Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 Discussion générale, conjointe avec la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (n° 443) (MM. Henri Alfandari et Éric Bothorel, rapporteurs).              2

 

 


Lundi 21 novembre 2022

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 16

session ordinaire de 2022-2023

Présidence de

M. Guillaume Kasbarian,

Président
et de

M. Jean-Marc Zulesi,
Président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire


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La commission des affaires économiques a entamé la discussion générale, conjointement avec la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, puis a examiné pour avis des amendements (n° 443) (MM. Henri Alfandari et Éric Bothorel, rapporteurs).

M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, la commission des affaires économiques et celle du développement durable et de l’aménagement du territoire sont réunies conjointement cet après‑midi pour débuter, par une discussion générale commune, l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Je souhaite la bienvenue à Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, qui nous accompagnera pendant une grande partie de son examen.

La commission des affaires économiques a déjà eu l’occasion d’exercer ses compétences dans le domaine de l’énergie cet été, lors de l’examen du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Ce texte visait à préserver notre sécurité d’approvisionnement en gaz et en électricité à court terme pour faire face à la crise énergétique résultant à la fois de l’agression de la Russie contre l’Ukraine et de problèmes techniques immobilisant la moitié de notre parc nucléaire.

Le présent projet de loi s’inscrit dans une perspective à plus long terme, puisqu’il vise à décarboner notre mix énergétique pour répondre aux défis du changement climatique, tout en accroissant notre production d’électricité. Les récentes analyses de Réseau de transport d’électricité (RTE) ont démontré qu’il était nécessaire, pour atteindre ces objectifs, de relancer le nucléaire et de développer les énergies renouvelables. Pour le premier point, un projet de loi récemment soumis au conseil des ministres permettra d’accélérer les procédures de construction de nouvelles installations nucléaires. Le second est celui qui nous occupe aujourd’hui.

Les sénateurs ont fortement modifié le texte que leur avait soumis le Gouvernement, puisqu’il est passé de vingt à quatre-vingt-treize articles. Ils l’ont particulièrement enrichi sur le volet de la planification ; nous devrons poursuivre ce travail, en précisant par exemple le mode d’élaboration des schémas départementaux de déploiement des énergies renouvelables. Je sais que nous pourrons compter sur nos rapporteurs pour affirmer le rôle central du référent préfectoral, l’élaboration concertée des schémas de déploiement, ou encore l’opposabilité des zonages.

La commission des affaires économiques a été saisie au fond, mais nous étions convenus, avec Jean-Marc Zulesi, d’une délégation au fond à la commission du développement durable sur de nombreux articles, en vertu de l’article 87, alinéa 2 de notre règlement. La commission du développement durable débutera l’examen des articles qui lui ont été attribués dès la fin de cette discussion générale et se réunira mardi et mercredi. L’examen des autres articles par la commission des affaires économiques commencera jeudi, ce qui nous amènera probablement à siéger une partie du week-end. Au total, nos deux commissions auront à examiner près de 1 900 amendements. Chacune de nos commissions a désigné deux rapporteurs : pour la commission des affaires économiques, ce sont MM. Henri Alfandari et Éric Bothorel.

Nous allons entendre Mme la ministre, puis chacun des rapporteurs et les orateurs des groupes. Ensuite viendront les questions individuelles, prises d’un seul bloc.

M. Jean-Marc Zulesi, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Est-ce une coïncidence ou est-ce un signe ? Nous entamons l’examen de ce projet de loi au moment même où la COP27 s’achève. L’accord qui en est issu n’est pas aussi ambitieux que nous l’aurions souhaité, mais il préserve l’essentiel : l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré.

Le projet de loi dont nous sommes saisis a une double ambition. La première est de décarboner nos sources d’énergie pour respecter nos engagements nationaux et internationaux et faire en sorte que notre planète reste vivable – je ne reviens pas sur les catastrophes environnementales qui ont frappé de nombreux pays en 2022. En second lieu, il doit nous permettre de retrouver une autonomie énergétique en renforçant la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, au côté de l’énergie nucléaire. La France, qui est largement en retard dans le développement des énergies renouvelables, doit donner un sérieux coup d’accélérateur.

Cela fait plusieurs mois que la commission du développement durable prépare l’examen de ce projet de loi, en très bonne entente avec la commission des affaires économiques. Elle a notamment créé une mission flash transpartisane sur l’acceptabilité et les modalités du déploiement des énergies renouvelables, dont je tiens à saluer les corapporteures, Mmes Pascale Boyer, Clémence Guetté et Mathilde Paris, pour leur engagement. Elle a également organisé de nombreuses auditions et tables rondes et entendu des énergéticiens, mais aussi Mme Chantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public. Nos rapporteurs sur le présent projet de loi, Mme Aude Luquet et M. Pierre Cazeneuve, ont conduit leurs auditions dans des délais serrés pour qu’un maximum d’acteurs concernés par le projet de loi puissent faire valoir leurs idées au Parlement.

Nous devons relever un double défi : augmenter la part des énergies renouvelables et faire accepter à nos concitoyens les installations nécessaires à leur production. C’est un enjeu de démocratie environnementale, dont nous ne devons jamais oublier le fondement constitutionnel. Faire accepter ces énergies au nom de l’intérêt général, au nom de la nécessité de supprimer les gaz à effet de serre et de fournir à tous les acteurs économiques et sociaux – entreprises, collectivités, ménages – une énergie fiable à prix raisonnable, tel est l’enjeu de ce projet de loi. C’est pour cette raison que toutes ces auditions étaient indispensables. Nous les avons complétées par une réunion hors les murs de notre commission, le 20 octobre, au conseil départemental de Seine-Maritime, puis sur la base d’éoliennes de Fécamp. Il s’agissait à la fois de comprendre les attentes des élus locaux et d’observer la mise en place technique d’une base d’éoliennes. Cette journée a été riche d’enseignements et d’échanges.

Je sais que nous aurons des débats passionnés, mais je ne doute pas que chaque groupe politique aura à l’esprit les enjeux de ce projet de loi et que nous parviendrons à bâtir un bon texte pour la séance publique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Voici venu le temps, pour votre assemblée, d’examiner le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Comptant désormais quatre-vingt-treize articles, il est le fruit de discussions exigeantes au Sénat, qui ont permis son adoption à la quasi-unanimité, signe que l’enjeu est suffisamment important pour dépasser les groupes politiques. C’est à vous que revient à présent la responsabilité de vous prononcer sur le premier texte de ce quinquennat visant à atteindre l’objectif ambitieux fixé par le Président de la République : faire de la France le premier grand pays industriel à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles.

Ce texte est dicté par une double urgence. La première, c’est le dérèglement climatique, qui exige une action radicale et déterminée de notre part : le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) ne nous donne que trois ans, à l’échelle de la planète, pour commencer à réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

La France fait partie des pays qui ont commencé à réduire leurs émissions mais nous devons aller plus loin. C’est la position que j’ai défendue jusqu’à l’aube, dimanche, à la COP27, à Charm el-Cheikh. L’accord en demi-teinte que nous avons obtenu montre que nous devons poursuivre notre mobilisation de tous les instants auprès de nos partenaires internationaux. Cette mobilisation doit commencer chez nous : il faut être crédibles, si nous voulons être entendus. Ce texte est un moyen de montrer notre détermination à sortir des énergies fossiles et de renforcer notre crédibilité dans les négociations internationales.

La deuxième urgence est d’éviter une rupture d’approvisionnement énergétique dans les mois et les années à venir. La faible disponibilité de notre parc nucléaire, conjuguée à la crise ukrainienne, fragilise, cette année, notre système énergétique. À plus long terme, c’est la question de l’avenir de notre parc nucléaire qui se pose. Celui-ci a été construit pour durer quarante ans : or vingt-six de nos cinquante-six réacteurs arriveront à cinquante ans d’exploitation autour de 2035. Il importe donc de prendre, dès aujourd’hui, des décisions relatives aussi bien à la maintenance qu’au lancement de nouveaux programmes. Vous examinerez à la rentrée prochaine un projet de loi d’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires, avant d’examiner la grande loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui permettra de fixer la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Une concertation publique sur notre mix énergétique a été lancée il y a un mois et a déjà recueilli plus de 12 650 contributions citoyennes.

Aujourd’hui, deux tiers de notre consommation d’énergie finale est d’origine fossile, et importée. À ce propos, je tiens à dissiper un mythe : à aucun moment, depuis la seconde guerre mondiale, nous n’avons été autonomes et indépendants énergétiquement. L’actualité avec la Russie nous rappelle que nous pouvons être dépendants de pays qui ne sont pas nos alliés, qui ne partagent pas nos valeurs et qui utilisent ce levier pour nous atteindre économiquement et politiquement. Notre programme nucléaire nous a permis de réduire en partie cette dépendance pour l’électricité, mais nous restons très dépendants en matière de transports et de chaleur. Notre programme d’énergies renouvelables a contribué, entre 2000 et 2022, à réduire notre dépendance aux énergies fossiles – de 72 à 65 %. Si nous voulons atteindre la neutralité carbone, l’enjeu est donc de réduire encore la part de ces énergies fossiles que nous ne produisons pas nous-même et qui contribuent à la fois à notre dépendance et au réchauffement climatique.

Notre combat, ce n’est pas d’opposer le nucléaire au renouvelable ; ce n’est pas non plus d’opposer la biodiversité au climat, tant la biodiversité est affectée par le dérèglement climatique. Notre combat, c’est celui des énergies bas carbone contre les énergies fossiles, car ce sont ces dernières qui sont à l’origine du réchauffement climatique et des principales atteintes à la biodiversité. L’étude Futurs énergétiques 2050 des experts de RTE rappelle que nous disposons de trois leviers pour sortir des énergies fossiles : le développement massif des énergies renouvelables ; la relance d’un grand programme nucléaire ; les économies d’énergie, à travers l’efficacité et la sobriété énergétiques. RTE fixe un objectif très ambitieux de réduction de 40 % de notre consommation d’énergie d’ici 2050. Le plan de sobriété lancé avec la Première ministre permettra de réduire de 10 % notre consommation d’énergie d’ici 2024 et le projet de loi de finances contient des dispositifs améliorant notre efficacité énergétique.

La conclusion centrale de l’étude de RTE, c’est qu’il sera impossible d’atteindre la neutralité carbone sans un accroissement massif des énergies renouvelables, même dans un scénario de relance maximale du nucléaire et d’économies d’énergie. Le texte que nous examinons répond à cette nécessité. Il est le volet législatif d’un grand plan de développement des énergies renouvelables que je déploie depuis le mois de juin par voie réglementaire d’une part, avec une série de décrets pris dès l’été, et sur le plan organisationnel d’autre part avec une circulaire à destination des préfets et le renforcement des effectifs des services de l’État qui instruisent les procédures d’autorisation, qui figure dans le budget en cours d’examen à l’Assemblée nationale. Ces mesures ont déjà permis de débloquer 10 gigawatts d’énergie électrique et 1 terawatt de gaz renouvelable. Les filières renouvelables, cela concerne aussi bien la géothermie, sur laquelle nous allons engager un plan spécifique, que le biogaz, l’hydraulique, la biomasse, le photovoltaïque thermique et bien d’autres.

Il importe, à court terme, de lever les verrous administratifs et de procédure pour diviser par deux les délais de déploiement des projets de production d’énergies bas carbone. La France est le seul pays de l’Union européenne à ne pas avoir atteint son objectif national contraignant de développement des énergies renouvelables au titre de l’année 2020. Il n’est donc pas nécessaire d’attendre la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie pour savoir qu’il nous faut davantage d’énergies renouvelables.

Ce texte a un double objectif : rattraper notre retard en matière de production d’énergies renouvelables et nous permettre d’atteindre un objectif plus ambitieux, qui sera très prochainement défini dans la loi de programmation sur l’énergie et le climat. À l’heure actuelle, il faut en moyenne cinq ans de procédures pour construire un parc solaire, qui nécessite quelques mois de travaux, et plus d’une décennie pour un parc éolien en mer. C’est deux fois plus long que chez la plupart de nos voisins européens.

Nous proposons donc d’agir sur quatre leviers.

Le premier, c’est d’accélérer les procédures, par exemple en entamant les démarches de raccordement aux réseaux sans attendre que le projet soit achevé. Cela permettra de gagner une à plusieurs années.

Le deuxième, c’est de libérer le foncier, en mobilisant en priorité des terrains déjà artificialisés ou dégradés : parkings, friches, anciennes décharges, ou carrières, sites pollués, bordures d’autoroutes, etc. Ces mesures vont permettre de libérer des espaces et de doubler notre puissance solaire actuelle, tout en ayant le moins d’impact possible sur la biodiversité. Le Gouvernement donnera un avis favorable à l’ensemble des amendements des groupes Renaissance, Démocrate, Socialistes et apparentés, Les Républicains et La France insoumise visant à favoriser l’implantation de panneaux photovoltaïques aux abords des voies ferrées. Nous proposerons aussi de finaliser un amendement de Dominique Potier sur les abords des voies fluviales.

Je souhaite que nous allions plus loin et je sais que vous travaillez à des propositions visant à concilier le développement des énergies renouvelables avec la protection de la biodiversité. Là encore, le Gouvernement donnera un avis favorable aux amendements des groupes Renaissance, Socialistes et apparentés et Écologiste qui visent à prendre en compte les aires marines protégées dans l’élaboration de la cartographie des zones propices à l’implantation de projets éoliens en mer.

Le troisième levier, c’est une plus grande concertation. Pour les projets éoliens en mer, par exemple, il convient d’organiser un débat mutualisé sur chaque façade maritime, avec l’ensemble des parties prenantes, pour décider avec les territoires et leurs habitants du partage de l’espace maritime, plutôt que de multiplier les discussions sur chaque projet.

Le quatrième et dernier levier, c’est l’acceptabilité et l’appropriation des projets de production d’énergies renouvelables par les Français. C’est essentiel, car reprendre en main notre destin énergétique implique d’avoir des infrastructures de production énergétique près de chez soi, et pas à l’autre bout du monde. Cette acceptabilité pourra passer par un meilleur partage de la valeur des énergies renouvelables, dont je rappelle qu’elles sont hautement compétitives, puisqu’elles vont rapporter près de 31 milliards à l’État en 2022 et 2023.

La discussion au Sénat a permis de créer deux fonds fléchés vers les collectivités et vers le financement d’actions de protection de la biodiversité. Je salue cet enrichissement mais je crois que nous ne devons pas oublier les riverains de ces projets. C’est pourquoi le Gouvernement déposera un amendement pour donner la possibilité aux riverains de bénéficier directement de ce partage de la valeur.

Ce programme, j’entends le mener en prenant en compte deux impératifs essentiels : la préservation de la biodiversité et l’association des territoires. Accélérer, ce n’est pas abaisser les standards de protection de notre biodiversité, ni ignorer le rôle des territoires, qui seront des partenaires essentiels pour réarmer notre pays énergétiquement. Nous posons les fondations d’un pacte territorial énergétique.

Associer les territoires, c’est planifier. Le texte issu du Sénat a inscrit deux dispositions relatives à la planification, l’une à l’article 1er A, l’autre à l’article 3. Si de nombreuses associations d’élus locaux nous ont confirmé que cette démarche allait dans le bon sens, elles ont néanmoins souligné le manque de clarté et de lisibilité du texte sur ce sujet essentiel. C’est la raison pour laquelle, en accord avec les rapporteurs, il vous sera proposé d’inscrire l’ensemble de ces dispositions à l’article 3. Cela impliquera donc la suppression de l’article 1er A au profit d’un amendement du Gouvernement déposé à l’article 3. Vous avez d’ores et déjà la possibilité de le sous-amender, mais il me semble essentiel que nous ayons une disposition claire et identifiée dans le texte en vue de la séance publique.

Cet amendement à l’article 3 défend plusieurs principes. D’abord, donner aux élus locaux un pouvoir d’aménagement du territoire en définissant des zones prioritaires inscrites dans les documents d’urbanisme. Ensuite, encourager le déploiement des projets de production d’énergies renouvelables par les porteurs de projets dans ces zones. L’État le fera grâce à la bonification, dans le cadre des appels à projet. Le Gouvernement donnera un avis favorable aux sous-amendements portés par les groupes Écologiste et Socialiste sur la modulation tarifaire afin de mieux répartir les projets sur notre territoire et d’éviter leur concentration sur certains territoires. Enfin, faire confiance aux maires, c’est leur permettre d’avoir le dernier mot. Ils auront à cet égard un avis conforme sur les zones prioritaires qui comprennent leurs communes. Les dispositions de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, leur donnent par ailleurs la possibilité de définir des zones d’encadrement pour les projets éoliens. Nous l’étendons à l’ensemble des projets de production d’énergies renouvelables.

Avant de conclure, il me semble important de dire un mot de l’article 4, qui affirme le principe de la reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur des projets d’énergies renouvelables. Je sais qu’il soulève des craintes, voire des incompréhensions, Certains s’y opposent pour des raisons de protection de la biodiversité, d’autres parce qu’ils ne sont pas convaincus que le développement massif des énergies renouvelables est une impérieuse nécessité pour notre avenir énergétique. Cette mesure, qui est actuellement portée au niveau européen dans le cadre des discussions sur la révision de la directive énergies renouvelables (RED III), vise à mettre fin à une pratique quasi-systématique de recours contre les projets, qui ont pour effet de les retarder de plusieurs années. Il ne s’agit en aucun cas d’autoriser des projets susceptibles de porter atteinte à la biodiversité ou à la protection des espèces protégées, puisque des conditions strictes sont prévues, mais d’affirmer que les énergies renouvelables sont des projets d’intérêt public majeur. Compte tenu de la crise climatique et énergétique que nous vivons, il est difficile de prétendre le contraire.

Nous débattrons de tout cela mais, comme au Sénat, le Gouvernement aura une ligne rouge : il s’opposera à toutes les mesures visant à complexifier ou à rallonger les procédures, voire à les bloquer. Nous avons une responsabilité vis-à-vis des Français. Il faut voter une loi qui renforce notre souveraineté énergétique, le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité de nos entreprises et qui lutte contre le dérèglement climatique.

M. Éric Bothorel, rapporteur de la commission des affaires économiques. Nous examinons un texte que le Sénat a considérablement enrichi. Certaines des mesures ajoutées par nos collègues sénateurs vont dans le sens du texte, comme la simplification des procédures ou à la volonté de couvrir un maximum d’énergies renouvelables. D’autres ne nous satisfont pas et nous vous proposerons de les modifier.

Nous devons accélérer notre transition énergétique, car l’urgence climatique n’attend pas. La France doit devenir une puissance écologique et souveraine. La transition énergétique va permettre la création d’emplois, l’émergence de filières d’avenir et, en même temps, la réindustrialisation, en fournissant une énergie massive et décarbonée. C’est tout le sens de notre stratégie de décarbonation du mix énergétique français, qui devra se faire avec la population et qui tient en trois mots : sobriété, nucléaire, renouvelables. Ce triptyque est indispensable pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles et atteindre la neutralité carbone en 2050, conformément à nos engagements européens.

En matière d’énergies renouvelables, la France est en retard sur ses objectifs. Il nous faut rattraper ce retard en divisant par deux les délais entre la décision et la mise en service des installations de production d’énergies renouvelables. Les énergies renouvelables ont le mérite de pouvoir être déployées rapidement.

Je sais que nous allons être critiqués sur le calendrier de présentation des projets de loi relatifs à l’énergie, certains regrettant que ce texte sur les énergies renouvelables puis celui sur le nucléaire soient examinés avant les discussions sur la loi quinquennale de programmation énergétique. Je les entends, mais il me semble que nous devons dès maintenant faire le maximum pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables. Il ne s’agit pas de couvrir le territoire d’éoliennes et de panneaux solaires de manière anarchique, mais de définir une planification, dans le cadre d’une concertation étroite avec les élus et les acteurs de terrain, conduite à l’échelle des territoires. C’est tout le travail de mon collègue Henri Alfandari.

Parmi les trente-six articles dont je suis le rapporteur, l’idée principale est qu’il faut mobiliser tous les leviers d’accélération disponibles, que ce soit au travers des procédures simplifiées, de nouveaux sites d’implantation ou de nouveaux leviers financiers.

S’agissant des mesures permettant de libérer du foncier, les articles 9 et 10 ouvrent des dérogations au principe d’implantation en continuité urbaine dans les zones littorales et de montagne. Les dispositifs sont bien encadrés mais ils permettent à ces territoires de s’inscrire activement dans la transition énergétique. L’article 16 facilite quant à lui l’implantation d’ouvrages de transport d’électricité en zone littorale, tout en préservant les espaces les plus fragiles.

Le Sénat a proposé une première définition de l’agrivoltaïsme, qui est encore perfectible. Il faut que nos agriculteurs se saisissent de ce nouvel outil, au service de l’agriculture ; il ne s’agit pas que les panneaux remplacent les troupeaux, ni que la production d’électricité vienne mettre la pression sur la production ou l’emploi agricole. J’y serai particulièrement attentif.

L’article 17 favorise la conclusion de Power Purchase Agreements (PPA), c’est-à-dire de contrats de vente directe d’électricité entre le producteur d’énergie renouvelable et le consommateur, qui sécurisent l’investisseur et apportent de la visibilité à l’acheteur. Le Sénat a ouvert aux collectivités la possibilité de souscrire des PPA et je pense que c’est un ajout bienvenu.

L’article 18 porte, quant à lui, sur le partage de la valeur, qui est un sujet complexe. Afin d’améliorer l’acceptabilité des installations d’énergies renouvelables, indispensables à notre souveraineté et à notre pouvoir d’achat, nous souhaitons qu’un lien soit créé entre les installations et le bénéfice qu’elles procurent. Le Sénat a souhaité recentrer le bénéfice de ce partage de la valeur sur les collectivités territoriales. Ma volonté sur ce point est de créer un mécanisme opérationnel, qui ne crée pas d’effet de seuil ou de rupture d’égalité entre les citoyens. Je ne doute pas que notre travail commun permettra de trouver un chemin.

Je me réjouis des débats à venir. Je ne doute pas qu’ils nous permettront de tendre vers un objectif partagé : déployer davantage d’énergies renouvelables, plus vite et dans le respect de nos territoires. « Il faut croire et agir pour des choses qui ont des chances de se réaliser… Affronter ensemble les problèmes et se mettre d’accord sur les modalités ». Certains d’entre vous auront peut-être reconnu les mots de Jean-Marc Jancovici. Je suis convaincu que cette méthode de dialogue et l’esprit de compromis à l’œuvre au Sénat sauront également prévaloir dans notre assemblée.

M. Henri Alfandari, rapporteur de la commission des affaires économiques. Je veux vous dire ma satisfaction de commencer l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, que nos collègues sénateurs ont enrichi et structuré. Cela va nous permettre de l’améliorer à notre tour pour dégager le bon chemin entre la part législative et la part opérationnelle. Je tiens à remercier la ministre d’avoir proposé de s’appuyer sur les maires pour lancer la première phase d’accélération. N’oublions pas qu’ils sont le socle de la République et que chaque pouvoir qui leur est attribué pour servir nos concitoyens nous renforce tous dans nos prérogatives. Il est donc salutaire que les maires soient le point de départ de nos actions de planification, d’autant plus qu’ils sont en première ligne pour l’acceptabilité citoyenne des projets.

Nous devrons trouver un mécanisme juste, capable de rassurer aussi bien nos élus que nos concitoyens, pour permettre une meilleure anticipation des projets et favoriser une méthode de planification développant les synergies locales. Dans un souci de clarté, l’ensemble du dispositif de planification est exposé à l’article 3. L’amendement déposé à la suite de la suppression de l’article 1er A reprend plusieurs apports du travail des sénateurs et propose des éléments solides de déploiement des énergies renouvelables. Il nous reste cependant du travail à faire : pour mieux articuler le code de l’énergie et le code de l’urbanisme ; pour trouver un équilibre entre la nécessaire liberté qui doit être laissée aux élus locaux dans le choix opérationnel de ces énergies et la réalisation des objectifs nationaux – mais aussi entre une obligation de moyens et une obligation de résultat ; pour définir une ligne de partage entre l’accélération, qui nécessite de limiter les risques de contentieux et de recours, et la préservation de l’environnement et des paysages, qui se doit de respecter nos règles et l’expression des citoyens ; pour imaginer, enfin, une véritable récompense qui lie territoires urbains et territoires ruraux dans le portage de cet effort nécessaire à tous.

Cette ligne est étroite, tant certains points peuvent sembler contradictoires. Cependant, nous avons une chance de réussir à concilier ces exigences et à atteindre ces objectifs. Cette chance, c’est la planification. C’est elle qui permet, par l’effet du temps, de faire la bonne action au bon moment. Je suis honoré et impatient, en tant que rapporteur, que nous entamions ensemble, avec le Gouvernement, ce travail de planification.

M. Pierre Cazeneuve, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. La lutte contre les multiples crises écologiques est incontestablement le défi de notre siècle. Parmi elles, le dérèglement alarmant du climat pourrait se révéler deux fois plus intense que prévu en France, selon le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il n’est plus seulement question de léguer une planète habitable aux futures générations, il s’agit d’assumer le maintien de conditions vivables à court terme pour de nombreuses régions du globe, y compris la nôtre. La guerre en Ukraine, quant à elle, nous rappelle brutalement la subordination de notre société aux énergies fossiles importées. Au dérèglement climatique s’ajoute une crise énergétique sans précédent depuis les années 1970. Aujourd’hui encore, 65 % de notre consommation énergétique sont liés aux fossiles, ce qui constitue une extraordinaire dépendance.

Ce projet de loi vise deux objectifs, que nous partageons tous : récupérer une part de notre souveraineté et lutter contre le dérèglement climatique. Face à l’urgence, plusieurs solutions s’offrent à nous. La première est la sobriété, qui n’est pas l’objet de ce projet de loi mais qui est nécessaire à la conduite de notre action. Une autre solution est le déploiement massif de la production d’énergies décarbonées. À ceux qui seraient tentés de tout ramener au nucléaire, je veux dire trois choses. D’abord, soyons patients, car nous aurons ce débat très prochainement au sein de notre assemblée. Ensuite, tout en étant un grand défenseur de l’atome, j’estime que la bonne réponse réside dans la recherche de l’équilibre, ce qui implique une analyse scientifique et rationnelle de la situation. Enfin, on sait qu’il faudra énormément de temps pour construire ces réacteurs. Or il nous faut augmenter dès aujourd’hui nos capacités de production ; c’est pourquoi le texte vise à produire massivement et immédiatement de nouvelles énergies décarbonées.

Chacun des six scénarios présentés par RTE dans son rapport Futurs énergétiques 2050 comporte une part significative d’énergies renouvelables. Nous n’avons pas le choix : dans toutes les configurations, la marche demeure très haute. Moins de trente ans nous séparent du bilan de cette révolution énergétique et nous peinons déjà à atteindre nos objectifs. En effet, les énergies renouvelables ont représenté 19,3 % de notre consommation finale brute énergétique alors que nous nous étions engagés à atteindre le seuil de 23 %. Actuellement, il faut compter cinq ans de procédure pour construire un parc solaire, et ce délai monte à sept ans pour un parc éolien terrestre et à plus d’une décennie pour un parc éolien en mer. C’est deux fois plus long que chez la plupart de nos voisins européens.

Ce texte doit nous permettre de rattraper notre retard sur les objectifs de déploiement, en suivant quatre axes : planifier le déploiement des énergies renouvelables, à partir des communes, ainsi que la planification de nos façades maritimes ; accélérer et rationaliser les procédures administratives là où les adaptations sont pertinentes, tout en préservant la biodiversité et la participation du public ; libérer le foncier en ciblant en priorité les zones déjà artificialisées – notamment les parkings, les friches ou les bordures d’autoroutes – et en encadrant les nouvelles activités ; développer le partage territorial de la valeur avec les collectivités locales, les entreprises et les citoyens.

Au-delà de l’enjeu de l’accélération et de la rationalisation, le projet de loi doit respecter deux grands principes. Le premier est la protection de la biodiversité. Le changement climatique est l’une des premières causes de l’érosion de la biodiversité, laquelle nourrit à son tour l’emballement climatique. Il faut donc avoir une approche très cohérente des projets qui sortiront de terre. Le second principe prend la double forme de la concertation et de la coconstruction. L’effectivité des mesures que nous adopterons dépendra de leur application et de leur appropriation à l’échelle territoriale. Élu local depuis bientôt dix ans, je sais à quel point il est important de faire confiance à nos élus, qui connaissent mieux que quiconque leur commune et partagent notre ambition de mener à bien cette transition. Sur ce point, comme sur d’autres, le Sénat a enrichi le texte.

La planification sera principalement abordée à l’occasion de l’examen de l’article 3 au sein de la commission des affaires économiques, mais la commission du développement durable en débattra bien sûr ce soir.

Les avis que j’émettrai en commission comme en séance publique seront autant que possible guidés par les enjeux de la rationalisation et, lorsque les propositions seront pertinentes, de l’amélioration du texte, dans un esprit de concertation et de dialogue.

Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Mon intervention portera sur le titre II du projet de loi, qui vise plus particulièrement à accélérer le développement de l’énergie solaire. Notre façon de produire et de consommer de l’énergie est non seulement une question environnementale mais aussi un enjeu de souveraineté. Nous défaire des énergies fossiles, c’est tout à la fois agir pour le climat et l’environnement et réduire notre dépendance à des pays tiers. L’agenda 2030 ou encore le plan de sobriété tracent ce cap. Si notre production d’électricité est décarbonée à plus de 90 %, notre consommation d’énergie dépend encore majoritairement des énergies fossiles, pétrole et gaz en tête. Le solaire ne représente qu’un peu plus de 2 % de notre production d’électricité contre 8 % en Italie et 7 % en Allemagne. Or, RTE a été clair dans son rapport récent : la neutralité carbone en 2050 passe par plus d’énergies renouvelables en complément de notre parc nucléaire.

Concernant le solaire, les objectifs – multiplier par dix notre puissance voltaïque – sont ambitieux mais le temps presse. Aujourd’hui, il faut en moyenne cinq ans de procédure pour construire un parc solaire qui ne nécessite que quelques mois de travaux. Il nous faut aller deux fois plus vite. Cela ne veut pas dire forcer la main, mais mieux identifier les espaces propices aux énergies renouvelables, grâce à une véritable planification territoriale. Il faut également privilégier des espaces déjà urbanisés en optimisant le bâti existant et en partageant mieux la valeur avec les communes. En activant l’ensemble de ces leviers, nous parviendrons à favoriser l’acceptabilité des projets, élément indispensable pour accélérer le développement des énergies renouvelables.

J’en viens aux articles dont je suis chargée. L’article 7 rend possible l’installation d’infrastructures de production d’énergie solaire le long des grands axes routiers et des voies ferrées. C’est une véritable avancée car aujourd’hui, seuls les délaissés routiers et les aires de repos, de service et de stationnement peuvent accueillir de telles installations. Les sénateurs sont allés plus loin en incluant les voies ferrées et je salue cet ajout.

L’article 11 crée une obligation d’équipement des parcs de stationnement extérieur par des ombrières intégrant un procédé d’énergie renouvelable. Alors que le texte d’origine appliquait cette obligation aux parkings de plus de 2 500 mètres carrés, les sénateurs ont substitué à ce critère celui du nombre d’emplacements, en retenant le seuil de 80 places et en excluant les parkings de poids lourds. Je vous proposerai de réintégrer ces derniers et de revenir au critère de la surface pour faciliter l’application et le contrôle du dispositif.

Les articles 11 bis, 11 ter et 11 octies visent à favoriser l’installation d’une source de production d’énergie solaire sur la couverture du bâti existant. Nous avons voté en 2021 dans la loi « climat et résilience » un certain nombre de dispositions. Rien ne serait pire que de changer les règles chaque année alors qu’une telle transition demande un cadre clair et stable sur le temps long, eu égard aux investissements nécessaires. Je serai donc, dans la plupart des cas, favorable aux amendements qui visent à revenir aux dispositions que nous avions votées dans la loi « climat et résilience ».

L’article 11 quater rend éligible à l’éco-prêt à taux zéro les travaux d’installation de panneaux solaires pour de l’autoconsommation. Dans la mesure où de nombreuses aides existent déjà, je soutiendrai la suppression de cette disposition.

Les articles 11 nonies et 11 decies lient désamiantage et remplacement des toitures concernées par des panneaux voltaïques. Ce sujet demande, à mes yeux, des études approfondies.

Enfn, les articles 11 decies B et 11 decies C visent à renforcer la prise en compte des critères environnementaux dans la commande publique et dans la procédure d’attribution d’appels d’offres émis par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Je vous proposerai de garder ces ajouts du Sénat tout en fusionnant ces articles pour plus de clarté.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux orateurs des groupes, qui disposent chacun de quatre minutes, réponse de la ministre comprise.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Monsieur le président, cette organisation est semblable à celle d’une audition mais, s’agissant d’un projet de loi, je ne suis pas certaine qu’une réponse du Gouvernement soit nécessaire à la suite de chaque intervention.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous avons examiné cette question avec l’ensemble des groupes. Jusqu’à présent, nous avons toujours respecté cette organisation, quel que soit le sujet. L’autre possibilité était de faire intervenir les orateurs de groupe l’un à la suite de l’autre pour deux minutes chacun, ce qui vous laisse moins de temps de parole.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie (RE). Ce projet de loi est stratégique. La France et l’Europe ont souscrit des engagements ambitieux. Dans moins de trente ans, l’Union européenne devra avoir atteint la neutralité carbone. Or notre mix énergétique est, aujourd’hui encore, majoritairement carboné et notre consommation finale dépend à 65 % d’énergies fossiles produites par des puissances étrangères. Le défi est immense, et notre cap est clair : nous devons, par-delà les clivages politiques, reprendre en main notre destin énergétique pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et faire de la France le premier grand pays industriel à sortir des énergies fossiles.

C’est tout l’enjeu de ce projet de loi, que nous allons enrichir ensemble pour donner un coup d’accélérateur au déploiement de toutes les énergies renouvelables – solaire, éolien, géothermie, hydraulique, biomasse. Ce texte doit nous permettre de simplifier les procédures, d’améliorer l’acceptabilité des projets par les citoyens, de mieux impliquer les élus locaux, de mieux planifier et d’assurer un meilleur partage de la valeur.

Nous saluons le travail des sénateurs, qui ont enrichi le texte d’une cinquantaine d’articles, dont un grand nombre fait l’objet d’un consensus. Cela marque notre volonté d’aller tous dans une même direction.

M. Pierre Meurin (RN). La crise énergétique que nous vivons est le résultat non pas de facteurs externes, par lesquels vous tentez systématiquement de vous justifier, mais de causes structurelles, de choix politiques inconséquents et d’une attitude passive dans la guerre économique que nous mènent des puissances étrangères, en particulier l’Allemagne. En fermant la centrale de Fessenheim tout en rouvrant des centrales à charbon, vous alignez notre politique énergétique sur celle de l’Allemagne, qui émet 500 grammes de CO2 par kilowattheure d’électricité produite, soit dix fois plus que la France.

Notre stratégie énergétique devrait faire l’objet d’un texte global, qui définisse une trajectoire claire pour l’ensemble du mix énergétique français, en incorporant tous les modes de production, y compris le nucléaire. Ce projet de loi est une occasion manquée de débattre de notre avenir énergétique considéré dans son ensemble.

J’en viens à la question des éoliennes. La France dispose d’une électricité décarbonée à 92 %, grâce au nucléaire, pilotable et la moins chère d’Europe. Pour atteindre une production équivalente à celle de la centrale du Bugey – quatre réacteurs sur une emprise au sol de 1 kilomètre carré – il faudrait construire pas moins de 447 éoliennes sur une emprise au sol de 506 kilomètres carrés. Une éolienne repose sur un socle de 1 300 tonnes de béton. Elle nécessite l’exploitation de terres rares venant notamment de Chine, dont les effluents rendent les eaux toxiques, et l’exploitation massive de balsa en Amazonie, ce qui contribue à la déforestation du poumon de la planète – ce qui laisse nos collègues de gauche indifférents.

Vos énergies dites renouvelables sont intermittentes, ce qui nous rend dépendants de la météo, en plus de l’être d’autres pays.

En permettant que ces installations soient couvertes par la raison d’intérêt public majeur, et contrairement à ce que pourraient laisser croire vos propos rassurants, madame la ministre, vous faites fi de toutes les mises en garde en matière de protection de la biodiversité, là encore dans l’indifférence des écologistes.

Les promoteurs éoliens en France sont à 65 % allemands et à 30 % danois. Où est la filière française ?

Votre texte, qui est en faveur des promoteurs et des maîtres d’ouvrage, prévoit une parodie de consultation du public, des dérogations majeures à la protection de la nature, l’achat du silence des riverains avec l’argent du contribuable et l’absence de garde-fous pour les élus locaux. Nous accueillons avec intérêt les déclarations du président Marleix, qui se dit prêt à s’y opposer. Nous espérons pouvoir faire cause commune pendant les débats.

En l’état, évidemment, nous nous opposerons à ce texte. Le groupe Rassemblement national proposera des amendements visant à rétablir des garde-fous juridiques, comme l’avis conforme des élus locaux. Nous ferons également des propositions constructives en commission et en séance concernant l’ensemble des modes de production énergétique qui font consensus, notamment l’hydrogène, la géothermie et l’hydroélectricité.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Quand 40 % de l’approvisionnement de l’Europe en gaz naturel est issu d’un seul pays et qu’il y a des problèmes, cela s’appelle bien un choc externe. C’est pourquoi d’autres pays sont confrontés exactement aux mêmes tensions que nous concernant le gaz et l’électricité.

Le texte qui vous est présenté porte sur les énergies renouvelables, non sur les éoliennes terrestres –  ce dernier terme était d’ailleurs absent de la version d’origine, présentée au Sénat. Dans les énergies renouvelables, il y a aussi le photovoltaïque, la biomasse, le biogaz ou la géothermie. Elles bénéficient toutes par exemple des procédures élaborées au titre 1er : j’aurais plutôt voulu vous entendre sur ce point.

Le projet de loi ne comporte pas de dérogation majeure aux règles de protection de la biodiversité.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). La France accuse un retard important en matière de déploiement des énergies renouvelables par rapport aux objectifs fixés à l’horizon 2030. Si nous partageons la volonté d’accélérer, nous sommes dubitatifs tant sur la méthode suivie que sur les dispositions du projet de loi.

Le projet de loi s’inscrit dans un contexte immédiat de risque sur la sécurité d’approvisionnement, mais il doit aussi répondre aux enjeux de long terme de sobriété et d’efficacité énergétique. Il ne s’agit pas seulement de dresser un catalogue de mesures sur la sobriété, à prendre ou à laisser. Nous aborderons au printemps la refonte de la programmation pluriannuelle de l’énergie, en lien avec les scénarios proposés par RTE, l’Agence de la transition écologique (Ademe) et négaWatt – je pense, entre autres, à des scénarios à 100 % d’énergies renouvelables, que nous soutenons.

Il nous semble qu’on prend les choses dans le désordre, puisqu’on parle des moyens d’accélérer avant même d’avoir fixé des objectifs et la part des énergies renouvelables dans le futur mix énergétique. Autre problème de méthode : l’examen du projet de loi a lieu parallèlement à deux débats publics, et un projet de loi sur la relance du nucléaire sera prochainement discuté. Cela donne l’impression non seulement que la décision a déjà été prise, mais que le Gouvernement fait preuve de confusion et d’agitation, alors qu’il nous avait habitués à une procrastination coupable sur ces sujets.

Nous ne partageons pas votre présupposé de fond, selon lequel notre retard serait dû aux lourdeurs administratives et à un droit de l’environnement inutilement rigide. Cette analyse oppose environnement et énergie, ce qui nous semble une impasse. Nous ne sommes donc pas favorables aux articles qui détricotent la loi « littoral » et la loi « montagne » ainsi que l’objectif Zéro artificialisation nette et la protection de la biodiversité. Nous ne sommes pas favorables non plus aux atteintes portées au droit fondamental au recours et au droit à la participation environnementale reconnu à l’article 7 de la Charte de l’environnement.

L’accélération du déploiement des énergies renouvelables ne pourra s’entendre que dans le cadre d’un grand débat national sur l’ensemble des enjeux énergétiques. Elle ne pourra se faire que grâce à l’octroi de moyens supplémentaires pour les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), ce qui n’a pas été prévu dans le cadre du budget. Elle ne se coconstruira qu’en s’appuyant sur une planification nationale territorialisée et démocratisée fondée sur des objectifs de développement chiffrés. Or ce débat est renvoyé à plus tard, même si l’article 1er A a dessiné les prémices d’une planification, à présent renvoyée à l’article 3. Nous demanderons, à cet égard des garanties quant à nos sous-amendements. C’est à ce prix que l’acceptabilité se fera et non sur un partage de la valeur qui monétise l’intérêt général.

Enfin, votre projet de loi s’inscrit dans la continuité de la libéralisation du marché de l’énergie. Pourtant, une politique publique de l’énergie efficace ne pourra se construire qu’en sortant du carcan européen et en construisant une filière publique, y compris en matière de production. Ainsi, plutôt que de prévoir des contrats de gré à gré, nous proposons qu’un acheteur unique de la production fixe des tarifs stables, fondés sur les coûts de production, loin des objectifs de rentabilité exigés par les marchés.

Notre vote dépendra de la qualité de nos débats et de la prise en compte de nos propositions.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour la clarté et la lisibilité du texte, il me paraît nécessaire de regrouper les dispositions concernant la planification dans un seul article. Nos objectifs sont connus : mettre les élus locaux au centre du jeu, repérer les zones les plus à même d’accueillir les énergies renouvelables et assurer leur développement dans le respect de la PPE. Les préfets ont communiqué aux élus la cartographie des raccordements et des zones sensibles eu égard à l’environnement et à la prévention des risques. On leur adressera également des objectifs de production par territoire.

M. Emmanuel Maquet (LR). On ne peut légiférer sur l’énergie que d’une main tremblante, parce qu’elle revêt une importance cruciale pour nos concitoyens, à quatre titres : c’est un bien essentiel pour la vie quotidienne, un carburant de croissance pour notre économie, un levier de puissance géopolitique et un paramètre majeur de la lutte contre le réchauffement climatique. La crise profonde que nous connaissons actuellement nécessite des choix stratégiques dans chacun de ces domaines.

Au lieu de cela, votre texte accumule les mesures techniques pour poursuivre des choix qui n’ont pas prouvé leur efficacité. La France est le pays européen où le risque de coupure électrique est le plus élevé cet hiver. Ce texte atténuera-t-il ce risque pour l’hiver 2023, 2033 ou même 2043 ? La réponse est non.

Les industries énergétiques décarbonées sont situées à l’étranger. La filière nucléaire nationale a été sapée avec acharnement ; quant aux renouvelables, ils sont allemands ou chinois. Ce texte nous dotera-t-il de fleurons français ? La réponse est non.

Les choix énergétiques structurants de la France sont orientés vers des énergies dont l’intermittence doit être compensée par le recours au gaz. Ce texte nous rendra-t-il moins dépendants des pays exportateurs de gaz, dont nous ne partageons pas les valeurs ? La réponse est non.

Nous venons de connaître le mois d’octobre le plus chaud jamais enregistré, après un été lui-même record. Ce texte permettra-t-il de produire un volume d’énergie suffisante pour remplacer les plus de 1 000 térawattheures d’énergie fossile que nous consommons chaque année ? Vous le savez, la réponse est malheureusement non.

Les membres du groupe Les Républicains souhaitent débattre de la stratégie avant de discuter des modalités. Vous avez inversé la logique en nous proposant ce texte avant la révision de la PPE, qui sera le moment structurant pour les choix énergétiques de la France. En l’occurrence, malgré certains apports bienvenus des sénateurs, nous abordons cette discussion avec la conviction qu’il reste encore beaucoup de travail pour rendre le texte acceptable. Le groupe Les Républicains est tout aussi attaché que vous à la lutte contre le réchauffement climatique et n’a d’ailleurs pas à rougir du bilan dont il assume l’héritage : premier ministère de l’environnement, plan Messmer, loi de protection du littoral, Grenelle 1 et 2.

Le texte franchit des lignes rouges qui ne nous semblent pas négociables. La place des élus locaux doit être mieux reconnue pour permettre l’acceptation des projets. Leur avis conforme est requis en matière de zonage mais pas pour la validation des projets : c’est insuffisant. Il faut mieux protéger les habitants de la ruralité, qui voient leurs paysages dégradés et leurs conditions de vie affectées. Sans une augmentation des distances d’éloignement des éoliennes sur terre et sur mer, nous ne pourrons pas soutenir votre texte. Enfin, notre conception du partage de la valeur, c’est une énergie bon marché parce qu’efficace, et non un système complexe de tarifs garantis et de rétrotaxe aux consommateurs qui donne l’illusion du bon marché, alors qu’il est en réalité très onéreux. Tel n’est pas le cas des énergies que vous nous proposez d’accélérer.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La France est très bien positionnée dans la filière des éoliennes marines – 6 500 emplois directs à Saint-Nazaire, au Havre et à Cherbourg. Nous exportons nos produits vers les États-Unis et le Royaume-Uni. Lorsqu’on bâtit un projet d’éolienne marine, près de 80 % de la valeur reste en France. Nous en avons discuté au Sénat, lequel est revenu sur sa position initiale en matière d’éloignement des côtes, car cela aurait marqué la fin de cette filière. Les maires qui accueillent ces installations l’ont bien compris. Par ailleurs, le plan France 2030 s’applique aux autres filières.

M. Bruno Millienne (Dem). La France accuse un retard non négligeable dans le développement des énergies renouvelables. Ainsi, les 80 premières éoliennes marines viennent d’être installées au large de Saint-Nazaire alors que l’Europe en compte déjà 5 700. Sur terre, l’Allemagne a installé quatre fois plus de mâts que la France, alors que son territoire est plus dense. Or le développement massif de ces énergies est indispensable pour quiconque s’intéresse au sujet et fait preuve d’honnêteté intellectuelle. Certes, à l’avenir, nous consommerons globalement moins d’énergie, mais nous devrons produire un volume d’électricité supérieur d’au moins 60 %.

Les députés du groupe Démocrate accueillent donc ce projet de loi avec enthousiasme et détermination. La transition doit se faire avec tous les Français et être à leur service. C’est pourquoi nous nous félicitons que le texte institue des procédures d’implantation au plus proche des territoires. Nous saluons, à cet égard, le sens des responsabilités de nos collègues sénateurs. Pour plus d’acceptabilité, nous devons donner aux Français les moyens d’être acteurs. À cette fin, notre groupe défendra la réintégration du dispositif de remise sur la facture d’électricité des ménages concernés par l’implantation de projets. L’enjeu du partage de la valeur est dans l’ADN de notre groupe. Par ailleurs, les mesures liées à l’autoconsommation sont, à nos yeux, un levier très intéressant pour que les consommateurs se saisissent des enjeux.

Nous souhaitons également étendre le texte à une plus grande variété de sources d’énergie : je pense à l’hydroélectricité, à la géothermie, à la méthanisation ou encore au biogaz. De fait, notre mix énergétique ne doit pas oublier le gaz, car la trajectoire d’électrification ne fera pas disparaître certains usages.

Nous soutiendrons des mesures pour aller encore plus loin en matière d’accélération et de simplification. Ainsi, l’installation de panneaux photovoltaïques sur les parkings pourrait se faire par une simple déclaration préalable de travaux et non plus en vertu d’un permis de construire, dont l’obtention peut allonger les délais de plusieurs mois.

Ce texte marque une inflexion dans notre politique pour des décennies, ce qui est assez rare pour être souligné. Il est la première pierre de notre futur système énergétique, comme ce fut le cas pour le nucléaire, il y a soixante ans, sous le général de Gaulle. C’est une responsabilité, pour nous-mêmes, pour l’avenir de nos enfants et pour le bien commun, qui nous oblige à dépasser les postures politiques habituelles. Travaillons tous ensemble, à l’Assemblée comme dans nos circonscriptions, avec les Français, pour faire de ce texte une réussite tant sur le plan de la méthode que des résultats.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il nous faut en effet soutenir tout l’éventail des énergies renouvelables : c’est en ce sens que nous avons construit le texte. Nous avons interrogé l’ensemble des opérateurs des filières et attendons encore certains retours.

Sur les autres sujets, nous saurons trouver une ligne partagée. Je partage totalement votre philosophie.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés a particulièrement critiqué le projet de loi initial. Sur la forme, nous sommes amenés à l’examiner avant la PPE et la stratégie nationale bas-carbone, et avant que ne soit mené un grand débat national sur notre stratégie énergétique. Il est exact qu’il faut accélérer le développement des énergies renouvelables, mais on ne construit rien de durable sans poser des fondations solides. Sur le fond, ce texte ne prévoyait aucune mesure de planification ni de financement et excluait plusieurs énergies, notamment l’hydroélectricité. Fort heureusement, le Sénat l’a très largement enrichi.

Madame la ministre, vous avez tendu la main aux groupes d’opposition pour travailler de manière constructive sur ce projet de loi. Nous l’avons saisie, dans la mesure où nous partageons l’objectif, à défaut des moyens. Toutefois, nous regrettons que vous ayez choisi de récrire les articles relatifs à la planification territoriale sans nous en informer lors des nombreux échanges que nous avons eus sur le fond. Mis au pied du mur, nous proposerons à tout le moins, pour avoir un débat à ce sujet, des sous-amendements à l’amendement de réécriture de l’article 3.

Cette planification doit reposer selon nous sur le bloc communes-intercommunalité, niveau pertinent pour le zonage et pour l’impulsion aux énergies renouvelables, les schémas de cohérence territoriale devant constituer le document d’urbanisme socle. Nous proposons en outre une procédure unique intégrée de mise en conformité et en compatibilité des documents de rangs supérieur et inférieur, afin d’agir vite et d’associer élus et citoyens à ces choix stratégiques.

Nous vous l’avons dit lors de nos échanges, nous avons une approche ambitieuse de l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Dans cet esprit, nous proposons d’une part un renforcement des obligations en matière de photovoltaïque en toiture, pour le neuf comme pour l’ancien, d’autre part un cadre favorable au développement d’un éolien mieux accepté par nos concitoyens. Nous proposerons une meilleure régulation de l’agrivoltaïsme et de la méthanisation, pour empêcher les détournements actuels. Nous proposerons des mesures visant à faire de nos territoires ultramarins des « territoires 100 % énergies renouvelables ». Nous proposerons de transformer les zones d’activité économique (ZAE) en parcs d’activité à énergie positive.

Il nous paraît essentiel, comme l’a prévu le Sénat, que le partage territorial de la valeur soit destiné exclusivement aux collectivités territoriales et se fasse au bénéfice de fonds finançant la transition énergétique et l’adaptation au changement climatique. Nous proposerons de compléter les dispositions prévues en ce sens et nous nous opposerons à tout mécanisme individualiste destiné aux particuliers, qui ne pourrait être que le prélude à des conflits de voisinage et à des iniquités, lesquels nuiraient à l’accélération des projets.

Mon groupe pourra envisager de voter ce texte dès lors que votre volonté affichée de coconstruction se traduira dans les faits, et si nous renforçons encore l’ambition de ce texte, sans revenir sur les progrès apportés par le Sénat.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur la PPE. Mais je rappelle que nous sommes au milieu d’une PPE, et que ses objectifs ne sont pas atteints : la part des énergies renouvelables dans notre mix énergétique est de 19 %, contre les 23 % prévus ; autrement dit, la production doit en augmenter de 25 %. Ce texte se justifie donc pleinement. Qui plus est, tout le monde l’a compris, l’objectif de production d’énergies renouvelables est appelé à être relevé dans la prochaine PPE. Nous nous y sommes d’ailleurs déjà engagés au niveau de l’Union européenne. Sauf à vouloir refuser l’obstacle, l’argument selon lequel nous ne traitons pas les choses dans l’ordre n’est donc pas recevable.

M. Luc Lamirault (HOR). Le présent projet de loi constitue l’un des principaux piliers de la stratégie énergétique française. Cette stratégie est structurante car elle est à la croisée des enjeux climatiques, d’indépendance, de souveraineté de nos approvisionnements énergétiques et d’acceptabilité sociale de la transition. Celle-ci bouleverse nos modes de vie et présuppose exemplarité et solidarité afin de préserver la cohésion et l’adhésion des populations aux efforts demandés.

Nous constatons que la France est en retard par rapport à ses voisins européens et à d’autres pays dans le déploiement des moyens de production d’énergies renouvelables et dans la structuration des filières décarbonées. Plusieurs facteurs expliquent ce retard.

Premier facteur : la lourdeur et la complexité de nos procédures administratives. Il est de notre devoir de les fluidifier tout en respectant les riverains, en observant les contraintes environnementales et urbanistiques, et en limitant au maximum l’artificialisation des sols.

Deuxième facteur : un manque d’acceptabilité et d’attractivité des projets, lié à un manque de concertation avec les populations et les élus. Ce défaut d’appropriation au niveau local pourrait être corrigé grâce à une meilleure répartition de la valeur et au développement de l’autoconsommation. Cela favoriserait en outre des projets innovants tels que la production d’azote, d’hydrogène ou de gaz porté.

Face à ce constat et compte tenu de la situation internationale, il nous faut planifier rapidement le déploiement des énergies. Notre feuille de route en la matière reconnaît l’importance cruciale et stratégique tant du nucléaire que des énergies renouvelables. La souveraineté énergétique et la décarbonation sont des points fondamentaux de cette stratégie. Ce projet de loi s’inscrit dans cette feuille de route et prévoit des mesures structurantes et nécessaires pour le déploiement des énergies renouvelables.

Le groupe Horizons et apparentés tient à saluer le texte présenté par le Gouvernement et le travail effectué par le Sénat, qui y a apporté des dispositions précieuses, qu’il convient néanmoins de préciser et d’améliorer : simplification des procédures et réduction des délais d’autorisation des projets ; obligation renforcée d’installer un système de production d’énergie solaire sur les bâtiments occupant une grande surface au sol ; mesure spécifique au déploiement de l’éolien en mer ; partage territorial de la valeur ajoutée des projets d’énergies renouvelables. Le groupe Horizons et apparentés aura à cœur de renforcer l’ambition de ce texte lors de son examen en commission.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour répondre à deux questions précédentes, je tiens à manifester ma disponibilité pour travailler sur la question des territoires ultramarins. Ce sont des zones non interconnectées, qui sont souvent restées les parents pauvres de notre politique énergétique et dont la situation énergétique est souvent plus problématique que celle de la métropole. Il importe d’accompagner ces territoires, notamment dans leur PPE.

Je rappelle aussi qu’il existe déjà un retour pour les particuliers dans le cas des réseaux de chaleur : ils bénéficient de prix plus faibles. Ce dispositif fonctionne bien, mais pas de façon uniforme sur le territoire puisqu’il s’agit de politiques menées par les collectivités : celles-ci décident sur quoi elles portent leurs efforts et comment elles rendent de la valeur aux habitants.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Les écologistes sont depuis longtemps favorables aux énergies renouvelables et parient sur un triptyque reposant sur la sobriété, l’efficacité énergétique et le déploiement de ces énergies.

Sur la première version de ce texte, nous avons émis des critiques, que je réitère. Celles-ci portent premièrement sur le calendrier : nous sommes effectivement au milieu d’une PPE – c’est par construction toujours le cas – mais nous sommes aussi à quelques mois de sa révision. En définitive, nous avons le sentiment que les choix sont en partie déjà faits, alors que la PPE actuelle prévoit de réduire la part du nucléaire à 50 % et d’augmenter celle des énergies renouvelables.

Deuxièmement, nous avons des divergences à propos du diagnostic. Si nous convenons que le développement des énergies renouvelables est insuffisant, il ne nous semble pas que toute la faute en revienne aux procédures ou aux règles du droit de l’environnement. Selon nous, il y a des problèmes de planification, de partage de la valeur et d’organisation du pilotage à l’échelle du territoire. Nous avons aussi des difficultés à associer l’ensemble de nos concitoyens à ces choix. Il y a eu surtout des problèmes politiques récurrents et une difficulté à promouvoir les énergies renouvelables de manière volontariste : on a souvent fait un pas en avant, puis trois pas en arrière.

Le Sénat a apporté quelques éléments majeurs à ce texte, notamment en matière de planification, dimension sur laquelle nous insistons depuis le début. Nous examinerons avec attention les propositions avancées. Il nous semble que le couple région-bloc communal est effectivement à même d’organiser et de piloter la planification ascendante, qui complétera la planification descendante. Il faut rendre ce mécanisme le plus pertinent possible.

Nous abordons ce texte en défenseurs de la biodiversité. Selon nous, le développement des énergies renouvelables est possible avec un impact réduit sur la biodiversité. Nous serons bien évidemment opposés, dès le stade du travail en commission, à toutes les dispositions qui affaibliraient le code de l’environnement ou réduiraient la protection des espèces.

Nous considérons que le partage de la valeur doit se faire par l’intermédiaire des collectivités territoriales ; il doit s’agir d’une redistribution qui permet de financer des services publics. Nous pouvons aller plus loin que les dispositifs existants, d’une part en augmentant les volumes concernés, d’autre part en améliorant la répartition entre tous les acteurs, qui n’est pas équilibrée actuellement.

Nous pensons possible d’améliorer la concertation, ce qui est de nature à accélérer les projets renouvelables. Nous pensons aussi que la modulation tarifaire est une manière d’améliorer la répartition des énergies renouvelables sur le territoire. Si cette revendication ancienne est satisfaite, il s’agira d’un progrès important, qui s’ajoutera à la planification.

Reste que ces évolutions seront impossibles sans un renforcement des moyens de l’État, notamment dans les Dreal et dans les autorités environnementales.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je vous ai indiqué ma disponibilité pour travailler sur la modulation tarifaire.

La question du renforcement des moyens de l’État est soulevée de manière récurrente. Je le redis ici, le projet de loi de finances prévoit des moyens accrus pour la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et pour les Dreal, spécifiquement pour accélérer l’instruction des dossiers relatifs aux énergies renouvelables.

Je précise que nous avons conçu le plan Énergies renouvelables en reprenant l’historique complet des projets bloqués ces derniers mois, voire ces dernières années, en identifiant, pour chacun, les raisons du blocage et en traitant chacune de ces difficultés, qu’il s’agisse du contentieux, des procédures administratives ou des moyens.

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). Le groupe Gauche démocrate et républicaine rappelle les lignes rouges qu’il a fixées concernant ce texte. Évoquons une énième fois le contexte : le débat sur l’étatisation d’EDF a été confisqué ; les filières sont scindées, nucléaire d’une part, énergies renouvelables d’autre part ; la privatisation des énergies renouvelables reste la trajectoire. Et je ne reviens pas sur l’inversion du calendrier et du débat.

S’agissant du texte lui-même, nous sommes opposés, je l’ai dit, au modèle économique et concurrentiel qui a guidé le développement des énergies renouvelables électriques. C’est selon nous un élément majeur de dérégulation du marché. Vous gardez ce cadre, notamment en stimulant les PPA. Par ailleurs, vous prévoyez d’affaiblir les conditions de consultation des acteurs de terrain et de dispenser plus encore les projets de l’indispensable examen approfondi des effets sur l’environnement, sur le cadre de vie et sur la biodiversité – une « grande cause nationale » pourtant balayée par la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), qui s’apparente pour nous à un véritable oukase.

Vous considérez que les procédures sont la cause du retard des projets. Nous affirmons au contraire que l’apurement soigneux et exigeant des propositions, avis, contre-arguments et éléments de résolution des conflits d’usage est le seul garant de l’aboutissement de bons projets, acceptés de manière éclairée. Ainsi, vous forcez la marche, au risque selon nous de multiplier les conflits et de mettre plus à mal l’acceptabilité sociale des énergies renouvelables. D’ailleurs, le préfet référent, le fonds de garantie, la régularisation des irrégularités, les menaces sur le droit de recours sont autant de dispositifs qui jouent en faveur des porteurs de projets et au détriment des populations et des acteurs locaux.

Enfin, vous venez de confirmer votre volonté de réintroduire dans le texte le partage de la valeur, au profit des riverains, des installations d’énergies renouvelables. C’est pour nous une atteinte inacceptable à l’égalité des usagers devant le service public de l’énergie – et une piètre tentative de tordre le bras aux acteurs locaux.

À l’heure où notre mix énergétique est parmi les plus décarbonés à l’échelle européenne, la priorité devrait être accordée aux énergies renouvelables thermiques, à même d’extraire la chaleur dégagée par les sources fossiles, qui restent prégnantes – de l’ordre de 60 % de la consommation finale. Or vous en avez fait la voiture-balai.

En l’état, de notre point de vue, ce projet de loi est un texte de précipitation, d’ailleurs résumé par votre formule « mesures exceptionnelles et transitoires », qui précipite bien la division des Français à propos d’une dimension essentielle de notre souveraineté nationale et d’un service de première nécessité.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je rappelle que les PPA s’adressent notamment aux collectivités locales et qu’ils peuvent donc répondre à des enjeux de service public. Je le redis, ce mécanisme existe déjà pour les réseaux de chaleur. Pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas de la même manière pour l’électricité ou le méthane ?

J’ai déjà répondu à propos de la RIIPM.

S’agissant des procédures, nous prenons en considération ce qui fonctionne bien dans les autres pays européens et leur a permis de tenir leur trajectoire de développement des énergies renouvelables et de ne pas prendre de retard par rapport à leurs engagements. Là non plus, je ne comprends pas : pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas en France ? En quoi cela serait-il un recul ?

Quant à l’égalité devant le service public de l’énergie, c’est un problème philosophique. Relevons qu’il en va de même pour l’accès à d’autres services publics de base : le prix du ticket de transport ou de la cantine varie d’une ville à l’autre. Cela relève du libre exercice de leurs compétences par les collectivités locales.

Mme Nathalie Bassire (LIOT). La question de l’accélération du déploiement des énergies renouvelables ne devrait plus se poser. Pourtant, elle semble toujours faire débat. Nous le redisons, la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre passera par l’électrification de nos usages. Le nucléaire ne saura répondre, à lui seul, à ces besoins croissants, d’autant que les prochaines centrales ne pourront pas voir le jour avant une dizaine d’années. Notre avenir énergétique requiert donc une montée en puissance des énergies renouvelables.

Ce préalable étant posé, il faut désormais créer les conditions nécessaires à un déploiement massif, objet du présent projet de loi. Les sénateurs ont considéré à juste titre que l’accélération passerait par une meilleure planification, sans laquelle il n’y aura pas d’appropriation ni d’acceptation, par chaque habitant, des projets qui seront développés dans leur bassin de vie.

Cependant, le dispositif voté au Sénat n’est pas satisfaisant car il est au mieux redondant, au pire contradictoire avec celui proposé par le Gouvernement à l’article 3. L’amendement de réécriture proposé par la majorité tend à apporter de la cohérence tout en préservant une approche ascendante, à laquelle nous sommes attachés. Néanmoins, à bien y regarder, ce nouveau dispositif présente deux faiblesses majeures : nous craignons qu’il n’incite pas suffisamment au déploiement des énergies renouvelables là où elles font défaut ; a contrario, il risque de ne pas être assez désincitatif dans les territoires arrivés à saturation.

Concernant l’acceptabilité des énergies renouvelables, il est proposé que ceux qui subissent les externalités négatives résultant des installations de production d’énergie reçoivent une compensation pour ces nuisances. Contrairement aux sénateurs, nous estimons que le versement forfaitaire annuel doit être attribué non pas aux communes, mais directement aux riverains concernés, à partir du moment où ils habitent dans un rayon de 5 kilomètres autour de l’implantation.

Pour finir, je tiens à évoquer la question, qui m’est chère, du déploiement des énergies renouvelables dans les zones non interconnectées que sont les territoires ultramarins et la Corse. Atteindre une forme d’autonomie énergétique nous impose de composer avec les ressources de nos territoires. Là aussi, le solaire et, parfois, l’éolien ont leur pertinence, mais d’autres sources telles que la géothermie méritent d’être davantage soutenues. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires proposera plusieurs dispositions visant à accélérer la transition énergétique dans ces territoires, en espérant les voir figurer dans un titre dédié aux zones non interconnectées. Globalement, nos propositions s’inscriront dans la même dynamique : pousser plus loin l’ambition de ce texte afin de permettre à la France de rattraper son retard dans la transition bas-carbone.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’article 3 sera effectivement un des points de discussion importants. Je rappelle que la planification tiendra compte du potentiel des territoires, mais aussi de ce qui y a déjà été réalisé – le Sénat a longuement évoqué cette question. La modulation tarifaire sera aussi une façon de rééquilibrer entre les territoires. Je pense que cela répond à votre préoccupation.

Vous avez évoqué la compensation des externalités négatives. Je veux le dire nettement, les installations d’énergies renouvelables sont à l’origine d’externalités non pas négatives, mais positives : c’est la promesse d’accéder à une énergie bas-carbone, peu chère et abondante. Ces unités de production renforcent la résilience ; ce n’est pas dans les territoires où elles sont installées que risquent de se poser les problèmes de déséquilibre entre production et demande d’électricité qui surviennent actuellement. Nous cherchons à ce que les habitants qui ont permis à une énergie bas-carbone et compétitive d’être produite bénéficient d’un retour.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux questions posées à titre individuel.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Il est indispensable de développer particulièrement l’éolien terrestre ; tous les scénarios énergétiques convergent sur ce point. Or le Gouvernement n’est pas tout à fait à la hauteur en la matière, ni dans les mots ni dans les actes.

S’agissant des mots, l’ensemble des acteurs de l’éolien – du Fonds mondial pour la nature (WWF) aux entreprises de la filière en passant par l’association Amorce – s’accordent sur le fait qu’il serait très risqué, pour l’atteinte de la neutralité carbone en France, d’étaler dans le temps l’objectif de développement de l’éolien terrestre, comme le Président de la République l’a annoncé à Belfort en février dernier. Le faible développement de l’éolien terrestre n’est dû ni au droit de l’environnement ni aux procédures, mais à un manque de volonté politique. Ainsi, certains préfets ne signent pas d’autorisation pour les projets de parc éolien si le ou les maires concernés n’en veulent pas.

Dans les actes, donc, ce n’est pas qu’une question de procédure : c’est une question de moyens humains, de participation des communes et de consignes données aux préfets. Au lendemain de la COP27, madame la ministre, entendez-vous revenir sur le discours de Belfort, qui risque de compromettre l’atteinte nos objectifs en 2050 ? Vous engagez-vous à proposer, dès le début de 2023, un projet de loi de finances rectificative visant à abonder les effectifs des services déconcentrés de l’État ?

M. Jean-Louis Bricout (LIOT). Il est nécessaire et urgent d’accélérer la production des énergies renouvelables, nous en convenons tous. Toutefois, le développement de l’éolien terrestre est déséquilibré ; c’est l’exemple même de ce qui fonctionne mal. Est-il supportable que des territoires entiers soient sacrifiés sur l’autel d’une transition énergétique non concertée ? Je pense aux Hauts-de-France, notamment à l’Aisne, où les élus et les populations ne se sentent plus respectés. La condition de l’acceptabilité est une répartition juste de l’effort consenti. Or mon territoire a déjà beaucoup donné. Le zonage tel qu’il est envisagé, avec une impossibilité de s’opposer, ne risque-t-il pas d’être contre-productif dans les territoires où s’exprime un ras-le-bol légitime devant les paysages saturés ?

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Dans votre propos introductif, madame la ministre, vous avez déclaré que vous souhaitiez « faire confiance aux maires », en leur permettant « d’avoir le dernier mot » : ils émettront « un avis conforme sur les zones prioritaires qui comprennent leur commune ». Pour clarifier les choses, accepteriez-vous de remplacer « sur les zones prioritaires » par « sur les projets éoliens » ? Les maires émettraient ainsi un avis conforme sur les projets éoliens qui concernent leur commune.

M. Vincent Descoeur (LR). Ce projet de loi sert l’objectif affiché de doubler la capacité de production de l’éolien terrestre, ce qui pose immanquablement la question de l’acceptabilité des projets par nos concitoyens. À cet égard, il est indispensable que nous parvenions à poser en toute transparence les conditions d’un développement apaisé et consenti. Vous l’avez rappelé, le Sénat a introduit dans le texte un chapitre entier consacré à la planification. À mes yeux, il importe de conserver un processus robuste d’identification des zones propices et, par voie de conséquence, des zones qui ne le sont pas et où tout déploiement devrait être interdit. Il faut permettre aux élus concernés au premier chef, à savoir les maires et les élus municipaux, de déterminer in fine la pertinence des projets et de se prononcer en émettant un avis conforme. Seriez-vous favorable à cette disposition, qui revient elle aussi à « faire confiance aux élus » ?

M. Jean-Yves Bony (LR). Le projet de loi que vous nous présentez prévoit l’installation de panneaux solaires partout où cela est possible, des délaissés routiers aux toitures en ville en passant par les ombrières de parking. On peut s’interroger sur certaines de ces options : est-on vraiment sûr de vouloir défricher nos bois pour y installer des panneaux ? Est‑il bien nécessaire d’introduire des entorses aux lois « littoral » et « montagne » pour quelques cellules photovoltaïques supplémentaires ?

Vous renforcez les obligations de couverture des parkings en ombrières, ce qui va peser non seulement sur les acteurs de la grande distribution, mais aussi sur les petites communes. Déjà soumises au Zéro artificialisation nette, celles-ci devront renoncer à des projets d’aménagement parce que des panneaux auront été posés sur des parkings qu’elles auraient bien voulu reconvertir !

Faites attention au risque de développement anarchique du solaire et au mitage. Les énergies intermittentes ne produisent pas en soirée, au moment des pics de consommation. Nous ne maîtrisons pas la production des matériaux et minerais de base, et les marchés profiteront essentiellement à des entreprises étrangères. Quelles actions le Gouvernement a-t-il prévues en parallèle de ce projet de loi pour encourager le développement d’une filière française ?

M. Pierre Vatin (LR). Depuis des années, les gouvernements successifs engagent des crédits importants pour soutenir la rénovation énergétique des bâtiments, censée permettre des économies sur le chauffage des logements. En France, le chauffage est en grande partie assuré grâce à la production électrique, du fait de notre avantage historique dans le nucléaire. Optimiser les systèmes de chauffage permet aux ménages de réaliser des économies et libère de l’électricité pour d’autres usages, mais décarbone finalement peu notre mix énergétique. En revanche, la production d’eau chaude sanitaire, qu’il est plus facile d’optimiser et qui repose en partie sur le gaz, offre une vraie marge de transition écologique. Elle pourrait être faite à partir de la géothermie, pour laquelle il existe, comme pour le chauffage, un potentiel dans de nombreux territoires. Or la géothermie est quasi absente de votre projet de loi. Pis, depuis le Grenelle de l’environnement, si la production a augmenté de 30 % en la matière, elle n’a contribué qu’à hauteur de 1 % à l’essor des énergies renouvelables en France. Puisque vous cherchez absolument à améliorer les statistiques relatives aux énergies renouvelables, pourquoi ne pas avoir exploré cette voie ?

M. Dominique Potier (SOC). Pour économiser les sols agricoles et naturels, il faut optimiser l’utilisation de toutes les surfaces artificialisées. À cette fin, nous avons deux propositions phares. La première est d’optimiser l’ensemble du domaine public fluvial – et non seulement les délaissés de Voies navigables de France, comme certains ont pu le croire – par exemple pour y installer des hydroliennes. La deuxième – même si sa rédaction n’est pas encore au point – consiste à optimiser les ZAE, en tirant parti de la chaleur fatale de certaines activités. Plus que tout autre lieu, les ZAE offrent des possibilités pour des projets d’efficience énergétique avec un haut degré d’acceptabilité. De l’avis de tous les acteurs concernés, cela nous permettrait d’économiser des milliers d’hectares d’espaces agricoles et naturels.

Par ailleurs, le groupe Socialistes et apparentés se réjouit de l’ouverture d’un débat sur la méthanisation en vue de la prochaine PPE. Nous pensons que les dispositifs de méthanisation qui font appel exclusivement aux effluents d’élevages ou de stations d’épuration doivent être identifiés comme tels.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Nous assistons à un festival de diversions : le projet de loi fait du poids des normes, du contentieux ou encore de la participation du public les boucs émissaires du retard de la France. Pourtant, la mission flash relative à l’acceptabilité et aux modalités de déploiement des énergies renouvelables que j’ai menée avec deux autres corapporteures l’a montré : vous n’accordez pas les moyens financiers et humains nécessaires pour accélérer réellement. La pénurie sévit dans les services chargés de l’instruction des projets, dans les juridictions administratives examinant les contentieux et au sein des opérateurs de l’État – je pense au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement et à l’Ademe. L’administration a été victime pendant plus de dix ans de coupes méthodiques dans les effectifs. France Énergie éolienne estime par exemple qu’il faut 50 équivalents temps pleins supplémentaires à la DGEC pour les projets d’éolien offshore et autant pour les projets d’éolien terrestre.

Vous avez éliminé par un recours au 49.3 les amendements que nous avions consacrés à cette question dans le projet de loi de finances. Qu’attendez-vous pour donner à l’État, à travers ce projet de loi, les moyens d’assumer son rôle de planificateur de la bifurcation énergétique ?

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Si l’on excepte le vin, notre pays est largement importateur net, en valeur, en matière de produits alimentaires. De plus, les surfaces agricoles reculent année après année. Il faut donc veiller à ce que le développement de la méthanisation et de l’agrivoltaïsme ne se fasse pas au prix d’une diminution de la production agricole et d’un accroissement de l’artificialisation des sols. Par ailleurs, le projet de loi ne mentionne aucun objectif chiffré concernant ces deux modes de production d’énergie.

M. Luc Lamirault (HOR). Le Gouvernement entend supprimer l’article, introduit par le Sénat, relatif à l’installation de panneaux photovoltaïques à la place des toits de bâtiments agricoles contenant de l’amiante. Il faudrait, au contraire, étendre le dispositif à d’autres bâtiments, notamment ceux des usines.

Mme Danielle Brulebois (RE). La valorisation des combustibles solides de récupération (CSR) permet de produire de la chaleur et de l’électricité. Or, en France, les CSR ont toujours le statut de déchets, ce qui bloque le développement de la filière.

Par ailleurs, les installations photovoltaïques ayant pour objet l’autoconsommation, sans revente d’électricité, se développent chez les particuliers. Certains font même don de leur électricité au voisinage. Il convient d’encourager cette pratique coopérative.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Il n’y a aucun chemin pour atteindre nos objectifs climatiques qui ne commence par une division par deux de la consommation d’énergie. Je regrette donc que nous ne fassions pas les choses dans l’ordre : le débat se concentre d’abord sur les moyens de produire de l’énergie, alors que l’urgence absolue – qui est aussi une urgence sociale – est de réduire la consommation.

Je regrette également une erreur de diagnostic : le retard français en matière de développement des énergies renouvelables s’explique non pas par la préservation de la biodiversité et par les obligations imposées par le code de l’environnement, mais par une absence totale de volonté politique. La nation s’est également réfugiée pendant très longtemps dans la croyance selon laquelle le nucléaire allait la mettre à l’abri des difficultés énergétiques – que nous connaissons désormais.

Enfin, le texte ne réglera pas les problèmes. Il vise à dissimuler le projet de loi qui engagera un nouveau programme nucléaire. Surtout, vous vous trompez de modèle : les énergies renouvelables doivent être décentralisées, à la main des territoires, ce qui suppose une adaptation de l’ensemble du schéma énergétique.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert (RE). Ce texte était très attendu par les députés, par les territoires et par les citoyens. Malgré l’importance de l’électrique, il ne faut pas oublier la dimension thermique, à travers notamment le solaire et la géothermie. Il faut également développer des filières industrielles dans notre pays – je pense par exemple aux panneaux photovoltaïques. Enfin, les communes rurales ont très envie de s’engager ; elles souhaitent qu’à chaque projet d’énergie renouvelable développé sur leur territoire corresponde un service public pour leurs habitants. Nous aurons plaisir à enrichir ensemble le texte dans ce sens.

M. Pierre Meurin (RN). Pour défendre votre texte, madame la ministre, vous avez dit que nous devions être capables de faire aussi bien que les pays qui respectent leur trajectoire en matière d’énergies renouvelables. Or, s’ils le font, c’est parce que leur mix énergétique est bien plus carboné que le nôtre. Le nucléaire fait de nous les champions du bas-carbone.

Il convient donc de renverser la question : pourquoi vous obstinez-vous à développer les énergies dites renouvelables, qui sont en fait intermittentes et nous obligent à rouvrir des centrales à charbon ? Il faudrait plutôt adopter une véritable vision d’avenir en investissant dans l’hydrogène et la géothermie, entre autres. Un plan consacré à la question est en cours d’élaboration, dites-vous – il aurait fallu l’intégrer à un texte plus global consacré à la stratégie énergétique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Madame Belluco, le projet de loi de finances renforce les effectifs, aussi bien au niveau central qu’au niveau déconcentré. Par ailleurs, une circulaire du mois de septembre donne des consignes très précises aux préfets, de manière à ce que le déploiement des énergies renouvelables soit une priorité. Ils doivent cartographier les lieux, accompagner les élus locaux dans la détermination de nouveaux projets, faire des points d’étape réguliers concernant l’avancement des projets et imaginer des solutions pour lever les points de blocage. On ne saurait donc dire que la volonté politique fait défaut.

Monsieur Bricout, l’enjeu est effectivement de faire en sorte que les zonages soient incitatifs. Les porteurs de projets, dès qu’ils en seront avisés, entreront en relation avec les élus locaux. Des appels à projets spécifiques pourront aussi être envisagés, et le fait de s’inscrire dans un zonage pourra rapporter des points supplémentaires. La définition des zonages tiendra compte également de ce qui existe déjà, par exemple les paysages saturés que vous évoquiez – c’est tout l’intérêt de la planification. L’objectif n’est pas d’ajouter de la pression dans un territoire déjà fortement orienté vers une énergie renouvelable : il faut répartir l’effort. La modulation des tarifs pourra y concourir.

Monsieur Vermorel-Marques, l’Association des maires ruraux de France a expliqué, dans un communiqué, pourquoi elle ne demandait pas à disposer d’un droit de véto. Intercommunalités de France s’est prononcée dans le même sens. Si j’en crois les très nombreuses remontées du terrain à propos de cette proposition du Sénat, celle-ci provoque une véritable levée de boucliers chez les élus. Je fais donc droit à leur demande. Les maires ruraux sont confrontés à la question du développement des énergies renouvelables. Ils souhaitent être accompagnés. Nous proposons donc de leur fournir de l’ingénierie, des crédits et des moyens de cartographie, pour faire en sorte de sélectionner les meilleurs porteurs de projets et d’aller plus vite, sans pour autant risquer d’avoir de mauvaises surprises.

Monsieur Bony, nous prévoyons d’installer des installations photovoltaïques dans les territoires délaissés et dégradés, pas dans les espaces naturels. De même, les ombrières ne concerneront pas tous les parkings : une disposition prévoit une dispense en cas de contraintes économiques ou techniques.

Il faut effectivement développer les filières. C’est pour cela que nous avons soutenu, à travers le plan de relance puis France 2030, la recherche et développement ainsi que l’innovation préindustrialisation en matière d’énergies renouvelables – cela concerne aussi l’hydrogène, même si ce n’est pas une énergie mais un vecteur énergétique.

Monsieur Vatin, la chaleur est prise en compte : c’est l’objet du titre II. Le plan Énergies renouvelables la traite également. Certaines mesures sont d’ordre réglementaire, car tout ne passe pas par la loi, et c’est très bien : cela vous permet de vous concentrer sur les sujets stratégiques.

Monsieur Potier, je relève la volonté d’une approche prenant en compte l’ensemble du domaine fluvial. Il faut trouver la bonne rédaction et rapprocher les positions mais sur le plan des principes, rien ne s’y oppose – c’est même la logique que nous défendons : nous voulons utiliser les zones inemployées et dégradées pour y faire du photovoltaïque.

Les zones d’activité économique doivent effectivement être transformées en zones à énergie positive. Là encore, il faut trouver la bonne rédaction.

L’enjeu que constitue la méthanisation est remonté au fil des travaux. Il est dommage de se passer du lisier notamment. Les effluents sont un sujet plus sensible, à cause des risques liés à l’épandage. Je n’ai pas encore trouvé d’approche équilibrée et de rédaction permettant de concilier la sécurité sanitaire et l’intérêt qu’il y aurait à utiliser cet intrant.

Madame Guetté, vous avez raison de rappeler que des réductions d’effectifs ont touché les ministères de la transition énergétique et de la transition écologique ainsi que leurs opérateurs. Le phénomène concerne d’ailleurs les vingt dernières années : de nombreux gouvernements sont donc en cause. Nous y avons mis fin cette année. Les moyens humains ont même été renforcés, notamment s’agissant de la filière des énergies renouvelables. Les crédits d’études pour accompagner les projets d’éolien en mer, notamment, ont été augmentés. Peut-être n’est-ce pas assez, mais nous nous sommes engagés dans la direction que vous souhaitez.

Madame Trouvé, notre objectif est évidemment de concilier souveraineté alimentaire et souveraineté énergétique. Il n’est donc pas question de remettre en cause notre potentiel de production alimentaire. C’est la raison pour laquelle nous privilégions les installations conciliables avec la production agricole, ou alors les installations démontables, donc réversibles. Il s’agit de faire en sorte que certains agriculteurs produisent en plus un peu d’énergie, et non pas que des producteurs d’énergie fassent un peu d’agriculture. Nous avons prévu des limites. Il en va de même pour la méthanisation : nous nous assurons que la biomasse utilisée ne soit pas composée de produits à usage alimentaire.

Monsieur Lamirault, s’agissant des toits avec de l’amiante, le Sénat a demandé un rapport. Je suggère que nous travaillions à la question, mais sous une autre forme. Par ailleurs, cette mesure n’est pas d’ordre législatif. Voilà pourquoi nous proposons la suppression de l’article. Il en va de même pour l’expérimentation. Cela ne veut pas dire que la question ne se pose pas – elle est même particulièrement sensible pour de telles constructions dans le monde agricole. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le sénateur Daniel Gremillet avait défendu l’idée.

Madame Brulebois, des améliorations sont possibles s’agissant du statut de déchet du CSR. Nous sommes prêts à y travailler.

Nous venons de publier des textes réglementaires facilitant l’utilisation d’installations photovoltaïques ayant pour objet l’autoconsommation collective. Il est possible de recevoir d’emblée 80 % du financement, alors que celui-ci était étalé sur cinq ans.

Madame Batho, la baisse de la consommation énergétique est le premier levier que j’ai mentionné. Elle passe à la fois par la sobriété énergétique, le changement des comportements et l’efficacité énergétique, c’est-à-dire l’utilisation de technologies permettant, à usage égal, de diminuer la consommation d’énergie. Le plan de sobriété énergétique, le premier du genre, a été annoncé il y a un mois, sous l’égide de la Première ministre. La nouveauté consiste dans le fait que nous mettons la pression sur les acteurs de premier plan – grandes administrations, collectivités locales importantes, entreprises – pour qu’ils avancent. De nombreuses collectivités se sont ainsi engagées devant leur conseil exécutif, et les trois quarts des grandes entreprises ont adopté un plan de sobriété ; une large partie d’entre elles l’a même présenté en conseil d’administration, ce qui confère au document une valeur juridique forte.

Vous regrettiez l’absence de volonté politique. Bonne nouvelle : désormais, celle-ci existe – je ne dirai rien des vingt dernières années. Nous l’avons très clairement notifiée à nos bras armés dans les territoires, à savoir les préfets.

Le système énergétique deviendra de plus en plus décentralisé. Le consommateur sera aussi un peu producteur. La production sera donc beaucoup plus atomisée, ce qui changera les règles du jeu pour les réseaux de distribution et de transport, ainsi que les modalités de pilotage. C’est un des principaux défis auxquels nous serons confrontés. Les réseaux, en particulier, deviendront des infrastructures encore plus stratégiques, d’autant que le réchauffement climatique risque d’affecter leur fonctionnement bien davantage que celui des centrales nucléaires, déjà conçues pour résister à de très fortes chaleurs ou à de très grands froids. Des investissements importants seront nécessaires. Ce sera l’un des enjeux de la prochaine PPE.

La géothermie bénéficie déjà de procédures simplifiées, notamment pour les installations peu profondes. Il ne nous paraît pas souhaitable de modifier les règles, au risque de les complexifier, mais si vous avez des propositions, je suis preneuse. L’enjeu est plutôt de conforter la filière, notamment en développant les compétences en matière de forage. De telles installations sont prometteuses, surtout dans le nouveau monde énergétique dans lequel nous sommes entrés. En effet, elles ont un double usage : chaleur et refroidissement. Le second deviendra très important, notamment pendant les épisodes de canicule. En outre, l’augmentation des prix des énergies devrait favoriser l’émergence de nouveaux projets de géothermie, qui pâtissaient jusqu’à présent de coûts d’investissement élevés et d’un retour sur investissement très long.

Monsieur Meurin, nous ne sommes pas les champions du bas-carbone : il n’y a pas que l’électricité dans le système énergétique, ou alors, coupez le chauffage chez vous ! Les deux tiers de notre mix énergétique sont constitués par des énergies fossiles : là est l’enjeu. Ce qui est vrai, c’est que l’électricité est décarbonée : elle l’est effectivement à 92 %, et c’est notre fierté. Mais le nucléaire ne représente que 20 % du système énergétique global.

Par ailleurs, l’hydrogène n’est pas une énergie : c’est un vecteur. Pour en produire, il faut commencer par trouver de l’énergie.

Je vous signale que la Suède est une championne du bas-carbone, alors même que la part des énergies renouvelables dans son mix est très élevée – il comprend aussi un peu de nucléaire. Manifestement, le pays a donc résolu le problème du pilotage. Il est vrai que les centrales à gaz sont les plus faciles à piloter, mais la France peut se prévaloir de savoir augmenter et réduire sa production nucléaire. L’énergie hydraulique est également pilotable. Et nous travaillons sur le caractère intermittent des énergies renouvelables : coupler éolien et photovoltaïque par exemple, comme cela se fait dans la péninsule ibérique, permet d’améliorer sensiblement le taux d’usage. Le procédé permet de monter au-delà de 50 %, voire de 60 %, et donc de diminuer fortement l’intermittence.

À cet égard, les investissements dans la recherche et développement ont du sens, car on ne peut compter seulement sur le nucléaire : il faut quinze ans pour construire un réacteur, à supposer qu’aucun obstacle ne surgisse. Entre-temps, que fait-on ? Le nucléaire pose aussi la question de la gestion des déchets. Du côté des énergies renouvelables, nous travaillons sur l’intermittence et le stockage – en particulier de haute densité.

Il n’y a pas d’énergie parfaite : certaines consomment peu d’espace, d’autres beaucoup ; certaines ne plaisent pas dans les paysages, d’autres sont invisibles ou concentrées ; certaines sont plus ou moins intermittentes. Aucune ne permet à elle seule de répondre à tous nos besoins. Il faut donc un panier énergétique varié, incluant aussi, comme cela a été relevé de toutes parts ici, la chaleur renouvelable.


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du lundi 21 novembre 2022 à 16 heures

Présents.  M. Laurent Alexandre, M. Henri Alfandari, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Éric Bothorel, M. Jean-François Coulomme, M. Charles Fournier, M. Alexis Izard, M. Guillaume Kasbarian, M. Maxime Laisney, M. Luc Lamirault, M. Pascal Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, M. Éric Martineau, M. Dominique Potier, M. Charles Rodwell, Mme Anaïs Sabatini, Mme Aurélie Trouvé

Excusés.  Mme Anne-Laure Blin, M. Éric Girardin, Mme Florence Goulet, Mme Mathilde Hignet, M. William Martinet, M. Nicolas Pacquot