avancés et nous mettons en place des méthodes de travail adaptées à la nature de ces projets et aux spécificités des porteurs de projet, pour l’essentiel des start-up qui n’ont pas l’habitude de travailler avec nous. À l’évidence, cela nécessite d’adapter ce que nous faisions avec les gros industriels que nous contrôlions jusqu’à présent.

Deuxième exemple, nous montons en capacité et en expérience sur le contrôle et l’inspection du tissu industriel de fournisseurs, compte tenu de leur rôle dans la qualité des fabrications. C’est sur la base des conclusions de ces nouvelles inspections que Bernard Doroszcuk a pu s’exprimer sur ce point.

En résumé, dans le contexte de relance du nucléaire, il est essentiel de disposer d’un contrôle indépendant, reposant sur un personnel compétent, fondé sur le dialogue technique et sachant s’adapter aux nouveaux enjeux.

Je termine mon propos sur les conséquences de la guerre en Ukraine en matière de sûreté nucléaire. Certes, il faudra attendre la fin du conflit pour en tirer toutes les leçons, mais on peut déjà retenir trois enseignements.

D’abord, les combats qui ont eu lieu autour de la centrale de Zaporijia ont montré tout l’intérêt des améliorations de sûreté décidées à l’échelle européenne à la suite de l’accident de Fukushima. Je pense aux groupes électrogènes diesel supplémentaires qui ont placé cette centrale en bien meilleure situation pour faire face aux pertes répétées d’alimentation électrique externe qu’elle a subie, encore ces jours derniers.

Ensuite, la guerre n’a pas seulement pour conséquences des dégâts matériels sur les installations, elle provoque aussi des perturbations de la logistique, et surtout une désorganisation des équipes, un stress permanent pour les opérateurs, tous sujets regroupés sous l’expression « facteurs humains et organisationnels ». Après la prise de contrôle par les Russes de la centrale de Zaporijia, il y a plusieurs mois, ces aspects restent un facteur de fragilisation de la sûreté.

Enfin, dans une telle situation, il est essentiel que les autorités de sûreté travaillent ensemble à l’échelle européenne. C’est ce que nous avons fait. Nous avons partagé nos évaluations, comparé nos simulations en cas d’accident nucléaire en Ukraine. Sur ces bases, l’association WENRA a publié plusieurs analyses sur lesquelles chacun d’entre nous a pu s’appuyer pour délivrer à ses médias nationaux une information cohérente à l’échelle européenne. Par exemple, au début du conflit, alors que dans beaucoup de pays, une partie de la population cherchait à se procurer des comprimés d’iode, nous avons rappelé qu’en cas d’accident, y compris avec fusion du cœur, l’ordre de grandeur des rayons de prise d’iode pouvait, selon le scénario, aller jusqu’à vingt kilomètres, voire cent kilomètres, mais guère au-delà. Le dire sur la base d’un consensus européen a été très utile. Nous aurons naturellement à cœur de continuer de nous coordonner entre autorités de sûreté européennes chaque fois que nécessaire.

M. Pierre Henriet, député, président de l’Office. Merci pour la présentation du rapport annuel et des enjeux de l’année 2022. Je me réjouis de la rigueur avec laquelle l’Autorité de sûreté nucléaire assure ses missions auprès des parlementaires et de l’ensemble des acteurs de la filière nucléaire.

Nous en venons aux questions des parlementaires.

M. Stéphane Piednoir, sénateur. Si la présentation du rapport annuel de l’ASN est un rendez-vous que nous attendons, elle revêt cette année un caractère particulier compte tenu de l’accent mis sur l’industrie nucléaire et son organisation à l’intérieur de notre pays.

Cet accent est d’abord motivé par les intentions du Gouvernement, qui ont évolué et qui réouvrent la question du développement du nucléaire en France. Il est aussi motivé, plus largement, par la relance du nucléaire en Europe, puisque certains pays européens se posent à nouveau ou pour la première fois la question.

Il est aussi alimenté par les difficultés provoquées par la canicule durant l’année 2022. Il ne s’agit pas de se demander s’il faut être pro ou anti-nucléaire mais si, compte tenu des événements majeurs que nous avons connus, non seulement la sécheresse, mais aussi des phénomènes de corrosion sous contrainte, toutes les conditions sont réunies pour une exploitation optimale de nos cinquante-six réacteurs. Après l’avoir tenu pendant des décennies, la France a un rôle leader à jouer, avec la ministre Agnès Pannier-Runacher. Nous allons être très attentifs à ces tendances et nous pouvons nous féliciter qu’une autorité indépendante comme l’ASN puisse effectuer des contrôles et prendre des décisions collégiales, ne dépendant pas d’un seul homme mais de cinq personnes, dont les avis – je le suppose – peuvent être contradictoires.

Les événements majeurs survenus l’année dernière ont-ils des conséquences sur la doctrine d’examen des installations de l’ASN ? La découverte presque par hasard d’un phénomène de corrosion sous contrainte, totalement inattendu, se traduira-t-elle par une demande de moyens supplémentaires ? En tant que parlementaires, nous examinerons à l’automne le projet de budget. S’agissant des nouvelles technologies, dont les SMR, quelles seraient les conséquences de leur implantation dans différents sites du territoire ? Êtes-vous favorable ou réticent à une dispersion de la technologie nucléaire ?

Pour avoir mené un programme d’étude sur l’arrêt du projet Astrid, je suis attaché aux perspectives du cycle du combustible. La loi de 2006, qui a créé l’ASN, prévoit un cycle fermé comprenant, puisque c’est la seule issue, les réacteurs à neutrons rapides. Depuis bientôt quatre ans, l’État a décidé de mettre en sommeil, voire en arrêt total, le projet Astrid qui avait vocation à concevoir un nouveau modèle de réacteur à neutrons rapides à l’horizon 2040.

En 2022, le nombre d’incidents de niveau 1 relevés sur les installations nucléaires de base est inférieur à celui de 2017 et aucun incident de niveau 2 n’a été observé. Pourtant, à l’instar d’une croyance populaire selon laquelle la « fumée » s’échappant des centrales nucléaires est du CO2 et non de la vapeur d’eau, le moindre incident agite l’opinion publique. L’ASN prévoit-elle des actions de communication plus larges afin de rassurer la population ?

Mme Christine Arrighi, députée. Au regard de l’ensemble des alertes que vous appelez « points d’attention », de l’état des connaissances et des évolutions dont il vient d’être fait état, je comprends de moins en moins qu’il soit possible de s’engager à nouveau dans une telle aventure. Les difficultés à venir sont décrites dans votre document : problèmes de sûreté, instabilités politiques complexifiant l’accès à la ressource, réparation de corrosions, opérations de démantèlement toujours pas maîtrisées, retraitement des déchets – vous en avez peu parlé mais cela figure dans votre rapport –, sans oublier le dérèglement climatique.

Alors qu’on invite à se préparer à une hausse de température de 4 degrés et qu’elle atteint déjà presque 1,5 degré, je lis dans votre rapport : « Après examen des enjeux liés à la protection de l’environnement, l’ASN a adopté successivement quatre décisions fixant des prescriptions temporaires relatives aux rejets thermiques des centrales nucléaires de Golfech, Bugey, Saint-Alban, Blayais et Tricastin, pour la période du 15 juillet au 11 septembre ». Alors qu’en ce début du printemps, certaines régions sont déjà en état de sécheresse, avez-vous prévu des modélisations permettant de traiter ces phénomènes s’ils se renouvelaient ? Si oui, pourriez-vous nous les communiquer ? Si l’exceptionnel devenait conjoncturel, quelles mesures seriez-vous contraints de prendre pour que les centrales soient correctement refroidies ?

M. Jean-Luc Fugit, député, vice-président de l’Office.  En 2035, vingt-six de nos cinquante-six réacteurs atteindront un âge d’environ cinquante ans. Comment anticipez-vous leur suivi renforcé ?

L’apparition de microgénérateurs nucléaires utilisant des déchets de très longue vie fait partie des sujets émergents que doit suivre l’ASN, ce qui pose la question des ressources humaines en termes de quantité et de formation. L’ASN est-elle suffisamment attractive pour réaliser les recrutements nécessaires et qu’en est-il de la formation continue ?

Vous avez annoncé la mise en place d’un observatoire des projets de démantèlement, de reprise et de conditionnement des déchets radioactifs. Quelles sont ses perspectives de déploiement ? Le démantèlement nécessite un suivi et il doit être mieux compris par la population.

Vous avez évoqué les relations européennes et internationales au travers de l’association WENRA. Face à la montée en puissance du nucléaire en Europe, on voit poindre une alliance de seize pays désireux de maintenir, renforcer ou s’ouvrir l’accès à l’une des trois formes majeures d’énergie, à côté des énergies fossiles et des énergies renouvelables ; ce mouvement est motivé par la nécessité de mettre en commun les expertises et les connaissances, et la France en serait chef de file. Indépendamment des positions politiques, le recours au nucléaire pour sortir progressivement des énergies fossiles doit être considéré avec attention. Comment l’ASN et les institutions équivalentes des autres pays s’organisent-elles pour faire face à tous ces sujets émergents ?

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l’Office. Nous pouvons tous vous être reconnaissants de l’absence d’accident nucléaire en France.

Vous indiquez dans le rapport : « Le site de La Hague doit également renforcer sa vigilance en ce qui concerne la réalisation des contrôles périodiques et la gestion des écarts. Enfin, les mesures destinées à lutter contre les effets du vieillissement des équipements des installations, dont certaines approchent une durée d’exploitation de quarante ans, ou leur remplacement par de nouveaux équipements constituent toujours un enjeu majeur pour la poursuite de leur fonctionnement sûr. » Quelles sont les conséquences de ce vieillissement ? Quels sont les coûts des installations nécessaires ?

En médecine nucléaire, vous mentionnez que « des améliorations sont nécessaires, notamment concernant la gestion des effluents pour maîtriser les rejets dans les réseaux d’assainissement ». En quoi cela consiste-t-il ?

Vous ajoutez : « De même, l’organisation de la physique médicale a été jugée insuffisante dans 20 % des services inspectés en 2022, notamment au regard des enjeux de radioprotection associée aux traitements thérapeutiques. » Y a-t-il eu des réactions immédiates ? Comment y remédier alors que le milieu médical est en tension ?

M. Bernard Doroszczuk. – Les événements exceptionnels que nous avons soulignés nous ont-ils conduits à faire évoluer notre approche du contrôle, nos méthodes et nos compétences ? De fait, nous sommes confrontés à des enjeux entièrement nouveaux, notamment en volume de construction d’installations nouvelles, si elles sont décidées, et en termes d’évolution de la structuration des acteurs dans le domaine nucléaire.

Nous n’avons pas changé fondamentalement notre doctrine. Nous entretenons toujours avec les exploitants et les fabricants une relation fondée sur un dialogue technique approfondi en vue d’organiser l’instruction et le contrôle. Nous le poussons jusqu’au bout pour bien comprendre les sujets et proportionner nos décisions aux enjeux. J’insiste sur la proportionnalité, car un grand nombre d’événements déclarés peuvent correspondre à de très faibles enjeux. Un dialogue technique approfondi permet de challenger nos interlocuteurs et de mettre nos décisions en regard des enjeux de sûreté et de radioprotection.

Si l’approche qui est la nôtre depuis l’origine n’a pas changé, en revanche, le champ dans lequel nous la mettons en œuvre a évolué, à la lumière du retour d’expérience de ces dernières années. Sur les grands projets, nous nous sommes aperçus que le fait d’avoir l’exploitant comme unique interlocuteur était insuffisant pour avoir une bonne idée de la qualité de réalisation des équipements à installer. Nous avons voulu aller au-delà de l’exploitant et regarder en amont, dans la chaîne de fabrication, si les sous-traitants maîtrisaient les exigences nécessaires pour assurer la qualité requise. Sur la base des constats faits sur un champ d’investigation plus large, nous tirons la sonnette d’alarme en appelant à être attentifs aux donneurs d’ordres, car la chaîne d’approvisionnement montre des fragilités.

De même, nous nous sommes aperçus que les conditions dans lesquelles sont gérés les projets de démantèlement ou de reprise et de conditionnement des déchets anciens, c’est-à-dire les déchets datant des premiers temps du nucléaire, entreposés dans les conditions de l’époque, n’étaient pas satisfaisantes. Dans l’attente d’une solution de stockage définitive, il faut les reconditionner pour les placer dans un état plus sûr.

Nous avons prescrit ces opérations, mais nous avons perçu la complexité de ces projets. Il arrive que des phénomènes inattendus lors de la conception apparaissent plus tard. Plutôt que de réaliser le contrôle et d’avoir une visibilité uniquement à la fin du projet, nous avons souhaité intervenir dans sa gestion même, afin de nous assurer que l’opérateur gère correctement la remise en état ou le démantèlement des installations. Nous avons élargi le champ en conservant notre philosophie d’intervention, ce qui suppose de nouveaux moyens de contrôle et d’investigation.

Pour les nouvelles technologies, nous faisons face au défi de la numérisation pour assurer la continuité digitale avec les acteurs qui nous fournissent des éléments dans le cadre des processus d’instruction. Ces échanges de données informatiques, indispensables, offrent une plus grande fiabilité et une meilleure traçabilité des opérations de contrôle, qui peuvent parfois donner lieu à des falsifications. De plus, la mise en place par les exploitants de jumeaux numériques leur offre une meilleure visibilité, d’abord dans la conception, puis dans les interventions en répétant des gestes à travers des visions 3D avant de réaliser sur site les opérations. Enfin, le développement de l’intelligence artificielle pour les opérations de maintenance conduit à nous interroger sur nos moyens de contrôle des algorithmes. Cette évolution technologique considérable va demander de nouvelles compétences et ouvrir de nouveaux champs d’investigation. C’est par là que nous devrons développer la compétence et l’expérience, dans les années à venir.

Nous avons émis un avis sur les options de sûreté du projet Astrid mais nous n’avons pas été impliqués dans le choix de la mise à l’arrêt de ce projet de réacteur expérimental. En revanche, nous avons pris position sur la fragilité globale du cycle du combustible qui, notamment sur l’installation Melox et certaines installations de La Hague, présente des fragilités pouvant conduire à son interruption momentanée. En pareil cas, les combustibles usés ne peuvent plus être évacués des centrales, ce qui fragilise le système nucléaire dans son ensemble. Nous sommes donc très vigilants sur les fragilités des installations du cycle du combustible qui, en anticipation des enjeux à 50 ans et plus, vont nécessiter des rénovations, une sorte de « grand carénage » des installations de La Hague, comme cela a été fait sur les installations d’EDF, pour poursuivre l’exploitation. Quant aux décisions politiques sur la fermeture du cycle, voire sur la poursuite du retraitement des combustibles usés au-delà de 2040, ce n’est pas un sujet pour l’ASN.

Concernant la communication sur des incidents ou des événements significatifs, il ne faut pas se tromper. Nous vivons nous-mêmes les réactions que peuvent générer la publication et la diffusion de constats d’événements de niveau 1 ou de niveau 2, les premiers ne représentant pas toujours des enjeux de sûreté. Nous devons la transparence à la population, qui l’apprécie. Cela permet aussi à l’exploitant d’expliquer ce qui s’est passé, notamment dans les commissions locales d’information auxquelles nous contribuons, ce qui conforte la culture de sûreté. Il y a toujours des faits montés en épingle mais ce travail d’explication est indispensable.

Le nombre d’événements significatifs n’est pas un indicateur absolu. Une augmentation ne signifie pas qu’il y a davantage de problèmes de sûreté. Il vaut mieux qu’une pression indue ne soit pas exercée sur la déclaration. Déclarer, c’est être transparent et se donner les moyens de progresser, et l’évolution du nombre global peut être un signe de meilleure maîtrise de la sûreté ou de la radioprotection.

Les évolutions des conditions climatiques sont systématiquement intégrées, tous les dix ans, dans le réexamen de sûreté des installations. Tous les dix ans, nous nous interrogeons sur les évolutions climatiques à prendre en compte par l’exploitant pour renforcer la sûreté de son installation. Celui-ci doit intégrer les dernières données du GIEC, dans ses scénarios pessimistes, pour les prévisions à trente ans et en tirer les conséquences en matière de sûreté. Le processus est établi et fonctionne bien.

Le réchauffement climatique et l’élévation de la température de l’air, de l’eau ou les étiages sévères peuvent avoir des incidences en termes de sûreté et d’environnement. Des dispositions existent. Si nécessaire, des dérogations peuvent être octroyées de manière ponctuelle et dans des conditions très encadrées de suivi de l’impact sur l’environnement, comme nous l’avons fait en 2022.

Face à ce phénomène destiné à se reproduire, voire à s’amplifier, nous souhaitons agir à trois niveaux de temporalité.

À court terme, nous entendons tirer les leçons de l’événement de 2022 en matière d’impact environnemental puisqu’il a été mesuré, et nous avons demandé à EDF d’anticiper les étés de 2023 et 2024. Il faut le faire très rapidement afin de réduire au minimum ce type de situation pour les étés à venir.

À moyen terme, il faut améliorer les installations en service. EDF a annoncé qu’il envisageait d’augmenter les capacités d’entreposage d’effluents pour ne pas les rejeter dans le milieu environnant lorsque celui-ci ne peut pas suffisamment les diluer. Il convient surtout de renforcer les connaissances scientifiques en matière de réaction du milieu aux rejets thermiques afin de recadrer, si cela est nécessaire et justifié, les conditions d’autorisation des rejets. Cela demandera du temps, parce que les études sur lesquelles nous nous sommes appuyés pour encadrer les rejets des installations datent de plusieurs années et qu’il faudra les reprendre.

À long terme, la réflexion doit être élargie aux évolutions technologiques. Il y a des installations nucléaires dans des déserts, d’autres qui emploient des technologies de refroidissement différentes des nôtres. Il faut donc se demander si ces technologies peuvent être mises en œuvre en France sur les installations actuelles ou futures. En outre, des intégrations doivent être prévues dans la conception des nouveaux réacteurs EPR2 qui pourraient entrer en fonctionnement à la fin de ce siècle, alors que les conditions climatiques auront changé. Ces évolutions ne sont pas immédiatement nécessaires, mais elles le deviendront au fil du temps et il faut avoir la capacité de les intégrer. Par exemple, le contrôle de la température à l’intérieur du bâtiment réacteur est un facteur important de bon fonctionnement des dispositifs de sûreté. En période de canicule, il faut refroidir l’air au sein du bâtiment réacteur. Les EPR2 sont-ils conçus pour être équipés de moyens de réfrigération supplémentaires au fil du temps ? Il faut prévoir de l’espace pour ce faire. L’anticipation est nécessaire pour faire face à de tels événements.

Tous ces sujets doivent faire l’objet d’une réflexion large impliquant tous les acteurs, notamment les acteurs territoriaux et ceux des bassins versants. La ressource en eau est partagée et le sujet n’est pas uniquement l’affaire d’EDF, qui en a bien conscience. C’est ce que nous avons demandé, en distinguant nettement ces trois phases.

Les cinquante ans à venir – et au-delà – sont pour nous un sujet crucial. Nous ne faisons que répéter, d’année en année, le besoin urgent d’anticipation. Il y a, selon nous, trois temporalités d’anticipation.

Comme je l’évoquais en introduction, le premier horizon est celui de 2040, c’est-à-dire ce qui va se passer dans les quinze à vingt ans. Au vu des fragilités de certaines installations, comme celles relatives au cycle du combustible, il faut se préoccuper dès à présent de la sécurisation industrielle au regard du vieillissement. À La Hague, par exemple, quelles évolutions faut-il réaliser pour consolider le fonctionnement des installations et réduire les points de faiblesse ? Le poste de déchargement doit être rénové et il faudra intervenir à l’usine Melox. D’ici 2040, nous sommes en train de nous positionner sur les points de faiblesse particuliers qui pourraient exister sur le parc nucléaire en service.

En 2040, le parc nucléaire aura 60 ans. Or 2040 est l’échéance prévue dans la PPE pour le fonctionnement du retraitement. Au-delà de 2040, des décisions de fond sont à prendre. Doit-on allonger la durée de vie des réacteurs nucléaires au-delà de soixante ans ? Doit-on envisager la poursuite du retraitement ? Cela nécessite quinze ans d’anticipation. Si le retraitement n’est pas poursuivi, il faut se préoccuper dès à présent de la manière d’entreposer les combustibles usés et de l’incidence sur le stockage des déchets.

Enfin, à plus long terme, à horizon 2050 et au-delà, les réacteurs les plus anciens auraient alors soixante-dix à quatre-vingts ans. On peut envisager de poursuivre leur exploitation si la sûreté est assurée mais leur durée de vie ne sera pas infinie. Compte tenu de la puissance installée que représente ce parc, il faut anticiper la manière de faire face à l’effet falaise qui pourrait se produire au-delà de 2050.

M. Olivier Gupta. Une grande partie de notre travail consiste à orienter le contrôle vers les sujets pertinents, en fonction du contexte. Nous avons vécu une décennie post-Fukushima où tous les acteurs étaient polarisés sur le retour d’expérience de cet accident, dont André-Claude Lacoste avait dit qu’il prendrait dix ans. Dans le contexte de relance du nucléaire, des questions nouvelles se posent, comme le contrôle de la chaîne d’approvisionnement et de fournisseurs ou des petits réacteurs modulaires avancés, qui doivent nous conduire à cibler le contrôle autrement. La doctrine reste la même, mais les inspections, les dossiers et les analyses doivent être adaptés au contexte nouveau.

Pour le contrôle des fraudes au Creusot, nous avons dédié une équipe de plusieurs personnes ; il en a été de même pour le contrôle des fournisseurs. Nous avons dû consacrer cinq équivalents temps plein à la corrosion sous contrainte, sujet qui s’est invité il y a un an et demi et pour lequel les moyens n’avaient pas été anticipés. En 2022, nous avons réalisé une quarantaine d’inspections sur les réparations de soudures, les découpes de tuyauteries et les contrôles non destructifs. Ces éléments sont pris en compte dans l’estimation des besoins.

Parmi les gros sujets présents et à venir, nous avons reçu, en début d’année, l’énorme dossier Cigéo, relatif à l’installation destinée au stockage profond de déchets de haute activité à vie longue. Nous avons de longue date commencé à l’instruire avec l’Andra, mais nous allons devoir consacrer une partie de nos équipes au dossier d’autorisation de création en tant que tel. Nous attendons, dans le courant du mois de juin, le dépôt d’un premier dossier d’EPR2, à Penly, auquel il faudra dédier plusieurs équivalents temps plein, sachant que nous avons lancé des fabrications tests sur les gros composants pour commencer à qualifier les méthodes de fabrication. J’évoquais la constitution d’une équipe pour les nouveaux réacteurs. Au total, nous avons évalué nos besoins pour l’année prochaine à douze ETP et, sur les quatre ans qui viennent, à une trentaine. Nous recalons l’estimation des besoins au fil des plannings des industriels. Nous aurions espéré réaffecter à d’autres projets des moyens aujourd’hui consacrés au contrôle de Flamanville 3 dont on attend la mise en service.

Concernant la formation, nous recrutons déjà à un bon niveau : ingénieur, bac plus cinq ou équivalent. Dans le domaine médical, nous avons des médecins, des pharmaciens, auxquels s’ajoutent quelques universitaires. Mais nous avons mis en place un dispositif de formation interne très poussé. La première année, les arrivants suivent des stages durant l’équivalent de plusieurs mois, et un dispositif de compagnonnage leur permet de se former à l’inspection, à l’instruction des dossiers techniques, à toutes les activités des inspecteurs et chargés d’affaires de l’ASN, afin de gagner en autonomie, car nous traitons des sujets complexes nécessitant un investissement important. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que nos personnels valorisent cet investissement en restant en notre sein un temps suffisamment long.

Si nous ne rencontrons pas de difficulté majeure de recrutement, dans la mesure où ce sont des corps de fonctionnaires qui constituent notre vivier principal, nous relevons cependant des signaux d’alerte. De façon générale, les corps de la fonction publique sont devenus moins attractifs et nous subissons les conséquences d’une tension du marché du travail dans les domaines scientifiques. La disposition introduite dans la loi sur le nucléaire autorisant la signature de contrats de droit privé est bienvenue, car elle va nous permettre d’offrir des conditions plus attractives aux non-fonctionnaires souhaitant rejoindre l’ASN. Il était nécessaire d’avoir cette source nouvelle de recrutement dans un contexte de tension, en particulier dans le domaine nucléaire.

L’association WENRA a été créée à l’initiative d’André-Claude Lacoste en 1999 pour répondre à un besoin, la Commission européenne n’ayant ni compétence technique ni expérience du contrôle des installations nucléaires et les citoyens étant en attente d’une certaine cohérence à l’échelle européenne. En vingt ans, les autorités de sûreté nationales ont construit « de bas en haut » un niveau de sûreté harmonisé sur la base d’exigences quasi réglementaires que les responsables d’autorités de sûreté se sont engagés à transcrire dans leurs réglementations nationales. Cela a conduit à des réglementations de sûreté nucléaire ayant des niveaux d’exigence similaires dans l’ensemble des pays européens. Mais nous ne sommes pas au bout du chemin. Ainsi, la plupart des pays se demandent comment prolonger l’exploitation des réacteurs nucléaires les plus anciens avec les mêmes niveaux d’exigence ou des niveaux d’exigence suffisamment voisins.

Concernant les petits réacteurs modulaires, nous répondons aux porteurs de projets frappant à la porte des différentes autorités en Europe, voire au-delà, en mettant en place des processus d’examen conjoints. De même, le changement climatique concerne nombre d’entre nous de la même manière. Les compétences font également l’objet de discussions, parce que nous sommes confrontés aux mêmes sujets. La question des soudeurs, souvent évoquée en France, se pose de la même manière dans les autres pays européens, et ceci est vrai de l’ensemble des compétences en matière nucléaire. Ce sont des exemples de sujets que nous traiterons dans les années à venir dans le cadre de l’association WENRA et plus largement dans les discussions avec nos homologues européens et au-delà.

Mme Géraldine Pina Jomir, membre du collège de l’ASN. Les résultats des inspections de contrôle de l’ASN sur le terrain déterminent l’état de la radioprotection dans le domaine médical. L’ordre de priorité des contrôles est défini en fonction des enjeux.

En médecine nucléaire, la radiothérapie interne vectorisée a pour principal enjeu les doses qui peuvent être administrées aux patients. Comme on injecte ou on fait ingérer aux patients des radionucléides que l’on retrouve dans les urines, la gestion des effluents spécifiques à la médecine nucléaire fait partie des points de contrôle importants de l’ASN. La fréquence des contrôles varie de trois à cinq ans : cinq ans pour les services effectuant des activités de diagnostic et trois ans pour les services pratiquant de la radiothérapie interne vectorisée engageant des doses importantes pour les patients et pour lesquels les enjeux de radioprotection sont les plus importants.

Il y a bien sûr un suivi et un contrôle des rejets dans l’environnement au travers du réseau d’assainissement, généralement par l’intermédiaire d’un stockage dans des cuves de décroissance avant leur rejet dans le réseau. Celui-ci est encadré par une décision de 2008, complétée par une circulaire à la suite de l’arrivée de nouveaux produits radiopharmaceutiques, en particulier le lutécium.

Les rejets dans l’environnement sont très faibles et encadrés. Une étude de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a permis de vérifier le fonctionnement des logiciels conçus pour évaluer les conséquences sanitaires de ces rejets. Elles peuvent être importantes pour les personnes réalisant de la maintenance in situ, dans les établissements : ce sont celles qui sont les plus exposées, dans le respect des limites autorisées, aux effluents encore présents dans les installations. Pour autant, les doses reçues sont très inférieures à 1 mSv, y compris pour les personnels amenés à faire de la maintenance, les plus exposés.

Il convient d’observer les effluents et les déchets en médecine nucléaire, notamment pour se préparer à l’arrivée de produits nouveaux. Ce fut le cas de produits radiopharmaceutiques comme le lutécium, qui ont accru le nombre de patients à traiter. Comment adapter la réglementation à l’arrivée de nouveaux radionucléides afin que les rejets restent conformes aux normes sans empêcher leur utilisation ?

Les réflexions au sujet des effluents et des déchets spécifiques à la médecine nucléaire vont continuer de nous occuper dans les années qui viennent. Il va falloir adapter la décision de 2008 aux avancées et innovations thérapeutiques et à l’arrivée de nouveaux médicaments radiopharmaceutiques. Des discussions sont en cours avec la Société française de médecine nucléaire afin d’anticiper l’arrivée de ces nouveaux produits et la gestion des effluents et des déchets consécutifs à leur utilisation.

Un guide méthodologique a été édité par la Société française de physique médicale pour aider les établissements de santé à rédiger le document décrivant l’organisation et le fonctionnement de la physique médicale en leur sein. Ceci permet d’évaluer les pratiques et d’aider à optimiser les doses délivrées. En 2022, cette organisation a été jugée satisfaisante dans plus de 80 % des cas, et une forte évolution positive a été constatée depuis 2018. Cela ne fait pas partie des alertes adressées à la profession, alors qu’elles sont maintenues pour la gestion des déchets et des effluents.

M. Pierre Bois, directeur général adjoint de l’ASN. L’observatoire des projets de démantèlement, de reprise et de conditionnement des déchets radioactifs est un élément nouveau de notre rapport annuel. Fruit d’un important travail, il revêt la forme d’un tableau figurant à la page 350 du rapport. Il présente, pour les principaux projets, les enjeux à court terme et le point où nous nous trouvons. Il montre les étapes majeures à franchir dans les années à venir pour faire avancer des projets dont l’échéance est parfois lointaine. Ce tableau synthétique est une clé de lecture des autres sections du rapport qui décrivent en détail des objets qui y figurent.

Le tableau a pour vocation de donner du sens au contrôle des autorités et à l’action des exploitants qui font face à des projets s’étalant sur plusieurs décennies, et dont certains sont à horizon 2070, voire au-delà de 2100 ! Au regard d’échéances aussi lointaines, il convient de montrer notre capacité à faire dès à présent les premiers pas nécessaires et de donner du sens aux personnes qui travaillent, quand bien même elles ne pourraient en devenir des témoins. En outre, il s’agit de donner de la visibilité au public en lui disant que ce n’est pas parce que les échéances sont lointaines qu’il n’y a pas dès maintenant des étapes importantes, premiers pas de projets complexes.

La genèse de l’outil procède du constat que les projets de démantèlement et de récupération, de reprise et de conditionnement des déchets sont nombreux – beaucoup d’installations liées au nucléaire historique doivent être démantelées et assainies – et complexes, en raison d’enjeux radiologiques importants ou parce que les substances ne sont pas toujours complètement caractérisées ou se présentent sous des formes physiques difficiles à approcher. Parfois, les technologies nécessaires à la récupération ces objets doivent être définies. Certaines filières de gestion des déchets ne sont pas encore en place.

Compte tenu de leur nombre et de leur complexité, ces projets s’inscrivent dans un temps long ou très long, à échéance de plusieurs décennies, voire séculaire. C’est pourquoi nous avons demandé aux principaux exploitants et responsables des opérations de démantèlement et de récupération des déchets de mettre en place des « stratégies démantèlement déchets ». Évaluées par l’ASN, le cas échéant avec l’appui d’expertises de l’IRSN, elles ont conduit à des prises de position publiques de l’ASN qui permettent, au vu du nombre et de la complexité des projets, de désigner ceux qui doivent être traités en priorité et, pour ceux-ci, les jalons à franchir dans les années qui viennent. La mise en place de cet observatoire repose sur un travail de fond. Confrontés à des projets nombreux et complexes, nous avons d’abord identifié les principaux enjeux et les principaux jalons à franchir à court et moyen terme.

Cela s’est traduit par une évolution de notre logique de contrôle. Notre attention était jusqu’ici focalisée sur les échéances à prescrire pour la finalisation des opérations à conduire par les exploitants ; nous sommes passés à une logique de prescription des obligations auxquelles ils doivent répondre pour s’assurer que les échéances de long terme seront sécurisées. Nous savons qu’il va se passer des choses entre aujourd’hui et 2070, mais ce n’est pas une raison pour ne pas prioriser, réaliser et contrôler ce qui se passera dans les quelques années qui viennent. Nous avons donc fait évoluer notre dispositif de prescription vers une approche plus dynamique permettant de rendre opposables aux exploitants les premières étapes de leurs chantiers complexes et nous donnant les moyens et les outils pour contrôler l’exécution de ces premières étapes. Nous avons introduit des prescriptions identifiant certaines échéances proches et nous nous gardons le droit de les faire évoluer régulièrement afin que les exploitants soient aussi soumis à des obligations de court terme matérialisant l’avancement de leurs efforts vers les échéances de plus long terme.

Nous avons développé des compétences internes pour le contrôle de la maîtrise des projets complexes par les exploitants, afin de contrôler non seulement leurs réalisations mais aussi la manière dont ils s’organisent pour être robustes dans l’engagement de ces projets. Nous avons fait évoluer notre positionnement depuis longtemps pour faire face aux caractères particuliers des enjeux de très long terme.

Je conclus par un message important. L’ASN considère que les projets nucléaires ne seront durablement acceptables que sous la réserve impérieuse que la filière démontre sa capacité à résorber au fil du temps les différents passifs issus du nucléaire historique, le démantèlement des installations construites aux débuts du nucléaire, encore en exploitation ou déjà arrêtées, et la capacité à récupérer, conditionner et stocker de manière conforme aux enjeux de sûreté les déchets provenant du nucléaire historique. Le président et le directeur général l’ont souligné : alors que nous sommes confrontés à de nombreux projets de relance de la filière par le nouveau nucléaire, il est indispensable d’inclure dans notre vision globale l’obligation de récupérer et résorber les différents passifs du nucléaire historique et du nucléaire existant. Cet observatoire des projets de démantèlement, de reprise et de conditionnement des déchets radioactifs contribue à cet objectif commun, bénéfique pour la sûreté et nécessaire du point de vue de l’ASN.

M. Philippe Bolo, député.  Le réacteur Jules Horowitz (RJH) en construction au centre CEA de Cadarache va doter la France de capacités de recherche uniques au niveau mondial. Fruit de coopérations dépassant nos frontières, il permettra d’étudier le vieillissement des centrales et de prolonger leur durée de vie en attendant la mise en service des nouvelles capacités de production. Il est donc très utile pour le passage du nucléaire ancien au nouveau nucléaire. Des efforts financiers restent cependant à produire. Dans votre rapport, vous en faites l’analyse au travers des contrôles du chantier et tout va bien. Serait-il utile à l’ASN de disposer rapidement de cet outil pour le suivi de la sûreté nucléaire ?

M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l’Office.  Je vous prie d’excuser mon arrivée tardive due au fait que le Président Larcher m’avait demandé de m’exprimer en son nom lors du colloque « Déchets nucléaires : incinération et transmutation » qui se tient aujourd’hui au Sénat. Dans la loi de 1991, les trois pistes de recherche pour la gestion des déchets étaient l’entreposage, le stockage en couches géologiques profondes et la transmutation.

Le renouveau du nucléaire rend votre fonction passionnante. Les procédures d’évaluation de la sûreté nucléaire sont-elles différentes pour des projets promus par des exploitants installés depuis des décennies, qui revendiquent à juste titre leur expérience d’années de fonctionnement de réacteurs, et pour des créations nouvelles qui s’appuient souvent sur des maquettes numériques et n’ont pas d’expérience de fonctionnement ou de démonstrateur industriel ? Vous avez la responsabilité d’orienter et de certifier ces projets, qui sont généralement de plus petite taille et ont vocation à être industrialisés et exportés, au moins en Europe.

L’exploitation flexible des réacteurs nucléaires peut-elle avoir des conséquences sur leur sûreté en comparaison de réacteurs gérés en base d’une façon constante ?

Pour l’EPR de Flamanville, vous vous dites prêts à accepter qu’il soit mis en service avec le couvercle actuel, sauf retard. Quelle peut être la nature de ce retard et quelle peut être sa durée ?

En Chine, un réacteur de Taishan a connu des difficultés avec des gaines de crayons de combustible. Avez-vous des retours d’EDF qui a établi un dossier d’analyse sur ces anomalies ? La centrale de Flamanville, qui connaît bien des vicissitudes, comme tous les projets pilotes, peut-elle être concernée par les dysfonctionnements constatés en Chine ?

Dans quel délai l’ASN pourrait-elle s’exprimer sur la demande d’autorisation de création (DAC) de Cigéo ?

Quel est votre regard sur l’intérêt que porte la justice au fonctionnement des centrales nucléaires quand la cour d’appel de Bordeaux condamne EDF pour faute civile, alors qu’en en tant qu’autorité de sûreté, vous avez considéré que l’incident relevait du degré zéro, c’est-à-dire d’une exploitation normale, sans prise de risque ni faute reconnue de l’exploitant ? Je me demande quelle est la compétence des magistrats sur le sujet. La cour d’appel vous a-t-elle sollicités ? Y a-t-il un lien avec le fait que l’École nationale de la magistrature soit à Bordeaux ? Y a-t-il des magistrats formés, capables, avec une autorité intellectuelle et morale, de dire qui est responsable et qui ne l’est pas en matière de sûreté nucléaire ?

M. Pierre Henriet, député, président de l’Office. Vous le savez, l’Office est toujours ouvert à l’ensemble de nos concitoyens. Nous avons reçu des questions de personnes qui ont suivi l’audition en direct, dont celle-ci : « Compte tenu de l’importance du facteur humain, ne faudrait-il pas une convention collective unique pour le nucléaire, sous-traitants inclus ? ». Des agents de la filière doivent nous regarder. C’est tout à leur honneur et nous les en remercions. L’audition a aussi pour objectif d’éclairer l’ensemble de nos concitoyens sur la sûreté nucléaire et la radioprotection, en particulier celle de l’ensemble des personnels qui interviennent dans les installations.

Une autre question porte sur le bilan de la plateforme d’alerte de l’ASN. Quelles avancées et quelles conclusions pouvez-vous en tirer, à ce stade ?

M. Bernard Doroszczuk. – Ce n’est ni la responsabilité ni la mission de l’Autorité de sûreté nucléaire de se positionner sur l’opportunité, l’intérêt ou les avantages présentés par la mise en place du réacteur Jules Horowitz. Il fait partie des projets lancés il y a quelques années, qui ont rencontré des difficultés de gestion, et nous avons encore des points à régler avec l’exploitant et constructeur CEA pour parvenir au terme des procédures engagées en vue de sa mise en service. C’est un réacteur complexe aux fonctionnalités ambitieuses. Vouloir en faire un réacteur à plusieurs fins a redoutablement complexifié sa conception et sa réalisation. S’il y avait un retour d’expérience à tirer de ce réacteur, qui répond à des besoins indiscutables, ce serait de veiller à éviter la complexité qui résulte d’une ambition « enveloppe » des finalités données aux outils.

M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l’Office.  C’est un peu un couteau suisse !

M. Bernard Doroszczuk. – On peut faire un parallèle avec les réacteurs de puissance de nouvelle génération, pour lesquels on a tendance, en France à vouloir faire des conceptions « enveloppes », de haute technologie, parfois compliquées, tandis que l’approche est un peu différente à l’étranger. Sans remettre en question son utilité, le réacteur Jules Horowitz est difficile à construire et à mettre en service ; il a été conçu dans une vision « enveloppe » de fonctionnalités qui explique en partie ces difficultés.

Nous avons effectivement vécu dans un monde d’unicité, avec un seul exploitant doté d’une ingénierie solide bénéficiant de milliers d’années de retour d’expérience des réacteurs. Il est très différent de dialoguer avec des start-up aux idées certes innovantes mais qui avancent des projets dont la maturité n’est pas suffisante. Certaines, n’ayant pas encore fait la preuve de la faisabilité du concept, ont besoin de s’adosser à des travaux de recherche et de développement sur des composants essentiels à leur procédé et viennent nous demander comment ils doivent se préparer à présenter un dossier d’options de sûreté puis une demande d’autorisation de création. Nous devons les aider, sans que ce soit un sujet pour l’ASN qui, in fine, devra se prononcer sur les dossiers qui lui seront présentés. Nous devons réfléchir à la façon d’orienter les porteurs de projet vers des choix technologiques convenables et les aider à faire mûrir leur projet. Ceci nécessite des tiers ayant de l’expérience dans les technologies les plus avancées et capables de jouer un rôle de « grand frère ». Nous devons toujours donner de la visibilité sur les processus d’instruction et sur les concepts de base de la sûreté sur lesquels nous seront très vigilants, mais la maturité n’est pas la même. Nous avons affaire à deux catégories d’acteurs différentes. Nous le voyons dans les multiples contacts que nous avons avec les porteurs de projet : ils sont nombreux, très ambitieux, et veulent aller très vite.

En outre, eu égard à ce besoin de maturité des projets, notamment ceux relevant des SMR et des AMR, nous avons face à nous des concepteurs, des vendeurs qui ne se projettent pas forcément dans le rôle d’exploitant.

M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l’Office.  Ce sont des équipementiers qui savent surtout vendre des projets.

M. Bernard Doroszczuk. – Ils savent vendre des projets à tout niveau à des personnes prêtes à investir.

M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l’Office.  C’est le propre d’une start-up !

M. Bernard Doroszczuk. – Ils sont prêts à définir un système d’aide pour des projets qui n’ont pas toujours la maturité technologique suffisante. Tous n’arriveront pas à terme. Ces projets ne considèrent pas le sujet globalement, en l’inscrivant dans la mise en place concrète d’un réacteur nucléaire. Par exemple, nos interlocuteurs ont rarement en tête l’amont du cycle du combustible qui entoure leur projet de réacteur. Ils nous présentent souvent des projets employant des combustibles pour lesquels il n’y a pas encore d’usine de fabrication et dont le niveau d’enrichissement très élevé pourrait poser un problème de prolifération. Ils ne se préoccupent pas davantage de l’aval du cycle et du traitement des déchets.

Il en est de même pour la sécurité des installations. Vous avez évoqué le développement d’installations décentralisées : elles pourraient ne pas être entourées de barbelés et placées sous la surveillance permanente d’agents de sécurité. Comment prendre alors en compte le risque d’actes de malveillance pour ces réacteurs très innovants ? Au-delà d’une différence d’approche ou de maturité, ces personnes ont besoin de faire un chemin et d’être aidées à avoir une vision globale des projets. Nous devons les éclairer au maximum sans jamais franchir la ligne du conseil. Nous faisons passer aux pouvoirs publics un message : il faut renforcer l’aide que pourraient procurer des « grands frères » pour donner une large visibilité aux projets et contribuer à leur maturité technologique.

M. Olivier Gupta. Ces petits réacteurs recourent souvent à des concepts de sûreté passive, c’est-à-dire ne mettant pas en œuvre de pompes ou de systèmes nécessitant de l’électricité. La performance de ces systèmes basés sur des lois de la physique nécessite d’être démontrée, non seulement par des simulations – dont on sait les limites – mais aussi par des expériences. En tant qu’autorité de sûreté, nous sommes friands de prévisions basées sur des expérimentations concrètes.

De même, les procédés de fabrication additive ne correspondent pas à des technologies sur lesquelles nous avons un retour d’expérience approfondi dans le domaine nucléaire. Il convient donc de les qualifier pour démontrer que les performances souhaitées sont effectivement atteintes. Cela nécessite un travail d’autant plus approfondi que les technologies sont en rupture avec celles connues dans le domaine nucléaire ou industriel en général.

Dès lors que le suivi de charge est pris en compte explicitement à la conception et que les paramètres de fonctionnement de l’installation sont prévus à cet effet, il n’a pas de conséquences négatives sur la sûreté. Beaucoup de réacteurs d’EDF fonctionnent en suivi de charge, ce qui ne pose pas de difficultés particulières. La limitation du suivi de charge peut être demandée dans des circonstances particulières, en cas d’anomalie – nous l’avons fait dans le cas de la corrosion sous contrainte –, pour stabiliser la puissance, éviter des variations de température ou de pression dans un circuit afin de préserver un équipement présentant un défaut. Mais en tant que tel, le suivi de charge n’est pas un mode d’exploitation posant des problèmes de sûreté.

M. Bernard Doroszczuk. – Les installations sont prévues et adaptées à cet effet. La gestion en suivi de charge reste dans l’épure prévue dans un contexte de production nucléaire où plusieurs installations de production d’électricité étaient en service, y compris des installations carbonées. Le suivi de la demande d’électricité pouvait être réparti sur des moyens divers. À moyen et long terme, dès lors que les moyens de production carbonée ont vocation à disparaître et que la priorité sera donnée aux moyens de production renouvelables, le suivi de charge peut prendre plus d’importance. Il faudra peut-être étudier la capacité du parc nucléaire à faire face à des suivis de charge plus rapides, plus fréquents que ce n’est aujourd’hui le cas. Cela pourrait être un sujet de réflexion pour la poursuite d’exploitation à long terme. Il peut en résulter des phénomènes de fatigue particulière pouvant conduire à ajuster la poursuite d’exploitation à long terme, c’est-à-dire au-delà de soixante ans, compte tenu de l’état de sollicitation de l’installation. D’ailleurs, les installations nucléaires dont le niveau de sûreté est un peu inférieur aux autres sont protégées. On peut décider de ne pas leur faire faire de suivi de charge.

M. Julien Collet, directeur général adjoint de l’ASN. En 2018, l’ASN a pris une première décision sur l’utilisation du couvercle de la cuve de l’EPR de Flamanville. Cette décision indiquait clairement que ce couvercle ne posait pas de problème de sûreté à court terme. Compte tenu de la date de mise en service du réacteur, envisagée à l’époque, on estimait sa durée d’utilisation à quatre à cinq ans. Mais depuis, le projet a pris du retard. La demande qu’EDF nous a présentée récemment conduit à n’utiliser le couvercle que pour un cycle de fonctionnement, soit quinze à dix-huit mois. En termes de sûreté, la situation actuelle est donc très largement couverte par les considérations développées à l’époque.

Un considérant de la décision prise récemment par l’ASN indique que l’utilisation du couvercle est acceptable pour un cycle. Toutefois, si le calendrier du projet continue de glisser, EDF devra se demander s’il n’est pas plus pertinent de changer le couvercle avant le démarrage du réacteur. Ceci présenterait un double intérêt : en termes de radioprotection, EDF éviterait de remplacer un couvercle devenu une pièce radioactive ; EDF éviterait aussi de générer un déchet radioactif.

Le décret d’autorisation de l’EPR de Flamanville mentionne comme date limite de mise en service avril 2024, et nous avons pris la décision relative à l’utilisation du couvercle au regard de ce contexte. Le considérant mentionné vise à inviter EDF, s’il était amené à demander au gouvernement le report de la date limite de mise en service, à reconsidérer à cette occasion la question du couvercle.

Le retour d’expérience sur le combustible du réacteur de Taishan a mis en évidence des phénomènes multiples. D’abord, on a constaté dès les premiers essais en puissance du réacteur une différence entre la modélisation de la répartition de puissance dans le cœur et la répartition réelle. Ensuite, les dégradations du combustible ayant conduit à l’arrêt du réacteur, il y a quelques mois, montrent qu’une corrosion et une dégradation des lames retenant les crayons de combustible ont conduit au percement des gaines, qui sont la première barrière de confinement. De plus, des oscillations d’ensemble du cœur du réacteur ont conduit à un frottement des assemblages et à une usure de la structure du combustible.

Nous avons demandé à EDF de prendre en compte ce retour d’expérience en vue de la mise en service de l’EPR de Flamanville, sur laquelle nous aurons à nous prononcer d’ici la fin de cette année ou le début de l’année prochaine.

EDF a fait des propositions pour expliquer l’origine de la différence entre la répartition de puissance modélisée et la répartition mesurée. Elle l’a prise en compte dans le système de surveillance du cœur. En tout état de cause, ces éléments seront vérifiés au cours des essais de démarrage de Flamanville 3.

Pour les autres phénomènes, EDF a proposé un renforcement des assemblages à charger dans la cuve du réacteur. Il a notamment, dès le premier chargement, approvisionné des assemblages renforcés qui seront positionnés en périphérie du cœur et qui préviendront le risque de percement des gaines.

Enfin, l’oscillation du combustible à l’intérieur du cœur devra être traitée à moyen terme. Liée à l’hydraulique de la cuve, elle nécessitera des adaptations du mélangeur situé au fond de la cuve, qui assure la bonne distribution de l’eau. La qualification nécessite des développements et des essais sur maquette, pour mise en œuvre d’ici quelques années et supprimer à la source le phénomène d’usure des assemblages.

M. Bernard Doroszczuk. – J’en viens aux deux questions des internautes.

Je pense même reconnaître l’auteur de la première. Cette question m’étant adressée de façon récurrente, j’y répondrai de façon récurrente. L’évolution de la convention collective des salariés du nucléaire, à l’exclusion des sous-traitants, ne relève pas de la responsabilité de l’ASN. Néanmoins, bien que non impliqués dans la convention collective, nous veillons à ce que les facteurs humains soient intégrés par l’ensemble de la filière et des sous-traitants. L’interlocuteur qui a posé cette question le sait très bien, puisqu’il est membre de notre comité sur ce sujet. Mais je redis que ce n’est pas lié à la convention collective.

Concernant la plateforme de signalement mise en place par l’ASN à la mi-2018, à la suite de la découverte d’irrégularités commises au Creusot, nous avons mis en place un dispositif permettant à chacun, de manière discrète, de faire un signalement. Nous garantissons la confidentialité des déclarations, qui sont traitées pas une équipe à part, tenue par de strictes obligations de confidentialité. À la fin 2022, au total, 200 signalements ont été faits à l’ASN, certains par écrit, dont 60 % sont traités par des actions de l’ASN. Les 40 % restants ne relèvent pas de notre responsabilité ou ne correspondent pas à des sujets sur lesquels nous avons des moyens d’action. Dans 25 % des cas, nous réalisons des inspections. Nous vérifions discrètement sur le terrain ce qui nous a été dit. Nous faisons en sorte que l’exploitant contrôlé ne connaisse pas la source d’information. Nous mettons cette inspection dans un ensemble de sujets afin de rendre le signalement discret. Après investigation, nous constatons 10 % de sujets sérieux, qui font parfois l’objet de déclarations à la justice, en cas de fautes graves. D’autres questions sérieuses sont traitées avec les exploitants.

L’essentiel des constats d’irrégularité est lié à des contrôles déclarés mais non faits ou à des usurpations d’identité. L’accès en zone étant très contrôlé, on utilise le badge d’une autre personne ou on déclare avoir été en zone alors qu’on n’y était pas. C’est la raison pour laquelle, notamment pour la partie contrôle, nous souhaitons engager, à l’occasion de la mobilisation de la filière dans le nouveau nucléaire, une réflexion approfondie sur la numérisation, afin de renforcer la traçabilité des contrôles et de compliquer la falsification des résultats. Face aux enjeux du nouveau nucléaire, il faut être très vigilant sur ce sujet. J’ai écrit récemment aux donneurs d’ordres pour attirer leur attention sur ce point.

M. Pierre Henriet, député, président de l’Office. Nous vous remercions pour votre présentation de l’état de la sûreté nucléaire en France pour l’année 2022, pour les réponses apportées à nos questions ainsi que pour la vigilance et l’indépendance dont vous faites constamment preuve. Cette audition a permis d’éclairer nos collègues et nos concitoyens sur ces questions majeures. L’Office remplit ici sa mission, tout comme l’ASN le fait en permanence.

 

La réunion est close à 12 h 59.


Membres présents ou excusés

Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

 

Réunion du jeudi 25 mai 2023 à 10 h 30

Députés

Présents. - Mme Christine Arrighi, M. Philippe Bolo, M. Jean-Luc Fugit, M. Victor Habert-Dassault, M. Pierre Henriet, M. Alexandre Sabatou

Sénateurs

Présents. - M. Gérard Longuet, M. Stéphane Piednoir, Mme Angèle Préville

Excusés. - M. André Guiol, Mme Annick Jacquemet, Mme Sonia de la Provôté, Mme Michelle Meunier

 

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