Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

 Audition de M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, sur les mesures en faveur de l’agroécologie              2

 


Mardi 7 mars 2023

Séance à 17 heures 15

Compte rendu n° 47

session ordinaire de 2022-2023

Présidence de

M. Jean-Marc Zulesi,

président


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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, sur les mesures en faveur de l’agroécologie.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Monsieur le ministre, je vous remercie beaucoup d’avoir accepté notre invitation à cette audition – qui est pour vous la première devant notre commission – consacrée aux mesures en faveur de l’agroécologie.

L’actualité est particulièrement riche d’enjeux qui intéressent directement notre commission. Le Salon de l’agriculture nous a permis d’évoquer directement avec nos agriculteurs plusieurs thèmes qui nous tiennent à cœur : la gestion de la ressource en eau, la préservation de la biodiversité, l’adaptation de l’agriculture au dérèglement climatique, mais aussi la consigne, l’alimentation durable, le sujet très important des semences ou encore l’origine des matières premières. Notre commission, engagée pour la protection de notre environnement, ne saurait se détourner de ces enjeux.

Qui plus est, les questions environnementales ont pris tout récemment une acuité particulière à la lumière d’importantes décisions sur l’usage des produits phytosanitaires, à propos desquelles nous souhaitons bien sûr vous entendre. Je pense évidemment à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui a précisé le champ de l’interdiction de l’usage des néonicotinoïdes ; je pense aussi à l’expertise de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) sur le risque de contamination des eaux souterraines par l’herbicide S-métolachlore, qui conduit l’agence à engager une procédure de retrait des principaux usages de cette substance.

Notre agriculture, une fierté nationale, doit relever de grands défis : garantir la souveraineté alimentaire et un revenu décent aux agriculteurs, mais aussi s’adapter à des événements climatiques extrêmes, en particulier à des épisodes de sécheresse qui posent avec acuité la question de la gestion de la ressource en eau. Il faut adapter les pratiques afin d’assurer l’avenir de notre modèle agricole. Il est de notre responsabilité de nous engager concernant l’ensemble de ces sujets.

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Merci de votre invitation.

Il est logique que l’on parle d’agriculture au sein de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire : les surfaces agricoles et la forêt – dont je suis également chargé – représentent 90 % de notre territoire et sont entièrement anthropisées – il n’en est aucune qui ne soit le produit, parfois pluriséculaire, du travail des hommes et des femmes qui y vivent.

On l’oublie parfois, la fonction première de l’agriculture est de nourrir. La crise ukrainienne est venue nous le rappeler, ainsi que la possibilité d’utiliser l’alimentation comme une arme, suffisamment puissante pour obliger un pays à changer de position – quand vous ne pouvez pas nourrir votre population, vous êtes très fragile face à des tiers. La souveraineté alimentaire est donc centrale. Nous avons longtemps pensé avoir laissé cette question derrière nous, car la réussite de l’agriculture française d’après-guerre était une production à la hauteur de nos besoins en quantité, mais aussi en qualité, à prix bas. En réalité, elle est en grande partie devant nous, en raison des enjeux géopolitiques et du défi climatique.

La souveraineté alimentaire n’est ni le repli, ni l’autarcie, ni l’autosuffisance. Notre pays a une vocation exportatrice dont il serait dommage qu’il se prive, y compris parce qu’elle donne une influence que d’autres, aux frontières de l’Union européenne, n’hésitent pas à exercer.

La souveraineté ne s’oppose ni au développement durable, ni à l’environnement. En effet, elle appelle un modèle qui résiste cinq ans, dix ans, vingt ans, trente ans, en particulier au dérèglement climatique et à ses conséquences. Penser le modèle agricole à partir de celui que nous avons construit depuis 1945, ou même avant, serait une erreur : nous devons ménager des transitions qui lui permettent de s’adapter, région par région. On voit avec quelle dureté l’arythmie climatique affecte l’élevage dans le Massif central : le système prairial n’est pas fait pour ce dérèglement.

Afin d’y parvenir, il nous faut travailler sur plusieurs sujets. D’abord, la planification. Pour atteindre la souveraineté alimentaire, le statu quo n’est pas envisageable : il est nécessaire de tenir compte des évolutions, sachant que si nous voulons nous montrer responsables, nous ne pouvons pas être vertueux chez nous tout en recourant à des importations qui ne le seraient pas. Nos objectifs doivent être conçus dans le cadre européen – celui du marché unique, du marché commun. Ne prônons pas la vertu à l’intérieur de nos frontières tout en laissant faire autrement à l’extérieur pour pouvoir nous nourrir ; inutile de détailler les problèmes que posent le carbone importé ou l’empreinte importée de l’eau ou des phytosanitaires.

Ensuite, il nous faut définir des objectifs.

Enfin, pour atteindre ces objectifs, il faut assumer des transitions. Aucun secteur ne peut supporter des coups de volant si violents qu’ils créent des ruptures dans la production. La transition, dont tout le monde a besoin, ne doit pas être perturbée par des changements pour les acteurs économiques. De même, dans le cas de la transition de la voiture thermique à la voiture électrique, aucun industriel ne comprendrait que l’on modifie complètement les règles en cours de route.

Dans le monde agricole, c’est avec 380 000 agriculteurs qu’il faut procéder à la transition : celle-ci doit être massifiée. Cela suppose de lever des freins psychologiques, mais aussi économiques : certains ne pourront assumer la transition sans rémunération. Or il faut qu’elle puisse tenir dans la durée. D’ailleurs, si la planification est nationale, elle n’en doit pas moins être abordée à hauteur d’exploitation pour être compréhensible et supportable.

Un mot sur le projet de loi d’orientation agricole et sur le pacte d’avenir. Ce que la société peut attendre de l’agriculture, mais aussi ce que l’agriculture est en droit d’attendre de la société, tel est le sens du pacte – sinon, la relation serait unilatérale. Quant à la loi d’orientation, elle permettra de se donner de grands principes combinant la souveraineté dans toutes ses composantes et la planification écologique, incluant un cap à dix ou vingt ans, car aucun modèle économique ne supporte l’arythmie des décisions politiques : il faut faire preuve de continuité vis-à-vis des agriculteurs et agricultrices.

Je le répète, la souveraineté alimentaire et la sobriété environnementale et climatique sont complémentaires et indissociables ; ce serait une erreur de les opposer. Si nous ne pensons pas l’eau différemment, nous aurons un problème d’accès à l’eau. Si nous ne pensons pas différemment l’apport de la biodiversité, nous n’y arriverons pas. En même temps, il faut le faire selon un modèle de production.

Je m’attarderai enfin sur deux sujets.

Premièrement, la stratégie phytosanitaire, maintes fois évoquée depuis vingt ou vingt-cinq ans, doit être modifiée. Nous sommes dans une impasse, pour plusieurs raisons.

D’abord, on est allé d’interdiction en interdiction, de dérogation en dérogation, alors qu’une interdiction ne fournit jamais de solution, qu’une dérogation n’est pas une solution non plus quand elle n’est pas planifiée et que, renouvelée tous les ans, elle n’est plus une dérogation, mais une règle. Qu’avons-nous fait, comment avons-nous pu construire depuis vingt-cinq ans un modèle dans lequel, chaque année, on vient demander au ministère de l’agriculture une dérogation pour pouvoir continuer telle ou telle production ? Dans ce contexte, la planification est impossible.

Ensuite, à force d’éliminer des molécules, il n’en reste plus qu’une ou deux à utiliser dans certaines filières : que l’une disparaisse et les difficultés sont assurées.

Enfin, il faut absolument éviter les surtranspositions. Si certaines sont le produit de la loi – comme pour l’interdiction des néonicotinoïdes, qui figure dans la loi de 2016 –, d’autres résultent de notre suradministration ou de notre propension à créer, par les règlements, de la norme supplémentaire. Or nous devons nous rappeler que nous sommes dans un marché unique : il n’est pas crédible de prétendre fermer nos frontières aux produits venus de chez nos voisins européens. Les débats qui concernent la santé ou l’environnement doivent se tenir au bon niveau : au niveau européen.

Pour la planification, il faut une stratégie collective associant les instituts de recherche – Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), instituts techniques – et l’Anses, qui doit dialoguer davantage avec eux. Quelles sont les molécules à risque, quelles sont celles qui vont sortir, quels programmes de recherche – fondamentale et appliquée – lance-t-on ? La désynchronisation des projets nourrirait l’incompréhension. De ce point de vue, ce que nous avons fait au sujet de la grippe aviaire – étudier les contraintes sanitaires et les adapter aux réalités du plein air – pourrait servir de modèle.

Second sujet, d’actualité s’il en est : l’eau et la sécheresse. Les assises de l’eau, puis le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, ont posé le principe d’une gestion quantitative de l’eau et de l’accès à l’eau. D’une part, toute goutte d’eau est rare, et pas seulement dans le monde agricole, ce qui appelle des systèmes les plus économes en eau et la plus grande productivité possible – en arboriculture, le goutte-à-goutte permet parfois de réduire la consommation d’eau de 40 %, voire 50 %, tout en répondant aux besoins. D’autre part – je le répète au risque d’ânonner –, on a besoin d’eau dans l’agriculture, depuis des millénaires, et, dans notre pays, les territoires concernés sont de plus en plus vastes. Il faut donc penser l’économie et la ressource au sein d’un cycle arythmique.

J’étais ce matin avec des élus des Hautes-Alpes. L’eau du lac de Serre-Ponçon – il a fallu en couvrir des milliers d’hectares pour le créer – sert, du Sud des Hautes-Alpes jusqu’à l’embouchure du Rhône, aux habitants, aux agriculteurs, à la lutte contre l’incendie ou lors de l’étiage. Heureusement qu’il a été construit ! Évidemment, c’est une anthropisation, mais dont on ne peut nier l’utilité, même si ce territoire a plus que d’autres l’habitude de l’arythmie climatique.

Au sujet de l’eau, nous avons aussi agi sur l’assurance récolte pour couvrir le risque maximal en cas de grosse difficulté. Il s’agit en outre de faire évoluer les pratiques en adaptant l’assolement. Enfin, il faut créer de nouveaux ouvrages.

Nous disposons d’un levier de massification des changements : la démographie. En effet, 40 % des agriculteurs vont pouvoir partir à la retraite dans les dix années qui viennent : c’est considérable. Il faut penser le système d’installation en fonction de ce que sera l’agriculture demain et des futures contraintes, particulièrement climatiques : il faut pouvoir résister aux aléas du climat, danger mortel pour l’agriculture dans tous les territoires. Nous y travaillerons dans le cadre du projet de loi d’orientation et du pacte d’avenir.

Pour conclure, voici les trois principaux éléments à retenir. Premièrement, la souveraineté alimentaire n’est pas incompatible avec les préoccupations propres à votre commission, car un système durable en est un élément. Deuxièmement, la planification est obligatoire, sinon le système ne tiendra pas et les agriculteurs seront dans l’impasse – c’est déjà le cas dans certaines filières. Troisièmement, n’oublions jamais que, derrière tout ce que nous disons, il y a des réalités humaines, et des gens qui ont l’impression d’injonctions parfaitement contradictoires. Soyons donc cohérents, faisons preuve d’une volonté commune pour leur montrer notre attachement, et pas seulement à l’occasion coutumière et commode du Salon de l’agriculture.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jean-François Lovisolo (RE). Nous sommes régulièrement interpellés par les exploitants agricoles au sujet de la baisse d’attractivité des métiers, de la surtransposition, du manque d’alternatives aux pesticides ou encore des aléas climatiques. De gros problèmes de sécheresse et d’irrigation se posent et certaines filières, comme l’agriculture biologique ou le secteur viticole, sont en crise. L’accès au foncier est un autre enjeu ; il faut mieux accompagner l’installation et l’habitat des jeunes.

Le Président de la République et la Première ministre ont annoncé au Salon de l’agriculture le lancement d’une véritable planification agroécologique afin de trouver des solutions pour chaque agriculteur rencontrant des difficultés, notamment en lien avec les interdictions de pesticides.

Vous y avez-vous-même annoncé un plan visant à accompagner la filière des fruits et légumes en développant sa capacité productive tout en relevant les défis écologiques. Il a été unanimement salué par les professionnels pour la volonté qui l’anime d’accroître les rendements des exploitations. Parmi ses grands axes, figure le renforcement des moyens dédiés à la recherche et à l’expérimentation, en maximisant les financements de France 2030. C’est une absolue nécessité pour protéger ces filières, fragilisées par des impasses sanitaires qui empêchent le maintien de nos capacités de production.

Malgré l’urgence de trouver des alternatives pour sortir des dépendances et renouer ainsi avec la souveraineté alimentaire, l’avenir de l’agriculture doit tenir compte du temps de la science. L’État doit donc être au rendez-vous pour accompagner durablement nos agriculteurs dans la transition, qui ne se fera pas en un an et qui est plus difficile pour certaines filières.

Quel sera le montant annuel des crédits d’État affectés à la recherche et à l’expérimentation en faveur des fruits et légumes ?

Comment ces financements seront-ils fléchés de manière à bénéficier prioritairement aux filières qui sont dans des impasses en matière phytosanitaire ? C’est urgent, compte tenu des délais nécessaires pour aboutir à des solutions alternatives efficaces.

Quelles mesures d’indemnisation seront prises pour assurer la pérennité de ces filières ?

M. Emmanuel Blairy (RN). L’une des nombreuses mesures du plan France 2030 est le programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) « Agroécologie et numérique ». Il prévoit 65 millions d’euros sur huit ans, soit 156 euros par exploitation – au dernier recensement, en 2020, on dénombrait plus de 400 000 exploitants. Pour mon groupe, c’est insuffisant eu égard aux ambitions affichées : « mobiliser le numérique pour accélérer la transition agroécologique, au bénéfice de tous les agriculteurs ». Comment peut-on penser sérieusement qu’un plan à 65 millions suffira à permettre une troisième révolution agricole ?

Au-delà du montant, nous souhaitons connaître les actions concrètes envisagées pour diffuser les innovations auprès des agriculteurs. Selon l’Insee, en 2019, plus de la moitié des chefs d’exploitation avaient plus de 50 ans. La transition agroécologique que le Gouvernement appelle de ses vœux ne pourra se faire sans une communication adaptée et, éventuellement, des actions de formation, elles aussi adaptées. Il s’agit d’inciter sans obliger.

Les agriculteurs doivent être associés très en amont aux programmes de recherche. La transmission doit être assurée par des organismes de formation ou par les chambres d’agriculture, dont le rôle est d’objectiver les innovations fondées sur des connaissances scientifiques et agronomiques nouvelles. Quelles mesures concrètes pour permettre cette diffusion ?

Les innovations ne doivent pas servir de prétexte aux entreprises de la filière et aux laboratoires pour rendre les agriculteurs dépendants de leurs solutions. Prévoyez-vous de faire entrer dans le domaine public les innovations issues de recherches financées par des fonds publics ?

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Chaque Française et chaque Français doit pouvoir manger correctement, sans pesticides, antibiotiques ni perturbateurs endocriniens dans son assiette.

En ce qui concerne les pesticides, c’est une catastrophe. On a du recul sur les effets du glyphosate, classé cancérogène probable par le Circ (Centre international de recherche sur le cancer) et dont on retrouve des traces dans 99,8 % des échantillons d’urine prélevés sur les Français. Les plans Écophyto prévoyaient une diminution des pesticides de 50 %, mais la consommation de pesticides n’a pas baissé depuis 2008 ; elle a même augmenté. Le Monde a révélé en septembre dernier qu’en 2021, 12 millions de Françaises et Français ont bu une eau contaminée aux pesticides.

En fait, notre agriculture reste totalement dominée par un modèle destructeur – destructeur d’emplois, de vie, de biodiversité. Dans notre pays, 1 % des exploitations produisent deux tiers des porcs, des poulets et des œufs.

La loi Egalim prévoyait 20 % de bio dans les cantines au 1er janvier 2022 ; on n’en est même pas à 6 %. Vous avez annoncé la semaine dernière une aide d’urgence de 10 millions d’euros pour les fermes bio ; le chiffre paraît impressionnant, mais il ne revient qu’à 166 euros par ferme ; pour aider les filières bio, il faudrait au moins dix fois plus. Il y a un an, pour le porc conventionnel en élevage intensif, vous avez débloqué 270 millions d’euros !

Par ailleurs, absolument rien n’est entrepris pour réduire la production de viande et végétaliser les assiettes, alors que, selon l’Ademe (Agence de la transition écologique), il faut réduire la consommation de viande de 70 % pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.

Qu’avez-vous très concrètement prévu pour changer de modèle agricole, pour sortir de l’agriculture industrielle, intensive, productiviste, et pour diminuer fortement la part des élevages dans notre agriculture ?

M. Jean-Yves Bony (LR). En octobre dernier, un rapport du Sénat sur la compétitivité de la ferme France révélait le décrochage de notre agriculture, passée en vingt ans de la deuxième à la sixième place dans le classement des exportateurs mondiaux. Elle n’arrive même plus à remplir l’assiette des Français, notamment dans les cantines. Nos importations alimentaires ont doublé en vingt ans et les échanges de notre pays avec ses principaux partenaires européens sont en déficit chronique.

Vous dites que l’agroécologie est au cœur de la souveraineté alimentaire, mais ces deux enjeux ne s’opposent-ils pas ? Comment prétendre rester une puissance agricole quand on adoube le Pacte vert européen, qui promeut un modèle de décroissance, va engager un virage écologique à marche forcée et retirer de notre surface agricole utile 10 % de nos parcelles ? La stratégie « De la ferme à la table » aboutira chez nous à une chute de la production de 20 %, conduisant au doublement de nos importations alimentaires et à une perte de valeur de 12 milliards d’euros par an, alors qu’il est reconnu qu’il faudrait 60 % de production agricole en plus pour nourrir 9 milliards d’êtres humains d’ici à 2050.

Le discours environnemental a contribué par sa surenchère agroécologique à orienter l’agriculture française vers une production haut de gamme, ce qui n’a ni préservé le revenu des agriculteurs, ni séduit le consommateur français, qui, avec le peu de pouvoir d’achat qui lui reste, a préféré des produits moins élitistes, mais plus accessibles.

La France est en train de reproduire avec l’agriculture l’erreur qui a été commise dans les années 1980 avec l’industrie. Va-t-on continuer à plomber ce secteur économique en lui imposant un virage forcé vers toujours plus d’exigences environnementales ou stopper enfin la tiers-mondialisation de notre agriculture ? Comment, monsieur le ministre, allez-vous expliquer à un éleveur du Cantal qu’il doit encore réduire sa production alors qu’il détient moins d’une unité de gros bétail (UGB) à l’hectare et que, parallèlement, on importe de la viande du Brésil ? Comment peut-on souhaiter, à l’instar de certains « grands penseurs », une baisse drastique de la production de céréales, qui transformerait progressivement nos terres agricoles en champs de marguerites ?

Redonnons sa place à notre agriculture avant qu’il ne soit trop tard et posons-nous la seule question qui vaille : peut-on rester souverain si l’on produit toujours moins ?

M. Hubert Ott (Dem). L’art de vivre à la française est envié dans le monde entier. Notre gastronomie, qui en fait partie, est étroitement liée à la grande diversité de production que permet notre territoire national, entre bords de mer et sommets de grandes montagnes. Pilier de son attractivité touristique, la beauté de notre pays découle de ces réalités agricoles et pastorales, qui ont façonné le paysage et notre cadre de vie. Elles incarnent nos traditions et traduisent le caractère pittoresque et bucolique du paysage français.

Grande force de notre pays, l’agriculture nous impose aussi sa fragilité, celle d’une activité économique dépendant des réalités météorologiques et de leurs caprices. Cette fragilité se trouve accentuée par le changement climatique que nous connaissons. Le défi que doit relever notre agriculture est d’adapter nos choix et nos pratiques agricoles à l’imprévisibilité de cycles météorologiques inédits. Face à l’accélération et à l’accentuation des épisodes de stress hydrique et thermique, nous n’avons d’autre choix que de privilégier une stratégie d’atténuation de leurs conséquences et d’adaptation aux nouvelles réalités qui touchent les deux grandes contraintes physico-chimiques qui s’imposent au vivant, à savoir l’eau et la température.

Il existe néanmoins des solutions évidentes, simples et rapides à mettre en œuvre. Le vignoble alsacien est le plus vert de France ; avec un taux de 32 %, il détient le record national des conversions en agriculture biologique et la haute valeur environnementale (HVE) y est une pratique généralisée. Dans ce vignoble, un effort particulier porte sur les franges de culture. On a remis au goût du jour l’entretien des murets en pierres sèches et l’embuissonnement des talus. Cela contribue à offrir de nouveaux espaces à la biodiversité en milieu cultivé, et produit un paysage susceptible d’atténuer le changement climatique, tout en participant à la décarbonation.

La généralisation d’une telle approche – arborer les franges de culture – constitue l’une des voies de la transition agricole. Que pensez-vous, monsieur le ministre, de la réhabilitation des haies et des bosquets et de l’utilisation des principes de l’agroforesterie dans l’ensemble de nos territoires agricoles ?

Mme Chantal Jourdan (SOC). La loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a inscrit l’agroécologie dans l’article 1er du code rural. Elle fixe pour objectif à l’agriculture une triple performance économique, environnementale et sociale.

L’agroécologie est avant tout une démarche systémique, qui requiert des changements collectifs. La cohérence des décisions prises en la matière est primordiale. C’est pourquoi je voudrais aborder quelques sujets qui nous semblent poser des problèmes.

Le secteur du bio traverse une crise majeure. Le plan d’aide annoncé par Mme la Première ministre est tout simplement ridicule. Son enveloppe budgétaire représente seulement 166 euros par ferme ! Les producteurs bio en viennent à s’engager dans la déconversion, ce qui est une hérésie, vu que 40 % des jeunes qui souhaitent s’installer envisagent une agriculture bio. Pourtant, il existe des outils, comme l’objectif de 20 % de produits bio dans la restauration collective. Que comptez-vous faire pour que la loi Egalim soit appliquée ? Êtes-vous prêt à réviser les aides au secteur bio ?

Venant d’une terre d’élevage, l’Orne, je voudrais vous faire part de l’inquiétude des agriculteurs. Faute d’une rétribution suffisante, ils abandonnent le modèle traditionnel de polyculture. Les conséquences sont catastrophiques sur les paysages, la faune, la flore, la qualité des sols, l’eau et l’air. L’écosystème est menacé. Seriez-vous d’accord pour engager une politique associant culture et élevage qui favoriserait l’élevage extensif, le maintien des prairies et la reconquête des cultures locales riches en protéines ?

Vous estimez que nous sommes dans une impasse tant que nous ne disposons pas de produits de remplacement des produits phytosanitaires. Pourtant, il existe de nombreuses solutions écosystémiques : la culture bio, les techniques sans labour, etc. C’est si nous ne remettons pas en cause les pratiques agricoles productivistes que nous nous trouverons dans une impasse. Il faudrait flécher les crédits publics vers les outils de conversion aux pratiques vertueuses. Comment comptez-vous susciter cet indispensable changement culturel et productif ?

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Après une riche semaine au Salon de l’agriculture, nous sommes ravis de poursuivre les débats en commission.

Si notre agriculture demeure une richesse économique indéniable, nous devons la préserver en adaptant le secteur aux questions de santé environnementale et aux grands enjeux environnementaux et climatiques. À cette fin, une loi-cadre sur la santé des sols est en discussion à l’échelon européen. En France, la nécessité de protéger et de restaurer la fertilité des sols agricoles fait consensus. Les leviers sont connus : couverts végétaux, réduction du travail des sols, etc. De nombreuses filières agricoles s’engagent dans cette voie, notamment au sein du mouvement « Pour une agriculture du vivant », avec lequel j’ai échangé la semaine dernière. Bien des problèmes actuels pourraient être contenus, voire résolus en cinq ans grâce à un important plan agroécologique soutenant ces filières, qui, seules, peuvent provoquer la massification des pratiques de rétention de l’eau dans les sols, de réduction des gaz à effet de serre, de stockage du carbone et de développement de la biodiversité.

Le manque de lisibilité du projet agroécologique national et la dispersion des financements publics au profit d’une minorité d’agriculteurs ne permettent pas aux acteurs de savoir dans quelle direction aller. Que proposez-vous pour soutenir au niveau national la régénération des sols, qui constitue la contribution du monde agricole à l’effort climatique national et est sa seule chance d’adaptation aux effets du changement climatique ?

M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Nous voici à l’heure des choix. Notre modèle agricole est à bout de souffle. Le dépassement des limites planétaires provoque l’accumulation des crises.

Une crise de la biodiversité, d’abord, avec la disparition, dans la plus grande indifférence, de 80 % des populations d’insectes. Les pesticides portent une lourde responsabilité dans ce phénomène. Ce n’est d’ailleurs que sous la contrainte d’une décision de justice européenne que vous avez interdit les néonicotinoïdes. Espérons que vous vous y tiendrez.

Une crise climatique, ensuite : l’agriculture ne perdurera que si elle préserve le climat. Or elle émet pour le moment 20 % de nos émissions de gaz à effet de serre.

Une crise de l’eau : cet hiver sans pluie nous montre, si besoin était, que la solution ne peut se résumer à une captation privée de l’eau.

Une crise générationnelle : dans dix ans, près de la moitié des agriculteurs partiront à la retraite.

Une crise de la valeur, du côté des producteurs, dont le revenu est insuffisant, comme du côté des consommateurs, qui subissent une inflation douloureuse.

Afin de faire face à ces crises, les écologistes appellent à un changement systémique. Plutôt que de mettre au point de nouvelles molécules de pesticides ou de nouveaux organismes génétiquement modifiés (OGM), il faut engager un virage franc vers l’agroécologie. Gouverner, c’est choisir, et en la matière, il va falloir opérer des choix importants. Comment entendez-vous mettre en œuvre la transition vers l’agroécologie ? Que comptez-vous faire en matière de pesticides ? Quelle sera votre position sur le renouvellement de l’autorisation du glyphosate ?

Vous annoncez une aide d’urgence de 10 millions d’euros en faveur de l’agriculture biologique, ce qui représente seulement 166 euros par ferme. Prévoyez-vous de faire davantage ? Comptez-vous, par exemple, rétablir les aides au maintien ? Rappelons que le bio est le label le plus vertueux. Il faut le soutenir davantage et empêcher la confusion avec des labels trompeurs, comme le HVE ou le Zéro résidu de pesticides.

Enfin, après trois années d’expérimentation d’un menu végétarien dans les cantines scolaires, un projet d’arrêté pourrait menacer son existence. Quelle est votre position en la matière ?

M. Jean-Louis Bricout (LIOT). Je viens d’un territoire où les grandes cultures côtoient l’agriculture paysanne. Ces deux pratiques agricoles ont vocation à s’adapter pour essayer de relever les défis qui sont devant nous : souveraineté alimentaire, résilience climatique, performance environnementale, alimentation locale, diversifiée et de meilleure qualité, respect des territoires. La transition écologique est certes un horizon, mais avant tout une question de volonté politique. Or, en pleine crise du pouvoir d’achat, la filière biologique rencontre des difficultés majeures : chute inquiétante des ventes, fermeture de magasins spécialisés, diminution, voire arrêt de certaines productions. Vous avez annoncé un fonds d’urgence de 10 millions d’euros ; c’est un premier pas, mais ce montant est nettement insuffisant : cela représente 166 euros par exploitation. Je crains qu’on soit loin du niveau d’aide nécessaire face à l’enjeu de la massification que vous avez évoqué. Certes, la crise est liée à une chute de la demande, mais quelles mesures entendez-vous prendre pour soutenir cette dernière ?

La loi « climat et résilience » fixait un objectif de 20 % de produits bio dans la restauration collective. La proportion est actuellement de 6 %. Quelles actions comptez-vous lancer pour redresser la trajectoire ?

On parle d’un projet de chèque alimentaire destiné aux ménages modestes. Quels en seraient les contours ? Les produits concernés pourraient-ils être issus de l’agriculture bio ?

Enfin, certaines molécules vont être interdites en France dans très peu de temps. Quels moyens avez-vous prévu de consacrer à la recherche afin de trouver des produits de substitution ? Comment protégerez-vous nos producteurs d’une concurrence déloyale ?

M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur Lovisolo, le plan de souveraineté pour la filière des fruits et légumes comporte deux volets, qui seront financés de manière à peu près équivalente. Dès 2023, nous lancerons un programme de modernisation, notamment des vergers et des serres, visant à rendre la filière plus compétitive. Le second volet portera quant à lui sur la recherche et l’innovation. Nous flécherons en priorité les crédits vers les productions qui se trouvent dans une impasse, par exemple vers la filière de la cerise, qui se trouve confrontée à des interdictions, nationales et désormais européennes, de produits phytosanitaires et qui n’a plus de solutions techniques. Le principe directeur, ce sera le maintien de la souveraineté. Nous disposons grâce au compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural (Casdar) et au plan France 2030 des moyens pour ce faire.

Il faut en outre combiner recherche fondamentale et recherche appliquée. Si certains objets de recherche fondamentale peuvent paraître opératoires, encore faut-il que les agriculteurs s’approprient les solutions proposées et que celles-ci soient utilisées massivement dans les exploitations.

On ne peut pas entretenir un système qui consisterait à accorder une indemnisation pour chaque interdiction : ce ne serait pas viable économiquement, et je ne connais pas un agriculteur qui souhaiterait vivre d’indemnités. Néanmoins, nous sommes en train d’examiner si une indemnisation ne peut pas être accordée pour quelques productions bien précises, notamment celle que j’ai évoquée. Il faut aussi regarder si d’autres produits phytosanitaires ne peuvent pas être utilisés.

L’objectif du plan est de gagner cinq points de souveraineté d’ici quatre ou cinq ans et dix d’ici dix ans. En une vingtaine d’années, les importations de fruits et légumes se sont en effet accrues de plus de 50 %. Il faut que nous puissions répondre à la demande de nos concitoyens.

Monsieur Blairy, ce sont 2,7 milliards d’euros qui sont prévus pour l’agriculture dans le cadre de France 2030. L’enveloppe de 65 millions que vous évoquez est consacrée à un objet bien précis, à savoir les technologies de rupture ; il ne s’agit en aucun cas de financer l’achat d’équipements dans les 400 000 exploitations. De surcroît, vous connaissez suffisamment bien le sujet pour savoir que les besoins en numérique ne sont pas les mêmes pour un maraîcher et pour quelqu’un qui exploite de vastes cultures.

C’est donc bien de recherche qu’il s’agit, et cette recherche n’est pas uniquement publique, elle est aussi privée : nous soutenons les programmes de fabricants de matériels et de créateurs de logiciels. C’est une question d’intérêt public, mais il faut que chacun y trouve sa rémunération.

Pour diffuser massivement les innovations, il me semble que la meilleure solution – c’est en tout cas celle qui avait été utilisée avec succès dans l’après-guerre – est de passer par l’intermédiaire de centres techniques territoriaux, en particulier par celui des chambres d’agriculture. Il s’agit d’un tiers de confiance : les agriculteurs connaissent bien leurs conseillers. Il faut les renforcer dans leurs prérogatives, afin qu’elles puissent penser globalement le système en dérèglement climatique et accompagner les transitions. C’est pourquoi nous leur avons apporté cette année un soutien complémentaire – même si d’autres acteurs, comme les coopératives agricoles, peuvent eux aussi jouer un rôle.

Monsieur Caron, il convient d’être attentif aux mots que l’on emploie. Vous avez utilisé les qualificatifs de « destructeur » et de « toxique ».

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). J’assume complètement mes propos.

M. Marc Fesneau, ministre. Ce faisant, ce n’est pas moi que vous agressez, ce sont les agriculteurs.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Absolument pas !

M. Marc Fesneau, ministre. Fréquentez-les un peu : vous verrez ce qu’ils en pensent. Les agriculteurs, à force d’entendre quotidiennement de tels propos, finissent par en être offensés ; ils les considèrent comme une violence qui leur est faite.

D’autre part, je ne nous souhaite pas de vivre au temps merveilleux du Paléolithique. Nous sommes aujourd’hui mieux nourris qu’il y a cent ans. Au ministère de l’agriculture, on trouve encore des tickets de rationnement datant de l’après-guerre ; je pourrai vous les montrer. Ils ont été utilisés jusqu’en 1950. N’offensez donc pas les agriculteurs.

D’autres points, en revanche, peuvent être sujets à discussion. S’agissant de la loi Egalim, vous avez raison, nous ne sommes pas au bout du chemin. L’État doit faire sa part du travail, mais – je n’hésite pas à le dire – les collectivités territoriales doivent aussi faire la leur. Cela relève de choix politiques – indépendants de l’appartenance partisane, d’ailleurs. L’autre jour, dans mon conseil communautaire, il a été question d’ériger des panneaux d’affichage pour faire la publicité des fêtes et manifestations, comme il y en a à Paris. J’ai été maire d’un village de 700 habitants : je dois admettre qu’il n’y avait pas une manifestation tous les soirs. Et quand on a annoncé que cela coûterait 120 000 euros, j’ai suggéré qu’on utilise plutôt cette somme pour l’alimentation ! Les collectivités sont autonomes, mais je peux partager avec vous l’idée que le Gouvernement et les parents d’élèves pourraient leur faire passer un message.

Certes, cela demande un peu d’organisation. Dans ma commune, il y avait quarante rationnaires : je reconnais que, du point de vue logistique, il peut être compliqué de servir du bio dans ces conditions. Nous avons donc mis en service une cuisine centrale, qui fournit à la fois l’Ehpad, l’Esat – l’établissement et service d’aide par le travail – et le collège, afin de répondre aux exigences d’Egalim. Cela fait partie du travail que nous devons mener au sujet du bio.

L’enveloppe de 10 millions d’euros correspond à une première étape. Elle servira en priorité à aider les producteurs bio qui risquent de s’engager dans la voie de la déconversion – car, dans ce cas, ils ne reviendront jamais au bio. Il faut aussi augmenter les proportions de produits bio et de produits de qualité ou locaux servis dans les cantines, afin de progresser vers les objectifs de respectivement 20 % et 50 % fixés par la loi Egalim. Une grande part des importations de produits agricoles en France concerne la restauration hors domicile : ce ne sont pas principalement les supermarchés qui sont concernés. Chacun doit faire face à ses responsabilités.

La crise du covid a en outre provoqué l’essor du localisme – ce qui, en soi, n’est pas une mauvaise chose. Le problème ne me semble pas être le label HVE, qui est un outil pour aider un maximum de gens à gravir la marche. Je ne crois pas que la dénonciation de ce label profite au bio. En revanche, il faut repositionner celui-ci dans son segment de marché, et que les produits bio soient perçus par le consommateur comme étant aussi issus de l’agriculture locale. Ce n’est pas qu’une question de prix : la baisse des ventes de produits bio a commencé à l’été 2021, c’est-à-dire avant le début de l’inflation. Et les grandes surfaces, qui ont largement profité du phénomène quand les ventes de produits bio progressaient de 10 %, portent une responsabilité quand elles retirent ceux-ci de leurs rayons : ce faisant, elles aussi opèrent un choix politique.

Enfin, je vous assure – même si vous avez parfaitement le droit d’être en désaccord avec moi – que nous aurons à l’avenir des besoins accrus en élevage, associé à de la polyculture. D’abord, vu qu’en France on importe 50 % de la volaille, 25 % du bœuf et plus de 50 % des ovins consommés, la priorité, c’est de retrouver notre souveraineté ; soutenir le contraire relève de l’hypocrisie collective. Ensuite, nous aurons besoin d’élevage pour assurer la transition de l’engrais minéral vers l’engrais organique, pour stocker du carbone dans les prairies, pour maintenir un réseau de haies, pour accroître la biodiversité en montagne, pour lutter contre l’embroussaillement et les feux de forêt – je pourrais allonger la liste. Un système sans élevage, c’est un modèle théorique, qui ne peut pas fonctionner.

La difficulté, quand on est aux responsabilités, est de trouver une position d’équilibre… N’opposons pas l’agroécologie à la souveraineté alimentaire, monsieur Bony ! La perte de fertilité des sols est notamment liée au fait qu’on n’y a pas réintroduit de la matière organique. Le déclin de la biodiversité est, à terme, un malheur aussi pour l’agriculture. Il faut marcher sur deux jambes. Le système agricole actuel se retrouvera dans une impasse si nous ne le faisons pas évoluer.

Dans le Massif central, par exemple, le système herbager est très touché par le dérèglement climatique. Il va falloir intégrer trois ou quatre mois de sécheresse dans le modèle. Il convient de viser l’autonomie alimentaire des élevages, en utilisant les prairies mais pas seulement, et réfléchir à des systèmes de stockage de l’eau.

Il est impératif de procéder à la transition agroécologique ; à défaut, nous irions au-devant de problèmes majeurs.

Pour ce qui concerne les haies et les bosquets, monsieur Ott, je considère que nous ne sommes pas du tout au niveau qu’il faudrait. Au-delà de ce que j’ai dit à propos de l’élevage, qui est le seul secteur où l’on arrive à maintenir le réseau et le parcellaire, il faut être volontariste et aller beaucoup plus loin en matière de développement des haies. C’est bon pour le stockage de l’eau, pour la biodiversité, pour l’atténuation de la chaleur dans les parcelles, pour la lutte contre l’érosion des sols… – bref, pour plein de raisons. Entre associations environnementales, agriculteurs et chasseurs, des actions à l’échelle des territoires pourraient être entreprises. Tous les ans, des haies disparaissent : ce n’est pas normal. Et c’est une question qui concerne non seulement la montagne, mais aussi la plaine – j’imagine que nous aurons l’occasion d’en rediscuter quand j’irai faire un tour dans votre belle région.

Idem pour les bosquets. C’est toute la place de l’arbre dans le système agricole qui est à repenser. La culture issue de la guerre était celle de l’arasement des talus, ce qui, à l’époque, avait sa logique. J’ai vu, il y a vingt-cinq ans, combler des mares. Tout cela est regrettable mais, à présent, il nous faut construire un système supportable pour les agriculteurs.

Madame Jourdan, il faut en effet s’intéresser aux systèmes de polyculture. La polyculture-élevage est un mode d’exploitation résilient qui offre des solutions à l’agriculteur le jour où il se retrouve dans une impasse technique ou économique qui se traduit par un effondrement du prix. Le choix de ce système de cultures nécessite parfois l’usage de produits phytosanitaires. Cela étant, je connais très peu d’activités économiques où la chimie n’est pas employée à un moment ou à un autre, et je ne vois pas pourquoi on reprocherait à l’agriculture le recours à des pratiques que l’on ne critique pas dans d’autres secteurs, comme l’habillement. La chimie n’est pas, par nature, toxique. Lorsqu’il existe un risque, il faut savoir en sortir, mais sans se laisser gouverner par des postulats.

La réflexion sur l’agriculture de conservation des sols peut conduire au débat sur le glyphosate. À l’égard de celui-ci, la France définira sa position dans un cadre européen. Ce qui est certain, c’est que nous allons arrêter de surtransposer les mesures de niveau législatif. Je ne sais pas expliquer à un agriculteur français pourquoi on lui interdit l’usage du glyphosate alors que ses homologues allemands ou polonais, par exemple, ont le droit d’y recourir. Je ne sais pas non plus comment justifier le fait que l’on fasse plus que ce que prescrit l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). La concurrence à laquelle font face les agriculteurs français est principalement d’origine intraeuropéenne. Le Ceta (Accord économique et commercial global) ne s’est pas traduit par l’exportation d’un seul kilo de viande bovine du Canada vers la France. Ce que l’on a perdu, depuis trois ou quatre ans, c’est venu d’Europe.

Il convient de recourir à une combinaison de facteurs, qui pourront être, selon les cas, l’agronomie, le biocontrôle, les plans de campagne, les solutions fondées sur la nature, les produits phytosanitaires, etc.

Madame Violland, la PAC (politique agricole commune) contient des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) dédiées aux sols. Elle permet également d’accéder à l’écorégime par la rotation des cultures, qui a vocation à remettre de la matière organique dans les sols. Ce sont des outils d’incitation importants. Il n’y a pas de dispersion des financements. Les scientifiques disent que si l’on introduisait 4 ‰ de matière organique dans les sols, on aurait réglé notre problème de stockage de carbone. Sur ce fondement, Stéphane Le Foll a lancé l’initiative « 4 pour 1 000 ». Continuons de travailler en ce sens, car c’est bon pour les sols, pour le carbone, pour l’eau et pour la productivité. À cet égard, on doit aussi rechercher la capacité à produire dans des conditions économiques tenables : « productiviste », pour moi, n’est pas un gros mot.

Monsieur Thierry, le carbone et la biodiversité sont deux enjeux majeurs. En réduisant les émissions de carbone, on lutte contre le dérèglement climatique. En limitant la hausse de la température, on préserve la biodiversité endémique. La réduction de l’usage des produits phytosanitaires, le développement du réseau des haies, l’intégration de la matière organique dans les sols sont autant de moyens de regagner de la biodiversité. Le processus sera long, mais il faut s’engager dans cette voie. Nous pourrions nous retrouver sur les objectifs même si nous divergeons sur les moyens. La biodiversité se reconquerra petit à petit. Oui, vous avez raison, gouverner, c’est choisir, et nous devrons faire des choix difficiles, ce qui implique que nous ne nous privions pas de certaines solutions.

Je vais regarder de plus près le projet d’arrêté sur les menus végétariens que vous évoquez et vous apporterai une réponse précise. Cela étant, je ne suis pas sûr que l’on doive décider à l’échelon national ce que les uns et les autres doivent faire.

Monsieur Bricout, je crois à la diversité des modèles. Chacun emprunte une trajectoire qui lui est propre et est soumis à un seuil de rentabilité différent. Il faut arriver à combiner les grandes cultures et l’agriculture paysanne.

Nous devons aller plus loin en matière d’application de la loi Egalim, ce qui implique parfois de convaincre les collectivités. L’objectif est de trouver un point d’équilibre.

Les avis diffèrent sur les produits auxquels devrait donner accès le chèque alimentaire : les fruits et légumes, le bio, voire pour certains, uniquement des produits frais ou l’inclusion des produits transformés. On m’a même dit qu’il fallait introduire de la confiserie. Personne n’est d’accord. Le critère budgétaire est évidemment à prendre en considération.

Mme Pascale Boyer (RE). Mme la Première ministre a annoncé la semaine dernière la fin de la surtransposition par la France des règles européennes en matière phytosanitaire. On appliquera le principe : pas d’interdiction sans solution. Cette décision annonce, à terme, la fin de la concurrence déloyale subie par les paysans français. Elle invite également à l’accélération de la sortie des pesticides à l’échelle européenne, dès lors que des solutions existent, ce qui aura des effets très bénéfiques sur l’environnement.

Toutefois, la conclusion de l’accord européen prendra du temps et, pour l’heure, nos producteurs de fruits et légumes font face à la concurrence des pays membres de l’Union. L’interdiction de nombreuses matières actives, en France, est peu valorisée auprès des consommateurs. On doit s’interroger sur l’information qui leur est fournie. La mention de l’origine devrait devenir la règle pour tous les produits frais et transformés, quel que soit leur mode de présentation au client, du détail à la restauration hors foyer, étant rappelé que, lorsqu’ils viennent d’un pays étranger, ils sont susceptibles d’avoir été traités par des produits phytosanitaires.

M. Jean-Luc Fugit (RE). La loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a défini, pour la première fois, un cadre pour le développement de l’agrivoltaïsme. Quelle est votre vision sur ce sujet ?

En 2018, j’ai fait adopter un amendement à la loi Egalim visant à ce que l’on expérimente, pendant trois ans, la réalisation de traitements phytosanitaires à l’aide de drones dans les zones à forte pente. L’objectif recherché était de réduire la pénibilité du travail tout en améliorant la maîtrise de la quantité de produits utilisés. Ces essais se sont révélés très concluants, par exemple en Ardèche et chez moi, dans le Rhône. Quelles suites comptez-vous donner à ces expérimentations ? Va-t-on pérenniser l’utilisation des drones ?

M. Daniel Grenon (RN). L’agroécologie est une très belle ambition. De nombreux jeunes agriculteurs sont prêts à s’investir pour s’écarter des pratiques intensives de leurs parents et tenter de nouvelles expériences. Toutefois, la bureaucratie est souvent le premier obstacle auquel se heurte leur enthousiasme. Selon une étude qui date un peu mais reste certainement d’actualité, les agriculteurs passent neuf heures par semaine à remplir des papiers administratifs, et 12 % d’entre eux, plus de quinze heures par semaine, sachant que leur temps de travail hebdomadaire est en moyenne de cinquante-sept heures. Le fléau de la bureaucratie semble encore plus prégnant en agriculture qu’ailleurs. En France, les administrations chargées de l’agriculture voient leurs effectifs augmenter, alors que le nombre d’agriculteurs diminue chaque année. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait s’attaquer en priorité à ce fléau ?

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Vous m’avez reproché tout à l’heure d’employer certains mots. J’ai dit que notre modèle agricole est destructeur d’emplois, de vies et de biodiversité, et je maintiens mes propos. En effet, les emplois d’agriculteur disparaissent ; c’est dans cette profession que le taux de suicide est le plus élevé ; par ailleurs, notre modèle conduit à la destruction d’une part de la biodiversité chaque année, comme le montre la disparition d’espèces de vers de terre, d’insectes et d’oiseaux.

Le fait de demander à sortir d’un modèle d’agriculture industrielle, intensive et productiviste pour protéger le vivant revient, à vos yeux, à promouvoir le Paléolithique. On lit sur le site de votre ministère que « l’agroécologie est une façon de concevoir des systèmes de production qui s’appuie sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes. Elle les amplifie tout en visant à diminuer les pressions sur l’environnement (exemples : réduire les émissions de gaz à effet de serre, limiter le recours aux produits phytosanitaires) et à préserver les ressources naturelles ». Je constate donc que, pour vous, l’agroécologie, c’est le Paléolithique.

Enfin, toutes les études montrent que pour arriver à la neutralité carbone, il faut diminuer notre consommation de viande. Je constate donc également que la neutralité carbone ne fait pas partie de vos objectifs.

M. Emmanuel Maquet (LR). Pour éviter la surpêche, le Conseil européen fixe chaque année un taux autorisé de capture (TAC) et attribue à chaque État un quota de pêche. Grâce à cette politique volontariste et aux efforts courageux des professionnels, l’état des stocks s’améliore peu à peu. Le TAC et les quotas peuvent être assortis de mesures complémentaires visant à limiter les périodes de pêche, l’accès à certaines eaux et l’usage de certains engins. Ainsi, la Commission européenne a récemment décidé d’interdire, d’ici à 2030, la pêche au chalut dans les aires marines protégées – qui doivent atteindre 30 % de l’espace marin en vertu du plan biodiversité européen –, conformément aux engagements pris lors de la récente COP15 de Montréal. Ce plan d’action a été décidé de manière unilatérale, sans concertation avec la profession, ce qui risque d’être dévastateur pour la filière. On estime qu’il va compromettre l’avenir de 7 000 navires, de 25 % des volumes débarqués en Europe et de 38 % des revenus, dont une grande part concerne les pêcheurs français – je pense notamment à ceux des Hauts-de-France, et plus particulièrement de la baie de Somme, déjà fortement affectés par le Brexit. Chaque État doit prendre des mesures d’ici à mars 2024 pour se conformer à ses obligations. Quelles sont celles que la France envisage d’adopter et quel sera leur impact sur les professionnels ?

M. Dino Cinieri (LR). En France, plus de 50 % du territoire est dédié à l’agriculture. Le modèle agricole dominant est fondé sur le recours aux intrants, l’intensification et la spécialisation des territoires – pratiques qui sont, pour partie, préjudiciables à la biodiversité. Face à ce constat, l’agroécologie vise à allier biodiversité, écologie et agriculture en réduisant l’impact sur l’eau, les sols et la biodiversité, tout en répondant aux besoins économiques et alimentaires. Dans mon territoire d’Auvergne-Rhône-Alpes, l’agroécologie est perçue comme une agriculture capable de s’adapter à son milieu et de valoriser les ressources locales. Près de 10 % de la surface de la région est irriguée, principalement dans les zones de plaine et la vallée du Rhône, pour satisfaire non seulement les besoins des grandes cultures, telles que la viticulture et l’arboriculture, mais aussi ceux des secteurs d’élevage, afin d’avoir une autonomie fourragère et de sécuriser la production tant pour ce qui concerne la qualité que la quantité. Sous l’effet du changement climatique, l’irrigation est devenue un sujet sensible pour les exploitants agricoles, qui conditionne le maintien de toutes les filières de production. De quelle façon votre plan abordera-t-il la question de l’eau ?

Mme Chantal Jourdan (SOC). Le productivisme est un système économique dans lequel la production et la productivité sont considérées comme l’objectif essentiel, ce qui est précisément ce que nous contestons. On doit faire reposer l’agroécologie sur les dimensions sociale, environnementale et économique.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Les défaillances de nos modes de production sont le reflet des déséquilibres de nos régimes alimentaires. Alors que la production actuelle est suffisante pour nourrir non seulement la population actuelle mais aussi les 10 milliards de personnes prévues en 2050, 690 millions de personnes ne mangent pas à leur faim dans le monde, et près de 2 milliards sont obèses ou en surpoids. Près d’un Français sur dix est en situation d’insécurité alimentaire, soit plus de 8 millions de personnes, phénomène aggravé par l’inflation affectant les produits alimentaires. Les fruits et légumes symbolisent cette alimentation saine à laquelle les Français peinent à accéder : seuls 42 % des adultes et 23 % des enfants en consomment au moins cinq par jour.

Pour répondre à l’urgence sociale et sanitaire, j’ai déposé une proposition de loi qui vise à permettre aux Français de mieux manger. Je propose que soit versée en urgence une prime alimentation de 50 euros par personne et par mois pour permettre aux plus modestes d’accéder à des produits de qualité. Je suggère également la généralisation de l’option végétarienne dans les cantines afin que nos enfants puissent consommer les fruits et légumes et les légumineuses dont ils sont privés. Vous aurez l’occasion de soutenir la lutte contre l’insécurité alimentaire et l’accès aux fruits et légumes dans moins d’un mois dans l’hémicycle. Pourrons-nous compter sur vous ?

M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Monsieur le ministre, je vous ai adressé une question écrite au sujet de la politique du loup. Le plan national d’actions 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage arrive à échéance. Avant l’élaboration du prochain plan, un bilan s’impose, qui devra porter, en particulier, sur les moyens de protection des troupeaux, qui constituent le mode de prévention le plus efficace. Pouvez-vous nous donner des précisions sur l’évaluation que vous allez réaliser ? Pour le moment, nous ne disposons d’aucun bilan final ou intermédiaire, que ce soit sur la mise en place des moyens, sur leur efficacité, sur les contrôles ou sur les résultats de l’expérimentation de nouvelles techniques, notamment d’effarouchement. De même, aucun bilan de l’état de conservation du loup à l’échelon local n’a été dressé. Pourtant, l’État continue d’autoriser un plafond de tirs allant jusqu’à 21 % de la population des loups, sans toujours passer par l’effarouchement. Une évaluation est indispensable pour assurer la cohabitation du loup et de l’élevage ainsi que la conservation de l’espèce.

M. Marc Fesneau, ministre. Madame Boyer, il peut arriver que l’on découvre la toxicité d’un produit et que celle-ci justifie une interdiction. Toutefois, l’interdiction n’est pas, à elle seule, la solution. J’ai demandé que l’on passe en revue très régulièrement, filière par filière, les produits qui peuvent donner lieu à interrogation et à propos desquels il convient de réfléchir dès à présent à des solutions de remplacement, qu’il s’agisse ou non de produits phytosanitaires.

S’agissant de l’étiquetage, il faut prendre garde au fait que notre cadre d’intervention n’est pas uniquement national. En outre, rappelons que l’étiquetage actuel protège notre élevage de plein air, comme celui de la volaille. On ne peut pas réclamer l’étiquetage, puis le faire évoluer ou s’en affranchir en fonction de nos préférences. Notre intérêt est de parvenir à une harmonisation. Il faut que les gens soient le mieux renseignés possible, mais nous ne pouvons pas créer une norme purement nationale. Suivant la même logique, des collègues européens proposaient que l’élevage de volailles dans un bâtiment ventilé soit considéré comme de l’élevage de plein air : nous y sommes évidemment opposés !

Monsieur Fugit, en matière d’agrivoltaïsme, il me semble que nous sommes parvenus à un équilibre. Nous répondons aux inquiétudes des Jeunes agriculteurs, qui craignent un accaparement, tout en montrant que l’agriculture peut être à la fois une source d’alimentation, un moyen de stocker du carbone et un outil de production d’énergie. C’est dans les décrets d’application de la loi que se nicheront les difficultés. Le risque est que des opérateurs fassent croire, au démarrage, qu’il s’agit d’une activité agricole, et que celle-ci disparaisse par la suite. Avec Mme Agnès Pannier-Runacher, nous allons veiller à ce que la base soit l’activité agricole, sur laquelle on construit un projet d’agrivoltaïsme, et non pas l’inverse. Il faut également réfléchir au devenir de l’installation lors de la transmission. Enfin, on constate des comportements spéculatifs : des gens viennent voir les propriétaires pour leur proposer d’acquérir le terrain, ce qui empêche le renouvellement du bail. Je suis très vigilant sur cette question, que nous traiterons dans les décrets.

L’expérimentation que vous évoquez est intéressante car elle permet de cibler les traitements phytosanitaires et de limiter l’usage de ces produits. L’Anses la juge positivement mais demande des données complémentaires, ce qui rend nécessaire sa prolongation. Nous devons inventer un véhicule législatif pour avancer sur le sujet.

Monsieur Grenon, notre pays déteste la bureaucratie mais, dès que survient un problème, on réclame une loi ou un règlement. À ma place, modestement, je vais essayer de lutter contre cette difficulté et de voir ce qu’on peut faire pour alléger les procédures dans le cadre de la PAC. Cette dernière est très complexe car elle prend en considération les nombreuses spécificités que présente chaque territoire. C’est en partie le fruit du dialogue que l’on a entretenu avec la profession. L’essentiel est de faire en sorte que les agriculteurs ne se sentent pas piégés par la réglementation et n’éprouvent pas systématiquement la crainte d’être sanctionnés lors des contrôles parce qu’ils auraient mal compris ou mal interprété une règle. Nous avons d’ailleurs reconnu, dans le cadre de la PAC, le droit à l’erreur, à l’image de ce que pratique l’administration fiscale française. C’est un premier pas dans la voie de la simplification.

Monsieur Caron, si on pouvait essayer de ne pas se caricaturer… Vous disiez que notre alimentation n’est pas saine. C’est la raison pour laquelle je vous ai invité à faire un saut dans le Paléolithique, pour voir si l’on était alors mieux nourri. Vous n’allez pas réussir à m’embarquer dans des caricatures. Je défends constamment l’agroécologie. Il faut que vous compreniez que cela n’est pas un modèle unique mais une pluralité de systèmes. Je sais que vous aimez bien que tout le monde se range sur une seule ligne, mais l’agroécologie est différente selon que l’on est dans la région de M. Bony ou dans celle de M. Ott.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). C’est vous qui caricaturez !

M. Marc Fesneau, ministre. Ce n’est pas parce que nous sommes filmés qu’on est obligé de faire dans la caricature politique.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Je vous l’accorde !

M. Marc Fesneau, ministre. J’ai suffisamment d’ancienneté en politique pour connaître les gens qui se comportent comme vous. Vous ne m’apprendrez rien.

Je maintiens ma position : nous avons besoin de l’élevage, monsieur Caron. Et les mots que vous employez sont graves. Car lorsque des enfants d’éleveurs ont honte de dire à l’école quel est le métier de leurs parents – alors qu’il est légal et utile –, cela montre qu’il y a un problème dans notre société. Il faut faire attention aux paroles que l’on prononce. Cela existe ! Traversez le périphérique et vous le verrez…

Monsieur Maquet, les zones de pêche ne relèvent pas de la compétence de mon ministère. Je transmettrai votre question à M. Berville.

Monsieur Cinieri, il faut en effet tenir compte de la diversité de l’agroécologie, qui prend des formes différentes selon les territoires. Elle considère l’exploitation de manière globale et l’adapte en modulant des paramètres comme la plantation de haies, la place de l’élevage et les assolements.

L’eau est une denrée rare mais aussi un facteur de production. Chacun doit s’en sentir responsable. Dans certains endroits, des agriculteurs ne pourront plus s’installer pour des raisons d’accès à l’eau. Il faut le prendre en compte et cela doit aussi nous amener à penser aux réserves d’eau – en respectant de manière crédible le cycle de l’eau. On sait qu’il y aura un peu moins d’eau dans certains territoires et un peu plus dans d’autres – c’est le cas par exemple dans les Hautes-Alpes.

Madame Jourdan, je suis d’accord avec votre définition de l’agroécologie si l’idée est de conserver une capacité de production rentable sans que l’objectif économique prenne le pas sur les aspects environnementaux et sociaux. Pour faciliter l’installation des jeunes, il faut réfléchir à la manière de dégager suffisamment de revenus pour alléger la charge de travail – tout particulièrement dans l’élevage où elle est très lourde.

Madame Pasquini, nous examinerons le moment venu votre proposition de loi. Nous ne profitons pas suffisamment du programme européen « Fruits et légumes à l’école », destiné à les faire découvrir aux jeunes et qui pourrait donner lieu au versement de plusieurs millions. Pour cela, il faut que nous arrivions à mieux faire travailler ensemble ceux qui sont chargés du temps scolaire et ceux qui organisent les activités périscolaires. Le programme n’a en effet pas vocation à être limité aux cantines scolaires et pourrait s’appliquer à l’occasion des récréations. Seuls 30 % des gens mangent cinq fruits et légumes par jour. C’est un sujet de préoccupation. Si l’éducation à l’alimentation n’est pas dispensée aux jeunes, il est difficile de l’organiser ensuite à l’âge adulte. Il faut donc développer les programmes qui les familiarisent avec les fruits et les légumes dans les écoles, les collèges et les lycées.

Nous faisons face aux difficultés liées à une inflation globale qui concerne aussi les prix alimentaires. On a trop longtemps fait croire que les produits alimentaires joueraient un rôle d’amortisseur. Or les aliments ont un coût et donc un prix – celui-ci représentant aussi une valeur symbolique. Je suis toujours frappé de voir que la grande distribution organise des opérations promotionnelles du type « deux pour le prix d’un » seulement pour les produits alimentaires. Il faut leur accorder davantage de valeur. C’est certes compliqué au moment où nous subissons une forte inflation – d’où le bouquet de mesures destinées à y faire face, qui a permis de maintenir l’inflation entre 6 et 7 %, soit globalement moins que chez nos voisins. Il faut reconnaître la difficulté du travail des agriculteurs à travers le prix de leurs produits et ne pas estimer qu’un prix bas est un bon prix – ce qu’ont fait certaines enseignes depuis cinquante ans. Le bon prix, c’est celui qui rémunère correctement la production.

Enfin, M. Thierry m’a invité à prendre position sur le loup – je sens que M. Caron tend l’oreille. Comme chacun sait, le loup mange l’agneau. Toutes les données disponibles seront rendues publiques. Au risque de ne pas être populaire, vous ne me trouverez jamais dans le camp de ceux qui disent qu’il faut éradiquer le loup. Mais vous ne me trouverez pas non plus avec ceux qui prétendent qu’il est facile de faire cohabiter le loup avec l’homme. Il y a des endroits où cette cohabitation est devenue vraiment impossible et où le pastoralisme est menacé. Or ce dernier est utile pour la biodiversité. Il limite aussi l’enfrichement. Dans le contexte du dérèglement climatique, la progression des broussailles favorise cette calamité que sont les incendies – responsables de 10 % des gaz à effet de serre produits à l’échelle du globe. Il faut donc retrouver un équilibre qui a disparu dans un certain nombre de territoires.

Deuxième difficulté : le loup a au départ recolonisé plutôt des zones alpines – alors qu’historiquement c’est un animal de plaine – et il s’en prenait aux ovins. Désormais, il est présent dans cinquante-quatre départements et il s’attaque aussi aux bovins et aux caprins. J’ai rencontré longuement des éleveurs. Penser que l’on peut régler la question par des indemnisations – comme je le croyais moi-même il y a quinze ans – est une erreur. Il faut mesurer le sentiment de perte et d’impuissance que ressentent les éleveurs quand un animal auquel ils ont donné un nom est dévoré. Ce n’est pas seulement une affaire économique et il faut entendre leur parole.

Il ne pourra pas y avoir de cohabitation si l’on n’est pas capable de dire qu’à certains endroits, il faut intervenir et autoriser le prélèvement de loups. Si on ne le fait pas, cela se terminera par l’éradication du loup, car on ne peut pas aller contre la volonté des gens et commettre l’erreur d’ignorer que le retour du loup remet en question des modèles pluriséculaires.

Il faut donc surveiller le front de colonisation, où les éleveurs découvrent cette bête et ne savent pas comment faire. Il ne faut pas donner le sentiment que l’on se résigne à l’impuissance.

Un bilan du plan « loup » sera bien entendu réalisé. Il faut d’ailleurs que l’on raisonne à l’échelle européenne, car le sujet est en train de monter dans de nombreux pays.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je vous avais interrogé fin novembre au sujet des inquiétudes des producteurs laitiers bio du Sambre-Avesnois. Vous m’aviez répondu qu’il fallait organiser un choc de demande pour faire face à la baisse de la consommation de produits bio consécutive à l’inflation.

Je souhaiterais savoir si votre réflexion a progressé, car je continue à rencontrer des producteurs laitiers qui envisagent une déconversion. Je me retrouve un peu à court d’arguments face à des exploitants qui songent à faire machine arrière car ils n’ont pas de solution pérenne. De tels contre-exemples ne sont pas souhaitables.

Mme Danielle Brulebois (RE). Depuis le 1er janvier 2023, la gestion des aides « non surfaciques » du Fonds européen de développement régional (Feder) a été transférée aux régions. Cela concerne notamment les aides en faveur des bâtiments, du matériel ou de la diversification – en particulier pour les jeunes qui s’installent. Ces dispositifs, qui relevaient auparavant de la direction départementale des territoires (DDT), sont désormais entre les mains des conseils régionaux. La liste des problèmes est longue et l’inquiétude est grande.

En Bourgogne-Franche-Comté, 7 000 dossiers sont en souffrance. Il n’y a aucune visibilité sur le calendrier des appels à projets. Les grilles de sélection font craindre qu’à un régime centralisé, garant de l’intérêt général, succède une différenciation liée davantage aux postures idéologiques qu’aux besoins locaux. L’absence d’aides est source de difficultés pour les zones d’élevage et compromet le maintien des prairies.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Notre système agro-industriel productiviste semble à bout de souffle. Le changement climatique provoque déjà une intensification des sécheresses. J’en veux pour preuve l’année 2022 et l’hiver que nous vivons, exceptionnels par la faiblesse de la pluviométrie. En France, 93 % de la surface agricole dépend des eaux pluviales.

Pour s’adapter aux effets du changement climatique, la seule solution est d’engager une transition volontariste vers l’agroécologie, assortie d’un partage équitable de l’eau entre tous les usages.

Vous proposez d’investir massivement de l’argent public dans la construction de réserves dites de substitution, au bénéfice des 7 % de terres agricoles irriguées. En plus d’accélérer l’assèchement des sols et de réserver l’eau à une poignée d’agriculteurs, cela aura pour effet de maintenir des pratiques agricoles nocives pour le vivant, pour les populations et pour les agriculteurs eux-mêmes. Votre politique permettra au mieux d’accompagner une minorité d’agriculteurs dans leur transition ; au pire, elle les maintiendra dans le système qui les étouffe.

Nous sommes bien loin de la défense de l’intérêt général. De qui défendez-vous les intérêts, monsieur le ministre ?

Mme Sandrine Le Feur (RE). Ma question concerne les récentes annonces relatives à la transposition des directives européennes en matière agricole.

Je constate avec tristesse que la France s’interdit d’avoir une ambition nationale plus grande que celle de l’Europe, alors que l’on sait que son exemplarité lui permet de jouer un rôle dans les discussions au sein de l’Union et que chaque gain environnemental local permet de faire face à l’urgence écologique.

La préservation de la biodiversité se joue en premier lieu sur notre territoire. Renoncer à notre ambition aura des effets sur la résilience alimentaire et revient à s’aligner sur le plus petit dénominateur commun.

La logique voudrait que la France s’engage à promouvoir activement une ambition agroécologique renouvelée au niveau européen. Votre ministère envisage-t-il pour cela d’être davantage actif dans le cadre des travaux menés au sein du Conseil européen dans les prochains mois ?

M. Jean-Pierre Taite (LR). Les pesticides ont assuré la régularité des rendements agricoles depuis la guerre. Comme vous l’avez récemment déclaré dans Le Monde, il faut en réduire le risque et l’utilisation, mais on ne peut pas s’en passer. L’objectif est de trouver des molécules alternatives et non de prononcer des interdictions sans avoir de solution, comme ce fut le cas pour les néonicotinoïdes.

Une transition précipitée vers l’agroécologie peut nuire aux agriculteurs et à l’environnement : moins de production – donc moins de revenus –, davantage de besoins en main-d’œuvre – donc plus de charges –, moins de terres cultivées – donc moins de puits de carbone – et plus de déplacements – donc plus d’émissions.

Pensez-vous que la France va trop loin en matière de réglementation des produits phytosanitaires ?

Comment réguler l’Anses, qui prononce parfois des interdictions sans recueillir l’avis des responsables politiques ?

M. Jean-François Lovisolo (RE). La population de loups augmente de 20 % chaque année. Les enveloppes destinées à financer les moyens de protection des éleveurs ont explosé en 2021, avec 19 millions d’euros pour ma seule région.

La logique de protection a montré ses limites. Il est impératif de mieux réguler le loup – d’autant que les derniers événements, notamment dans les Alpes-de-Haute-Provence, témoignent d’un véritable danger pour l’homme.

Les organisations professionnelles agricoles et les élus des territoires pastoraux attendent qu’on relève en urgence le taux de prélèvement, que les décisions soient prises de manière décentralisée et que des brigades chargées du loup soient organisées.

Quel est votre avis sur la mise en place de zones d’exclusion pour le loup ?

M. Nicolas Dragon (RN). Nous devons aux agriculteurs le fait de pouvoir manger et nous pouvons les en remercier.

Comme vous l’avez rappelé, ils ont fait beaucoup d’efforts en matière écologique depuis vingt ans, notamment en mettant en place une nouvelle gestion de l’irrigation – et ils continuent d’innover.

Mais il s’agit aussi d’une profession où l’on compte un suicide tous les deux jours. C’est un métier dur.

Dans l’Aisne, la culture de la betterave constitue une vraie richesse. L’agriculture y est la principale activité et elle représente 40 000 emplois directs et indirects.

La décision de la Cour de justice européenne du 19 janvier 2023 sur les néonicotinoïdes laisse les betteraviers dans un grand désarroi. Vous avez indiqué que les dérogations ne pouvaient pas devenir la règle. Que comptez-vous faire pour accompagner les betteraviers jusqu’à ce qu’après maintes recherches, des solutions soient trouvées pour venir à bout de la jaunisse de la betterave ?

M. Jean-Pierre Vigier (LR). La première mission des agriculteurs est de produire pour nourrir les habitants de la planète. Ils savent très bien le faire : ils nous fournissent des produits de qualité, tout en protégeant l’environnement. Je le dis haut et fort : nous sommes fiers de nos agriculteurs et de nos éleveurs.

Le changement climatique est préoccupant. Il faut agir en conséquence, notamment en optimisant la gestion de l’eau – comme nous le faisons.

Confrontés aux bouleversements environnementaux, les agriculteurs ne nous ont pas attendus et adaptent leurs pratiques et leurs cultures.

Si nous conservons comme seule pratique l’agroécologie – et je ne souhaite pas opposer les pratiques agricoles entre elles –, comment pourrons-nous parvenir à la souveraineté alimentaire à terme, et éviter ainsi d’importer des produits de très mauvaise qualité ?

Mme Laurence Heydel Grillere (RE). En raison de la baisse du débit des cours d’eau, le préfet de l’Ardèche a placé les bassins-versants de la Cance et du Doux en situation d’alerte. C’est inédit. Nous avions l’habitude des sécheresses estivales et on faisait avec. Mais en raison du dérèglement climatique, l’hiver devient aussi une saison sèche.

La question de l’accès à l’eau et de sa gestion devient primordiale pour l’ensemble de nos concitoyens, et tout particulièrement pour les agriculteurs. Il y va de la survie des filières agricoles et de notre souveraineté alimentaire. La France importe déjà 40 % des légumes et 60 % des fruits consommés. Cette dépendance ne peut nous satisfaire.

Quelles sont les actions envisagées pour recouvrer notre souveraineté alimentaire et en ce qui concerne l’accès à l’eau des agriculteurs ?

Mme Annick Cousin (RN). Dans son discours prononcé à la Sorbonne le 26 septembre 2017, le Président de la République avait fait de la souveraineté alimentaire un objectif impérieux pour la politique agricole commune.

Il invitait alors à envisager cette dernière de manière inédite, afin qu’elle « nous [protège] face à ces grands aléas, à la volatilité des marchés mondiaux qui pourrait mettre en péril la souveraineté alimentaire de l’Europe […] ».

Mais, pendant six ans de gouvernance Macron, la France n’a cessé de voir sa production baisser. La surface emblavée a encore reculé de 3 % en 2022 – alors que la guerre en Ukraine aurait dû inciter à l’augmenter. Les surfaces en maïs irrigué ont baissé de 18,5 % et la collecte laitière a reculé de 3 à 4 % selon les régions. Nous importons 29 % de la viande et 60 % des fruits et légumes que nous consommons.

Votre politique est un échec.

Que comptez-vous faire pour inverser la tendance ?

Mme Laure Miller (RE). Le label HVE est très structurant pour nombre d’exploitations agricoles ou viticoles. Dans la Marne, plus de 2 000 exploitations ont obtenu cette certification. Je profite de cette occasion pour saluer le formidable dynamisme dont ont fait preuve les agriculteurs et les vignerons pour optimiser les méthodes de production et réduire leur empreinte environnementale.

Cependant, l’évolution des exigences de cette certification suscite nombre d’inquiétudes. Le risque est évidemment de décourager les vignerons et les agriculteurs qui se sont engagés dans ce processus. Dans mon département, les vignerons pourraient délaisser le label HVE au profit du référentiel Viticulture durable du comité Champagne, qui est plus exigeant.

Les viticulteurs veulent répondre aux revendications environnementales. Mais ils souhaitent aussi une meilleure concertation à propos du nouveau référentiel du label HVE. Où en sont les discussions en la matière et quel est le calendrier prévisionnel ?

M. Pierre Vatin (LR). Comment faire pour concilier reconversion agroécologique, productivité, concurrence déloyale intraeuropéenne et réduction des importations pour retrouver la souveraineté alimentaire ?

Mme Alexandra Masson (RN). Lors du Salon de l’agriculture, le projet d’expérimentation sur la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) lancé par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) et par la chambre d’agriculture régionale a été détaillé.

La baisse de la pluviométrie et le non-renouvellement des nappes phréatiques font craindre aux spécialistes une pénurie d’eau catastrophique l’été prochain – voire avant.

La REUT est encadrée par le décret du 10 mars 2022. Les procédures de demande d’autorisation ont fait l’objet d’un arrêté ministériel le 28 juillet de la même année.

Lors de sa venue au Salon de l’agriculture, le Président de la République a indiqué qu’un projet de décret était en cours d’examen au Conseil d’État. Il s’agit de simplifier l’utilisation des eaux usées, qui reste très contraignante.

Pouvez-vous indiquer quelles mesures très concrètes vont être prises pour aider les agriculteurs face à la sécheresse qui s’annonce, notamment dans la région Paca ?

M. Vincent Descoeur (LR). Les initiatives visant à aller vers une agriculture toujours plus vertueuse sont louables, comme l’est le biocontrôle, qui consiste à protéger les cultures et à réguler leurs ravageurs par le recours à des prédateurs naturels lorsqu’ils existent. Il n’en demeure pas moins qu’il ne règle pas toutes les situations : je pense à la prolifération des campagnols terrestres, aussi appelés rats taupiers, qui détruisent les prairies de moyenne montagne comme celles du Cantal et désespèrent les éleveurs de ces territoires, de plus en plus régulièrement empêchés de nourrir leur troupeau mais aussi de constituer des stocks de fourrage pour l’hiver.

J’appelle votre attention sur ce fléau que vous connaissez bien. Où en sont les travaux de recherche, qui tardent à produire des résultats ? De nouveaux produits vont-ils recevoir une autorisation de mise sur le marché ?

J’ai la faiblesse de penser que si l’on atteignait en milieu urbain une telle densité de rongeurs, la pression populaire obligerait les pouvoirs publics à trouver plus rapidement des solutions.

M. Nicolas Ray (LR). J’ai alerté votre cabinet au sujet d’un projet de révision des règles européennes d’étiquetage des modes d’élevage des volailles qui prévoit la disparition des mentions « plein air » ; nous risquons aussi de voir fleurir un grand nombre de mentions incontrôlées. Ce projet aberrant de la Commission menace nos labels, auxquels nous sommes très attachés, car ils sont source de développement économique. Votre cabinet semblait prêt à nous donner de bonnes nouvelles sur ce dossier sur lequel vous vous êtes battu ; disposez-vous d’informations nouvelles ?

M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur Saint-Huile, en ce qui concerne le lait bio, c’est l’une des filières, avec celle du porc bio, où se concentrent les risques de déconversion. C’est vers elles que nous voulons orienter le fonds d’urgence. Souvent, d’ailleurs, ces exploitants arrêtent non seulement le lait bio mais le lait tout court… C’est une double perte. C’est ce travail que j’ai demandé ; il prend un peu de temps, je le reconnais, car nous avons besoin de documenter ce qui se passe pour aider à passer le cap.

Nous avons aussi besoin de provoquer un choc de demande : que dire aux consommateurs ? Que dire à la grande distribution pour qu’elle prenne ses responsabilités ? Quand ça allait bien, il y avait des rayons bio partout ; maintenant, on les voit se réduire drastiquement… C’est un peu facile !

Je vous renvoie aussi à ce que je disais sur la loi Egalim.

Nous allons donc identifier les éleveurs en difficulté, afin d’apporter une réponse immédiate. Nous sommes, avec ces 10 millions d’euros, dans l’hyperurgence. Nous verrons ensuite, à moyen terme, s’il faut compléter nos dispositifs.

Madame Brulebois, la France est un pays merveilleux : dans cette salle, il y a beaucoup d’élus locaux qui pensent, comme moi, qu’il faut laisser faire les départements et les régions, qu’il faut se lancer dans la différenciation, que tout va tellement mieux quand ce n’est pas l’État qui fait tout – mais dès que la différenciation est là, ça ne va pas parce qu’on n’est pas comme le voisin, et je vois des agriculteurs qui constatent que l’herbe est plus verte de l’autre côté de la frontière administrative… Bref, nous adorons la différenciation, mais nous sommes profondément égalitaires. Nous sommes un pays bizarre, convenons-en !

On ne peut pas dire à la fois qu’il faut donner davantage de compétences aux régions, puis s’indigner lorsqu’elles les exercent. Mais vous avez raison : nous devons faire attention. Je pense à la filière du lait : certaines régions ont prévu une aide pour les jeunes, comme la région Auvergne-Rhône-Alpes, d’autres pas du tout. Les évolutions ne sont pas de même nature… Soyons équilibrés : cette même région ne fait pas ce qu’il faudrait, à mon sens, sur Natura 2000. Je ne peux pas interférer dans les décisions de telle ou telle collectivité, mais je peux essayer de convaincre, et le projet de loi d’orientation agricole pourra être l’occasion de se mettre d’accord sur certains sujets.

Madame Belluco, vous avez raison, la France irrigue 7 % seulement de sa surface agricole utile. L’agriculture est essentiellement pluviale. Mais je conteste l’idée que les réserves d’eau destinées à l’irrigation constituent un accaparement : l’eau prise par les agriculteurs sert pour nourrir la population, pas pour remplir des piscines !

Tous les projets que vous avez sous les yeux, notamment ceux qui sont définitivement validés, sont développés selon trois axes : stockage ; substitution par rapport aux prélèvements estivaux, ce qui est préférable, et réduction des prélèvements ; évolution des pratiques. Je vous vois contester mes propos, mais donnez-moi un exemple du contraire, sur le même bassin bien sûr ! C’est le cas pour le bassin de Sainte-Soline : 21 millions de mètres cubes étaient prélevés l’été ; l’objectif est de prélever 13 millions en tout, dont la moitié dans les réserves de substitution constituées l’hiver. On passe de 21 millions à 6 millions prélevés l’été. C’est mieux ! Si ces projets ne sont pas menés à bien, il n’y a aucun projet.

Cela ne veut pas dire, et vous ne me l’entendrez pas dire, qu’il n’y a pas besoin d’adaptation. Dans le projet de Sainte-Soline, sont prévues des modifications d’assolements, avec moins de maïs, par exemple. Il faut l’assumer : le climat change, les productions vont changer – c’est vieux comme l’histoire du monde et de l’agriculture, même si ces évolutions se font très rapidement. J’essaye de mener une politique équilibrée.

Je vous donne d’autres exemples. Nous défendons beaucoup le système d’élevage extensif sur prairie. Il est lourdement menacé par le dérèglement climatique : au-delà des rats taupiers, nous aurons des périodes de sécheresse qui empêcheront de nourrir les animaux. Nous devons réfléchir à l’alimentation des bêtes, et pour cela il faut de l’eau.

J’étais récemment en Occitanie, dans une exploitation de 70 hectares – pas une très grande surface d’agriculture industrielle, donc – avec 8 hectares d’ail, culture spécialisée qui assure l’essentiel du revenu. Eh bien, cette culture a besoin d’eau. Donc il va falloir de l’eau !

Si je dis à un agriculteur qui fait du maraîchage sur 2 hectares qu’il n’aura pas d’eau, il ne tiendra pas, je vous le garantis.

Nous pouvons être d’accord là-dessus : il faut réfléchir et trouver des solutions. Il faudra de nouvelles pratiques, y compris dans des territoires qui jusqu’ici n’avaient pas besoin d’irrigation. Ils auront besoin de prélever de l’eau, comme les autres. Je ne dis pas que l’équilibre est facile à atteindre ! Nous en reparlerons.

Madame Le Feur, vous voudriez une France avant-gardiste ! Sur les sujets industriels, nous n’envisageons pas de nous éloigner beaucoup de nos voisins – on n’a jamais dit que les voitures françaises seraient très différentes des voitures allemandes, parce que nous vendons sur le même marché. Les normes de construction, les normes qui s’appliquent aux jouets, les normes aéronautiques… sont les mêmes. Mais en matière d’agriculture, nous voudrions parfois des normes très différentes des autres pays. C’est quand même bizarre. En France, nous serions fondamentalement meilleurs que les autres ! Je ne vous vise pas, mais il y a parfois une part d’arrogance dans ces discours qui veulent expliquer aux autres ce qui est mieux. Eh bien les autres nous disent : passe devant, rendez-vous dans dix ans. Et dans l’intervalle, nous perdons de la production en France.

Il faut mener ce combat de la transition, c’est vrai, mais je le mène au niveau européen.

Cela amènera d’ailleurs les autres à demander des clauses miroirs – ce qui satisfera nos amis du Massif central en particulier. Quand nous demandons des clauses miroirs sur des pratiques ou des interdictions qui n’ont cours qu’en France, croyez-vous que le collègue allemand, même écologiste, est gêné ? « Passe devant », dit-il ! Si nous voulons des clauses miroirs dans les traités internationaux, les contraintes que nous imposons doivent l’être au niveau européen. Alors seulement, tout le monde criera famine. Sinon, nous n’y arriverons pas. Vous me trouverez à vos côtés, vous le savez bien, pour défendre ces causes au niveau européen. Mais nous ne gagnerons rien à n’agir que dans le cadre national, ou à proclamer notre supériorité. Cela ne veut pas dire que nous n’essayons pas de pousser les autres !

Monsieur Taite, sans doute avons-nous été trop loin dans la surtransposition. J’ai demandé un examen précis de ce sujet. Mais la baisse de la compétitivité française vient aussi d’investissements que nous n’avons pas su faire, de différences de coût de main-d’œuvre, de la suradministration… C’est une combinaison de facteurs. Les interdictions de produits phytosanitaires ne sont pas seules en cause.

L’Anses est indépendante. Elle peut décider de ses propres interdictions. Je ne pense pas que la bonne solution pour résoudre un problème soit de supprimer la structure d’où vient le problème… Nous devons en revanche travailler avec elle pour anticiper et programmer les interdictions.

Ces sujets ne peuvent être traités qu’au niveau européen, sinon nous créons des distorsions. Aujourd’hui, chaque pays prend ses décisions d’utiliser telle ou telle molécule.

Je pense à la cerise : je ne peux pas attendre cinq ans pour avoir un avis sur l’insecte stérile, qui pourrait constituer une solution, s’il suffit d’un an pour interdire un insecticide ! Le temps de la solution doit être à peu près le temps de l’interdiction.

Monsieur Lovisolo, je vous mets en garde sur la zone d’exclusion des loups. D’abord, bon courage ! Tout le monde va lever la main. Ensuite, tout le quota sera pris dans les zones d’exclusion, mais les autres prennent leur paume ! Vous irez expliquer aux gens des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, de la Drôme ou de l’Ardèche que pour eux, c’est trop tard. Bref, autant vous le dire tout de suite, car, vous le savez, je n’aime pas la démagogie que l’on voit sur ces sujets : les zones d’exclusion, ça ne marche pas. Certains départements n’auront aucun loup, mais malheur aux perdants… Et où seraient ces zones ? J’imagine déjà le défilé au ministère.

Nous régulons les populations. Mais je ne dis ni qu’il faut éradiquer le loup, ni qu’il faut conserver le statu quo. Essayons de trouver des solutions : nous pourrions envisager de simplifier les pratiques de tir, de mieux agir dans de meilleures conditions. Nous devons nous demander quel est notre objectif d’espèce, tranquillement, sans querelle – comme vous l’avez fait. Sans cohabitation, nous n’y arriverons pas, et c’est un facteur à prendre en compte.

Monsieur Dragon, ce que j’ai dit, c’est qu’une dérogation tous les ans, ça s’appelle une règle. Quand il y a une dérogation, c’est que nous nourrissons des doutes sur le produit : dans ce cas, il faut chercher des alternatives sans se dire qu’il y aura une dérogation tous les ans. La dérogation entretient le sentiment que l’usage du produit pourra perdurer.

Je le dis pour les filières : je ne peux pas recevoir tous les ans au mois de janvier des lettres pour me demander une année supplémentaire de dérogation… On ne peut pas suspendre une filière à une décision annuelle. J’assume totalement certaines dérogations. Mais dès lors qu’il y en a une, il faut penser qu’elle ne durera pas ; sinon, cela crée un risque pour les filières, ce que je ne veux pas.

Monsieur Vigier, essayons de ne pas opposer les pratiques. Tous les modèles agricoles pourraient faire un peu plus d’agroécologie, et ils seraient tous gagnants. Quand vous remettez de la matière organique dans les sols, quand vous faites un réseau de haies, quand vous simplifiez le travail du sol, vous ne choisissez pas entre agroécologie et production… Tout cela, c’est documenté, et c’est vieux comme le monde : ces choses se faisaient, pas il y a 5 000 ans, mais il y a 80 ans ! Il faut retrouver ces solutions fondées sur le bon sens agricole. On peut allier production et agroécologie : la seconde est un facteur d’amélioration de la première. Je le dis souvent, à facteurs de production équivalents, nous sommes aujourd’hui moins capables de produire qu’il y a vingt ans, en raison du dérèglement climatique, de l’érosion des sols, de la perte de matière organique... C’est la vérité. Pour se tirer de ce mauvais pas et continuer de produire en quantité, soit on recherche de nouvelles variétés, soit on change les pratiques.

Madame Heydel Grillere, vous m’interrogez sur les cours d’eau. Je nous invite tous à ne pas vivre au rythme des prévisions météorologiques. Nous parlons de sécheresse aujourd’hui, mais quand je vois que l’on annonce de très fortes précipitations, je me dis que quand nous nous reparlerons dans quelques jours, les problèmes risquent d’être d’une autre nature ! En matière hydrologique, je l’ai dit, il faut penser à long terme : faire des économies, constituer des réserves, faire évoluer les pratiques…

Avec mon bon sens paysan, je sais aussi que dans mon département, dans mon jardin, à la fin, il va tomber 600 millimètres, même si j’en ai eu zéro au mois de juin. Je me souviens de 2016 : février sec, mars sec, puis 80 centimètres d’eau dans mon village. À un moment, ça tombe ! Je ne suis pas la météo, je ne fais pas la météo – et heureusement d’ailleurs.

Il est préférable de prendre maintenant, comme nous le faisons, des mesures de précaution qui ne sont pas très coercitives afin de préserver la ressource en eau pour des fonctions qui pourraient être vitales si la sécheresse venait. Mais nous allons vivre dans une période d’agitation du climat. Il faudra s’y habituer : un coup il y aura d’eau, un coup il fera trop sec, un coup il fera trop froid, un coup il fera trop chaud, un coup il y aura trop de vent… Nous vivions dans un pays tempéré, ce ne sera plus le cas. Il faut penser nos politiques sur un rythme pluriannuel. Il est normal que dans votre département, on prenne des précautions. Il n’est pas impossible qu’il finisse par pleuvoir ; il n’est pas impossible non plus que cette année, il ne pleuve qu’en septembre. Nous devons nous y préparer. Le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) nous dit que la quantité de précipitations ne devrait pas beaucoup changer, en tout cas dans un département comme le vôtre. Mais les rythmes seront irréguliers ; il faut gérer l’arythmie. C’est pour cela d’ailleurs que les réserves d’eau sont pertinentes.

Madame Cousin, je vous invite à la prudence sur les chiffres : la surface cultivée en blé a diminué, c’est vrai, mais je vous invite à comparer les cours du blé, du colza et du tournesol. C’est la seule explication. D’une année sur l’autre, il y peut y avoir des baisses de 2 % à 10 %. C’est plus inquiétant si on cultive moins de betteraves, dans la région de M. Vatin : là, c’est durable, vous auriez raison. Mais sur le blé, pitié ! Il y a une rotation des cultures, les variations ne sont pas illogiques. Quand les agriculteurs ont fait leur choix d’assolement, même tardif au moment de la guerre en Ukraine, ils avaient encore le temps de faire autre chose que du blé. On avait aussi besoin de colza et de tournesol ! C’est un choix économique et logique. Il faut regarder sur le long terme : la surface en blé en France est plutôt stable.

En revanche, vous avez raison, nous devons retrouver notre souveraineté. Il est plus facile pour vous que pour moi de dire que ça ne va pas, parce que mon rôle à moi est de trouver des solutions ! Ce sera un processus long. Il faut la confiance des acteurs, il faut sortir de différentes impasses techniques.

Madame Miller, c’est en effet la viticulture qui a le plus contribué au développement du label HVE. Le référentiel a changé pour correspondre aux écorégimes de la nouvelle PAC. Nous avons prévu des groupes de travail pour regarder ce qui peut être amélioré pour la viticulture – qui n’est pas dans la même situation que les grandes cultures.

Monsieur Vatin, je vous redirai ce que j’ai déjà dit : il nous faut des règles européennes ; des clauses agricoles doivent être inscrites dans les accords internationaux ; il faut faire de l’agroécologie, parce que c’est la condition de la souveraineté et de la productivité ; nous devons emmener nos concitoyens avec nous, parce que c’est une question de rémunération. Il y a du travail !

Sur les betteraves, la dérogation que nous avions prévue a été cassée par la Cour de justice de l’Union européenne : nous allons essayer de couvrir le risque, puis nous cheminerons… Si j’étais taquin, je vous rappellerais la loi de 2016 qui a interdit les néonicotinoïdes et consacré le principe de non-régression environnementale, voire le principe de précaution inscrit en 2004 dans la Charte de l’environnement : je ne participais à aucun de ces gouvernements ! Chacun doit réfléchir à ses propres décisions. Nous devons nous saisir collectivement de cette affaire.

Madame Masson, le décret est au Conseil d’État. Nous vous le communiquerons. L’idée est de simplifier la réutilisation de l’eau par les industries agroalimentaires. L’expérimentation menée dans la région Sud – je dis Sud et non Paca, sinon je vais être grondé… – concerne les cultures, et elle nous permettra de faire évoluer le décret. Notre pays a édicté, pour des raisons sanitaires, des règles très sévères en matière de réutilisation des eaux usées : nous retraitons très peu, quand l’Italie et l’Espagne le font bien plus que nous – et je n’ai pas l’impression qu’on y soit en moins bonne santé. Nous essayons donc de lever des freins, de sortir d’habitudes bien ancrées, car la réutilisation des eaux usées est une piste pour lutter contre la sécheresse, notamment dans une région comme la vôtre.

Monsieur Descoeur, longtemps, les gens riaient quand ils entendaient parler des rats taupiers… Mais vous avez entièrement raison : les conséquences agricoles sont bien réelles, de même que les risques sanitaires, et à terme nous aurons un problème avec les forages. Des recherches sont en cours, notamment à l’Inrae, en particulier sur la robotisation de la lutte et sur des immunocontraceptifs. C’est lent, je le reconnais. Voilà un sujet qui peut paraître anecdotique mais qui est très symbolique des impasses dans lesquelles se trouvent certains territoires. Sécheresse et rat taupier, cela peut mener au désespoir…

Monsieur Ray, je vous confirme les bonnes nouvelles en matière d’étiquetage des volailles. Nous partions de très loin car nous étions un peu seuls, mais nous avons fait valoir nos raisons : si on commence à dégrader l’étiquetage, la fin arrivera très rapidement. C’est une question de principe. La proposition qui est sur la table est plus satisfaisante, mais le processus continuera en avril et mai. Je continue donc mon travail de conviction.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Plus de deux heures et beaucoup de questions : vous l’avez compris, monsieur le ministre, nos collègues sont très intéressés. Revenez quand vous voudrez !

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Membres présents ou excusés

 

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

 

Réunion du mardi 7 mars 2023 à 17 h 15

 

Présents. - Mme Lisa Belluco, M. Emmanuel Blairy, M. Jean-Yves Bony, M. Jean-Louis Bricout, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Lionel Causse, Mme Annick Cousin, Mme Christine Decodts, M. Vincent Descoeur, M. Nicolas Dragon, M. Jean-Luc Fugit, M. Daniel Grenon, Mme Clémence Guetté, Mme Laurence Heydel Grillere, Mme Florence Lasserre, Mme Sandrine Le Feur, M. Jean-François Lovisolo, M. Emmanuel Maquet, Mme Alexandra Masson, Mme Laure Miller, M. Bruno Millienne, M. Hubert Ott, M. Nicolas Ray, M. Jean-Pierre Taite, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Thierry, M. David Valence, M. Pierre Vatin, M. Antoine Vermorel-Marques, M. Antoine Villedieu, Mme Anne-Cécile Violland, M. Jean-Marc Zulesi

 

Excusés. - Mme Nathalie Bassire, M. Guy Bricout, M. Jean-Victor Castor, M. Johnny Hajjar, M. Yannick Haury, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Max Mathiasin, M. Marcellin Nadeau, M. Philippe Naillet, Mme Christelle Petex-Levet, Mme Anne Stambach-Terrenoir

Assistaient également à la réunion. - Mme Anne-Laure Babault, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Aymeric Caron, M. Dino Cinieri, Mme Chantal Jourdan, Mme Francesca Pasquini, M. Benjamin Saint-Huile, M. Jean-Pierre Vigier, M. Jean-Luc Warsmann