Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Communication de Mmes Sandrine Josso et Laure Lavalette, rapporteures de la mission « flash » sur les maladies neurodégénératives              2

– Examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime (n° 1439) (M. Didier Le Gac, rapporteur)              19

– Décision, en application de l’article 148, alinéa 3, du Règlement, sur la pétition (n° 1067) du 20 octobre 2022 « Allongement de la durée du congé maternité » (M. Thibault Bazin, rapporteur)              29

– Informations relatives à la commission......................39

– Présences en réunion.................................40

 

 

 

 

 


Mercredi
12 juillet 2023

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 101

session extraordinaire de 2022-2023

Présidence de
Mme Fadila Khattabi,
présidente

 

 

 


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La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

 

La commission entend la communication de Mmes Sandrine Josso et Laure Lavalette, rapporteures de la mission « flash » sur les maladies neurodégénératives.

Mme Laure Lavalette, rapporteure. Avec Sandrine Josso, nous avons l’honneur de vous présenter les conclusions de la mission « flash » que nous avons conduite depuis trois semaines sur les maladies neurodégénératives. Cette mission a été inspirée par une interpellation que certains d’entre vous ont pu recevoir de la part de personnes aidantes de malades atteints de maladies neurodégénératives. Je tiens à remercier Mme Dubeul, qui s’occupe quotidiennement avec son fils de son époux atteint d’Alzheimer précoce, diagnostiqué à seulement 53 ans, qui m’avait contactée et qui est à l’origine de cette mission.

Les aidants nous alertent sur leur situation et leurs très grandes difficultés à maintenir leurs proches malades dans de bonnes conditions, mais aussi pour assurer le maintien de leur propre santé. Ils sont en effet dans une situation psychologique médicale très inquiétante. Si nous parlons des aidants de ces maladies neurodégénératives, il est possible de dupliquer ces situations aux autres aidants ; 60 % d’entre eux sont exposés à un risque de surmortalité dans les trois ans qui suivent le déclenchement de la maladie de leurs proches et un aidant sur trois meurt avant la personne aidée. Bien évidemment, cette situation doit alerter les parlementaires que nous sommes. C’est pourquoi avec ma collègue, nous avons choisi de mettre au cœur de notre travail non seulement les malades et les moyens de mieux les soigner, mais aussi les aidants, maillons absolument indispensables de la politique que nous devons mettre en œuvre pour accompagner les personnes atteintes de maladies neurodégénératives, que nous appellerons ce matin les « MND ».

Ces maladies sont définies comme des maladies chroniques progressives qui touchent le système nerveux central. Elles sont incurables, invalidantes et constituent un véritable enjeu de santé publique pour notre société. Certaines MND sont très connues, car répandues. La France compte environ 1 200 000 personnes touchées par la maladie d’Alzheimer, dont 24 000 avant 65 ans. Nous verrons qu’il s’agit là d’un tabou ; 300 000 personnes sont touchées par la maladie de Parkinson, avec 25 000 nouveaux cas chaque année, et 110 000 personnes souffrent de sclérose en plaques. Il s’agit des trois maladies neurodégénératives les plus connues. Toutefois, nous recensons environ 7 000 MND dites rares touchant moins d’une personne sur 2 000. Les plus répandues sont les maladies de Charcot, de Huntington, la dystonie ou la paralysie supra-nucléaire progressive. Quelle que soit leur fréquence, ces MND ont de graves conséquences pour les personnes atteintes sur les plans physique, émotionnel, cognitif et comportemental. Elles créent de fait des besoins très importants pour les personnes atteintes et donc pour les aidants. Il ne s’agit pas d’un défi franco-français, mais d’un défi mondial, dans un contexte où les causes précises de ces maladies sont encore très mal connues. On estime le coût de la seule maladie d’Alzheimer dans le monde à environ 733 milliards, soit 1 % du PIB mondial. Le vieillissement de la population continue d’accroître le nombre de personnes touchées par les MND. Il faut donc que nous puissions y répondre de manière plus directe et ambitieuse.

Mme Sandrine Josso, rapporteure. C’est ce que la France a commencé à faire au début des années 2000 en mettant en œuvre plusieurs plans, dont les réalisations ont été hétérogènes. Plusieurs plans Alzheimer ont été bien identifiés par le grand public, en particulier le troisième qui couvrait la période 2008-2012 et qui a été l’occasion d’importantes avancées. Le plan maladies neurodégénératives qui couvrait la période 2014-2019 a mobilisé un financement propre de 85 millions d’euros et a été relayé par une feuille de route 2021-2022. Le plan maladies neurodégénératives a été évalué et a fait ressortir un constat clair : les 96 mesures qu’il comprenait sont trop nombreuses et éparses pour être totalement mises en œuvre. Le ministère nous a indiqué travailler à un nouveau plan qui doit être dévoilé en fin d’année. Toutefois, nous considérons que ce plan doit être pluriannuel et travaillé avec les associations de patients et d’aidants. Contrairement au plan précédent, il doit également inclure les maladies rares, qui sont trop souvent mises de côté.

Pour mieux connaître ces maladies rares, comme le demandent les associations, nous pouvons également en finir avec le terme de « maladies apparentées ». En effet, les maladies neurodégénératives rares sont souvent désignées avec ce qualificatif qui cherche à les apparenter et elles sont malheureusement plus répandues, notamment Alzheimer ou Parkinson. Or, les maladies neurodégénératives rares sont des maladies souvent très spécifiques. C’est pourquoi nous proposons de revoir la liste des affections de longue durée pour reconnaître à part entière les principales maladies neurodégénératives dites rares.

Nous relayons ainsi une demande régulièrement faite par les associations, à savoir la création d’un centre de référence pour la maladie à corps de Lewy, une maladie neurodégénérative qui touche près de 25 000 personnes et qui est l’une des seules à ne pas avoir son propre centre de référence. En parallèle, afin de mieux connaître les patients atteints de maladies neurodégénératives, nous demandons la création de registres nationaux et départementaux qui pourraient être renseignés par des attachés de recherche clinique, ce qui permettrait d’en savoir plus pour qu’à chaque maladie neurodégénérative, sur le profil des personnes atteintes, leur situation géographique, sociale et économique, un facteur et un focus spécifique soient réalisés sur la situation dans les départements ultramarins.

Notre audition avec des chercheurs et des médecins nous a également permis de mesurer à quel point les actes de prévention, qui peuvent être très bénéfiques, sont peu connus du grand public : les activités physiques de plein air, le fait de ne pas être exposé aux pesticides, tous ces actes permettent de limiter fortement les risques des maladies neurodégénératives. Nous proposons donc qu’une campagne nationale soit lancée à ce sujet, en ciblant en particulier les femmes et en s’appuyant sur les entreprises afin d’éviter les confusions et les licenciements sans indemnité pour erreur ou comportements inadaptés lorsqu’une forme comportementale de la maladie ressort.

Notre travail s’est également intéressé au domaine de la recherche, qui est évidemment indispensable pour améliorer la connaissance de ces maladies, les actes de prévention et la prise en charge. Nous appelons par ailleurs à ce que cette recherche soit diversifiée afin de n’oublier aucune maladie et à ce qu’elle se concentre sur les causes potentielles qui restent encore très mal connues. Les facteurs environnementaux, en particulier, commencent à faire l’objet d’études pour leurs liens avec les maladies neurodégénératives, mais cette recherche ne fait que commencer. Nous appelons donc à renforcer en particulier les recherches sur l’exposome, c’est-à-dire tous les facteurs auxquels un organisme est exposé depuis sa naissance et tout au long de sa vie, et qui influence bien évidemment sa santé. Nous alertons également sur le manque de neurologues dans certains départements. Cette désertification médicale a des impacts non seulement sur la bonne prise en charge des patients, mais aussi sur la durée de l’errance de diagnostic. Cette période, souvent douloureuse pour les personnes malades et leurs proches, est celle durant laquelle le diagnostic n’est pas encore définitif. Elle peut engendrer des traitements ou des actes inadaptés à la situation réelle de la personne.

Mme Laure Lavalette, rapporteure. Les personnes que nous avons auditionnées nous ont fait part des difficultés qu’elles peuvent rencontrer lorsque les professionnels de santé ne sont pas assez compétents en la matière, lorsqu’ils connaissent assez mal ces maladies et peuvent faire de mauvais diagnostics. C’est par exemple le cas pour les MND les plus rares, mais aussi les plus répandues, et qui touchent les personnes jeunes, notamment la personne qui est à l’origine de cette mission « flash », dont le mari a été diagnostiqué à l’âge de 53 ans. Celui‑ci a eu un parcours compliqué : il a été traité pendant pratiquement dix ans pour un burn out qui n’était pas la cause de sa souffrance. Ses premiers symptômes ont commencé à l’âge de 42 ans. On parle de maladie neurodégénérative très précoce. À cet âge-là, quand vous allez voir votre médecin traitant, il ne pense évidemment pas tout de suite à une maladie neurodégénérative. Il est donc essentiel de renforcer cette connaissance des médecins. Il est primordial de réduire cette errance de diagnostic puisque plus vous êtes traité tôt, plus vous avez de chances de mieux vivre cette pathologie qui, de toute façon, est incurable.

Cela passe en outre par l’augmentation du nombre de neurologues. À ce jour, ils sont moins de 3 000 en France. Une vraie question générale sur nos études de médecine et le nombre de nos enfants qui choisissent la médecine se pose de fait. Le renforcement de la formation à toutes les formes de maladies neurodégénératives est également visé. Nous avons par ailleurs pensé que les assistants sociaux dans les centres communaux d’action sociale devraient être formés spécifiquement parce qu’ils sont souvent des primo-interlocuteurs de ces patients et des proches aidants.

Nous avons du reste beaucoup insisté sur la question de la pénurie de certains médicaments. Les auditions ont montré que ces pénuries ont pu exister par le passé ; il en reste encore évidemment, ce n’est pas terminé. La commission d’enquête du Sénat qui a récemment rendu son rapport a bien montré les risques qui pèsent en la matière. Comme moi, vous avez dû recevoir de nombreux courriels de personnes qui se plaignent de ne pas avoir ces médicaments, ce qui pose un vrai problème dans ces maladies neurodégénératives. Il nous paraît de même important de rembourser à nouveau quatre médicaments qui sont utiles à la maladie d’Alzheimer et qui avaient été déremboursés par Mme Agnès Buzyn en 2018, médicaments nécessaires aux patients. D’après les remontées que nous avons eues, cela avait suscitée de la colère dans les familles. Lorsqu’il s’agit en effet d’un médicament qui fait du bien, lorsqu’il faut dépenser 70 euros de traitement par mois, certaines familles ont dû renoncer à ces traitements, ce qui nous paraît hallucinant. Mme Buzyn avait dit que l’argent économisé grâce au déremboursement serait intégralement fléché et réorienté vers l’accompagnement des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Cinq ans plus tard, force est de constater que ce n’est pas le cas. Les associations et les professionnels attendent toujours cette réorientation. De nombreux patients atteints de ces MND utilisent des médicaments qui sont en autorisation temporaire d’utilisation et dont il nous faut faciliter le recours.

Nous conclurons sur les aidants. Nous avons bien vu tout au long de cette mission qu’ils étaient vraiment l’une des clefs des enjeux les plus importants de ce sujet, il est important d’insister sur cet aspect. Nous leur devons beaucoup. Les pouvoirs publics ne sont pas suffisamment à la hauteur de l’engagement quotidien de ces personnes au service de leurs proches et donc au service de la société. Nous voulons redire les difficultés extrêmes, et nous ne mâchons pas nos mots, dans lesquelles se trouvent les aidants, à quel point ils demandent soutien à l’État et à la collectivité. Il est essentiel que nous parvenions à leur offrir un droit au répit. La loi leur reconnaît ce droit depuis 2015, mais les structures qui sont actuellement en place en France ne le permettent pas. C’est encore beaucoup trop insuffisant. Il n’existe par exemple qu’un seul village Alzheimer dans toute la France : un petit village de huit maisons de huit places, soit 64 places, à Dax. Cette création est due à la volonté personnelle d’Henri Emmanuelli. On se rend compte que de telles entreprises relèvent souvent d’une volonté personnelle et d’une opiniâtreté de la part d’une personne qui a été concernée. Nous avons pu auditionner des personnes dont les familles étaient prises en charge dans ce village Alzheimer, qui paraît être un modèle et que nous devrions arriver à décliner dans d’autres régions. Les patients y sont pris en charge jusqu’à la fin, ce qui représente un réconfort évident pour les familles. Tous nous ont dit le professionnalisme des personnes qui y travaillent et à quel point ce village était pour eux un immense soulagement, car ils savent que leurs proches sont très bien accompagnés. Ils reçoivent des photographies dès que leurs proches vont bien, des FaceTime sont organisés. Nous pouvons sentir une sorte de bienveillance, ce qui n’est évidemment pas le cas dans toutes les structures. Nous pensons que ce type d’initiatives doit absolument être dupliqué sur tout le territoire et nous envisagions donc de le visiter.

Je tiens à souligner par ailleurs que nous avons pu auditionner la sœur d’une personne accueillie dans ce village, qui nous a annoncé durant l’audition avec des larmes de joie que son fils aidant venait d’obtenir son baccalauréat sereinement grâce à la prise en charge de sa mère. Il semble fou de se dire que le fils aidant passait simplement le baccalauréat : lorsque vous avez une maladie neurodégénérative à 50 ans, vous avez encore des enfants jeunes et c’est une autre problématique. Ce thème sera peut-être l’occasion d’une autre mission « flash ». Nous observons bien des enfants aidants. Ce n’est pas du tout le paradigme que nous avons en pensant aux aidants ; on pense être aidant à 60 ans de ses parents qui ont 80 ans. Ce n’est pas le cas cependant ; tout un pan de la population souffre en effet. Ces enfants ne sont pas suffisamment pris en charge. Un soutien psychologique évident devrait être beaucoup plus important.

Ce village est précieux. Nous aspirons fortement à le dupliquer ; pourquoi pas ? Le sujet est mis sur la table. Il est impératif à mon sens de vraiment repenser ces structures qui permettent un accueil temporaire et adapté. Il est nécessaire de plus de sortir de la logique du tout Ehpad, point qui est ressorti de nos auditions. Pour ce faire, des relations très différentes doivent être entretenues avec les agences régionales de santé (ARS). Je pense typiquement à un accueil de jour très bien pensé au sein de ma circonscription, Alzheimer aidant, où l’on n’accueille pas en même temps des personnes atteintes de tous les stades de la maladie. Quand vous êtes atteint de la maladie à 60 ans, vous avez besoin d’être pris en charge, mais vous n’avez certainement pas envie de passer vos journées avec quelqu’un qui a Alzheimer depuis 25 ans et qui a 85 ans. Cette sorte d’effet miroir n’est pas bon pour l’avancement de la maladie. Un médecin disait que lorsque vous allez au cinéma et que vous regardez un film avec des acteurs de 85 ans, en sortant, vous marchez moins vite que si vous étiez allés voir Avengers. Passer sa vie avec des personnes plus atteintes que soi vous tire vers le bas.

L’élément psychologique est également à prendre en considération : vous, la famille, n’avez pas envie de voir vos parents en début de maladie avec des personnes trop atteintes. Typiquement, dans ma circonscription, le lundi et le jeudi, l’accueil de jour prend en charge les personnes très sévèrement atteintes, le mardi et le vendredi, les personnes modérément atteintes et le mercredi et le samedi, des personnes en début de maladie, avec qui vous pouvez jouer au scrabble, faire des mémos, avoir une stimulation évidemment toute différente. Cette différenciation de stade de la maladie nous paraît fondamentale et est à l’opposé de ce qui se fait en ce moment par les pouvoirs publics qui applique une logique de tout Ehpad.

Aucune autre structure n’est ouverte alors que de formidables projets sont chiffrés, simplement parce qu’il reste des places en Ehpad. Telle est l’absurdité de ce modèle.

Des réflexions doivent d’autre part être engagées pour continuer à reconnaître la contribution des aidants, notamment en matière de retraite. Trop d’aidants nous ont confié être partis à la retraite avec des décotes ; nombre d’aidants doivent arrêter de travailler pour s’occuper de leurs conjoints ou de leurs parents. Nous pensons qu’une réflexion sur la fusion de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) est nécessaire. Il est possible de bénéficier de l’une si vous êtes diagnostiqué avant 60 ans, et de l’autre après 60 ans, ce qui nous paraît très compliqué. Il conviendrait à mon sens de simplifier ce statut d’aidant et de faire en sorte que lorsque vous arrêtez de travailler, vous pouvez évidemment obtenir une compensation.

Avant de céder la parole à ma collègue avec qui j’ai pris beaucoup de plaisir à mener cette mission « flash », je tenais à vous faire part de mon inquiétude quant aux départements ultramarins. En 2018, lors de son audition par la mission d’information sur le grand âge dans les outre-mer, France Alzheimer mettait déjà en exergue les caractéristiques propres à ces territoires. Aucune réponse n’a été apportée depuis. Il est primordial de mener des études sur zone afin de recueillir des données épidémiologiques toujours inexistantes. Nous savons que le vieillissement sera plus important qu’en métropole dans ces zones du fait de l’allongement de la durée de vie combiné à la diminution des naissances et à l’immigration massive des jeunes actifs. Il reste une population qui est vieillissante.

Si la question des déserts médicaux nous préoccupe tous, elle est également majeure en outre-mer. Mayotte, par exemple, ne compte aucun neurologue. Quand vous avez des signes avant-coureurs de la maladie, que vous commencez à oublier ou à avoir un comportement particulier, vous pouvez passer beaucoup trop de temps dans une errance de diagnostic. Les spécificités doivent être prises en compte, la préférence de ces populations pour le maintien à domicile également ; la culture n’est pas forcément identique en effet. Les pouvoirs publics doivent selon moi s’adapter et les professionnels suivre une formation spécifique.

Mme Sandrine Josso, rapporteure. Nous pensons que les aidants ont besoin d’un véritable statut unique, quelle que soit leur relation familiale avec la personne aidée, qui leur reconnaît et leur ouvre des droits spécifiques, leur permettant de voir leur vie fortement améliorée. Avec ma collègue, nous avons été particulièrement touchées par de nombreux témoignages que nous avons entendus et, à ce sujet, nous souhaitons vraiment que les associations de patients et d’aidants soient mieux soutenues par l’État. Elles constituent un maillon indispensable de soutien et de relais de la parole et elles ont bien évidemment besoin d’être encore plus entendues.

Nous proposons également la création d’un droit de l’aidant à la demande de rupture de contrat de travail donnant droit à une indemnité, ainsi que des visites médicales régulières, tant la situation psychologique et médicale des aidants est alarmante, je le souligne. L’allocation journalière du proche aidant (AJPA) qui a été mise en place devrait également être assouplie afin de pouvoir être modulée et donc plus adaptée à la situation de chaque aidant.

Nous espérons que notre mission nous permettra largement de prendre en compte ces maladies souvent mal connues, et de mieux prendre en charge et de soutenir à la fois les personnes atteintes qui ont d’importants besoins, mais aussi leurs aidants – et il ne faut surtout pas oublier de les mettre en avant. C’est précisément sur ses deux jambes que toute politique en la matière doit selon nous se fonder désormais.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je vais passer la parole aux orateurs des groupes.

M. Didier Martin (RE). Ce vaste sujet est certainement difficile à inscrire dans le cadre d’une mission « flash ». Vous abordez des questions de santé publique avec la prévention, l’épidémiologie, les facteurs d’exposition, le pronostic. Vous abordez des questions strictement médicales. Si j’ai bien entendu la motivation de votre mission, vous abordez de surcroît la question des aidants qui, à mon avis, prend tout son relief et son importance dans votre rapport.

Il s’agit toutefois d’être prudents à certains écueils. Je prendrai un exemple sur le médicament. Vous savez que les médicaments ne relèvent pas uniquement d’une décision politique, contrairement à ce qu’affirmait la rapporteure, Mme Lavalette, qui a voulu incriminer Mme Buzyn. Certains médicaments sont irremplaçables, d’autres ont un service médical majeur, modéré ou faible. Ce sont des décisions qui ne sont pas de nature politique, mais bien scientifique sur la base des preuves. Ne tombez pas dans la démagogie en prônant le déremboursement des médicaments non efficaces.

Vous abordez la question de la nosologie des maladies dont il est question ; sachez que même les médecins, même les chercheurs sont dans de grands questionnements par rapport à la distinction entre un Parkinson et la maladie à corps de Lewy associée à un Alzheimer. Je ne suis pas là pour vous critiquer, au contraire, car vous mettez en lumière différentes problématiques. J’aurais toutefois apprécié une préconisation de votre part, mais vous n’y êtes peut-être pour rien. Je considère du reste que la dénomination des maladies neurodégénératives est, à mon avis, un terme péjoratif. Il faut lui préférer le terme de « maladie neuro-évolutive ». À 45 ans, lorsque l’on a un diagnostic de Parkinson, il est préférable d’entrer dans une maladie évolutive plutôt que dégénérative.

Mme Joëlle Mélin (RN). Pour synthétiser le travail réalisé par les rapporteures, je souligne qu’elles ont parfaitement abordé le côté médical concernant la prévention et le diagnostic précoce. Elles ont abordé la prise en charge d’excellence ainsi que la recherche, elle aussi d’excellence, concernant l’étiologie, la physiopathologie et le traitement. Je suis tout à fait d’accord sur l’appréciation de notre collègue Martin sur la définition de ces maladies neuro‑évolutives. Les rapporteures ont également abordé l’accompagnement avec les aidants et surtout les aidants familiaux et le personnel qui doit être formé. Je pense que le rôle de la région sera en l’occurrence important. Cependant, c’est peut-être volontairement qu’elles n’ont pas évoqué la maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH), qui a ce rôle particulier d’aider à l’aménagement. Je pense surtout aux artisans et aux architectes des MDPH qui permettent des aménagements à domicile. Dans cette optique, cela permet de soulever la fusion qu’elles ont souhaitée de la PCH et de l’APA en faisant disparaître cette barrière des 60 ans, ce qui me semble tout à fait important.

J’irai un peu plus loin sur le lieu de vie. Le lieu de vie Ehpad prévoit l’accueil de personnes âgées dépendantes. Or, ces personnes ne sont pas âgées dans bien des cas. La solution existante est celle des appartements thérapeutiques. Il serait judicieux de penser ces appartements thérapeutiques autrement. En effet, pour les personnes sortant d’institutions, c’est une ouverture au monde et pour celles qui viennent de chez soi, c’est une fermeture au monde, une fermeture partielle. C’est donc avec beaucoup de doigté qu’il convient d’avoir recours aux appartements thérapeutiques, voire aux appart’hôtels médicalisés. Ce domaine implique l’engagement d’un important travail. Les circonstances avancent dans ce domaine, il s’agit véritablement d’un problème de conception architecturale, d’accompagnement et de repenser la vie accompagnée par des corps de santé qui ne sont pas toujours à l’honneur. Je pense aux ergothérapeutes et aux psychomotriciennes.

M. Stéphane Viry (LR). Votre communication est et sera utile pour les travaux de notre commission. Je voulais vous féliciter de vos travaux ainsi que de vos avis et de vos propositions. À vous entendre, sur la façon dont le pays entreprend depuis plusieurs années de lutter contre ces maladies, nous nous apercevons, me semble-t-il, d’un essoufflement. Vous avez un regard assez critique sur les plans en évoquant des mesures empilées, mais qui ne forment pas un tout. Vous avez effectivement indiqué que ces plans ne traitaient pas des maladies rares. Vous avez effectivement émis l’objection qu’il n’y avait pas de pluriannualité. J’ai par conséquent noté un regard assez critique et une mise en relief du peu d’actions depuis une dizaine d’années sur la façon de prendre en charge ces maladies.

Par ailleurs, vous avez effectivement évoqué très largement que les maladies rares neuro-évolutives étaient oubliées, qu’on ne traitait que des maladies les plus connues, mais qu’on en oubliait certaines, et je pense notamment à la maladie de Charcot. Votre avis est expressif à ce propos, en tout cas d’un regard à l’issue de cette mission « flash ».

J’ai pour ma part apprécié votre double approche, celle des malades, à l’évidence par rapport au sujet, mais également celle des familles des malades, avec la question centrale des aidants. Nous observons en effet en France un droit au répit plus formel que réel. Notre pays est à la traîne et pourrait être présent pour autoriser une solution à l’entourage des patients pour ne pas sombrer eux-mêmes. Vous l’avez souligné, dans les quatre ans restant de cette législature, il serait nécessaire d’avancer.

Avez-vous eu le temps ou la possibilité d’étudier les pratiques en la matière dans les pays limitrophes à la France, dans d’autres pays européens, concernant le traitement ou l’accompagnement de ces maladies neurodégénératives ou évolutives, à la fois dans la recherche, dans les politiques de santé et d’accompagnement, soit dans leur politique de santé publique sur ces maladies ?

M. Olivier Falorni (Dem). Des milliers de malades vivent avec une maladie neurodégénérative. Ce type de maladie touche majoritairement des personnes âgées. Vous l’avez notifié, des personnes beaucoup plus jeunes peuvent également être touchées. Ces MND regroupent une vingtaine de maladies et le bilan du plan MND 2019 pointait déjà l’insuffisance des réalisations au regard des besoins et des objectifs fixés, mais aussi les nombreux aspects non couverts par le plan. C’est dire l’enjeu majeur d’une véritable politique sur ce sujet.

La mission « flash » préconise une liste de propositions avec lesquelles je suis globalement en accord. De la première découleraient évidemment les autres et je suis surpris que le bilan de la dernière feuille de route ne soit pas encore sur la table. Je pense qu’il est impératif de cheminer rapidement.

Vous préconisez une fusion de l’APA et de la PCH ainsi que la suppression de l’âge pivot de 60 ans. Je suis absolument d’accord avec la fin de cet âge barrière de 60 ans, qui est une déshumanisation totale du handicap soudain. En revanche, le cinquième risque a été créé notamment en vue de cette fusion APA-PCH. Trois ans après, cette fusion n’existe pas et semble encore incertaine. Pourquoi ?

Si le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que des situations différentes soient traitées de façon différente, le handicap est quant à lui considéré comme un événement soudain qui ne permet pas aux personnes atteintes de prévenir ce risque et de s’entourer financièrement de toutes les précautions nécessaires. Soit ces personnes bénéficient d’une aide évaluée en fonction de la perte d’autonomie, soit d’une aide limitée par les différents groupes iso‑ressources (GIR). Plusieurs idées peuvent être avancées, comme une refonte des plafonds en GIR et une autre indexation, ainsi qu’une réindexation des plafonds de l’APA.

En 2022, près de la moitié des aidants ne se considérait pas comme telle, c’est‑à‑dire qu’ils ne liaient pas ce terme à leur situation personnelle, alors même que dans les faits, ils portent souvent et bénévolement une aide à un proche malade ou dépendant. Intégrer la condition des aidants dans la société passe par une sensibilisation des professionnels à mieux les identifier, connaître leurs besoins, analyser leur état psychologique pour pouvoir ensuite les prendre en compte. Je voulais attirer votre attention sur ce sujet, et vous l’avez fait.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je retiendrai de cette mission « flash » trois points qui, à travers la porte d’entrée des MND, viennent nous poser des questions qui vont bien au-delà de cette seule problématique que vous avez mentionnée dans votre présentation. La question de la barrière d’âge à 60 ans vient d’être soulevée et représente le sparadrap du capitaine Haddock que nous traînons. Nos prédécesseurs et législateurs, l’article 13 de la loi de 2005, avaient prévu la suppression de la barrière d’âge dans les cinq ans. Nous avons par conséquent treize ans de retard par rapport à ce que le législateur a décidé en 2005 dans la grande loi sur le handicap visant à supprimer cette barrière d’âge qui fait qu’en fonction de l’âge auquel elle survient, une situation de perte d’autonomie – et les MND peuvent en être une –, certaines prises en charge peuvent varier de 1 à 3 selon l’APA ou la PCH, au regard des barèmes existants. Nous continuons à accepter qu’en fonction de l’âge, de la survenance, de la perte d’autonomie, du handicap, de la maladie neurodégénérative, la réponse de la puissance publique est aussi variable. Et rien. La cinquième branche n’aborde pas cette problématique pour une simple raison : le coût que cela signifierait, parce que tout le monde envisage évidemment un nivellement vers le haut et non pas un nivellement vers le bas.

Je citerai une deuxième illustration d’une problématique lourde que vous avez mentionnée : l’insuffisance du congé de proche aidant et de l’AJPA. Celle-ci a été créée par le loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, une première évaluation a eu lieu l’année dernière. C’est dérisoire au regard du montant et eu égard au fait que seuls les salariés sont concernés, vous l’avez souligné : 270 000 dans le privé, 67 000 dans le public et à peine 7 000 demandes en une année et des montants qui sont faibles.

Le troisième point d’illustration m’amène à évoquer le village Alzheimer Henri Emmanuelli, que j’ai eu l’occasion de visiter pour cette simple raison : il s’agit du seul endroit où la puissance publique a décidé d’avoir un ratio d’encadrement hors norme du fait de l’ARS. Le département a fait le travail, l’investissement, le terrain, le financement. La singularité du village Alzheimer porte cependant sur le ratio d’encadrement : 128 salariés sont présents pour 120 résidents. Nous sommes donc au-delà des ratios d’encadrement dans le champ du handicap. Au regard de ces éléments, soulignons une qualité de vie et une qualité de prise en charge. Aussi, si nous voulons des Ehpad, puisque c’est un Ehpad qui fonctionne, un ratio d’encadrement de plus de 0,6 est requis, même pas 0,8, mais 1 et au-delà.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Au nom de mon groupe, je tiens à vous féliciter toutes deux, mesdames les rapporteures, de ce travail intéressant permet de faire un point sur ce que vous avez très bien décrit comme un angle mort des prises en charge et qui mérite effectivement une reprise en main. Vous l’avez très bien décrit en effet : 4 millions de nos concitoyens sont concernés, avec, compte tenu des évolutions, des perspectives où certains aspects ne vont cesser de s’aggraver, également très bien décrits dans votre rapport et sur lesquels vous avez insisté. Réponses urgentes, engagements déterminés de toutes les parties prenantes, besoins de formation : vous avez brossé l’ensemble du sujet. Je souhaite m’associer à votre proposition de rendre publique l’évaluation de la feuille de route 2021-2022 qui est le fruit d’un dialogue nourri entre les représentants du ministère des solidarités et de la santé et le collectif des associations représentant les personnes atteintes de maladies neurodégénératives. Cette feuille de route comprend plusieurs axes de travail essentiels afin que demain, nous puissions répondre collectivement aux enjeux de ces maladies, et notamment la prise en soins, l’accompagnement des personnes malades et leurs proches aidants.

Tous les orateurs l’ont repris, vous-mêmes avez beaucoup insisté sur le rôle des aidants, sujet sur lequel mon collègue Paul Christophe travaille. Nous savons que les proches aidants entretiennent une relation particulière mêlant affection, frustration et parfois anxiété avec les personnes atteintes de maladies neurodégénératives. Malheureusement, comme vous l’évoquez, leur situation est critique : un aidant sur trois meurt avant la personne aidée, difficile réalité. Par conséquent, l’impulsion d’un nouveau virage dans le soutien des autorités publiques à l’égard des aidants est primordiale. Notre groupe suivra avec attention la mise en œuvre des préconisations que vous avez formulées et salue le côté très utile de ce rapport.

M. Sébastien Jumel (GDR - NUPES). Nous relevons un côté un peu insolite quant à observer une mission « flash » sur cet important sujet au moment où, d’une certaine manière, la loi « bien‑vieillir » est mort-née et ne va pas aboutir. Je pense que dans ce domaine, les diagnostics partagés sont connus. Ce qu’il faudrait faire fait relativement consensus, mais des déclarations d’intention, il serait nécessaire de passer aux actes. Nous savons qu’il faut un statut des aidants et que les maigres avancées sont marginales. Dans la mandature précédente, M. Pierre Dharréville avait travaillé le sujet. Il suffit de mettre en œuvre les préconisations envisagées.

En outre, dans le diagnostic, la question des moyens des hôpitaux fait défaut. Dans les Ehpad hospitaliers, le défaut de moyens financiers génère un défaut de moyens humains et des taux d’encadrement qui ne prennent pas en compte la proportion des personnes atteintes de maladies dégénératives. Je souligne la question des lieux de répit : dans chaque territoire de santé, les élus identifient des besoins de lieux de répit. La question, le nerf de la guerre, porte sur les financements permettant la mise en œuvre de ces actions.

Enfin, il est important de considérer les métiers du lien, ceux que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal, la question du statut, la question de la formation, un statut national pour les aides à domicile, dont je rappelle que le niveau de formation, le nombre d’heures allouées, correspond rarement au niveau de dépendance des personnes âgées accompagnées. Pour les élus locaux, le coût d’un placement en Ehpad est un obstacle pour les familles. Nous retrouvons des personnes avec un niveau de dépendance très fort dans les résidences pour personnes âgées classiques. Les collectivités doivent faire avec, sans que les moyens financiers ne soient adossés à ce fait sociétal dans la dignité que nous devons à nos aînés.

Je pense que si nous voulons véritablement gagner en crédibilité, passer des déclarations d’intention aux actes à une véritable politique prenant en compte ces éléments me semblerait de bon aloi.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous allons passer aux questions des députés.

M. Thibault Bazin (LR). Je vous remercie pour la synthèse de vos travaux, qui permet de nous éclairer sur le bilan des plans été mis en œuvre afin d’améliorer la prise en charge des patients atteints de maladies neurodégénératives ou évolutives. Vous esquissez plusieurs pistes d’amélioration intéressantes, notamment un meilleur soutien aux aidants. Ces pistes peuvent d’ailleurs concerner tous les aidants, y compris des personnes qui ne sont pas atteintes de maladies neurodégénératives. Existerait-il des soutiens spécifiques aux aidants de personnes atteintes de maladies neurodégénératives ?

Vous préconisez par ailleurs d’adapter à toutes les maladies neurodégénératives les garanties offertes par les établissements proposant des assurances emprunteurs en termes de perte totale et irréversible d’autonomie. Très concrètement, quelles adaptations visez-vous ?

Mme Monique Iborra (RE). Je suis d’accord avec les propos exprimés par Didier Martin : le sujet que vous avez choisi est beaucoup trop vaste pour être traité dans une mission « flash ». Je sais que ce n’est là pas votre volonté, mais nous avons une impression de quelque chose d’un peu superficiel qui ne va pas au fond des choses. Vous ne pouviez pas y aller en effet. Vous n’avez pas évoqué la prévention d’une manière claire, en particulier dans la mesure où vous affirmez qu’elle est inconnue du grand public, pour peu qu’elle existe. Je souligne l’existence d’un dispositif s’appelle Icope, qui fait partie du gérontopôle de Toulouse et qui est en train d’être déployé en France sur tout le territoire, avec une aide très importante de l’État.

D’autre part, vous avez évoqué le problème de Dax. Avec ma collègue Caroline Fiat, j’ai eu la chance de me rendre dans les pays nordiques en 2018. Je tenais à indiquer à M. Guedj que si le nombre de personnes est très important à Dax, dans les pays nordiques, et dans le village Alzheimer que j’ai visité, les bénévoles sont très nombreux et interviennent auprès de ces personnes. Au-delà du nombre qui est absolument important, retenons la conception qu’ils ont de la personne, bien qu’elle soit en effet malade. Nous en sommes conscients pour la bonne raison que depuis deux ans, nous demandons un nouveau modèle des Ehpad. Celui-ci est en cours de mise en place, mais chemine très lentement.

D’autre part, en ce qui concerne la politique des aidants, nous pouvons certes considérer que les avancées sont insuffisantes, notez toutefois que notre majorité a commencé à en parler. C’est tout à fait important.

Enfin, nous pourrons retrouver l’ensemble de ces problèmes à partir du moment où nous aurons enfin une grande loi grand âge et pas seulement une proposition de loi comme cela est envisagé pour le moment.

Mme Laurence Cristol (RE). Permettez-moi d’abord de vous remercier pour la qualité de votre communication sur un sujet qui va concerner un nombre croissant de nos concitoyens et que nous devons investir avec détermination. Nous le constatons, un certain nombre d’enjeux appelle des réponses transversales et je pense que sur le sujet de la prévention, les mesures que nous avons déjà commencé à adopter, quoique certains de nos collègues puissent en dire concernant la proposition de loi « bien‑vieillir » dont je suis corapporteure, nous ont permis d’avancer. Nous poursuivrons effectivement le travail.

Je partage pleinement un certain nombre de recommandations et je pense particulièrement à celle de la recherche, en particulier de recherche en santé environnementale pour mieux connaître les causes des maladies neurodégénératives ou celles constituant à créer un centre de référence pour la maladie à corps de Lewy. Je rejoins mon collègue Didier Martin sur la proposition qui vise à rembourser à nouveau les quatre médicaments déremboursés en 2018. Je pense que le sujet est beaucoup plus complexe que cela.

S’agissant des aidants, j’ai commencé ma carrière en 2001, j’avais alors fait mon sujet de thèse sur l’épuisement des aidants des sujets atteints de maladie d’Alzheimer au Québec, à Sherbrooke. Tout comme Monique Iborra le souligne, ce sujet nous concerne depuis très longtemps. Il est vrai de plus que la majorité actuelle avait commencé à travailler à ce propos de façon importante dans le dernier mandat.

Dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, un amendement a été adopté afin d’expérimenter un accompagnement global des aidants comprenant des rendez‑vous médicaux. Vous avez parlé des maladies atteignant les aidants avec pertinence, et nous savons à quel point ce thème est d’importance.

Avez-vous pu identifier les freins à la mise en place de tels rendez-vous ? Avez‑vous échangé sur ce sujet avec le ministère de la santé lors de son audition ?

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Dans votre mission « flash », vous vous êtes intéressées à la prise en charge des maladies neurodégénératives, qu’il s’agisse des plus répandues ou de celles dites rares. Vous vous êtes notamment penchées sur la prise en charge de ces patients. Nous constatons que les médecins sont peu formés sur ces maladies. Le diagnostic est parfois difficile, très difficile à établir et les patients consultent souvent plusieurs médecins pour y parvenir. Pour la maladie d’Alzheimer, par exemple, on estime en moyenne l’errance de diagnostic entre trois et cinq ans, et une personne sur trois atteinte de cette maladie ne serait d’ailleurs jamais diagnostiquée. Lorsque les symptômes apparaissent, une personne met en moyenne six mois pour obtenir un rendez-vous avec un neurologue. Il faut également plusieurs mois d’attente avant de pouvoir obtenir un rendez‑vous dans un centre expert sur ces maladies. Les patients se tournent donc souvent tout naturellement en premier lieu vers leur médecin généraliste et renoncent à consulter un spécialiste.

De plus, ces maladies, et notamment la maladie de Parkinson, nécessitent des rendez-vous très rapprochés, avec un suivi très intense. Rétablir l’accès aux soins pour l’ensemble des citoyens semble constituer la principale ambition affichée par le Gouvernement. Le manque de médecins généralistes concentre souvent les préoccupations de nos concitoyens, mais la désertification chez les spécialistes n’est-elle pas tout aussi préoccupante ?

Les déserts médicaux ne favorisent-ils donc pas l’errance de diagnostic déjà très difficile à poser dans le cas de ces maladies ?

M. Thierry Frappé (RN). Je tiens tout d’abord à vous remercier et je ne pense pas être le seul, de la qualité de votre travail, que j’ai eu personnellement beaucoup de plaisir à lire. Depuis les années 2000, plusieurs plans concernant les maladies neuro-évolutives – tout comme mon collègue Didier Martin, je préfère ce terme au terme « neurodégénératif », qui est plus péjoratif – ont été mis en place. C’est donc dire la prévalence du sujet. Il existe une méconnaissance générale des personnes atteintes de ces maladies et de leur environnement.

En outre, on ne peut pas nier l’impact de la désertification médicale, dont il a été question. Alors que notre pays manque cruellement de médecins, alors que l’errance diagnostique représente une cause importante dans le retard de la prise en charge globale et des soins, ne pensez-vous pas nécessaire d’augmenter le nombre de médecins sur notre territoire en incitant les jeunes à s’engager dans la filière médicale ?

Pour cela, pourquoi ne pas supprimer le numerus apertus qui camoufle le concours de médecine ? C’est ainsi qu’en augmentant le nombre de médecins installés, nous pourrions faciliter les contrôles médicaux réguliers pour les aidants. Dans un second temps, il faut également aider la formation et la recherche, ainsi que vous l’avez mentionné. Il est important d’améliorer dès aujourd’hui la formation des jeunes médecins sur ces maladies neuro‑évolutives, ce qui permettra sans doute de réduire la durée moyenne de l’errance diagnostique, au moins pour les maladies rares.

Le dernier plan maladies neurodégénératives a déjà mis en place des centres de recherche et d’excellence. Nous ne pourrons garantir une prise en charge efficace de cette maladie sans une formation efficace et suffisante à la faculté de médecine, Je parlais d’errance dans le diagnostic ; c’est là un mot choquant et inaudible pour les patients, qui représente une vraie souffrance pour eux et leur entourage, et qui est souvent rencontré dans ce genre de maladies en raison de la rareté. Je pense à la maladie à corps de Lewy, aux maladies du motoneurone ou à la présentation des premiers symptômes.

Pour cela, ne pensez-vous pas que des modules plus spécifiques de la question de ces maladies peuvent être développés, particulièrement en neurologie, ce qui améliorerait la situation ?

M. Paul Christophe (HOR). Il m’apparaît utile à cet instant de revenir sur les critiques que nous avons entendues sur l’AJPA, un dispositif relativement jeune que notre majorité a bien effectivement mis en place lors du mandat précédent. Elle visait finalement à réparer ce qui existait au titre du congé de proche aidant qui n’était pas indemnisé. Son schéma aujourd’hui vise simplement à compenser une perte de salaire liée à la journée consacrée à l’aidé au lieu de l’exercer au titre du travail. Il s’agit bien d’une compensation adressée aux salariés, je pense qu’il est nécessaire de le rappeler. C’est pour cette raison du reste que nombre de dossiers qui avaient été repoussés concernaient finalement des personnes déjà en situation de retraite, qui n’avaient donc pas de perte liée à l’activité.

Je souligne par ailleurs que celle-ci est tridimensionnelle puisqu’elle concerne une question de périmètre. D’abord ouverte aux GIR 1 à 3, elle a récemment été étendue au GIR 4, englobant toutes les personnes qui font état d’une certaine dépendance. Son montant a récemment été revalorisé à hauteur du Smic. Je pense qu’une réflexion mériterait d’être à nouveau apportée sur la question de la durée, puisque celle-ci reste limitée à 66 jours et surtout à une personne aidée durant toute la carrière, là où l’on peut s’attendre à avoir peut‑être une, deux ou trois personnes à accompagner, enfants, conjoint ou ascendants.

Ma question portera sur l’autre sujet que vous avez soulevé, notamment sur votre proposition numéro 3 au titre de la réflexion à mener sur la fusion APA-PCH. Pourriez-vous nous éclairer sur les modalités que vous envisageriez pour cette fusion, notamment à l’égard de l’âge des personnes concernées ?

Mme Caroline Janvier (RE). Je vous remercie de cette présentation qui insiste beaucoup sur l’aspect sanitaire, sur la question de la recherche et de la connaissance, et donc le point de vue de cette pathologie selon un aspect médical. Je m’intéresse à la question de l’accompagnement de la prise en charge de l’hébergement de ces personnes. Nous constatons un cloisonnement dans cet accompagnement, avec des unités parfois dédiées. Il me semble qu’il existe une attente très forte chez les personnes vieillissantes ou les personnes déjà dépendantes, d’une plus grande inclusion et d’un mode d’hébergement et d’accompagnement mixte plus inclusif. Je voudrais vous interroger sur cet aspect et notamment sur votre proposition n° 16 qui suggère de soutenir la création d’accueils de jour. Comment voyez-vous cet accompagnement ?

J’ai pu constater dans ma circonscription des expérimentations assez intéressantes au bénéfice de différents publics avec des niveaux de dépendance plus ou moins importants, atteints ou non de maladies neurodégénératives. Je crois qu’il nous faut aller dans cette direction.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). Nous avons beaucoup parlé de l’accompagnement. Je tenais à aborder la recherche qui est également une vraie source d’espoir et d’espérance, non pas pour les malades et leurs familles, mais pour les suivants. Nous voyons de plus en plus se développer un problème de la France par rapport à ses pays voisins sur la question de l’accès à des protocoles dits compassionnels.

Avez-vous également regardé ces sujets ? Outre la question posée par certains de mes collègues sur les comparaisons, notamment sur les dispositifs d’aide aux aidants par rapport aux pays bons élèves, en particulier les pays d’Europe du Nord, quelles comparaisons faites‑vous avec la France en matière de politique d’accès thérapeutique compassionnel par rapport à ces pays ? C’est également dans le domaine de la recherche que réside l’espoir.

Mme Sandrine Josso, rapporteure. Monsieur Martin, vous avez bien résumé la complexité de cette mission. J’ai bien noté votre intervention sur la vigilance à faire des raccourcis sur la problématique des médicaments et vous en remercie. Concernant cette appellation peut-être un peu plus douce sur les maladies neuro-évolutives plutôt que les maladies neurodégénératives, je comprends votre intervention parce que ce sujet est effectivement très douloureux, tant sur le plan physique que psychologique. Il est peut-être important de souligner que les termes employés peuvent aussi amener un peu plus d’inclusion et de compréhension sur les difficultés que représentent ces maladies dans la société.

Madame Mélin, vous avez évoqué les appartements thérapeutiques. Vous avez raison, de nombreuses actions restent à mener. Au cours de cette mission, nous n’avons malheureusement pas pu visiter d’appartements de ce type, mais je pense qu’il est nécessaire de se déplacer pour se rendre compte de ce dispositif, bien évidemment avec les personnes sur place qui pourront répondre à des questions plus précises à ce propos. Je vous remercie d’avoir abordé ce sujet.

Monsieur Viry, vous avez expliqué, et de manière très claire, qu’effectivement, une sorte d’essoufflement était apparue. Vous avez raison de le souligner. Nous observons également une préoccupation à ce sujet. Les maladies neurodégénératives, ou mieux les maladies neuro-évolutives, sont en augmentation. C’est aussi une des raisons pour lesquelles nous avons mobilisé une grande énergie pour cette mission et que nous souhaitons bien évidemment contribuer au mieux à la mise en place des diverses propositions. Parmi les retours de terrain dont nous avons eu connaissance, de nombreux tabous demeurent ainsi que parfois un certain déni sur ces maladies. Nous avons quelquefois pu entendre que des personnes détournaient le regard. Il faut le savoir, c’est une réalité.

Monsieur Falorni, le bilan de la feuille de route n’est pas encore sur la table, et c’est ce que nous souhaitons évidemment, car cette nécessité a été rappelée à plusieurs occasions dans nos auditions. Nous appuierons donc sur ce manquement. Il y a urgence ; nous avons vraiment eu des retours en ce sens.

Au reste, je souligne que l’état psychologique des aidants est très préoccupant : c’est pour cette raison qu’il sera à mon sens indispensable de prendre en compte cet état de manière beaucoup plus satisfaisante.

Monsieur Guedj, vous avez parlé de la barrière d’âge. Vous avez raison, ce sujet a été évoqué lors de nombreuses auditions. La réponse de la puissance publique se doit effectivement d’être plus satisfaisante et nous serons vigilants à ce sujet. Nous devons l’être tous ensemble. Vous avez également évoqué le village Alzheimer impulsé par Henri Emmanuelli. Il est pertinent de souligner l’importance des volontés politiques locales ; certaines démarches sont remarquables. Nous ne pouvons qu’encourager de telles entreprises sur nos territoires. Il est également majeur de valoriser ce qui est bien fait et ce que nous devons continuer à modéliser en ce sens.

Monsieur Valletoux, vous avez souligné que 4 millions de nos concitoyens étaient concernés, ce chiffre étant malheureusement croissant. Nous sommes complètement d’accord avec le principe de rendre publique la feuille de route. Ce point sera bien évidemment à suivre de très près.

Monsieur Jumel, votre cri d’alarme sur les aidants est bienvenu. Nous l’avons également entendu. J’estime primordial de noter la nécessité d’une meilleure coordination territoriale à tous les niveaux, tant au niveau local que départemental. Il est évident que la formation est indispensable, formation à ce jour malheureusement très insatisfaisante.

Monsieur Bazin, vous avez raison concernant les soutiens spécifiques et psychologiques : il s’agit vraiment de problématiques de santé globales et de bien-être mental. Je vous remercie de l’avoir souligné car ce sujet est resté trop discret, malheureusement trop souvent, et il est important de le souligner aujourd’hui.

Madame Iborra, vous avez raison d’un côté en disant qu’effectivement, cette mission n’est pas complètement satisfaisante parce qu’elle a été « flash », parce que nous n’avons pas eu suffisamment de temps. Néanmoins, je pense que nous avons réussi à mettre un pied dans la porte. Des dispositifs existent, soit parfois mal connus. Ils ont très peu été évoqués, ce qui doit en outre nous préoccuper.

Je tiens par ailleurs à souligner que les associations que nous avons reçues ont parfois été très surprises de la considération que nous leur avons portée, ce qui doit également nous donner à réfléchir. Nous devons les prendre en compte de manière beaucoup plus sérieuse et être vraiment en soutien de ces associations qui agissent de façon remarquable, mais qui ne sont peut-être pas assez remarquées par des personnes qui auraient justement besoin de consolider les liens avec ces associations.

Madame Cristol, vous avez évoqué un sujet important : évidemment, il y a des réponses transversales, nous sommes absolument d’accord. Il est aussi très complexe de répondre à toutes les demandes, ce qui au demeurant fait bien évidemment l’objet d’aspects très précis que nous devons regarder de près.

Madame Dogor-Such, l’errance des diagnostics constitue bien un sujet. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé dans nos propositions d’inclure des formations pour les professionnels de santé, mais pas uniquement, également pour tous les professionnels du secteur sanitaire et social.

Monsieur Frappé, le nombre de médecins nécessaires sur les territoires et dans les départements est bien évidemment insatisfaisant. Nous avons néanmoins observé que nous n’avions finalement pas de registre de maladies neurodégénératives dans les départements. Comment répondre aux besoins ? Nous avons par conséquent demandé un registre qui nous permettrait de connaître le nombre de patients. Nous serions ainsi en mesure de répondre aux besoins de manière beaucoup plus efficace. Ce thème devient une priorité. Nous pensons finalement que le système fonctionne un peu à l’envers et est un peu préoccupant.

Monsieur Christophe, vous avez en effet évoqué des sujets très techniques et je vous remercie pour ces précisions, pour vos rappels et sur les prestations. Nous avons également eu cette discussion avec ma collègue, qui évoquera la proposition n° 3 de manière un peu plus détaillée pour répondre au mieux à vos questions.

Madame Janvier, vous avez raison, l’hébergement est un sujet. Ainsi que je le mentionnais précédemment, nous n’avons pas eu suffisamment de temps pour aller sur site, ce qui est vraiment très regrettable. Je suis à votre écoute si vous avez envie de nous communiquer des remontées sur ce sujet.

Madame Panosyan-Bouvet, concernant les protocoles compassionnels que vous avez abordés, j’ai le regret de vous dire que nous avons très peu étudié la question. Vous avez néanmoins suscité ma curiosité et je vous en remercie. Je vous serais reconnaissante de me faire part de manière un peu plus détaillée de tout ce que vous connaissez à ce sujet. Il était important de terminer sur un message d’espoir, ce sujet étant un sujet difficile. Je vous remercie donc, madame Panosyan-Bouvet, d’avoir évoqué ce mot essentiel à entendre et que la recherche, et évidemment tout ce que nous pourrons apporter de mieux, pourra susciter l’espoir ô combien important dans ce domaine.

Mme Laure Lavalette, rapporteure. Monsieur Martin, je trouve qu’il est un peu fort d’affirmer que les politiques n’y sont pour rien. Je vous rappelle que le ministère de la santé a pris un arrêté qui permettait la fin du remboursement. Nous sommes bien évidemment très concernés. Du reste, Sandrine Josso et moi-même ne regrettions pas le déremboursement de ce médicament : il s’agissait des familles ainsi que de France Alzheimer. Je pense que les familles sont assez expertes dans la prise en charge ; je ne sais pas si c’est « n’importe quoi »... Les familles que nous avons écoutées avaient l’air d’être les premières expertes. D’ailleurs, c’est souvent le cas : lorsqu’on est proche des malades, on est probablement un peu expert. Elles regrettaient le déremboursement de ces médicaments, même si ces maladies sont incurables comme nous l’avons souligné. Nous pensons cependant que tout ce qui peut améliorer le quotidien des malades nous paraît aller dans le bon sens. Cela me paraissait être assez transpartisan ; je constate que ce n’est pas le cas.

Madame Mélin, vous avez soulevé le sujet des appartements thérapeutiques. J’ai eu l’occasion de visiter un accueil de jour au sein de ma circonscription où se trouvaient également des lieux de déambulation. Nous savons que les personnes atteintes de ces maladies neurodégénératives ont besoin de temps en temps de s’extraire, de marcher. La plupart du temps, toutes veulent sortir de ces lieux. Il est donc nécessaire de penser ces lieux de façon thérapeutique. Dee bonnes initiatives sont prises en la matière.

Monsieur Viry, vous avez raison sur cet essoufflement. Notez toutefois que les familles s’essoufflent ; nous avons rencontré des aidants qui nous ont confié avoir été victimes d’épuisement morbide. Lorsque vous en arrivez à ce stade, vous allez vraiment mal. Ils nous demandaient ce que faisaient les pays limitrophes. Nous ignorons ce qu’il en est concernant les pays très limitrophes. Nous avons eu quelques échos sur la situation au Canada où la prise en charge de ces familles est bien différente. Le dispositif des « voisins vigilants » pour faire face au cambriolage y a également été dupliqué avec les « voisins attentifs », les voisins vigilants. Si vous savez que votre voisin à la maladie d’Alzheimer, que vous le voyez passer à moitié débraillé et partir, vous savez que ce n’est pas normal. Nous sommes très loin de cette société. Je rappelle que quelqu’un a vu passer le petit Émile et ne s’en est pas ému. Nous comprenons que les mentalités doivent changer.

Les associations de patients regrettaient même que nous n’ayons pas en France une égérie des maladies neurodégénératives, ou maladies neuro-évolutives, qui aurait pu porter la cause, comme ce peut être le cas pour certaines causes. Ces maladies étaient peut-être un peu moins « sexy » et personne ne s’était emparé du sujet.

Monsieur Guedj, vous avez raison sur la barrière d’âge, nous n’y revenons pas. Vous déclariez que nous avions treize ans de retard, effectivement. Nous sommes toujours dans l’attente du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, qui passe de cabinet en cabinet, mais nous n’en voyons vraisemblablement pas le jour. Dans la même optique, la feuille de route aurait dû sortir en janvier et n’est toujours pas disponible.

Vous parliez de 128 personnes. Une vraie question se pose sur la qualité de vie de cet encadrement : voulons-nous rester dans une logique comptable ou souhaitons-nous en sortir ? Quel est le paradigme ? S’occuper de nos aidants est certainement un choix de société, et est coûteux. Cela dit, faire de la politique revient également à faire des choix de société. Alors que nous sortons de cette mission « flash », et tenant compte de tous les témoignages que nous avons entendus, nous avons du mal à penser qu’aider ces familles ne soit pas une priorité.

Monsieur Jumel, vous avez raison, cette « galère » administrative due au statut est finalement une double peine. Toutes ces problématiques administratives se rajoutent à la peine et à un quotidien déjà très compliqué des personnes aidantes. Nous parlions des lieux de répit, qui sont à mon sens fondamentaux. Toutes les familles que nous avons croisées souhaiteraient trouver un lieu pour aller déposer leur être cher pendant un week-end, pour aller voir leurs petits-enfants, ou pendant une semaine pour aller faire une croisière. La réalité est très compliquée, car dans un premier temps, il faut avoir envie de confier son proche dans un Ehpad et même si vous vouliez le faire souvent, un minimum de trois mois est requis alors que ce délai ne correspond absolument pas à ce qu’on nous demande. Les familles voudraient avoir du court répit ; la plupart des propositions étaient finalement beaucoup trop courtes, ils n’arrivaient qu’à avoir deux ou trois heures de répit. Vous imaginez bien que ce n’est pas suffisant.

Monsieur Bazin, je viens de répondre sur le droit au répit. Nous avons effectivement entendu toute la difficulté au niveau des assurances. Il faut réussir à assouplir ces systèmes pour pouvoir continuer à emprunter quand votre conjoint, par exemple, est malade. Des tables rondes avec les banques, les assureurs et les associations qui sont assez structurées sont dans cette optique organisées.

Madame Iborra, la prévention est fondamentale. Si vous avez bien écouté, Mme Josso en a parlé en spécifiant que cette maladie devait être mieux connue, et en soulignant l’importance de faire une plus grande prévention. Vous parliez des bénévoles. À mon sens, se faire aider par des bénévoles fait presque partie des fausses bonnes idées. Tous les professionnels, et même toutes les familles que nous avons croisées, nous ont dit l’importance d’être formés. En effet, ces maladies qui peuvent se ressembler notamment dans la démence ou dans les oublis ne se « traitent » pas de la même façon. Lorsque vous êtes bénévole, vous avez beau avoir toute la bonne volonté du monde, il semblerait que cela ne soit pas exactement ce qu’il fallait faire.

Madame Cristol, nous avons quelque peu abordé l’aidant en nous interrogeant sur la façon dont celui-ci en arrivait là. Nous avons proposé une visite médicale par an pour l’aidant, j’allais dire presque contraint et forcé, parce que l’aidant s’oublie et ne fait que s’occuper de celui qui ne va pas bien. C’est la raison pour laquelle nous parvenons jusqu’à des épuisements morbides et des dépressions. Même s’il y a beaucoup d’espoir, le quotidien des familles est difficile.

Madame Dogor-Such, vous avez évoqué les déserts médicaux, qui sont une vraie question. Quand vous êtes en errance, le diagnostic a lieu bien plus tard. Un grand décalage apparaît alors entre les premiers symptômes et le moment où ce diagnostic peut être réalisé. Je rappelle que ce diagnostic n’est que partiellement sûr : un diagnostic sur un comportement associé de deux ou trois analyses est sûr à 30 %. Pour la maladie d’Alzheimer, un diagnostic avec une ponction lombaire permet une réponse à 95 %, mais n’est pas forcément remboursé partout. Ce diagnostic n’est donc pas fait. Je soulignais que des familles ne se soignaient pas. Il arrive que le manque de diagnostic soit le fait d’une grande précarité, ce qui paraît assez aberrant sachant que la France est la sixième puissance mondiale. Il est bien triste que des personnes ne se fassent pas diagnostiquer.

Madame Dogor-Such, il ne vous a pas échappé que nous appartenions à la même famille politique et que comme M. Frappé, nous avons une idée sur ce manque de médecins, puisque nous voulons libéraliser complètement ce numerus apertus. Nous souhaitions qu’il soit supprimé et qu’enfin tous nos enfants qui veulent être médecins puissent l’être. Une telle conduite permettrait évidemment de réduire ces déserts médicaux.

Monsieur Christophe, en ce qui concerne le congé de proche aidant, votre majorité avait effectivement commencé à travailler le sujet. Il est vrai que toutes les personnes que nous avons auditionnées nous ont confié ne pas s’y retrouver, arguant que ce dispositif n’allait pas suffisamment loin. Finalement, 66 jours ne sont rien, ce n’est pas suffisant. Une vraie réflexion doit être menée. Un aidant que l’on pourrait défrayer, qui aide son aidé, revient à une place en Ehpad en moins. Les coûts sont toutefois moindres pour la collectivité. Je pense donc qu’une vraie réflexion est à mener, sachant que la plupart du temps, les personnes préfèrent rester chez elles, et évidemment le plus tard possible. Au reste, les personnes qui ne travaillent pas sont exclues. Il est possible en effet d’obtenir une compensation lorsque vous avez cessé votre activité, mais quand vous ne travaillez pas, ce qui arrive, la question se pose.

Ces auditions ont en effet fait ressortir que l’AJPA était trop rigide et trop limitative. Une autre solution doit donc être trouvée même si ce dispositif allait dans le bon sens. Je pense qu’il est nécessaire d’aller plus loin.

Madame Janvier, j’ignore si vous étiez présente au début alors que j’ai évoqué la prise en charge au sein de ma circonscription d’un accueil de jour qui regroupait les personnes suivant leur stade d’avancée de la maladie. Je pense que c’est très intéressant et suis également intéressée de connaître les expérimentations que vous avez pu avoir dans votre circonscription. Nous avons beaucoup à chercher. Il y a trente ans, le tout Ehpad apparaissait comme la solution. Or, avec du recul, avec un retour d’expérience, nous constatons que ce dispositif ne correspond pas aux besoins des familles. Toutes les propositions sont les bienvenues, je compte sur vous pour m’en parler.

Madame Panosyan-Bouvet, tout ce qui est relatif aux protocoles compassionnels est encore assez flou, nous l’allons peu évoqué. Ce sujet fait cependant écho à un thème que nous n’avons pas soulevé et qui me paraît important : Alzheimer peut également être génétique. Je ne suis pas médecin, j’ai écouté des personnes expliquer ce point et je pense que la souffrance des personnes qui se sont faites dépister et qui savent de source sûre qu’ils vont développer un Alzheimer est épouvantablement lourde à porter. Il est évident qu’une réflexion doit là également être menée et qu’une aide psychologique doit être apportée aux enfants aidants. Certains passent leur baccalauréat et sont aidants de parents qui ont Alzheimer ou d’autres maladies neurodégénératives. Parmi les personnes que nous avons auditionnées, celles qui avaient un Alzheimer génétique étaient surreprésentées par rapport au nombre dans la société. Nous avons pu relever cette détresse quant à la réalisation de ce diagnostic pour savoir si on est porteur ou non. Si on est porteur, peut-on alors se marier et avoir des enfants ? Une certaine détresse a là également été ressentie. Nous aurons certainement l’occasion d’en reparler à l’occasion d’une autre mission.

Si nous avons pris beaucoup de plaisir à réaliser la mission, nous avons somme toute été remuées d’avoir fouillé dans ce quotidien des familles qui n’a rien à voir avec un quotidien de non-aidant. Notre paradigme doit changer, il nous faut arrêter avec le tabou de ces maladies neurodégénératives précoces qui sont nombreuses, et il y en aura vraisemblablement de plus en plus. Il serait judicieux que nous, parlementaires, ayons un regard visant non pas à prendre en charge, mais à prendre en compte ces personnes dont la fragilité est nécessaire dans la nature humaine. Je pense que nous sommes là pour essayer de faire au mieux. Ce fut un plaisir de mener à bien cette mission.

Mme Sandrine Josso, rapporteure. Madame Cristol, vous avez évoqué la santé environnementale. Nous n’en avons certes pas reparlé, mais je tiens vraiment à revenir sur ce sujet que je vous remercie d’avoir évoqué. Il est vrai que les causes génétiques sont identifiées, mais un très grand nombre de causes est dû à l’environnement. Il est en l’occurrence impératif que nous réfléchissions collectivement, que nous regardions les différents éléments avec plus de curiosité sur ce sujet. Lors du précédent mandat, j’ai présenté un rapport sur l’évaluation des politiques publiques en santé environnementale. Nous avions déjà pointé les manques sur ce sujet. Je vous remercie à nouveau d’avoir évoqué ce point ô combien important et finalement peut-être trop dans le déni des prises en compte des politiques publiques, ce qui est véritablement révélateur.

Je tenais à remercier toutes les personnes que nous avons auditionnées, tant les chercheurs, les médecins que les associations. Nous avons parfois procédé à des auditions très touchantes, très bouleversantes. Nous avons essayé aujourd’hui de vous sensibiliser du mieux possible. Nous ne pouvons que mieux faire. Je remercie bien évidemment toutes les personnes qui ont contribué à ce rapport et les services de l’Assemblée nationale. J’ai également eu beaucoup de plaisir à travailler avec Laure Lavalette. Continuons dans ces travaux très constructifs.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Merci, mesdames les rapporteures, pour la qualité de vos travaux et la qualité de vos réponses.

*

Puis la commission examine, en deuxième lecture, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime (n° 1439) (M. Didier Le Gac, rapporteur).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons à l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime. Ce texte sera à l’ordre du jour de la séance publique le mercredi 19 juillet prochain.

M. Didier Le Gac, rapporteur. Je suis heureux de vous retrouver pour la deuxième lecture de la proposition de loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime. Le 28 mars dernier, notre assemblée a adopté, à la quasi-unanimité, cette proposition de loi, suivie, le 21 juin, par le Sénat – également à l’unanimité –, témoignant de notre attachement collectif et transpartisan à la sauvegarde de la marine marchande de notre pays.

Comme vous le savez, les armateurs français, les marins nous regardent et attendent avec impatience ce texte, qui sera une première. En effet, jamais le Parlement n’avait légiféré sur cette question auparavant. Le temps presse et la pression concurrentielle déloyale est de plus en plus forte. C’est pourquoi l’adoption de cette proposition de loi doit impérativement intervenir dans les meilleurs délais, avant la fin de l’été. En effet, certains des décrets d’application doivent être soumis au Conseil supérieur de la marine marchande, puis au Conseil d’État, soit un processus long de plusieurs mois avant leur signature. Retarder l’adoption du texte conduirait inévitablement à reporter son entrée en vigueur après le début de l’année 2024.

Sur le fond, les modifications apportées par le Sénat n’ont pas affaibli la portée de notre texte. En effet, les avancées majeures que nous avons introduites – l’instauration d’un salaire minimum, la parité obligatoire entre le temps de travail et le temps de repos – ont été maintenues, voire sécurisées sur le plan juridique, donc renforcées par le Sénat. Même si nous sommes tous attachés au droit d’amendement et au débat parlementaire, l’urgence de la situation doit être notre seule boussole et devrait nous conduire à un vote conforme. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui me semble constituer un compromis équilibré entre efficacité de la loi de police et sécurité juridique, dans un contexte où des recours semblent probables, sinon certains.

Concernant l’article 1er, qui définit le champ d’application de la proposition de loi, le secrétaire d’État chargé de la mer a rappelé, à l’Assemblée comme au Sénat, que ce texte avait vocation à s’appliquer uniquement aux liaisons transmanche, en aucun cas à celles avec la Corse ou avec le Maghreb. Je sais que c’est un sujet qui est cher à notre collègue Sébastien Jumel, qui a déposé un amendement en ce sens. Je tiens à le remercier et à le rassurer : cela sera bien précisé dans le décret et je demanderai au ministre de s’y engager formellement au banc.

Soyez également rassurés quant à l’organisation des rythmes de travail et à la rémunération du temps de repos des marins : c’est tout simplement le droit commun du travail qui s’applique, les salariés étant rémunérés pour leur temps de travail. En revanche, les repos, hors cadre des congés payés, ne sont pas rémunérés, comme c’est le cas pour l’ensemble des salariés de notre pays : ni plus, ni moins. Les contrôles permettront néanmoins de s’assurer que les marins employés sur le transmanche respectent bien ce rythme, fondé sur la parité entre le temps de travail en mer et le temps de repos à terre.

Concernant le dumping social que subissent les armateurs français assurant les liaisons maritimes avec la Corse, soumises au cadre très protecteur du dispositif de l’État d’accueil, le point d’équilibre trouvé au Sénat me semble être le bon. D’une part, les sanctions pénales, dont le renforcement avait été inscrit à l’article 1er bis, existent déjà. D’autre part, le régime de sanctions administratives – plus souple et rapide – introduit à l’article 1er ter a été conforté, afin d’améliorer l’efficacité des contrôles. Je remercie à cet égard notre collègue Colombani d’avoir retiré son amendement.

Enfin, concernant la suppression des rapports sur le contrôle des pratiques de dumping introduits aux articles 3 et 4, comme l’a rappelé le Sénat, les parlementaires que nous sommes disposent d’autres moyens de contrôle.

Arrivé quasiment au terme de l’examen de ce texte, j’ai pleinement conscience que cette proposition de loi ne peut épuiser, à elle seule, la question des pratiques déloyales dans le domaine de la marine marchande. Des négociations seront nécessaires, au niveau européen, pour faire évoluer les règles de la concurrence dans le secteur du transport maritime. Par ailleurs, nous attendons également l’application du texte de loi britannique adopté cette année.

Néanmoins, je le redis, l’adoption de ce texte constitue bien une première étape déterminante pour mettre un terme aux pratiques les plus néfastes, à la fois pour les marins, mais aussi pour la sécurité des liaisons transmanche. Je tiens à rappeler, encore une fois, qu’une loi de police sera d’autant plus efficace qu’elle ne souffrira d’aucune insécurité juridique.

Pour conclure, je me réjouis vivement du travail collectif qui a prévalu autour de cette proposition de loi : il a permis d’enrichir considérablement le texte initial. Des trois propositions de loi déposées, il y a moins d’un an, sur cette même question, sur le bureau de notre assemblée, nous avons réussi à faire un seul texte, coconstruit et renforcé juridiquement par le Sénat. Nous pourrons être fiers de le présenter à nos collègues, la semaine prochaine dans l’hémicycle.

Hier soir, dix-neuf amendements avaient été déposés : quatre d’entre eux ont été déclarés irrecevables et trois ont été retirés ; douze restent donc à examiner.

Article 1er : Application des minima hiérarchiques et d’une organisation du travail spécifique au personnel de certaines lignes maritimes internationales régulières

Amendement AS11 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel (GDR - NUPES). La loi Jumel est devenue la loi Le Gac ! Notre collaboration a permis d’aboutir à un consensus. Cette proposition de loi n’est, certes, pas révolutionnaire, ni ne solde l’ensemble des sujets liés aux pratiques peu respectueuses des hommes et des femmes qui font vivre nos liaisons maritimes, mais elle permet tout de même de les protéger : j’en suis satisfait. Il y a urgence à voter rapidement ce texte et à constituer une task force à l’échelle européenne pour rendre obligatoires des mesures de protection à ce niveau. Je suis prêt à aller porter la voix des marins français à Bruxelles avec tous ceux qui souhaiteront également le faire.

Cet amendement vise à obtenir un engagement ferme, au banc, du secrétaire d’État, sur le périmètre de la future loi : je souhaite qu’elle se borne à réglementer le dumping social sur les liaisons transmanche, entre l’Angleterre et les îles anglo-normandes, et la France, en excluant de son champ d’application les lignes méditerranéennes. Je me doute que cet amendement d’appel ne sera pas adopté, puisque l’objectif est une adoption conforme. Je le déposerai donc à nouveau en séance, afin d’obtenir des engagements clairs et fermes quant à la rédaction du décret.

M. le rapporteur. Vous avez raison de le redéposer en séance : le Gouvernement pourra ainsi réitérer devant la représentation nationale l’engament qu’il avait pris en première lecture devant nos deux assemblées. Je rappelle en outre qu’une communication a été faite en ce sens au Conseil supérieur de la marine marchande. Je partage votre préoccupation et vous invite à retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS10 et AS5 de Mme Claudia Rouaux.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Les amendements portent sur le salaire minimum horaire : le texte ne précise pas s’il est fait référence au salaire brut ou au salaire net. Il est donc important de préciser que les dispositions s’appliquent au salaire horaire brut des marins, susceptible de bénéficier de coups de pouce par voie réglementaire, comme le Smic.

M. le rapporteur. L’amendement AS10 étant satisfait, je vous invite à le retirer. Le salaire brut est la référence générale en droit français, seule la notion de salaire minimum brut figurant dans le code du travail, ainsi que dans les conventions et accords collectifs.

De même, l’amendement AS5 est déjà satisfait et je vous invite également à le retirer, les dispositions du code du travail relatives aux modalités de fixation du Smic et à sa revalorisation constituant déjà la référence.

Les amendements AS10 et AS5 sont retirés.

Amendement AS2 de Mme Claudia Rouaux.

Mme Claudia Rouaux (SOC). En première lecture, nous considérions que la proposition de loi n’était pas suffisamment ambitieuse. Le professeur Chaumette, éminent spécialiste du droit maritime, est catégorique : cette loi est construite dans le seul but d’éviter des recours. Elle ne servira à rien, car il faudrait impérativement garantir que la rémunération du temps de repos à terre soit équivalente à celle versée au titre du temps d’embarquement, heure pour heure. Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que ce principe n’existait pas. Pourtant, qu’ils soient en mer ou sur terre, les marins français bénéficient des mêmes rémunérations. C’est sur ce point que s’appuient les compagnies pour faire du dumping social.

M. le rapporteur. Dire que cette proposition de loi ne sert à rien me semble excessif. C’est la première fois que le Parlement va voter une loi pour instaurer, d’une part, un salaire minimum sur les navires du transmanche et, d’autre part, une obligation de parité entre le temps de travail et de repos.

La question de la rémunération du temps de repos est une fausse question. Les marins ne sont pas rémunérés pour leur temps de repos, comme tous les salariés français. Comme à terre, la rémunération des marins est calculée à partir du temps de travail effectué, soit 35 heures hebdomadaires, lequel conditionne un repos hebdomadaire et un repos compensateur, en cas d’heures supplémentaires ou de dépassement de la durée maximale de travail. Rémunérer le temps de repos reviendrait à payer deux fois les marins, ce qui serait inédit. Il faudrait faire de même pour tous les salariés, afin d’éviter toute rupture d’égalité, et cette disposition remettrait en cause le modèle économique de tous les armateurs.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Vous n’êtes pas sans savoir, monsieur le rapporteur, que les marins ne travaillent pas 35 mais 48 heures sur un bateau. Le compte n’y est pas. Quand chez P&O Ferries il faut un marin pour un poste, dans les autres compagnies maritimes françaises il faut 2,5 marins pour un poste. Comment voulez-vous lutter contre le dumping si vous ne rémunérez pas les marins par rapport au temps total de 48 heures ? Ne parlez pas du droit français, il s’agit du droit maritime.

M. Sébastien Jumel (GDR - NUPES). En adoptant mon amendement instaurant une durée de repos équivalente au temps de travail, on a empêché les marchands de savonnettes de prospérer. P&O embauche des marins venus de pays low cost qu’il paie au lance-pierre et fait travailler pendant dix ou douze semaines avant de les laisser, sac à terre, sans leur donner un rond. Le texte nous prémunit contre cette concurrence déloyale et contre le risque de temps de travail qui ne respectent pas les exigences de sécurité. Notre loi ne peut prospérer que si elle est une loi de police qui adosse les conditions de travail et les conditions sociales à des exigences de sécurité. La préoccupation de ma collègue socialiste, qui reprend une revendication de la CFDT, n’est pas complètement illégitime. Il faudra un jour nous intéresser aux contrats courts, pour lesquels la question du temps de repos se pose. L’exigence d’efficacité vis-à-vis de cette loi de police nous enferme, puisque si l’on ne vote pas le texte conforme, son adoption interviendra après les élections sénatoriales et les marchands de savonnettes du transmanche continueront à flinguer nos lignes.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Monsieur le rapporteur, vous nous dites que les temps de repos ne sont pas rémunérés en France. Mais qu’en est-il alors des congés payés et des repos compensateurs ?

M. le rapporteur. Ce n’est pas la même chose ! Un congé payé n’est pas un temps de repos, un repos compensateur non plus. Ils sont, eux, rémunérés, contrairement au temps de repos. L’amendement imposerait de verser une double rémunération aux marins, ce qui remettrait en cause tous les équilibres économiques des compagnies. Les syndicats poussent à l’adoption d’une telle mesure, de crainte que les marins étrangers soient tenus de travailler sur d’autres lignes pendant leur repos. Néanmoins, grâce au principe de la parité, le passage d’une compagnie à l’autre sera fortement empêché.

Avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo (LR). Pour Mme Rouaux, le temps d’embarquement est du temps de travail ; or ce n’est pas le cas. Revoir ces équilibres conduirait à la mort d’un modèle. Il faut prendre les temps de repos pour ce qu’ils sont : des temps de repos. Même s’ils n’offrent pas le loisir de jouir de son foyer ou d’activités, ils ne peuvent pas être comptabilisés comme du temps de travail. D’ailleurs, des compensations sont prévues pour ces sujétions particulières.

M. Paul Molac (LIOT). Dans un certain nombre de métiers, le temps de non‑travail n’est pas rémunéré. Par exemple, les enseignants ne sont payés que dix mois de l’année et leur salaire est réparti sur douze mois – les grandes vacances ne sont pas payées en réalité.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS12 de Mme Sandrine Rousseau et AS17 de M. Matthias Tavel.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à rétablir le durcissement des sanctions en cas de récidive, en interdisant aux navires appartenant à la compagnie maritime en infraction d’accoster dans un port français, dès la troisième infraction constatée. Cette mesure, proposée par Matthias Tavel, avait été adoptée en première lecture. Le montant actuel de l’amende de la sanction pénale est largement insuffisant pour contraindre au respect des dispositions du texte.

M. Matthias Tavel (LFI - NUPES). Nous avons tous conscience de l’urgence qu’il y a à voter cette loi de police et nous savons que, si elle n’est pas votée d’ici à la semaine prochaine, le délai ne sera pas conforme à l’exigence de protection de la sécurité maritime et des marins français. Pour autant, la méthode est un peu cavalière. Nous travaillons à l’Assemblée la semaine prochaine, et le Gouvernement aurait pu avoir le courage d’exiger que le Sénat se réunisse pour une deuxième lecture, ce qui nous aurait permis de défendre un certain nombre de points adoptés en première lecture ou, à tout le moins, de travailler à faire converger les points de vue. Vous avez fait le choix de donner au Sénat le dernier mot, ce qui n’est pas tout à fait l’esprit de notre Constitution.

L’occasion est un peu manquée, parce que les sénateurs LR ont envoyé un mauvais signal de grande complaisance à l’égard des patrons voyous des mers, en supprimant l’interdiction d’accoster à la troisième infraction, en créant la possibilité de remplacer les amendes par un simple avertissement ou en supprimant le renforcement des sanctions pénales. Nous croyons, au contraire, que quand on a affaire à des sociétés comme DP World, la maison mère de P&O, qui fait plusieurs milliards d’euros de profit par an, il faut des sanctions extrêmement dissuasives et fermes, si l’on veut faire respecter les avancées du texte que sont la garantie de la parité du temps passé à bord et à terre, le respect du salaire minimum ou l’exclusion du registre international français, que le ministre a bien voulu reprendre parmi nos propositions.

Parce qu’il nous semblait trop limité, nous n’avions pas approuvé le texte en première lecture. Sans vouloir lui faire obstacle, nous aurions souhaité que son examen à l’Assemblée en deuxième lecture permette de le renforcer, afin qu’il contienne des sanctions réellement dissuasives.

M. le rapporteur. Il est vrai que nous avions introduit cette disposition en première lecture. En la rejetant, le Sénat, dans sa sagesse, a en réalité renforcé juridiquement le texte : il nous a alertés, en quelque sorte, sur le fait que cette mesure ne pouvait être retenue. D’abord, elle ne respecte pas les principes de proportionnalité et d’individualisation des peines. Ensuite, et surtout, la notion de troisième infraction serait une nouveauté en droit pénal.

Avis défavorable.

M. Sébastien Jumel (GDR - NUPES). D’abord, il peut arriver que l’addition des délits entraîne la perte d’un droit – le permis de conduire en est l’illustration. Ensuite, les sénateurs sont de droite : en bons libéraux, ils n’aiment pas adosser le non-respect de la loi à des sanctions, surtout lorsque celles-ci visent des entreprises. C’est dommage.

Si l’on veut que ce texte soit suivi d’effet, il faut que l’État se dote des moyens humains permettant de contrôler le respect des normes sociales dans les liaisons transmanche. Cela dit, un autre mécanisme de contrôle sera mis en œuvre : la surveillance par les marins et leurs organisations syndicales. Si, après deux infractions, P&O Ferries est à nouveau pris la main dans le sac, peut-être serons-nous conduits à organiser des manifestations dans les ports – autorisées ou non –, auxquelles nous assisterons avec nos écharpes tricolores, en liaison avec les organisations syndicales.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’important est que la loi produise des effets. Or cela suppose que les sanctions soient à la hauteur. En l’occurrence, nous vous proposons un mécanisme assez simple, qui inciterait vraiment les compagnies à respecter les règles. Je ne comprends donc pas l’avis négatif du rapporteur.

M. Jean-Luc Bourgeaux (LR). La droite ne refuse pas les sanctions par principe. L’enjeu, monsieur Jumel, est de faire en sorte que le texte puisse être appliqué. Nous voulons éviter d’adopter une disposition qui créerait une faille juridique. Certaines personnes sont à l’affût de telles erreurs : il ne faut pas prendre le risque de leur permettre d’attaquer le texte.

Celui-ci ne sera sans doute pas parfait, mais nous aurons eu le mérite d’agir. S’il présente des failles, nous serons suffisamment intelligents pour y revenir, tous ensemble, afin d’y remédier.

M. Matthias Tavel (LFI - NUPES). Mieux vaut prévenir que guérir. Si nous légiférons sur le sujet, c’est justement parce qu’il y avait des failles, ouvertes notamment à l’occasion du Brexit – mais le dumping social prospère aussi sur d’autres liaisons maritimes. Ce texte nous offre l’occasion de remédier au problème en imposant des sanctions dissuasives ; nous devrions nous en saisir.

Vous dites, monsieur le rapporteur, qu’il s’agit d’une première étape dans la stratégie du Gouvernement en matière de lutte contre le dumping social, mais nous avons du mal à discerner les suivantes. C’est aussi pour cette raison que nous déposerons de nouveau notre amendement en séance. D’abord, nous souhaitons marquer que l’Assemblée nationale avait adopté cette disposition en première lecture, ce qui signifie que certains collègues se déjugeront s’ils ne la votent pas de nouveau. Ensuite, et surtout, cela donnera au secrétaire d’État chargé de la mer l’occasion de nous exposer clairement les moyens qu’il entend déployer pour veiller à l’application de la loi et les mesures qu’il compte prendre ou proposer pour faire cesser le dumping social sur les liaisons transmanche, ainsi que sur l’ensemble des liaisons maritimes.

M. Pierrick Berteloot (RN). J’avais moi-même déposé en séance un amendement visant à interdire l’accostage des navires sous peine de sanctions.

Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que la mesure vous paraît disproportionnée. Force est pourtant de constater que le Royaume-Uni a adopté une disposition similaire. En confirmant le vote de la première lecture, nous serions donc à égalité avec lui. N’oublions pas qu’il est question de vies humaines et de sécurité en mer. Nous parlons des passagers et des marins empruntant le deuxième détroit le plus fréquenté au monde. Ces amendements ne me semblent donc pas disproportionnés. Si la disposition n’est pas adoptée et que les compagnies continuent à ne pas respecter la loi après son entrée en vigueur, c’est-à-dire à partir de janvier 2024, nous serons présents dans les terminaux du Calaisis, de la région de Dieppe et de toute la façade ouest.

M. le rapporteur. D’abord, le principe de proportionnalité des peines n’est ni de gauche ni de droite : il est d’ordre constitutionnel. Je ne souhaite pas que nous fragilisions juridiquement le texte.

Ensuite, ne vous méprenez pas : la proposition de loi augmente d’ores et déjà les sanctions pénales et crée de nouvelles sanctions administratives, notamment pour veiller au respect des obligations prévues à l’article 1er. Le régime pénal sera suffisamment répressif – bien plus, en tout état de cause, que dans les transports terrestres : les amendes pénales, par exemple, sont deux fois plus lourdes que celles prévues pour une infraction similaire. Lorsqu’une infraction sera commise par une personne morale – ce qui sera le cas dans les situations qui nous occupent –, le montant sera multiplié par cinq, et encore doublé en cas de récidive. Enfin, l’amende sera prononcée autant de fois qu’il y aura de salariés en infraction. Si ces amendements sont rejetés, ce n’est donc pas pour autant que nous ferons preuve de mansuétude ou qu’il n’y aura pas de sanctions.

Vous avez raison de rappeler que les Britanniques ont introduit une mesure semblable. Toutefois, la loi est construite différemment chez eux. Une large place est laissée à l’autorité portuaire : c’est elle qui décide si le bateau peut accoster ou pas et qui détermine la sanction. En revanche, ils ne prévoient pas d’amendes administratives ou pénales au sens où nous l’entendons.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS18 de M. David Guiraud.

M. Matthias Tavel (LFI - NUPES). Il s’agit, là encore, de rétablir le texte adopté en séance par l’Assemblée nationale. Nous proposons de supprimer la possibilité, introduite par le Sénat, de remplacer la première amende par un simple avertissement. En effet, une telle mesure manifeste une tolérance à l’égard de ces infractions. Or il n’y a pas lieu de faire preuve de mansuétude quand on exprime, comme nous le faisons tous ici, la volonté d’opposer une réponse ferme au dumping et de défendre les droits sociaux et la sécurité maritime. L’idée de donner un simple avertissement à des sociétés multinationales qui ont démontré, l’année dernière, le peu de cas qu’elles faisaient de leurs salariés, relève à tout le moins de la naïveté, sinon de la complaisance.

M. le rapporteur. La faculté d’adresser un avertissement existe déjà dans le code du travail en matière de sanctions administratives. Par ailleurs, cette disposition ne vise nullement à diminuer l’efficacité du texte : il s’agit de compléter l’éventail des possibilités et de graduer les peines en fonction des circonstances et de la gravité des faits. Enfin, l’avertissement n’est pas une étape obligatoire : en cas d’infraction grave, il est possible de prononcer directement une sanction.

Avis défavorable.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Nous comprenons que le texte doive être voté conforme mais il est dommage de rejeter un tel amendement. De mémoire, on compte un contrôleur pour 3 500 marins. Outre que le risque d’être pris en infraction est donc assez faible, un simple avertissement n’empêchera aucun navire de circuler encore deux ou trois ans sans être verbalisé.

M. Matthias Tavel (LFI - NUPES). L’avertissement est certes une simple possibilité mais nous savons tous qu’une telle disposition n’a de sens que si elle est utilisée. En l’occurrence, les bornes de l’avertissement sont franchies depuis longtemps et nous avons besoin de répression et de sanctions. En matière d’infractions au code du travail, l’avertissement est une première étape possible, mais vous n’avez manifestement pas la même politique pénale dans tous les domaines.

M. le rapporteur. Encore une fois, l’avertissement ne sera pas la règle. Le code du travail le prévoit dans le cadre de la proportionnalité des peines et il est impossible de ne pas en faire état. Un armateur qui ne respecterait franchement pas les dispositions de la loi ne recevrait pas un simple avertissement ! Si l’infraction est grave, une sanction lui sera appliquée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS13 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à informer les organisations syndicales représentatives de la marine marchande et du personnel portuaire des sanctions administratives prononcées à l’encontre de l’employeur ou de l’armateur.

La version actuelle du texte prévoit que l’autorité administrative qui prononce des sanctions informe le procureur de la République des suites données aux infractions constatées, mais ne prévoit pas de publicité des infractions constatées.

Afin de permettre aux organisations syndicales d’effectuer un suivi des infractions et, le cas échéant, d’accompagner les salariés concernés et de contribuer à une amélioration de la situation, il nous semble indispensable de les informer des infractions commises.

Cet amendement permettra aussi aux syndicats de connaître d’éventuels comportements systémiques frauduleux de la part de certains employeurs.

M. le rapporteur. Je suis convaincu que les organisations syndicales disposeront de ces informations. Compte tenu de la séparation constitutionnelle des pouvoirs, aucun pouvoir de suivi des infractions sanctionnées administrativement ne peut être confié aux partenaires sociaux dans quelque secteur d’activité que ce soit. De plus, le ministre s’est engagé à présenter à échéance précise un bilan des contrôles et des suites données devant le Conseil supérieur de la marine marchande, où siègent les organisations syndicales.

Avis défavorable.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Il ne s’agit pas d’organiser un suivi des sanctions mais d’informer les organisations syndicales. Le retour d’information auquel vous faites allusion est global, sans que les sanctions soient détaillées. Vous bottez en touche d’une manière qui est la limite de l’honnêteté intellectuelle.

M. le rapporteur. Vous n’avez certainement pas écouté ma réponse.

Les organisations syndicales siègent au Conseil supérieur de la marine marchande et le ministre s’est engagé à faire part à ce dernier d’un état précis des sanctions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS6 de Mme Claudia Rouaux.

Mme Claudia Rouaux (SOC). L’amendement vise à harmoniser le montant de l’amende administrative avec celui de l’amende prononcée dans le cadre du régime pénal des sanctions. En l’état du texte, les armateurs écoperaient d’une amende administrative moindre, de 4 000 euros par marin, que celle prononcée par le juge, qui est de 7 500 euros par marin.

M. le rapporteur. Nous avons déjà voté un régime de sanctions pénales ou administratives dissuasives et nous devons respecter le principe de proportionnalité des peines.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS8 de Mme Claudia Rouaux.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Dans l’hypothèse probable où ce texte serait voté conforme, il se passerait plusieurs mois entre sa promulgation et l’entrée en vigueur de l’article 1er, au 1er janvier 2024. Nous proposons de laisser au Gouvernement le soin de fixer cette date par décret, tout en garantissant qu’elle ne puisse être postérieure au 1er janvier 2024.

M. le rapporteur. Demande de retrait ou avis défavorable, votre amendement étant satisfait. L’alinéa 48 dispose en effet que l’article 1er entrera en vigueur le 1er janvier 2024.

Outre que j’ignore si un tel procédé législatif serait constitutionnel, je note qu’il est paradoxal de demander l’adoption d’un amendement qui interdirait tout vote conforme du texte, ce qui retarderait mécaniquement de plusieurs mois après le 1er janvier 2024 son application.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 1er non modifié.

Article 1er bis : Renforcement des sanctions pénales dans le cadre du dispositif de l’État d’accueil

La commission maintient la suppression de l’article 1er bis.

Article 1er ter : Création d’un régime de sanctions administratives dans le cadre du dispositif de l’État d’accueil

Amendement AS19 de M. Matthias Tavel.

M. Matthias Tavel (LFI - NUPES). Dans la logique des amendements précédemment défendus, nous proposons la suppression de l’avertissement et l’instauration de sanctions immédiates.

Si nous ne pouvons pas amender ce texte, ce n’est pas de notre faute mais de celle du Gouvernement, qui n’a pas voulu programmer une deuxième lecture au Sénat. Il s’agit d’une forme de « 49-3 sénatorial », qui interdit tout bon travail parlementaire.

M. le rapporteur. J’assume totalement la responsabilité de ce calendrier. Si j’avais été persuadé que le texte issu du Sénat ne correspondait pas aux valeurs que nous avons défendues en première lecture, je n’aurais pas demandé un vote conforme et nous aurions pris le temps de l’enrichir encore. Or, ce n’est pas le cas. Le texte, tel qu’issu du Sénat, est conforme à ce que nous souhaitions. Ce n’est pas un amendement comme celui-ci qui l’enrichirait ou le renforcerait.

Je répète que l’avertissement n’est qu’une possibilité inscrite dans le code du travail et qu’il n’y a aucune obligation à en passer d’abord par là. Les services de l’État en viendront directement aux sanctions si les infractions sont graves.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er ter non modifié.

Article 2 : Sanction de l’admission à bord de gens de mer ne disposant pas d’un certificat d’aptitude médicale établi à l’étranger valide

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Article 3 : Rapport sur l’état des pratiques relatives au dumping social sur les lignes régulières de ferries au sein de l’Union européenne

La commission maintient la suppression de l’article 3.

Article 4 : Rapport recensant les besoins humains et financiers des services en charge de l’inspection du travail maritime pour assurer leurs missions, notamment dans la lutte contre le phénomène de dumping social

Amendement AS7 de Mme Claudia Rouaux.

Mme Claudia Rouaux (SOC). En tant que corapporteure d’application de cette loi, je retire cet amendement. Avec M. le rapporteur, nous aurons l’occasion de vérifier si nous disposons des moyens suffisants permettant la bonne application du texte.

L’amendement est retiré.

La commission maintient la suppression de l’article 4.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

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Enfin, la commission statue, en application de l’article 148, alinéa 3, du Règlement, sur le classement de la pétition (n° 1067) du 20 octobre 2022 « Allongement de la durée du congé maternité » (M. Thibault Bazin, rapporteur).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Comme sous la précédente législature, le bureau de la commission a estimé que les pétitions ayant recueilli moins de 10 000 signatures en six mois seraient automatiquement considérées comme classées. Une pétition du 20 octobre 2022 portant sur l’allongement de la durée du congé maternité a recueilli plus de 40 000 signatures. Il revient donc à notre commission de se prononcer sur son classement, conformément aux dispositions de l’article 148, alinéa 3, du Règlement.

M. Thibault Bazin, rapporteur. C’est un exercice inédit pour notre commission puisque c’est la première fois que nous évoquions une pétition. En effet, les articles 147 à 151 de notre Règlement permettent à nos concitoyens d’appeler l’attention du Parlement par une pétition sur une évolution souhaitable du droit ou sur un sujet particulier. Depuis le 1er septembre 2019, les pétitions sont directement renvoyées à la commission compétente, qui peut décider de les examiner ou de les classer. La pétition que nous allons discuter ce matin, qui porte sur l’allongement du congé de maternité, a été renvoyée à notre commission. J’ai l’honneur d’en avoir été nommé rapporteur.

Je tiens avant tout à remercier son auteure, Mme Gwladys Anthoine, avec laquelle j’ai eu le plaisir d’échanger en amont de cette réunion de commission, pour son travail et son implication immenses qui portent beaucoup de fruits. La pétition a recueilli à ce jour plus de 44 100 signatures, c’est dire combien la question du congé de maternité préoccupe nos concitoyennes et nos concitoyens, et combien nous sommes attendus sur le sujet. La pétition présentée aborde la question de la faible durée du congé de maternité et requiert son allongement dans l’intérêt de l’enfant, de la mère et de la société.

En effet, aujourd’hui, le congé de maternité pour les deux premiers enfants est de seize semaines, avec un congé prénatal de six semaines et un congé postnatal de dix semaines. Il est de vingt‑six semaines à partir du troisième enfant. La France figure parmi les pays à durée relativement courte, avec l’Allemagne qui a quatorze semaines, la Belgique, le Portugal et la Slovénie ou encore l’Islande. À l’inverse, la République tchèque propose vingt‑huit semaines de congés, la Hongrie vingt‑quatre, l’Italie, cinq mois. Au Royaume-Uni, les mères peuvent prendre jusqu’à cinquante‑deux semaines de congé. De nombreux pays offrent quant à eux des congés parentaux avantageux, à l’instar de ce qui existe en Suède, qui offre la possibilité à la mère ou au père de prendre un congé de seize mois rémunéré à 80 % du salaire, dans la limite d’un plafond d’environ 2 500 euros par mois.

Or, alors même que notre congé de maternité est relativement court, le congé parental que nous proposons en France n’est pas satisfaisant. Ce congé est en effet très mal rémunéré et, par définition, pénalise aussi les familles de classes moyennes. Le montant net de la prestation partagée d’éducation de l’enfant, PreParE, est aujourd’hui seulement de 428,71 euros. En outre, la réforme de 2014, qui a vocation à améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes, en soumettant le fait de pouvoir bénéficier de cette prestation jusqu’à sa durée maximale au partage de la prestation entre le père et la mère constitue un véritable échec. La réforme a engendré une baisse du recours à cette prestation : 272 000 bénéficiaires fin 2018, soit 43 % de moins que les bénéficiaires de la précédente prestation en 2014. Par ailleurs, la part des pères dans la population percevant cette prestation n’est passée que de 3 % à 6,2 % entre 2014 et 2018 et leur nombre a même diminué en valeur.

Les modalités actuelles du congé de maternité et les nombreuses limites du congé parental – car l’auteure de la pétition a bien lié les deux questions lorsque nous l’avons auditionnée – impliquent dans la majorité des cas un retour de la mère au travail aux deux mois et demi de l’enfant, ce qui est une réalité que nous avons pu observer. La pétition que nous étudions aujourd’hui met l’accent sur les conséquences délétères de la faible durée du congé de maternité pour la santé de la mère et pour la santé de l’enfant.

S’agissant d’abord des enfants, il est aujourd’hui acquis que la présence parentale est fondamentale dans les premiers mois de la vie. Ainsi, comme l’indique le rapport sur les 1 000 premiers jours de l’enfant, largement évoqué dans notre commission, « il faut du temps et une grande proximité physique et affective pour que l’enfant s’attache solidement à ses parents tout en explorant son environnement et les possibilités qu’il offre. C’est en disposant de ce temps qu’ils pourront soutenir l’établissement d’un lien d’attachement sécure à leur enfant et accompagner au mieux son développement socio-émotionnel et cognitif. »

L’Inspection générale des affaires sociales, met quant à elle en garde contre les risques d’une sursollicitation liée à l’accueil collectif s’il intervient à trop jeune âge : réduction de l’attachement par enfant, réduction de l’interaction enfant/adulte, si le nombre d’enfants par adulte est plus élevé qu’au sein de la famille, interactions stressantes avec d’autres enfants.

La reprise du travail dans un délai très court après l’accouchement peut par ailleurs être dommageable pour la santé physique et mentale des mères. Deux mois et demi après l’accouchement, de nombreuses femmes sont dans un état de fatigue qui rend parfois très difficile la reprise d’une activité professionnelle. Un nombre très faible d’entre elles a par ailleurs eu le temps d’effectuer les rééducations prescrites à la suite de la naissance de l’enfant. La séparation avec l’enfant peut quant à elle être vécue de manière très douloureuse et de nombreux professionnels de santé signalent la multiplication de dépressions post-partum causées par cette séparation précoce.

S’agissant enfin de l’allaitement, largement évoqué lors de notre audition de l’auteure de la pétition, nous constatons là aussi des injonctions contradictoires pesant sur les mères. D’un côté, on n’a jamais autant vanté les vertus de l’enlèvement maternel et l’Organisation mondiale de la santé recommande ainsi d’allaiter au moins jusqu’aux six mois de l’enfant. De l’autre côté, la date précoce de reprise du travail induit une anticipation de la séparation et, de ce fait, un arrêt de l’allaitement en moyenne à sept semaines en France. Nous avons, je le crois, réalisé des progrès importants ces dernières années au sujet de la prise en compte des besoins de l’enfant et des parents dans les premiers mois après la naissance, sans toutefois être allés suffisamment loin : nous avons allongé le congé de paternité sans revoir la durée du congé de maternité, nous avons mis en place des dispositifs visant à détecter et mieux prendre en compte les dépressions post-partum, comme l’entretien postnatal systématique, mais nous ne sommes pas vraiment interrogés sur le lien entre le développement de ces maladies et la reprise précoce du travail. Encore une fois, les modalités et caractéristiques du congé de maternité relèvent de la santé publique. N’oublions pas que les indemnités journalières du congé de maternité sont prises en charge par la branche maladie.

La pétition dont nous discutons aujourd’hui pose donc un constat sans appel et c’est pourquoi je vous propose de ne pas la classer. Nous devons nous interroger véritablement sur cette question de la durée du congé proposé aux mères, qui pourrait passer soit par un allongement du congé de maternité, soit par une refonte du congé parental d’éducation, peut‑être une articulation des deux.

Je souhaite rappeler à cette occasion que nous avons déposé avec plusieurs membres de mon groupe une proposition de loi visant à offrir aux parents le choix entre un congé parental court de six mois à un an, mieux rémunéré, peut-être 67 % du salaire avec un plafonnement comme le propose l’Observatoire français des conjonctures économiques, et un congé parental long de trois ans avec une rémunération supérieure à celle offerte actuellement : la moitié du Smic au lieu du tiers, sur le modèle de ce qui existe dans de très nombreux pays. Nous devons également nous intéresser aux oubliés du système, comme mes mères qui sont à leur compte et pour lesquelles les conditions actuelles du congé de maternité ne sont pas nécessairement adaptées. J’ai encore échangé hier avec des kinésithérapeutes qui soulignaient cette problématique.

Je ne peux enfin m’empêcher de conclure que nous devons réfléchir collectivement au modèle de politique familiale que nous voulons promouvoir et à l’importance de rétablir son caractère universel, à un moment où le taux de natalité en France n’a jamais été aussi bas depuis la Libération.

Mme Prisca Thévenot (RE). Effectivement, nos concitoyens nous alertent et nous interpellent à très juste titre sur un sujet qui nous occupe énormément au sein de cette commission au travers des différents textes et sujets que nous avons pu étudier, notamment le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et de nos auditions, notamment hier celle de la ministre Isabelle Rome sur l’égalité femmes-hommes. Bien évidemment, l’enjeu du congé maternité, mais en réalité, beaucoup plus généralement l’enjeu du congé des parents pour accueillir l’arrivée d’un enfant, doit pouvoir nous préoccuper et nous interroger sur les différents axes d’amélioration, tant sur le temps, mais également effectivement sur les compensations financières et la mise en pratique, notamment dans la reprise du travail des uns et des autres, sont des points intéressants et à creuser.

C’est pour cette raison qu’à mon sens, plus globalement, nous devons considérer le congé parental dans sa globalité, puisque nous devons nous préoccuper aussi bien des mères que des pères. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, lors du quinquennat précédent, nous avons permis l’allongement du congé de paternité, parce qu’il en va aussi de l’égalité entre les femmes et les hommes, mais également de la capacité de ne pas nier l’importance du père dans l’accueil d’un nouvel enfant, ainsi que dans l’accompagnement de sa conjointe.

J’entends donc le souhait de ne pas classer cette pétition et je le comprends tout à fait sur la forme, puisqu’elle a recueilli plus de 40 000 signatures. L’enjeu auquel nous pouvons peut‑être répondre est de savoir si en l’état, nous pourrons étudier l’intégralité des sujets que vous avez évoqués à très juste titre, monsieur le rapporteur, et sur lesquels le groupe Renaissance vous rejoint.

Mme Katiana Levavasseur (RN). C’est une bonne chose que nous puissions discuter aujourd’hui de la possibilité d’allonger la durée de congé maternité. C’est une question qui revient depuis plusieurs années. Actuellement, le code du travail prévoit une durée de dix semaines de congés post-accouchement, ce qui signifie qu’à deux mois et demi de vie, la mère doit trouver un mode de garde pour son enfant et retourner travailler. Il est vrai qu’existe la possibilité de prendre un congé parental d’éducation. Toutefois, l’allocation est inférieure au RSA.

Par conséquent, de nombreuses mères se retrouvent dans l’obligation de reprendre une activité à plein temps et de confier leur enfant à un tiers alors qu’il n’a que quelques mois. L’enfant passe alors plus de temps avec cette personne qu’avec sa figure maternelle. Ces réalités soulèvent des inquiétudes légitimes quant à l’impact sur le bien-être des enfants, mais aussi celui des jeunes mères, d’autant qu’il faut prendre en compte la difficulté de trouver un mode de garde ou encore la question liée à l’allaitement qui, même s’il n’est pas pratiqué par toutes les femmes, est fortement entravé par le retour au travail de celles qui le pratiquent. Il est crucial de permettre à la mère et à l’enfant de nouer des liens solides sans la pression de la recherche ou d’un retour à l’emploi à peine quelques semaines après l’accouchement.

Aussi, un autre aspect de cette question est la baisse de la natalité à laquelle nous sommes confrontés dans notre pays et qui a des répercussions profondes sur notre société. Dans ce contexte, l’allongement de la durée de congé maternité a son importance, permettant aux femmes de profiter plus longtemps de leur enfant sans se soucier de contraintes liées au travail. Nous créons un environnement favorable à la maternité.

En prolongeant le congé maternité, nous investissons dans l’avenir de nos enfants et de notre société. Nous donnons aux femmes les moyens de prendre soin de leur santé, de tisser des liens solides avec leur enfant et de concilier plus sereinement leur vie professionnelle et familiale, favorisant ainsi leur épanouissement personnel et leur bien-être moral.

Vous l’aurez compris, le Rassemblement national est favorable à ce que la pétition puisse faire l’objet de débats à l’Assemblée.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). J’ai le sentiment qu’il y a un accord assez large pour estimer que cette pétition doit avoir une suite. Je pense que nous sommes toutes et tous d’accord sur le fait que dix semaines de congé maternité nous paraissent insuffisantes. Insuffisantes d’abord parce que la France a longtemps été en avance par rapport à d’autres pays européens, mais n’a pas suivi les évolutions législatives récentes chez nos voisins. C’est l’occasion de nous remettre au niveau et de le rattraper, d’autant plus qu’il existe des conventions internationales. Je pense à l’Organisation internationale du travail (OIT), dont la convention no 183 impose quatorze semaines de congé maternité. La France fait partie des pays qui ne l’ont pas ratifiée. C’est donc là l’occasion de nous mettre au niveau, et nous le savons toutes et tous, s’occuper d’un enfant est un vrai travail. On sait que le corps a besoin de repos dans ce moment de la vie pour la mère. On sait que les premières semaines de l’enfant sont importantes pour son éveil et aussi parce que c’est le moment où se nouent et s’organisent les relations affectives qui vont ensuite unir toute la vie, l’enfant ou les enfants, avec leurs parents.

Il n’empêche qu’il nous est possible de penser à aller un peu plus loin encore, notamment en réfléchissant au congé de l’autre parent, puisque nous savons là aussi que c’est un des facteurs déterminants pour la santé de la mère et notamment par rapport à la dépression post-partum, que d’avoir un autre parent en soutien pour ne pas être seul à devoir gérer l’enfance, sa vulnérabilité et être dans un moment où elle est dédiée intégralement, nuit et jour, 24 heures sur 24, à son enfant, sans pouvoir ni se reposer ni avoir même un peu de recul, un peu de moments de pause ou de paix dans sa propre existence. Nous observons donc un soutien donc à cette pétition, mais comme un premier pas vers le fait d’établir un congé parental de quatre mois pour les deux parents.

Mme Justine Gruet (LR). Je remercie également Mme Gwladys Anthoine pour l’initiative de cette pétition qui a du sens et qui montre, par le nombre de signataires, toute l’importance que nous avons à nous pencher sur cette question.

Tout d’abord, il s’agirait peut-être de proposer des modalités plus souples, puisque chaque couple s’organise en fonction de ses possibilités, afin de faire en sorte qu’il y ait plus de souplesse dans la répartition des temps de congés du père ou de la mère. Ensuite, cela reste une question sociétale primordiale dans l’éducation de nos enfants. Il faut que nous cherchions des pistes pour favoriser l’accueil des enfants et créer ce lien de confiance si précieux.

Je l’ai évoqué hier avec madame la ministre, s’agissant de l’arrivée d’un enfant en situation de handicap ; bien souvent, la mère est obligée de s’arrêter pendant plusieurs années puisqu’il n’y a pas de structure d’accueil avant les 4 ans de l’enfant. La réponse qui m’a été apportée tendait à créer plus de places de crèches, ce qui ne me paraissait pas adapté parce qu’on sait que selon le handicap, l’enfant ne peut pas forcément aller en crèche. On se retrouve alors dans une situation où les mères arrêtent leur activité. Les pères travaillent un petit peu plus. La fratrie, ou l’équilibre qui pouvait être mis en place, se trouve alors un peu déséquilibrée. Comment pourrions-nous mieux accompagner et peut-être plus longtemps ces mères qui se retrouvent avec un enfant en situation de handicap dans la fratrie ?

Les Républicains rejoignent bien évidemment la position de M. le rapporteur et saluent son travail sur ce sujet.

M. Philippe Vigier (Dem). Nous sommes au cœur des politiques familiales, et vous savez que notre groupe est extrêmement attaché à tout ce qui est relatif à la politique familiale, à tout ce qui peut resolidifier les liens familiaux. Avoir une natalité importante est d’ailleurs un des éléments d’attractivité de notre pays. Nous sommes l’un des premiers pays d’Europe, mais pour autant, nous avons perdu ces dernières années, il faut le dire malheureusement, cette capacité à continuer à accueillir toujours plus nombreux des enfants en France.

Rappelons l’allongement du congé pour la paternité à vingt‑huit jours sous le quinquennat précédent, qui est une avancée, me semble-t-il, essentielle. Pour nous, la politique familiale doit reposer sur les deux têtes, le père et la mère, ce qui a d’ailleurs été très bien souligné à l’instant par Hadrien Clouet : on ne peut pas laisser une femme seule accueillir un enfant, ce n’est pas toujours facile. Certains moments peuvent être compliqués dans le post‑partum. Le fait d’avoir quelqu’un qui est à vos côtés pour participer plus largement à l’éducation des enfants me paraît essentiel.

C’est la raison pour laquelle, nous souhaiterions pouvoir aborder ce sujet de la façon la plus large possible, avec toutes les implications que cela revêt d’une politique familiale. Il s’agit simplement de l’accueil des enfants ; mais de quelle manière accueillir ces enfants dans les crèches ? Comment obtenir les places ? Et en milieu rural ? Je suis pour ma part en milieu rural et observe les assistantes maternelles, et ce n’est pas simple.

Je prends cette pétition au bon sens du terme, comme une volonté selon laquelle les lanceurs d’alerte sont aussi là pour stimuler le travail parlementaire, pour nous tracer des chemins. Je crois que nous devons emprunter ces chemins, en tout cas au travers d’une mission, de quelque chose qui soit capable de nous réunir les uns et les autres. Si nous regardons bien, nous ne serons pas très éloignés les uns des autres pour faire en sorte que notre politique familiale soit plus attractive, plus protectrice pour les autres enfants et soit pour les parents, dans une visée d’accompagnement, plus forte.

M. Arthur Delaporte (SOC). C’est l’occasion de saluer ce processus de pétition qui nous permet d’amener des sujets dans le débat public. Avant de commenter le fond de ce texte, je salue le processus de ce cheminement démocratique qui amène les citoyens à s’intéresser à l’Assemblée nationale et qui ont des attentes à l’égard de leurs représentants. C’est pour moi l’occasion de préciser que je regrette que d’autres pétitions soumises par nos citoyens, qui avaient recueilli un grand nombre de signatures, aient été classées sans suite. Je pense par exemple à la pétition sur la Brav‑M classée sans suite, alors qu’il ne s’agit pas ici de faire la loi, mais d’introduire un débat qui préoccupe nos concitoyens au sein d’une commission, au sein de l’Assemblée, et donc renforcer le lien démocratique.

S’agissant de l’allongement du congé maternité, nous souscrivons évidemment à l’idée de débattre de ce sujet essentiel pour les droits des femmes évidemment, mais tout en élargissant l’objet de ce débat à la question du congé paternité. Vous l’avez souligné, le congé paternité a été doublé, passant de quatorze à vingt‑huit jours ; ce n’est pas un alignement contrairement à ce que nous évoquions tout à l’heure dans un grand nombre de pays d’Europe ; le nombre de jours obligatoires reste fixé à trois, ce qui pose évidemment problème puisque nombre de pères ne prennent pas leurs congés. Il faudrait de fait envisager d’aligner le nombre de jours obligatoires. En revanche, nous partageons pleinement cet objectif qui est celui de la pétition de s’aligner sur les voisins européens, notamment sur les mieux-disants. Il est par conséquent anormal que la responsabilité de la naissance du nouveau-né ne pèse que sur l’un des deux parents lorsqu’ils sont deux, et que dans l’immense majorité des cas, ce soit sur la mère.

Au demeurant, la pétition peut contenir des arguments que nous ne partageons pas forcément totalement, notamment sur l’allaitement, qui relève exclusivement du choix de la mère et qui ne doit pas interférer sur le nombre de jours de congés. Ce sera justement l’occasion du débat que de poser, de se positionner par rapport aux différents points de la pétition et même ceux que nous ne soutiendrions pas dans leur intégralité. Sachant que l’OIT préconise d’allonger le congé maternité à dix-huit semaines et qu’il est de seize semaines, nous sommes favorables à cet allongement avec l’harmonisation du congé paternel et un niveau de rémunération satisfaisant.

Nous avons là une question progressiste essentielle à laquelle nous devons répondre.

M. Paul Christophe (HOR). Rappelons que la plateforme des pétitions de l’Assemblée nationale permet aux citoyens de nous alerter en mobilisant plusieurs milliers d’individus sur un même sujet. Si sur la forme, la pétition de ce jour n’a pas encore atteint le seuil des 500 000 signataires pour envisager un débat en séance publique, elle méritait pour autant notre intérêt, souligné par le rapporteur.

Sur le fond, je regrette que la pétition soit uniquement centrée sur l’allongement de la durée du congé maternité et des difficultés du quotidien rencontrées par les femmes qui souhaitent allaiter, et ce, malgré l’importance de ces sujets. Je considère que l’ensemble des congés liés à l’arrivée d’un enfant pourrait faire l’objet d’une mission d’information de notre commission sur l’état actuel du droit, les conséquences des lois précédemment votées et les évolutions possibles pour faire progresser le lien par enfant, comme l’interroge le rapport de la commission des 1 000 premiers jours, ou encore l’égalité entre les femmes et les hommes au foyer comme au travail.

Il est une réalité incontestable : les femmes françaises ont aujourd’hui en moyenne 1,8 enfant. Le taux de fécondité est en baisse ces dernières années, et il s’agit là d’une tendance durable que nous constatons tous. Une enquête réalisée par l’Ifop et publiée fin septembre 2022 indiquait même qu’un tiers des femmes en âge de procréer ne voulaient pas avoir d’enfants. Ces changements profonds actuellement à l’œuvre pourraient être questionnés par exemple au moyen d’une mission d’information élargie. Nous devons écouter les aspirations de nos citoyens et citoyennes d’aujourd’hui et de demain et comprendre les différents freins existants à la parentalité.

En parallèle d’un bilan sur le congé maternité, nous pourrions aussi faire le bilan de l’allongement du congé de paternité rappelé par notre collègue Delaporte. Ce congé est passé de onze à vingt‑cinq jours ou trente‑deux jours en cas de naissance multiple. Cependant, seuls les premiers jours suivant la naissance d’un enfant doivent obligatoirement être posés. Afin d’étudier les évolutions possibles, il me semble légitime de reprendre les rapports déjà réalisés sur ces enjeux, comme celui de Marie-Pierre Rixain intitulé « Rendre effectif le congé maternité pour toutes » de 2018 ou encore le rapport présenté en 2023 par le Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, qui évoque, comme vous l’avez souligné, les difficultés pour les femmes françaises indépendantes et qui souhaitent se faire remplacer pendant leurs congés.

Vous l’aurez compris, l’idée d’une mission sur les enjeux liés aux congés alloués à la naissance d’un enfant me paraît utile, indépendamment de cette pétition que nous jugeons trop restrictive dans son champ et qui briderait finalement notre réflexion.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). La question qui nous est posée aujourd’hui est de savoir si nous classons ou pas cette demande d’étude sur le congé maternité. Aucun doute ne ressort à ce propos dans la mesure où il y a eu plusieurs milliers de signataires ; c’est un processus innovant, un procédé intéressant en matière de transmission entre les citoyens et le Parlement, qui apparaît parfois comme un peu séparé des aspirations des citoyens. Il y a absolument nécessité à étudier l’objet de cette pétition.

Sur le fond, le congé maternité est aujourd’hui essentiellement pensé comme quelque chose de l’ordre du repos du corps après la naissance d’un enfant. Nous pourrions très bien imaginer, et ce serait un progrès social, un progrès collectif, que le congé à la naissance d’un enfant soit perçu comme quelque chose de l’ordre de l’accueil du lien avec cet enfant et non pas seulement comme un repos du corps.

Pour cela, il faut penser la famille dans son ensemble et non pas seulement la mère, mais les parents, et donc avoir non seulement un temps long de congé avec les deux parents, mais en plus avoir la possibilité d’un congé seul du parent numéro 2, souvent le père, mais pas uniquement, pour que lui aussi soit en mesure d’accueillir l’enfant dans des conditions correctes.

Je suis favorable à l’étude de cette pétition, mais avec un élargissement de son sujet pour que ce soit un véritable progrès humain et non pas une politique nataliste de plus.

M. Paul Molac (LIOT). Je trouve que cette pétition est bienvenue et qu’il faut l’élargir par rapport au simple allongement du congé de maternité. Les personnes envisagent l’arrivée d’un enfant, mais parfois de façon différente ; certains veulent effectivement s’arrêter, d’autres peut-être, mais moins longtemps. Il est vrai que l’on a insisté sur le repos, mais dans les premiers temps, l’enfant ne fait pas ses nuits, ce qui peut effectivement être assez fatigant. Certains aspects sont donc d’ordre biologique et viennent quelquefois complètement désorganiser l’organisation de la maison. Il n’est pas toujours effectivement aisé de trouver ses marques, je le comprends bien. Il serait de fait judicieux de repenser le congé paternité, le congé maternité, de tenir compte des souhaits des uns et des autres, parce que je crois qu’il est aussi important d’avoir finalement quelque chose à géométrie variable, afin de s’adapter tout simplement.

On a souvent comparé le nombre d’enfants par femme en France par rapport à d’autres pays comme l’Italie ou l’Allemagne, en disant que finalement, la façon dont on s’organisait permettait d’avoir un taux de natalité plus élevé. Je crois qu’il est bon aujourd’hui de nous reposer la question de savoir si finalement, notre organisation globale est au service des enfants, des parents et de la fonction d’avoir des enfants.

Mme Caroline Janvier (RE). Autant je trouve un intérêt à ce que nous regardions avec attention à la fois les sujets et le nombre de signataires de cet outil de pétition, autant je crois qu’il y a ensuite un choix politique à faire sur ce que nous estimons prioritaire parmi les nombreux sujets que nous avons examinés au sein de cette commission.

Or, je ne suis pas en phase avec la façon dont est présenté ce sujet et qui réduit plutôt la parentalité à la seule mère, avec la question du lien mère-enfant. Qu’en est-il du lien père‑enfant, qui invoque encore une fois la question du congé maternité, alors même que l’on sait que la question du congé paternité est une vraie réponse pour remédier à cette asymétrie dans le partage des tâches ?

Pour ma part, je ne suis pas favorable à ce que nous nous examinions cette pétition et je suis plutôt favorable à la classer.

M. le rapporteur. Je vais me permettre de me faire un peu l’écho de l’auteure de la pétition, car j’ai eu les mêmes questionnements que vous et les mêmes inquiétudes sur le libellé du texte. En échangeant avec l’auteure de la pétition, celle-ci m’a confié avoir écrit le texte assez rapidement. Pour répondre à Arthur Delaporte qui affirme que l’allaitement ne doit pas interférer sur le nombre de jours de congés, Gwladys Anthoine mentionnait l’allaitement comme un des éléments, car des difficultés propres à chaque personne surviennent parfois.

Paul Christophe, dont je connais l’attachement aux questions familiales, déclare que c’est restrictif, qu’il faudrait envisager l’ensemble des congés tout de suite. Lorsque nous l’avons auditionnée, elle a abordé les autres congés en soulevant l’articulation entre les deux. Elle portait de fait cette inquiétude légitime que nous avions également.

Paul Molac souhaite l’élargir, d’une certaine manière ; elle-même l’élargissait très vite dans son propos.

Caroline Janvier souligne que la parentalité est réduite à la seule mère ; l’auteur de la pétition associait très vite les pères dans ses propos. Il convenait de préciser en réalité ce qu’elle attendait très concrètement, et ce qu’elle visait puisqu’elle citait plusieurs exemples, plusieurs cas.

Cette pétition en réalité attire l’attention. Il ne s’agit pas d’une proposition de loi. Nous nous confrontons à un exercice assez inédit. L’idée n’est pas de l’examiner comme une transformation en proposition de loi. La considérons-nous et la laissons-nous prospérer d’une certaine manière et potentiellement continuer à exister sur la plateforme ou la classons-nous ?

C’est pour cette raison que l’exercice de la pétition s’arrête ici d’une certaine manière, sauf à y revenir lors d’une prochaine réunion du bureau de la commission, peut-être en vue d’une mission élargie dans un périmètre élargi. Quand je vous propose de ne pas la classer, il s’agit plutôt de considérer la thématique, de la laisser vivre, de considérer ses préoccupations : je préfère le préciser à ce moment de manière à ce que cela ne soit pas mal compris.

Prisca Thevenot a utilisé des mots que j’ai trouvés très beaux, en évoquant notamment l’importance du père.

Katiana Levavasseur a évoqué la question du bien-être de l’avenir de nos enfants.

Lors de l’intervention de Hadrien Clouet, et je l’ignorais, j’ai appris que l’OIT préconisait quatorze semaines. Nous ressortons nourris de nos échanges.

Justine Gruet a vraiment raison lorsqu’elle évoque la demande de plus de souplesse, ce qui est également revenu des échanges, les liens de confiance. Je retiens également la question de la spécificité, qui doit aussi nous occuper, sur les enfants en situation de handicap avec cette articulation, et Paul Christophe y a beaucoup travaillé, quand tout un coup, une maladie apparaît. Une spécificité ressort donc dès la naissance ou dans les premiers mois de la vie, avec des difficultés. Comment articuler ces aspects ? Ce peut être dans le champ de la mission.

Philippe Vigier a évoqué l’enjeu de solidifier les liens familiaux et que la natalité participait à l’attractivité du pays. Il a surtout posé une question centrale quand on réfléchit à la mise en place du service public de la petite enfance : comment aider en milieu rural ?

À travers cette thématique se pose également une question territoriale qui, à mon avis, est très intéressante.

Le « comment » est peut-être le plus difficile. Je pense à la notion de rendre effectif évoquée par Paul Christophe. On crée parfois des droits qui ne sont pas utilisés, ainsi que le congé parental.

Arthur Delaporte a évoqué les trois jours ; nous en sommes actuellement à sept. Ce sont en réalité quatre jours obligatoires après le congé naissance de trois jours.

Sandrine Rousseau, à certains moments, évoquait la notion du repos du corps et le témoignage faisait ressortir cette vraie préoccupation, notamment sur la rééducation du périnée qui n’était pas forcément faite dans les temps ainsi qu’un certain nombre de prescriptions. Nous avons le souci de la prévention, question qui doit véritablement être portée dans l’articulation. De quelle manière pourrions-nous construire ces différents éléments de façon cohérente entre nos différentes préconisations ?

Je n’utilise certes pas les mêmes mots, nous avons parfois des désaccords sémantiques, mais je ne vais pas lancer le débat. Vous connaissez mon attachement à la politique nataliste. Je ne considère pas qu’il y a un parent ; il y a les parents, il n’y en a pas un ou deux.

La notion de souplesse évoquée par Justine Gruet renvoie à la notion de Paul Molac de s’adapter et c’est finalement là l’intérêt de la mission. On raisonne souvent en tuyaux d’orgue entre les différentes branches et entre les différentes politiques publiques. C’est peut-être là l’intérêt de cette mission qui pourrait être envisagée : comment s’adapter, y compris aux nouvelles réalités, et en nous réinterrogeant ?

La question de l’allocation des moyens évoqués par Caroline Janvier est peut-être la plus dure, celle qui est prioritaire. C’est une vraie question. Qu’est-ce qui va permettre à la fois de rendre effectifs ces congés et de corriger un certain nombre d’injustices ? Les indépendants ont été évoqués par un certain nombre de personnes ; nous constatons bien des oubliés. Pour les médecins, par exemple, ce qui va dans le bon sens, on a oublié, en tant que législateur, de le prévoir pour un certain nombre d’autres professionnels. Ce sujet revient quoi qu’il en soit.

Nous n’étions pas encore élus à cette époque. J’espère avoir répondu à chacune des interventions et je remercie vraiment le bureau de m’avoir fait confiance pour un sujet qui nous passionne. Nous aurons plaisir à continuer sous une autre forme.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous avons bien fait de vous faire confiance, monsieur le rapporteur, au regard de la présentation de la pétition, mais également de la qualité des réponses.

Mme Prisca Thevenot (RE). Dans mon premier propos, je ne l’ai absolument pas donné la position du groupe, mais je vous ai questionné, monsieur le rapporteur. Au regard des réponses apportées, le groupe Renaissance est favorable à laisser vivre cette pétition, dans la démarche de venir la compléter par une mission plus globale avec l’ensemble des éléments qui ont été apportés de part et d’autre aujourd’hui par les collègues.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Cette pétition sera à l’ordre du jour du prochain du prochain bureau de la commission. J’ai bien sûr pris note à l’unanimité de cette demande de mission, qui est d’une certaine façon transpartisane puisque la demande émane de tous les groupes.

En application des dispositions de l’article 148, alinéa 3, du Règlement, la commission décide de ne pas classer la pétition.

Mme la présidente Fadila Khattabi. En application des dispositions de l’article 148, alinéa 4, du Règlement, un rapport reproduisant le texte de la pétition ainsi que le compte rendu de ces débats sera publié.

La séance est levée à douze heures vingt.

Informations relatives à la commission

 

La commission a désigné :

 M. Marc Ferracci et M. Paul Christophe rapporteurs du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour le plein emploi, adopté par le Sénat (n° 1528) ;

 Mme Claudia Rouaux corapporteure d’application de la proposition de loi visant à lutte contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime (n° 1439) ;

 M. Guillaume Garot corapporteur d’application de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (n° 1175).

 

 


Présences en réunion

Présents.  M. Thibault Bazin, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Victor Catteau, M. Hadrien Clouet, M. Mickaël Cosson, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Olivier Falorni, M. Marc Ferracci, Mme Caroline Fiat, M. Thierry Frappé, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Servane Hugues, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Laure Lavalette, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Katiana Levavasseur, Mme Christine Loir, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Paul Molac, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Maud Petit, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, Mme Claudia Rouaux, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Freddy Sertin, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, M. Philippe Vigier, M. Alexandre Vincendet, M. Stéphane Viry

Excusés.  Mme Josiane Corneloup, M. Yannick Monnet, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist

Assistaient également à la réunion.  M. Pierrick Berteloot, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Josso, M. Sébastien Jumel, M. Matthias Tavel