Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Audition de M. Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse 2

– Présences en réunion..............................32

 

 

 

 

 


Mercredi
19 octobre 2022

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 3

session ordinaire de 2022-2023

Présidence de
Mme Isabelle Rauch,
Présidente

 


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La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.

(Mme Isabelle Rauch, Présidente)

 

La commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 (seconde partie), M. Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse.

 

M. Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse. Ce projet de loi de finances, le premier de la législature, est un marqueur de notre ambition en matière d’éducation. Traduisant les engagements du Président de la République, il représente un projet d’investissement massif et sans précédent dans l’enseignement scolaire, au service des élèves, pour préparer l’avenir de la nation.

Cette augmentation inédite s’inscrit dans une dynamique de croissance constante depuis 2017. En effet, lors du précédent quinquennat, le budget de l’Éducation nationale a progressé de 13 %, passant de 48,8 milliards d’euros en 2017 – hors contribution des pensions de l’État – à 55,2 milliards en 2021. Néanmoins, ce budget, par l’ampleur de l’augmentation proposée, constitue une rupture. Ainsi, le PLF pour 2023 prévoit un budget de 59,7 milliards, soit 3,7 milliards supplémentaires par rapport à 2022, ce qui représente une croissance de 6,5 %. La hausse est considérable et inédite.

Les priorités s’organisent autour de cinq axes. Le premier, la revalorisation de l’enseignement, est celui qui compte le plus dans le budget. La revalorisation est indispensable à toute action de refondation et de transformation de l’école. Il s’agit de reconnaître l’engagement des enseignants au service de leurs élèves et de leur pays, un engagement qui, reconnaissons-le, n’a pas toujours été récompensé à sa juste valeur. Il s’agit aussi d’une question de niveau de vie, et d’un marqueur indispensable de considération, de respect et de soutien pour ces agents publics qui apportent tant à la société. Je n’ai pas besoin d’insister sur les difficultés de recrutement que nous rencontrons.

Si cet effort a été amorcé en 2017 par mon prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, notamment dans le cadre du Grenelle de l’éducation, le PLF pour 2023 traduit une ambition nouvelle. Ainsi, la revalorisation des rémunérations représente une enveloppe totale de 1,135 milliard, ce qui est d’autant plus considérable qu’elle est budgétée pour seulement quatre mois – elle entrera en vigueur le 1er septembre prochain.

Cette revalorisation est composée de deux parties. La première est inconditionnelle ; la seconde sera perçue dans le cadre d’un pacte, à condition que les enseignants exercent certaines missions. Celles-ci seront définies dans le cadre de la concertation avec les organisations syndicales ouverte le 3 octobre.

La première partie dispose d’une enveloppe de 635 millions, ce qui représente 1,9 milliard en année pleine. En concentrant les moyens sur la première partie de carrière – les vingt premières années –, l’objectif est de casser le faux plat qui caractérise la progression de salaire sur cette période. Cette enveloppe permet de prolonger l’effort fourni dans le cadre du Grenelle de l’éducation et complète la hausse du point d’indice des fonctionnaires, pour aboutir à une hausse moyenne de 10 %. La promesse du Président de la République sera tenue : aucun nouvel enseignant ne sera payé moins de 2 000 euros net par mois.

Les personnels en fin de carrière ne sont pas oubliés. L’accès aux grades finaux – hors classe et classe exceptionnelle – sera amélioré dans le cadre de mesures interministérielles encore en discussion.

La revalorisation passera aussi par un pacte, proposé à tous les enseignants. Ils percevront, s’ils exercent certaines missions, une hausse supplémentaire de rémunération. Sans préjuger des conclusions des concertations en cours, la formation hors temps d’enseignement, la mise en œuvre de projets pédagogiques, le suivi individualisé des élèves, l’aide à l’orientation ou le remplacement de courte durée pourraient faire partie des missions considérées. D’ailleurs, elles sont souvent déjà effectuées, sans être pleinement valorisées.

En prenant en compte la part inconditionnelle, la revalorisation pourra être portée à 20 % pour les enseignants volontaires. Ce dispositif conditionné est doté d’une enveloppe de 300 millions ; l’équivalent en année pleine évoluera, à compter de 2024, en fonction du rythme des adhésions au pacte. L’ensemble des enseignants, y compris ceux des lycées professionnels, bénéficieront de ces revalorisations.

Les autres professionnels de l’Éducation nationale pourront bénéficier de mesures catégorielles, les enjeux d’attractivité et de reconnaissance pouvant aussi toucher ces catégories. Ainsi, la prime en réseau d’éducation prioritaire (REP) et réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP +) sera étendue à des personnels qui ne la touchaient pas, tels que les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et les assistants d’éducation (AED). Cela correspond à une enveloppe totale de 74 millions d’euros. Par ailleurs, les personnels de la filière médico-sociale, les personnels administratifs ou les conseillers pédagogiques bénéficieront de revalorisations spécifiques. Une enveloppe de près de 66 millions d’euros sera mobilisée pour l’ensemble de ces mesures catégorielles.

La réussite de tous les élèves constitue le deuxième axe et se traduit, d’un point de vue budgétaire, par deux actions. L’amélioration du taux d’encadrement sera poursuivie dans le premier degré et stabilisée dans le second degré. Les dispositifs tels que les dédoublements en REP, le plafonnement à 24 élèves des classes de primaire hors REP ou le développement des classes unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) seront étendus.

Cela peut paraître antinomique avec le schéma d’emploi négatif. En réalité, le mouvement démographique, qui entraîne la baisse du nombre d’élèves chaque année, s’accélère. En dix ans, le nombre annuel des naissances est passé de 830 000 à 738 000. La baisse du nombre d’élèves – de 300 000 – constatée lors du dernier quinquennat, va s’accentuer, à un rythme de 100 000 élèves par an. À la rentrée 2022, nous constatons une diminution de 58 000 élèves, légèrement moins importante que prévu car 19 000 élèves ukrainiens sont venus renforcer les effectifs. Nous devrions compter entre 95 000 et 100 000 élèves en moins pour l’année scolaire 2023-2024.

Si nous devions répercuter l’intégralité de cette baisse sur le nombre d’enseignants, nous supprimerions 5 000 postes. En limitant la réduction à 2 000 postes, nous poursuivons l’effort engagé pour améliorer le taux d’encadrement. Dans le premier degré, qui est notre priorité, nous sommes passés de 23,6 enfants à 21,6 enfants en moyenne par classe entre 2016 et 2022 ; nous prévoyons de faire encore baisser ce chiffre en 2023 pour atteindre 21,3 élèves en moyenne par classe.

Au-delà des dispositions budgétaires, la réussite des élèves passera par des réformes structurantes, comme celle du collège, à laquelle nous travaillons activement.

Le Président de la République a souhaité procéder, dans le cadre d’une large concertation menée par la ministre déléguée Carole Grandjean, à la réforme de l’enseignement professionnel. Certains amendements témoignent de la crainte d’une remise en cause de l’acquisition des fondamentaux. Une voie doit être trouvée pour préserver l’acquisition des connaissances générales tout en améliorant l’insertion des élèves de lycées professionnels dans le marché du travail. Le PLF pour 2023 ne traduit pas ces orientations, qui ne seront prises qu’à l’issue de la phase de concertation – dès vendredi, quatre groupes de travail seront lancés.

Le troisième axe, c’est la poursuite de l’école inclusive. Celle-ci demeure plus que jamais une priorité, pour mon ministère comme pour le Gouvernement. Ainsi, 4 000 postes d’AESH sont créés pour la rentrée 2023, après une hausse identique en 2022. Vos propositions d’amendements font apparaître une préoccupation légitime quant à la situation financière de ces personnels. Je partage les objectifs de revalorisation et de « déprécarisation ».

Je tiens néanmoins à souligner que l’avenir de cette profession doit s’inscrire dans le cadre d’une réflexion globale sur l’école inclusive ; il nous faut travailler sur la diversité des formes d’accompagnement, rénover les modalités de notification, privilégier l’évaluation des besoins des élèves en situation de handicap. Des concertations ont débuté après la tenue, le 8 octobre, du comité interministériel sur le handicap. Elles permettront d’engager des évolutions plus profondes.

Mais nous travaillons déjà à l’amélioration des conditions de rémunération des AESH. Ainsi, ils bénéficieront des primes d’exercice en REP et REP +, pour une enveloppe de 43 millions. La revalorisation de la rémunération passe également par une progression du temps de travail, l’objectif étant que ceux qui le souhaitent puissent effectuer 35 heures. Cela représente un gain substantiel de revenu pour ces personnels essentiels à la réussite des élèves.

La lutte contre les inégalités constitue le quatrième axe de notre action. Elle est au fondement de notre capacité à faire société, elle est la condition du bon fonctionnement de l’éducation nationale et de l’amélioration globale de nos résultats. Nous développons les dispositifs de soutien aux familles les plus fragiles grâce à une hausse des bourses de 4 % dès la rentrée 2022, ce qui représentera 835 millions en 2023. Par ailleurs, nous encourageons fortement les établissements à mieux utiliser leurs fonds sociaux, actuellement sous-consommés.

Le dispositif visant à offrir des petits-déjeuners gratuits à l’école sera amplifié, le nombre d’établissements demandeurs étant en augmentation : une enveloppe en forte hausse y est consacrée, pour un total de 21,3 millions d’euros.

Je suis très vigilant en matière d’inégalités territoriales. L’expérimentation des contrats locaux d’accompagnement et des territoires éducatifs ruraux sera étendue. Près de 9 millions d’euros sont inscrits au PLF 2023 pour ces deux dispositifs qui complètent la carte de l’éducation prioritaire.

La baisse des effectifs d’enseignants tiendra compte des enjeux liés à la ruralité. Conformément à l’engagement du Président de la République, aucune fermeture d’école n’interviendra sans l’accord des maires.

Enfin, l’enjeu de la mixité sociale est essentiel pour la réussite des élèves les plus défavorisés, tout comme l’ouverture vers des parcours plus diversifiés. Nous poursuivons la création de sections internationales en éducation prioritaire pour faire de ces établissements des centres attractifs.

Le cinquième et dernier axe consiste à donner aux équipes éducatives qui le souhaitent des moyens pour construire des projets pédagogiques innovants. Ces moyens sont inclus dans le fonds d’innovation pédagogique, dont la création a été annoncée par le Président de la République, dans une optique de généralisation de l’expérience « Marseille en grand ». Ce fonds a pour vocation de financer des projets qui s’inscrivent dans la continuité des projets d’établissement, et qui pourront être très divers dès lors qu’ils visent à améliorer la réussite des élèves. Ils devront se rapporter à l’une au moins des trois dimensions fondatrices de la politique éducative : l’élévation du niveau de tous les élèves, la réduction des inégalités, le bien-être des élèves. Je me réjouis de constater que, depuis deux semaines, plusieurs centaines d’établissements se sont déjà lancés dans des concertations.

Cette approche constitue une rupture fondamentale. Elle s’appuie sur une déconcentration totale du financement et une réponse rapide aux propositions issues du terrain. Le fonds d’innovation pédagogique permettra par exemple – comme le proposent certains de vos amendements – de financer du matériel adapté aux élèves en situation de handicap, des projets culturels, environnementaux ou centrés sur des méthodes innovantes d’apprentissage des savoirs fondamentaux. Ce fonds sera doté de 500 millions d’euros sur la durée du quinquennat, et de 150 millions dès l’année 2023. Il s’agit d’un montant considérable, qui permettra à toutes les équipes souhaitant s’engager dans cette démarche d’être soutenues financièrement.

Je suis certain qu’avec ce fonds, en faisant confiance aux communautés éducatives dans les écoles et établissements, en leur permettant de construire des projets qui répondent aux besoins qu’elles identifient, nous parviendrons à transformer l’école, au bénéfice de tous les élèves. Pour 2023, les crédits du fonds sont inscrits dans la mission Investir pour la France de 2030.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Ce budget témoigne d’une ambition forte : faire de l’école le lieu de l’instruction et de la réussite de tous les élèves. Après deux années marquées par la crise sanitaire, la dernière rentrée a suscité des inquiétudes en raison du manque annoncé d’enseignants. Nous avons constaté, et les auditions l’ont confirmé, que les services académiques ont mené un travail remarquable cet été et que, de manière générale, la rentrée s’est bien passée. Malgré un plus faible nombre de candidats aux concours de recrutement des enseignants, le taux d’encadrement reste élevé – il augmente même dans le premier degré.

Cependant, pour faire face à la crise structurelle que connaît le métier d’enseignant, le Gouvernement a annoncé des mesures de revalorisation salariale inédites. Au-delà du seul salaire, ce PLF tend à améliorer l’attractivité du métier en développant des contrats de préprofessionnalisation, en augmentant la hausse des crédits d’action sociale à destination des personnels, ou en laissant une plus grande initiative aux équipes pédagogiques pour construire des projets.

Nous saluons l’augmentation de plus de 6 % des crédits de la mission Enseignement scolaire, qui atteignent 82,47 milliards, contributions aux pensions de l’État incluses. Les six programmes sont concernés par cette augmentation.

La hausse du budget de cette mission, dont plus de 90 % des crédits concernent la masse salariale, correspond en grande partie aux revalorisations. À la hausse du point d’indice – 1,7 milliard d’euros – s’ajoute la revalorisation des rémunérations des enseignants en début de carrière – 635 millions d’euros – et les primes accordées dans le cadre du pacte avec les enseignants – 300 millions d’euros, une enveloppe qui évoluera en fonction de l’adhésion des professeurs.

Le contenu précis des missions nouvelles et les modalités de mise en œuvre du pacte font l’objet de concertations. Nous serons très attentifs aux résultats sur lesquels elles déboucheront.

En parallèle, le schéma d’emplois diminue d’environ 2 100 postes d’enseignants – 1 117 postes dans le premier degré, 481 postes dans le second degré et 502 postes dans l’enseignement privé –, ce qui représente 0,19 % de l’ensemble des postes du ministère. Cependant, cette diminution s’opère dans un contexte de très forte baisse démographique. Elle n’affectera pas le taux d’encadrement des élèves, lequel continue à s’améliorer pour le premier degré et se stabilise pour le second degré.

Ce budget permet de poursuivre et de prolonger la mise en œuvre des dispositifs relatifs à l’égalité des chances. Ainsi, le programme 140 Enseignement scolaire public du premier degré prévoit que 1 670 emplois seront consacrés à la poursuite du dédoublement des classes de grande section en éducation prioritaire. Nous nous en réjouissons. Par ailleurs, les dispositifs cordées de la réussite, contrats locaux d’accompagnement et territoires éducatifs ruraux seront prolongés, pour un montant de 13 millions d’euros. Nous saluons également l’extension de la prime allouée aux personnels exerçant en éducation prioritaire, à hauteur de 74 millions d’euros.

L’ambition d’une école réellement inclusive se traduit par une augmentation très importante de 11,38 % des crédits consacrés à l’inclusion, au sein du programme 230 Vie de l’élève. Ces crédits permettront le recrutement sur le titre II, à la rentrée scolaire 2023, de 4 000 AESH supplémentaires ainsi que la création de 300 nouvelles classes Ulis.

Enfin, nous notons la grande place faite à l’innovation, pour avancer vers une école du futur qui profite à tous. Celle-ci se traduira au collège par des expérimentations autour de la classe de sixième, classe charnière s’il en est, mais aussi par de la pratique sportive, ou encore de la découverte professionnelle. En parallèle, 150 millions seront consacrés au fonds d’innovation pédagogique : ils auront vocation à financer les projets novateurs proposés directement par les établissements scolaires, dès lors qu’ils présenteront un contenu pédagogique fort. Ces crédits sont inscrits sur la mission Investir pour la France de 2030. Ils seront débloqués et alloués en fonction de l’émergence des projets.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Pour aller plus loin, nous avons souhaité étudier un levier d’attractivité du métier d’enseignant trop souvent sous-estimé, celui de la formation initiale et continue. Dans ces deux domaines, des réformes importantes ont été menées ces dernières années et ont porté leurs fruits. Toutefois des difficultés persistent, qui doivent être levées.

La formation initiale a été marquée par le déplacement en fin de deuxième année de master des concours de recrutement du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (Capes) et du concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE). Loin d’être une mesure isolée, cette évolution s’inscrit dans une série de modifications que nous saluons : l’évolution des maquettes des formations et des concours, davantage tournées vers les compétences professionnelles ; le développement de l’alternance en master 2 ; l’élaboration de parcours préparatoires ou de préprofessionnalisation dès la première année de licence.

Ces dispositifs permettent de constituer un vivier d’étudiants intéressés par les métiers de l’éducation dès la fin du lycée, de les fidéliser et de les accompagner en sécurisant leur parcours de formation pendant cinq ans. L’accent porté sur la pratique professionnelle, l’observation et la mise en responsabilité progressive, doivent permettre de confronter les étudiants de manière précoce aux réalités du terrain et de la profession qu’ils aspirent à exercer, de manière à prévenir les désillusions en fin de parcours ou dans les premières années de carrière.

Néanmoins, des difficultés persistent. Elles tiennent à la multiplicité des parcours, à une faible visibilité sur Parcoursup, au manque de places disponibles pour les étudiants en master « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF) qui souhaitent bénéficier d’une alternance ou encore à la charge de travail importante en master 2. Certaines organisations syndicales évoquent aussi un contenu de la formation initiale encore décalé par rapport aux réalités du terrain. Des ajustements peuvent être proposés sur ces points, sans engager une nouvelle réforme de grande ampleur, dont les acteurs ne souhaitent pas.

En matière de formation continue, les dernières années ont été marquées par de grandes évolutions. Le schéma directeur de la formation continue a été élaboré en 2019 ; des formations ont été mises en place, avec l’objectif de toucher l’ensemble des enseignants – plan mathématiques, plan français, formation sur les valeurs de la République et la laïcité – ; la gestion des ressources humaines de proximité a été développée pour recueillir au mieux les attentes des personnels ; des écoles académiques de la formation continue (EAFC) ouvrent depuis la rentrée. Ces avancées sont essentielles pour atteindre deux objectifs : l’adaptation des enseignants aux besoins de l’institution, l’épanouissement professionnel et personnel.

Plusieurs difficultés font que la France ne parvient pas à rattraper son retard sur les autres États de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). D’abord, les enseignants regrettent une trop faible valorisation des démarches de formation, peu ou pas prises en compte dans leur déroulement de carrière. Ensuite, ils soulignent que les formations ne répondent pas toujours aux besoins, malgré une multiplicité d’acteurs et d’offres. Enfin, nous notons une difficulté à évaluer l’efficacité réelle de ces formations, notamment en classe, et ce seulement quelques mois après leur suivi.

Nous relayons ici plusieurs pistes d’évolution qui nous ont été suggérées : les priorités de la formation continue doivent être clarifiées ; les formations doivent être mieux reconnues grâce aux certifications ; davantage d’évaluations à froid doivent être conduites, y compris par des questionnaires d’autoévaluation.

Monsieur le ministre, nous donnerons un avis favorable aux crédits de la mission mais nous avons quelques questions.

Une évaluation des différents parcours préparant aux concours de l’enseignement – parcours préparatoire au professorat des écoles (PPPE), AED préprofessionnalisation, etc. – est-elle envisagée ? Il s’agit de garantir la diversité des voies d’accès, adaptées aux différents profils, sans saupoudrer les moyens ou entretenir une complexité excessive pour les étudiants, les universités ou les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspe).

Les crédits de formation continue sont sous-consommés – 60 % en 2018, 75 % en 2019, 50 % en 2021 – mais les ambitions du ministère sont grandes. Une augmentation progressive de ces crédits est-elle envisagée, éventuellement dans le cadre d’une programmation pluriannuelle ?

Enfin, le dispositif d’indemnisation des personnels effectuant des formations pendant les périodes de vacances scolaires ne semble pas avoir trouvé son public. Dans le même temps, plusieurs organismes font état de refus de demandes de formations sur temps scolaire, faute de remplaçants disponibles. Compte tenu de la conjoncture, cette situation risque de s’aggraver ; quelles solutions sont-elles envisagées ?

L’audition est suspendue de dix-sept heures trente-cinq à dix-sept heures cinquante-cinq.

M. Robin Reda, rapporteur spécial. J’ai le plaisir de rapporter, au nom de la commission des finances, ce premier budget du quinquennat, premier budget aussi de l’État, avec 60,2 milliards de crédits. Ceux-ci sont en augmentation de 3,7 milliards. La rentrée, qu’on annonçait difficile, s’est passée de façon très honorable, sous le pilotage du ministre, dans un contexte sanitaire bien meilleur : elle marque ainsi un retour à la normale.

Les enjeux liés à l’école figurent parmi les grandes priorités du Président de la République pour ce quinquennat. Il l’a affirmé devant les recteurs d’académie : « Nous rêvons d’une école qui fasse réussir nos enfants et qui fasse réussir la France ».

Ce budget en hausse traduit l’hommage unanime que nous rendons à nos enseignants et notre souhait collectif que leur métier soit revalorisé. Cette revalorisation doit prendre une forme sonnante et trébuchante, et ce budget vise une augmentation de 10 % en moyenne. Nous renforçons aussi les moyens de soutien à la politique de l’éducation nationale pour des professeurs mieux formés, mieux accompagnés. Leur autorité doit être replacée au cœur des préoccupations, afin que les valeurs et les principes républicains soient respectés.

À cette étape de mon propos, permettez-moi d’avoir une pensée pour Samuel Paty et, en évoquant sa mémoire, pour tous ses collègues professeurs et professionnels du monde éducatif, qui œuvrent chaque jour afin de préserver l’école des pressions religieuses, et pour défendre cette belle protection universelle et humaniste qu’est la laïcité.

Dans la trajectoire des années antérieures, qui ont vu augmenter les moyens dédiés à l’enseignement scolaire, le budget de la mission 2023 est marqué par plusieurs objectifs. D’abord, il s’agit d’offrir le meilleur accompagnement possible : le taux d’encadrement progresse, alors même que nous vivons une forte baisse démographique. Le nombre de postes d’enseignants restera plus élevé que les besoins, ce qui permet une organisation plus souple et plus qualitative au sein des établissements scolaires. Nous pourrions citer aussi la poursuite des dédoublements de classes, le renforcement de l’apprentissage des savoirs fondamentaux ou les nouveaux temps dédiés à la meilleure orientation des élèves.

Ensuite, il faut provoquer un choc d’attractivité pour le métier d’enseignant, qui doit retrouver dignité et prestige. Au-delà des revalorisations générales liées à l’augmentation du point d’indice et à la pérennisation des mesures du Grenelle de l’éducation, une enveloppe supplémentaire de 935 millions est prévue pour tous les enseignants, dont une part correspond au pacte avec les enseignants, actuellement en concertation. La reconnaissance sociale de l’engagement et des efforts des enseignants en dehors du temps scolaire doit se traduire par un complément de rémunération.

Par ailleurs, le Président de la République a souhaité libérer l’école de ses carcans, préfigurant ce que pourrait être l’école du futur. Aux côtés des dispositifs pédagogiques existant et financés par la mission Enseignement scolaire, je veux mentionner la mise en place du fonds d’innovation pédagogique, destiné à faciliter la mise en œuvre de projets éducatifs. Il faudra bien sûr évaluer ces nouvelles méthodes pédagogiques, en s’appuyant notamment sur les travaux du conseil d’évaluation de l’école, qui ont vocation à prendre de l’importance et à accompagner les équipes éducatives dans cette vision nouvelle. Permettez-moi de souhaiter le succès de cette démarche.

L’école inclusive poursuit sa montée en puissance avec le recrutement de 4 000 AESH supplémentaires. Le budget pour l’accueil des enfants en situation de handicap ou à particularités est en augmentation de 220 millions, après avoir augmenté de 1,3 milliard en cinq ans. Cela va de pair avec la reconnaissance du métier des plus de 130 000 AESH, qu’il convient encore d’accompagner sur la voie d’emplois plus stables et mieux rémunérés.

Je tiens à mentionner l’irruption de la question écologique à l’école, dans les contenus d’enseignement mais aussi dans les projets éducatifs en lien avec la préservation de la nature, ou encore dans l’attention portée à la rénovation du bâti scolaire. Ces questions sont dévolues aux collectivités territoriales et sont d’une importance particulière en cette période de nécessaire sobriété énergétique.

Dans cette optique, l’enseignement agricole, avec plus de 200 000 élèves, propose des formations d’excellence dans la « grande aventure du vivant » ; il bénéficie pour cela de 67 millions d’euros supplémentaires. Au-delà de la formation de qualité qu’il offre, cet enseignement répond aux enjeux de souveraineté alimentaire en préparant à des emplois qui ont du sens, pour bâtir l’agriculture de demain et nourrir nos concitoyens.

Il n’y a pas de fatalité, ni au décrochage éducatif – que certains exagèrent à des fins politiciennes – ni au maintien de déterminismes encore trop ancrés. Ce budget d’avenir prend la mesure d’un véritable combat contre la montre pour que l’humanisme, l’universalisme et le progrès demeurent, grâce à l’éducation, le fondement de notre société démocratique.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Graziella Melchior (RE). La hausse inédite de 6,4 % des crédits, preuve de l’ambition du Gouvernement, concerne l’ensemble des six programmes de la mission.

Ce budget de sortie de crise sanitaire financera la scolarisation de plus de 12 millions d’élèves, répartis de la maternelle au lycée, dans l’enseignement public et privé, dans les filières générale et professionnelle. Il intervient dans un contexte de nette baisse démographique, si bien que la diminution du schéma d’emploi d’environ 2 100 postes d’enseignement est sans conséquence sur le taux d’encadrement des élèves. Celui-ci continue à s’améliorer dans le premier degré ; il se stabilise dans le second degré.

La majeure partie de l’augmentation permet de répondre au manque d’attractivité du métier d’enseignant. Sur les 4,7 milliards supplémentaires, 3,5 milliards sont alloués à la revalorisation des salaires des enseignants.

Ce budget forme la pierre angulaire de nombreuses ambitions. Il crée 4 000 postes d’AESH pour une école toujours plus inclusive. L’État parachève le dédoublement des classes de grande section en REP et soutient le déploiement des écoles du futur grâce à une enveloppe de 300 millions, qui sera consacrée au fonds d’innovation pédagogique.

L’école primaire est le socle de la réussite de tous les élèves. Le budget pour l’enseignement scolaire public du premier degré s’élève à 25,6 milliards, un chiffre en hausse de 6,4 %. Ces nouveaux moyens permettront de maintenir la priorité donnée à l’école primaire depuis 2017 – un engagement présidentiel –, en mettant l’accent sur l’apprentissage des savoirs fondamentaux.

Avec le même dynamisme et la même ambition, le budget de l’enseignement scolaire public du second degré est en hausse de 5,3 %. Les ressources sont essentiellement destinées à la réduction des inégalités, ferment de bien des difficultés pour les jeunes.

Pour un apprentissage efficace, le climat scolaire doit être apaisé et chacun doit trouver sa place. Le budget du programme Vie de l’élève augmente de 7,5 %, une hausse importante pour la lutte contre le harcèlement et toutes les formes de violence scolaire. La liberté de conscience sera mise en avant ainsi que l’égalité de toutes et tous. Les élèves seront aussi éduqués à la vie citoyenne et à la sexualité.

La qualité de vie des élèves sera aussi améliorée grâce au pass culture. Des petits-déjeuners gratuits sont servis dans certaines écoles, en particulier dans les territoires les plus fragilisés.

L’enseignement privé n’est pas oublié puisqu’il bénéficie d’une augmentation des crédits, destinée à améliorer la gestion des ressources humaines.

Enfin, la hausse de la rémunération des enseignants en début de carrière a été actée. Il était urgent de le faire. Néanmoins, elle risque d’entraîner un écrasement des grilles de salaires. Des enseignants m’ont interrogée à ce sujet : une refonte de la grille est-elle envisagée ? Dans quels délais ?

M. Roger Chudeau (RN). Tout le monde connaît les villages que le prince Potemkine fit ériger en 1787 lors du voyage en Crimée de la Grande Catherine : des façades en bois hâtivement peintes dissimulaient la misère. Vous êtes, monsieur le ministre, le Potemkine du macronisme déclinant. Ce budget n’est qu’une accumulation de faux-semblants, qui dissimulent mal l’état alarmant du système éducatif.

Vous annoncez fièrement une augmentation de 3,7 milliards d’euros mais à quoi cette somme est-elle employée ? En effet, 1,7 milliard d’euros est consacré à la revalorisation du point d’indice ; le glissement vieillesse technicité (GVT) coûte 770 millions d’euros – des dépenses qui sont sans rapport avec la politique éducative proprement dite. Reste 1,9 milliard d’euros en année pleine pour augmenter de 10 % le traitement des jeunes professeurs. Avec une inflation de 7 %, cela fait peu et ne ressemble pas à une avancée sociale remarquable !

Notons au passage de petites mesquineries. Vous dites donner la priorité au primaire, mais sur les 2 000 postes supprimés, 1 100 sont des postes de professeurs des écoles. L’augmentation du traitement des débutants n’entrera en vigueur qu’au mois de septembre.

Le mystère plane encore sur la seconde augmentation, qui sera réservée aux professeurs ayant conclu un « pacte ». Avec vous-même ? Avec monsieur Macron ? Les professeurs ne signent pas de pacte, ce sont des agents de l’État, recrutés à l’occasion de concours difficiles – nous sommes tous deux agrégés et savons de quoi il s’agit –, leur travail est défini par des textes réglementaires. Il n’y a ni pacte ni contrat, nous ne sommes pas aux États-Unis d’Amérique ! Voulez-vous diviser le corps enseignant entre ceux qui touchent le minimum syndical et les superprofs qui auront signé ?

Mais parlons de l’essentiel, les élèves et leurs résultats. Vous poursuivez le dédoublement des classes de l’éducation prioritaire, mais vous devriez savoir que, sans changement de pédagogie, la baisse du nombre d’élèves par classe ne produit pas mécaniquement de progrès. De plus, l’éducation prioritaire ne concerne que 20 % des écoliers de France.

Vous envisagez de réfléchir à l’avenir du collège dont vous découvrez, un peu tard, qu’il est depuis plus de trente ans l’enfant malade du système scolaire. Le baccalauréat Blanquer tourne à la farce et vous ne voulez pas y toucher.

Ce budget, qui est le premier de l’État par son ampleur, qui devrait être un investissement stratégique, aux enjeux vitaux pour l’avenir de la nation, n’est pas un budget de mission : c’est un budget de gestion.

Vous savez pourtant que les maux dont souffre le système éducatif sont de nature systémique. Le Président de la République lui-même a dit : « Quelque chose ne va pas dans notre organisation ». Hélas, vous semblez vous interdire toute action susceptible d’améliorer les apprentissages. Vous déclarez par exemple, urbi et orbi, que ce n’est pas en augmentant les horaires que l’on améliorera les performances scolaires ; où avez-vous donc acquis cette certitude ?

Savez-vous que les écoliers de 1945, ceux du Conseil national de la résistance (CNR) – le vrai –, ceux du plan Langevin-Wallon, avaient 30 heures de cours hebdomadaires, 188 jours de cours par an, soit 1 128 heures annuelles ? Aujourd’hui, les écoliers ont 24 heures de cours hebdomadaires, 144 jours de cours par an, soit 864 heures annuelles. Dans le même temps, nos enfants passent plus de 1 200 heures par an sur les écrans, véritables fabriques de crétins. Vous devriez réfléchir à tout cela, comme à la révision de la grille des enseignements, qui devrait se faire au profit quasi exclusif du français et des mathématiques, au moins jusqu’au CM1. Vous devriez aussi réviser les obligations réglementaires de service (ORS) des professeurs.

Nous en débattrons peut-être dans l’hémicycle. Pour l’heure, nous ne renoncerons pas et nous défendrons de nombreux amendements visant à restaurer l’efficacité et la dignité de l’école de la République.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Nous examinons les mesures concernant l’école alors que le Gouvernement vient d’actionner l’article 49.3, quintessence de la démocratie.

Permettez-moi de commencer par un exemple. Les parents du lycée Alfred-Nobel de Clichy-sous-Bois se plaignent que leurs enfants, inscrits en voie professionnelle, soient privés de cours de mathématiques et d’anglais depuis la rentrée. Leur inquiétude grandit, comme le stress des élèves devant l’échéance des examens et des inscriptions sur Parcoursup. Comment assurer les remplacements et rattraper les centaines d’heures de cours perdues ?

Cette situation est tout sauf exceptionnelle, elle est désormais la règle. Selon une enquête du Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale (SNPDEN), principal syndicat de chefs d’établissements, un mois après la rentrée, 35 % des établissements comptent au moins un poste d’enseignant vacant ; 32 % font état d’au moins une absence longue non remplacée. Dans le premier degré et dans plusieurs départements, les équipes de remplaçants sont déjà à sec. Cette situation inacceptable revient, de fait, à nier le droit à l’instruction dû à tous les élèves du pays. Elle résulte directement des politiques destructrices de l’école conduites depuis des années, et considérablement aggravées par votre prédécesseur, monsieur Blanquer. L’urgence est donc de changer de cap.

Nous avons examiné avec la plus grande attention les mesures de ce PLF. Le schéma d’emploi révèle que 2 100 postes d’enseignants sont supprimés, dont 1 117 dans le premier degré, et 481 dans le second degré, de l’enseignement public. Cela s’ajoute aux 7 900 suppressions de postes du quinquennat précédent. Il en va de même pour toutes les catégories de personnels, tant de vie scolaire que de santé scolaire, alors même que les besoins sont urgents.

Par ailleurs, de très nombreux parlementaires, d’appartenances différentes, ne cessent de vous alerter sur le sort des élèves en situation de handicap. Vous annoncez 4 000 emplois d’AESH supplémentaires, mais combien de postes seront-ils réellement pourvus ? Il nous est impossible de contrôler la ligne budgétaire concernée. Sur le terrain, on manque partout d’AESH et on sait pourquoi : ces personnels touchent, et continueront de toucher un salaire de misère – 800 euros par mois en moyenne – pour un temps, imposé, de 24 heures hebdomadaires.

Plus de 4 000 postes d’enseignants n’ont pas été pourvus à l’issue des concours cette année. D’où vient ce manque inédit ? De la dégradation continue des conditions de travail et d’une rémunération totalement insuffisante. Vous annoncez une revalorisation de 10 % des salaires des enseignants, mais celle-ci inclut l’augmentation de 3,5 % de la valeur du point d’indice, bien en deçà du taux d’inflation. À partir de septembre 2023 – il faudra donc attendre un an –, les enseignants recevront en moyenne 172 euros brut par mois en plus. On est bien loin des 10 % !

Ajoutons que 300 millions d’euros seront attribués aux enseignants qui accepteront des tâches supplémentaires, sans rapport avec l’enseignement. Vous leur proposez donc de travailler plus pour perdre moins.

Pendant ce temps, des cadeaux continuent d’être fait à l’enseignement privé sous contrat, une fois de plus privilégié.

Cette privatisation rampante est d’ailleurs l’objet réel de la réforme de la voie professionnelle, contre laquelle les professeurs de lycées professionnels se sont massivement mis en grève hier. Vous décidez de réduire drastiquement le temps d’enseignement dans les lycées, alors que cet enseignement a été institué après la guerre pour soustraire la jeunesse à la tutelle des patrons. Vous savez que les jeunes en apprentissage réussissent moins bien que ceux qui sont sous statut scolaire, mais vous décider de favoriser l’apprentissage afin de fournir une main-d’œuvre gratuite aux entreprises et de remplacer des salariés par des apprentis sous-payés.

Il nous sera impossible de voter ces crédits. Nos amendements sont issus de deux propositions de loi. Ils visent à organiser des concours exceptionnels de recrutement, à créer un prérecrutement des personnels de l’Éducation nationale, à revaloriser réellement les salaires de 10 %, à créer un corps d’AESH dans la fonction publique. Entendrez-vous ces propositions ? Renoncerez-vous à la réforme de la voie professionnelle ?

M. Alexandre Portier (LR). Quand on aborde l’étude d’un budget de plus de 59 milliards d’euros, le risque est de se perdre et de confondre les moyens avec les fins. L’école est d’abord une mission d’intérêt général et un projet républicain ; elle résulte ensuite des moyens humains et matériels consacrés à leur mise en œuvre. Ainsi, en matière d’instruction publique et d’enseignement, c’est bien la fin qui justifie les moyens.

L’enveloppe dédiée à l’enseignement scolaire est en hausse de 6,5 %. Avec une trajectoire de 1,9 milliard d’euros en année pleine, ce budget prévoit une augmentation, juste et bienvenue, du salaire des enseignants. Il est inacceptable que les têtes les mieux faites de notre pays, avec un bac + 5, commencent leur carrière à 1 450 euros net. L’effort et le travail doivent payer, et ce principe devrait être assumé au cœur même de la méritocratie républicaine. Cependant, la promesse d’une revalorisation inconditionnelle n’est pas tout à fait tenue : les augmentations n’entreront en vigueur qu’en septembre. Quand parviendra-t-on aux 2 000 euros net annoncés ?

Il nous faut plus d’enseignants, mieux payés et mieux formés. Mais le malaise enseignant, monsieur le ministre, ne tient pas qu’à des chiffres, il est aussi dû au manque de reconnaissance. Quand ils rencontrent un problème, les enseignants s’entendent trop souvent répondre : « pas de vagues ». Peu d’entre eux croient encore au soutien de l’institution. Les anciens se sentent isolés au quotidien dans leur pratique. Lors de votre dernière audition, je vous ai interrogé sur l’autorité, Maxime Minot sur la médecine du travail. Aucun élément de réponse n’est contenu dans ce budget.

Qu’en est-il des infirmiers et des assistants de service social (ASS) de l’Éducation nationale, dont le malaise est profond ? Depuis 2017, les départs se multiplient, en partie à cause de la faiblesse des salaires.

Nous saluons la création de 4 000 postes d’AESH, mais quid des pratiques de terrain qui posent question ? J’ai cité les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial), mais nous pourrions évoquer la généralisation des AESH mutualisés, qui masquent des réalités de terrain moins réjouissantes. Les chiffres annoncés font écran et cachent des prises en charge de qualité aléatoires.

Le projet de l’école nous semble illisible. Inclusion, égalité filles-garçons, harcèlement scolaire, sport, valeurs de la République, lutte contre le fondamentalisme : l’école fait un peu de tout. Le fait-elle bien ? Ce n’est pas sûr. Revient-il aux enseignants, professeurs des écoles et directeurs d’établissements de porter ces sujets ? C’est encore moins sûr. Qui trop embrasse mal étreint.

Comment transmettre les savoirs fondamentaux quand rien n’est fait pour remédier en profondeur à l’effondrement de la maîtrise du français, quand on assiste à des errements incompréhensibles qui entraînent la suppression puis le rétablissement des mathématiques en terminale ? Où en est l’autonomie des établissements – les retours sur l’expérimentation conduite à Marseille sont bien discrets ?

Les moyens financiers ne permettent pas de résoudre tous les problèmes. Il faut d’abord un projet, une stratégie et un cap. Ce budget en manque, il peine donc à nous convaincre. Nous cherchons la cohérence de votre projet et ce n’est pas le fonds d’innovation pédagogique, énième saupoudrage, qui nous aidera à la trouver.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Pour ce premier budget, nous pouvons vous féliciter. Les moyens promis lors des campagnes sont au rendez-vous. La hausse est inédite et, à la rentrée 2023, les professeurs néo-titulaires seront rémunérés au-dessus de 2 000 euros net par mois. Grâce à cette avancée, la France continue son long chemin pour renforcer l’attractivité du métier d’enseignant, mais elle corrige surtout un retard incompréhensible puisque les jeunes professeurs français sont bien moins payés que leurs homologues des autres pays de l’OCDE.

Cette avancée ne doit pas nous faire perdre de vue que l’attractivité de ce beau métier ne relève pas seulement des salaires. Les conditions et le cadre de travail sont importants, et je crains que le flou qui entoure la partie conditionnelle des revalorisations ne demeure une source d’inquiétude pour de nombreux enseignants. Vous avez évoqué le suivi individualisé ou le remplacement de courte durée comme de potentielles missions supplémentaires : cela sera peut-être de nature à rassurer les enseignants, puisque ce sont des tâches qu’ils effectuent déjà.

Nous nous réjouissons de voir le taux d’encadrement des élèves et leurs conditions d’apprentissage s’améliorer, malgré quelques suppressions de postes.

Les dispositifs tels que les trente minutes de sport quotidien ou l’objectif « 100 % EAC », pour l’éducation artistique et culturelle, contribuent à l’épanouissement des enfants en leur faisant découvrir de nouvelles activités. Dans la mesure du possible, celles-ci doivent être développées avec les acteurs des territoires ; tout doit être mis à profit pour enrichir le parcours des enfants. À ce titre, je salue la création du fonds d’innovation pédagogique, doté de 150 millions d’euros dès 2023. Il s’inscrit pleinement dans la volonté d’impliquer les acteurs du territoire.

Les revalorisations pour les personnels non-enseignants sont primordiales. Je salue l’extension de la prime REP et REP + aux AED et AESH, professions aux revenus encore trop faibles. Vous avez aussi évoqué une revalorisation pour la filière médico-sociale : il s’agit d’un pas important.

La création de 4 000 postes d’AESH à la rentrée prochaine, après un recrutement équivalent pour la rentrée 2022, permettra une école plus inclusive. D’énormes progrès ont été faits depuis 2017 mais il nous reste beaucoup de travail, tant sur la rémunération que sur l’organisation des tâches.

La question se pose de l’équilibre de l’encadrement et du nombre d’enfants par classe, afin de mieux accueillir les élèves, qu’ils soient ou non en situation de handicap, dans un contexte d’inflation des notifications. Où en est votre réflexion à ce sujet ?

Je profite de cette occasion pour saluer les crédits de l’enseignement agricole, bien qu’ils ne relèvent pas de la compétence du ministre.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’examen du PLF pour 2023 révèle les défaillances de la politique du Gouvernement en matière d’éducation scolaire. Loin des promesses réitérées de favoriser une nouvelle école inclusive et de garantir la présence d’un professeur devant chaque classe, c’est l’école de la pénurie qui perdure. Plus de 2 000 postes d’enseignants sont supprimés, dont 1 117 dans le premier degré et 481 en collèges et lycées. Nous demandons le rétablissement des équivalents temps plein (ETP) supprimés dans le public, pour préserver notre école républicaine.

Alors qu’à la rentrée prochaine, les lycées accueilleront 10 000 élèves supplémentaires et que 8 000 postes ont été supprimés lors du précédent quinquennat, le Gouvernement justifie ces réductions par la baisse du nombre des élèves. Pourtant, le compte n’y est pas.

De plus, le dédoublement des 16 000 classes en éducation prioritaire a été réalisé sans création de postes équivalents. Comment poursuivre la mise en œuvre de cette politique en grande section de maternelle en continuant de supprimer les postes ?

Par ailleurs, la revalorisation salariale ne concerne que 40 % des enseignants. Quant à la revalorisation conditionnelle, nous nous opposons à la doctrine du « travailler plus pour gagner plus », imposée à des enseignants dont le pouvoir d’achat est toujours plus bas. Notre position est claire : nous contestons ces mesures d’annonce et demandons de réelles mesures financées, qui permettraient une revalorisation salariale de 10 % pour l’ensemble des enseignants, sans critère d’ancienneté ni mission supplémentaire.

Le groupe Socialistes et apparentés se réjouit de l’amélioration des conditions de travail des AED, d’autant que le précédent quinquennat s’était traduit par une suppression de 2 000 postes. Toutefois, les projets de décrets concernant les primes REP et REP + pour les AED et les AESH ne prévoient pas les mêmes montants que pour les autres personnels. Ainsi, les primes annuelles prévues pour 2023 sont de 3 263 euros en REP + et de 1 106 euros en REP, contre respectivement 5 114 euros et 1 734 euros pour tous les autres personnels. Non, les AED et les AESH ne sont pas des demi-personnels de l’éducation nationale ; leurs primes doivent être alignées.

De la même manière, si la création de 100 postes supplémentaires de conseillers principaux d’éducation (CPE) va dans le bon sens, elle ne compense pas la perte de 395 postes au cours du dernier quinquennat.

Par ailleurs, la baisse de 30 % du nombre de médecins scolaires lors des cinq dernières années provoque une réelle inquiétude. Aucun poste supplémentaire n’étant prévu, la situation ne peut pas s’améliorer. Nous réclamons un plan de recrutement massif de personnels de santé.

Le Gouvernement fait l’effort de créer 4 000 postes d’AESH mais les conditions de travail et de rémunération font que ces postes ne seront pas pourvus. C’était le cas à la rentrée en Seine-Saint-Denis, où près de 1 000 postes n’avaient pas trouvé preneur.

Le budget pour 2023 contient quelques avancées mais surtout beaucoup de manques, que nous tâcherons de corriger grâce aux amendements que nous vous proposerons.

Mme Agnès Carel (HOR). Je ne peux que me réjouir de la hausse importante des crédits.

Ce beau métier que j’ai exercé pendant plusieurs décennies souffre depuis des années d’une baisse du nombre de vocations. Mal considéré, mal rémunéré, exercé dans des conditions trop souvent difficiles, il séduit de moins en moins de jeunes. Le Gouvernement a décidé de fournir un effort important en revalorisant le salaire des enseignants. Les concertations qui vont s’ouvrir fixeront le cadre de ces revalorisations.

L’effort porte surtout sur le début de carrière, puisque aucun nouvel enseignant ne commencera sa carrière à moins de 2 000 euros net. Les autres enseignants seront-ils concernés par les revalorisations conditionnelles ? Quelles sont les missions qu’un enseignant devra effectuer pour en bénéficier ? Ils sont nombreux à exercer des tâches supplémentaires en dehors des heures de cours – préparation, correction, évaluation ou participation à des réunions.

Vous proposez aussi un avancement plus rapide de carrière, grâce à l’accès facilité à la classe exceptionnelle et au hors classe. Mais cela conduira-t-il à une hausse des rémunérations ? Les enseignants en fin de carrière sont-ils concernés ? Ils ne peuvent être perdants par rapport à un enseignant qui débute. N’oublions pas que leur expérience représente une plus-value, une richesse, et qu’ils remplissent des missions supplémentaires, comme le tutorat, peu attrayantes rapportées au taux horaire. Quels sont les premiers retours des négociations ?

L’une des deux priorités fixées par le Président de la République est l’EAC, un vecteur d’intégration et d’ouverture, qui facilite les apprentissages. L’Éducation nationale et le ministère de la Culture ont développé un plan d’action « À l’école des arts et de la culture », qui permet à tous les élèves de bénéficier d’un parcours artistique et culturel de qualité. L’objectif « 100 % EAC » a vu en 2022 la généralisation d’actions artistiques et culturelles annuelles pour tous les élèves, en complément des enseignements artistiques.

D’autres mesures rencontrent un franc succès, telles que le plan Chorale, le dispositif Quart d’heure de lecture, ou encore le pass culture, qui sera étendu prochainement aux classes de sixième et de cinquième. Cette enveloppe permet aux professeurs de financer des activités artistiques et culturelles pour la classe entière. Ces 25 euros par année et par élève représentent un effort important mais, hélas, insuffisant.

Il faut davantage encore mettre l’accent sur les élèves éloignés des lieux culturels. Je pense aux enfants des zones rurales qui, dès qu’ils sortent de l’établissement, sont rattrapés par les contraintes budgétaires, le coût du transport s’ajoutant à celui de la sortie.

L’organisation de voyages culturels et linguistiques est de plus en plus coûteuse. Pourtant, nous connaissons le bénéfice que représentent ces séjours : apprendre autrement et hors les murs, conjuguer le savoir-être et le savoir-faire, fédérer le groupe autour d’un projet. Voilà, en tout cas, un exemple de tâche pour laquelle les enseignants consacrent une grande partie de leur temps, avant et pendant le voyage.

Quelles mesures supplémentaires peuvent-elles être prises pour ouvrir à la culture les jeunes qui en sont éloignés – et pas seulement géographiquement ?

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Ce budget n’est pas à la hauteur. Alors que nous traversons de multiples crises, sociale, écologique, sanitaire et diplomatique, l’école doit plus que jamais former des citoyennes et des citoyens éclairés. Pourtant, l’école de la République vacille sur son socle : l’écart de résultats entre élèves favorisés et défavorisés se creuse, les élèves doutent du sens à donner à leur apprentissage, les enseignants sont épuisés moralement, surtout dans l’éducation prioritaire, et les établissements peinent à suivre le rythme frénétique des réformes. Nous pouvons le dire sans exagération : le système éducatif est au bord du précipice.

Or vous ne proposez qu’une suite de mesures anecdotiques. Alors que le candidat Macron avait promis, pendant l’entre-deux-tours, une hausse de 10 % des salaires des enseignants, 635 millions seulement sont affectés à la hausse inconditionnelle, ce qui équivaut à une augmentation de 30 euros par mois pour un enseignant du primaire. Nous sommes loin du choc d’attractivité dont la profession a tant besoin !

Quant à la part variable des salaires, elle constitue un affront pour les enseignants. Une note de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), parue ce matin même, montre que la moitié des enseignants déclarent travailler au moins 43 heures par semaine. Comme cela a été rappelé au Sénat, les enseignants français passent davantage de temps à enseigner que leurs collègues européens. Les hausses de salaires ne sont pas une faveur, monsieur le ministre, elles sont de droit. Dès lors, il n’est pas question qu’elles soient conditionnées à d’autres activités.

Le fonds d’innovation pédagogique, dont la création a été annoncée dans la précipitation à Marseille, est censé permettre aux écoles de devenir des laboratoires innovants. Si l’idée est bonne, l’application laisse à désirer. Les fonds s’élèvent à 150 millions d’euros, ce qui représente 2 500 euros par établissement, alors même que certaines écoles marseillaises ont reçu des sommes allant de 10 000 à 20 000 euros. Comme dans la recherche, le Gouvernement s’apprête à introduire la compétition entre les établissements pour obtenir les fonds, ce qui instaurera un climat de défiance. Nous le réaffirmons avec force : l’école n’est pas un marché, les établissements ne sont pas des start-up innovantes, l’idéologie n’a pas sa place dans l’école de la République !

Ce budget s’inscrit dans la lignée des précédents, et comporte des mesures élitistes comme le renforcement des internats d’excellence, la conditionnalité des salaires, la création de classes européennes supplémentaires, la compétition entre établissements, et surtout la réforme à venir du lycée professionnel.

Notre vision de l’école est tout autre. Nous sommes pour une école ouverte qui n’enferme pas les élèves dans des filières cloisonnées mais qui accompagne toutes les ambitions. Nous sommes pour une école émancipatrice, qui forme des consciences libres et éclairées, et non uniquement des travailleurs. Nous sommes pour une école du bien commun, qui prépare les élèves à devenir des citoyens engagés en leur transmettant le respect de la valeur humaine et du vivant. Nous sommes pour une école bienveillante, qui reconnaît à leur juste valeur les enseignants, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), les AED, les AESH, les psychologues, les infirmiers et les médecins, loin de la maltraitance institutionnelle actuelle.

Il n’est pas trop tard, monsieur le ministre, pour donner enfin un sens concret aux valeurs républicaines d’égalité et de fraternité.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Nous faisons tous le même constat : le milieu scolaire est en souffrance. Depuis plusieurs années, les enseignants, les personnels administratifs et les AESH alertent le ministère de l’Éducation nationale sur le manque de reconnaissance de leur profession et leur rémunération, en vain.

Cette rentrée scolaire a été marquée par une crise importante du recrutement, qui n’a pas permis d’assurer la présence d’un professeur devant chaque classe. Pourtant, ce budget acte la suppression de 2 000 postes d’enseignants. Contrairement à la vision que vous défendez, nous pensons que la baisse démographique devrait être l’occasion de mieux répondre aux difficultés des élèves grâce à des classes moins nombreuses.

Ce budget présente un curieux paradoxe. D’un côté, il prévoit la revalorisation du salaire des enseignants à 2 000 euros net par mois en début de carrière, pour tenter de renforcer l’attractivité du métier, et de l’autre, la suppression de 2 000 postes. L’instruction de nos enfants ne peut se satisfaire de cet « en même temps ». De plus, la question se pose de la revalorisation des milieux de carrière dans le professorat. Nous espérons que le travail engagé avec les syndicats débouchera sur une augmentation de l’ensemble des grilles des traitements, afin de ne pas pénaliser celles et ceux qui ont le plus souffert du gel du point d’indice.

La situation de la médecine scolaire est très inquiétante. Alors que la crise sanitaire et les confinements ont profondément marqué certains enfants, la baisse du nombre de médecins, psychologues et infirmiers scolaires est massive. En 2021-2022, seuls 843 médecins scolaires étaient en exercice. Le ministère ne semble pas prendre la mesure du rôle primordial qu’ils jouent. Les primes ne pourront pas répondre à cette crise structurelle et si rien n’est fait, il n’y aura plus de médecins scolaires dans quelques années.

L’accueil et l’instruction des élèves en situation de handicap à l’école étaient présentés comme l’une des priorités de votre prédécesseur, mais le compte n’y est pas. Le manque d’AESH est le symptôme d’une profession essentiellement exercée par les femmes, précaire, déconsidérée, rémunérée en dessous du seuil de pauvreté et frappée par un fort pourcentage de démissions. Les enfants ne sont pas pris en charge et leurs parents payent pour cette situation. La création de postes est une bonne chose mais la mesure est insuffisante : en l’absence d’un plan de formation, de titularisation et de revalorisation salariale, elle perd tout son effet.

Nous sommes fortement opposés à la réforme des lycées professionnels. Nous voulons des ouvriers et des techniciens qualifiés, correctement formés, qui exercent des métiers valorisés par la société. Ne confiez pas leur enseignement aux entreprises ! Si l’on sacrifie les enseignements généraux, l’Éducation nationale ne pourra tenir son rôle de formation de citoyens et de citoyens travailleurs.

A contrario, nous sommes en faveur d’un enseignement professionnel qui forme aux métiers du futur, qui fasse des ouvriers et des techniciens les acteurs centraux des mutations sociales et écologiques. Les jeunes n’ont pas pour rôle de pallier le manque de main-d’œuvre dans des métiers en tension peu valorisés.

Cette réforme ignore les nombreuses difficultés des futurs bacheliers, ne serait-ce que pour trouver un stage, tant les discriminations sont nombreuses. C’est à l’État et non au secteur privé d’assurer l’instruction des élèves ! Il est encore temps de changer votre feuille de route.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Les crédits de la mission Enseignement scolaire sont en hausse, et il faut nous en réjouir tant les défis sont nombreux.

La rentrée scolaire a été emblématique des difficultés qui se sont multipliées ces dernières années. Plus d’un mois après la rentrée, 35 % des établissements comptent encore au moins un poste d’enseignant vacant. Cette situation inquiète d’autant plus que les remplaçants sont déjà mobilisés pour tenir l’objectif d’un professeur devant chaque classe. Recourir à des dispositifs tels que les cours en ligne ou le travail en autonomie sous la surveillance d’un AED est une réponse ni adaptée ni suffisante.

Surtout, le budget prévoit la suppression de 1 985 postes d’enseignants. La diminution du nombre d’élèves ne doit pas servir de justification, ce serait aller à rebours de la stratégie de diminution des effectifs en classe, afin de favoriser un meilleur apprentissage.

La question du recrutement est indéniablement liée à celle de l’attractivité du métier. Au titre de la revalorisation des rémunérations, 935 millions sont prévus, dont 300 millions sont liés à l’acceptation de nouvelles missions. Nous craignons que le choc d’attractivité recherché soit insuffisant ; on est loin des 6 milliards d’euros de hausse par an promis par le candidat Macron !

Nous nous interrogeons aussi sur la stratégie qui consiste à cibler les enseignants en début de carrière, en délaissant ceux qui sont au milieu ou à la fin de leur carrière. Des concertations sont en cours, mais la méthode interroge. Les revalorisations devraient être inconditionnelles et concerner l’ensemble des enseignants. Je rappelle que, malgré la hausse du point d’indice, les salaires restent inférieurs à la moyenne des pays de l’OCDE.

Un mot, pour conclure, de la politique en faveur de l’école inclusive. Si des mesures ont été prises, indéniablement, pour limiter la précarité du métier d’AESH, nous devons continuer d’entendre leur détresse. Malgré la hausse continue du nombre de postes, les effectifs restent insuffisants pour répondre aux notifications. Les contrats, qui imposent souvent un temps partiel, sont trop précaires, et les rémunérations loin d’être acceptables. Comment améliorer concrètement leurs conditions de travail et leur formation ? Les élèves, confrontés parfois à un turn-over en raison des nombreuses démissions sont les premiers à pâtir de cette situation,

Notre groupe proposera des amendements sur ce sujet, mais aussi sur celui des médecins et infirmiers scolaires.

M. Pap Ndiaye, ministre. Je commencerai par la hausse des rémunérations, que vous avez tous évoquée. Les 635 millions d’euros concernent les quatre derniers mois de l’année 2023. En année pleine, la hausse avoisinera les 2 milliards d’euros. Cette revalorisation ne concerne pas que le début de carrière – cela aurait pour effet de perpétuer le faux plat que nous cherchons précisément à casser. Elle concerne bien les vingt premières années de carrière, et peut-être un peu plus. Ainsi, les 2 000 euros net en début de carrière augmenteront au fur et à mesure, si bien que la hausse de rémunération, à cinq ans d’ancienneté, tournerait autour de 13 à 14 %.

Se pose ensuite la question de la fin de carrière. Nous proposons un passage facilité en hors classe, qui concerne pour l’instant 25 % des enseignants, et en classe exceptionnelle, qui touche 7 % d’entre eux. Nous souhaitons augmenter ces chiffres, ce qui aura des effets sur les rémunérations, grâce au passage hors échelle ; cette progression salariale finale aura aussi des effets sur la retraite.

J’ai entendu que certains enseignants débutants seraient rémunérés plus que d’autres professeurs qui auraient plusieurs années d’expérience. Cela est bien sûr hors de question, et nous travaillons à une grille qui reflète des augmentations de rémunérations importantes pour les vingt premières années de carrière.

Par ailleurs, le problème d’attractivité du métier ne peut se résoudre grâce à la seule hausse des rémunérations. Il serait naïf de le penser et d’ailleurs, à l’échelle européenne, des pays où les enseignants sont beaucoup mieux rémunérés qu’en France – comme l’Allemagne – rencontrent aussi des difficultés. La question des salaires, bien que très importante, n’est donc pas la seule, et d’autres sujets comptent tels que les carrières ou le format du travail des enseignants, qui peuvent être seuls devant une classe ou travailler de manière plus collective. Nous souhaitons avancer sur ces éléments.

J’en viens aux nouvelles missions, dont les caractéristiques seront précisées lors des concertations avec les organisations syndicales. J’insiste sur un point : un certain nombre de ces nouvelles missions sont déjà assurées par les enseignants. Ainsi, il ne s’agit pas d’ajouter des missions de façon purement quantitative, mais aussi de rémunérer un travail déjà accompli par les professeurs.

Ces nouvelles missions et leur contenu feront donc l’objet d’échanges, qui se concentreront sur l’accompagnement et l’orientation des élèves – qui est sans doute un point faible du secondaire – ou sur les remplacements de courte durée. Nous n’avons pas d’idée préconçue quant à ces nouvelles missions. Leur contenu reste ouvert, mais elles doivent permettre d’améliorer concrètement le fonctionnement des écoles, collèges et lycées.

En ce qui concerne les AESH, les notificateurs ne sont pas les personnels de l’Éducation nationale mais les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Les notifications sont nombreuses, y compris à la dernière minute, avec des variations selon les départements. Malgré les ouvertures de postes, nous rencontrons des difficultés de recrutement et il nous faut conduire une réflexion globale, en lien avec les départements et les MDPH en particulier, qui reconnaissent leurs propres difficultés face aux demandes des familles.

Il existe un problème plus général, lié à l’embolie du système de prise en charge des élèves à besoins particuliers. En effet, il manque beaucoup de places dans les instituts médico-éducatifs (IME) – 19 000 selon les derniers chiffres –, et certains élèves sont envoyés dans le milieu ordinaire, dans des classes Ulis elles-mêmes surchargées, ce qui entraîne le glissement d’autres élèves vers les classes ordinaires. Nous ne pourrons pas répondre à cette question en nous contentant de créer des postes d’AESH : il nous faut réfléchir plus globalement à notre objectif général, et à l’acte II de l’école inclusive.

Je vous suis sur la question des conditions de travail des AESH. Je note que nous avons progressé puisque environ 20 % d’entre eux sont « cédéisés », et ont ainsi la perspective d’une possible progression de carrière, ce qui n’était pas le cas dans le passé. Néanmoins, nous devons faire mieux, notamment en matière de formation, même si une formation de 60 heures est déjà prévue.

Par ailleurs, nous devons réfléchir à leur temps de travail. Mais nous nous heurtons à une difficulté bien connue : nous ne pouvons pas rémunérer directement le temps périscolaire – l’arrêt du Conseil d’État du 20 novembre 2020 est clair. Nous travaillons donc à la mise en œuvre d’un mécanisme, qui doit encore être confirmé d’un point de vue juridique, qui permettrait de rémunérer à la fois le temps scolaire et les temps périscolaires, à travers une fiche de paie unique, les collectivités remboursant ensuite au ministère de l’Éducation nationale la partie correspondant au temps périscolaire. Ainsi, nous pourrions offrir aux AESH qui le souhaitent la possibilité de travailler 35 heures hebdomadaires. Cette tâche est complexe d’un point de vue administratif et juridique, mais nous savons que les 24 heures ou moins de travail hebdomadaire n’offrent pas de rémunérations suffisantes. Par ailleurs, les AESH travaillant en éducation prioritaire bénéficieront d’augmentations.

J’en viens à la question du dédoublement. Les classes de grande section de maternelle sont presque 75 % à être dédoublées ; toutes seront concernées à la rentrée 2023. Pour être pleinement efficace, le dédoublement nécessite des changements de pédagogie et une formation des enseignants. Nous serons très attentifs aux résultats des évaluations nationales des élèves de sixième, qui seront connus bientôt, puisqu’il s’agit des premières cohortes à avoir bénéficié, en éducation prioritaire, du dédoublement des CP et des CE1.

Le problème n’est pas de créer des postes de médecins scolaires, mais de faire en sorte qu’ils soient pourvus. En effet, 30 % des postes ne sont pas pourvus, et cette part est bien plus élevée dans certains départements, notamment ruraux, comme les Vosges. La médecine scolaire, comme d’ailleurs la médecine du travail, n’attire plus les internes.

Le métier d’infirmier scolaire a été fortement revalorisé ces dernières années, grâce à des augmentations de rémunérations en 2021 et en 2022. La prochaine interviendra fin 2022, avec un effet rétroactif au 1er janvier 2022, pour une revalorisation de 700 euros en moyenne. Par ailleurs, neuf postes d’infirmiers sur dix sont pourvus : la situation est donc assez différente de celle de la médecine scolaire.

Quant au fonds d’innovation pédagogique, que plusieurs d’entre vous ont évoqué, les 150 millions correspondent à une « mise de départ ». L’enveloppe s’élèvera à 500 millions sur l’ensemble du quinquennat. Les établissements ne seront pas mis en concurrence : tous les projets pédagogiques, dès lors qu’ils sont bien construits, seront financés. Un grand nombre d’écoles et d’établissements ont déjà manifesté leur intérêt – 600 les deux premières semaines, 1 000 sans doute à la veille des vacances d’automne. C’est un très bon démarrage. J’ai d’ailleurs assisté à des concertations très intéressantes, dans un collège et dans une école, qui réunissaient l’ensemble de la communauté éducative pour réfléchir à ce qui pouvait être fait.

La généralisation du pass culture à tous les collégiens va s’opérer, pour la part collective, puisque les élèves de sixième seront concernés en 2023. Je rappelle que pour une classe, cela peut représenter jusqu’à 800 euros. Depuis la rentrée, nous observons une forte hausse des établissements ayant réservé une activité dans ce cadre et nous avons fait mieux, au cours du mois qui vient de s’écouler, qu’entre janvier et juin 2022. Il s’agit là d’un démarrage spectaculaire, dont nous nous réjouissons.

Une question très juste a été posée sur le transport scolaire, dont le coût est de nature à bloquer des projets de sortie culturelle. Nous souhaiterions que, dans la mesure du possible, les frais de transport puissent être couverts par le pass culture. Je conçois que cela ne soit pas simple et que le ministère de la Culture ait un avis différent, mais nous sommes disposés à avancer sur ce sujet.

Par ailleurs, je partage vos remarques à propos de l’EAC. De multiples initiatives existent ; j’observe que, dans les concertations qui s’ouvrent, de nombreux projets concernent la culture. Vous avez ainsi mentionné le dispositif Quart d’heure de lecture, un moment très intéressant et très suivi dans de nombreux établissements. Beaucoup d’autres choses sont faites et, si vous le souhaitez, je serai heureux de revenir en détail sur les activités culturelles lors d’une prochaine audition.

J’en viens à la question des lycées professionnels, placés sous l’égide de la ministre déléguée. D’abord, il n’est pas question d’écraser l’enseignement, comme je l’ai entendu d’une manière un peu caricaturale, qui suggérerait l’idée d’un moloch capitaliste venant broyer les jeunes âmes. Un historien de l’éducation me rappelait hier, avec finesse, qu’au moment de la création des lycées professionnels, à l’époque de Jean-Pierre Chevènement, la part des stages était très faible, voire nulle. Depuis, dès que cette part augmente – et cela depuis bientôt quarante ans –, les mêmes protestations reviennent : on livre les enfants au libéralisme le plus échevelé, ils vont être broyés dans des mines et des usines terrifiantes, qui les attendent pour mieux les exploiter. C’est à chaque fois la même antienne.

L’augmentation des stages ne doit pas se faire au détriment des savoirs fondamentaux, et c’est un professeur d’histoire qui vous le dit : je ne suis pas disposé à ce que les enseignements de français, de langues, de mathématiques, d’histoire ou de philosophie passent à la trappe. Ce serait rendre un bien mauvais service aux lycéens mais aussi aux employeurs, comme ils ont pu le dire de façon insistante lors d’un déplacement du Président de la République aux Sables-d’Olonne. Nous tenons clairement aux savoirs fondamentaux.

Néanmoins, il faut prendre en compte cette réalité : deux ans après l’obtention de leur baccalauréat, la moitié des lycéens professionnels se trouvent sans emploi. Nous pourrions poursuivre en ce sens, mais c’est rendre service à nos lycéens que de nous soucier de leur avenir professionnel, de leur capacité à entrer bien armés sur le marché du travail, tout en étant fermes sur leur formation de futurs citoyens. Cette réforme, qui n’est pas budgétée dans le PLF, semble utile et elle sera discutée avec toutes les parties prenantes.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Quentin Bataillon (RE). Je souhaite vous interroger sur les AESH, même si vous avez déjà apporté des éléments de réponse. Au sein de cette commission, nous reconnaissons tous le travail indispensable qui est le leur, et la qualité avec laquelle ils exercent leur mission.

Je souhaite rappeler les évolutions nettes et historiques que nous observons en cette rentrée : le CDD de 3 ans minimum, au lieu d’un an, dès le premier recrutement ; la création de 4 000 postes ; la revalorisation des rémunérations en janvier 2022, ainsi que l’accès aux primes REP et REP + en 2023.

Aucun des AESH que j’ai rencontrés sur le terrain n’a demandé la création d’un nouveau corps de l’Éducation nationale. Beaucoup comprennent que cela complexifierait le recrutement et qu’un concours national pourrait même exclure certains d’entre eux. Néanmoins, ceux qui le souhaitent devraient pouvoir accéder à un temps plein. Quel est le calendrier des concertations ? Comment les parlementaires et les élus locaux y seront-ils associés ?

Mme Christine Loir (RN). Le harcèlement scolaire est un phénomène surreprésenté dans les écoles françaises, puisqu’il concerne 5 à 6 % des élèves. Le Sénat a alerté le Gouvernement sur la fiabilité des enquêtes, trop rares et obsolètes. Près d’un enfant sur dix serait harcelé chaque année à l’école, soit un million de victimes. Que comptez-vous faire pour mettre un terme à ce phénomène, qui fait trop de morts chaque année ?

Les évaluations nationales en lecture, en mathématiques et en français, qui ont lieu chaque année pour les élèves de CP, de CE1 et de sixième n’apportent aucune plus-value concrète aux élèves, pourtant les principaux intéressés. Rendre publics les résultats de façon non nominative permettrait aux enseignants, aux parents et aux élèves de mieux aborder les difficultés rencontrées.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Alors que, ces dernières années, les grandes réformes éducatives ont été adoptées en contournant le Parlement – je pense notamment à celle du baccalauréat –, je souhaiterais vous interroger, monsieur le ministre, sur la méthode que vous entendez suivre. Manifestement, vous envisagez de conduire la réforme de la voie professionnelle de la même façon, puisque les parlementaires ne seront pas appelés à voter pour en valider les contours.

Je rappelle que nous quittons à peine l’hémicycle, où la Première ministre vient d’invoquer le 49.3 et de mettre ainsi un terme à nos débats sur la première partie du PLF. Nos échanges et le travail que les commissaires ont fourni pour préparer cette audition ont-ils encore un sens ? Les amendements qui auront été adoptés seront-ils introduits dans le texte soumis au vote des parlementaires, représentants du peuple français ?

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). Selon la loi du 25 juillet 1994 relative à la fonction publique, les agents sont soumis à une visite médicale tous les cinq ans. Dans les faits, bien souvent, les enseignants du premier et du second degré ne voient le médecin du travail qu’une fois dans leur vie professionnelle, au moment de leur titularisation.

Face au malaise des enseignants, une attention accrue doit être accordée au bien-être au travail, en début et en fin de carrière. En effet, les enseignants français démissionnent de plus en plus, et de plus en plus jeunes. En fin de carrière, les problèmes de santé et la fatigue s’accroissent. Ne serait-il pas opportun, comme Alexandre Portier l’a proposé dans ses amendements, que les enseignants bénéficient d’une visite médicale régulière, tous les trois ans jusqu’à l’âge de 30 ans et après l’âge de 50 ans ?

M. Belkhir Belhaddad (RE). Les crédits supplémentaires sont très largement affectés à la revalorisation salariale, un objectif crucial en ces temps difficiles pour l’attractivité du métier d’enseignant.

Le bien-être de l’élève constitue l’autre aspect des politiques éducatives à développer. Dans ce domaine, la pratique sportive doit jouer un rôle déterminant. Aux trente minutes d’activité sportive quotidiennes, généralisées à tous les établissements du premier degré, doivent s’ajouter les deux heures hebdomadaires supplémentaires prévues au collège. Un financement semble indispensable pour dépasser le stade expérimental auquel se trouve cette mesure. Le moment semble opportun, à l’orée des Jeux de 2024, pour faire de notre pays une nation sportive. Ce financement est-il prévu, et dans quel programme ?

M. Alexandre Loubet (RN). Vous avez défendu à plusieurs reprises le wokisme, affirmant qu’être woke, « c’est être conscientisé, vigilant, engagé ». Non, le wokisme, c’est la démagogie, le sectarisme, la soumission à la tyrannie des minorités contre la République, la destruction de la culture française et des humanités, qui ont fondé notre grande nation.

L’école ne doit pas se soumettre à une idéologie étrangère, mais enseigner et transmettre la richesse de notre culture. L’école ne doit pas cultiver la différence, mais l’unité de la République. L’école ne doit pas salir ni déconstruire l’histoire de France, mais la connaître et célébrer le récit national. L’école ne doit pas être « conscientisée », mais former les jeunes Français à devenir de futurs citoyens libres et responsables. Charles Péguy écrivait : « Le triomphe des démagogies est passager, mais les ruines sont éternelles ». Le wokisme s’immisce dans nos écoles et menace notre pays ; pouvez-vous condamner devant nous cette idéologie, afin de clarifier les choses ?

Mme la présidente Isabelle Rauch. Je rappelle qu’il s’agit d’une audition budgétaire, et que les questions doivent porter sur le budget.

Mme Estelle Folest (Dem). Merci pour vos propos rassurants quant à la future réforme de l’enseignement professionnel. Vous avez dit votre attachement aux enseignements généraux, qui ne doivent pas être minorés au profit des stages.

Les Campus des métiers et des qualifications permettent de réunir les grands acteurs de la formation, de la recherche, de l’éducation au sens large, ainsi que l’ensemble des partenaires économiques. Au regard de cette réforme et des enjeux de réindustrialisation qui sont ceux de notre nation, ces Campus peuvent être des outils majeurs, qui doivent notamment nous permettre de définir des filières d’avenir. Plus d’une centaine de pôles ont été labellisés mais, pour devenir de véritables leviers de transformation, ces Campus doivent monter en puissance. Comment comptez-vous les faire évoluer ? Quelles mesures budgétaires prévoyez-vous l’an prochain ?

Mme Claudia Rouaux (SOC). Certains enfants ne sautent plus, ne courent plus et ne tombent plus. Or, la mise en œuvre de la mesure prévoyant trente minutes de sport quotidiennes au primaire reste dans le flou le plus complet. Quels moyens donnerez-vous aux écoles afin de soutenir ce dispositif ? Soutiendrez-vous de façon durable l’Union sportive de l’enseignement du premier degré (Usep), qui se retrouve dans une situation délicate ? Au collège, quelles mesures permettront de financer les deux heures de sport hebdomadaires ?

M. Bertrand Sorre (RE). Je tiens à souligner l’effort budgétaire consenti par le Gouvernement. Avec une augmentation de 6,4 % des crédits, ce budget historique permet de poursuivre et d’accentuer la politique conduite depuis 2017, conformément aux engagements du chef de l’État. Un choc d’attractivité était indispensable : une grande partie des crédits supplémentaires permettront de revaloriser les salaires des enseignants.

Quel est le bilan du dédoublement des classes de CP et de CE1, mis en œuvre depuis 2017 et désormais achevé ? Quels effets bénéfiques ont été observés sur l’acquisition des savoirs, des savoir-être, des savoir-faire et des savoir-vivre ensemble, nécessaires à la réussite scolaire de tous les enfants de la République ?

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Accompagner les élèves au portail, échanger avec les parents, ranger la classe, corriger les cahiers, assurer les activités pédagogiques complémentaires (APC), mettre en place les ateliers, installer le parcours sportif, modifier l’affichage, échanger avec les collègues enseignants, les AESH, les animateurs intervenants et l’équipe municipale, participer à un conseil des maîtres, à une équipe éducative, à une équipe de suivi de scolarisation, à une liaison CM2-sixième, accueillir un nouvel élève et ses parents, réserver un car, un gymnase, une visite, renseigner un dossier de classe transplantée, remplir les bulletins, remonter les résultats des évaluations nationales, préparer, voire réparer, les ordinateurs, le vidéoprojecteur, le tableau interactif, la photocopieuse ou la box internet, remplir un guide d’évaluation des besoins de compensation en matière de scolarité (Geva-Sco), une information préoccupante (IP) ou un plan particulier de mise en sûreté face aux risques majeurs (PPMS) : voilà quelques-unes des tâches auxquelles je consacrais la majeure partie de ma pause méridienne il y a six mois encore.

La liste n’est pas exhaustive, je ne dispose que d’une minute.

Le 16 octobre, vous avez pourtant évoqué comme une piste sérieuse de votre pacte enseignant une nouvelle mission : la surveillance de la cour de récréation entre douze et quatorze heures, ce qui souligne – au mieux – votre méconnaissance du métier. Maintenez-vous cette proposition ? Comptez-vous enfin budgéter la nécessaire revalorisation sans contrepartie de tous les enseignants ?

M. Pap Ndiaye, ministre. Cette rentrée voit la généralisation du programme de lutte contre le harcèlement à l’école (Phare) à toutes les écoles primaires et aux collèges, avec la mise en place de référents, de numéros verts 3018 et 3020 pour le harcèlement ou le cyberharcèlement, et d’une campagne d’affichage conçue avec Charlotte Caubel. Une prise de conscience a eu lieu, et il s’agit désormais de faire passer la peur du côté du harceleur. Nous sommes très vigilants sur cette question : nous avons formé des personnels, et nous avons des référents académiques en la matière. Je me réjouis de voir le programme Phare passer la vitesse supérieure car ces formes de harcèlement, qu’elles soient violentes ou perlées, sont intolérables.

Les évaluations nationales permettent de savoir où nous en sommes et je suis persuadé de leur utilité – du reste, elles sont pratiquées dans de nombreux pays. Cependant, il faut pouvoir les lire et les interpréter de manière idoine. De plus, elles ne mesurent pas toujours finement certains aspects qualitatifs. Si elles ne disent pas tout du niveau et des résultats scolaires, elles restent néanmoins utiles. C’est pourquoi nous les introduirons, sous une forme expérimentale, pour les classes de quatrième et de CM1.

Les résultats des évaluations de sixième seront intéressants pour évaluer les effets dans le temps des dédoublements de classes. Nous constatons une réduction des écarts entre les établissements REP et REP + d’un côté, et les établissements hors éducation prioritaire de l’autre. L’efficacité est forte et mesurée pour les classes de CP et de CE1.

Le recours au 49.3 pour la première partie du budget ne préjuge en rien de ce qui se passera pour la seconde partie. J’ai l’honneur d’échanger avec vous sur le budget du ministère, je ne peux en dire plus à ce stade.

J’en viens à la pratique sportive et à la généralisation à l’ensemble des écoles élémentaires de la demi-heure d’activité physique quotidienne. Une fois passés les premiers temps de la mise en place, les remontées sont tout à fait positives. Par ailleurs, le dispositif des deux heures de sport hebdomadaires est expérimenté dans 200 collèges. Nous ferons des bilans réguliers au cours de l’année avant de l’étendre.

Les visites médicales ne sont pas suffisamment fréquentes pour les enseignants. Nous encourageons, pour le moment, les académies à passer des conventions avec les services de santé et de prévoyance mutualisés pour améliorer la prise en charge dans les centres de santé mutualistes.

La direction des affaires juridiques se penche sur la question des AESH. C’est le cas, aussi, d’une instance nouvellement créée au sein du ministère, qui rassemble les représentants des collectivités. Cette dernière a vocation à se réunir pour traiter de sujets d’intérêt commun, tels que celui du bâti scolaire.

Je voudrais éviter tout malentendu et vous rassurer sur la définition des nouvelles missions du pacte des enseignants. La surveillance des cours de récréation pendant la pause méridienne n’en fera aucunement partie.

Les Campus des métiers et des qualifications sont actuellement au nombre de 116 – dont 50 Campus d’excellence. Le dispositif fonctionne parce que l’offre de formation est particulièrement bien adaptée aux réalités économiques et territoriales. Nous soutenons donc leur développement.

Enfin, j’ai donné un cours sur Charles Péguy il y a quelques années, et je serais ravi de m’entretenir sur sa poésie, que j’apprécie particulièrement.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous poursuivons avec une seconde série de questions.

Mme Cécile Rilhac (RE). Trop d’élèves quittent notre système éducatif sans avoir obtenu de diplôme ou atteint un niveau de qualification suffisant. Depuis une dizaine d’années, le ministère a lancé une politique de lutte contre le décrochage scolaire et mis en œuvre, sous le quinquennat précédent, des mesures telles que le droit au retour en formation pour tous les jeunes sortis du système éducatif sans diplôme, ou l’obligation de formation pour les jeunes âgés de 16 à 18 ans. Le taux d’élèves décrocheurs a ainsi largement baissé.

Cependant, la crise du covid semble avoir mis un terme à cette baisse régulière et il nous faut agir. Or la plupart des dispositifs ne s’adressent qu’aux jeunes de plus de 16 ans. Quelles dispositions budgétaires sont prévues pour continuer à lutter contre le décrochage scolaire, aider chaque jeune à construire son avenir et mobiliser les enseignants autour de la persévérance scolaire ?

M. Francis Dubois (LR). Les lycées technologiques, professionnels et post-bac développent des formations en alternance par le biais de conventions de formation par apprentissage (CFA). Le corps enseignant s’en inquiète, considérant que le temps académique est trop restreint. Depuis la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018 et la contribution unique des entreprises, les versements bénéficient de moins en moins à ces lycées – leurs budgets en témoignent. En développant l’apprentissage, ces lycées perçoivent une part de ces taxes, reversée par les entreprises qui accueillent leurs élèves, et la taxe d’apprentissage est souvent le seul levier d’investissement conséquent utilisé par ces établissements, en sus de la dotation globale de fonctionnement versée par les régions.

Afin que ces lycées dégagent des moyens financiers plus importants, l’Éducation nationale prévoit-elle un développement plus important et une accélération de la mise en œuvre des programmes d’apprentissage au sein des cartes des formations ? Quels moyens sont envisagés pour inciter les directions d’établissements et le corps enseignant à développer l’offre d’apprentissage ? Des quotas sont-ils prévus pour les formations par l’apprentissage par rapport à la formation initiale ? Envisagez-vous un bonus sur l’octroi de moyens supplémentaires en dotation horaire globale par les rectorats ?

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Il ne faut pas accuser les enseignants de la voie professionnelle de crier au loup, quand ils l’ont déjà rencontré à plusieurs reprises : sous Nicolas Sarkozy, avec la suppression d’une année d’enseignement, sous Jean-Michel Blanquer, avec la suppression d’un tiers des heures d’enseignement général. Je vous demande donc solennellement, monsieur le ministre, de confirmer que la réforme n’entraînera pas la suppression, ne serait-ce que d’une minute d’enseignement général.

J’ajoute que, pour élever le taux d’emploi à l’issue de ces formations, il faudrait réinstituer la quatrième année supprimée et permettre aux lycéens de suivre la filière de leur choix. Il s’agirait là d’une belle réforme du lycée professionnel, qui garantirait à chaque jeune de pouvoir accéder à la filière de son choix, pas trop loin de chez lui.

Par ailleurs, je rejoins les interrogations de Paul Vannier sur le 49.3 : nous avons le sentiment de vivre pour la deuxième fois une forme d’attente désespérée à la Godot.

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). Pouvez-vous confirmer l’existence d’un groupe de travail sur l’affectation des néotitulaires des académies ultramarines dans l’Hexagone, un problème récurrent ?

Les frontières des catégories REP et REP + ne sont pas toujours évidentes à distinguer. C’est le cas pour l’école Primat, à Saint-Denis de La Réunion : alors que son indice de position sociale (IPS), ses résultats aux évaluations nationales, sa localisation dans un quartier prioritaire de la ville convergent pour qu’elle soit classée en REP + elle ne l’est pas en raison de son rattachement à un collège dont les caractéristiques socio-économiques sont plus favorables. Ce décalage entre les difficultés et les moyens disponibles met à mal la promesse d’égalité des chances. Je me fais donc porte-parole de l’équipe éducative pour vous demander son classement en REP +.

Mme Caroline Parmentier (RN). Le port de tenues communautaristes à l’école, et particulièrement d’abayas islamiques est un phénomène qui va croissant. Vous l’avez évoqué sur France 2 le 4 octobre.

Il est désormais courant de voir des élèves défier l’école de la République par le port de tenues confessionnelles. Or l’école publique doit demeurer un lieu sanctuarisé, où le communautarisme n’a pas sa place. Lors du premier trimestre 2022, sur les 627 signalements relatifs à la laïcité, 22 % concernaient le port de tenues religieuses. Ce chiffre serait en hausse de 50 % entre le premier et le deuxième trimestre. En outre, combien de signalements n’ont pas lieu par peur de répercussions, de menaces ou par souci du « pas de vagues » ?

Qu’attendez-vous pour mettre fin à ces dérives inquiétantes, dont vous êtes conscient ? Pourquoi ne pas envisager le port de l’uniforme dans un souci de brassage social, mais aussi culturel ? Les amendements que nous défendrons vont dans ce sens.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Je rappelle qu’il s’agit d’une audition budgétaire. Merci de poser des questions qui portent sur le budget !

Mme Céline Calvez (RE). Cette mission finance la scolarisation de plus de 12 millions d’élèves, dès la maternelle. À ce titre, la hausse historique de 3,7 milliards d’euros ne se limite pas à l’enseignement public mais touche aussi l’enseignement privé, dont il faut rappeler qu’il est majoritairement financé par le budget de l’État, et qu’il doit donc participer à la mission de service public qu’est l’enseignement scolaire.

Le ministère a publié la semaine dernière le détail des IPS par établissement, ce qui est une première. Cet indice, fabriqué à partir des catégories socioprofessionnelles des parents d’élèves, permet de constater que la mixité est moindre dans les collèges privés, qui accueillent une plus grande part d’enfants de familles favorisées.

Lors d’un récent entretien que vous avez accordé au Monde, vous avez rappelé que la mixité sociale était un enjeu fondamental, et que vous attendiez de l’enseignement privé sous contrat qu’il participe à cette politique de mixité scolaire. « Nous pourrions demander un peu plus », avez-vous dit, tout en affirmant que ces établissements partagent l’objectif de mixité et que certains le mettent en pratique.

Quelles pistes envisagez-vous pour demander un peu plus d’efforts en faveur de la mixité sociale aux établissements privés, lesquels voient leur financement par l’État augmenter de plus de 5 % ?

M. Laurent Esquenet-Goxes (Dem). En 2020, le Conseil d’État a confirmé que la prise en charge financière des AESH intervenant pendant le temps périscolaire relevait des communes. Cependant, nombre de collectivités ne semblent pas savoir qu’il leur revient de supporter ce coût et d’organiser ce service. Ainsi, certains enfants ayant un AESH pendant le temps scolaire, se retrouvent sans personne pendant les temps périscolaires, les parents n'ayant d’autres choix que de les retirer de la cantine ou de l’accueil de loisirs associés à l’école (Alae).

Votre ministère a annoncé en juillet 2021 que des échanges auraient lieu pour assurer la coordination des acteurs. Quel est l’état de ces discussions ? Quelles solutions sont apportées aux parents d’enfants en situation de handicap ?

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). D’abord, je trouve toujours surprenant, mais c’est une bonne nouvelle, que le Rassemblement national œuvre contre les écoles confessionnelles privées…

Je souhaite vous interroger sur la réforme du lycée professionnel. Il semble qu’il y ait une volonté de baisser drastiquement le nombre d’heures dévolues à l’enseignement général pour augmenter les temps de stage. J’aurai deux questions, indépendamment de ce que nous pouvons penser du bien-fondé de cette réforme. Que deviendront les enseignants de ces matières délaissées, comme l’anglais ou le français ? Comment adapterez-vous les examens ?

En effet, certains élèves rencontrent déjà des difficultés à obtenir leur diplôme en raison des notes insuffisantes qu’ils obtiennent dans ces disciplines d’enseignement général. Et pourtant, ces cours sont essentiels pour la compréhension du monde, pour la lutte contre les fake news et certaines idées reçues – que l’on vient d’entendre ici même.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Je fais la même remarque que précédemment : les questions, dans une audition budgétaire, doivent porter sur le budget.

Mme Anne-Sophie Frigout (RN). Il y a quelques jours, à Reims, une rixe d’une violence inouïe a éclaté devant un lycée. Impliquant plus d’une trentaine de jeunes, l’affrontement a débordé à l’intérieur de l’établissement, l’un des protagonistes a fait usage d’une bombe lacrymogène, un autre aurait utilisé un marteau, notamment contre le proviseur adjoint. Plusieurs élèves ont été blessés. La gravité des faits a profondément marqué les élèves, les parents, les professeurs et l’ensemble de la communauté éducative ; je veux une nouvelle fois leur adresser mon soutien.

Compte tenu de la multiplication de ces événements, il faut agir de façon urgente pour refaire de nos établissements scolaires des sanctuaires. Parce que notre pays est gangrené par l’insécurité, il faut une volonté politique et des moyens financiers qui ne figurent pas dans votre budget. L’État doit œuvrer, aux côtés des collectivités, pour garantir la sécurité aux abords et à l’intérieur des établissements scolaires, en mettant en place des caméras de vidéoprotection ou des tourniquets et en ayant recours aux forces de l’ordre lorsque c’est nécessaire. Quand finirez-vous par agir pour assurer la sécurité de nos concitoyens et de nos lycéens ? Reverrez-vous vos priorités ?

M. Laurent Croizier (Dem). La hausse du budget démontre cette année encore l’ambition de la majorité présidentielle en faveur de l’éducation de notre jeunesse.

Le nombre d’élèves choisissant la langue allemande comme langue vivante 2 diminue. Ils étaient 29 % en 1995, ils sont 15 % aujourd’hui. Le nombre de candidats au Capes diminue aussi et 72 % des postes n’ont pas été pourvus cette année. Cette baisse m’interpelle car l’apprentissage de l’allemand a un intérêt dans l’académie de Besançon, proche de l’Allemagne et de la Suisse, mais aussi pour l’ensemble du pays, tant l’Allemagne et la France entretiennent des liens forts. De plus, l’allemand est la première langue d’Europe en termes de nombre de locuteurs.

Quelles sont les mesures envisagées dans ce budget pour pallier la situation actuelle et favoriser l’apprentissage de cette langue ?

M. Alexis Corbière (LFI-NUPES). Monsieur le ministre, je veux faire appel à l’amoureux de l’école publique que vous êtes, qui refuse son ubérisation. Le problème des AESH n’a que trop duré ; depuis cinq ans, rien n’a été fait pour le régler. Selon les chiffres de votre propre ministère, on ne compte qu’un AESH pour quatre élèves en situation de handicap. Comment expliquer cela ? Pourquoi 97 % des AESH sont-ils contraints de travailler à temps partiel ?

Vous avez expliqué, de façon assez confuse, que la hausse des effectifs n’était pas la solution. Quelle est-elle donc ? Lors d’un récent déplacement à La Réunion, vous avez affirmé que vous y créeriez des postes d’AESH ; comment procéderez-vous ? Par ailleurs, comment comptez-vous pourvoir les 4 000 postes supplémentaires ?

Il est temps de parler statut, rémunération et titularisation. Pourquoi ce dossier traîne-t-il ? Comment accepter que des AESH soient payés 700 euros par mois ? L’ubérisation de l’école, ça suffit ! Monsieur le ministre, c’est à votre capacité à régler ce problème que nous jugerons votre efficacité.

M. Pap Ndiaye, ministre. Le nombre de décrocheurs scolaires, même s’il est passé de 140 000 il y a quelques années à 95 000 aujourd’hui, est encore trop élevé. Le PLF pour 2023 prévoit des crédits, à hauteur de 59,8 millions, en faveur de la lutte contre le décrochage. En augmentation, ils permettront de financer les dispositifs de retour à l’école, une plateforme en ligne « nouvelle chance », et des plateformes spécifiques d’appui et de suivi. Nous comptons aussi sur les associations pour repérer et diriger les décrocheurs.

Nos objectifs, en matière d’apprentissage, sont ambitieux. Nous visons le recrutement de 1 200 apprentis et de 6 600 apprentis en préprofessionnalisation – en hausse de 17 % – au sein du ministère, dans les bibliothèques et dans les métiers administratifs et techniques de l’éducation nationale.

Je le répète, l’enseignement général sera préservé dans les lycées professionnels. Nous pouvons faire mieux dans ce domaine. La question du choix de la filière doit être posée. Une filière utile doit assurer une professionnalisation qui corresponde aux besoins du marché, au sens large du terme. De ce point de vue, des filières d’excellence cohabitent avec des filières qui ne correspondent plus aux évolutions de l’économie. Le choix des filières doit donc aussi être déterminé par leur pertinence par rapport à l’objectif d’emploi.

Je confirme l’existence d’un groupe de travail sur l’affectation des néotitulaires ultramarins. Je me suis entretenu à ce propos avec le président de la conférence des régions ultrapériphériques, Serge Letchimy, et nous sommes convenus d’aboutir en mai à une solution convenable. Je ne promets pas des merveilles, mais nous allons faire au mieux – avec vous, monsieur le député, si vous souhaitez participer.

J’ai eu l’occasion de le dire à propos des académies de La Réunion et de Martinique, la carte de l’éducation prioritaire a en partie vieilli, puisque sa dernière mouture remonte à 2015. Elle ne prend pas en compte des évolutions sociologiques importantes et la répartition géographique des élèves et des familles. Nous devons procéder aux ajustements nécessaires, que ce soit dans l’Hexagone ou outre-mer.

Le port de l’uniforme existe dans certaines académies, notamment outre-mer et les élèves s’en portent très bien. Il n’y a ni interdiction ni consigne : un chef d’établissement peut décider de l’imposer. Un groupe de travail pourrait se pencher sur le sujet, mais il lui faudra avancer avec des éléments tangibles. Une étude britannique, mise en valeur par le conseil scientifique de l’éducation nationale, porte sur cette question et se conclut de façon nuancée. Le port de l’uniforme n’a pas d’effet sur le niveau scolaire, mais sur le sentiment d’appartenance à l’établissement. Je ne ferme pas la discussion.

Nous avons effectivement publié toutes les données IPS en open data, conformément à une demande du tribunal administratif. Plutôt que de les distiller, nous avons décidé de les publier intégralement. J’ai indiqué, dans l’entretien au Monde, que l’on pourrait attendre davantage de la part de l’enseignement privé sous contrat, dont les enseignants sont financés par l’État. J’ai eu, depuis, la satisfaction de recevoir des retours de la part de chefs de ces établissements, qui sont disposés à échanger sur le sujet. Plusieurs pistes existent. Je ne veux pas trop m’avancer, mais il est clair que l’enseignement privé sous contrat ne peut rester en dehors de la mixité scolaire, à laquelle nous sommes attachés.

Concernant l’inclusion à l’école, les situations sont très variées. Certains enfants ont besoin d’un AESH tout le temps, d’autres non. Personne, parmi les associations de parents que nous avons rencontrées, ne revendique un AESH par enfant en situation de handicap ou à besoins particuliers ; sinon, il faudrait en recruter 300 000, soit, avec les 130 000 déjà présents, un AESH pour deux enseignants…

Mais je suis d’accord avec vous : il faut améliorer la situation des AESH. Nous y travaillons, c’est une tâche très difficile car nous ne sommes pas les seuls opérateurs en la matière, les MDPH jouant un rôle important. Il faut également trouver et former ces AESH – et 4 000 nouveaux postes, ce n’est pas rien. Nous puisons encore dans une petite réserve nationale, en particulier pour les situations les plus difficiles. Je suis bien conscient de la difficulté des situations rencontrées, mais nous avons parfois le sentiment de courir après la marée. Les représentants des MDPH pensent, comme moi, qu’il faut varier les réponses. Proposer qu’un AESH suive plusieurs enfants à besoins particuliers peut s’avérer une bonne solution. Il faut prendre en compte la diversité des situations, écouter les associations, et mettre les choses à plat plutôt que de créer encore des postes.

Le pourcentage d’élèves germanistes décroît mais ce n’est pas spectaculaire puisque nous sommes à 14,8 % en 2021 contre 15,7 % en 2019. Nous préparons une nouvelle stratégie avec l’Allemagne car on y observe des difficultés équivalentes pour la langue française. Un séminaire aura lieu bientôt pour échanger à ce sujet et redynamiser ces apprentissages. Il ne s’agit pas seulement d’une question de postes, il faut favoriser les échanges avec des classes et des villes allemandes, renforcer l’attractivité du métier et des dispositifs bilangues.

La situation est plus difficile encore pour le recrutement de professeurs d’allemand, parce qu’il y a eu un effet malthusien, avec une baisse des élèves germanistes et une baisse des postes aux concours de recrutement. Le vivier s’est tari au fil des années et désormais, les rendements des concours du Capes et de l’agrégation sont mauvais, le nombre de postes dépassant celui des professeurs recrutés.

J’en profite pour rappeler que le plus souvent, les enseignements ne sont pas assurés en raison de difficultés de blocs de moyens provisoires (BMP). Ce ne sont pas des ETP qui manquent, mais plutôt des blocs d’heures, qui sont des cases très difficiles à remplir. Je suis bien conscient que pour les familles et les élèves, lorsqu’il manque quatre heures d’économie gestion, ou deux heures de portugais, cela représente un vrai problème. Mais cela ne signifie pas qu’il manque un poste. Certains ETP sont répartis entre plusieurs établissements, ce qui pose des difficultés lorsque ceux-ci sont très éloignés les uns des autres.

Je vous remercie pour ces échanges, qui sont toujours importants et intéressants.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Merci, monsieur le ministre, d’avoir apporté ces réponses.

 

La séance est levée à vingt heures.

 


Présences en réunion

 

Présents.  Mme Ségolène Amiot, Mme Emmanuelle Anthoine, M. Rodrigo Arenas, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, M. Quentin Bataillon, M. Belkhir Belhaddad, Mme Béatrice Bellamy, Mme Sophie Blanc, M. Idir Boumertit, M. Bertrand Bouyx, Mme Anne Brugnera, Mme Céline Calvez, Mme Agnès Carel, M. Roger Chudeau, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. Laurent Croizier, M. Hendrik Davi, Mme Béatrice Descamps, M. Francis Dubois, M. Inaki Echaniz, M. Laurent Esquenet-Goxes, M. Philippe Fait, Mme Estelle Folest, Mme Anne-Sophie Frigout, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, M. Frantz Gumbs, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Fabrice Le Vigoureux, M. Jérôme Legavre, Mme Sarah Legrain, M. Stéphane Lenormand, Mme Christine Loir, M. Alexandre Loubet, M. Frédéric Maillot, M. Christophe Marion, Mme Graziella Melchior, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, M. Karl Olive, Mme Caroline Parmentier, Mme Francesca Pasquini, M. Emmanuel Pellerin, M. Stéphane Peu, Mme Lisette Pollet, M. Alexandre Portier, Mme Angélique Ranc, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Cécile Rilhac, Mme Véronique Riotton, Mme Claudia Rouaux, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Boris Vallaud, M. Paul Vannier, M. Léo Walter

 

Excusés.  Mme Aurore Bergé, M. Bruno Bilde, M. André Chassaigne, M. Julien Odoul, M. Jérémie Patrier-Leitus

 

Assistaient également à la réunion.  Mme Soumya Bourouaha, M. Philippe Dunoyer, M. Robin Reda